GB.271/6 |
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SIXIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Rapport et conclusions de la douzième Réunion régionale asienne
(Bangkok, 9-11 décembre 1997)
Introduction
1. La douzième Réunion régionale asienne de l'OIT s'est tenue à Bangkok (Thaïlande) du 9 au 11 décembre 1997.
2. Elle a réuni 212 délégués et conseillers de 36 pays, dont 118 représentants des gouvernements -- parmi lesquels 25 ministres --, 36 représentants des employeurs et 58 représentants des travailleurs; les représentants de 11 organisations internationales intergouvernementales, de 9 organisations internationales non gouvernementales et d'un mouvement de libération y ont également assisté.
3. Conformément à la décision prise par le Conseil d'administration à sa 264e session (novembre 1995), l'ordre du jour ne comportait qu'une seule question relative aux activités de l'OIT dans la région(1) .
4. Les participants ont élu à l'unanimité M. Veerendra Kumar, ministre du Travail de l'Inde, à la présidence, et MM. Saleh Al-Khassawneh (délégué gouvernemental, Jordanie), Bryan Noakes (employeur, Australie) et Sukesada Ito (travailleur, Japon) à la vice-présidence. Avant l'ouverture de la discussion en séance plénière, ils ont entendu les allocutions du Secrétaire général et de M. Veerendra Kumar. Le Secrétaire général adjoint a répondu aux discussions plénières à la clôture de la réunion.
5. Dans sa déclaration liminaire, le Secrétaire général a jugé essentiel que l'OIT prenne la direction des programmes et activités régionaux arrêtés au cours de la réunion. Alors que la région connaissait jusqu'à une date récente des taux de croissance économique exceptionnellement élevés assortis d'une réduction de la pauvreté, d'une forte croissance de l'emploi et d'une hausse des salaires réels, la soudaine crise économique, si elle n'est pas jugulée rapidement, risque d'être très défavorable à l'emploi et au bien-être des travailleurs. Les conséquences sociales d'une envolée du chômage pourraient être catastrophiques compte tenu de la fragilité de la plupart des systèmes de protection sociale de la région. Il serait par conséquent souhaitable d'envisager les moyens de régler ces problèmes en prenant des mesures dans le domaine social et dans celui du travail sans relâcher les efforts contre le travail forcé et le travail des enfants. Le plein respect de la liberté syndicale et du droit de négociation collective constitue contre l'aggravation excessive des inégalités et l'effritement des normes du travail un rempart qui doit reposer sur un mouvement syndical fort et pleinement habilité à défendre les intérêts des travailleurs par la négociation collective. Les événements survenus récemment en Asie et dans d'autres régions montrent bien que l'OIT doit remettre à plat ses activités de normalisation et les adapter au nouveau contexte de l'économie mondialisée. La campagne de ratification des normes du travail fondamentales de l'OIT a remporté jusqu'à ce jour un franc succès. On s'est toutefois demandé comment faire respecter ces instruments tant que l'on ne sera pas parvenu à leur ratification universelle. Un des moyens consisterait à adopter une déclaration solennelle de l'OIT sur les principes fondamentaux et un mécanisme de suivi approprié. A sa 270e session (novembre 1997), le Conseil d'administration a décidé d'inscrire à l'ordre du jour de la 86e session (1998) de la Conférence internationale du Travail une question supplémentaire relative à l'examen d'une éventuelle déclaration de l'OIT sur les principes fondamentaux et de son mécanisme de suivi, et il a déclaré souscrire très largement à l'idée de mener activement des consultations à propos d'une éventuelle déclaration solennelle; le Secrétaire général a indiqué que le Bureau veillerait à ce qu'il soit tenu compte de l'opinion des mandants de l'OIT des diverses régions et des différents groupes. Enfin, il a fait état des importants besoins de la région dans le domaine de la coopération technique: le Bureau est prêt à renforcer ses activités dans le cadre de la politique de partenariat actif, qui vise à fournir rapidement des conseils et une assistance de qualité; il a par ailleurs renforcé ses services par l'intermédiaire des équipes multidisciplinaires. La Réunion régionale asienne contribuera largement à préserver la pertinence et l'utilité de l'action de l'OIT dans un monde en pleine mutation.
6. Prenant la parole, M. Veerendra Kumar a appelé l'attention sur la technologie de l'information, la libéralisation des échanges, la privatisation et la mondialisation des marchés, qui influent notablement sur la nature et l'organisation du travail et sur les conditions de travail. L'inquiétude et la crainte sont alimentées par le chômage, l'endettement et la marginalisation progressive des plus pauvres due à la diminution des salaires réels. Les chômeurs et les expatriés sont de plus en plus nombreux. Le renforcement des inégalités dans la répartition des revenus et des richesses fait désormais partie intégrante du processus de mondialisation. Les accords commerciaux récemment conclus ont favorisé l'afflux des capitaux, des techniques et des investissements étrangers directs, mais pas la libre circulation des travailleurs. Le problème des travailleurs migrants doit faire l'objet d'une coordination et être réglé de façon plus humaine. Face aux mutations du monde du travail, l'Etat et les marchés doivent œuvrer de concert à l'avènement d'un climat de paix et d'harmonie sociales propice au développement et caractérisé par la création plus rapide et pacifique de richesses et leur répartition équitable entre toutes les catégories sociales. La participation des travailleurs à la gestion, de la base au sommet, l'actionnariat ouvrier, le partage des bénéfices, le règlement plus rapide des différends, la prévention et le règlement des conflits du travail et un plus grand respect de la législation du travail par la réorientation et la sensibilisation des organes chargés de veiller à l'application des dispositions pertinentes devraient constituer les grands traits de cette initiative commune de l'Etat et des marchés destinée à transformer la politique en matière de relations professionnelles. Les pays doivent s'intéresser davantage à la formation professionnelle et au perfectionnement des travailleurs non qualifiés ou semi-qualifiés pour leur faciliter l'accès au marché du travail. Ils doivent aussi réfléchir à l'infortune des travailleurs licenciés et aux conséquences des nouvelles formes d'emploi (contrats à durée déterminée, précarisation, etc.). Les participants doivent examiner la situation sociale, économique et culturelle de la région et la nécessité d'élaborer des politiques, programmes et stratégies adaptés. Il est évident qu'en dépit de la création de l'Organisation mondiale du commerce les politiques commerciales néoprotectionnistes appliquées depuis peu dans plusieurs régions du monde risquent aujourd'hui de réduire l'avantage relatif lié au faible coût du travail. L'OIT devrait promouvoir les normes du travail conformément à sa Constitution et les considérer comme des jalons sur la voie du développement, tout en reconnaissant pleinement les problèmes que pose leur application dans les pays en développement.
