GB.272/5 |
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CINQUIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
310e rapport du Comité de la liberté syndicale
Table des matières
Cas no 1867 (Argentine): Rapport définitif
Cas no 1887 (Argentine): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation
Cas no 1939 (Argentine): Rapport intérimaire
Cas no 1957 (Bulgarie): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation
Cas no 1928 (Canada/Manitoba): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation
Cas no 1943 (Canada/Ontario): Rapport intérimaire
Cas no 1941 (Chili): Rapport définitif
Cas no 1946 (Chili): Rapport définitif
Cas no 1930 (Chine): Rapport intérimaire
Cas no 1888 (Ethiopie): Rapport intérimaire
Cas no 1929 (France/Guyane): Rapport intérimaire
Cas no 1773 (Indonésie): Rapport intérimaire
Cas no 1931 (Panama): Rapport intérimaire
Cas no 1932 (Panama): Rapport définitif
Cas no 1880 (Pérou): Rapport intérimaire
Cas no 1906 (Pérou): Rapport intérimaire
Cas no 1914 (Philippines): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation
Cas no 1884 (Swaziland): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation
Cas no 1952 (Venezuela): Rapport intérimaire
1. Le Comité de la liberté syndicale, institué par le Conseil d'administration à sa 117e session (novembre 1951), s'est réuni au Bureau international du Travail à Genève les 28, 29 mai et 5 juin 1998, sous la présidence de M. le professeur Max Rood.
2. Les membres de nationalité argentine, française et panaméenne n'étaient pas présents lors de l'examen des cas relatifs à l'Argentine (cas nos 1867, 1887 et 1939), à la France/Guyane (cas no 1929) et au Panama (cas nos 1931 et 1932), respectivement.
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3. Le comité est actuellement saisi de 51 cas dans lesquels les plaintes ont été transmises aux gouvernements intéressés pour observations. A la présente session, le comité a examiné 19 cas quant au fond et a abouti à des conclusions définitives dans 9 cas et à des conclusions intérimaires dans 10 cas; les autres cas ont été ajournés pour les raisons indiquées aux paragraphes suivants.
Nouveaux cas
4. Le comité a ajourné à sa prochaine session l'examen des cas suivants: nos 1958 (Danemark), 1959 (Royaume-Uni/Bermudes), 1961 (Cuba), 1962 (Colombie), 1963 (Australie), 1964 (Colombie), 1966 (Costa Rica), 1967 (Panama) et 1968 (Espagne) car il attend les informations et observations des gouvernements concernés. Tous ces cas se réfèrent à des plaintes présentées ou à des réclamations transmises depuis la dernière session du comité. Dans le cas no 1959 (Royaume-Uni/Bermudes), le gouvernement a indiqué que des informations ont été demandées aux autorités des Bermudes et qu'une réponse complète sera fournie dès qu'elles seront parvenues. Dans le cas no 1963 (Australie), le gouvernement a annoncé l'envoi futur de ses observations.
Observations attendues des gouvernements
5. Le comité attend encore les observations ou les informations des gouvernements sur les cas suivants: nos 1812 (Venezuela), 1851 (Djibouti), 1865 (République de Corée), 1869 (Lettonie), 1922 (Djibouti), 1944 (Pérou), 1947 (Argentine), 1948 (Colombie), 1951 (Canada/Ontario), 1953 (Argentine) et 1955 (Colombie). Dans le cas no 1865 (République de Corée), le gouvernement a annoncé l'envoi futur de ses observations.
Observations attendues des plaignants
6. Dans le cas no 1949 (Bahreïn), le comité attend les commentaires des organisations plaignantes. Le comité leur demande d'envoyer sans tarder les observations et informations demandées.
Observations partielles reçues des gouvernements
7. Dans les cas nos 1835 (République tchèque), 1927 (Mexique) et 1965 (Panama), le gouvernement a envoyé des informations partielles sur les allégations formulées. Le comité demande à ces gouvernements de compléter sans tarder leurs observations afin qu'il puisse examiner les cas en question en pleine connaissance de cause.
Observations reçues des gouvernements
8. En ce qui concerne les cas nos 1787 (Colombie), 1934 (Cambodge), 1942 (Chine/Région administrative spéciale de Hong-kong), 1950 (Danemark), 1954 (Côte d'Ivoire) et 1960 (Guatemala), le comité a reçu tardivement les observations du gouvernement et se propose de les examiner à sa prochaine réunion.
Appels pressants
9. En ce qui concerne les cas nos 1873 (Barbade) et 1956 (Guinée-Bissau), le comité observe que, en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte ou depuis le dernier examen de ce cas, il n'a pas reçu les observations des gouvernements concernés. Le comité attire l'attention des gouvernements en question sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvée par le Conseil d'administration, il pourra présenter un rapport sur le fond des affaires en instance, même si leurs informations et observations n'étaient pas reçues à temps. En conséquence, le comité prie instamment ces gouvernements de transmettre d'urgence leurs observations et informations.
Transmission de cas à la commission d'experts
10. Le comité signale à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les aspects législatifs des cas suivants: Canada/Manitoba (cas no 1928 ), Canada/Ontario (cas no 1943), Indonésie (cas no 1773), Panama (cas no 1931) et Pérou (cas no 1906).
Suites données aux recommandations du comité
et du Conseil d'administration
Cas no 1837 (Argentine)
11. A sa session de mars 1997 [voir 306e rapport, paragr. 16 à 18], le comité avait examiné ce cas relatif à des actes de violence commis pendant les mani-festations et les grèves organisées dans les provinces de la Terre de Feu, de Corrientes et de San Juan, à savoir en particulier la mort d'un ouvrier, Víctor Choque, les blessures infligées aux syndicalistes Juan Roberto Vera et Alejandro Vásques, et les agressions et privations de liberté dont ont fait l'objet les dirigeants syndicaux Eloy Camus et Juan González. A cette occasion, le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé de l'issue des enquêtes judiciaires en cours sur la détention de M. Juan González, le meurtre de M. Víctor Choque (le gouvernement avait fait savoir que les autorités judiciaires avaient condamné l'officier de police auteur du meurtre à neuf ans de prison, mais que l'intéressé avait fait appel de ce jugement) et la séquestration de M. Eloy Camus. Le comité avait aussi demandé au gouvernement de le tenir informé des résultats des enquêtes judiciaires sur les blessures dont avaient souffert les syndicalistes Juan Roberto Vera et Alejandro Vásques ainsi que sur la procédure judiciaire intentée par la police contre le dirigeant syndical Juan González.
12. Dans une communication du 23 mars 1998, le gouvernement transmet une copie du jugement prononcé par les autorités judiciaires de la province de la Terre de Feu, confirmant la condamnation à neuf ans de prison de l'officier de police reconnu coupable et pénalement responsable du meurtre de M. Víctor Choque. Le comité prend note de ces informations. Il demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue des autres enquêtes judiciaires susmentionnées.
Cas no 1509 (Brésil)
13. Le comité avait examiné le cas relatif à l'assassinat du dirigeant syndical Valdicio Barbosa dos Santos à sa réunion de novembre 1997 [voir 308e rapport, paragr. 281] et avait pris note à cette occasion de la déclaration du gouvernement selon laquelle il existait des indices suffisants démontrant que M. Marçal da Rocha, toujours en fuite et recherché par les autorités, était l'auteur matériel de l'assassinat et que M. Romualdo Eustaquio Luz Farías demeurait en détention et faisait l'objet d'une procédure judiciaire. Dans une communication du 9 avril 1998, le gouvernement fait savoir que: 1) le ministère public a présenté ses allégations définitives et demandé que les accusés soient incarcérés préventivement; 2) après avoir analysé les dossiers du procès, le ministère public a estimé que d'autres personnes avaient participé à cet assassinat outre les accusés, de sorte qu'il a ordonné l'ouverture d'une nouvelle enquête policière. Le comité prend note de ces informations et demande au gouvernement de le tenir informé du résultat final des procédures judiciaires en cours ainsi que de celui de la nouvelle enquête policière à laquelle il fait référence.
Cas nos 1850 et 1870 (Congo)
14. Le gouvernement indique, dans une communication du 20 mars 1998, que la situation de guerre que vient de connaître le pays et les graves perturbations qu'elle a engendrées n'ont pas permis le suivi normal des affaires concernant ces cas. Le gouvernement espère pouvoir fournir des informations à cet égard dans un proche avenir. Le comité prend note de ces informations et exprime l'espoir que la situation à l'intérieur du pays pourra évoluer positivement et que le gouvernement pourra ainsi trouver une solution aux questions en instance. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation dans ces affaires.
Cas no 1938 (Croatie)
15. Le comité avait examiné ce cas qui concerne des allégations d'ingérence dans les activités syndicales et dans la répartition des biens des syndicats à sa réunion de mars 1998. [Voir 309e rapport, paragr. 161 à 185.] Le comité avait notamment demandé au gouvernement de prolonger la période de négociation pour la répartition des biens immobiliers anciennement propriété des syndicats s'ils ne parvenaient pas à un accord au-delà de la période de six mois prévue par la loi sur les associations. Le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
16. Dans une communication datée du 13 mai 1998, le gouvernement souligne que le montant des biens dont il s'agit est considérable et qu'il comprend davantage que la propriété des biens détenus par les syndicats avant la seconde guerre mondiale. Le gouvernement indique également que, bien que les syndicats ne soient pas parvenus à un accord en ce qui concerne la répartition des biens syndicaux, il n'a toujours pas proposé au Parlement de critères pour une telle répartition afin de permettre aux syndicats de parvenir à un accord.
17. Le comité note que la période de négociation a été étendue et rappelle que l'extension devrait avoir pour but d'assurer que les parties concernées disposent d'une possibilité raisonnable de parvenir à un accord. Le comité renouvelle sa demande de fixer des critères de répartition des biens immobiliers, anciennement propriétés des syndicats, en consultation avec les syndicats concernés si ceux-ci ne peuvent parvenir à se mettre d'accord, et de fixer un calendrier précis et raisonnable pour la répartition des biens lorsque la période de négociation sera terminée. Le comité demande aussi au gouvernement de lui transmettre la copie de la décision de la Cour constitutionnelle dès qu'elle aura été rendue. Enfin le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation en ce qui concerne tous ces sujets.
Cas no 1908 (Ethiopie)
18. A sa session de novembre 1997, le comité avait prié le gouvernement de veiller à ce qu'une enquête indépendante soit menée sans tarder sur les questions ci-après: i) allégations d'attaques contre les locaux de la Fédération des syndicats du commerce, des activités techniques et de l'imprimerie (FCTP) et d'occupation ultérieure de ces locaux le 4 novembre 1996; ii) allégations de voies de fait sur M. Mulatu Gurmu, trésorier de la FCTP, le même jour, afin d'identifier et de sanctionner les coupables. Il avait demandé en outre au gouvernement de diligenter une enquête judiciaire indépendante sur l'allégation de procédures irrégulières de nomination des nouveaux dirigeants de la FCTP. En dernier lieu, le comité avait demandé au gouvernement de lui envoyer copie de la décision de la Haute Cour fédérale confirmant l'annulation de l'enregistrement de l'ancienne Confédération des syndicats de l'Ethiopie (CETU) par le ministère du Travail et des Affaires sociales. [Voir 308e rapport, paragr. 362.]
19. En ce qui concerne la conduite d'une enquête indépendante, le gouvernement indique dans une communication du 23 février 1998 qu'il a consulté toutes les parties intéressées, y compris la Fédération des syndicats du commerce, des activités techniques et de l'imprimerie (FCTP) afin de tirer les faits au clair. Il ajoute qu'il considère qu'il n'y a pas de preuve concrète de la véracité des allégations formulées dans ce cas. Au contraire, il dit constater qu'elles sont pure invention et désinformation de la part des dirigeants de l'ancienne CETU et de l'ancienne FCTP. Il ajoute que les nouveaux dirigeants démocratiquement élus de la FCTP ont fait part de leur perplexité quand on leur a demandé de désigner leurs représentants à un organe indépendant d'enquête et ont déclaré qu'aucune des allégations n'était justifiée. Le gouvernement indique qu'il a donc été incapable de mener une enquête indépendante, toutes les parties intéressées, y compris la FCTP, ayant refusé de s'y prêter, et ajoute que, si de tels actes avaient été commis, la victime aurait pu porter l'affaire devant le tribunal. Le gouvernement a communiqué la décision de la Haute Cour fédérale concernant l'annulation de l'enregistrement de l'ancienne CETU.
20. Le comité prend note de cette information tout en rappelant au gouvernement qu'il lui a déjà demandé à deux reprises de mener une enquête indépendante sur l'attaque et l'occupation des locaux de la FCTP et sur les voies de fait sur la personne de son trésorier, M. Gurmu. [Voir 306e rapport, paragr. 458, et 308e rapport, paragr. 359.] Le comité déplore profondément que le gouvernement, sur la base des vues exprimées par les nouveaux dirigeants de la FCTP, ait décidé de ne pas mener cette enquête, alors que c'est précisément ce qui a motivé, à l'origine, la plainte déposée par les anciens dirigeants. C'est justement pour qu'il puisse faire toutes les investigations nécessaires et tirer les choses au clair que le comité avait demandé au gouvernement de procéder à une enquête indépendante. Le comité renouvelle donc sa demande instante au gouvernement de bien vouloir immédiatement entreprendre une telle enquête. En ce qui concerne par ailleurs les nouveaux dirigeants de la FCTP, le comité, dans les conclusions qu'il avait formulées précédemment, avait indiqué qu'il semblait y avoir de sérieux doutes quant à la régularité des procédures suivies pour leur nomination, et il avait rappelé le principe selon lequel, lorsqu'il y a contestation des résultats des élections syndicales, la question doit être renvoyée aux autorités judiciaires en vue de garantir une procédure impartiale, objective et rapide. Le comité déplore profondément que la plainte déposée par les dirigeants de l'ancienne FCTP n'ait pas été renvoyée devant les autorités judiciaires pour qu'un jugement impartial soit rendu. Qui plus est, il considère que, faute d'enquête indépendante et de règlement impartial de la question, il est probable que la légitimité des dirigeants actuels continuera d'être mise en doute, ce qui n'est favorable pour aucune des parties. Le comité prie donc instamment le gouvernement, dans l'intérêt de toutes les parties, de faire procéder à une enquête judiciaire indépendante sur l'allégation d'irrégularité, dans la procédure de nomination des nouveaux dirigeants de la FCTP, et de le tenir informé de la suite des événements.
21. Le comité prend note aussi de la décision de la Haute Cour fédérale qui confirme l'annulation de l'enregistrement de l'ancienne CETU. Il constate que le ministère du Travail motive sa décision d'annuler l'enregistrement de la confédération par le fait que celle-ci exerçait des pouvoirs en dehors de sa compétence, qu'elle n'œuvrait pas à la réalisation de ses objectifs, parmi lesquels celui de renforcer l'unité des fédérations, et qu'elle n'a rien changé à cela quand le ministère lui a conseillé de le faire. Il ressort de l'arrêt de la Haute Cour fédérale que six des neuf fédérations membres ont demandé au ministère de dissoudre la confédération parce qu'elle créait des dissensions entre elles. Un certain nombre d'allégations générales ont par ailleurs été formulées devant la Cour contre l'ancienne CETU. L'arrêt indique que les statuts de la CETU prévoient une procédure pour sa dissolution, mais que celle-ci n'a pas été utilisée. Il a été demandé au ministère d'annuler son enregistrement, en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 120 de la Proclamation du travail. L'alinéa pertinent de l'article 120 confère un large pouvoir au ministre d'annuler l'enregistrement d'une organisation s'il s'avère que celle-ci s'est engagée dans des activités interdites par la Proclamation ou si elle a commis des actes contraires à ses objectifs et à ses statuts et qu'elle n'est pas disposée à y mettre un terme ou à y remédier. Il semble que l'arrêt de la Haute Cour ne vise qu'à confirmer que le ministre a effectivement le pouvoir de dissoudre la confédération et n'examine pas les allégations formulées contre elle, qu'il ne mentionne qu'en termes généraux. Constatant que la législation est contraire sur ce point aux principes de la liberté syndicale, le comité demande au gouvernement de la modifier en vue d'assurer le plein respect de ces principes.
22. Il ressort des éléments de preuves disponibles que cette affaire semble clairement concerner des dissensions internes au sein de la CETU. D'une manière générale, il n'appartient pas au comité de se prononcer sur des conflits internes à une organisation syndicale, sauf si le gouvernement est intervenu d'une manière qui pourrait affecter l'exercice des droits syndicaux et le fonctionnement normal d'une organisation. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 963.] Or, dans le cas d'espèce, l'annulation de l'enregistrement de l'ancienne CETU par une instance administrative semble bien constitutive d'une intervention dans le fonctionnement normal de l'organisation, compte tenu en particulier du fait que les statuts de la confédération prévoient une procédure de dissolution. Qui plus est, le comité rappelle que, dans les cas de dissolution, les juges doivent pouvoir connaître le fond de la question dont ils sont saisis, afin d'être à même de déterminer si les dispositions sur lesquelles sont fondées les décisions administratives faisant l'objet d'un recours enfreignent ou non les droits que la convention no 87 reconnaît aux organisations professionnelles. En effet, si l'autorité administrative possède un pouvoir d'appréciation pour enregistrer ou annuler l'enregistrement d'un syndicat, l'existence d'une procédure d'appel ne semble pas une garantie suffisante; dans ces cas, les juges n'auraient que la possibilité de s'assurer que la législation était correctement appliquée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 683.] A la lumière de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de procéder à une enquête indépendante afin d'examiner les allégations formulées contre l'ancienne CETU et de déterminer si la décision administrative d'annuler son enregistrement ne constitue pas une ingérence abusive dans les affaires du syndicat, qui est contraire aux principes de la liberté syndicale. Dans l'affirmative, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour rétablir dans leurs fonctions les anciens dirigeants de la CETU et de le tenir informé à ce sujet.
Cas no 1876 (Guatemala)
23. A sa session de mars 1998, le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la procédure intentée contre l'entreprise Embotelladora La Mariposa SA pour des actes de discrimination antisyndicale et de prendre des mesures pour réintégrer à leur poste les travailleurs licenciés s'il s'avérait qu'ils l'avaient été en raison de leurs activités syndicales. [Voir 309e rapport, paragr. 261 c).]
24. Dans sa communication du 23 mars 1998, le gouvernement envoie une copie des jugements de première et deuxième instance rendus sur cette affaire. Le jugement en deuxième instance confirme le premier qui impose une amende à l'entreprise pour avoir manqué à la législation du travail et de la prévision sociale, en ne réintégrant pas à leur poste deux travailleurs licenciés sans motif légal.
25. Le comité prend note de ces informations mais observe que le fait que les intéressés sont des syndicalistes et qu'ils ont été victimes de mesures antisyndicales ne ressort pas du jugement. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l'examen de ce cas.
26. Cependant, il déplore n'avoir pas reçu d'observations sur les questions restées en instance dans le présent cas, et il réitère, par conséquent, les recommandations qu'il a formulées à ce sujet à sa session de mars 1998. [Voir 309e rapport, paragr. 261 b), c) et d).]
Cas no 1877 (Maroc)
27. A sa session de juin 1997, ayant examiné des allégations concernant des mesures antisyndicales prises par la direction des usines de la société SOMADIR à Casablanca et El Jadidale contre les travailleurs, et notamment contre les dirigeants syndicaux et les délégués du personnel au cours de la période couvrant les années 1994 à 1996, le comité a formulé les recommandations suivantes. [Voir 307e rapport, paragr. 404.]
Rappelant qu'aux termes de la convention no 98 les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les travailleurs qui ont été licenciés ou suspendus en raison de leurs activités syndicales légitimes, notamment MM. Mohammed Horane, Mohammed Karim, Bouchaib Adrif, Abdelkébir Kaboul, Mohammed Fahmi, Allal Laouinate, Meziane Azzaz, Abdelilah Marhoum, Brahim Achrait, Rachid Anaddam, Mustapha Bouachamia, Mohammed Boukhima, Bouchaib Moundir, Hassan Raoui, Abderrahim Oussamam, Rachid Labed, El Mustapha Achoute, Abderrassoul Ghazza, Najib Boudriga, Abdellah el Hassi, Mohammed Mifdal, Jamal Bella, Ahmed Nouamane et Saad Taha, soient réintégrés sans délai dans leur poste de travail, s'ils le désirent. Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la société SOMADIR n'ait pas recours à des actes de discrimination antisyndicale et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Notant que le différend opposant les travailleurs à la direction de la société SOMADIR a été soumis au Conseil consultatif pour la promotion du dialogue social, le comité prie le gouvernement de transmettre une copie de la décision dès qu'elle sera rendue.
28. Dans une communication du 27 mars 1998, le gouvernement déclare qu'en ce qui concerne le conflit collectif qui opposait la direction de la société SOMADIR à son personnel, suite à la reprise normale de l'activité au sein de la société depuis le 11 juillet 1996, les parties en conflit avaient engagé des négociations qui ont été sanctionnées par un accord prévoyant la réintégration de 33 salariés, dont 4 délégués du personnel, et l'indemnisation des autres travailleurs licenciés conformément à la législation nationale en vigueur. Toutefois, les travailleurs qui ont fait l'objet de licenciements, s'estimant lésés dans leurs droits, ont rejeté cet accord en privilégiant le règlement de leur différend avec l'entreprise par voie judiciaire. Les intéressés ont, en effet, initié des recours contre les mesures de licenciement prises à leur égard auprès des instances judiciaires compétentes qui, à ce jour, ne se sont pas encore prononcées sur cette affaire. Les textes des jugements qui seront rendus à ce sujet seront communiqués au BIT dès que possible.
29. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution des suites judiciaires de cette affaire.
Cas no 1894 (Mauritanie)
30. A sa session de novembre 1997, le comité avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) et la Fédération des transports mauritaniens (FTM) puissent obtenir à bref délai la reconnaissance juridique afin de pouvoir défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres. [Voir 308e rapport, paragr. 526 à 540.]
31. Depuis lors, les organisations plaignantes avaient indiqué dans une communication datée du 8 mars 1998 que le secrétaire général et le responsable de l'éducation ouvrière de la CLTM, MM. Samory Ould Beye et Sid' Amed Ould Salek, avaient été arrêtés le 5 février 1998 à 14 heures et que, depuis, ils étaient assignés à résidence.
32. A sa session de mars 1998, le comité avait insisté auprès du gouvernement pour que les deux organisations plaignantes en cause dans cette affaire obtiennent au plus tôt la personnalité juridique et pour recevoir les observations du gouvernement sur l'arrestation alléguée de ces deux dirigeants syndicaux.
33. Dans une communication datée du 5 mai 1998, le gouvernement fait savoir qu'après analyse des statuts de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) le Procureur de la République, conformément à l'article 9 du Livre III du Code du travail, a certifié la légalité desdits statuts. Le gouvernement ajoute que cela signifie que cette confédération a une existence légale depuis le 30 avril 1998. Dans une communication du 11 mai 1998 le gouvernement indique aussi que les syndicalistes objet de la plainte ont tous été libérés et qu'ils jouissent d'une entière liberté de mouvement.
34. Le comité prend note avec interêt de ces informations. Il demande cependant au gouvernement de mettre tout en œuvre pour que la Fédération des transports mauritaniens, elle aussi plaignante dans cette affaire, puisse obtenir la personnalité juridique le plus rapidement possible étant donné qu'en application de l'article 2 de la convention no 87 les travailleurs sans distinction d'aucune sorte ont droit sans autorisation préalable de constituer les organisations de leur choix et de s'affilier à ces organisations. Il lui demande de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
Cas no 1907 (Mexique)
35. Lors de la réunion du comité en juin 1997, la question relative à la réintégration des travailleurs qui avaient participé à une grève dans le secteur des transports en 1996 est restée en instance. A cet égard, le comité avait formulé les recommandations suivantes. [Voir 307e rapport, paragr. 417.]
Le comité demande au gouvernement de faire tout son possible pour que les travailleurs des entreprises de transport Tres Estrellas de Oro S.A. de C.V. et Corsarios del Bajío S.A. de C.V., qui ont participé à la grève et qui ne sont pas retournés au travail dans un délai de 24 heures, puissent réintégrer leurs postes de travail. S'il n'était pas possible pour le gouvernement de se conformer à cette recommandation, le comité le prie de l'informer des difficultés légales qui l'empêchent de réintégrer les travailleurs dans leurs postes de travail.
36. Dans ses communications des 17 novembre 1997 et 10 mars 1998, le gouvernement déclare qu'il a été impossible à ce jour de mener à bien la réintégration des travailleurs à leurs postes car les entreprises ont obtenu la protection qu'elles avaient demandée par voie d'examen en appel. Le gouvernement explique que cette voie est l'ultime recours contre des faits qu'une partie considère comme des violations des garanties constitutionnelles. Cependant, le gouvernement fait savoir que de nombreux grévistes ont recouru au Syndicat national des travailleurs des transports et activités apparentées pour reprendre leur travail dans diverses entreprises du même groupe.
37. Le comité prend note de ces informations mais regrette que tous les grévistes n'aient pas pu réintégrer leurs postes de travail. Cependant, étant donné que l'autorité judiciaire s'est prononcée en faveur des entreprises et que les faits datent de 1996, la réintégration des travailleurs qui sont toujours licenciés ne peut avoir lieu sur une base exclusivement juridique. Le comité demande donc au gouvernement qu'il prenne des mesures pour rapprocher les parties afin d'obtenir la réintégration du plus grand nombre possible de travailleurs licenciés dans leurs postes de travail.
Cas no 1796 (Pérou)
38. Lors de sa réunion de novembre 1997, le comité a demandé au gouvernement de le tenir informé de la décision du pouvoir judiciaire relative aux licenciements des dirigeants syndicaux MM. Leonardo Cruzalegui, Delfín Quispe Saavedra, Dionisio Mejía Ramos (tous trois employés de l'Entreprise sidérurgique du Pérou) et Iván Vildoso (entreprise Electrolima S.A.). [Voir 308e rapport, paragr. 58.] Au sujet de ce dernier, l'organisation plaignante a envoyé des informations selon lesquelles la Cour suprême de justice a révoqué la sentence de première instance, excluant de la sorte la réintégration de l'intéressé dans son poste de travail; par conséquent, ce dirigeant syndical a interjeté un dernier appel en cassation.
39. Dans sa communication du 16 février 1998, le gouvernement donne des informations détaillées sur l'évolution des divers recours interjetés par les dirigeants en question. Il ressort de ces informations que l'action judiciaire entreprise par M. Leonardo Cruzalegui est arrivée à son terme et qu'il a été confirmé que la demande d'annulation de licenciement était infondée, vu que le licenciement était dû à une réduction de personnel constatée par l'inspection du travail et intervenue dans le cadre d'une privatisation. Quant aux trois autres dirigeants syndicaux, la sentence définitive n'a pas encore été prononcée, compte tenu de la succession des recours qu'ils ont présentés.
40. Le comité prend note de ces informations et demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures relatives aux dirigeants syndicaux MM. Delfín Quispe Saavedra, Dionisio Mejía Ramos et Iván Arias Vildoso.
Cas no 1813 (Pérou)
41. Lors de sa réunion de novembre 1997, le comité a déclaré qu'il attendait de nouveaux commentaires de la part du gouvernement relatifs à deux procé-dures judiciaires dont le comité avait demandé à être tenu informé des résultats: 1) la procédure judiciaire intentée contre plusieurs travailleurs (MM. Félix Castillo Pérez, Elí Pando Malpartida, Antonio Yupanqui Oré, José Palacios Huamanchuco, Felipe Gutiérrez Cárdenas et Julio Camacho Díaz) pour atteinte à la paix publique; et 2) la procédure judiciaire concernant la mort de deux syndicalistes (MM. Alipio Chueca de la Cruz et Juan Marcos Donayre Cisneros). [Voir 308e rapport, paragr. 59 et 60.]
42. Dans sa communication du 17 février 1998, le gouvernement fait savoir qu'en ce qui concerne les travailleurs contre lesquels une procédure judiciaire a été intentée pour atteinte à la paix publique, après les troubles occasionnés dans les bureaux de la «Corporación para el Desarrollo del Callao» (CORDECALLAO), l'autorité judiciaire a décidé de classer définitivement l'instruction; en effet, la poursuite pénale s'est éteinte car il y a prescription, de sorte qu'il n'y a pas de sanction contre ces travailleurs. Le comité prend note de ces informations.
43. Quant à la procédure judiciaire motivée par la mort des syndicalistes Alipio Chueca de la Cruz et Juan Marco Donayre Cisneros, provoquée par des coups de feu tirés par le personnel de la sécurité de CORDECALLAO, le gouvernement fait savoir que trois agents ont été accusés de blessures graves ayant causé la mort et de port illégal d'armes à feu. Le gouvernement ajoute que cette procédure n'est pas terminée et qu'il continuera de transmettre des informations à cet égard. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de cette procédure judiciaire.
Cas no 1878 (Pérou)
44. Lors de son examen antérieur du cas, le comité avait demandé au gouvernement de transmettre ses observations sur certains commentaires que l'organisation plaignante (le Syndicat unique des techniciens et auxiliaires spécialisés de l'Institut péruvien de sécurité sociale (SUTAEIPSS)) avait formulés dans sa communication du 12 septembre 1997. [Voir 308e rapport, paragr. 64.] Ultérieurement, cette organisation a adressé de nouvelles communications en date des 10 novembre 1997, 24 et 30 janvier et 14 février 1998 (dans cette dernière communication, l'organisation plaignante prie le Comité de la liberté syndicale de se prononcer uniquement sur les questions relatives à la négociation collective).
45. Le SUTAEIPSS signale qu'aucune solution n'a encore été apportée au cahier de revendications de 1997 et que le gouvernement a accordé une augmentation salariale de 16 pour cent aux travailleurs de l'Institut péruvien de sécurité sociale, augmentation qui a pu être obtenue grâce à l'action du syndicat. Néanmoins, l'institut n'a pas mis en place de commission paritaire et il a préféré accorder cette augmentation en dehors du cahier de revendications correspondant à l'année 1997. Le SUTAEIPSS ajoute qu'il a transmis à l'institut le cahier de revendications pour 1998 et qu'il faut souhaiter que tout se passera comme en 1997. L'organisation plaignante espère que le droit de négociation collective sera garanti aux agents de la fonction publique dans le cadre de la réforme en cours de la loi sur les relations professionnelles. Elle fait aussi ressortir que les relations entre le syndicat et l'institut se sont améliorées et que d'autres questions ont été résolues.
46. Dans ses communications des 29 décembre 1997 et 10 mars 1998, le gouvernement déclare que les causes du retard dans la négociation collective sont imputables au syndicat plaignant. Selon le gouvernement, cette négociation a abouti à une augmentation de 16 pour cent des rémunérations des travailleurs de l'institut. En outre, la législation nationale garantit les droits établis dans les conventions nos 87 et 151.
47. Le comité prend note des allégations de l'organisation plaignante et des déclarations du gouvernement. Il observe avec intérêt que le dialogue et les négociations entre le SUTAEIPSS et l'Institut péruvien de sécurité sociale ont permis une augmentation salariale de 16 pour cent et l'amélioration signalée par le syndicat de ses relations avec l'institut. Le comité observe cependant que la négociation entre les parties semble avoir eu lieu de manière informelle et que ce qui préoccupe véritablement l'organisation plaignante est l'institution d'une commission paritaire et l'instauration, grâce à la réforme en cours de la loi sur les relations professionnelles, d'un cadre juridique dans lequel la négociation collective entre les parties pourra se dérouler de manière satisfaisante. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement d'examiner les raisons pour lesquelles la commission paritaire n'a pas encore été instituée et de prendre les mesures nécessaires pour promouvoir la négociation collective en 1998 à l'Institut péruvien de sécurité sociale.
Cas no 1926 (Pérou)
48. Le comité a examiné ce cas lors de sa réunion de novembre 1997 [voir 308e rapport, paragr. 610-634] et à cette occasion il a demandé au gouvernement: i) de prendre les mesures nécessaires pour que soit reconnu le droit de la section syndicale du Syndicat unifié des travailleurs de l'électricité de Lima et Callao (SUTREL) de représenter ses membres et de négocier collectivement leurs conditions d'emploi, au moins en leur nom; ii) de mener une enquête en ce qui concerne les allégations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) relatives à la nature antisyndicale des licenciements de dirigeants de plusieurs organisations syndicales; iii) d'adopter les mesures nécessaires afin que, dans le cas où il faudrait appliquer des programmes de licenciement collectif motivés par des causes objectives, des négociations aient lieu entre les entreprises concernées et des organisations syndicales; iv) de prendre les mesures nécessaires pour garantir la pleine application de la convention en ce qui concerne les allégations de la CGTP relatives aux menaces de licenciement dont auraient fait l'objet deux dirigeants syndicaux.
49. Dans une communication datée du 7 mai 1997, le gouvernement fait savoir que l'Autorité administrative du travail a déclaré que les cahiers de revendications présentés par la section syndicale du SUTREL dans l'entreprise Luz del Sur Servicios S.A. sont irrecevables, puisqu'il s'agit d'un syndicat de branche qui représente des travailleurs de diverses entreprises connexes et que, pour se constituer et survivre, il doit compter au moins 100 affiliés. Le gouvernement ajoute qu'une convention collective a déjà été signée en janvier 1997 entre cette entreprise et la majorité de ses travailleurs. A cet égard, le comité souhaite rappeler, premièrement, que le minimum de 100 travailleurs pour constituer un syndicat de branche est une exigence critiquée par la commission d'experts qui la considère comme élevée. Par ailleurs, le comité rappelle que la négociation directe entre l'entreprise et ses travailleurs, au-dessus des organisations représentatives quand ces dernières existent, peut parfois être préjudiciable au principe de l'encouragement et la promotion de la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs; et il demande une fois encore au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soit reconnu le droit de la section syndicale du SUTREL de représenter ses membres et de négocier collectivement leurs conditions d'emploi, au moins aux noms de ses propres membres.
50. En ce qui concerne les allégations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) relatives au licenciement de dirigeants de plusieurs organisations syndicales, le comité prend bonne note du fait que le gouvernement vient de s'engager à mener une enquête et à tenir le comité informé de ses résultats dans les plus brefs délais. Le comité attend les résultats de cette enquête.
51. Quant à la demande du comité de veiller à ce que des négociations aient lieu entre les entreprises concernées et les organisations syndicales dans le cas où il serait nécessaire d'appliquer des programmes de licenciement collectif motivés par des causes objectives, le comité prend note avec intérêt des indications du gouvernement, selon lesquelles l'article 48 du décret suprême no 003-97-TR impose à l'entreprise en pareil cas de négocier avec le syndicat les conditions de cessation des contrats de travail ou toutes autres mesures pour éviter ou limiter le licenciement du personnel. En conséquence, ajoute le gouvernement, il est difficile pour l'employeur d'utiliser la méthode du licenciement collectif à des fins antisyndicales, compte tenu du fait que, outre le syndicat, l'Autorité administrative du travail intervient aussi dans les négociations.
52. En ce qui concerne les allégations de la CGTP relatives aux menaces de licenciement dont auraient fait l'objet deux dirigeants syndicaux, le comité prend note des informations du gouvernement qui indique qu'il n'a pu vérifier l'existence de ces menaces, et qu'aucune plainte n'a été déposée auprès des instances nationales à cet égard.
Cas no 1785 (Pologne)
53. A sa session de novembre 1997, le comité avait demandé au gouvernement de se conformer le plus tôt possible à la recommandation qu'il avait précédemment formulée en vue d'une répartition définitive et équitable du patrimoine syndical entre les deux centrales syndicales et de le tenir informé à ce sujet. [Voir 308e rapport, paragr. 71.]
54. Dans une communication du 9 mars 1998, le gouvernement indique qu'au 31 janvier 1998 les organisations syndicales ont introduit 481 requêtes, confor-mément aux procédures prévues par les nouvelles dispositions.
55. Au 31 janvier 1998, la Commission sociale des revendications a adopté diverses décisions en vertu desquelles elle a obligé le Trésor public à indemniser, en numéraire ou sous d'autres formes prévues par la loi, un montant total de 57 540 505,78 zlotys (PLN) (33 dollars des Etats-Unis équivalant à 100 zlotys). Les obligations du Trésor public envers des sections de base de NSZZ «Solidarno» s'élèvent à 56 098 873,06 zlotys. Les 218 661,34 zlotys restants correspondent à une indemnisation pour paiements excessifs aux syndicats qui avaient été obligés, en vertu de décisions précédentes, de restituer des biens.
56. Les indemnisations en numéraire, ainsi que les intérêts moratoires prévus par la loi, seront versées à partir de septembre 1998 par les voïvodes représentant le Trésor public et prélevées sur les réserves de l'Etat que le ministre des Finances leur alloue.
57. Le gouvernement ajoute que les indemnisations sous des formes autres qu'en numéraire ne seront effectuées qu'une fois que le Cabinet aura adopté le décret d'application prévu au paragraphe 3 de l'article 3(2) de la loi sur les revendications, telle que modifiée. Ce décret est en cours de préparation.
58. La question des obligations, sous des formes autres qu'en numéraire, du Trésor public devrait être fixée, de la meilleure façon possible, par des dispositions législatives. Le nouveau gouvernement va donc présenter au Parlement, dans un délai raisonnable, un projet de modification du paragraphe 1 de l'article 3(2) de la loi sur les revendications, et il prépare dans le même temps un décret d'application du Cabinet qui tiendra compte des modifications envisagées.
59. Le gouvernement indique que le ministre du Travail et de la Politique sociale a adopté un décret le 27 juin 1997 dans lequel figure la liste des biens immobiliers de l'ancienne organisation syndicale qui appartiennent à la NSZZ «Solidarno» et à l'OPZZ. Conformément à ce décret, NSZZ «Solidarno» s'est vu allouer un immeuble et l'OPZZ trois immeubles. Le ministre du Travail et de la Politique sociale a adopté un autre décret le 26 août 1997 en vertu duquel trois autres immeubles ont été attribués à NSZZ «Solidarno» et six autres à OPZZ.
60. Le ministère du Travail et de la Politique sociale a également pris une décision à la suite de la répartition des biens immeubles de l'ancienne organisation syndicale. En vertu de cette décision, l'OPZZ a été tenu de restituer à NSZZ «Solidarno» une somme de 331 zlotys, car l'évaluation monétaire des biens immeubles qui avaient été énumérés dans les deux décrets et attribués à OPZZ était plus élevée que la valeur monétaire des biens immeubles attribués à NSZZ «Solidarno». Or l'article 45 de la loi relative aux syndicats précise que les biens immeubles doivent être répartis de manière égale entre OPZZ et NSZZ «Solidarno».
61. NSZZ «Solidarno» a exprimé des critiques à propos des décrets du 27 juin 1997 et du 26 août 1997, qui émanent du ministre du Travail et de la Politique sociale, et de la décision du 5 septembre 1997 concernant la décision qui a fait suite à la répartition des biens immeubles de l'ancienne organisation syndicale.
62. NSZZ «Solidarno» a estimé que ces deux décrets n'étaient pas conformes à la loi et qu'ils n'étaient pas fondés.
63. NSZZ «Solidarno» a également contesté la décision en date du 5 septembre 1997 du ministre du Travail et de la Politique sociale portant sur la décision ayant fait suite à la répartition de biens immeubles, au motif que la valeur en termes réels des biens immeubles fixée dans cette décision -- valeur identique à celle mentionnée dans les décrets -- devrait être réévaluée. Après examen de ces objections, la Cour des comptes a déclaré qu'il n'y avait pas lieu de procéder à une réévaluation des biens immeubles susmentionnés. Toutefois, la Cour n'a pas dissipé directement le doute suscité par NSZZ «Solidarno» sur la question de savoir si la Commission des inventaires avait tenu compte de tous les biens immeubles qui, en vertu de la loi applicable, devaient faire l'objet d'une répartition. La Cour n'a pas non plus répondu à l'objection selon laquelle la commission n'avait pas établi une liste finale des biens recensés. Néanmoins, la décision de la Cour des comptes faisait état de critiques, doutes et objections -- en tant que points à examiner -- concernant les différentes étapes des travaux de la Commission des inventaires.
64. Etant donné la complexité juridique de la question de la division des biens de l'ancienne organisation syndicale, le gouvernement déclare que le ministre du Travail et de la Politique sociale n'est pas en mesure de s'exprimer maintenant. Il informera le comité lorsque le ministre du Travail et de la Politique sociale aura tranché.
65. Le comité note avec intérêt que les décisions concernant l'indemnisation en numéraire des organisations syndicales commenceront en septembre 1998 et que certaines attributions de biens immeubles à NSZZ «Solidarno» et à OPZZ ont été effectuées. Le comité prend note du caractère complexe de la question de la répartition des biens de l'ancienne organisation syndicale, ainsi que des objections de NSZZ «Solidarno» à propos des décisions et décrets du ministère du Travail et de la Politique sociale et des travaux de la Commission des inventaires. Le comité exprime l'espoir que ces questions seront résolues dans un avenir proche et il demande au gouvernement de le tenir informé de tout élément nouveau.
Cas no 1895 (Venezuela)
66. A sa réunion de novembre 1997 [voir 308e rapport, paragr. 672 à 684], lors de l'examen du cas relatif à l'allégation de détention arbitraire du président du Syndicat unique de base des travailleurs du corps enseignant (SUBATRA), José Ramon Pacheco, le comité avait demandé au gouvernement de le tenir informé de l'issue de la procédure pénale engagée contre le dirigeant syndical en question pour falsification présumée de documents. Par une communication du 24 février 1998, le gouvernement fait savoir que les autorités judiciaires ont décidé de mettre en liberté M. José Ramon Pacheco pendant que l'enquête sur le délit de falsification de documents qu'il aurait commis se poursuit. Le comité prend bonne note de cette information. Il demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de la procédure judiciaire entamée contre le dirigeant syndical, José Ramon Pacheco.
* * *
67. Finalement, en ce qui concerne les cas nos 1512/1539 (Guatemala), 1581 (Thaïlande), 1719 (Nicaragua), 1809 (Kenya), 1819 (Chine), 1824 (El Salvador), 1826 (Philippines), 1834 (Kazakhstan), 1843 (Soudan), 1863 (Guinée), 1883 (Kenya), 1886 (Uruguay), 1890 (Inde), 1891 (Roumanie), 1895 (Venezuela), 1900 (Canada/Ontario), 1903 (Pakistan), 1912 (Royaume-Uni/île de Man), 1916 (Colombie), 1918 (Croatie), 1920 (Liban), 1921 (Niger), 1925 (Colombie), 1936 (Guatemala) et 1945 (Chili), le comité demande aux gouvernements concernés de le tenir informé des développements relatifs aux affaires les concernant. Il espère que ces gouvernements fourniront rapidement les informations demandées. En outre, le comité vient de recevoir des informations concernant les cas nos 1594 (Côte d'Ivoire), 1618 (Royaume-Uni), 1698 (Nouvelle-Zélande), 1849 (Bélarus), 1852 (Royaume-Uni), 1854 (Inde), 1862 (Bangladesh), 1864 (Paraguay), 1913 (Panama), 1937 (Zimbabwe) et 1940 (Maurice), qu'il examinera à sa prochaine session. Dans le cas no 1912 (Royaume-Uni/île de Man), le gouvernement indique qu'une réponse sera fournie dès qu'elle parviendra des autorités de l'île de Man.
Rapport définitif
Plainte contre le gouvernement de l'Argentine
présentée par
l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE)
Allégations: transfert et licenciement d'un dirigeant syndical
pour cause d'activité syndicale
68. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de mars 1997 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 306e rapport, paragr. 56 à 69, approuvé par le Conseil d'administration à sa 268e session (mars 1997).] Ultérieurement, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 31 juillet 1997.
69. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 27 février 1998.
70. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Examen antérieur du cas
71. Au cours de l'examen antérieur du cas, le comité a analysé les allégations relatives au transfert puis au licenciement d'un dirigeant syndical pour des motifs antisyndicaux et il a constaté que la version des faits de l'organisation plaignante et celle du gouvernement étaient contradictoires. Concrètement, il a formulé les conclusions suivantes [voir 306e rapport, paragr. 65 et 66]:
«...selon le syndicat plaignant, le changement de lieu de travail et les autres mesures qui ont été appliquées à l'encontre du dirigeant syndical, M. Miguel Hugo Rojo, étaient motivés par ses activités syndicales dans un conflit collectif qui a commencé au début du mois de février 1992, lequel, d'après les documents envoyés par le plaignant, a été le théâtre de grèves, ainsi que de la dénonciation d'anomalies financières, de cas de corruption, et d'une résolution administrative qui modifiait le régime de perception du «fonds d'encouragement» pour les travailleurs. Le comité note que le gouvernement, pour sa part, nie que les mesures prises contre M. Miguel Hugo Rojo ont eu des motifs syndicaux. Le comité observe cependant que dans les résolutions administratives sur lesquelles se fondent le changement de lieu de travail et les sanctions infligées à M. Miguel Hugo Rojo, et qui lui ont été communiquées par le syndicat plaignant, il est dit que:
Le comité constate que les versions de l'organisation plaignante et de l'autorité administrative sur le changement de travail et les sanctions imposées au dirigeant syndical, M. Miguel Hugo Rojo, sont contradictoires.»
Dans ce contexte, le comité a formulé la recommandation suivante [voir 306e rapport, paragr. 69]:
«Afin de lui permettre de parvenir à des conclusions en toute connaissance de cause sur le fait de savoir si le transfert de M. Miguel Hugo Rojo a eu pour origine des motifs antisyndicaux et sur sa non-réintégration, le comité demande à l'organisation plaignante et au gouvernement de fournir des informations complémentaires, notamment sur la base des décisions et actes administratifs et des jugements qui ont été prononcés dans cette affaire.»
B. Informations complémentaires du plaignant
72. Dans sa communication du 31 juillet 1997, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) s'inscrit en faux contre l'argumentation de la province de Salta et du gouvernement argentin, à savoir que la suspension puis la mise à pied de M. Rojo n'ont pas été contestées et qu'elles n'ont aucun rapport avec la participation de l'intéressé à des activités syndicales. Le conflit du travail a été notoire et public, ainsi que la presse locale s'en est fait l'écho, et M. Rojo y a joué un rôle actif. C'est un fait indiscutable qui a motivé les sanctions discriminatoires appliquées par l'employeur, à savoir la suspension puis le licenciement. L'organisation plaignante indique que la suspension et le licenciement n'ont pas été décidés pour «des raisons de service» ou pour «non-exécution des tâches, contrairement à ce que soutient le gouvernement, mais à cause du conflit, pendant son déroulement et ultérieurement, et en représailles à l'action menée par l'association syndicale et M. Rojo pour la défense des intérêts des travailleurs. Selon l'ATE, il n'y a eu en l'occurrence ni préjudice moral infligé au supérieur hiérarchique, ni atteinte à son honneur et à sa réputation et encore moins «délit d'injure», puisque, ainsi qu'il ressort des sentences prononcées à leur encontre, divers membres de la Direction générale des impôts ont été poursuivis pour avoir bel et bien commis des délits -- fraude à l'administration publique, abus d'autorité, manquement aux devoirs de fonctionnaire de l'Etat -- au préjudice de la province de Salta (l'organisation plaignante joint des copies de ces pièces). Il existe indéniablement une relation directe entre le conflit et les mesures de suspension et de mise à pied; le dirigeant syndical ne peut avoir manqué à ses devoirs professionnels à titre personnel puisque, avec d'autres dirigeants de l'ATE, il exerçait alors le droit de grève, de même que tous les employés de la Direction générale des impôts.
73. L'ATE souligne que la discrimination est notoire puisque la sanction n'a été infligée qu'à M. Rojo et à aucun des autres dirigeants ou des membres du syndicat ayant participé au conflit. En définitive, il ne s'agit pas d'une sanction disciplinaire puisque M. Rojo n'a pas eu de comportement délictueux, qu'il s'agisse de violence physique ou de menace verbale, et a encore moins manqué aux devoirs qui lui incombent, conformément au statut de la fonction publique. Le gouvernement d'ailleurs n'apporte aucune preuve, qu'elle soit administrative ou judiciaire, que M. Rojo ait été accusé de tels délits et jugé en conséquence (l'organisation plaignante joint de nombreux articles de presse relatifs à cette allégation).
74. L'organisation plaignante ajoute que, ainsi qu'il ressort du dossier relatif à l'audience de conciliation obligatoire mise en œuvre devant les instances de la Direction provinciale du Travail, la province de Salta, par l'entremise de Graciela Castro, la directrice générale des impôts, a demandé l'application de la procédure obligatoire de conciliation à ce conflit avec le personnel qui, à partir du 5 mars 1992, a déclenché une action revendicative pour protester contre la modification et la réduction des salaires. L'ATE a accepté de mettre un terme à son action, avec l'intervention du délégué régional de la Confédération générale du travail. L'organisation plaignante indique par ailleurs qu'il ressort de la décision 231/87 et du compte rendu du 18 août 1987 qu'il s'agit sans conteste d'un conflit du travail, d'où la tentative de conciliation obligatoire et la décision prise (point 6) d'établir, d'un commun accord, avant le 21 août 1987, une grille «conforme à la structure actuelle de la Direction générale des impôts, puis de procéder à son approbation avant le 31 août 1987, avec la participation des représentants syndicaux, étant entendu qu'aucune personne actuellement en fonctions dans cette administration ne pourra être exclue». L'organisation plaignante signale que le conflit collectif et la situation personnelle de M. Rojo à son poste de travail ont été des thèmes de négociation au cours de la phase de conciliation. Elle joint également des copies des diverses décisions judiciaires relatives à M. Rojo.
75. L'organisation plaignante indique que, le 1er septembre 1992, la Chambre des députés de la province de Salta a examiné et approuvé le projet de déclaration suivant: «La Chambre des députés de la province de Salta ... DÉCLARE: ... qu'elle désapprouve totalement la procédure suivie par le pouvoir exécutif de la province, lequel, en vertu du décret no 1127, a ordonné la mise à pied de M. Rojo, fonctionnaire de la Direction générale des impôts et secrétaire de l'ATE, ... et qu'elle lui serait reconnaissante de bien vouloir prendre les dispositions nécessaires afin de reconsidérer cette mesure.» La Chambre a analysé la pertinence et l'application de la loi nationale no 23551 dans la province puis a voté, à la majorité, pour la réintégration du dirigeant syndical à son poste de travail, jugeant qu'il avait fait l'objet d'une mesure discriminatoire de représailles antisyndicales.
76. L'organisation plaignante ajoute que, parallèlement à la procédure sommaire de protection syndicale menée devant le tribunal du contentieux administratif, M. Rojo a introduit devant les instances administratives une action en nullité et anticonstitutionnalité des décrets nos 1127/92, 1825/92 et de tous les actes de la procédure administrative qui a débouché sur son licenciement. Ayant épuisé les voies administratives sans avoir obtenu sa réintégration, l'intéressé a porté un recours contentieux devant la juridiction administrative le 23 février 1993. Selon l'organisation plaignante, toutes ces pièces démontent l'argument du gouvernement de la province de Salta et du gouvernement national selon lequel M. Rojo n'a pas contesté son licenciement. Au contraire, il en ressort que, ayant recouru à la procédure sommaire de protection syndicale prévue par la loi, le demandeur a obtenu en première instance un jugement demandant sa réintégration, mais que celui-ci, en deuxième et troisième instance, a été révoqué, sur la base d'arguments purement formels, en violation des dispositions des traités et conventions de l'Organisation internationale du Travail (l'organisation plaignante joint copie des actes susmentionnés).
C. Réponse du gouvernement
77. Dans sa communication du 27 février 1998, le gouvernement déclare que l'allégation de l'organisation plaignante porte sur une atteinte à la garantie de stabilité dans l'emploi prévue par la loi no 23551 sur les associations syndicales, et consacrée sous forme de protection exclusive par la convention no 135 de l'OIT; cela sans préjudice de l'obligation faite aux Etats tant par la convention no 98 que par la convention no 151 de prendre des mesures afin de garantir la liberté de négociation, tant dans le secteur privé que dans le secteur public à proprement parler, sans que soit exigé d'eux un comportement spécifique visant à garantir la protection prévue. En effet, la convention no 135 dispose que les travailleurs de l'entreprise doivent bénéficier d'une protection contre tout acte pouvant leur porter préjudice, y compris le licenciement motivé par leur qualité de représentants des travailleurs. Quant à la convention no 98, elle ne se réfère pas expressément à une forme de protection syndicale mais, comme il ressort de ses articles 1, 3 et 4, elle laisse aux Etats le soin d'adapter ses dispositions pour les incorporer dans leur législation interne. Il y a lieu de souligner que la convention no 98 ne s'étend pas aux fonctionnaires qui sont directement affectés à l'administration de l'Etat, ni aux fonctionnaires des catégories inférieures qui les servent en qualité d'auxiliaires, et que par conséquent elle ne s'applique pas à M. Rojo, qui exerçait ses fonctions dans l'administration centrale, plus exactement à la Direction générale des impôts de la province de Salta. Le gouvernement ajoute que ni la convention no 98 ni la convention no 135 ne s'appliquent au présent cas et qu'il ne voit pas non plus en quoi la situation du réclamant relève de la convention no 87.
78. Le gouvernement affirme que d'après les coupures de presse versées au dossier par l'organisation plaignante le comportement des parties ne suggère pas l'existence d'une situation litigieuse dont l'issue, telle qu'advenue, était prévisible, et il apparaît que le syndicat a toujours eu toute liberté d'agir sans pression quelconque exercée par l'Etat; rien n'indique non plus une quelconque tentative du gouvernement de Salta de limiter ce droit ou d'entraver son exercice légal. Le gouvernement ajoute que la procédure sommaire appliquée à M. Rojo porte sur des aspects qui n'ont rien à voir avec la demande de réparation et qu'il est reconnu que l'intéressé ne s'est pas présenté au lieu de travail qui lui avait été indiqué, et que les explications qu'il a données pour justifier son absence ne concordent pas avec l'argument selon lequel il serait persécuté; selon le gouvernement, les raisons invoquées par l'intéressé font plutôt penser à une attitude délictueuse, voire, comme il ressort de ses propres déclarations, à un cas de corruption, questions qui, sans préjudice de leur gravité, ne relèvent pas de la convention no 87 et sont régies par des dispositions disciplinaires sans lien avec cet instrument international et sont sanctionnées par les lois en la matière. En résumé, le conflit s'est déroulé sans aucune ingérence de l'administration.
79. Le gouvernement indique que le seul instrument international ratifié par l'Argentine qui ait un rapport avec l'activité du réclamant est la convention no 151, encore qu'il n'y ait rien non plus dans ce cas qui puisse donner lieu à des observations sur la conformité au principe. Cet instrument ne spécifie pas la manière dont l'Etat doit exercer la protection prescrite; les moyens et instruments appliqués à cette fin sont variés. Par conséquent, le gouvernement indique que la question examinée dans le présent cas ne relève pas de la procédure internationale et que l'affaire ne serait du ressort du comité que si l'intéressé avait été licencié en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales. Or, à ce sujet, aucun élément étayant cette thèse n'a été fourni. Le gouvernement ajoute que l'organisation plaignante se borne à accompagner les débats devant les instances judiciaires et, encore, non en ce qui concerne la question de savoir si la législation de la province de Salta est apte à garantir la protection des représentants syndicaux dans l'administration publique. De fait, la procédure achoppe sur la question de savoir si les dispositions des articles 47 et 52 de la loi no 23551 peuvent être considérées comme des pouvoirs délégués par la province de Salta à la Nation, question sur laquelle il n'appartient pas à l'Etat de se prononcer mais qui relève de la compétence de la province.
80. Le gouvernement indique que la question qu'il faut se poser ici est celle de savoir si le gouvernement de Salta a ou non un système de protection qui évite la discrimination en matière de liberté syndicale. Il affirme que si, étant donné que, au-delà de la question de savoir s'il s'agit ou non d'un pouvoir délégué et si la procédure prévue par la loi no 23551 est applicable à la province de Salta, le régime légal de stabilité du fonctionnaire public de cette province n'a jamais été remis en question, et que, avec les dispositions constitutionnelles, il semble offrir suffisamment de garanties en la matière pour donner effet aux dispositions de la convention no 151. Selon le gouvernement, dans l'administration publique, nul ne peut être mis à pied sans motif avéré et sans procédure administrative préalable. La puissance publique ne peut licencier que pour des raisons légales justifiées et particulières, ce qui garantit pleinement l'application des dispositions de l'article 4 b) de la convention no 151. La suspension de M. Rojo n'enfreint pas le principe de la stabilité de l'emploi, c'est une mesure prise préventivement en attendant l'issue de la procédure sommaire; qui plus est, aucune décision judiciaire n'a décrété la nullité des actes issus de cette procédure. Le gouvernement s'inscrit en faux contre l'affirmation selon laquelle il n'y a pas en Argentine de procédures rapides et efficaces propres à garantir la protection des droits syndicaux et ajoute que, si le demandeur n'a pas choisi la bonne voie pour accéder à la justice, ce n'est pas le problème de l'administration, ainsi que la Cour l'a souligné en lui signifiant qu'il aurait dû épuiser la voie administrative, avant de porter le recours contentieux devant la juridiction administrative.
81. Enfin, le gouvernement indique que la suspension et le licenciement de M. Rojo n'ont pas été motivés par son affiliation à une organisation d'agents publics ou par sa participation aux activités normales de cette organisation, mais par des questions concrètes de discipline qui n'ont pas été réfutées dans des actes de procédure.
82. Le comité observe que l'allégation de l'organisation plaignante porte dans le présent cas sur le transfert, pour des motifs antisyndicaux, du dirigeant syndical, M. Rojo, et sur son licenciement ultérieur.