Examen du rapport du Directeur général
7. S'exprimant au nom du groupe des employeurs, M. Suzuki a déclaré que de nombreux pays asiatiques sont actuellement touchés par une crise financière qui a provoqué un ralentissement de la croissance économique, une hausse du chômage et du sous-emploi et un creusement des déficits budgétaires. Les pays de la région doivent s'efforcer d'accéder au statut d'«excellence», qui exige un équilibre optimal entre les diverses composantes de la politique économique (croissance, création d'emplois, stabilité des prix et balance des paiements) et mettre en œuvre des politiques appropriées en matière de sécurité sociale, d'enseignement et de formation. Le statut d'«excellence» passe par l'élaboration transparente des politiques et la participation active des organisations d'employeurs et de travailleurs, ainsi que par des méthodes de travail efficaces reposant sur les valeurs fondamentales que sont la confiance, l'harmonie et la coopération.
8. S'exprimant au nom du groupe des travailleurs, M. Ito a appelé l'attention sur la nécessité de miser sur les ressources humaines dans une économie en cours de mondialisation. Les travailleurs doivent bénéficier d'une éducation et d'une formation adaptées au niveau de développement économique et technique de leur pays si l'on veut éviter l'exclusion sociale. Le développement des ressources humaines prend du temps et coûte cher, mais c'est un investissement indispensable à long terme pour éliminer la pauvreté. L'orateur a mis l'accent sur la réticence des pays à ratifier les conventions pertinentes en matière de sécurité et de santé et sur la méconnaissance de ces questions de la part des employeurs. L'instauration de comités de sécurité et de santé dans les entreprises permettrait de pénétrer les esprits de la nécessité de prendre des mesures destinées à promouvoir la sécurité et la santé au travail. A propos des conventions fondamentales de l'OIT, il a déclaré que, pour certains dirigeants de la région, les conventions internationales sont ancrées dans la culture occidentale, mais il s'est fait l'avocat de l'application universelle des normes fondamentales de l'OIT. Il a appelé les mandants de l'OIT à promouvoir leur ratification en vue de garantir les droits de l'homme fondamentaux, d'éliminer la discrimination et de promouvoir une répartition équitable des fruits du développement économique.
9. On trouvera ci-après un résumé des principaux arguments développés au cours de la discussion en séance plénière et de l'échange de vues qui s'en est suivi au sujet des points suggérés pour la discussion dans le rapport du Directeur général. Les conclusions adoptées par la réunion sont reproduites en annexe.
Faits nouveaux dans le domaine économique et emploi
10. Plusieurs gouvernements ont communiqué des informations sur les progrès réalisés depuis plusieurs années par leur pays dans les domaines économique, social, législatif et institutionnel, tout en soulignant les problèmes qui demandent encore à être réglés. Certains gouvernements et représentants des employeurs et des travailleurs ont dit que la crise monétaire et boursière qui a touché la plupart des pays d'Asie du Sud-Est et de l'Est risque d'aggraver le chômage et la pauvreté, de mettre à mal leurs fragiles systèmes de protection sociale et de remettre en cause la récente libéralisation des courants d'échanges et des flux financiers. Toutefois, beaucoup sont persuadés qu'en prenant des mesures propres à faciliter l'adaptation aux nouvelles conditions l'Asie conservera des taux de croissance économique élevés.
11. Même si la région a réussi à transformer la croissance économique en emplois, de nombreux intervenants se sont inquiétés de l'inégale répartition des fruits de la croissance économique. La promotion de l'emploi reste prioritaire. Les campagnes méritent qu'on leur accorde une attention toute particulière, et certains ont proposé, pour permettre à leurs habitants de participer, au niveau de la base, au développement économique, un mode de développement rural à fort coefficient de main-d'œuvre.
12. On a fait observer que la structure de l'emploi est en plein bouleversement. Le redimensionnement du secteur public dans les économies en transition notamment a mis en évidence la contribution du secteur privé et du secteur non structuré à la création d'emplois. Les délégués des employeurs ont souligné le rôle du premier dans la promotion de l'emploi et ont demandé instamment que la participation des organisations d'employeurs à ce processus soit encouragée.
13. L'emploi des handicapés pourrait être facilité par des allégements fiscaux, l'aménagement des lieux de travail et d'autres aides. Le succès de telles initiatives, qui permettent aux demandeurs d'emploi handicapés de trouver du travail, montre comment des mesures adaptées peuvent favoriser l'emploi des personnes défavorisées en général.
14. Quelques intervenants ont exprimé la crainte que l'investissement étranger dans les pays de la région ne crée pas nécessairement des emplois, surtout lorsqu'il fait largement appel à la technologie.
15. De nombreux délégués ont souhaité une collaboration multilatérale régionale sur les questions d'emploi compte tenu de l'interdépendance des marchés du travail des différents pays de la région. Le rôle de l'OIT dans la promotion de cette collaboration a été souligné. La confrontation des expériences dans le domaine de la création d'emplois permettrait aux pays d'apprendre les uns des autres et de régler leurs problèmes.
16. Certains intervenants ont dit que la mondialisation des échanges et des relations professionnelles risque de creuser encore l'écart qui sépare les pays industrialisés des pays en développement ou, en l'absence de normes, d'entraîner une remise en cause des droits des travailleurs et l'aggravation des conditions de travail. Pour cette raison, plusieurs délégués ont souhaité une réglementation du marché mondial passant par le respect des normes internationales du travail afin d'atténuer les effets néfastes de la mondialisation sur les droits des travailleurs, de promouvoir et préserver la justice sociale et de lier le développement économique au progrès social. En revanche, d'autres se sont prononcés pour une déréglementation accrue et un soutien plus net à l'initiative privée afin de promouvoir l'emploi et de mettre un terme au ralentissement de l'activité économique dû à l'actuelle crise financière.
17. La formation et le recyclage systématiques au niveau de l'entreprise grâce à des fonds prévus à cet effet figurent parmi les moyens proposés pour régler le problème de la précarité de l'emploi causé par la mondialisation et la libéralisation. Une syndicalisation accrue des travailleurs permettrait de mieux les protéger dans le contexte actuel de déréglementation.