83. En premier lieu, le comité observe que, selon le gouvernement, il n'y a pas lieu dans ce cas de se référer à l'application des conventions nos 87, 98 et 135, puisque M. Rojo travaillait dans l'administration centrale de la province de Salta, et que, en ce qui concerne la convention no 151, tant la législation de la province de Salta que la législation nationale offrent la protection nécessaire contre d'éventuels actes de discrimination antisyndicale dans l'administration publique. A cet égard, le comité souligne que, comme le gouvernement lui-même l'a reconnu, la convention no 151, ratifiée par l'Argentine, accorde une protection contre les actes de discrimination antisyndicale susceptibles d'être commis tant au niveau de l'administration publique nationale que de l'administration provinciale. Le comité observe en outre que le gouvernement n'a pas affirmé que la loi no 23551 relative aux associations syndicales (qui protège les dirigeants syndicaux contre le licenciement) s'applique à l'administration publique provinciale et a souligné que de toutes manières celle-ci est régie par le «régime de stabilité du fonctionnaire public» de la province.
84. A cet égard, le comité observe qu'il s'est déjà prononcé sur cette question dans son examen antérieur du cas et il ne peut donc que citer les conclusions qu'il a formulées à cette occasion: «Le comité estime qu'il ne lui appartient pas de déterminer quelles sont les règles internes qui, dans les Etats fédéraux, régissent la protection contre la discrimination antisyndicale, non plus que de décider si ce sont les règles d'application générale ou celles de la province dont il s'agit qui doivent être applicables. Cependant, le comité rappelle que, indépendamment des lois de procédures ou des lois substantielles qui s'appliquent dans les provinces d'un Etat fédéral aux fonctionnaires ou aux employés publics, il lui incombe d'évaluer si les mesures concrètes de discrimination antisyndicale alléguées sont ou non conformes aux conventions de l'OIT ratifiées et aux principes de la liberté syndicale.» [Voir 306e rapport, paragr. 63 et 64.]
85. En ce qui concerne le transfert puis le licenciement de M. Rojo, le comité observe que l'organisation plaignante réitère que ces mesures ont été prises en représailles contre l'action menée par l'association syndicale et l'intéressé en faveur des travailleurs, et qu'il n'y a aucun doute sur la relation directe entre le conflit et ces mesures, prises au cours de son déroulement. Le comité note que le gouvernement réitère lui aussi que la suspension et le licenciement de M. Rojo n'ont pas été motivés par son affiliation à une organisation syndicale ou par sa participation aux activités normales de cette organisation, mais par des questions concrètes de discipline, qui, selon le gouvernement, n'ont pas été contestées dans les procédures suivies à ce jour. Qui plus est, de l'avis du gouvernement, M. Rojo n'a pas utilisé les voies judiciaires adéquates pour l'instruction de son affaire.
86. A cet égard, le comité relève que la version de l'organisation plaignante et celle du gouvernement continuent d'être contradictoires pour ce qui est de la motivation antisyndicale du transfert puis du licenciement de l'intéressé. Il observe aussi que la documentation et les décisions judiciaires communiquées par l'organisation plaignante permettent d'établir les faits suivants: 1) le tribunal de première instance du contentieux administratif de la province de Salta, considérant que «la loi no 23551 prévoit une procédure de protection du droit en cas de comportements antisyndicaux» (l'article 52 dispose que «les travailleurs auxquels s'appliquent les garanties prévues aux articles 40, 48 et 50 de la loi ne peuvent être licenciés ni suspendus, et leurs conditions de travail ne peuvent être modifiées s'il n'existe pas de décision judiciaire les excluant de cette garantie...»), a ordonné la réintégration de M. Rojo à son poste de travail; 2) la Cour de justice de la province de Salta, considérant que la loi no 23551 n'est pas applicable aux employés publics de la province, a révoqué le jugement du tribunal de première instance, «sans préjudice de la faculté de révision administrative et judiciaire de la légitimité des actes administratifs en question (transfert, suspension et licenciement du dirigeant syndical) par tous recours pertinents». Le comité observe donc que la Cour de justice de la province de Salta n'a pas statué sur la question de savoir s'il y a eu ou non discrimination syndicale, et qu'indirectement elle défère l'affaire -- qui remonte à 1992 -- aux instances administratives et en l'occurrence à la juridiction du contentieux.
87. Compte tenu de tous ces éléments, le comité aboutit aux conclusions suivantes: i) il existe une certaine relation temporelle entre le conflit collectif et le transfert de M. Rojo (le conflit a commencé à la fin de février 1992 et son transfert a été décidé le 30 mars); et ii) la décision administrative de licenciement invoque des «injures» proférées par M. Rojo à l'encontre de son supérieur hiérarchique (qui ne «s'appuyait sur aucune considération éthique»), mais celles-ci s'inscrivent dans un contexte de dénonciation par l'organisation plaignante d'anomalies financières et de cas de corruption dans l'institution, qui a débouché sur la mise en examen des supérieurs de M. Rojo, ce qui n'exclut pas que les mesures prises contre M. Rojo constituent des représailles.
88. Le comité rappelle que «il peut être souvent difficile, sinon impossible, à un travailleur d'apporter la preuve qu'il a été victime d'une mesure de discrimination antisyndicale». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 740.] En tout état de cause, le comité considère que dans le présent cas il faut tenir compte des éléments suivants: 1) lorsque le conflit a débuté, M. Rojo exerçait d'importantes fonctions syndicales (secrétaire du Conseil directeur provincial de l'Association des travailleurs de l'Etat de la province de Salta); 2) cette affaire est importante pour la province de Salta (la Chambre des députés de la province a déclaré en septembre 1992 «qu'elle désapprouve totalement la procédure suivie par le pouvoir exécutif de la province, lequel, en vertu du décret no 1127, a ordonné la mise à pied de M. Rojo, et qu'elle lui serait reconnaissante de bien prendre les dispositions nécessaires afin de reconsidérer cette mesure»); 3) les autorités judiciaires devant lesquelles le recours a été porté ne se sont pas prononcées sur le fond de la question (existence ou non de discrimination antisyndicale), mais se sont bornées à examiner si la loi no 23551 (précisément les dispositions relatives à l'immunité syndicale) était applicable au dirigeant syndical de la province de Salta, M. Rojo; 4) à ce jour, il n'y a pas eu de jugement définitif sur la question de savoir si cette loi (fédérale) et, plus précisément, ses dispositions relatives à l'immunité syndicale s'appliquent à la province de Salta; par conséquent, les mesures prises contre M. Rojo (transfert puis licenciement) s'inscrivent dans un contexte d'incertitude juridique pour ce qui est de leur validité; 5) ces mesures ont été prises, il y a longtemps (sept ans), sans que les autorités judiciaires aient tranché de façon définitive. Dans ces conditions, le comité estime qu'il existe des présomptions sérieuses et concordantes qui laissent penser que M. Rojo a été victime de discrimination antisyndicale. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour la réintégration de M. Rojo au poste de travail qu'il occupait et, si cela s'avérait impossible compte tenu du temps écoulé, pour qu'il soit indemnisé de façon complète.
89. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le dirigeant syndical, M. Rojo, soit réintégré au poste de travail qu'il occupait et, si cela s'avérait impossible compte tenu du temps écoulé, pour qu'il soit indemnisé de façon complète.
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement de l'Argentine
présentée par
l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA)
Allégations: restrictions au droit de négociation collective
90. Le comité a examiné ce cas à sa session de mai 1997 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 307e rapport du comité, paragr. 55 à 69, approuvé par le Conseil d'administration à sa 269e session (juin 1997).]
91. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 9 mai et 1er octobre 1997 et du 27 mai 1998. A sa session de mars 1998, le comité a ajourné l'examen de ce cas à la demande du gouvernement.
92. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Examen antérieur du cas
93. Lors du dernier examen du cas étaient restées en instance les allégations de l'Union des conducteurs de tramways et d'autocars (UTA) contestant les décrets ci-après pris par le pouvoir exécutif: le décret no 1553/96 qui habilite le ministère du Travail à révoquer l'homologation d'une convention collective du travail; le décret no 1554/96 qui habilite le ministère du Travail à délimiter le champ d'application de la négociation collective; enfin, le décret no 1555/96 qui réglemente la négociation collective dans le cadre des petites entreprises (voir en annexe les articles pertinents des décrets en question).
94. Lors de sa session de mai 1997, le comité a formulé la recommandation suivante [voir 307e rapport, paragr. 69]:
En ce qui concerne l'allégation relative aux restrictions au droit de négociation collective appliquées en vertu des décrets nos 1553/96, 1554/96 et 1555/96 adoptés par le pouvoir exécutif, le comité exprime l'espoir que, comme il l'a annoncé, le gouvernement communiquera prochainement ses observations. Enfin, le comité prie en outre les plaignants de transmettre des informations additionnelles sur ces allégations.
B. Réponse du gouvernement
95. Dans sa communication du 9 mai 1997, le gouvernement déclare que l'application des décrets nos 1553, 1554 et 1555 est suspendue car ils font l'objet d'une procédure judiciaire devant la Cour suprême de justice.
96. Par sa communication du 1er octobre 1997, le gouvernement fait savoir que la suspension de l'application des décrets nos 1553/96, 1554/96 et 1555/96 est maintenue. De même, une requête présentée conjointement devant la Cour suprême de justice de la nation par la Confédération générale du travail (CGT) et par l'Etat a entraîné la suspension de la procédure judiciaire en la matière (le gouvernement joint à sa réponse une copie de ladite requête présentée par les représentants légaux de la CGT et par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale). Par cette requête, ils demandent la suspension de la procédure judiciaire pour une durée de 120 jours devant la possibilité d'aboutir à un règlement extrajudiciaire (le gouvernement joint également une copie de l'arrêt de la Cour suprême de justice de la nation faisant droit à cette requête). Le gouvernement ajoute que, puisque les représentants des travailleurs, les représentants des employeurs et les autorités nationales travaillent actuellement à l'élaboration d'un projet de texte consensuel sur la négociation collective, la procédure sera suspendue jusqu'à la mi-décembre 1997 et que, par conséquent, jusqu'à ce jour, les décrets contestés ne sont pas entrés en application.
97. Par une communication du 27 mai 1998, le gouvernement a envoyé un projet de loi de réforme du travail qu'il a adressé au Congrès.
98. Le comité relève que, dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue que le pouvoir exécutif a restreint le droit de négociation collective en adoptant en décembre 1996 les décrets nos 1553 (qui habilite le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à révoquer totalement ou partiellement l'homologation d'une convention collective), 1554 (qui dispose qu'en cas de désaccord entre les parties le ministère du Travail et de la Sécurité sociale délimitera le champ d'application de la négociation) et 1555 (qui réglemente la négociation collective dans le cadre des petites entreprises).
99. Le comité a pris connaissance du fait que des juridictions de première et seconde instance ont déclaré que les décrets en question étaient totalement ou partiellement inconstitutionnels et que, par la suite, la Cour suprême de justice de la nation a été saisie de l'affaire.
100. A cet égard, le comité note que le gouvernement déclare que: 1) l'application des décrets est suspendue puisqu'ils font l'objet d'une procédure judiciaire devant la Cour suprême de justice de la nation; 2) devant la possibilité d'aboutir à un règlement extrajudiciaire, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et la Confédération générale du travail ont demandé à la Cour suprême de justice de suspendre la procédure pour une durée de 120 jours; 3) jusqu'à ce jour, les décrets ne sont pas entrés en application; et 4) les représentants des travailleurs et des employeurs et les autorités nationales travaillent actuellement à l'élaboration d'un projet de texte consensuel sur la négociation collective.
101. Dans ce contexte, le comité se propose d'examiner les décrets en question afin que les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective puissent être pris en compte dans le processus de modification de la législation mené par le gouvernement et les partenaires sociaux.
102. Concernant le décret no 1553/96 qui habilite le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à révoquer totalement ou partiellement l'homologation d'une convention collective, le comité remarque, d'une part, que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, dans son analyse de l'application de la convention no 98 par l'Argentine, formule depuis de nombreuses années des commentaires sur les dispositions légales relatives à l'homologation des conventions collectives et, d'autre part, qu'elle s'est déjà prononcée sur la conformité du décret en question avec la convention no 98. [Voir observation de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport III, partie 1A, de 1998.] Par conséquent, le comité se réfère aux commentaires de la commission d'experts qui sont reproduits ci-après:
La commission rappelle qu'elle formule des commentaires, depuis plusieurs années, sur les dispositions législatives selon lesquelles les conventions dépassant le cadre de l'entreprise doivent, pour être valables, être homologuées par le ministère du Travail, et qu'il convient pour cela de tenir compte de la question de savoir non seulement si la convention collective contient des clauses contraires aux normes relatives à l'ordre public établies dans les lois nos 14250 et 23928, mais aussi des critères dans le domaine de la productivité, des investissements, de l'introduction de technologies et des systèmes de formation professionnelle (art. 3 de la loi no 23545, art. 6 de la loi no 25546 et art. 3ter du décret no 470/93).
A cet égard, la commission prend note de l'information communiquée par le gouvernement selon laquelle la question relative à la faculté d'homologation du ministère du Travail et le contenu des conventions collectives qui sont analysées avant l'acte d'homologation sont traités dans un projet de réforme de la législation. La commission prend également note de l'indication fournie par le gouvernement selon laquelle la présence de l'Etat à travers l'acte d'homologation a sensiblement diminué du fait de l'intensification de la négociation collective au niveau de l'entreprise, et que le décret no 1334/91, qui restreint la négociation salariale à l'accroissement de la productivité, est actuellement abrogé par le décret no 470/93 en raison de la grande quantité de conventions conclues.
Dans ces conditions, la commission exprime l'espoir que le projet de réforme sur la négociation collective, auquel se réfère le gouvernement, supprimera les dispositions qui, d'une part, régissent l'homologation nécessaire -- de la part des autorités administratives -- des conventions collectives qui dépassent le cadre de l'entreprise et qui, d'autre part, lient l'entrée en vigueur de la convention collective, non seulement à l'existence de clauses contraires aux normes relatives à l'ordre public, mais aussi à des critères touchant à la productivité, aux investissements, à l'introduction de technologies et aux systèmes de formation professionnelle. La commission prie le gouvernement de lui communiquer copie du projet de législation dans son prochain rapport.
La commission fait remarquer qu'en décembre 1996 le gouvernement a adopté le décret no 1553/96, qui habilite le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à révoquer totalement ou partiellement l'homologation d'une convention collective si ses dispositions sont contraires aux normes légales établies postérieurement à l'homologation et si, à l'expiration du délai convenu, il considère que ne sont pas réunies les conditions préalables à son entrée en vigueur telles qu'elles sont prescrites à l'article 4 de la loi no 14250. La commission estime que ce décret confirme et amplifie l'intervention de l'autorité administrative dans la négociation collective, intervention qu'elle a déjà critiquée.
103. Quant au décret no 1554/96, qui habilite le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à déterminer le niveau de la négociation collective, le comité fait également remarquer que la commission d'experts s'est prononcée sur la conformité dudit décret avec les dispositions de la convention no 98. [Voir observation de la commission d'experts, op. cit.] Par conséquent, le comité se réfère aux commentaires de la commission d'experts qui sont reproduits ci-après:
La commission fait remarquer par ailleurs que, toujours en décembre 1996, a été adopté le décret no 1554/96 qui dispose que, lorsque les parties ne sont pas parvenues à un accord sur la portée de la négociation d'une convention collective, la décision revient au ministère du Travail, lequel veillera à ne pas dépasser le cadre minimum proposé. Ainsi, la commission déclare qu'à choisir entre une proposition de négociation par industrie ou par branche d'activité et une autre proposition par entreprise, en l'absence d'accord entre les parties, le décret privilégie au préalable le cadre de l'entreprise, obligeant l'autorité administrative à statuer en ce sens. A cet égard, la commission souligne que, dès lors que la convention établit le principe de la «négociation collective volontaire», le niveau de la négociation ne devrait pas être régi ou imposé par la législation ou par une décision de l'autorité administrative, mais elle devrait dépendre essentiellement de la volonté des parties.
104. En ce qui concerne le décret no 1555/96, qui réglemente la négociation collective dans le cadre des petites entreprises, le comité a pris connaissance du fait que la Chambre nationale du travail -- organe judiciaire de seconde instance -- a déclaré ses articles 1 et 5 inconstitutionnels. A cet égard, il ressort que l'article 1 autorise «la commission interne, les délégués du personnel ou des organismes similaires» à tenir des négociations collectives dans le cadre de la petite entreprise. Sur ce point, bien que l'on puisse admettre qu'une disposition de ce type ne viole pas en elle-même les principes de la liberté syndicale, le comité rappelle que les conventions (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et (no 154) sur la négociation collective, 1981, contiennent des dispositions expresses pour garantir que, lorsqu'une entreprise compte des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées soient prises pour assurer que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 787.] Le comité signale au gouvernement l'importance qu'il attache à ce que ce principe soit respecté.
105. Dans ces conditions, le comité attire l'attention du gouvernement sur les principes et conclusions mentionnés ci-dessus en ce qui concerne les décrets nos 1553/96 et 1554/96 -- dont l'application est actuellement suspendue -- dans la mesure où ces textes présentent des problèmes de conformité avec la convention no 98, et au sujet du décret no 1555/96. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution qui se produira en relation avec les décrets en question et les conventions collectives qui pourraient être adoptées en application de ces textes. De même, le comité exprime le ferme espoir que le projet de texte sur la négociation collective qui, selon le gouvernement, est en cours d'élaboration avec la participation des partenaires sociaux et le nouveau projet de réforme du travail, tel qu'adopté, seront en totale conformité avec les principes de la liberté syndicale.
106. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Annexe
Décret n 1553/96: Le Président de la nation argentine décrète: Article 1. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, après avoir réuni les parties concernées, pourra révoquer totalement ou partiellement l'homologation d'une convention collective du travail lorsque:
Décret n 1554/96: Le Président de la nation argentine décrète: Article 1. L'article 4 du décret no 200/88 est remplacé par le suivant: «Article 4. Dans le délai légal prévu à l'article 4 de la loi no 23546, les parties seront convoquées en vue de constituer la commission de négociations. Lors de cette étape, les parties pourront décider de mener leurs négociations par la procédure directe ou sous la coordination du fonctionnaire que l'autorité d'application désignera. Une fois la commission de négociations constituée, chaque partie indiquera avec précision le ressort professionnel, personnel et territorial auquel elle prétend. En cas de désaccord, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale déterminera le champ d'application de la négociation de manière à ce qu'elle couvre sans les dépasser les domaines dans lesquels les propositions des parties se chevauchent». Article 2. Communiquer, publier, transmettre à la direction nationale de l'enregistrement officiel et archiver.
Décret no 1555/96: Le Président de la nation argentine décrète : Article 1 (article 99 de la loi no 24467). La commission interne, les délégués du personnel ou des organismes similaires accompagnés d'un employeur, d'un groupe ou d'une association d'employeurs pourront décider de l'ouverture des négociations collectives dans le cadre de la petite entreprise (PE). De même, les organisations syndicales de niveau inférieur pourront demander la négociation d'une convention collective pour la petite entreprise (PE). Dans les deux cas, l'organisation syndicale de niveau supérieur devra engager les négociations dans un délai de quinze (15) jours. Passé ce délai, il sera considéré qu'elle a délégué le pouvoir de négociation à l'organisation inférieure. Dans tous les cas de conflit entre conventions collectives, c'est la convention collective adoptée dans le cadre de la petite entreprise (PE) qui s'appliquera. Article 2 (article 100 de la loi no 24467). Dans l'hypothèse où l'une quelconque des parties signataires d'une convention collective du travail demanderait l'ouverture de négociations collectives sur l'organisation du travail et la structure des salaires dans le cadre de la petite entreprise (PE), le ministère du Travail et de la Sécurité sociale invitera les parties à constituer la commission de négociations dans un délai de vingt (20) jours après réception de sa convocation par chacune des parties. Dans ce cas, la démarche ne signifie pas que le requérant dénonce la convention en vigueur, mais simplement qu'il souhaite que celle-ci devienne conforme aux dispositions de la loi no 24467. Sans préjudice de ce qui précède, les parties intéressées pourront dénoncer la convention collective du travail en vigueur en invoquant les dispositions de l'article 12 de la loi no 14250 (t.o. décret no 108/88) et demander en contrepartie: a) la conclusion d'une nouvelle convention collective générale qui devra contenir un (1) chapitre spécial pour la petite entreprise (PE); b) la conclusion d'une convention collective s'appliquant spécifiquement à la petite entreprise (PE). Dans ces deux hypothèses, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale devra ordonner l'ouverture de négociations dans un délai égal à celui prévu au premier paragraphe de cet article. Article 3 (article 101 de la loi no 24467). Dans l'hypothèse de négociations collectives dans le cadre de la petite entreprise (PE), les représentants de ce secteur devront faire partie de la commission de négociations. Article 4. Les procédures définies dans la loi no 23546 s'appliqueront à la négociation collective dans le cadre de la petite entreprise (PE). Article 5. Une convention collective du travail générale arrivant à échéance restera néanmoins applicable à la petite entreprise (PE) pendant trois (3) mois. Passé ces trois (3) mois, les conditions de travail seront régies par la loi no 20744 (t.o.) et d'autres normes législatives applicables. En aucun cas les dispositions de la convention collective applicable à la petite entreprise (PE) devenue caduque ne seront considérées comme des droits acquis ou comme ayant toujours des effets dans les relations de travail. Les dispositions du deuxième paragraphe ne seront pas applicables lorsqu'une convention collective de plus grande portée et disposant d'un chapitre spécifique à la petite entreprise (PE) sera en vigueur. Article 6. Communiquer, publier, transmettre à la direction de l'enregistrement officiel et archiver.
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement de l'Argentine
présentée par
-- la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et
-- la Centrale des travailleurs argentins (CTA)
Allégations: morts, arrestations, agressions physiques
et menaces de mort dirigées contre des dirigeants syndicaux
et des syndicalistes, violations de locaux syndicaux et du domicile
de syndicalistes, demande d'annulation du statut syndical
107. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) datée du 7 août 1997. Dans une communication ultérieure du 16 octobre 1997, la Centrale des travailleurs argentins s'est jointe à la plainte et a présenté d'autres allégations.
108. Le gouvernement a envoyé des observations partielles dans ses communications des 25 février et 22 mai 1998.
109. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
110. Dans sa communication du 7 août 1997, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) déclare que l'augmentation inquiétante du taux de chômage a conduit à une aggravation des tensions sociales en Argentine et que, pour respecter les engagements et les obligations prises envers les travailleurs, les dirigeants syndicaux ont multiplié les actions de protestation contre les autorités du pays, ce qui a conduit à une augmentation préoccupante des mesures de discrimination contre les syndicats, et ce malgré les conventions internationales que l'Argentine a ratifiées. La CLAT fait ainsi état des actes de violence énoncés ci-dessous, qui ont été commis dans plusieurs provinces et régions du pays.
111. Dans sa communication du 16 octobre 1997, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) allègue que les atteintes à la liberté syndicale dont sont victimes la CTA et les syndicats qui en font partie dans la province de Neuquén se sont aggravées et que, dans ce contexte, le gouverneur de la province de Neuquén a demandé que le statut syndical soit retiré au syndicat de l'Etat et à celui des enseignants (ATE et ATEN), qui sont membres de la CTA. L'organisation plaignante indique que cette demande constitue de toute évidence une tentative de représailles contre les syndicats suite aux manifestations et aux grèves organisées par ces derniers pour dénoncer la décision du gouvernement de diminuer les salaires de 20 pour cent. L'organisation plaignante précise qu'au cours de ces activités syndicales légitimes, qui ont été menées dans le respect des règles fixées par la loi, il y a eu quelques troubles isolés, dus à des éléments provocateurs étrangers aux syndicats.
B. Réponse du gouvernement
112. Dans ses communications des 25 février et 22 mai 1998, le gouvernement déclare, au sujet de l'homicide de Mme Teresa Rodríguez survenu dans la province de Neuquén, qu'une procédure judiciaire était en cours au tribunal d'instruction pénale de Cutral-Co et qu'elle en était au stade de l'enquête, c'est-à-dire à la collecte de preuves et de témoignages, qui devrait permettre de retrouver les responsables présumés de l'homicide, et que l'officier de police Hugo Alberto Rudolf a été inculpé. En l'état actuel des choses, des preuves testimoniales, balistiques et par constatation directe ont été recueillies, et l'affaire a fait l'objet d'un appel par la défense. Toute évolution dans cette affaire sera immédiatement communiquée au comité.
113. De même, le gouvernement indique, à propos des faits dénoncés survenus dans la juridiction de la province de Buenos Aires, que des informations ont été demandées au sous-secrétariat du travail pour la province de Buenos Aires (Lanús, Luján et General San Martín) -- un organisme compétent pour les affaires relatives au travail dans la province --, qui a déclaré qu'aucune plainte n'avait été déposée par les personnes lésées ni par les organisations syndicales. Cependant, les vérifications adéquates sont en cours auprès de la police de la province. Tout nouvel élément d'information sera communiqué au comité dans les meilleurs délais. Enfin, en ce qui concerne les événements intervenus dans les provinces de Santa Cruz et de Neuquén, le gouvernement affirme être dans l'attente des informations demandées auprès des différents gouverneurs. En ce qui concerne Mme Ana María Luguercho, les procédures existantes dans la localité de Lanús n'ont pas non plus de liens avec les allégations.
114. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent la mort d'une travailleuse au cours d'une manifestation de protestation, la détention de syndicalistes et la violation de leur domicile, des agressions physiques et des menaces de mort contre des syndicalistes, des attaques menées contre le siège et les locaux de syndicats et le domicile de syndicalistes et la demande d'annulation du statut syndical d'une organisation syndicale à titre de représailles, à la suite de l'organisation de manifestations et de grèves.
115. Le comité observe tout d'abord avec préoccupation que les allégations présentées sont graves et il regrette que le gouvernement n'ait envoyé que des informations partielles sur ces affaires.
116. En ce qui concerne l'allégation relative à la mort de Mme Teresa Rodríguez, qui avait été causée par des membres de la police au cours d'une manifestation de protestation contre le chômage organisée le 12 avril 1997 dans la province de Neuquén, le comité prend note des informations communiquées par le gouvernement, qui dit avoir ouvert une procédure judiciaire, qu'un officier de police a été inculpé et que le dossier fait l'objet d'un appel.
117. Le comité déplore profondément la mort de Mme Teresa Rodríguez et se doit de faire remarquer que le gouvernement a confirmé la participation de la police aux faits à la suite desquels la travailleuse a trouvé la mort. Dans ces conditions, le comité espère que la procédure judiciaire en cours permettra de faire la lumière sur cette affaire, de déterminer les responsabilités et de prononcer les sanctions adéquates contre l'auteur ou les auteurs des faits, et il demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette procédure.
118. Le comité rappelle par ailleurs qu'en juin 1996, déjà, il a examiné des allégations faisant état d'actes de violence contre des syndicalistes qui avaient participé à des manifestations au cours desquelles un travailleur avait également trouvé la mort. A cette occasion, le comité avait rappelé que «les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l'ordre public serait sérieusement menacé. L'intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d'éliminer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public.» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 137], et il avait demandé au gouvernement de «donner des instructions aux forces de police pour qu'à l'avenir des manifestations syndicales puissent se dérouler sans donner lieu à des mesures disproportionnées ni à des excès de violence». [Voir 304e rapport, cas no 139, paragr. 55.] Le comité demande au gouvernement de veiller, à l'avenir, au respect de ces principes.
119. Le comité observe que les autres allégations présentées se réfèrent: 1) aux attaques menées le 15 et le 24 mai 1997 contre le local du syndicat de l'ATE où avait été installée une commission des droits de l'homme chargée de suivre l'enquête relative à l'homicide de Mme Teresa Rodríguez; 2) à la violation de domicile et aux arrestations menées par la police le 23 juin 1997 à l'encontre de syndicalistes de la CTA de Cutral-Co, à savoir Sandro Botron, Juan Bastías, Cristián Rodríguez, Oscar Chávez, Beatriz Parra, Cristián Valle et Angel Lucero, ainsi qu'à la mise en accusation de trois d'entre eux, à savoir MM. Rodríguez, Botron et Mme Parra; 3) à l'agression dont a été victime le 13 juin 1997, à Lanús, M. Jorge Villalba, délégué de l'ATE, qui a reçu une balle dans la main gauche (une plainte a été déposée pour cette affaire au commissariat de Lanús); 4) à la menace de mort adressée à Mme Nélida Curto, membre de la commission administrative de l'ATE-Lanús, le 23 juin 1997 (une plainte a été déposée pour cette affaire devant les autorités judiciaires); 5) à la menace adressée le 26 juin 1997 à Mme Ana María Luguercho, déléguée de l'ATE pour l'hôpital Arturo Melo de Remedios de Escalada; 6) à la menace de mort adressée à M. Daniel Saavedra, délégué de l'ATE-Lanús (une plainte a été déposée pour cette affaire devant les autorités judiciaires); 7) à la menace de mort adressée à M. Víctor Bordiera, secrétaire général de l'ATE-San Martín, (une plainte a été déposée pour cette affaire devant les autorités judiciaires); 8) à la menace adressée à M. Ricardo Caffieri, délégué général adjoint de l'ATE-General Rodríguez, le 10 juillet 1997 (une plainte a été déposée pour cette affaire devant les autorités judiciaires); 9) à l'attaque contre le domicile du secrétaire adjoint de l'ATE-National, M. Juan González; 10) à l'attaque et au pillage des locaux de l'ATE-section Comodoro Rivadavia et de l'ATE-section Goya, qui ont eu lieu en juillet 1997; et 11) à la demande du gouverneur de la province de Neuquén en vue de l'annulation du statut syndical dont bénéficiaient le syndicat de l'Etat et celui des enseignants (ATE et ATEN), qui sont affiliés à la CTA, par représailles, à la suite des manifestations et des grèves menées par ces organisations syndicales (l'organisation plaignante joint à sa demande une résolution du ministère du Travail et de la Sécurité sociale du 13 octobre 1997 dans laquelle il est dit que «le service juridique permanent du ministère du Travail (…) demandera en justice, comme le prévoit l'article 56 de la loi no 23551, l'annulation du statut syndical du Syndicat des travailleurs de l'éducation de Neuquén»).