18. Plusieurs intervenants ont opposé la libre circulation des biens et des services aux restrictions qui continuent de peser sur le mouvement syndical international et se sont prononcés pour une manière plus libérale d'aborder la question des migrations.
La pauvreté
19. De nombreux orateurs ont souligné la gravité du problème dans la région et la nécessité de distinguer les problèmes liés à la pauvreté urbaine et ceux liés à la pauvreté rurale. Les programmes de réforme structurelle ont favorisé la croissance macroéconomique, mais ils ont aggravé la pauvreté et le chômage et la situation des personnes qui en souffrent.
20. Certains délégués ont fait observer que la croissance économique n'a pas fait disparaître la pauvreté et que des mesures directes s'imposent si l'on veut qu'elle profite aux personnes défavorisées. Quelques orateurs ont prôné un juste équilibre entre croissance et équité pour que la croissance économique contribue à l'atténuation de la pauvreté. D'autres ont déclaré que la crise économique et financière du moment est préjudiciable à l'emploi et à la lutte contre la pauvreté, mais qu'elle ouvre en revanche la voie à des politiques sociales et économiques novatrices propres à garantir un développement soutenu et équitable à long terme.
21. Plusieurs orateurs ont proposé une série d'initiatives destinées à atténuer la pauvreté, par le biais notamment d'une planification économique plus efficace et de l'accroissement des investissements consacrés au développement des ressources humaines, tant au niveau national qu'à celui de l'entreprise. La lutte contre la pauvreté serait facilitée par le renforcement de la collaboration entre les gouvernements et les partenaires sociaux, le respect des normes internationales du travail et l'amélioration de la compétitivité. L'accent a été mis également sur la promotion de l'emploi par la création d'un climat propice à l'investissement; les délégués ont été nombreux à dire que la croissance économique et l'emploi productif sont les meilleures armes dans ce domaine et que la réalisation des objectifs en matière de croissance nécessite le soutien des trois partenaires.
22. Les activités de coopération technique menées par l'OIT dans la région en matière d'atténuation de la pauvreté, d'amélioration des conditions de vie et de promotion de l'emploi sont très appréciées, mais les délégués souhaiteraient un renforcement de l'assistance. De nombreux orateurs ont exhorté l'OIT à faire de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille en Asie et dans le Pacifique et à favoriser la coopération entre les pays de la région dans ce domaine et dans celui de la promotion de l'emploi.
Mise en valeur des ressources humaines
23. De nombreux orateurs ont souligné la nécessité de mettre davantage l'accent sur l'investissement humain, considéré comme l'un des moyens essentiels d'assurer la croissance de la région, particulièrement dans le climat économique actuel. Il est proposé que la réunion recommande le renforcement de l'intégration des politiques sociales et économiques.
24. L'engagement général a été pris de maintenir un enseignement et une formation publics, tout en rappelant que cet enseignement et cette formation doivent s'améliorer, tant en ce qui concerne la qualité que l'adaptation aux besoins du marché du travail. On a également estimé qu'il était plus rentable à long terme pour les pays d'assurer la formation de leurs ressortissants que de faire appel à des travailleurs qualifiés étrangers. On a considéré en outre que l'accès universel à l'enseignement primaire était important en tant que tel, et plus encore en tant que base du perfectionnement. Il a été cependant reconnu que des efforts restaient à faire à cet égard dans de nombreux pays. Par ailleurs, on a estimé qu'il fallait accorder une priorité absolue aux politiques de mise en valeur des ressources humaines destinées à satisfaire les besoins des groupes les plus vulnérables, qui sont ceux qui risquent le plus d'être touchés par la crise économique de la région. L'égalité d'accès des femmes à l'enseignement et à la formation a été jugée particulièrement importante.
25. Plusieurs délégués se sont dits préoccupés des effets négatifs que risque de présenter la mondialisation. Les travailleurs non qualifiés étant les plus vulnérables, il a été proposé d'adopter des mesures de mis en valeur des ressources humaines pour supprimer ces effets ainsi que ceux résultant des nouvelles technologies. Nombre de participants ont également souligné la nécessité de mettre davantage l'accent sur la formation des travailleurs. On a jugé que les qualifications permettaient aux travailleurs de choisir leur emploi avec davantage d'indépendance tout en leur assurant une certaine protection lorsque le marché du travail est tendu; aussi la concurrence entre les pays devrait-elle se fonder sur la qualité des travailleurs qualifiés, et non sur le niveau des rémunérations. Il apparaît que la participation des organisations de travailleurs et d'employeurs à l'élaboration des politiques et programmes nationaux de mise en valeur des ressources humaines contribue de manière particulièrement importante à l'adaptation des qualifications aux besoins du marché du travail. On a également souligné que la participation des partenaires sociaux était essentielle au renforcement de l'avantage compétitif des pays membres. On a appelé l'attention sur le rôle important que jouent les employeurs en tant que source principale de la formation continue des travailleurs. Le délégué des travailleurs de Singapour a exposé une initiative intéressante prise par le Congrès national des syndicats de Singapour, avec l'appui du gouvernement, pour créer son programme de réaménagement des compétences. L'un des objectifs clés de ce programme est d'offrir une formation aux travailleurs vulnérables: travailleurs âgés ou peu qualifiés, chômeurs effectifs ou potentiels, etc. Un certain nombre d'orateurs, en particulier ceux qui représentent les pays en transition, ont souligné les difficultés qu'entraîne une réforme de leurs systèmes de formation visant à la fois à résoudre le problème des travailleurs excédentaires et à répondre aux besoins de main-d'œuvre qualifiée des industries de pointe. Avec la réduction progressive de l'activité des entreprises d'Etat dans différents pays, la formation de reconversion est jugée particulièrement importante. Un thème fréquemment abordé est celui de la nécessité de disposer d'une main-d'œuvre extrêmement flexible et adaptable pour répondre aux défis des nouvelles technologies et au renforcement de la concurrence dû à la mondialisation. Au sujet de la mise en valeur des ressources humaines, nombre de pays ont souligné la nécessité de mieux adapter l'enseignement et la formation aux besoins de l'entreprise.
26. De nombreux participants ont signalé que les efforts entrepris par les pays pour accroître la productivité et stimuler la croissance économique se heurtaient à la faiblesse de l'infrastructure et des moyens consacrés à la mise en valeur des ressources humaines. Il a été proposé d'accroître l'assistance technique de l'OIT sur ce point, et plus généralement dans les domaines liés au travail. Il a été proposé également de partager les ressources et les moyens de formation entre pays membres.
Relations professionnelles et tripartisme
27. Les orateurs ont noté que la région restait caractérisée par la faiblesse relative de ses organisations d'employeurs et de travailleurs. Nombre d'entre eux ont appelé l'attention sur la nécessité de renforcer l'organisation et la négociation collectives. En premier lieu, alors que la mondialisation a fortement stimulé l'emploi dans la région, cette progression s'est accompagnée d'un creusement des inégalités et d'une détérioration de la sécurité de l'emploi. En second lieu, la récession économique qui a frappé récemment de nombreux pays de la région a fait apparaître les problèmes nouveaux que sont les pertes d'emplois et l'insuffisance de la protection de l'emploi et des revenus. Plusieurs orateurs ont noté que le maintien de la croissance économique dans une économie mondiale de plus en plus ouverte et de plus en plus compétitive sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur exigeait la stabilité sociale. De bonnes relations professionnelles et de solides organisations d'employeurs et de travailleurs contribuent à cette stabilité.
28. L'expansion de la démocratie a permis d'édifier et de renforcer les relations tripartites; à ce sujet, certains orateurs voient dans le tripartisme non seulement l'expression du droit démocratique de participer à la société civile, mais aussi un outil servant à renforcer ce droit et à créer un consensus social. Le tripartisme aide à accroître la transparence des décisions politiques; il constitue en effet un moyen d'institutionnaliser la solution des conflits qui risquent de se poser en période de ralentissement de la croissance et de pertes d'emplois, ainsi que de mieux faire comprendre et accepter les exigences de l'ajustement structurel. Plusieurs orateurs ont estimé que le tripartisme devait maintenant porter sur un éventail de questions plus large que les seules questions du travail: il faut chercher à coordonner et à harmoniser l'action des différents ministères. Le représentant du gouvernement de l'Australie a noté que, comme le marché du travail était influencé par la politique menée dans différents domaines (comme la politique macroéconomique, le climat des relations professionnelles, les qualifications, les incitations au travail et aux activités commerciales), l'efficacité de l'action menée par les syndicats et les organisations d'employeurs pour influer sur l'action politique dépendait de l'ampleur de vues dont ceux-ci étaient capables de faire preuve. Les efforts qu'ils mènent en propre dans le domaine éducatif doivent être renforcés. Ce sont les gouvernements qui ont le principal rôle à jouer dans la stimulation du tripartisme. L'OIT est à même d'aider au fonctionnement de ce tripartisme en diffusant les pratiques optimales, en abordant les grands problèmes ou même, comme en Thaïlande, en fournissant un appui direct destiné à améliorer les relations tripartites.
29. Il a été largement reconnu qu'il ne pouvait y avoir de tripartisme sans l'existence d'organisations de travailleurs et d'employeurs puissantes. Plusieurs orateurs ont souligné que, dans nombre de pays de la région, les syndicats se heurtaient toujours à des obstacles juridiques et pratiques restreignant la liberté syndicale, l'organisation collective et la négociation collective. Certains pays cherchent à créer un climat susceptible de favoriser l'organisation collective en modifiant leur législation du travail. Dans d'autres pays, au contraire, la loi et la pratique tendent à mettre davantage l'accent sur la relation d'emploi individuelle et sur les relations directes entre le personnel et la direction des entreprises. La transformation généralisée du marché du travail, les réductions d'effectifs la progression des diverses formes d'engagement de service constituent également des obstacles à la syndicalisation des travailleurs.
30. Plusieurs orateurs ont souligné que, pour que les syndicats et les organisations d'employeurs gardent leur utilité et accroissent leur effectif, il faut qu'ils améliorent la qualité de leurs services et soient ainsi mieux appréciés des membres effectifs ou potentiels.
31. Par ailleurs, de nouveaux besoins se font sentir et de nouveaux rôles s'offrent aux partenaires sociaux. Les orateurs ont souligné la nécessité où se trouvaient les syndicats de devenir des partenaires à part entière dans les stratégies visant à créer des emplois, à édifier des passerelles vers le secteur non structuré, à favoriser l'amélioration des compétences et à améliorer la compétitivité des entreprises. Ces rôles s'ajoutent aux rôles plus traditionnels qui consistent à assurer la protection des travailleurs, par exemple dans le domaine de la sécurité et de la santé professionnelles. Selon les orateurs, l'entreprise est au cœur des relations du travail, et les syndicats ont un rôle à jouer dans l'amélioration de la qualité des relations salariat-patronat à ce niveau. On pourrait aussi envisager de donner une dimension régionale aux relations professionnelles asiennes. Cela nécessiterait cependant la présence d'une organisation d'employeurs au niveau correspondant, présence qui n'est pas assurée actuellement.
Protection des travailleurs
32. Différents orateurs ont mis l'accent sur la qualité médiocre de la sécurité et de la santé professionnelles dans les pays d'Asie. On pourrait améliorer les choses en ce domaine en renforçant la formation aux questions de sécurité, en rendant l'inspection plus efficace, en créant des comités de sécurité et d'hygiène dans les entreprises et en ratifiant davantage les conventions de l'OIT relatives à ces questions. Il importe également d'accroître la coopération technique de l'OIT, afin de donner aux gouvernements les moyens de mieux informer les employeurs. Etant donné les liens étroits qui existent entre la sécurité dans l'entreprise et la qualité de l'environnement, ces questions sont d'une importance vitale non seulement pour les travailleurs, mais pour l'ensemble de la population. On a souligné le fait que la sécurité et la santé étaient un domaine où les gouvernements, les employeurs et les travailleurs ont des intérêts communs. Cependant, comme les gouvernements et les entreprises cherchent souvent à rogner sur les coûts pour faire un gain économique à court terme, il faut s'efforcer de mieux faire comprendre que l'amélioration de la sécurité est payante.