120. A ce propos, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas envoyé d'informations pour toutes les allégations, en se contentant d'indiquer qu'une demande d'informations avait été faite auprès du sous-secrétariat au travail de la province de Buenos Aires (cet organe a déclaré qu'aucune plainte n'avait été déposée par les personnes lésées ni par les organisations syndicales), que les vérifications adéquates sont en cours auprès de la police de la province de Buenos Aires et que des informations complémentaires ont été demandées aux gouverneurs des provinces de Santa Cruz et Neuquén sur les événements intervenus dans ces provinces.
121. Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer ses commentaires dès que possible sur l'ensemble des allégations en instance (provinces de Buenos Aires, Santa Cruz et Neuquén), en précisant expressément l'état d'avancement des enquêtes policières et des procédures judiciaires auxquelles les organisations plaignantes font référence. De même, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour offrir la protection nécessaire à la CTA et à l'ATE et aux syndicalistes qui ont fait l'objet de menaces.
122. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement de la Bulgarie
présentée par
la Fédération syndicale nationale (GMH)
Allégations: expulsion de locaux syndicaux,
confiscation de biens
123. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de la Fédération syndicale nationale (GMH) du 12 mars 1998. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication d'avril 1998.
124. La Bulgarie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'orga-nisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
125. Dans sa communication du 12 mars 1998, la Fédération syndicale nationale (GMH) allègue que les autorités administratives ont apposé des scellés sur les portes des bureaux de son siège à Sofia, le 15 juillet 1997, en empêchant l'accès aux dirigeants syndicaux et aux syndicalistes, et ont confisqué le matériel de bureau et les documents qui s'y trouvaient. L'organisation plaignante indique que la GMH a été constituée en décembre 1985 et que les locaux qu'elle occupait lui ont été concédés par le gouvernement en vertu de l'arrêté no 506 pris en Conseil des ministres le 24 novembre 1992.
126. L'organisation plaignante ajoute qu'après le changement de gouver-nement le Conseil des ministres a adopté l'arrêté no 394 du 1er octobre 1993 aux termes duquel il a été décidé, sans aucune raison et sous des pressions politiques, d'expulser la GMH des locaux qu'elle occupait. Elle précise qu'en février 1994 la Cour suprême de Bulgarie a considéré que le gouvernement avait le droit de disposer des locaux syndicaux, mais que ce droit viole les droits syndicaux de l'organisation. La GMH signale que l'administration de Sofia, par l'ordonnance no RD-15-207 de juillet 1997, a par la suite confirmé les dispositions de l'arrêté no 394 du Conseil des ministres, mais qu'aucune de ces décisions n'indique où serait installé le siège de l'organisation. Enfin, l'organisation plaignante allègue que les autorités administratives ont donné l'instruction que l'ordonnance no RD-15-207 soit exécutée trois jours après sa promulgation, de sorte qu'elle n'a pas pu retirer le matériel et les documents qui lui sont nécessaires pour poursuivre ses activités.
B. Réponse du gouvernement
127. Dans sa communication, le gouvernement déclare que le présent cas se réfère à la privation de l'usage illégal par la GMH de biens de l'Etat. Il fait savoir que l'arrêté no 506 de 1992 du Conseil des ministres, en vertu duquel des locaux qui étaient propriété de l'Etat ont été mis à disposition de la GMH, a été abrogé par l'arrêté no 394 de 1993 du Conseil des ministres, la raison étant que ces locaux appartiennent à l'Etat et qu'ils ne peuvent être à la disposition d'organisations syndicales. Cet arrêté est conforme à la loi sur la propriété de l'Etat et à ses dispositions relatives à l'acquisition, à l'entretien et à l'utilisation de cette propriété. Le gouvernement ajoute qu'il a été fait appel de la décision no 394 de 1993 auprès de la Cour suprême et que ce recours a été rejeté le 24 février 1993.
128. Le gouvernement indique que l'ordonnance no RD-13-266 du 4 septembre 1996 prise par l'administration du district de Sofia prescrivant l'expulsion de la GMH des locaux qu'elle occupait découle logiquement des précédents arrêtés susmentionnés. Il ajoute que, en dépit de l'arrêté du Conseil des ministres, de la décision de la Cour suprême et de l'ordonnance de l'administration du district de Sofia, la fédération a continué d'occuper illégalement les locaux en question. Le gouvernement déclare que la dernière ordonnance relative à l'expulsion -- ordonnance no RD-15-207 du 11 juillet 1997 -- a été exécutée le 15 juillet 1997. Il conteste la déclaration de la GMH selon laquelle celle-ci n'a eu que trois jours pour vider les lieux, vu que l'ordonnance de 1997 a été prise à la suite de celle de septembre 1996.
129. Le comité observe que dans le présent cas l'organisation plaignante allègue qu'en juillet 1997 les autorités administratives ont apposé des scellés sur les portes des locaux syndicaux de son siège à Sofia, en empêchant l'accès aux dirigeants syndicaux et aux syndicalistes, et ont confisqué le matériel de bureau et la documentation de l'organisation. Le comité observe par ailleurs que, selon les explications de l'organisation plaignante, celle-ci occupait ces locaux, qui lui avaient été concédés par le gouvernement, depuis 1992, et que, en 1993, sans donner de raison et sous des pressions politiques, le Conseil des ministres a donné l'ordre de l'expulser, ce qui a été fait en juillet 1997.
130. Le comité note que le gouvernement fait les déclarations suivantes: i) en 1993, le Conseil des ministres a abrogé l'arrêté de 1992 qui concédait à l'organisation plaignante l'usage des locaux en question, en invoquant comme raison que ces locaux sont la propriété de l'Etat et ne peuvent par conséquent être à la disposition d'organisations syndicales, conformément aux dispositions de la loi sur les propriétés de l'Etat; ii) la Cour suprême de justice de la Bulgarie a rejeté l'appel interjeté par l'organisation plaignante qui, elle-même, reconnaît que la cour a considéré que le gouvernement a le droit de disposer des locaux syndicaux; iii) en 1996, l'administration du district de Sofia a donné l'ordre d'expulser l'organisation des locaux, conformément à la décision du Conseil des ministres; iv) vu que la Fédération syndicale nationale (GMH) a continué d'occuper les locaux, un nouvel ordre d'expulsion a été donné le 11 juillet 1997 et exécuté le 15 de ce même mois.
131. En ce qui concerne l'expulsion des locaux occupés à Sofia par l'organisation plaignante, le comité observe que sa version des motifs qui ont fondé cette décision n'est pas la même que celle du gouvernement: l'organisation plaignante invoque des pressions politiques exercées sur le Conseil des ministres, alors que le gouvernement soutient qu'il a été donné effet aux dispositions de la législation nationale relative aux biens appartenant à l'Etat. En tout état de cause, le comité observe que chacune des parties reconnaît que les locaux syndicaux qu'occupait la Fédération syndicale nationale (GMH) appartiennent à l'Etat et que la plus haute autorité judiciaire du pays a jugé que le gouvernement a le droit d'en disposer. Dans ces conditions, compte tenu du fait que l'organisation plaignante pendant une longue période (1992-1997) a bénéficié de la possibilité d'utiliser comme siège des locaux appartenant à l'Etat et que la privation de ces locaux, de toute évidence, l'a empêchée de mener normalement ses activités, le comité invite le gouvernement à envisager, en prenant dûment en considération le degré de représentativité de l'organisation en question, de lui octroyer un local à Sofia pour qu'elle puisse y établir son siège.
132. En ce qui concerne l'allégation relative à la confiscation du matériel de bureau et de la documentation de l'organisation plaignante au cours du déménagement des locaux syndicaux, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas envoyé d'observations à ce sujet et signale à son attention que la confiscation des biens des organisations syndicales par les autorités, en l'absence de mandat judiciaire, constitue une atteinte au droit de propriété des organisations syndicales et une ingérence indue dans les activités des syndicats, actes qui sont contraires aux principes de la liberté syndicale. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour que soit restituée à l'organisation plaignante la totalité du matériel, des équipements et de la documentation qui lui ont été confisqués, et de le tenir informé à ce sujet.
133. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement du Canada (Manitoba)
présentée par
-- l'Internationale de l'éducation (IE)
-- la Fédération des enseignants canadiens et
-- la Société des enseignants du Manitoba (MTS)
Allégations: non-respect du droit des enseignants
de négocier collectivement, atteinte du pouvoir législatif
à l'indépendance de l'arbitrage
134. Dans une communication du 28 mai 1997, l'Internationale de l'éducation (IE), la Fédération des enseignants canadiens et la Société des enseignants du Manitoba (MTS) ont présenté une plainte contre le gouvernement du Canada (Manitoba) pour violation de la liberté syndicale.
135. En réponse à ces allégations, le gouvernement fédéral a transmis la réponse du gouvernement du Manitoba dans une communication du 10 février 1998. Il a fourni des informations complémentaires dans une communication du 2 mars 1998.
136. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des plaignants
137. Dans leur communication du 28 mai 1997, l'Internationale de l'éducation, la Fédération des enseignants canadiens et la MTS allèguent que les modifications apportées récemment à la loi sur les écoles publiques par l'adoption de la loi modifiant la loi sur les écoles publiques («la Loi») enfreignent les normes et principes de l'OIT relatifs à la liberté syndicale et à la négociation collective. Les plaignants soutiennent en particulier que la Loi porte atteinte à l'indépendance des arbitres des différends et à l'équité de la procédure d'arbitrage, contrevenant ainsi à la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, à la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et à la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
138. Les plaignants contestent les trois points ci-après des modifications récemment apportées: premièrement, le fait que certaines questions aient été soustraites à la compétence des arbitres des différends; deuxièmement, l'obligation faite à ces arbitres de tenir compte de certains éléments comme la capacité à effectuer les paiements; troisièmement, la création d'un nouveau système de médiation et d'arbitrage.
139. Pour situer le débat, les plaignants rappellent que, au Manitoba, le droit de grève des enseignants des écoles publiques a été remplacé par voie législative par l'arbitrage obligatoire (loi sur les écoles publiques). Il en va de même des fonctionnaires de police de Winnipeg (loi sur la ville de Winnipeg) et de certains fonctionnaires provinciaux (loi sur la fonction publique). De manière générale, les relations du travail sont régies par la loi sur les relations du travail.
140. Les négociations collectives concernant les enseignants des écoles publiques sont menées au niveau des divisions ou des districts scolaires. Les syndicats d'enseignants de chacun d'eux négocient les conventions collectives avec leur employeur respectif, ces conventions pouvant différer largement de l'une à l'autre.
141. Les plaignants demandent que l'on examine les modifications apportées à la loi sur les écoles publiques à la lumière de la loi adoptée récemment par le Manitoba au sujet des rémunérations des enseignants des écoles publiques et d'autres catégories d'agents du secteur public. La loi sur la réduction de la semaine de travail et la gestion des salaires dans le secteur public («projet de loi no 22») autorisait les employeurs du secteur public, y compris les divisions et districts scolaires, à déroger aux conventions collectives en imposant des journées de congés non rémunérées. Au cours des années scolaires 1993-94 et 1994-95, les enseignants des écoles publiques ont ainsi perdu respectivement 6 631 366 dollars et 6 802 378 dollars. Ces chiffres sont d'autant plus graves que le niveau de vie des enseignants a déjà été érodé par les effets du projet de loi no 22. Faisant suite à ce texte, les modifications apportées à la Loi ne peuvent avoir pour effet que de détériorer et de déstabiliser encore plus le climat des relations du travail dans les écoles publiques du Manitoba. En outre, ces modifications ont été apportées à titre permanent, et non à titre de réponse temporaire à une crise économique.
142. En ce qui concerne la situation économique actuelle du Manitoba, les plaignants affirment que, de l'aveu même du gouvernement de la province, cette situation est florissante. A l'appui de leurs dires, ils joignent un exemplaire du discours de présentation du budget du Manitoba pour 1997.
Compétence des arbitres
143. Avant d'être modifiée, la loi sur les écoles publiques ne contenait aucune restriction quant aux questions dont pouvaient connaître les arbitres des différends, lesquels étaient tenus de prendre une décision sur l'ensemble des points litigieux. Par suite des modifications apportées, certaines questions sont exclues de leur compétence, comme l'indiquent les dispositions suivantes de la loi:
Malgré les autres dispositions de la présente loi, il est interdit de soumettre à arbitrage et il est interdit à l'arbitre d'examiner ou d'inclure dans sa sentence les questions suivantes:
144. S'agissant des questions qui ne peuvent être soumises à arbitrage, la Loi contient également une nouvelle disposition, selon laquelle «les commissions scolaires agissent de façon raisonnable et équitable et de bonne foi dans l'application de leur politique et de leurs usages...», le défaut de se conformer à cette disposition pouvant faire l'objet d'un grief en vertu de la convention collective.
145. Les plaignants soutiennent que, si les divisions et les districts scolaires peuvent s'engager volontairement à inclure dans les conventions collectives des dispositions portant sur les questions exclues, les arbitres des différends ne sont plus habilités à imposer ces dispositions. En pratique, il en résulte que les divisions et districts scolaires ont toute latitude pour imposer leur volonté aux syndicats d'enseignants dans le domaine des questions exclues. Ces syndicats n'ont aucun recours: non seulement ils ne peuvent déclencher de grève, mais ils ne peuvent même plus désormais s'en remettre à l'arbitrage des différends. Les plaignants soutiennent qu'il s'agit là d'un problème très concret, puisque différentes conventions collectives actuellement en vigueur contiennent des dispositions détaillées sur au moins certaines des questions exclues, par exemple la mutation des enseignants. En annexe à leur plainte, les plaignants joignent copie d'une convention collective conclue entre la division scolaire no 1 de Winnipeg et l'association no 1 des enseignants de Winnipeg de la Société des enseignants du Manitoba, dont l'article 26 porte sur les mutations.
146. Selon les plaignants, l'exclusion unilatérale de la négociation collective des questions énumérées dans la Loi constitue une ingérence injustifiable dans cette négociation. En outre, il ne s'agit pas d'une mesure temporaire ou d'une mesure visant à faire face à une crise économique.
Facteurs devant être pris en considération
par les arbitres des différends
147. L'ancienne loi ne restreignait pas les questions que les arbitres des différends pouvaient prendre en considération lorsqu'ils déterminaient les dispositions financières des conventions collectives. L'article 129(3) et (4) de la loi modifiée contient les nouvelles dispositions suivantes:
Dans le cas des questions qui pourraient vraisemblablement avoir une incidence financière sur la division ou le district scolaire, l'arbitre fonde sa décision principalement sur la capacité de la division ou du district scolaire à effectuer les paiements. Cette capacité est déterminée en tenant compte des recettes actuelles de la division ou du district scolaire, y compris le financement obtenu du gouvernement, ou du gouvernement du Canada, ainsi que de ses recettes fiscales.
... l'arbitre détermine la capacité de payer de la division ou du district scolaire en tenant compte également des facteurs suivants:
148. Les plaignants déclarent que, en vertu de la loi sur les écoles publiques, les ressources des divisions et districts scolaires du Manitoba proviennent essentiellement de deux sources: les subventions du gouvernement du Manitoba et les taxes de soutien à l'éducation (qui s'ajoutent à la taxe foncière municipale). A toutes fins pratiques, les divisions et districts scolaires ont la possibilité de moduler leurs recettes en augmentant ou en diminuant les taxes. Elles peuvent fonder leurs décisions à ce sujet sur la situation économique du Manitoba, mais il s'agit avant tout d'un choix politique. Les plaignants estiment que les nouvelles exigences imposées aux arbitres des différends par la Loi les contraignent à prendre en considération des facteurs politiques, à concilier des impératifs politiques et à prendre des décisions politiques, ce qui a pour effet de nuire à leur indépendance et à leur impartialité. Les décisions tendant à ne pas augmenter les impôts devraient être prises par des élus, et non par des arbitres indépendants et impartiaux.
Création d'un nouveau système de médiation et d'arbitrage
149. Enfin, la Loi comporte de nouvelles dispositions relatives à la conciliation, à l'arbitrage et à la médiation. L'ancienne loi comportait des dispositions relatives à la conciliation et à l'arbitrage entre les syndicats d'enseignants et les divisions scolaires. L'une ou l'autre partie pouvait demander au ministère de l'Education et de la Formation de nommer un conciliateur qui «délibère avec les parties et s'efforce de les aider à conclure une convention collective ou le renouvellement ou la révision d'une convention collective», les dispositions de la loi sur les relations du travail relatives aux conciliateurs s'appliquant alors. En vertu de cette dernière loi, les conciliateurs sont rémunérés par un fonds consolidé alimenté par les recettes publiques. En vertu de la loi modifiée, les parties doivent maintenant demander au ministre de nommer un conciliateur, dont la rémunération et les dépenses sont prises en charge à parts égales par les parties. Les plaignants soutiennent que cette situation défavorise les enseignants par rapport aux autres employés syndiqués du Manitoba, qui restent régis par les dispositions de la loi sur les relations du travail relatives à la conciliation.
150. Sous l'empire de l'ancienne loi, lorsqu'un conciliateur ne parvenait pas à amener les parties à une entente, l'une ou l'autre de ces parties pouvait demander au ministre de nommer un conseil d'arbitrage. De son côté, le ministre était habilité à nommer ce conseil de sa propre initiative. Rien de ce qui avait été dit ou fait durant les tentatives visant à régler un différend par la conciliation ne pouvait être invoqué à titre de preuve dans la procédure du conseil d'arbitrage. En vertu des modifications, chacune des parties peut demander au ministre de nommer un médiateur-arbitre chargé de délibérer avec les parties et de s'efforcer de les aider à conclure une convention collective. Si les parties ne parviennent pas à conclure un accord par la médiation, chacune d'elles ou le ministre peut alors demander au médiateur-arbitre de fixer les dispositions de la convention collective par voie arbitrale.
151. La Loi ne contient aucune disposition établissant une distinction entre le rôle de médiation et le rôle d'arbitrage du médiateur-arbitre au sujet de l'admissibilité des moyens de preuve. Les informations et déclarations qui lui sont fournies au cours de la médiation peuvent avoir un effet sur le résultat de l'arbitrage, ce qui risque de nuire à la confiance des parties, et donc d'enfreindre les dispositions de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. Par ailleurs, la rémunération et les dépenses du médiateur-arbitre sont prises en charge à parts égales par les parties, alors que les dispositions de la loi sur les relations du travail disposent que la rémunération des médiateurs doit être divisée en trois parts égales, chacune des parties en payant une et la troisième étant versée par le fonds consolidé. Ici encore, les enseignants des écoles publiques sont défavorisés par rapport à l'ensemble des autres employés syndiqués du Manitoba. Les plaignants soutiennent que la loi modifiée enfreint ainsi les dispositions de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, en omettant d'encourager et de promouvoir le développement et l'utilisation de procédures permettant la négociation des conditions d'emploi. La loi modifiée omet également de promouvoir la négociation collective, contrairement aux dispositions de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
152. Les plaignants soutiennent également que la loi modifiée enfreint le principe selon lequel les restrictions au droit de grève doivent s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives. En effet, les modifications apportées ont pour effet de combiner l'interdiction de faire grève avec un système d'arbitrage qui n'est ni approprié ni impartial.
B. Réponse du gouvernement
153. De manière générale, le gouvernement considère que les mesures qu'il a prises sont pleinement conformes aux principes fondamentaux de l'Organisation internationale du Travail.
154. Le gouvernement conteste la déclaration des plaignants selon laquelle les modifications récemment apportées à la Loi résultaient essentiellement de la récession économique subie par le Canada en général et par le Manitoba en particulier au début et au milieu des années quatre-vingt-dix. Il est simpliste de considérer que ces modifications reposent sur des motifs économiques. Au contraire, le ministère de l'Education et de la Formation du Manitoba se préoccupe depuis des années des dysfonctionnements qui affectent les mécanismes de la négociation collective au sein du système scolaire public. Par exemple, 13 divisions scolaires et syndicats d'enseignants sont sans nouveau contrat depuis septembre 1997 pour la période commençant le 1er janvier 1995. Les modifications qui font l'objet de la plainte ont été mises en œuvre pour améliorer les mécanismes et le cadre de la négociation collective, et non simplement pour en réduire les coûts. Le but premier de la législation actuelle n'est pas de limiter les rémunérations.
155. Situant la question dans son cadre, le gouvernement déclare que les mécanismes de négociation collective applicables aux enseignants des écoles publiques sont en place depuis une quarantaine d'années. En 1992, après des audiences publiques, le Groupe de travail sur la réforme de la législation de l'éducation a recommandé la mise à jour des dispositions relatives à la négociation collective de la loi sur les écoles publiques. Une commission comprenant des représentants de l'Association des administrateurs des écoles du Manitoba (MAST) et de la MTS a été chargée d'analyser les questions relatives à la négociation collective. Cette commission n'ayant pas donné de résultats, on l'a remplacée en 1995 par la Commission de la négociation collective et de la rémunération des enseignants, composée de deux membres gouvernementaux et du ministre adjoint de l'Education. Ce comité a mené de larges consultations auprès du public et des parties prenantes avant de faire des recommandations sur lesquelles les modifications litigieuses reposent très largement. Le comité s'est appuyé sur les critères suivants:
156. Le gouvernement confirme que les négociations collectives menées par les enseignants des écoles publiques se déroulent au niveau des divisions et des districts scolaires. Théoriquement, ces négociations sont menées par les syndicats d'enseignants dans chaque division du district. Cependant, ces syndicats confient largement à leur union, la MTS, le soin d'effectuer des recherches et autres tâches en vue de la négociation, et les divisions scolaires font de même avec leur organe central, la MAST. Cette manière de faire explique le grand nombre de conventions collectives en vigueur dans la province (57). Toutefois, contrairement à l'affirmation des plaignants, cette multiplicité n'entraîne pas de grandes différences dans le contenu des conventions. Elles sont généralement conformes à un modèle commun, et leurs dispositions relatives aux rémunérations, aux avantages et aux conditions de travail sont très similaires. Si certaines diffèrent quelque peu des autres, c'est seulement sur un nombre de points limité.
157. Le gouvernement confirme que la législation modifiée comprend les nouvelles catégories de dispositions exposées par les plaignants.
Compétence des arbitres
158. Le gouvernement reconnaît que, à la différence de l'ancienne législation, la nouvelle dispose que certains points énumérés ne peuvent être soumis à arbitrage, étant toutefois entendu que les parties restent libres de les négocier si elles le souhaitent. Cette clause a été ajoutée en raison des restrictions notables imposées récemment par certaines sentences arbitrales à la faculté des autorités locales de remplir leurs obligations envers leur électorat et les élèves dont elles ont la responsabilité. Le Groupe de travail sur la réforme de la législation de l'éducation a bien précisé que personne, au cours de ces consultations publiques, n'avait demandé que l'on inclue dans les mécanismes de négociation certaines questions comme les suivantes: sélection, nomination, affectation et évaluation des enseignants; tâches qu'ils doivent accomplir; nombre, type, catégorie et description des écoles; cours et programmes d'études; effectif des classes, nombre d'élèves par enseignant, temps de préparation ou nombre de classes; heures ou jours de l'année scolaire.
159. Le gouvernement confirme que la législation modifiée contient une disposition faisant obligation aux commissions scolaires d'agir de façon raisonnable et équitable et de bonne foi dans l'application de leur politique régissant les questions exclues de l'arbitrage par la loi. Le défaut d'une commission scolaire de se conformer à cette disposition peut faire l'objet d'un recours. Le gouvernement estime que cette disposition impose une contrainte considérable aux commissions. Par ailleurs, la législation n'interdit pas aux divisions et districts scolaires de conclure des accords avec les enseignants sur les questions exclues.
160. Le gouvernement déclare que peu de conventions collectives -- si tant est qu'il y en ait -- traitent de l'effectif des classes ou de l'horaire des récréations et de la pause de midi. Un nombre croissant de contrats doivent confirmer par accord que les enseignants doivent disposer d'une pause ininterrompue, généralement de 55 minutes, entre 11 heures et 14 heures. Quelques conventions collectives traitent de la question des évaluations. Nombre d'entre elles reconnaissent des droits à la direction en matière d'affection des enseignants, tout en comprenant des dispositions qui exigent à ce sujet un préavis raisonnable.
Facteurs devant être pris en considération
par les arbitres des différends
161. Si la loi ne vise pas par essence à limiter les rémunérations, il n'en est pas moins vrai que les difficultés financières rencontrées par le Manitoba au début de la décennie ont un rapport avec une question résultant des modifications controversées, à savoir l'inclusion de la notion de capacité à effectuer les paiements dans les facteurs que les arbitres doivent prendre en considération. Les commissions scolaires du Manitoba représentent un troisième niveau de gouvernement, et ce sont les administrateurs élus qui gèrent le système éducatif au sein de chaque division et conseil de district. Le système scolaire est largement financé par une taxe locale dont le taux est fixé par les commissions scolaires. Cependant, les administrateurs ont des difficultés à gérer les affaires des divisions scolaires, en grande partie parce que la part prépondérante de leur budget qui est consacrée aux rémunérations des enseignants est fixée par voie de convention collective et échappe donc à leur contrôle, mais aussi parce que nombre de fonctions opérationnelles font de plus en plus l'objet de négociations, puis ensuite de décisions d'arbitrage contraignantes. Il en est résulté une forte hausse de la fiscalité locale à une époque où l'économie de nombre des collectivités se dégradait. Cette situation a été aggravée par le fait qu'un nombre croissant de questions extrasalariales ont fait l'objet d'arbitrages contraignants, ce qui a compliqué la tâche des administrateurs, lesquels sont tenus de gérer les affaires des divisions d'une manière souple et responsable tout en maintenant les dépenses dans des limites acceptables.
162. Le gouvernement déclare que les divisions scolaires sont souvent contraintes de procéder à des augmentations de taxes lorsqu'un arbitre décide de se fonder sur les augmentations salariales accordées dans d'autres divisions pour accorder une augmentation similaire malgré la différence de situation économique qui peut exister entre ces divisions. La division intéressée se trouve alors devant un choix difficile: augmenter les taxes ou, si la situation économique ne permet pas de recourir à un autre moyen de financer les coûts supplémentaires résultant de la sentence, supprimer des programmes, avec les conséquences dommageables que cela a pour les élèves.
163. Le gouvernement déclare qu'il n'est pas demandé aux arbitres de prendre des décisions politiques, mais simplement de tenir compte des réalités financières locales ainsi que d'autres facteurs comme la situation des autres divisions et districts scolaires, la nécessité où se trouve la division scolaire intéressée de recruter des enseignants qualifiés et de retenir leurs services et le montant de la rémunération que touchent des salariés autres que les enseignants mais ayant une formation comparable dans la même zone géographique. Certains de ces facteurs sont de nature à jouer en faveur des enseignants. Les deux derniers ont été en fait ajoutés à la Loi pour faire droit aux demandes de la MTS. Le gouvernement estime que les facteurs financiers eux-mêmes sont neutres, puisque, s'ils rendent plus difficiles de fortes augmentations salariales quand la situation économique est défavorable, ils ont l'effet opposé quand celle-ci s'améliore. Quant à l'allégation selon laquelle le rôle de l'arbitre en vertu de la loi modifiée peut être considéré comme «politique», le gouvernement estime que ce rôle n'était pas moins politique en vertu de l'ancienne loi, puisque les arbitres pouvaient exercer une influence notable sur l'organisation du système scolaire local sans exercer la moindre responsabilité quant aux conséquences de leurs décisions.
Création d'un nouveau système
de médiation et d'arbitrage
164. Le gouvernement confirme la description faite par les plaignants du système de conciliation prévu par l'ancienne loi. Il convient cependant de préciser que ce système était considéré par les parties comme une étape purement formelle sur la voie de l'arbitrage. Les conciliateurs parvenaient rarement à faire s'entendre les parties, et il apparaît que ni la MTS ni la MAST ne prenaient cette procédure très au sérieux.