33. L'OIT a été largement félicitée pour les efforts qu'elle accomplit en vue d'abolir le travail des enfants, et des voix se sont fait entendre pour préconiser un élargissement du champ d'application de l'IPEC. Un certain nombre d'orateurs ont souligné l'étroitesse des liens qui unissent pauvreté et travail des enfants: celui-ci ne peut être réglé indépendamment du plus vaste problème qu'est celle-là, et les activités rémunératrices devraient faire partie intégrante de l'IPEC. On a estimé à ce sujet que la scolarisation insuffisante était elle-même une des causes essentielles de la pauvreté. Tandis qu'un certain nombre de délégués gouvernementaux déclaraient que leur pays avait éliminé le travail des enfants, d'autres signalaient que le problème s'aggravait chez eux. A ce sujet, plusieurs orateurs ont souligné la nécessité de mener de front la croissance économique et les mesures de protection, et en particulier les efforts tendant à éliminer les formes les plus intolérables de travail des enfants. Différents délégués ont déclaré que leur pays avait récemment ratifié ou était en passe de ratifier la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973.
34. L'ampleur et le champ d'application de la protection des travailleurs suscitent des préoccupations à divers titres: exclusion des travailleurs des zones franches d'exportation, part supérieure à la moyenne des femmes dans les groupes non protégés par la législation du travail, application insuffisante de cette législation dans certains pays et nécessité d'accroître la protection sociale des travailleurs du secteur privé dans les économies en transition. L'insuffisance de la protection sociale est apparue clairement avec les licenciements massifs qui se sont produits dans des pays dont l'emploi avait progressé fortement jusqu'à une date récente. Les propositions tendant à ne plus faire assurer par l'Etat les prestations de sécurité sociale ont suscité de graves préoccupations: les organisations de travailleurs sont opposées à la privatisation de la sécurité sociale et défendent les principes de la solidarité et de la responsabilité collective de la société. L'OIT peut jouer un rôle important dans l'édification et le renforcement des régimes de sécurité sociale de la région en donnant des conseils sur la rationalisation de l'administration, sur l'élaboration de régimes efficaces et financièrement viables et sur l'extension des garanties offertes au secteur rural et au secteur non structuré.
35. Plusieurs orateurs ont mentionné les avantages économiques que présentent les migrations internationales de travailleurs, tant pour les pays d'origine que pour les pays d'accueil et les travailleurs eux-mêmes. Pourtant, si ce phénomène renforce les liens entre les pays, les accords officiels entre ceux-ci restent insuffisants, et le traitement des travailleurs migrants donne toujours lieu à certaines critiques.
Normes internationales du travail
36. Différents orateurs ont noté que le deuxième jour de la réunion coïncidait avec le 50e anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et nombre d'entre eux ont évoqué la ratification récente ou prochaine de conventions de l'OIT, particulièrement de conventions fondamentales. Différents orateurs ont contesté l'intérêt que présentent pour les pays en développement d'Asie certaines conventions actuelles ou futures, notamment celles qui portent sur le travail en sous-traitance, et ont réclamé davantage de souplesse dans leur conception et leur application, afin de tenir compte des différents niveaux de développement économique ainsi que de la diversité des cultures et des systèmes. A l'opposé, un certain nombre de représentants des travailleurs ont estimé qu'il existait souvent un décalage entre les déclarations des gouvernements sur les normes du travail et les réalités. Les droits fondamentaux des travailleurs sont violés dans un nombre considérable de pays ainsi qu'à bord des navires. Les représentants des travailleurs ont lancé un appel en faveur de la ratification et de l'application des normes fondamentales de l'OIT; il conviendrait de renforcer les mécanismes de contrôle de l'Organisation afin de faire droit aux plaintes justifiées.
37. On a évoqué les débats qui ont eu lieu au sein de l'OIT et de l'Organisation internationale du commerce sur la dimension sociale du commerce international, ainsi que les récentes interventions du Fonds monétaire international dans les pays d'Asie. Un certain nombre de représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs se sont félicités de ce que l'OIT était maintenant à l'avant-garde de ce débat international. En revanche, certains représentants gouvernementaux se sont élevés contre la «clause sociale» et la «labellisation» des biens d'exportation, tandis que des représentants des employeurs rappelaient leur forte opposition à tout lien entre les normes internationales du travail et le commerce. La plupart des orateurs ont invité l'OIT à aider leurs pays à se développer plus rapidement afin de leur permettre d'améliorer leur système social à brève échéance.
38. On a évoqué la décision prise par le Conseil d'administration en novembre 1997 d'inscrire à l'ordre du jour de la session de 1998 de la Conférence internationale du Travail une question relative à l'examen d'une éventuelle déclaration sur les principes concernant les droits fondamentaux et d'un mécanisme de suivi approprié. Plusieurs représentants des gouvernements et des employeurs ont apporté leur soutien à cette déclaration. D'autres ont dit craindre que celle-ci et son mécanisme de suivi n'entraînent des obligations politiques ou juridiques, surtout s'ils aboutissent à la création d'un lien indirect entre les normes internationales du travail et le commerce. Nombre d'orateurs ont rappelé que les Membres de l'OIT ne sont liés que par les engagements qu'ils ont souscrits volontairement.
Coopération technique
39. Des orateurs représentant toutes les sous-régions d'Asie et les trois catégories de mandants de l'Organisation ont fait l'éloge des activités de coopération technique de l'OIT et ont exprimé le souhait de voir l'aide s'amplifier et s'améliorer sous ses diverses formes, en consultation étroite avec les gouvernements et les organisations d'employeurs et de travailleurs. On considère que la politique de partenariat actif en général et la création des équipes multidisciplinaires ont abouti à des réalisations remarquables. En revanche, les échanges d'informations et le partage des pratiques optimales entre pays et régions ont été jugés encore insuffisants. Il est malheureux et inacceptable que la politique de partenariat actif et les équipes multidisciplinaires souffrent de la stagnation des ressources de la CTBO et de la baisse des ressources extrabudgétaires, notamment en provenance du PNUD. L'évaluation continue de la politique de partenariat actif par un groupe de travail du Conseil d'administration indique que cette politique est également entravée par différents obstacles, notamment administratifs, qui devraient être supprimés.
40. Un certain nombre d'orateurs ont dit apprécier le fait que les activités de l'OIT gagnaient en utilité, en efficacité et en efficience, tout en notant cependant qu'il restait encore des progrès à faire. Le gouvernement de la République islamique d'Iran a demandé la réouverture du bureau de l'OIT à Téhéran, dont la fermeture nuit aux activités de coopération technique. Nombreux sont ceux qui souhaitent que le bureau régional pour l'Asie et le Pacifique joue un rôle accru et que les liens entre le bureau régional et les mandants soient renforcés au niveau des pays. Il importe de considérer le bureau régional pour l'Asie et le Pacifique, les bureaux de zone et les équipes multidisciplinaires comme des intermédiaires chargés de noter et de transmettre au siège les besoins exprimés par les mandants, et non comme des agents chargés de transmettre un message «préconditionné» émanant du siège. Enfin, des voix se sont élevées pour demander que la région ait davantage de poids dans les affaires de l'OIT.
41. Le Conseil d'administration voudra sans doute demander au Directeur général:
a. d'appeler l'attention des gouvernements des Etats Membres d'Asie et du Pacifique ainsi que, par leur intermédiaire, celle des organisations nationales d'employeurs et de travailleurs sur les conclusions concernant les activités de l'OIT dans la région;
b. de garder ces conclusions à l'esprit lors de l'exécution des programmes permanents et de l'élaboration des propositions futures de programme et de budget;
c. de transmettre le texte desdites conclusions:
i) aux gouvernements de tous les Etats Membres et, par leur intermédiaire, aux organisations nationales d'employeurs et de travailleurs;
ii) aux organisations internationales intéressées.
Genève, le 16 janvier 1998.
Annexe
Conclusions de la douzième Réunion régionale asienne
(Bangkok, 9-11 décembre 1997)
1. L'Asie est une région vaste, diverse et dynamique, qui compte une large majorité de la population mondiale et joue un rôle majeur dans l'économie de la planète. L'OIT peut contribuer de manière essentielle au développement économique et social de ce continent et doit mener une action vigoureuse en ce sens. Les activités de l'Organisation en Asie doivent tenir compte de la grande diversité économique, sociale et culturelle de la région.
2. Malgré ses progrès économiques, l'Asie abrite les deux tiers des pauvres du monde, et si certains des pays qui la composent jouissent depuis de nombreuses années d'une croissance économique exceptionnelle combinée à une réduction de la pauvreté et à une forte progression de l'emploi et des salaires réels, nombre d'autres pâtissent gravement du chômage et du sous-emploi.
3. La crise financière qui frappe aujourd'hui certains pays d'Asie a attiré l'attention sur les problèmes du chômage et de la pauvreté et a mis en lumière l'importance que présentent une saine politique macroéconomique, une bonne gestion des affaires publiques et la transparence des marchés financiers. L'OIT doit donc agir vigoureusement pour atténuer les conséquences néfastes de la crise. Des mesures immédiates doivent être prises pour former et réinsérer les travailleurs licenciés et pour protéger les femmes, les migrants et les autres groupes particulièrement vulnérables. Pour favoriser l'emploi, il faut mettre en œuvre des stratégies de développement de l'entreprise bien pensées, investir dans les ressources humaines et créer un environnement commercial propre à accroître durablement la compétitivité des entreprises dans une économie mondiale en pleine mutation.
4. Les discussions tripartites au niveau national contribueront à l'élaboration d'un cadre d'action propre à permettre de réagir efficacement à la crise, et les bureaux et équipes consultatives multidisciplinaires de l'OIT devront faire tous leurs efforts pour favoriser et appuyer ces discussions. La convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, peut constituer une base d'action solide en ce domaine, et il convient prioritairement d'encourager sa ratification. Les normes en cours d'élaboration sur le développement de la petite entreprise présentent également une importance essentielle. Il faut soutenir les efforts entrepris par les ministères du Travail et de l'Emploi, en coopération avec les ministères des Finances et les organisations d'employeurs et de travailleurs, pour s'attaquer aux effets économiques et sociaux de la crise, et plus particulièrement pour influencer l'action et gagner l'appui du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement.
5. L'OIT devrait organiser prioritairement une réunion tripartite régionale sur les réponses économiques et sociales à apporter à la crise financière. A cet effet, il conviendrait d'analyser l'incidence de cette crise sur les aspects quantitatifs et qualitatifs de l'emploi, ainsi que d'examiner les moyens d'exercer une influence tripartite sur les grandes institutions financières internationales, en coopération avec elles.
6. La lutte contre la pauvreté reste un objectif essentiel de nombreux pays d'Asie. Ce sont le chômage, le sous-emploi et la faible productivité de la main-d'œuvre qui sont la cause de cette pauvreté. Il ressort de l'expérience asienne que le rythme de l'atténuation de la pauvreté dépend de la mesure dans laquelle la croissance fait appel à l'emploi. Il importe donc que les politiques macroéconomiques fassent en sorte que la croissance soit créatrice d'emplois. Il faut que la politique économique fasse une large place à des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté définies en consultation avec les partenaires sociaux.
7. Il importe aussi que les emplois créés soient convenablement rémunérés et qu'ils soient assortis d'une protection sociale satisfaisante. Etant donné qu'une large part de la population pauvre de nombreux pays de la région se trouve dans les campagnes, il faut faire porter spécialement l'effort sur la progression de l'emploi rural, par le biais notamment de programmes de développement de l'infrastructure faisant largement appel à la main-d'œuvre, afin de freiner l'exode vers les villes. Les dispositions de la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, sont essentielles à cet égard.
8. La progression de l'emploi dépendra largement à l'avenir du secteur privé, et particulièrement des petites et moyennes entreprises. Il faut aider les chefs d'entreprise à relever le défi de la mondialisation et de la concurrence par l'amélioration de la productivité et la mise en place de programmes de formation visant à dynamiser la gestion. Cette aide devra viser à développer l'accès à la technologie, aux compétences et à l'infrastructure, ainsi qu'à renforcer les liens entre le secteur non structuré et le secteur moderne.
9. Aujourd'hui, les migrations pour l'emploi produisent différents effets pervers: émigration clandestine et illégale, mauvaises conditions de travail et protection insuffisante des travailleurs migrants. Les pays d'origine comme les pays d'accueil doivent prendre les mesures voulues pour réguler efficacement les flux de main-d'œuvre et défendre les droits des travailleurs migrants.
10. La flexibilité accrue du marché du travail devrait être assortie de mesures de protection et d'appui comme la mise en place de services de l'emploi efficaces, d'une structure de formation et de recyclage professionnel et celle d'une assistance sociale satisfaisante.