165. Il est exact que l'ensemble des coûts de la conciliation étaient acquittés par le gouvernement avant l'adoption de la Loi. Aujourd'hui, ces coûts sont fixés par le gouvernement et payés à parts égales par les parties. On veut par là inciter à la fois les enseignants et les employeurs à prendre au sérieux la procédure de conciliation.
166. S'agissant des coûts du médiateur-arbitre, le gouvernement estime que la formule consistant à ne payer que la moitié des coûts d'un médiateur-arbitre unique sera en fin de compte moins coûteuse pour les parties que le financement d'un conseil d'arbitrage. Par ailleurs, il déclare que, si le ministre de l'Education et de la Formation a effectivement le droit de nommer un arbitre, il n'a jamais exercé ce droit et ne le fera qu'en cas d'impasse des négociations et de refus absolu par les parties de suivre la procédure réglementaire. Il note en outre que le ministre nomme l'arbitre sur une liste dressée soit par la Commission des conventions collectives, soit par la Commission du travail du Manitoba, liste qui comprend des noms acceptables à la fois pour les salariés et la direction. En juillet 1997, le ministre a écrit à la MTS et à la MAST pour leur donner la liste des noms figurant sur le répertoire de la Commission des conventions collectives et les inciter à désigner d'autres personnes qui ont ou pourraient acquérir des compétences dans ce domaine. La MTS n'a pas encore répondu à cette invitation.
167. Si la loi n'établit pas de distinction entre le rôle de médiation et d'arbitrage du médiateur-arbitre en ce qui concerne l'admissibilité de la preuve, les parties sont libres de décider dès le départ que l'ensemble des débats auxquels donnera lieu la médiation se feront sans préjuger de la question. Par ailleurs, les parties restent libres de se faire assister par un conciliateur et, si cette initiative échoue, de changer d'arbitre, au lieu d'être tenues de recourir aux services du médiateur-arbitre.
168. Le gouvernement soutient que la procédure modifiée laisse toujours à la MTS la faculté de négocier au nom des enseignants et qu'il n'y a aucune raison de croire que cette procédure est moins équitable que celle qui était prévue par l'ancienne loi. Il soutient également que le nouveau système fournit le cadre d'une procédure de conciliation et d'arbitrage appropriée, impartiale et expéditive, qui est au cœur de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. De même, le gouvernement nie que les modifications controversées enfreignent les dispositions de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Non seulement la procédure de négociation collective applicable aux enseignants a été maintenue, mais elle a été renforcée par des mesures tenant à rendre la conciliation et l'arbitrage plus rapides et en fin de compte moins coûteux pour les parties. De même encore, en améliorant une procédure de conciliation et d'arbitrage qui était devenue lente et lourde, le gouvernement favorise et soutient l'élaboration et l'utilisation de mécanismes de négociation des conditions d'emploi, conformément aux dispositions de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
169. Le gouvernement déclare également que les modifications controversées ont fait l'objet de très larges consultations, conformément aux dispositions de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981. Le Groupe de travail sur la réforme de la législation de l'éducation créé en 1992 a tenu de nombreuses audiences publiques, et la première commission instituée en application des conclusions du rapport de ce groupe de travail était largement composée des parties prenantes, notamment la MTS et la MAST. Comme elles n'ont pas réussi à s'entendre, on a créé la Commission de la négociation collective et de la rémunération des enseignants, qui a tenu onze réunions publiques et une réunion spéciale pour entendre la position officielle de la MTS et de la MAST. Enfin, après que la législation en question eut été soumise à l'Assemblée législative et conformément à la procédure législative du Manitoba, de nombreuses séances publiques ont été tenues au stade de la commission publique, au cours desquelles les modifications ont été débattues et ont été en fait modifiées sur certains points importants à la demande des représentants de la MTS, avant l'adoption définitive du projet de loi. Le gouvernement est disposé à poursuivre les consultations et à réexaminer tout domaine où pourraient apparaître des problèmes liés à la structure législative. Il fait toutefois remarquer que la bonne marche d'un processus de consultation authentique exige que l'ensemble des parties soient disposées à dialoguer et à envisager des compromis raisonnables, et il affirme que la MTS n'a pas toujours fait preuve de l'esprit voulu à cet égard.
170. En conclusion, le gouvernement affirme que, lorsqu'on les situe dans leur contexte, les modifications apportées ont non seulement un caractère raisonnable, mais que, si les parties prenantes font preuve de bonne foi, elles apporteront des améliorations à la procédure de négociation collective applicable aux enseignants et administrateurs du Manitoba dans les années à venir.
171. Le comité note que les violations de la liberté syndicale alléguées dans le présent cas concernent trois catégories de modifications apportées récemment à la loi sur les écoles publiques de la province du Manitoba: en premier lieu, le fait que certaines questions ont été soustraites à la compétence des arbitres des différends dans un système où l'arbitrage obligatoire a été substitué par la loi au droit de grève des enseignants des écoles publiques; en deuxième lieu, le fait que, pour prendre une décision, les arbitres des différends doivent prendre en considération des éléments spécifiques, parmi lesquels la capacité à effectuer les paiements; en troisième lieu, le fait que l'ancien système de conciliation et d'arbitrage a été remplacé par un système combinant médiation et arbitrage. Les plaignants soutiennent que ces modifications ont eu pour effet de nuire à l'indépendance des arbitres et à l'équité de la procédure d'arbitrage, ce qui est contraire aux normes et principes de l'OIT relatifs à la liberté syndicale.
172. Le comité note que le gouvernement ne considère pas ces modifications comme une réponse temporaire aux graves difficultés financières et budgétaires auxquelles il faisait face, mais comme un moyen d'améliorer la procédure et les conditions de la négociation collective. Le comité note également qu'alors que les travailleurs du secteur de l'éducation sont autorisés à exercer le droit de grève s'ils le veulent [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 545] les plaignants ne mettent en cause ni la validité de la procédure d'arbitrage obligatoire en tant que telle ni, par voie de conséquence, l'interdiction de recourir à la grève pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux, mais qu'ils contestent certains changements apportés à la procédure d'arbitrage.
Compétence des arbitres des différends
173. Le comité note que, par suite des modifications apportées récemment à la loi sur les écoles publiques en matière de règlement des différends, les arbitres ne sont plus habilités à prononcer une sentence portant sur les points suivants: sélection, nomination, affectation et mutation d'enseignants et de principaux; méthode d'évaluation de la performance des enseignants et des principaux; effectif des classes; horaires des récréations et de la pause de midi. Tout en soustrayant ces questions à la compétence des arbitres, on a imposé aux commissions scolaires l'obligation d'agir de façon raisonnable et équitable et de bonne foi dans l'application de leur politique et de leurs usages régissant les questions exclues.
174. Selon le gouvernement, ces modifications ont été adoptées en raison des contraintes sérieuses que certaines sentences arbitrales récentes imposaient aux autorités locales. La nature de ces contraintes n'est pas précisée. Un autre argument mis en avant est celui selon lequel, d'après un rapport publié en 1992, il n'avait pas été demandé que les questions débattues soient incluses dans la négociation. Par ailleurs, le gouvernement affirme qu'en tout état de cause peu de conventions collectives traitent des questions énumérées.
175. Le comité rappelle tout d'abord que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale et que les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 782.] Auparavant, le comité avait noté en particulier l'importance de promouvoir la négociation collective dans le secteur de l'éducation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 804.] En deuxième lieu, s'agissant de la question de la négociation collective, le comité rappelle le point de vue exprimé par la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, selon lequel «il est certaines questions qui, manifestement, relèvent au premier chef ou essentiellement de la gestion des affaires du gouvernement; ces questions peuvent raisonnablement être considérées comme étrangères au champ de la négociation». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 812.] L'élaboration des grandes lignes de la politique générale de l'enseignement est donnée comme un exemple d'un domaine qui peut être exclu de la négociation collective; en revanche, certaines autres questions qui se rapportent au premier chef aux conditions d'emploi ne devraient pas être considérées comme étant en dehors du champ des négociations collectives. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 812-813.] Le comité considère donc que, à l'exception éventuelle des effectifs scolaires, les domaines qui ont été exclus de la compétence des arbitres concernent manifestement les conditions d'emploi et doivent donc, dans le contexte du système de détermination des conditions d'emploi dans le secteur de l'éducation du Manitoba, pouvoir relever de la juridiction de l'arbitrage. Quoique ces domaines ne figurent pas nécessairement dans les conventions collectives applicables aux enseignants des écoles publiques du Manitoba, ils n'en sont pas moins compris dans certaines de ces conventions; en tout état de cause, ils soulèvent pour les travailleurs d'importantes questions qui relèvent de plus en plus des conventions collectives. En ce qui concerne la sélection et le recrutement des enseignants et des principaux, le comité considère que l'établissement de procédures à cet égard devrait pouvoir être inclus dans les domaines relevant de l'arbitrage, tandis que les cas spécifiques de recrutement et de sélection peuvent en être exclus. En ce qui concerne l'effectif des classes, le comité reconnaît que cette question, si elle est susceptible d'influer sur les conditions d'emploi, peut aussi être considérée comme un sujet davantage lié à la politique générale de l'enseignement. Si le gouvernement estime que les questions comme celle des effectifs des classes doivent être réglées en dehors de la négociation collective, le comité lui demande de faire en sorte que les associations d'enseignants intéressées soient dûment consultées préalablement à l'élaboration et la mise en œuvre des mesures prises à cet égard.
176. Le comité note l'affirmation du gouvernement selon laquelle il n'y a pas de violation puisque les parties restent libres de négocier volontairement ces questions et que l'obligation de bonne foi constitue une contrainte de poids pour les organismes employeurs. Cependant, le comité observe que, lorsque les organisations de travailleurs ne sont pas autorisées à recourir à un moyen quelconque de pression pour défendre leur position dans la négociation collective, l'efficacité de cette dernière risque de s'en ressentir. De l'avis du comité, les dispositions faisant obligation au gouvernement d'agir de manière raisonnable, équitable et de bonne foi dans l'application de sa politique régissant les questions qui ont été exclues par la loi -- la procédure de règlement des différends restant ouverte en cas de violation alléguée -- ne peuvent être considérées comme l'équivalent de la négociation collective, puisque le gouvernement garde la faculté d'agir unilatéralement dans ces domaines et que ces dispositions ne compensent pas suffisamment les restrictions apportées au droit de grève. Le comité rappelle que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts professionnels. Ce droit ne peut être restreint que dans les services essentiels ou à l'égard des fonctionnaires publics agissant en tant qu'organes de la puissance publique, et les enseignants ne tombent pas dans la définition de l'une ou l'autre de ces catégories. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 474-475 et 536; voir aussi le 278e rapport, cas no 1570 (Philippines), paragr. 165-166.] Dans le présent cas, les plaignants ne contestent pas l'interdiction du droit de grève; en revanche, en échange de leur acceptation de renoncer à ce moyen important de défendre leurs revendications dans la négociation collective, ils devraient bénéficier des garanties voulues, notamment de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 547.] Puisque les domaines énumérés ne peuvent faire l'objet d'un arbitrage, les travailleurs et leurs organisations se trouvent dépourvus de moyens efficaces de défendre les revendications exprimées au cours des négociations et de compensations satisfaisantes.
177. Le comité demande donc instamment au gouvernement de prendre des mesures visant à faire abroger les modifications à la loi sur les écoles publiques du Manitoba qui limitent la compétence des arbitres des différends. Il lui demande de le tenir informé à cet égard. Le comité soumet cet aspect du cas à l'attente de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
Facteurs que les arbitres des différends
doivent prendre en considération
178. Le comité note que la loi sur les écoles publiques a fait également l'objet de modifications tendant à contraindre les arbitres des différends, quand ils ont à traiter de questions qui pourraient vraisemblablement avoir une incidence financière sur la division ou le district scolaire, à fonder leur décision principalement sur «la capacité de la division ou du district scolaire à effectuer les paiements» en tenant compte de ses recettes actuelles. La loi énumère ensuite un certain nombre de facteurs dont l'arbitre doit «tenir compte» pour déterminer la capacité à effectuer les paiements de la division ou du district intéressé.
179. Le comité note que, malgré les dénégations du gouvernement, ces modifications semblent être une tentative visant à maintenir le niveau des rémunérations dans certaines limites budgétaires tout en maintenant une certaine flexibilité par la recherche d'un équilibre entre les facteurs énumérés, comme la nécessité pour les divisions et districts scolaires de recruter des enseignants qualifiés et de retenir leurs services. Le comité considère qu'alors que les aspects financiers doivent être pris en compte en demandant à l'arbitre de baser sa décision «principalement» sur la capacité de payer, la législation va au-delà de ce qui est acceptable selon les principes de la liberté syndicale. En conséquence, le comité prie le gouvernement de modifier la législation en consultation avec les organisations de travailleurs concernées et de le tenir informé de l'évolution à cet égard. Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur ce cas.
Création d'un nouveau système
de médiation et d'arbitrage
180. Le comité note que, en vertu de l'ancienne loi sur les écoles publiques, chaque partie pouvait, au cours de la négociation d'une convention collective, déclencher une procédure de conciliation financée par des recettes publiques. Si cette conciliation échouait, chacune des parties pouvait demander au ministre de nommer un conseil d'arbitrage. En vertu des modifications, la conciliation ne peut avoir lieu que si les parties demandent conjointement l'aide d'un conciliateur, dont elles doivent prendre en charge à parts égales la rémunération et les dépenses. Fondamentalement, la procédure de conciliation, puis d'arbitrage par un conseil, a été remplacée par une procédure de médiation et d'arbitrage. Aujourd'hui, chacune des parties peut demander au ministre de nommer un médiateur-arbitre pour l'aider à conclure une convention collective. Si la médiation échoue, chacune des parties ou le ministre pourra demander à ce médiateur-arbitre de fixer les clauses de la convention collective par arbitrage.
181. Comme on l'a indiqué ci-dessus, le comité admet que les restrictions apportées au droit de grève dans le présent cas soient compensées par une procédure de conciliation et d'arbitrage appropriée, impartiale et expéditive. Les plaignants soutiennent que le nouveau système de médiation et d'arbitrage n'est ni approprié ni impartial pour trois raisons: la procédure de conciliation doit être déclenchée conjointement et doit désormais être également payée conjointement; les fonctions de médiation et d'arbitrage du médiateur-arbitre ne sont pas suffisamment indépendantes; les parties sont conjointement responsables de la rémunération et des dépenses du médiateur-arbitre. Par ailleurs, les plaignants semblent indiquer que la révision du système n'a pas été précédée de consultations suffisantes avec les parties intéressées.
182. S'agissant de l'obligation faite aux parties de payer les services de conciliation et de médiation-arbitrage, le comité conclut que, si les coûts sont d'un montant raisonnable et ne nuisent pas à la capacité des parties, en particulier celles disposant de ressources financières insuffisantes, de recourir aux services offerts, il n'y a pas violation de la liberté syndicale. Par ailleurs, le comité ne prend pas position sur la supériorité de la conciliation par rapport à la médiation, étant donné qu'il s'agit de deux moyens d'aider les parties à atteindre un accord volontaire. Il ne prend pas position non plus sur la supériorité d'un système de conciliation distinct de l'arbitrage par rapport à un système combiné médiation-arbitrage tant que les membres des organes chargés de ces fonctions sont impartiaux et apparaissent comme tels. En cas de médiation et d'arbitrage de conflits collectifs, l'essentiel réside dans le fait que tous les membres des organes chargés de telles fonctions doivent non seulement être strictement impartiaux, mais doivent apparaître comme tels aussi bien aux employeurs qu'aux travailleurs, afin que la confiance dont ils jouissent de la part des deux parties et dont dépend le succès de l'action, même s'il s'agit d'arbitrage obligatoire, soit maintenue. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 549.]
183. S'agissant du dernier élément de la plainte, qui concerne le fait que le système d'arbitrage a été modifié sans consultations, le comité rappelle que, lorsqu'un gouvernement souhaite modifier les structures de négociation dans lesquelles il agit directement ou indirectement en tant qu'employeur et que, comme c'est le cas ici, ce système de négociation débouche sur l'arbitrage, il est particulièrement important qu'il suive une procédure de consultation appropriée, dans laquelle tous les objectifs puissent être examinés par toutes les parties intéressées. Ces consultations impliquent que la procédure soit conduite de bonne foi et que les deux parties disposent de toutes les informations nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause. [Voir 299e rapport, cas no 1802 (Canada/Nouvelle-Ecosse), paragr. 281; 300e rapport, cas no 1806 (Canada/ Yukon), paragr. 126.] Le comité note que, s'il y a bien eu un certain nombre de réunions publiques au sujet de la réforme de la législation du système éducatif, une seule de ces réunions a eu pour objet d'entendre la position officielle de la MTS et de la MAST. Par ailleurs, bien que la MTS semble avoir pu obtenir quelques modifications à la Loi après qu'elle eut été soumise à l'Assemblée législative, cette participation s'est produite très tard au cours de la procédure et ne peut être considérée comme une solution de remplacement aux consultations de bonne foi en vue de l'élaboration d'une politique visant à modifier la structure des négociations. Le comité demande au gouvernement de faire en sorte que des consultations de bonne foi soient désormais menées dans des conditions telles que les parties disposent de toutes les informations nécessaires pour pouvoir faire des propositions et prendre des décisions en connaissance de cause.
184. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement du Canada (Ontario
présentée par
-- le Congrès du travail du Canada (CTC)
-- l'Union internationale des employés des services
(SEIU), section 204, et
-- la Fédération des travailleurs (Ontario)
Allégations: ingérence du gouvernement
dans les tribunaux d'arbitrage et du travail
185. Par une communication du 12 novembre 1997, le Congrès du travail du Canada (CTC), l'Union internationale des employés des services (SEIU), section 204, et la Fédération des travailleurs (Ontario) ont présenté une plainte pour violations de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada (Ontario).
186. En réponse à ces allégations, dans une communication du 23 avril 1998, le gouvernement fédéral a transmis la réponse du gouvernement de la province de l'Ontario.
187. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des plaignants
188. La plainte a trait à la législation portant sur l'arbitrage obligatoire de différends dans divers domaines du secteur public: la loi de 1996 sur les économies et la restructuration (projet de loi 26), en particulier son annexe Q; la loi de 1997 sur la stabilité dans le secteur public (projet de loi 136), en particulier l'annexe A qui est la loi de 1997 sur le règlement des différends dans le secteur public; la loi de 1993 sur le contrat social (projet de loi 48). Dans leur communication du 12 novembre 1997, le CTC, la SEIU et la Fédération des travailleurs (Ontario) affirment que la législation, d'une part, et l'absence persistante d'un organe indépendant chargé de nommer les arbitres de différends en Ontario, d'autre part, nuisent à l'indépendance des arbitres de différends et à l'intégrité de la procédure d'arbitrage, enfreignant ainsi la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
Annexe Q de la loi sur les économies et la restructuration
(projet de loi 26) et loi sur le règlement des différends
dans le secteur public (projet de loi 136)
189. Les plaignants estiment que le fait d'obliger les arbitres de différends à tenir compte de certains critères, conformément au projet de loi 26 et au projet de loi 136, compromet le processus de négociation dans le secteur public et porte atteinte aux arbitres de différends en Ontario.
190. Les plaignants indiquent que plus de 250 000 employés syndiqués sont visés par l'annexe Q du projet de loi 26, laquelle porte sur la résolution des différends dans les hôpitaux, les services policiers, les services des pompiers et les conseils scolaires. Auparavant, le gouvernement de l'Ontario établissait que les différends ayant trait à la négociation de conventions collectives relatives aux travailleurs des hôpitaux et des cliniques, des services des pompiers et des services policiers n'étaient pas résolus par le recours à la grève ou au lock-out, mais par le biais d'un arbitrage obligatoire. La négociation collective et le droit de grève, dans le cas des employés municipaux et du personnel non enseignant du secteur de l'éducation, sont régis par les dispositions ordinaires de la loi sur les relations de travail. Toutefois, le projet de loi 136 a pour conséquence qu'en cas de restructuration d'un organisme employant des personnes dans le secteur municipal ou dans le secteur de l'éducation, il pourra être fait appel à un arbitre de différends pour conclure les premières conventions collectives après la restructuration. L'arbitre sera tenu d'appliquer l'ensemble des critères prévus par la loi qui font l'objet du présent cas.
191. L'annexe Q du projet de loi 26 prévoit un certain nombre de critères que les arbitres sont tenus de prendre en considération pour rendre une décision ou une sentence, notamment:
En outre, l'annexe A du projet de loi 136 prévoit qu'un arbitre de différends doit désormais tenir compte des «meilleures pratiques possibles pour assurer la prestation de services publics de qualité et efficaces qui soient abordables pour les contribuables».
192. Les plaignants estiment qu'obliger les arbitres de différends dans le secteur public à tenir compte des critères susmentionnés permet au gouvernement de déterminer unilatéralement les conditions d'emploi, nuit à l'impartialité et à l'indépendance des arbitres, à la confiance dans la procédure d'arbitrage, laquelle est destinée à remplacer le droit de grève, et porte atteinte aux libres négociations collectives. De plus, les plaignants affirment que l'obligation d'observer ces critères est, de fait, un subterfuge pour diminuer les salaires.
193. Les plaignants indiquent qu'en Ontario la capacité de payer de l'employeur ou le fait que la prestation de services publics doit être abordable pour les contribuables ne sont pas des critères dont on tient habituellement compte dans l'arbitrage de différends. Certes, le critère selon lequel l'employeur doit être capable de payer peut être légitime dans le secteur privé mais il a été constamment et à maintes reprises rejeté dans le secteur public, au motif qu'il n'était pas approprié. L'un des principes essentiels de l'arbitrage de différends, compte tenu du fait que les travailleurs auxquels ladite procédure s'applique ne jouissent pas du droit de grève, est que cette procédure devrait, autant que possible, chercher à reproduire les résultats des libres négociations collectives. A cette fin, en Ontario et dans d'autres juridictions canadiennes, le critère que les arbitres utilisent habituellement pour déterminer les salaires dans le cadre de conventions collectives du secteur public est que les salaires des employés du secteur public soient comparables, pour une tâche et un employeur analogues, à ceux des employés du secteur privé. Ce critère de «comparabilité» garantit que les salaires des employés qui font l'objet d'un arbitrage de différends dans le secteur public suivent ceux qui sont fixés dans le cadre de conventions collectives librement négociées dans les secteurs où les parties jouissent du droit de grève.
194. Demander aux arbitres de tenir compte de la capacité de payer de l'employeur compte tenu de sa situation budgétaire permet au gouvernement, selon les plaignants, de déterminer en fait l'issue des différends relatifs aux rétributions en exerçant son pouvoir en matière de dépenses publiques. De fait, il s'agit moins de «la capacité de payer», telle qu'elle est mentionnée dans l'annexe Q du projet de loi 26, de l'employeur du secteur public, ou du gouvernement qui, en fin de compte, tient les cordons de la bourse, que de la somme que l'employeur est disposé à verser.
195. Les plaignants affirment que l'obligation de tenir compte de la capacité de payer pour rendre une sentence compromet l'intégrité et l'indépendance des arbitres en les obligeant à devenir les exécutants de la politique budgétaire gouvernementale. De plus, demander aux arbitres de différends de tenir compte de la mesure dans laquelle les services risquent d'être réduits à la suite d'une sentence pourrait les dissuader de décider d'une augmentation de salaires, même si elle se justifie, si cette augmentation peut être préjudiciable à l'exécution d'un programme ou d'un service. Selon les plaignants, ce critère oblige les arbitres à prendre des décisions d'un ordre essentiellement politique. Les arbitres ne doivent pas ni ne devraient avoir à prendre certaines décisions, que ce soit la réduction de programmes, des licenciements, l'augmentation ou la diminution d'impôts. Cette responsabilité incombe aux élus. De plus, dans la mesure où l'annexe Q du projet de loi 26 oblige les arbitres à examiner la proportion dans laquelle il faudra éventuellement diminuer le volume des services, ce qui les incite à privilégier le niveau de services à fournir à la collectivité au détriment du niveau des salaires dans la fonction publique, il a pour effet d'obliger les employés du secteur public à subventionner la fourniture de services. De la sorte, on attribue aux employés du secteur public une proportion exagérée du coût des services dont bénéficie l'ensemble de la collectivité.
196. L'imposition de critères déterminés par le gouvernement et dictés par sa politique budgétaire sape les fondements d'une procédure d'arbitrage légitime, à savoir l'indépendance et la loyauté, ou, pour employer la terminologie de l'OIT, l'impartialité et la notion d'adéquation. Cette perte de loyauté et d'indépendance des arbitres conduit inéluctablement à une perte de confiance des intéressés dans la procédure d'arbitrage. Qui plus est, les travailleurs du secteur public visés par le projet de loi 26 et le projet de loi 136 sont privés d'une procédure de règlement des différends appropriée et susceptible de compenser le fait qu'ils ne jouissent pas du droit de grève.
197. De plus, les plaignants indiquent que l'ingérence du gouvernement dans la procédure d'arbitrage de différends, cela pour établir de manière unilatérale les taux de rémunération des travailleurs du secteur public, ne donne pas la priorité à la négociation collective, laquelle permet de régler les différends ayant trait aux conditions d'emploi. La capacité qu'a le gouvernement de fixer unilatéralement ces conditions par le biais de sa politique budgétaire, dont les arbitres sont obligés de tenir compte, a pour effet de fausser les conditions de négociation entre employeurs et travailleurs du secteur public et de rendre inutile la négociation. Rien n'incitera le gouvernement ou l'employeur qui dépend essentiellement des crédits publics à négocier les conditions d'emploi des agents du service public qui sont visés par le projet de loi 26 et le projet de loi 136 s'il est en mesure d'imposer unilatéralement ses conditions dans le cadre de la procédure d'arbitrage, au moyen des critères obligatoires prévus pour les arbitres.
198. Les plaignants affirment que le gouvernement, en cherchant à fixer unilatéralement les taux de salaire -- cela en obligeant les arbitres à tenir compte, d'une part, de la capacité de l'employeur du secteur public de payer, d'autre part, de la mesure dans laquelle des services devront peut-être être réduits et, enfin, du fait que les services doivent être abordables pour les contribuables --, cherche, dans les faits, à recourir à la procédure d'arbitrage pour imposer un contrôle des salaires et à porter atteinte à la procédure d'arbitrage. Les restrictions en matière de salaires ont été décidées alors que cela ne s'imposait pas clairement. Les critères en question, qui constituent une ingérence dans la fixation du taux des salaires, ne sont pas une mesure exceptionnelle en vigueur pour une période raisonnable mais un programme de diminution des salaires qui n'est pas limité dans le temps.
199. De plus, les plaignants indiquent que le gouvernement n'a pas consulté comme il l'aurait fallu les travailleurs intéressés ou leurs agents négociateurs avant d'adopter le projet de loi 26 et le projet de loi 136. Ils déclarent qu'en ce qui concerne l'adoption du projet de loi 26, jamais dans la province de l'Ontario on ne s'était aussi peu soucié de consulter les parties intéressées et la population. Dans un premier temps, le gouvernement a cherché à précipiter la procédure législative sans procéder à des débats publics. Ce n'est qu'à la suite de vives protestations de la population que le gouvernement a accepté un nombre limité d'observations dont il n'a écouté que le quart. Le gouvernement n'a pas tenu compte de celles des syndicats représentant les travailleurs visés par l'annexe Q du projet de loi 26, mais a tenu compte d'autres observations et a accru les contraintes imposées à la procédure d'arbitrage en ajoutant, à l'annexe Q, le critère de «niveaux d'imposition» à ceux dont les arbitres doivent tenir compte pour déterminer la mesure dans laquelle des services devront peut-être être réduits, compte tenu d'une sentence. De même, s'il est vrai que le gouvernement a été forcé d'apporter des amendements importants au projet de loi 136, sous la pression de la population et des syndicats, il s'est refusé obstinément à modifier le critère, contenu dans le projet de loi 136, selon lequel les services doivent être abordables pour les contribuables.
200. Les plaignants font observer que les entraves aux libres négociations collectives en matière de rétributions que constituent le projet de loi 26 et le projet de loi 136 font directement suite à la restriction de trois ans relative à la négociation collective en matière de rémunération qui est prévue dans la loi de 1993 sur le contrat social. Les plaignants affirment que cela ne peut être que préjudiciable au niveau de vie des travailleurs visés et que ni l'annexe Q du projet de loi 26 ni le projet de loi 136, ni toute autre législation introduite par le gouvernement actuel de l'Ontario ne prévoient de garanties appropriées à cet égard.
201. Enfin, cela étant, les plaignants estiment que les mesures prises par le gouvernement par le biais du projet de loi 26 et du projet de loi 136 s'inscrivent en outre dans le cadre d'une politique gouvernementale plus ample visant à entraver la liberté syndicale et la négociation collective. Cette politique comporte notamment les éléments suivants:
Loi de 1993 sur le contrat social (projet de loi 48)
202. Les plaignants estiment que l'article 48 1) de la loi de 1993 sur le contrat social (projet de loi 48) entrave l'indépendance des arbitres de différends dans le secteur public. C'est d'ailleurs ce qu'a estimé la Cour d'appel de l'Ontario et ce qu'a confirmé le règlement 594/95 de l'Ontario. On a considéré que l'article 48 1) empêchait qu'une sentence arbitrale débouche sur une augmentation de la rétribution. Le projet de loi 48 est entré en vigueur le 14 juin 1993 et a cessé ses effets le 31 mars 1996. Il prévoyait une «période de contrat social» de trois ans pendant laquelle les employeurs du secteur public étaient tenus de réaliser des objectifs du gouvernement en matière de réduction des dépenses.