11. La mise en valeur des ressources humaines est une stratégie importante s'agissant de promouvoir la croissance économique dans les pays d'Asie. Le marché du travail devrait être étudié de près afin de déterminer quelles nouvelles aptitudes sont exigées et d'évaluer les besoins en matière d'éducation, de formation et de reconversion. Dans beaucoup de pays d'Asie, les chômeurs formés et non formés coexistent en grand nombre, et rares sont les travailleurs dotés des compétences spécifiques qu'exige le marché du travail. Il faut donc viser avant tout à renforcer l'aptitude à l'emploi des travailleurs, compte tenu des besoins des secteurs d'activité et des entreprises.
12. Afin d'accroître et d'améliorer les chances qui s'offrent aux travailleurs d'acquérir les compétences professionnelles rendues nécessaires par l'introduction et l'adoption de technologies nouvelles, les gouvernements et les organisations d'employeurs et de travailleurs devraient œuvrer de concert à l'élaboration de politiques dans les domaines de l'éducation et la formation, et à l'amélioration de tous les types de formation professionnelle.
13. Des problèmes persistent dans la région eu égard à l'application des sept conventions sur les droits fondamentaux. Il demeure nécessaire de respecter ces droits. Des progrès ont été accomplis en Asie pour ce qui est de la ratification des normes fondamentales à la suite de la campagne lancée par le Directeur général en 1995 en vue d'obtenir la ratification universelle des sept conventions fondamentales. Il y a lieu de poursuivre la campagne et d'encourager tous les gouvernements à envisager, conjointement avec les organisations de travailleurs et d'employeurs, la possibilité de ratifier d'autres conventions.
14. Différentes opinions et préoccupations ont été exprimées au sujet de l'établissement d'un lien entre le commerce et les investissements et le respect des normes internationales du travail. Ces opinions et préoccupations sont reflétées dans le rapport de la réunion.
15. La décision du Conseil d'administration d'inscrire à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail en 1998 une question supplémentaire relative à l'examen d'une éventuelle Déclaration de principes de l'OIT sur les droits fondamentaux et à son suivi devrait permettre de discuter de manière approfondie de cette importante question.
16. De bonnes relations professionnelles et la coopération sur le lieu de travail sont nécessaires pour que les entreprises améliorent leurs résultats et leur avantage comparatif. La liberté syndicale et le droit de négocier collectivement sont des principes essentiels des relations professionnelles. Il convient à cet égard de promouvoir la ratification et l'application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
17. Les entreprises multinationales devraient jouer un rôle directeur dans la diffusion de pratiques exemplaires dans le domaine des relations professionnelles, conformément à la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale.
18. Les consultations tripartites restent un facteur important du succès des mesures visant à régler les problèmes économiques et sociaux. L'efficacité des institutions tripartites dépend de la solidité du dispositif institutionnel et de la vigueur des partenaires sociaux.
19. Il importe en particulier de renforcer à la fois les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs afin de leur permettre de jouer pleinement leur rôle important et autonome conjointement avec les gouvernements. Ces derniers ont quant à eux un rôle de premier ordre à jouer dans l'établissement de normes juridiques minimales, notamment lorsque les arrangements bipartites sont fragiles, de même que dans la promotion de procédures permettant aux travailleurs et aux employeurs de résoudre leurs différends. La ratification de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, est hautement prioritaire, surtout en tant que moyen d'encourager le mécanisme tripartite. L'échange des points de vue tripartite aux niveaux sous-régional et régional sur les questions sociales et celles relatives au travail peut aussi renforcer le tripartisme tout en offrant des orientations équilibrées sur les considérations politiques.
20. Un engagement actif en faveur de la coopération tripartite, de l'élaboration de politiques transparentes et de la mise en œuvre efficace de ces politiques pour atteindre l'objectif de la protection des travailleurs est essentiel non seulement pendant les périodes de croissance, mais aussi et surtout en période de crise, lorsque l'on attend des travailleurs qu'ils s'adaptent rapidement.
21. De nombreux travailleurs sont tués, blessés ou victimes de maladies sur leur lieu de travail chaque année en Asie. En coopération avec les travailleurs et leurs organisations, les employeurs doivent prendre des mesures pour améliorer la sécurité et la santé au travail, tandis que les gouvernements devraient favoriser ces efforts, notamment en assurant l'adoption d'une législation appropriée et des inspections efficaces. Il convient d'accorder une attention particulière aux possibilités de ratification, par les pays de la région, de la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981.
22. Il est urgent de prendre des mesures efficaces pour instaurer un équilibre entre le développement économique et la viabilité écologique. Ces mesures devraient être soigneusement conçues et appliquées de manière à ne nuire ni aux possibilités d'emploi ni aux chances de parvenir à des niveaux durables de croissance économique. L'OIT a un rôle important à jouer dans le domaine de l'environnement pour faire en sorte que les travailleurs et les employeurs soient conscients des conséquences de leurs actes et qu'ils aient connaissance de ce qui constitue des pratiques optimales.
23. Les systèmes de protection sociale adaptés dans la région ont des répercussions positives tant sur le plan économique que sur le plan social. Les pays en transition vers l'économie de marché, comme ceux qui sont aux prises avec de nouvelles incertitudes économiques, doivent relever des défis particulièrement difficiles. Des efforts devraient être consentis pour élaborer les mécanismes d'une protection sociale de base et l'étendre, chaque fois que cela est possible, aux catégories de main-d'œuvre qui n'en bénéficient pas à l'heure actuelle.
24. Malgré les progrès accomplis dans certains pays, l'Asie détient toujours le nombre le plus élevé d'enfants qui travaillent dans le monde, et certaines des formes les plus intolérables du travail des enfants sont pratiquées dans cette région. La pauvreté reste l'une des principales causes du problème et mérite donc une attention prioritaire de la part de l'OIT. Néanmoins, un engagement politique ferme de la part de tous les pays ainsi que la mise au point de politiques nationales et de programmes d'action comportant des échéances sont nécessaires, lorsqu'il n'en existe pas encore, pour progresser dans l'élimination du travail des enfants. Les pays devraient prendre les mesures nécessaires pour écarter les enfants des formes les plus intolérables du travail des enfants et instaurer une éducation de base universelle et obligatoire lorsque cela n'a pas encore été fait.
25. Les récents sommets et conférences mondiaux, en particulier le Sommet social de Copenhague et la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, ont réaffirmé le rôle prééminent de l'OIT dans la promotion de la qualité et du nombre des emplois. Ceci doit être suivi d'une action intensive et efficace de l'OIT pour aider ses mandants à élaborer et à mettre en œuvre des politiques conduisant au plein emploi productif et librement choisi.
26. La politique de partenariat actif (PPA) et la création d'équipes consultatives multidisciplinaires (EMD) ont eu des répercussions positives en Asie. Les nouvelles mesures visant à améliorer la mise en œuvre de la PPA ont notamment les objectifs suivants:
Les objectifs par pays sont un élément clé de la PPA. Ils doivent être définis et mis en œuvre avec une participation tripartite active dans les Etats Membres concernés afin que les diverses préoccupations des mandants de l'OIT soient correctement prises en compte dans le programme de travail de l'Organisation.
27. L'OIT doit être un partenaire véritablement actif et aider les pays à satisfaire leurs besoins prioritaires. L'aide de l'Organisation devrait être axée plus spécifiquement sur les pays les moins avancés et les groupes de travailleurs les plus vulnérables, en prenant en considération le nombre important de personnes vivant dans la pauvreté et qui ne relèvent pas du secteur structuré. Les mesures de promotion de l'emploi devraient notamment chercher à développer les entreprises, et plus particulièrement les petites et moyennes entreprises, à renforcer les systèmes d'information sur le marché du travail, à améliorer l'efficacité des bureaux de placement et la mise en valeur des ressources humaines. L'OIT devrait aider davantage les pays à appliquer les conventions de l'OIT qu'ils ont ratifiées ou à envisager la ratification de conventions; des efforts particuliers devraient être consentis pour résoudre les problèmes en rapport avec les conventions fondamentales. L'OIT devrait aider les organisations d'employeurs et de travailleurs à échanger des expériences et à se soutenir mutuellement, en accordant une attention particulière à la mise en place de réseaux régionaux, à l'échange d'informations sur les pratiques optimales ainsi qu'au développement et au renforcement des organisations régionales et sous-régionales.
28. Des efforts renouvelés devraient viser à développer le programme de coopération technique de l'Organisation en Asie, avec une véritable participation tripartite à la conception, la mise en œuvre et l'évaluation des projets. Les mesures de lutte contre le travail des enfants, et plus particulièrement le Programme international pour l'abolition du travail des enfants de l'OIT, pourraient constituer un modèle d'action concertée en rapport avec d'autres thèmes, notamment les femmes, la santé et la sécurité au travail ou la promotion des petites entreprises. Il faudrait également examiner les problèmes des travailleurs migrants et des travailleurs des zones franches d'exportation. De nouveaux projets devraient mettre l'accent sur des domaines dans lesquels l'OIT, du fait de sa structure tripartite et des normes internationales du travail, bénéficie d'un avantage relatif, et aider à développer les capacités nationales permettant la ratification des normes ainsi qu'à renforcer les moyens d'action des organisations d'employeurs et de travailleurs. Les gouvernements, de même que les organisations d'employeurs et de travailleurs, sont prêts à collaborer avec les donateurs pour préparer des propositions convaincantes et garantir leur bonne application. Les modestes ressources du budget ordinaire de l'OIT affectées à la coopération technique devraient servir à appuyer des activités au centre du mandat de l'Organisation, à développer et à encourager la coopération technique financée par des ressources extrabudgétaires et à renforcer les mandants de l'Organisation.
29. Les activités de coopération technique de l'OIT en faveur de l'Autorité palestinienne et des partenaires sociaux palestiniens ont été très utiles pour promouvoir le progrès économique et social. Il importe qu'elles soient poursuivies et intensifiées afin d'améliorer la situation des travailleurs et des employeurs palestiniens.
30. Les gouvernements, les employeurs et les travailleurs doivent lutter vigoureusement contre la discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'origine nationale ou sociale. La crise financière actuelle ne devrait pas servir de prétexte à la discrimination. Il convient de se préoccuper particulièrement du risque de discrimination à l'encontre des groupes de travailleurs les plus vulnérables, notamment ceux qui pourraient faire l'objet d'une discrimination sur plusieurs fronts. L'OIT devrait continuer à promouvoir activement la ratification et l'application de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et multiplier ses efforts dans le domaine de l'éducation pour combattre la discrimination.
31. Il importe d'agir rapidement pour aider les mandants de l'OIT en Asie à renforcer le pouvoir économique des femmes et à assurer leur promotion sociale. En outre, il faudrait favoriser l'égalité de chances et de traitement entre travailleurs et travailleuses en s'appuyant sur les normes appropriées de l'OIT. Ces efforts devraient être axés plus spécifiquement sur les problèmes auxquels sont confrontées les femmes, particulièrement nombreuses parmi les travailleurs les plus vulnérables et les moins protégés.
32. Il faut appuyer et développer les activités menées dans le cadre du Programme international pour l'abolition du travail des enfants. Il est essentiel de s'assurer une participation active des organisations d'employeurs et de travailleurs dans la lutte contre ce fléau. La convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, devrait être largement ratifiée, et l'OIT devrait fournir une assistance technique et des conseils en matière de ratification et d'application. La nouvelle convention de l'OIT sur les formes les plus intolérables du travail des enfants, en cours de préparation, pourrait apporter une contribution majeure dans ce domaine.
33. Les discussions tripartites au niveau régional sont essentielles au développement du programme de l'OIT et, les répercussions financières étant dûment prises en compte, les futures réunions régionales asiennes devraient permettre des débats plus longs et offrir un éventail complet de services à chacun des trois groupes. Pour rendre plus efficaces les travaux de la réunion, il serait utile de diffuser à l'avance le point de vue des mandants de l'Organisation. Entre les réunions régionales, il faudrait que le programme régional puisse bénéficier d'un apport tripartite, sous la forme de réunions tripartites, de groupes consultatifs ou d'évaluations tripartites par exemple. Le Groupe de travail du Conseil d'administration sur l'évaluation de la politique de partenariat actif permet aux mandants de l'Organisation d'orienter plus directement le programme et fournit à cet égard un exemple intéressant.
34. La douzième Réunion régionale asienne a permis aux mandants de l'OIT de débattre de questions intéressant particulièrement l'Asie et d'examiner l'efficacité de l'action de l'OIT dans la région. Elle a montré l'importance de l'engagement de l'Organisation en faveur des activités sur le terrain et la pertinence des actions régionales et nationales. Il faudrait renforcer les activités de l'OIT dans la région en s'appuyant sur les présentes conclusions et leur affecter des ressources suffisantes.
1. Documents GB.264/PFA/9/3, GB.264/PFA/R.3 et GB.264/PFA/R.3(Add.).