203. L'article 48 du projet de loi 48 contient des dispositions spécifiques portant sur l'arbitrage de différends et prévoit que «Aucune augmentation de la rétribution ne doit être accordée par suite d'une sentence ou d'une décision arbitrale rendue le 14 juin 1993 ou après cette date.» L'article 48 3) indique que «Malgré le paragraphe 1, une sentence ou une décision arbitrale peut augmenter les gains annuels des employés jusqu'à concurrence de 30 000 dollars.» Une certaine ambiguïté subsistait quant à la compétence des arbitres pour accorder des augmentations aux employés gagnant plus de 30 000 dollars (CDN). La question était aussi de savoir si un conseil d'arbitrage pouvait accorder une augmentation tant aux personnes gagnant plus de 30 000 dollars qu'à celles gagnant moins de 30 000 dollars. La Cour d'appel de l'Ontario a donc été saisie de ces deux questions et a conclu que, en vertu des articles 48 1) et 3) du projet de loi 48, lesquels prévoient un gel des rétributions pendant une période de trois ans, un conseil d'arbitrage ne peut rendre une sentence accordant une augmentation de la rétribution pour les employés gagnant 30 000 dollars ou davantage, cette augmentation ne pouvant prendre effet ou être appliquée qu'à la fin de la période de trois ans du contrat social. De plus, la Cour d'appel a considéré que la capacité d'augmenter les rétributions d'employés gagnant moins de 30 000 dollars par an ne porte que sur les rémunérations monétaires directes et non sur d'autres prestations; ainsi, l'article 48 3) ne permet pas une augmentation des prestations versées aux employés gagnant moins de 30 000 dollars.
204. Le 19 décembre 1995, avant que la Cour d'appel ne se soit prononcée, le gouvernement avait toutefois adopté le règlement 545/95 qui portait sur l'article 48 1) du projet de loi 48: «Aucune augmentation de la rétribution ne doit être accordée par suite d'une sentence ou d'une décision arbitrale rendue le 14 juin 1993 ou après cette date. Cela revient à dire qu'une sentence ou une décision arbitrale rendue le 14 juin 1993 ou après cette date ne peut donner lieu à une augmentation, quelle qu'elle soit, de la rétribution.» On a considéré que le règlement 545/95 était entré en vigueur rétroactivement le 14 juin 1993. De la sorte, l'application rétroactive du règlement pourrait avoir d'éventuelles conséquences pour quelque 57 décisions rendues par des arbitres de différends entre juin 1993 et juin 1995, la plupart de ces décisions prévoyant des augmentations que le règlement interdit. Les plaignants estiment qu'en prenant ce règlement le gouvernement a démontré qu'il est déterminé à entraver l'indépendance et l'intégrité de la procédure d'arbitrage en privant les arbitres de leur compétence.
205. Les plaignants estiment que l'article 48 1) du projet de loi 48, en entravant la capacité d'un arbitre d'accorder une augmentation de salaire ou de prestations -- entraves qui ont été interprétées comme telles par la Cour d'appel de l'Ontario et confirmées par le règlement 594/95 de l'Ontario -- constitue un motif de préoccupation, au même titre que le projet de loi 26, lequel porte atteinte à l'indépendance des arbitres et à l'intégrité de la procédure d'arbitrage. A n'en pas douter, si on les compare aux dispositions du projet de loi 48, les critères contenus dans le projet de loi 26 constituent, selon les plaignants, une violation encore plus grave et durable des principes de la liberté d'association. L'article 48 1) a pour conséquence que les arbitres indépendants de différends ne peuvent pas reproduire les résultats de la négociation collective libre. En empêchant les arbitres de différends d'exercer un aspect important de leur rôle, à savoir fixer des salaires justes et appropriés, l'article 48 1) en fait de simples exécutants de la politique gouvernementale de réduction des salaires.
206. Les plaignants estiment que ces entraves à l'impartialité et à l'indépendance des arbitres de différends entament la confiance dans la procédure d'arbitrage, nuit à l'efficacité de cette procédure qui devrait remplacer le droit de grève et va à l'encontre de la négociation collective libre. Le projet de loi 26 oblige les arbitres à tenir compte des critères imposés par le gouvernement. Le projet de loi 48 va plus loin puisqu'il les empêche totalement d'accorder des augmentations de rétribution.
207. Les plaignants affirment que l'atteinte à l'indépendance des arbitres que constitue le projet de loi 48 n'est pas simplement un acte isolé du gouvernement de l'Ontario, mais, en fait, qu'il est l'un des aspects de la politique budgétaire du gouvernement et qu'il vise à limiter la capacité des arbitres de rendre des sentences relatives au secteur public.
Organe indépendant en vue de la nomination
des arbitres de différends
Entraves à l'encontre de la Commission des relations
de travail de l'Ontario (OLRB)
208. En ce qui concerne le secteur des hôpitaux et des cliniques, pour déterminer les premières conventions collectives faisant suite aux restructurations qui ont lieu dans le secteur municipal et le secteur de l'éducation, les arbitres sont nommés par le ministre du Travail, lequel est un ministre du gouvernement. La loi n'impose pas de restrictions au gouvernement en matière de nominations. Dans le secteur des services des pompiers, les arbitres sont nommés par le solliciteur général, qui est un ministre du gouvernement et qui a toute latitude en matière de nominations. Dans le secteur des services policiers, les arbitres sont nommés par le président de la Commission d'arbitrage, lequel est nommé par le solliciteur général.
209. Les plaignants estiment que, si les arbitres sont directement nommés par un gouvernement qui prévoit dans la législation les critères qu'ils seront tenus de suivre pour rendre leurs sentences, inévitablement, la confiance dans le système sera entamée.
210. Les plaignants indiquent aussi que, depuis son élection en 1995, le gouvernement actuel de l'Ontario a suivi une ligne de conduite qui, systématiquement et gravement, est allée à l'encontre de l'indépendance des tribunaux du travail dans la province. Ces mesures ne se limitent pas à imposer des critères aux arbitres, mais à procéder à des nominations et au renouvellement des mandats des membres de la Commission des relations de travail de l'Ontario. Les plaignants indiquent que cette commission est, en Ontario, le principal organe chargé de faire appliquer la législation en matière de relations de travail, notamment les garanties contre les pratiques déloyales en matière de travail, les dispositions régissant l'habilitation des agents négociateurs, le devoir de négocier de bonne foi, le fait de déterminer si une grève est légale et si une grève illégale devrait être interdite, ainsi que la supervision des votes en vue d'une grève ou d'une ratification.
211. Les plaignants indiquent que le gouvernement a destitué huit vice-présidents ainsi que le président de l'OLRB, soit neuf personnes en tout, en les congédiant ou en ne renouvelant pas leur mandat. Six de ces personnes étaient des juristes qui défendaient les intérêts des syndicats. Le pouvoir et l'autorité dont le président dispose traditionnellement pour veiller, dans les faits, à la continuité de la nomination des vice-présidents ont été restreints et, dans de nombreux cas de nominations ou de non-renouvellement d'un mandat, il n'a même pas été consulté par le gouvernement. Cette évolution, indique-t-on, n'est pas sans conséquences pour la commission. Les plaignants expliquent qu'un procès pour pratiques déloyales en matière de travail oppose la SEIU à M. Johnson, le président du Conseil de gestion du gouvernement. Au moment de cette procédure, demande a été faite à l'OLRB de restreindre les piquets de grève sur le réseau de transport public, à l'occasion d'une grève générale d'une journée contre la politique du gouvernement. Un journal a fait état d'une déclaration de M. Johnson selon laquelle il envisageait de procéder à un «réexamen» de la commission, car il considérait que la commission n'avait pas suffisamment restreint les piquets de grève. A la suite de cela, la SEIU a déposé une deuxième plainte au motif que M. Johnson avait cherché à intimider, contraindre ou même menacer les membres de la commission et à influer sur leur décision destinée à sanctionner la privation de la sécurité de l'emploi, étant donné en particulier que le gouvernement avait congédié plusieurs vice-présidents ou qu'il n'avait pas renouvelé leur mandat. M. Johnson a nié ces allégations.
212. Au cours de la procédure dont faisait l'objet la deuxième plainte déposée contre M. Johnson, le vice-président a estimé que la commission dans son ensemble n'avait pas compétence pour entendre de la plainte, car tous les vice-présidents de l'OLRB avaient connaissance de l'action du gouvernement visant à relever de leurs fonctions les autres vice-présidents. Par conséquent, le procès a été suspendu. La SEIU a pu obtenir un ordre émanant de la Cour de justice de l'Ontario en vertu duquel un juge indépendant serait nommé pour instruire les plaintes contre M. Johnson. S'il est vrai que le jugement de la Cour se limite aux seuls faits dont elle avait été saisie à propos de l'OLRB, les plaignants estiment que la SEIU et d'autres personnes s'occupant en Ontario des relations de travail craignent beaucoup que, pour toute affaire portée devant elle, l'ORLB fasse preuve de partialité, cela en raison des tentatives manifestes du gouvernement de remplacer les vice-présidents par d'autres personnes plus proches de ses objectifs en matière de relations de travail. Un vice-président sensé sait que la sécurité de son emploi dépend uniquement du Cabinet du Premier ministre, et non du président de la commission. Une personne sensée sait que seuls ceux qui rendent des décisions favorables au gouvernement ou aux employeurs conserveront leur mandat; on peut donc considérer que toutes leurs décisions équivalent à une demande d'emploi ou à une évaluation de leur action.
213. Cela étant, les plaignants se disent préoccupés par l'action du gouvernement en ce qui concerne la nomination et le renouvellement des mandats au sein de l'OLRB, action dont on peut considérer qu'elle ne respecte pas les normes et principes de la liberté syndicale. En l'absence, dans les faits et dans la forme, d'une commission des relations de travail qui soit indépendante du gouvernement et impartiale, le droit d'organisation ne peut être effectivement mis en œuvre.
214. En conclusion, les plaignants estiment que, d'une part, les atteintes à l'indépendance des arbitres, par le biais des critères contenus dans le projet de loi 26 et dans le projet de loi 136, d'autre part, les entraves dont les arbitres font l'objet en ce qui concerne l'attribution d'augmentation de salaires -- même dans les cas où ces augmentations doivent prendre effet après l'expiration du projet de loi 48 -- et, enfin, les entraves à l'indépendance de l'OLRB rendent nécessaire, plus que jamais, la création d'un organisme indépendant chargé de nommer les arbitres de différends en Ontario.
B. Réponse du gouvernement
Annexe Q de la loi sur les économies et la restructuration
(projet de loi 26) et loi sur le règlement des différends
dans le secteur public (projet de loi 136)
215. Le gouvernement indique que l'inclusion de critères financiers et économiques dans le projet de loi 26 et dans le projet de loi 136 répond aux critiques dont a fait l'objet, de longue date, le système d'arbitrage de différends dans les secteurs où cet arbitrage est obligatoire. Depuis des années, les employeurs de ces secteurs se disent préoccupés par les décisions des arbitres de différends, en particulier par le fait que ces arbitres ne tiennent pas compte des réalités économiques auxquelles les employeurs sont soumis ni des résultats obtenus dans les secteurs où le droit de grève existe. On a estimé que ces résultats découlent en partie de la tendance qu'ont les arbitres de différends à «couper la poire en deux» au lieu de prendre des décisions difficiles à propos des dispositions controversées de certaines conventions collectives. Le gouvernement indique que les critères en question ne nuiront en rien à l'indépendance des arbitres, mais permettront de fournir des orientations utiles pour parvenir à des sentences judicieuses.
216. Le gouvernement convient avec les plaignants du fait que l'arbitrage de différends devrait tenir compte, autant que possible, des résultats obtenus dans les secteurs où les droits de grève et de «lock out» existent. Les critères ont été conçus pour contribuer et, espère-t-on, parvenir à des résultats ou à des sentences d'un même ordre que ceux ou celles négociés par les parties qui jouissent du droit de grève. Le gouvernement soutient qu'il croit dans la procédure de négociation collective et qu'il l'appuie. Il estime que les meilleures solutions sont celles qui sont négociées et obtenues de manière indépendante et autonome. Il faut souhaiter que les parties résoudront elles-mêmes les questions qui sont du domaine de la négociation collective plutôt que de recourir à des arbitres pour sortir de l'impasse. Les critères en question ne s'appliquent que lorsque les parties ne peuvent pas résoudre elles-mêmes ces questions. Ni le projet de loi 26 ni le projet de loi 136 n'imposent de conditions quant au contenu spécifique des conventions collectives ou des sentences arbitrales.
217. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les consultations ont été insuffisantes avant l'adoption du projet de loi 26 et du projet de loi 136, le gouvernement indique qu'il a procédé à des consultations exhaustives sur ces deux projets. A propos du projet de loi 26, pendant trois semaines environ, des débats publics se sont tenus dans toute la province. Plusieurs centaines de personnes et de groupes ont fait des propositions orales et écrites qui ont été soigneusement examinées et qui ont conduit, en troisième lecture, à un certain nombre d'amendements. Ainsi, l'annexe Q a été amendée de façon à préciser que les critères ne donnaient pas aux arbitres de nouvelles facultés, en particulier que l'annexe ne les habilitait pas à rendre des décisions portant sur le volume des services, motif d'inquiétude qui a été évoqué lorsque le projet a été présenté pour la première fois. De même, avant et après la présentation du projet de loi 136, le gouvernement a procédé à des consultations fructueuses avec des syndicats, des municipalités et l'association des hôpitaux de l'Ontario, ainsi que d'autres parties soucieuses de parvenir, de la meilleure façon possible, à ces objectifs. A la suite de ces consultations, des amendements importants à l'ensemble du projet ont été déposés.
La loi de 1993 sur le contrat social
(projet de loi 48)
218. Le gouvernement note que le projet de loi 48 a été adopté par le précédent gouvernement de l'Ontario et est entré en vigueur le 14 juin 1993. La loi contient des mesures de restrictions applicables au secteur public. Les dispositions portant sur ces mesures de restrictions ne sont plus en vigueur. Par conséquent, les employeurs et les syndicats du secteur public ne sont plus soumis aux restrictions relatives aux négociations collectives qui étaient contenues dans la loi.
219. Le gouvernement reconnaît que l'interprétation de l'article 48 a donné lieu à des controverses. Etant donné le manque de clarté de cet article, il a adopté le règlement 545/95 qui visait à clarifier le sens de l'article et non à faire obstacle à l'indépendance et à l'intégrité de la procédure d'arbitrage, ce qui n'a d'ailleurs pas été le cas.
Organe indépendant en vue de la nomination
d'arbitres de différends
Atteintes à l'encontre de la Commission
des relations de travail de l'Ontario (OLRB)
220. Le gouvernement indique qu'en Ontario les arbitres de différends et les commissions d'arbitrage sont nommés, d'une manière générale, à la suite d'un accord entre les parties intéressées. Si celles-ci ne parviennent pas à un accord, une troisième partie est autorisée à procéder à des nominations, à la demande d'une partie. Dans les services des pompiers et dans le secteur des hôpitaux, si les parties ne peuvent pas se mettre d'accord sur le candidat à la présidence de la Commission d'arbitrage, conformément à la loi sur l'arbitrage des conflits de travail dans les hôpitaux et à la loi de 1997 sur la prévention et la protection contre l'incendie, la candidature est soumise au ministre du Travail qui nomme un arbitre. Dans le secteur des services policiers, la candidature est présentée conformément à la loi sur les services policiers ou, lorsqu'il s'agit des services policiers de la province, à la loi sur la fonction publique, à la Commission d'arbitrage de la police de l'Ontario, dont le président procède à la nomination.
221. Le gouvernement reconnaît qu'il est essentiel, pour l'intégrité de ces systèmes de règlement des différends, de nommer des arbitres loyaux et impartiaux afin de résoudre les différends relatifs à la négociation collective. Le gouvernement affirme qu'il veille à ce que les différentes parties des secteurs des pompiers, des services policiers et des hôpitaux aient accès à un système d'arbitrage ouvert et équitable. Il affirme avoir démontré son adhésion à ce type de système en remplaçant l'équipe en place d'arbitres de différends par une nouvelle équipe qui est composée de juges retraités, dont la neutralité est reconnue, qui peuvent prendre des décisions difficiles quant aux dispositions controversées de certaines conventions collectives. Le gouvernement peut faire appel à ces arbitres lorsque les parties ne peuvent se mettre d'accord sur un arbitre.
222. En ce qui concerne les nominations à l'OLRB, le gouvernement indique qu'il a toujours considéré qu'il a pour rôle essentiel de veiller à ce que les personnes nommées à la commission aient l'expérience et les connaissances suffisantes pour s'acquitter du rôle important que les pouvoirs publics, les travailleurs et les entreprises attendent d'elles. Le gouvernement indique qu'il est conscient de l'importance que revêt l'impartialité des vice-présidents nommés à la commission, et il confirme qu'il est résolu à garantir que la commission reste indépendante et neutre.
223. Le comité note que le présent cas fait état d'allégations selon lesquelles le gouvernement porterait atteinte à l'indépendance des arbitres de différends et à l'intégrité du système d'arbitrage, ce qui constitue une violation des normes et principes de l'OIT sur la liberté syndicale. En particulier, le cas en question porte sur l'annexe Q de la loi de 1996 sur les économies et la restructuration (projet de loi 26) et sur la loi de 1997 sur le règlement des différends dans le secteur public (annexe A de la loi de 1997 sur la stabilité dans le secteur public (projet de loi 136)), lesquelles imposent des critères que les arbitres de différends doivent prendre en compte, notamment la capacité de payer des employeurs -- dans un système où la loi prévoit que l'arbitrage obligatoire de différends remplace le droit de grève pour les travailleurs des hôpitaux, des services policiers, des services de pompiers et des conseils scolaires. En outre, la loi de 1993 sur le contrat social (projet de loi 48), qui, comme cela a été interprété récemment, conduit à diminuer les rétributions dans le secteur public et pourrait porter atteinte à l'indépendance des arbitres de différends dans le secteur public. Enfin, les plaignants se disent préoccupés par l'ingérence du gouvernement dans la Commission des relations de travail de l'Ontario et demandent la création d'un organe indépendant chargé de nommer les arbitres.
Annexe Q de la loi sur les économies et la restructuration
(projet de loi 26) et loi sur le règlement des différends
dans le secteur public (projet de loi 136)
224. L'annexe Q du projet de loi 26 porte amendement d'un certain nombre d'instruments juridiques, en particulier ceux qui régissent l'arbitrage de différends pour les travailleurs des hôpitaux, des services de pompiers, des services policiers, des conseils scolaires et des enseignants. Avec des variantes mineures qui n'entrent pas en ligne de compte dans le cadre du cas présent, ces divers instruments sont amendés comme suit:
Pour rendre une décision ou une sentence arbitrale, l'arbitre ou le conseil d'arbitrage prend en considération tous les facteurs qu'il estime pertinents, notamment les critères suivants:
... [la disposition ci-dessus] n'a pas d'incidence sur les pouvoirs de l'arbitre ou du conseil d'arbitrage.
225. L'annexe A du projet de loi 136 complète la loi de 1997 sur le règlement des différends dans le secteur public et porte modification d'un certain nombre d'instruments juridiques portant sur l'arbitrage obligatoire. Les objets de cette loi sont les suivants:
L'article 2 2) de la loi indique que «Lorsqu'il rend une décision, l'arbitre ou le conseil d'arbitrage tient compte des objets de la présente loi.» L'article 2 3) précise que «le paragraphe 2 n'a pas pour effet de soustraire un arbitre ou un conseil d'arbitrage à toute exigence qu'impose une autre loi de tenir compte de critères lorsque celui-ci rend une décision.
226. Le comité note tout d'abord que la plupart des services couverts par l'arbitrage obligatoire, au titre du projet de loi 26 et du projet de loi 136, peuvent être considérés comme des services essentiels, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 526.] Les conseils scolaires et les enseignants ne remplissant pas ces critères, ils devraient donc avoir le droit d'exercer le droit de grève s'ils le souhaitent [voir Recueil, op. cit., paragr. 536, 545; voir également le 278e rapport, cas no 1570 (Philippines), paragr. 165-166], le comité note cependant que dans ce cas les plaignants ne cherchent pas à remettre en question la validité du système obligatoire d'arbitrage en soi, qui permet de défendre les intérêts économiques et sociaux des services qui ne jouissent pas du droit de grève, mais conteste certaines modifications apportées au système d'arbitrage.
227. Le comité rappelle que, lorsque le droit de grève est restreint ou supprimé, les travailleurs devraient bénéficier de garanties adéquates de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur liberté d'action, notamment des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 546-547.] Le comité note que le gouvernement et les plaignants s'accordent à penser que l'arbitrage de différends devrait viser autant que possible à reproduire les résultats des négociations collectives libres dans les secteurs où les parties jouissent du droit de grève.
228. Le comité note que les critères prévus dans la législation en question semblent viser à maintenir le niveau des rémunérations dans certaines limites budgétaires tout en autorisant une certaine flexibilité, par la recherche d'un équilibre entre d'autres facteurs qui ont été énumérés, notamment la comparaison établie avec des employés comparables des secteurs public et privé, et la capacité de l'employeur d'attirer et de garder des employés qualifiés. La capacité de payer figure parmi un certain nombre de facteurs que l'arbitre considère pertinents, et l'importance à accorder à chaque facteur semble laissée à l'appréciation de l'arbitre. Le comité note que certains critères contenus dans la législation sont particulièrement vagues et que l'arbitre dispose d'une grande latitude. Dans ces conditions, le comité considère que la compatibilité de ces critères avec les principes de la liberté syndicale et de la libre négociation dépend de leur application dans la pratique. Il demande donc au gouvernement et aux plaignants de fournir davantage d'informations à cet égard, et notamment d'indiquer si le résultat de l'arbitrage reproduit en fait les résultats de la libre négociation collective de la manière dont les parties la considèrent souhaitable.
229. Les plaignants affirment que le gouvernement n'a pas consulté comme il le fallait les travailleurs concernés ou leurs agents négociateurs avant l'adoption du projet de loi 26 et du projet de loi 136. En particulier, le plaignant indique à propos de l'adoption du projet de loi 26 que jamais dans la province de l'Ontario on avait fait aussi peu de cas de la consultation des parties intéressées et de la population. A propos du projet de loi 26, les plaignants déclarent que, alors qu'il avait cherché à précipiter la procédure législative sans procéder à des débats publics, le gouvernement, à la suite de vives protestations de la population, a accepté un nombre limité d'observations dont il n'a écouté que le quart. Or le gouvernement déclare qu'il a procédé à des consultations approfondies sur les deux projets de lois et que, dans le cas du projet de loi 26, des débats publics se sont tenus pendant trois semaines.
230. Le comité rappelle que, lorsqu'un gouvernement cherche à modifier une structure de négociation dans lequel il agit, directement ou indirectement, en tant qu'employeur, et que le système d'arbitrage constitue un prolongement de l'organisme de négociation en question, il est particulièrement important de suivre une procédure de consultation appropriée, dans laquelle toutes les parties intéressées pourront examiner tous les objectifs. Cette consultation doit être menée de bonne foi et les deux parties doivent disposer de toutes les informations nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause. [Voir 299e rapport, cas no 1802 (Canada/Nouvelle-Ecosse), paragr. 281; 300e rapport, cas no 1806 (Canada/Yukon), paragr. 126.] Le comité note que, s'il est vrai que des débats publics se sont tenus, ils ont eu lieu après l'adoption des projets de lois et à la suite de vives protestations de la population. Les consultations semblent avoir eu lieu à un stade très tardif de la procédure et le comité demande au gouvernement de veiller à l'avenir à procéder à des consultations de bonne foi, de telle manière que les parties disposent de toutes les informations nécessaires pour formuler des propositions et prendre des décisions en connaissance de cause.
Loi de 1993 sur le contrat social
(projet de loi 48)
231. Le comité note que la loi sur le contrat social a instauré une «période de contrat social» s'étendant du 14 juin 1993 au 31 mars 1996, période pendant laquelle des objectifs en matière de réduction des dépenses devaient être atteints dans le service public. Alors que les mesures de restriction prévues par la loi en question ne sont plus en vigueur, l'article 48 de la loi a fait l'objet d'une interprétation judiciaire et législative que les plaignants contestent. Les paragraphes en question de l'article 48 prévoient ce qui suit:
232. Il semble qu'il y ait eu un certain degré de controverse quant à la question de savoir si un arbitre pouvait rendre une décision en matière de rémunération pendant la période de contrat social, sentence ou décision qui, aux termes de l'article 48 1), ne pourrait être mise en œuvre qu'à la fin de ladite période. A propos de l'article 48 3), on s'est demandé si les personnes qui gagnaient moins de 30 000 dollars pouvaient bénéficier, au titre d'une sentence, d'une augmentation de prestations. La Cour d'appel de l'Ontario, dans une décision en date du 15 avril 1996, dont copie a été jointe à l'annexe de la présente plainte, a estimé qu'il fallait entendre qu'en vertu de l'article 48 1), le 14 juin 1993 ou après cette date, le conseil d'arbitrage ne peut rendre une sentence prévoyant des augmentations de rétribution. La Cour indique plus loin que cette interprétation est la seule qui concorde avec le reste de l'article 48, avec les dispositions de l'ensemble de la loi ... et avec l'objet et l'intention de la législature. Quant à la question des prestations, la Cour a estimé que, s'il est vrai que l'article 2 de la loi en question indique que le terme «rétribution» comprend les prestations, l'article 48 3) se réfère aux «gains annuels» et que, par conséquent, le conseil d'arbitrage ne peut qu'accroître les «paiements monétaires directs» d'employés gagnant moins de 30 000 dollars et non les prestations. Alors que l'appel était en cours, et avant que la décision susmentionnée n'ait été rendue, le gouvernement a adopté le règlement 545/95 afin de préciser le sens de l'article 48 1). Le règlement indique qu'il faut entendre par l'énoncé «... aucune augmentation de la rétribution ne doit être accordée par suite d'une sentence ou d'une décision rendue le 14 juin 1993 ou après cette date» qu'une sentence ou une décision arbitrale rendue le 14 juin 1993 ou après cette date ne doit prévoir aucune augmentation de la rétribution.
233. Le comité note qu'il a examiné dans le cas no 1722 [voir 292e rapport, paragr. 511-554] la loi de 1993 sur le contrat social. Dans le cas mentionné, le comité avait noté que le but principal de la loi en question était de «réaliser, pendant trois ans consécutifs, des économies importantes dans les dépenses du secteur public, ce qui a entraîné nécessairement des interventions dans le processus de négociation collective ... et que des économies dans les dépenses peuvent être réalisées par un gel du taux des salaires ou, au cas où cela ne suffirait pas, par l'imposition de congés non payés ou de congés spéciaux» (paragr. 549). Le comité avait déploré que le gouvernement n'ait pas privilégié la négociation collective et qu'il ait cru devoir adopter la loi sur le contrat social. Le comité avait estimé qu'une période de trois ans de négociation collective limitée constituait une restriction considérable et qu'il voulait croire que la législation cesserait de produire ses effets à la fin de la période de trois ans. Le comité rappelle que, dans le cas no 1722, il a formulé ses conclusions en toute connaissance de la rigueur de la loi en question, rigueur qu'il a déplorée.
Organisme indépendant en vue de la nomination
des arbitres de différends
Entraves à l'encontre de la Commission
des relations de travail de l'Ontario (OLRB)
234. Le comité note que les plaignants émettent des objections quant à la nomination directe d'arbitres par le gouvernement, et non par un organisme indépendant de nomination, et qu'ils affirment que le gouvernement a porté atteinte à l'indépendance des tribunaux du travail (la Commission des relations de travail de l'Ontario-OLRB) par la décision de nommer et de renouveler le mandat des vice-présidents de l'OLRB.
235. Dans un premier temps, à propos de l'allégation selon laquelle il est porté atteinte à l'indépendance de l'OLRB, le comité déplore que le gouvernement ait répondu de manière générale aux allégations très précises des plaignants à ce sujet, et il rappelle au gouvernement que ses réponses aux plaintes qui sont portées contre lui ne devraient pas se limiter à des observations de caractère général. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 21.]
236. Le comité note que l'OLRB est dans la province de l'Ontario le plus important organe chargé de superviser les relations de travail. Entre autres, il incombe à la commission de se prononcer sur des questions concernant la reconnaissance des syndicats, la négociation des conventions collectives, les obligations de l'employeur successeur, les pratiques de travail déloyales et la grève. Dans la plupart des cas, les décisions de l'OLRB sont définitives. Le comité estime qu'à n'en pas douter le rôle attribué à l'OLRB en matière de relations de travail dans la province est fondamental, et il estime qu'il est essentiel qu'un organisme de ce type soit pleinement indépendant et impartial.
237. Les plaignants indiquent que, depuis le début de son mandat en 1995, le gouvernement a démis de leurs fonctions huit des vice-présidents, ainsi que le président, de l'OLRB, soit en les congédiant soit en ne renouvelant pas leur mandat. Les plaignants évoquent le cas particulier de M. Johnson, haut fonctionnaire du gouvernement, qui aurait cherché à intimider, à contraindre ou à menacer des membres de l'OLRB et à influencer leurs décisions prévoyant des sanctions pour privation de la sécurité de l'emploi.
238. Le comité a examiné de près les allégations et les décisions de l'OLRB et de la Cour de justice de l'Ontario qui ont trait à M. Johnson. Ces allégations et décisions sont jointes en annexe de la plainte. La SEIU a déclaré devant l'OLRB que M. Johnson avait joué un rôle décisif en désignant, au nom du gouvernement de l'Ontario, les quatre vice-présidents de l'OLRB qui devaient être destitués. Par ailleurs, les nominations d'octobre 1996, pour la première fois dans l'histoire de l'OLRB, ont été effectuées explicitement «à discrétion», c'est-à-dire qu'il pouvait y être mis un terme à n'importe quel moment. De plus, M. Johnson aurait fait plusieurs déclarations à la presse qui laissaient entendre qu'il procéderait à un réexamen de la composition de la commission en raison de la manière dont celle-ci avait traité une plainte. Enfin, M. Johnson aurait la faculté de déterminer les perspectives de carrière des vice-présidents de la commission en contrôlant leur inscription sur la liste, dressée par le ministère du Travail, des arbitres susceptibles d'être nommés conformément à la législation. Tout en partant du principe qu'il n'était pas autorisé à donner de précisions sur la procédure de destitution de certains vice-présidents, le vice-président chargé de cette affaire a indiqué que, lors d'une réunion ayant eu lieu en septembre ou en octobre 1996, les vice-présidents ont reçu des informations concernant la procédure de sélection utilisée pour déterminer quel vice-président serait destitué. Cette information a semblé essentielle au vice-président qui a estimé, craignant à juste titre une orientation tendancieuse, que le cas ne pouvait pas être entendu par l'OLRB. La Cour de justice de l'Ontario a soutenu cet argument et ordonné qu'une personne impartiale soit nommée pour se prononcer sur l'affaire en question.
239. Etant donné l'issue du cas susmentionné de l'OLRB, le comité ne peut qu'exprimer sa profonde préoccupation quant à la perception de l'indépendance des membres de l'OLRB due aux pressions extérieures subies. Le comité considère, comme il l'a déclaré à propos des arbitres, que les membres d'une instance comme l'ORLB devraient non seulement être strictement impartiaux mais devraient apparaître comme tels, afin que la confiance dont ils jouissent de la part des deux parties soit assurée et maintenue. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 549.] Le comité demande au gouvernement de répondre aux allégations spécifiques qui ont été formulées à ce sujet et d'indiquer les modalités selon lesquelles les membres sont nommés, les procédures de consultation, quelles qu'elles soient, qui sont utilisées dans ces cas, le terme de ces nominations et les éléments, dans la législation et dans la pratique, selon lesquels il est ou peut être mis un terme à ces nominations. Le comité demande également d'être tenu informé de la décision prise par une entité indépendante sur le cas concernant M. Johnson, et il demande au gouvernement de lui communiquer une copie de cette décision, une fois qu'elle aura été rendue.
240. A propos de l'allégation selon laquelle les arbitres seraient nommés par le gouvernement sans restriction, dans le cas d'un arbitrage obligatoire dans le secteur municipal et dans le secteur de l'éducation, dans les services de pompiers et dans les services policiers, le comité note que, au regard de la législation, ce n'est que lorsque les parties ne s'entendent pas sur la nomination d'un arbitre que le gouvernement intervient. Toutefois, lorsque le gouvernement nomme l'arbitre, comme cela est indiqué précédemment, il est essentiel que cette personne soit non seulement strictement impartiale, mais qu'il ou elle apparaisse comme tel afin que la confiance dont il ou elle jouit de la part des deux parties soit assurée et maintenue. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 549.] Le comité souligne que ceci est d'autant plus important dans le secteur public où le gouvernement lui-même est une des parties. Il demande donc au gouvernement de lui fournir des informations sur la procédure utilisée pour choisir des arbitres en vue de leur nomination, lorsque les parties ne s'entendent pas sur la nomination d'un arbitre.
Climat général des relations de travail
241. Enfin, le comité estime qu'il faut considérer les allégations mentionnées dans le présent cas en tenant compte du climat général des relations de travail en Ontario. Le comité ne peut que faire observer que, trois ans après la restriction des salaires imposés dans le secteur public en vertu de la loi sur le contrat social, des modifications ont été apportées au système d'arbitrage obligatoire sans que les parties intéressées n'aient été pleinement consultées. En outre, comme cela a été récemment traité dans le cas no 1900 [voir 308e rapport, paragr. 139-194], les travailleurs agricoles, les travailleurs domestiques et ceux de certaines professions libérales se sont vu refuser, conformément à la législation, l'accès à la négociation collective et au droit de grève, et la législation relative aux obligations des employeurs successeurs a été abrogée. Qui plus est, on a cherché à abroger des dispositions essentielles en matière d'égalité de salaire. Etant donné l'ensemble de facteurs qui compromettent les relations de travail en Ontario, le comité estime nécessaire de souligner que ces mesures et restrictions peuvent, à long terme, porter préjudice aux relations de travail et les déstabiliser. Le comité considère que, pour surmonter la perte de confiance des syndicats et d'autres conséquences négatives, pour les relations de travail, qui ont découlé des récentes mesures gouvernementales, le gouvernement devrait envisager de consulter pleinement les syndicats et les organisations d'employeurs afin de déterminer la façon de s'efforcer de promouvoir la confiance dans l'arbitrage, ce qui est essentiel à l'harmonie des relations de travail. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité signale ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
242. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport définitif
Plainte contre le gouvernement du Chili
présentée par
la Fédération syndicale mondiale (FSM)
Allégations: restitution de biens syndicaux confisqués
243. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication de la Fédération syndicale mondiale (FSM) de septembre 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 13 février 1998.
244. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
245. Dans sa communication de septembre 1997, la Fédération syndicale mondiale (FSM) rappelle qu'après le coup d'Etat de septembre 1973 la junte militaire qui a renversé le président, élu démocratiquement, Salvador Allende, et pris le pouvoir, a dissous la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) ainsi que les fédérations des branches du métal, des mines et du textile notamment. Tous leurs biens et avoirs leur ont été immédiatement confisqués (locaux, biens et ressources économiques). L'organisation plaignante ajoute qu'en octobre 1978 la dictature a de nouveau déclaré illégales certaines fédérations professionnelles, auxquelles furent confisqués pour la deuxième fois biens, ressources et locaux.
246. L'organisation plaignante indique qu'après 1988 la CUT a signé avec les partis d'opposition qui avaient ressurgi par suite du combat mené par les travailleurs un accord prévoyant que, lorsque la démocratie serait rétablie, tous les biens et moyens dont le mouvement syndical avait été dépossédé à l'époque de la dictature lui seraient restitués, de même que les comptes bancaires gelés depuis 1973. L'organisation plaignante ajoute que, sous le gouvernement du Président Alwyn, des locaux ont été mis à disposition de la CUT, dont un dans la capitale (Moneda no 1346) et d'autres dans les provinces. Ultérieurement, un projet de loi de restitution des biens confisqués a été présenté, mais il a été rejeté faute de majorité. L'organisation plaignante ajoute que le gouvernement actuel a présenté un autre projet de loi qui, n'ayant pas été considéré comme urgent, est toujours bloqué au Congrès. Conformément à la procédure parlementaire nationale, c'est le gouvernement qui fixe l'urgence de tous les projets de loi. Enfin, l'organisation plaignante indique que le gouvernement ne manifeste aucun intérêt pour ce conflit ni aucune intention de le régler.
B. Réponse du gouvernement
247. Dans sa communication du 13 février 1998, le gouvernement déclare que les décrets-lois nos 12 et 133 de 1973, et 2346 de 1978 ont retiré la personnalité juridique à diverses organisations syndicales et professionnelles qui ont été déclarées dissoutes et dépossédées de leurs biens au profit de leurs successeurs légaux ou de l'Etat. En 1991, le ministère des Biens nationaux a introduit un projet de loi sur «la restitution ou l'indemnisation des biens confisqués ou acquis par l'Etat aux termes des décrets-lois nos 12, 77 et 133 de 1973, 1697 de 1977 et 2346 de 1978», projet qui, sur le fond, a déjà été discuté et approuvé par la Chambre des députés, et, récemment, par le Sénat. Son approbation définitive est attendue d'ici au mois de juin. Le gouvernement déclare que ce projet de loi, qui se compose de 19 articles permanents et de deux articles transitoires, fixe un délai d'un an à partir de son entrée en vigueur pendant lequel les intéressés, qu'il s'agisse de personnes physiques, d'organisations syndicales, de partis politiques ou de personnes juridiques, peuvent réclamer la restitution des biens qui leur ont été confisqués. Dans le cas où ces biens ne pourraient être restitués, soit qu'ils aient été vendus, soit que l'Etat décide de les garder parce qu'ils sont affectés à l'usage des services publics, une indemnisation financière correspondante devra être versée. La loi prévoit que le montant des restitutions s'élèvera à environ 24 000 millions de pesos (quelque 60 millions de dollars), correspondant à 254 immeubles, dont 60 appartenaient à des personnes physiques, 113 à des partis politiques, 21 à des organisations syndicales et 60 à des personnes juridiques. Sur ces 254 immeubles, 113 ont été aliénés et sont sortis du patrimoine public, et 141 restent entre les mains de l'Etat.
248. Le gouvernement ajoute que, dans le cadre de la soumission du projet de loi susmentionné, le ministère des Biens nationaux a dressé une liste -- qu'il joint -- des immeubles confisqués aux organisations syndicales, sur la base des rapports fournis par les intéressés eux-mêmes. Il indique que la situation de ces immeubles est la suivante: i) huit ont été incorporés au domaine de l'Etat puis transmis gratuitement ou vendus directement à des institutions diverses et à des particuliers; ii) un immeuble a été transmis gratuitement à la CUT; iii) sept sont encore enregistrés au nom de l'Etat, certains étant destinés à des organismes publics pour affectation à leur usage propre; iv) aucune information n'est disponible quant au statut juridique de trois de ces immeubles; v) deux ne sont pas enregistrés au nom de l'Etat.
249. Le gouvernement précise qu'à titre de compensation de la perte de leurs immeubles transmis à l'Etat, en application des décrets-lois adoptés par le gouvernement militaire, le ministère des Biens nationaux, une fois rétabli le gouvernement démocratique, a octroyé gratuitement à la Centrale unitaire des travailleurs et à d'autres organismes syndicaux 11 concessions immobilières dans tout le pays et procédé au transfert gratuit en leur faveur de deux immeubles dans la région de Bíobío (le gouvernement joint à sa réponse la liste des immeubles mis à disposition ou transmis gratuitement à la Centrale unitaire des travailleurs).
250. Le comité observe que dans le présent cas l'organisation plaignante fait état de la non-restitution des biens confisqués à la Centrale unitaire des travailleurs et à d'autres organisations syndicales après le coup d'Etat qui s'est produit au Chili en 1973. Concrètement, l'organisation plaignante signale que le Congrès a bien été saisi d'un projet de loi prévoyant la restitution des biens syndicaux, mais que ce projet est en souffrance parce que le gouvernement ne lui a pas donné un caractère d'urgence.
251. Le comité note que, selon le gouvernement, en 1991 le ministère des Biens nationaux a soumis au Congrès un projet de loi relatif à la restitution ou à l'indemnisation des biens confisqués ou acquis par l'Etat, que celui-ci a déjà été discuté et approuvé par la Chambre des députés et par le Sénat, et que son approbation définitive devrait intervenir d'ici au mois de juin. Le comité note en outre que, selon le gouvernement, ce projet de loi fixe un délai d'un an pour que les intéressés, qu'il s'agisse de personnes physiques, d'organisations syndicales, de partis politiques ou de personnes juridiques, réclament la restitution des biens confisqués, et que, au cas où ces biens ne pourraient être restitués, une indemnisation financière correspondante devra leur être versée. Le comité observe aussi avec intérêt que, selon le gouvernement, à titre de compensation de la perte des immeubles transmis à l'Etat en application de la législation adoptée sous le gouvernement militaire, le ministère des Biens nationaux, une fois rétabli le gouvernement démocratique, a octroyé gratuitement à la Centrale unitaire des travailleurs et à d'autres organismes syndicaux 11 concessions immobilières dans tout le pays et a procédé au transfert gratuit en leur faveur de deux immeubles dans la région de Bíobío.
252. A ce sujet, le comité rappelle que la Commission d'enquête et de conciliation en matière de liberté syndicale, instituée en 1974 après le changement de régime, avait demandé que soient prises les mesures nécessaires pour restituer aux organisations syndicales les biens auxquels elles avaient droit. [Voir La situation syndicale au Chili, 1975, paragr. 531.]
253. Le comité exprime sa préoccupation quant au fait que les biens de la CUT ont été confisqués il y a presque vingt-cinq ans. Il déplore que, sept ans après sa présentation au Congrès (en 1991), le projet de loi relatif à la restitution des biens syndicaux confisqués n'ait toujours pas été approuvé définitivement. Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que cette loi, qui a déjà été approuvée par la Chambre des députés et par le Sénat, puisse entrer en vigueur sans délai. Il demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
254. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la loi relative à la restitution ou à l'indemnisation des biens confisqués aux organisations syndicales puisse entrer en vigueur sans délai, et il demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.
Rapport définitif
Plainte contre le gouvernement du Chili
présentée par
le Collège des professeurs du Chili A.G.
Allégations: lacunes dans un processus de négociation collective
et pratiques antisyndicales
255. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication du Collège des professeurs du Chili A.G., datée du 20 novembre 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 10 février 1998.
256. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l'organisation plaignante
257. Dans sa communication datée du 20 novembre 1997, le Collège des professeurs du Chili A.G. signale que depuis 1990, avec le retour de la démocratie au Chili, un processus s'est engagé en vue du recouvrement des droits que les membres de la fonction publique avaient perdus au cours de la période antérieure de régime autoritaire, principalement en matière d'augmentation des rémunérations, lesquelles ont subi une grave détérioration durant ladite période. De cette manière, et conformément aux engagements pris par le gouvernement de l'époque dans le cadre de son programme fondamental, il a été procédé à l'instauration d'une table ronde annuelle du secteur public, à laquelle ont participé, d'une part, les représentants du gouvernement et, d'autre part, les dirigeants des organisations du secteur public et de la CUT. Sur la base d'un dialogue franc et direct, la table ronde est parvenue à des accords qui, par la suite, ont été repris par des lois de la République. Ces accords avaient pour but de définir le réajustement général des rémunérations et autres avantages destinés aux membres de la fonction publique. A ce propos, il convient de signaler que ces accords, de même que les lois qui les institutionnalisaient ensuite, étaient adoptés pour une durée d'un an. L'organisation plaignante signale que de cette manière, au fil des ans, les précédents d'une négociation collective ont été créés. Et ce, même si cette dernière a bénéficié de facto d'une reconnaissance institutionnelle tant sur la forme que sur le fond, d'après des «règles du jeu» qui, en dépit des problèmes qui se posaient, ont été acceptées en définitive, et outre le fait que les hausses de salaires découlant de ces règles aient pu sembler insuffisantes.
258. L'organisation plaignante signale qu'en parallèle, et selon les intérêts spécifiques et particuliers que chaque organisation représente, différents accords sectoriels ont été conclus avec le gouvernement. Il s'agit d'accords indépendants, tant par l'esprit que par la lettre, conclus en sus des réajustements généraux auxquels ont participé la CUT et les autres syndicats de la fonction publique. Dans la plupart des cas, ces augmentations salariales par secteur ont été précédées par des actions de mobilisation. En 1997, le gouvernement a modifié, d'une façon unilatérale et absolument arbitraire, les «règles du jeu» qu'il avait lui-même acceptées au moment des accords précédents, en refusant de négocier et en déposant à l'Assemblée nationale le projet de loi sur le réajustement général, négligeant les procédures et les mécanismes de négociation jusqu'alors considérés comme reconnus et légitimés par les deux parties.
259. Plus précisément, l'organisation plaignante allègue que les organisations du secteur public et la CUT ont adressé au gouvernement, en date du 14 octobre 1997, un mémorandum comprenant les souhaits et les demandes des travailleurs, à débattre dans le cadre du processus de négociation correspondant à l'année 1997. En date du 17 octobre 1997, le gouvernement a convoqué, par l'intermédiaire des ministres des Finances, du Travail et de la Sécurité sociale et de l'Economie, une double réunion de travail pour le lundi 20 octobre suivant, de 10 heures à 13 heures puis à partir de 15 h 30, afin de «rapprocher les positions» et d'explorer les possibilités d'un accord de réajustement général et de primes dans le secteur public. Tout de suite, la déclaration suivante a été émise: «étant donné l'ordre du jour législatif chargé et le manque de temps disponible pour examiner ce projet de loi, il devient nécessaire de le déposer mardi prochain, pour que le réajustement général et les primes puissent entrer en vigueur dès le 1er décembre, responsabilité principale du gouvernement». L'organisation plaignante ajoute qu'il est invrai-semblable de la part du gouvernement de prétendre que celles-ci aboutissent, dans un délai n'excédant pas douze heures de négociations, à un accord d'aussi grande envergure. L'organisation plaignante indique que le mécanisme imposé par le gouvernement était inacceptable, entre autres pour la raison suivante: cela signifie l'obligation, non de conclure un accord, mais d'accepter ou de rejeter une proposition rigide des autorités, sujette à des délais de négociation qui, en aucun cas, ne permettraient la consultation des organisations de base, faisant ainsi l'impasse sur certains principes élémentaires de liberté et de démocratie syndicales. D'après l'organisation syndicale, le délai de douze heures fixé par le gouvernement pour conclure les négociations démontre clairement que ce dernier n'avait pas l'intention de négocier et que sa décision était prise d'avance, à savoir déposer le projet de réajustement général à l'Assemblée nationale sans l'accord des organisations syndicales du secteur public.
260. L'organisation plaignante allègue également le changement des règles de la négociation. L'organisation signale que, comme l'indique la réponse du gouvernement à son mémorandum, les paramètres déterminant le réajustement général étaient, jusqu'en 1996, l'inflation, ou hausse du coût de la vie, la productivité, et ce qu'on a appelé le «plus d'équité» (justice sociale redistributive minimale). Néanmoins, dans le présent cas, le paramètre de la productivité a été éliminé d'une façon unilatérale étant donné que, d'après les autorités, ce critère avait déjà fait l'objet d'une négociation dans le cadre des accords passés avec les organisations sectorielles. Selon l'organisation plaignante, cet argument est entièrement faux, tendancieux et mal intentionné. L'organisation plaignante cite, à titre d'exemple, la loi no 19 504 qui rend compte du dernier accord conclu entre le Collège des professeurs du Chili A.G. et le gouvernement. L'article 2 de ce texte de loi signale qu'il sera procédé à l'augmentation particulière des rémunérations pour l'année 1998 «indépendamment des réajustements généraux des rémunérations effectués pour l'ensemble du secteur public». De plus, l'article premier de ladite loi, relatif à la hausse des rémunérations pour l'année 1997, ne fait pas la moindre référence au réajustement effectué durant l'année en question pour le secteur public, pas plus qu'il n'indique que cette hausse ait été accordée à valoir sur le réajustement. L'organisation plaignante affirme que, par conséquent, c'est une loi récemment promulguée de la République du Chili qui vient démentir les autorités, en ce qui concerne le fait que la productivité a été prise en compte par l'accord dont la loi en question constitue un fidèle reflet: cette loi n'indique nulle part que ladite augmentation particulière des rémunérations du corps enseignant devait être imputée au réajustement général des rémunérations du secteur public, pour ce qui est du paramètre de la productivité. Plus encore, la loi exprime précisément le contraire, ce qu'indique avec la plus grande clarté l'usage du mot «indépendamment».
261. De même, l'organisation plaignante allègue l'existence de pratiques antisyndicales ayant attenté à l'exercice de la liberté syndicale. L'organisation plaignante signale que les négociations sectorielles concernant les membres de la fonction publique ont eu lieu, en général, dans le cadre d'une action de mobilisation, par l'invocation de l'exercice légitime du droit de grève et par d'autres mesures tendant à manifester les divergences existantes vis-à-vis du gouvernement, en dehors de toute idée étrangère à la défense des intérêts économiques et sociaux.
262. L'organisation plaignante signale que son attention a été retenue par la note confidentielle no 015 du 15 septembre 1997, souscrite par le sous-secrétaire d'Etat au Travail et adressée aux représentants régionaux du ministère du Travail et de la Sécurité sociale à l'occasion des négociations alors en cours avec l'Association nationale des employés des finances (ANEF), note dont voici le passage pertinent: «La directive de l'ANEF a annoncé un plan national de mobilisation pour exiger un réajustement général de 30 pour cent au motif de la «dette historique» et d'autres revendications; c'est pourquoi je souhaiterais un rapport hebdomadaire sur les actions, les instructions et les modalités d'application de ce plan de mobilisation au niveau régional.» L'organisation plaignante indique que cette note confidentielle révèle non seulement un abus de pouvoir et un outrepassement des compétences accordées au sous-secrétaire d'Etat au Travail par l'ordonnance juridique interne, mais encore une ingérence illicite, illégitime et abusive dans les activités et dans le fonctionnement des organisations syndicales.
B. Réponse du gouvernement
263. Dans sa communication du 10 février 1998, le gouvernement déclare ce qui suit:
264. En ce qui concerne l'allégation relative à la prétendue ingérence illégale et illégitime du sous-secrétaire d'Etat au Travail dans les activités et le fonctionnement des organisations syndicales du secteur public, à travers la note confidentielle no 015 du 15 septembre 1997, le gouvernement déclare que la note en question comprenait des instructions destinées à divers administrateurs dépendant du sous-secrétariat au Travail, tels que les secrétaires régionaux du ministère, au nombre de 13 pour l'ensemble du pays. Le gouvernement informe que ces instructions avaient pour objet de demander des informations sur les demandes de réajustement des rémunérations que l'Association nationale des employés des finances (ANEF) aurait alors formulées, demandes qui, supposait-on, atteignaient 30 pour cent. Le gouvernement indique qu'en outre les administrateurs concernés ont reçu pour instruction de faire en sorte que les hausses de salaires accordées à la fonction publique depuis 1990 touchent également les régions, et de faire connaître la disponibilité totale du gouvernement pour aborder une nouvelle étape en matière de salaires, centrée sur les incitations et les primes au mérite, aussi bien à titre individuel que par équipes, destinées aux membres de la fonction publique. Enfin, le gouvernement affirme qu'il n'y a eu, par conséquent, aucune pratique antisyndicale ou ingérence à l'encontre des activités des organisations syndicales.
265. Le comité observe que, dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue certains manquements au processus de négociation collective dans le secteur public, attribuables aux autorités gouvernementales, ainsi qu'un changement des règles en matière de négociation, le gouvernement ne prenant pas en compte le critère de la productivité pour la hausse des salaires pour 1998, contrairement à ce qui était pratiqué depuis quelque temps. De plus, le comité observe que l'organisation plaignante allègue que les autorités gouvernementales se seraient livrées à des pratiques antisyndicales au moyen d'une note confidentielle adressée aux secrétaires régionaux du ministère du Travail.
266. En ce qui concerne l'allégation relative aux manquements au processus de négociation collective dans le secteur public, attribuables aux autorités gouvernementales, le comité prend note de ce que le gouvernement signale, dans sa réponse, les faits suivants: i) le 13 octobre 1997, le sous-secrétaire d'Etat au Travail a invité par écrit la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) à participer au processus de dialogue technique sur le travail afin de déterminer le réajustement général et les primes dans le secteur public; ii) le 14 octobre 1997, 12 organisations de travailleurs du secteur public, sous la coordination de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), ont remis aux autorités un mémorandum faisant état de leurs revendications à caractère économique; iii) le 17 octobre 1997, les autorités gouvernementales ont transmis par écrit au président de la CUT la proposition du gouvernement au vu du mémorandum de la CUT relatif au processus de détermination du réajustement des rémunérations et autres avantages pour l'année 1998; iv) le 20 octobre 1997, la réunion avec les dirigeants de la CUT et des organisations du secteur public s'est tenue mais, après plusieurs heures de pourparlers et d'échanges d'arguments, les représentants des travailleurs ont maintenu leur demande initiale en matière de réajustement des rémunérations; v) devant l'impossibilité d'un accord et compte tenu de ce que le projet de loi devait être déposé d'urgence au Parlement le 21 octobre en vue de son entrée en vigueur le 1er décembre, le Président de la République l'a déposé pour son examen.
267. A cet égard, le comité observe que, comme il ressort des allégations de l'organisation plaignante et de la réponse du gouvernement, un processus de négociation a eu lieu entre les organisations syndicales du secteur public et les autorités. Cependant, le comité observe que, dans le présent cas, la durée du processus de négociation collective en vue du réajustement des salaires dans le secteur public a été de cinq jours -- du 14 au 20 octobre --, durée qui s'est révélée, compte tenu des circonstances, insuffisante, et ce d'autant plus que la négociation proprement dite (c'est-à-dire une fois connues les propositions des organisations syndicales et les contre-propositions des autorités) s'est vue limitée à une journée (le 20 octobre). Dans ces conditions, le comité considère que les organisations syndicales du secteur public n'ont pu disposer d'un temps suffisant pour négocier les réajustements salariaux pour 1998, ce qui, dans le cas d'espèce, est contraire à l'esprit de la négociation collective. Le comité demande donc au gouvernement de prévoir, à l'avenir, la convocation des organisations syndicales du secteur public avec suffisamment d'avance, afin de procéder avec un laps de temps raisonnable à la négociation collective des conditions d'emploi des travailleurs de ce secteur. Et ce, notamment s'il faut tenir compte de la nécessité de respecter des délais serrés pour présenter les projets de lois au Parlement.
268. En ce qui concerne l'allégation relative au changement des règles de la négociation, le gouvernement n'ayant pas pris en considération le critère de la productivité dans la hausse des salaires pour 1998, contrairement à ce qui était pratiqué depuis quelque temps, le comité prend note de la déclaration suivante du gouvernement: 1) le réajustement des rémunérations pour 1998 a pour objet de compenser la hausse des prix estimée pour l'année en question et complète les augmentations de salaires convenues antérieurement; 2) l'effet conjugué du réajustement général et des accords sectoriels permet d'affirmer que la hausse moyenne des salaires des membres de la fonction publique en 1998 atteindra 11 pour cent en termes nominaux; 3) une politique du travail a été mise en pratique dans le secteur public, axée sur l'institutionnalisation des instances de dialogue en matière de travail et sur la création d'incitations salariales au mérite. A cet égard, tout en observant qu'une augmentation des salaires des travailleurs du secteur public a été prévue pour l'année 1998 et qu'une politique d'incitations salariales a été instituée, le comité désire souligner que la détermination des critères à prendre en compte par les parties pour fixer les salaires (hausse du coût de la vie, productivité, etc.) est matière à négociation entre celles-ci, et il ne revient pas au comité de se prononcer sur les critères à retenir en matière de réajustements salariaux. Au vu de ce qui précède, le comité ne poursuivra pas l'examen de cette allégation.
269. En ce qui concerne l'allégation relative au fait que les autorités gouvernementales se seraient livrées à des pratiques antisyndicales par le biais d'une note confidentielle adressée aux secrétaires régionaux du ministère du Travail (le texte de la note a été retranscrit dans les allégations de l'organisation plaignante), le comité prend note de ce que le gouvernement déclare que la note en question comprenait des instructions destinées à divers administrateurs dépendant du sous-secrétariat au Travail, demandait des informations sur les demandes de réajustement des rémunérations que l'Association nationale des employés des finances (ANEF) aurait alors formulées, et pressait les administrateurs concernés de faire en sorte que les hausses de salaires accordées à la fonction publique depuis 1990 s'appliquent également aux régions, de même que la politique relative à la nouvelle étape en matière de salaires. A ce sujet, le comité observe que le texte de la note confidentielle incriminée par l'organisation plaignante révèle, de la part des autorités gouvernementales, le souci de prendre connaissance des «actions, instructions et modalités d'application de ce plan de mobilisation au niveau régional». De l'avis du comité, la note en question pourrait participer du souci des autorités pour que les actions de mobilisation se déroulent conformément à la législation, par exemple pour que soient prises les mesures permettant d'organiser un service minimum dans l'éventualité d'une grève. En outre, le texte de ladite note ne fait pas ressortir l'intention d'effectuer une ingérence illicite dans les activités syndicales des organisations de travailleurs du secteur public, pas plus qu'il n'ordonne des mesures en ce sens.
270. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
Considérant que les organisations syndicales du secteur public n'ont pu disposer d'un temps suffisant pour négocier les réajustements salariaux pour 1998, ce qui, dans le cas d'espèce, est contraire à l'esprit de la négociation collective, le comité demande au gouvernement de prévoir, à l'avenir, la convocation des organisations syndicales du secteur public avec suffisamment d'avance, afin de procéder avec un laps de temps raisonnable à la négociation collective des conditions d'emploi des travailleurs de ce secteur. Et ce, notamment s'il faut tenir compte de la nécessité de respecter des délais serrés pour présenter les projets de lois au Parlement.
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement de la Chine
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
Allégations: violations du droit d'organisation et des libertés politiques
fondamentales des syndicalistes, détention de syndicalistes
et tracasseries à l'encontre de leurs familles
271. Dans une communication datée du 4 juin 1997, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Chine.
272. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 15 janvier 1998.
273. La Chine n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
274. Dans sa communication du 4 juin 1997, la Confédération internationale des syndicats libres allègue que, dans un contexte où les travailleurs et les militants syndicaux indépendants tentent de constituer des organisations de leur choix et/ou de s'affilier à ces organisations, le gouvernement interdit les syndicats indépendants et emprisonne leurs dirigeants.
La législation nationale
275. Aux termes de la loi sur les syndicats de 1992, les syndicats ont pour but de réglementer le travail de manière à augmenter sa productivité et son efficacité économique, ainsi que de participer au processus de modernisation socialiste mené sous l'égide du Parti communiste chinois. En cas de litige entre les travailleurs et les dirigeants des entreprises, les syndicats sont tenus de faire office d'intermédiaires. Les statuts de la Fédération des syndicats de Chine (ACFTU), révisés en 1993, définissent les syndicats comme «les organes de liaison entre le Parti communiste chinois et les masses travailleuses, ainsi que les représentants des intérêts de leurs membres et non-membres».
276. Le premier Code chinois du travail (ci-après, «loi du travail», conformément à la traduction officielle du gouvernement), entré en vigueur en janvier 1995, a pour but de normaliser les principes et les conditions en matière d'emploi pour tous les types d'entreprise, bien que plus de 150 millions de travailleurs de l'agriculture et de l'industrie soient exclus de son champ d'application. De plus, la loi du travail ne protège pas le droit de négociation collective et ne fait pas mention du droit de grève.
277. Aux termes de la loi du travail, les conventions collectives peuvent être conclues par le biais de négociations entre la direction et les représentants du syndicat officiel de l'entreprise concernée ou, en l'absence d'un syndicat, des représentants élus par les travailleurs. Les conventions collectives peuvent porter sur les salaires, les horaires de travail et les congés, et doivent être approuvées par les autorités politiques locales dans un délai de quinze jours. En réalité, les négociations collectives n'ont pas lieu. Les contrats d'emploi sont établis par les employeurs, qui fixent les salaires et les conditions d'emploi, dans les cas où ceux-ci ne sont pas réglementés par la loi. Il est largement avéré que les directeurs d'entreprise ignorent la nouvelle loi et que celle-ci n'est appliquée que dans une très faible mesure.
278. La loi sur la sécurité nationale, les Règlements sur la rééducation par le travail et ceux relatifs à la réforme par le travail autorisent l'arrestation des militants qui tentent d'organiser des actions syndicales indépendantes. Selon l'organisation plaignante, la rééducation par le travail (laojiao) dans le cadre d'une détention administrative est de plus en plus fréquente, car cette pratique évite d'avoir à organiser des procès réguliers et permet à la police locale d'infliger des peines allant jusqu'à trois ans d'internement dans un camp de travail forcé, susceptibles en pratique d'être prolongées à volonté par les autorités, comme le montrent plusieurs cas présentés dans le cadre de cette plainte.
279. Par ailleurs, la Constitution chinoise de 1982 a supprimé le droit de grève sous prétexte que le système politique du pays a «éliminé les problèmes entre le prolétariat et les propriétaires des entreprises». Selon l'organisation plaignante, les autorités répriment toutes les grèves, bien que nombre d'entre elles soient motivées par les problèmes suivants: non-application du droit du travail, faible niveau des salaires, mauvaises conditions de travail, insuffisance des normes en matière de santé et de sécurité, durée du travail et heures supplémentaires forcées, discipline excessive imposée par la direction et, parfois, mauvais traitements physiques.
Le droit de grève en pratique
280. En outre, l'organisation plaignante allègue que les syndicats affiliés à la Fédération des syndicats de Chine n'entreprennent pas d'actions de grève et que les employeurs et les autorités locales font souvent appel à eux pour mettre fin aux mouvements. De même, les bureaux du travail tendent à favoriser les employeurs lors des arbitrages des conflits du travail, car il est fréquent que les mêmes personnes cumulent les fonctions de dirigeants d'entreprise, de responsable du Parti et d'agent public.
281. En 1994, le Bureau du travail de la province de Guangdong a adopté, en matière de grève, la politique suivante: toute grève impliquant 30 participants ou plus doit, dans les quatre heures, être signalée au bureau provincial par ses antennes locales, puis, dans les huit heures, faire l'objet d'un rapport détaillé. Lors des «cas graves et menaces pour la stabilité», les représentants de l'Etat sont priés de se rendre sur les lieux dans les deux heures afin d'éviter une escalade de la grève. Si nécessaire, les autorités peuvent faire usage de la force ou de la menace pour obliger les grévistes à reprendre le travail. L'organisation plaignante allègue que de nombreuses entreprises moyennes ou grandes disposent de locaux de détention et que les agents de la sécurité peuvent arrêter les travailleurs protestataires et les condamner à trois ans de camp de travail (laogai).
282. En juin 1996, une circulaire du Parti communiste a signalé aux fonctionnaires du Parti qu'ils étaient priés de faire preuve de vigilance à l'égard des syndicats illégaux qui, selon les termes employés, pourraient présenter des tendances antigouvernementales et antisocialistes. D'après la circulaire, ces syndicats ont été, dès l'origine, responsables de centaines de grèves déclenchées pour revendiquer des emplois, des hausses de salaire et une augmentation du pouvoir de décision des travailleurs. Début 1997, un document émanant du Comité central du PCC a relevé, dans diverses régions, une augmentation des manifestations organisées, des émeutes et des pétitions à l'encontre des autorités locales. Peu après, à la suite de ce rapport, le chef du Bureau de la sécurité publique (BSP) a prononcé un discours à l'intention des membres de son personnel. Selon les sources de l'organisation plaignante, le chef du BSP a averti que les grèves, protestations collectives, pétitions et manifestations troublaient gravement l'ordre public et a réclamé une action coordonnée du Parti, de l'Etat et du BSP en vue d'éliminer toutes les causes possibles «d'instabilité sociale». Selon ses propres termes, le chef du BSP a insisté sur le fait que «tous les troubles, quelle qu'en soit la cause, devaient être réprimés avec fermeté et qu'aucun compromis n'était possible avec les gens qui organisaient ou dirigeaient toute forme de protestation collective».
283. La répression des grèves et des autres actions collectives menées par les travailleurs se poursuit sans répit. Le 10 mars 1997, les travailleurs de Xing Bao Electronics, entreprise de Hong-kong en Chine produisant des cassettes vidéo, des télévisions et des magnétophones à Zhongshan dans le sud de la province de Guangdong, se sont mis en grève. Ils entendaient protester contre le refus de la direction de leur verser leur prime annuelle, ce qui aurait dû être fait après les vacances du Nouvel An chinois. Dès le déclenchement de la grève, à 7 h 30 du matin, la direction a fait appel au bureau du travail local et à la police. Une vingtaine d'agents se sont précipités sur les lieux. Au cours de la négociation qui a suivi, et après le refus des travailleurs d'accepter la compensation symbolique proposée par la direction (un mois de salaire au lieu de la prime annuelle de 1 200 yuan stipulée par contrat), le directeur a menacé de renvoyer tous les travailleurs qui ne se présenteraient pas au travail le jour suivant.
Détentions de syndicalistes
284. L'organisation plaignante allègue également que les nombreux syndicalistes indépendants condamnés à de longues peines d'emprisonnement suite à la répression du mouvement pour la démocratie de mai-juin 1989 demeurent en prison ou dans des camps de travail forcé, en dépit des demandes répétées du Comité de la liberté syndicale en vue de la révision des procès et de la libération des prisonniers.
285. Dans les deux plaintes qu'elle a déposées antérieurement auprès du Comité de la liberté syndicale (cas no 1500 et no 1652), la CISL avait indiqué dans quelles circonstances plusieurs dirigeants et militants syndicaux avaient été arrêtés et condamnés par les autorités à cause de leurs activités au sein des Fédérations autonomes de travailleurs (FAT), nées dans plusieurs villes chinoises lors du mouvement pour la démocratie de mai-juin 1989. La CISL signale qu'en dépit des appels répétés de la communauté internationale, dont ceux émanant de l'OIT, la plupart de ces syndicalistes demeurent en détention ou il n'a pas été rendu compte de leur sort d'une manière satisfaisante par le gouvernement chinois (la liste des syndicalistes détenus figure à l'annexe I).
286. En ce qui concerne Tang Yuanjuan, Leng Wanbao et Li Wei, dont le cas a fait spécifiquement l'objet d'une plainte précédente (cas no 1652), l'organisation plaignante déclare que, selon les informations qui lui sont parvenues, ces personnes ont été sévèrement battues et maltraitées à de nombreuses reprises par les gardiens de la prison de Lingyuan. En 1995, il a été signalé en outre que Tang avait été déclaré atteint de tuberculose pulmonaire et d'hépatite, maladies qu'il avait contractées en détention. En dépit d'appels répétés, sa famille n'avait pas été informée, fin 1995, des résultats de ses examens médicaux et du traitement qui lui était administré. Leng Wanbao a été libéré pour raisons médicales en 1994 et, peu après, a fait appel au président du Congrès populaire national afin d'obtenir la libération de ses deux collègues emprisonnés. De plus, il a été signalé que Tang Yuanjuan lui-même a déposé, en avril 1997, un recours contre sa condamnation auprès du Tribunal populaire suprême de Changchun pour demander que sa peine soit annulée. A la même époque, le père de Tang a prié instamment les autorités d'accorder à son fils une libération conditionnelle pour raisons médicales, au vu de son état de santé désastreux. Le 29 mai 1997, le tribunal aurait réduit la peine de Tang de vingt à huit ans de prison, celle de Leng Wanbao de treize à cinq ans et celle de Li Wei de treize à huit ans. Emprisonné durant plus de deux ans sans procès dans le cadre de la même affaire, Li Zhongmin a été officiellement déclaré innocent.
287. L'organisation plaignante rappelle également le cas de Wang Miaogen, président des FAT, qui a fait l'objet d'une plainte précédente (cas no 1500). Bien que libéré après avoir purgé sa peine, Wang a été battu à plusieurs reprises par la police, et ce, selon l'organisation plaignante, parce qu'il persiste à défendre les syndicats indépendants. En avril 1993, Wang a été interné de force dans un établissement psychiatrique, ce que les plaignants considèrent comme visant à réduire au silence les militants de l'opposition démocratique, y compris les syndicalistes indépendants. L'internement de Wang a donné lieu à des mouvements de protestation à Shangai, à la suite desquels un certain nombre de personnes ont subi les tracasseries des forces de sécurité publique.
288. L'organisation plaignante présente également une liste de personnes dont elle déclare qu'elles ont été arrêtées en 1989 pour avoir organisé des manifestations de travailleurs ou des grèves (voir annexe II).
289. Enfin, l'organisation plaignante exprime sa préoccupation à l'égard des divergences importantes qui ont été constatées entre ce qu'elle sait de la détention de certains syndicalistes et la manière dont le gouvernement présente la situation, ainsi qu'on peut le vérifier, notamment, au vu de ses plaintes précédentes (voir l'annexe du cas no 1652, 286e rapport). Par conséquent, l'organisation plaignante demande que le gouvernement soit invité à fournir des informations complètes et vérifiables sur les personnes concernées et, au cas où celles-ci auraient été libérées, à fournir des informations sur les éventuelles discriminations en matière d'emploi dont ces personnes auraient fait l'objet depuis leur libération.
290. L'organisation plaignante signale en outre que depuis l'écrasement, en juin 1989, du mouvement pour la démocratie, et plus spécifiquement des organisations indépendantes de travailleurs, les autorités n'ont pas cessé de détenir arbitrairement, d'arrêter et de condamner, en violation flagrante de l'article 2 de la convention no 87, de nombreux travailleurs tentant de constituer des organi-sations de leur choix et/ou de s'affilier à ces organisations. L'organisation plaignante identifie de nombreux détenus se trouvant dans ce cas. Parmi ces personnes, 15 ont été condamnées à des peines de prison dont le cumul dépasse 100 ans, et 14 ont déjà passé 30 ans, si l'on cumule les différents cas, au secret et sans procès. Nombre de ces personnes ont été condamnées par des instances administratives à des peines allant jusqu'à trois ans de «rééducation par le travail», pour lesquelles aucun appel n'est prévu par la loi.
291. Selon l'organisation plaignante, le simple fait d'exprimer l'intention de conseiller les travailleurs, sans parler de les organiser, entraîne l'arrestation si cela vient à se savoir. Cependant, il arrive que des groupes de travailleurs parviennent à mener des activités limitées pour un certain temps, pourvu que celles-ci demeurent officieuses. Les tentatives d'obtenir l'enregistrement officiel des organisations indépendantes de travailleurs semblent marquer le seuil de tolérance des autorités. Tel a été le cas de la Ligue pour la protection des droits des travailleurs, centrée à Beijing et dissoute en 1994 après avoir demandé son enregistrement officiel, et celui du Forum des travailleurs de Shenzhen, dont les membres ont tenté de donner aide et conseil aux travailleurs migrants de la zone économique spéciale de Shenzhen pour créer des syndicats indépendants. Il semble que ces groupes aient, dans un premier temps, bénéficié d'une tolérance tacite et limitée des autorités. Cependant, il apparaît qu'au moins 12 membres et militants ont été arrêtés en 1994 au moment où le groupe était sur le point de demander son enregistrement officiel.
Le Syndicat libre de Chine (FLUC)
292. En ce qui concerne la répression des autres activités syndicales indépendantes, l'organisation plaignante mentionne le cas de Liu Jingsheng, travailleur dans l'industrie chimique, qui a été arrêté en 1992 pour avoir créé le Syndicat libre de Chine (FLUC), ainsi que pour son engagement au sein d'autres organisations se consacrant à promouvoir les droits sociaux, économiques et politiques des travailleurs et du peuple chinois. Liu a été condamné à quinze ans de prison en 1994 et privé de ses droits politiques pour quatre ans. Quinze autres personnes, dont Hu Shigen, Kang Yuchun, Wang Guoqi, Lu Zhigang, Wang Tiancheng, Chen Wei, Zhang Chunzu, Rui Chaohuai et Li Quanli, militant pour les droits des travailleurs, ont également été condamnées à des peines comprises entre deux et vingt ans de prison: en particulier, Hu Shingen et Kang Yuchun se sont vu infliger, respectivement, des peines de vingt et dix-sept ans de prison. L'année suivante, ces détenus ont fait appel contre leur condamnation. Ces appels ont été rejetés en 1995 par la Haute Cour populaire de Beijing.
293. En ce qui concerne, d'une manière générale, les arrestations plus récentes de militants syndicaux indépendants, l'organisation plaignante se déclare extrêmement préoccupée par le recours de plus en plus fréquent des autorités à des emprisonnements prolongés et non reconnus et à des mises au secret. Dans plusieurs cas, cette «rééducation par le travail», imposée pour trois ans environ par simple décision administrative, a été suivie par une brusque condamnation, sans avertissement préalable, à de longues peines de travail forcé. Dans tous les cas connus en détail, les autorités ont transgressé de manière flagrante les règles élémentaires d'une procédure judiciaire équitable, y compris l'assistance d'un avocat.
294. Plusieurs cas confirment que les militants syndicaux indépendants, tout comme les prisonniers politiques, se distinguent, en prison, par les traitements particulièrement durs dont ils font l'objet. Ils subissent des violences physiques directes de la part du personnel de la prison ainsi que des représailles organisées: par exemple, il arrive qu'ils soient battus par des groupes d'autres prisonniers, lesquels reçoivent, en échange, certaines faveurs des autorités. A cette répression physique s'ajoute une pratique établie consistant à confiner les militants syndicaux dans les quartiers des prisons réservés aux détenus porteurs de maladies infectieuses et virales. Les prisonniers qui demandent à être correctement informés de leur état de santé, sans parler de recevoir des soins médicaux appropriés, voient leurs appels systématiquement rejetés par les autorités, ce qui constitue un facteur aggravant.
295. De surcroît, la plainte souligne que les parents des militants syndicaux emprisonnés subissent des tracasseries systématiques. Dans une première phase, les proches des syndicalistes détenus se voient refuser régulièrement toute information concernant leur parent emprisonné et, plus encore, toute possibilité d'accès à ce dernier. Par la suite, lorsque le procès et la condamnation sont imminents, bien souvent après plusieurs années de détention au secret, toutes les méthodes disponibles sont mises en œuvre pour réduire autant que possible l'aide que les parents du prisonnier pourraient lui apporter. Ainsi, il arrive que les parents reçoivent des informations contradictoires sur l'heure et le lieu du procès, ou qu'ils soient informés en dernière minute des changements à cet égard, ou, ce qui est encore plus significatif, à l'égard des audiences d'appel.
296. Fait plus grave, les parents des syndicalistes emprisonnés qui agissent au nom de ces derniers sont parfois eux-mêmes détenus, souvent pour de longues périodes et sans procès régulier. A leur tour, ils se trouvent eux-mêmes dans l'incapacité d'informer leurs proches de leur propre sort, ce qui constitue une violation supplémentaire de leurs droits de «prisonniers non jugés». Enfin, certains d'entre eux ont été sévèrement battus en prison. Après leur libération, certains ont été contraints de quitter leur lieu de résidence habituel, afin qu'ils ne puissent plus reprendre contact avec leurs parents syndicalistes emprisonnés, leur venir en aide ou agir en leur faveur.
297. Afin d'illustrer la sévérité des traitements infligés aux syndicalistes et aux membres de leur famille, l'organisation plaignante cite le cas de Zhou Guoqiang, conseiller juridique à la Beijing Acoustical Equipement Company, qui a été arrêté par le Bureau de la sécurité publique de Beijing avant même les événements de juin 1989 et a passé huit mois en prison pour son engagement au sein de la FAT de Beijing. Par la suite, Zhou a été le conseiller juridique et l'avocat du dirigeant de la FAT de Beijing, Han Dongfang, lequel a été lui-même détenu de 1989 à 1992.
298. En septembre 1994, Zhou a fait l'objet d'une nouvelle arrestation et d'une condamnation à trois ans de «rééducation par le travail» par le Comité administratif de la rééducation par le travail du gouvernement municipal de Beijing pour différents délits, parmi lesquels celui d'avoir imprimé et tenté de distribuer des maillots portant des slogans «provocateurs». L'organisation plaignante déclare, pour sa part, que ces maillots ne portaient que des appels au respect des droits syndicaux reconnus au niveau international. Par conséquent, l'organisation plaignante considère que Zhou a été emprisonné pour avoir exercé son droit légitime à la liberté syndicale.
299. Zhou a également été accusé de «posséder un télécopieur non enregistré», qu'il aurait utilisé pour correspondre avec Han Dongfang. L'organisation plaignante est convaincue que les contacts et la coopération allégués entre Zhou et Han, ce dernier étant reconnu au niveau international comme une figure dirigeante de la lutte pour les droits syndicaux en Chine, ont toujours constitué une importante raison supplémentaire du traitement particulièrement dur infligé à Zhou par les autorités.
300. En novembre 1994, Zhou a intenté un procès contre le BSP pour détention illégale. L'audience a eu lieu en mars 1995 au camp de travail forcé de Shuang He, une exploitation agricole située dans la province de Heilongjiang, au nord-est de la Chine, où Zhou se trouvait alors en détention. Le camp est situé dans un lieu éloigné, très difficile d'accès pour l'épouse et pour l'avocat de Zhou. Le verdict initial a été confirmé. En juillet 1995, Zhou a été condamné à une année supplémentaire de camp de travail pour une hypothétique tentative d'évasion. L'organisation plaignante affirme, cependant, que cette «tentative d'évasion» n'était, selon ses sources, qu'un coup monté. De surcroît, en mars 1997, les autorités de Shuang He ont à nouveau prolongé arbitrairement la peine de Zhou en retranchant des points de son «dossier de formation idéologique». En outre, les militants syndicaux indépendants Liu Nianchun et Gao Feng, détenus tout comme Zhou au camp de travail forcé de Shuang He, ont également vu leur peine prolongée de 156 et de 72 jours respectivement.
301. Le rejet par les autorités, en mars 1995, du dernier appel de Zhou Guoqiang sous prétexte d'un défaut de compétence constitue également, selon l'organisation plaignante, un fait révélateur de la nature intrinsèquement arbitraire du système juridique du pays.
302. De plus, les droits dont dispose Zhou en tant que prisonnier sont systématiquement violés par les autorités du camp. Ainsi, bien qu'il ait contracté une tuberculose en prison, les autorités lui ont constamment refusé la possibilité de consulter un médecin et d'obtenir des médicaments. L'organisation plaignante relève aussi que Zhou est également privé, d'une manière systématique, de ses droits à la correspondance, à la liberté religieuse, aux congés et à disposer d'installations lui permettant de recevoir les membres de sa famille. Deux fonctionnaires de la prison assistent aux entretiens de Zhou avec les membres de sa famille lors des visites, notent par écrit leur contenu et en restreignent la durée et la teneur. Zhou est privé des moments d'intimité conjugale avec son épouse, pourtant prévus par la loi. Les lettres échangées avec son épouse ont été confisquées, ainsi que sa bible, d'autres livres de lecture et le carnet dont il se sert pour écrire des poèmes.
303. De plus, l'organisation plaignante exprime son indignation à l'égard des sanctions effroyablement cruelles, inutiles et illégales que les autorités imposent à l'épouse de Zhou, Wang Hui, qui a fait l'objet d'arrestations répétées (27 jours en mai et juin 1996, puis à nouveau durant plusieurs jours à partir du 20 septembre) et a été brutalisée à deux reprises au moins par des agents de la sécurité publique alors qu'elle protestait contre l'emprisonnement de son mari. De tels traitements illustrent de manière frappante les risques auxquels s'exposent non seulement les personnes qui tentent d'organiser des syndicats ou des activités syndicales indépendants, mais encore les membres de leur famille. Les mauvais traitements et la torture pure et simple infligés aux membres de la famille des syndicalistes semblent constituer la forme la plus extrême de la dissuasion exercée à leur encontre. Le libre exercice des droits syndicaux est sévèrement restreint, pour ne pas dire impossible, dans un contexte où les droits de l'homme sont systématiquement violés.
La Ligue pour la protection des droits des travailleurs
304. L'organisation plaignante expose également le cas de Liu Nianchun, qui a été le porte-parole de la Ligue pour la protection des droits des travailleurs (LPDT), laquelle a annoncé sa constitution en mars 1994, tout en adressant une pétition au Congrès populaire national pour qu'il améliore la situation des droits des travailleurs. Les organisateurs de la Ligue ont tenté d'obtenir du gouvernement que celle-ci soit enregistrée, mais cette demande a été rejetée. Liu et plusieurs de ses collègues ont été arrêtés en mai 1994. Liu a été gardé au secret durant cinq mois, puis relâché, avant d'être arrêté à nouveau en mai 1995 et condamné, par décision administrative, à trois ans de «rééducation par le travail» dans la province éloignée de Heilongjiang. Un appel interjeté devant les tribunaux en juillet 1996 a été rejeté. La situation des collègues de Liu au sein de la LPDT, Yuan Hongbin, Zhang Lin et Xiao Biguang, arrêtés en 1994 pour la même affaire et sous diverses inculpations, dont la plus grave est celle de «complicité et d'encouragement d'un acte criminel», est la suivante: Yuan Hongbin a été, aux dernières nouvelles, enfermé dans une bibliothèque située dans la province de Guizhou. Zhang Lin et Xiao Biguang auraient été condamnés à trois ans de réforme par le travail dans une mine de charbon dans la province d'Anhui.
305. Après la deuxième arrestation de Liu en mai 1995, les autorités ont refusé, durant plus d'un an, de donner à sa famille et à ses amis la moindre raison de sa détention et de leur indiquer où il se trouvait détenu. Le 16 juillet, Chu Hailan a pu enfin voir son mari, contraint de partager une cellule d'environ 20 m2 avec 15 autres personnes.
306. De plus, l'organisation plaignante exprime sa profonde préoccupation quant au grave état de santé de Liu et quant au fait que tout traitement médical lui ait été refusé bien que le personnel médical de la prison eût déclaré qu'il devrait être conduit à un hôpital.
307. En outre, l'organisation plaignante signale que Liu est toujours forcé de travailler une demi-journée à des travaux agricoles dans le cadre de sa rééducation idéologique. Les autorités interprètent le fait que Liu soit parfois incapable, à cause de sa maladie, d'effectuer le travail qui lui est attribué comme manifestant sa mauvaise volonté de reconnaître ses crimes et ses erreurs. En conséquence, en mars de cette année, sa peine a été prolongée arbitrairement de six mois. En outre, depuis le mois de février dernier et à l'heure où ces lignes sont écrites, les autorités du centre de détention privent toujours l'épouse de Liu du droit, prévu par la loi, de rendre visite à son mari, et n'autorisent pas Liu à écrire à sa famille pour l'informer de son état de santé.
308. Enfin, l'organisation plaignante allègue que Liu Nianchun a été torturé à l'électricité et par privation d'eau après qu'il eut entamé une grève de la faim pour protester contre sa condamnation.
309. C'est pourquoi l'organisation plaignante considère que Liu Nianchun se trouve détenu dans des conditions qui mettent sa vie en danger et que son cas et celui d'autres personnes, dont Zhou Guoqiang, révèlent que la privation des soins médicaux fait partie intégrante des sanctions infligées par les autorités chinoises aux militants syndicaux emprisonnés.
Le «Forum des travailleurs» de Shenzhen
310. Début novembre 1996, l'organisation plaignante a été informée que deux militants syndicaux indépendants, Li Wenming et Guo Baosheng, devaient passer en jugement dans la ville de Shenzhen, située dans le sud de la Chine, sous l'accusation de «conspiration subversive présumée contre le gouvernement». Ce jugement constitue, selon les informations disponibles, la première grande procédure pénale intentée par le gouvernement chinois contre des militants syndicaux indépendants depuis décembre 1994, lorsque des peines allant jusqu'à vingt ans d'emprisonnement avaient été imposées à des membres du Syndicat libre de Chine.
311. Li et d'autres militants syndicaux ont entamé leurs activités après avoir découvert, en 1993, que les travailleurs migrants de la zone économique spéciale de Shenzhen étaient totalement dépourvus de protection et de droits. Le groupe de Li a mis sur pied une école du soir pour les travailleurs et rédigé une déclaration d'intentions et un code de conduite en vue de la création de deux associations, la «Fédération de travailleurs manuels intérimaires (Dagongzhe Lianhehui) et «l'Association des travailleurs manuels intérimaires» (Dagongzhe Xiehui), dans l'intention de faire enregistrer ces deux organismes auprès du bureau local des affaires civiles. Le groupe de Li a commencé à recruter sur place des travailleurs temporaires qui ont pris part à des débats informels. Au nombre des sujets discutés ont figuré les avantages de la négociation collective, la notion de syndicats libres et les droits syndicaux internationaux, tels qu'ils sont définis par les conventions pertinentes de l'OIT et par la Déclaration universelle des droits de l'homme.
312. La police de Shenzhen a progressivement établi une surveillance de plus en plus étroite des activités des personnes engagées au sein de ce groupe. Fin septembre 1993, ces premières réunions-débats de travailleurs ne pouvaient plus avoir lieu en sécurité et ont dû être provisoirement suspendues. Li a été renvoyé de son emploi et les militants qu'il avait engagés se sont retrouvés sans emploi. Le renvoi de Li ainsi que le fait que ses collègues aient perdu leur emploi par voie de conséquence sont susceptibles de poser des problèmes supplémentaires concernant le respect du gouvernement chinois à l'égard du droit d'association, tel qu'il est garanti par la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
313. Le groupe de Li s'est reconstitué et a entamé la publication et la distribution d'un bulletin clandestin de petites dimensions, intitulé Dagong Guangchang, ce qui se traduit librement par «Forum des travailleurs». Le «Forum des travailleurs» comprend, pour l'essentiel, des reproductions ou des résumés explicatifs des principales normes internationales en matière de droits syndicaux, dont ceux figurant dans les conventions pertinentes de l'OIT; des reproductions d'articles portant sur divers problèmes en matière de droits des travailleurs et sur des abus ayant eu lieu dans des entreprises chinoises et déjà révélés par la presse officielle chinoise; de brefs entretiens avec des travailleurs migrants chinois venus à Shenzhen en quête d'emploi et des reportages décrivant leur vie quotidienne; des poèmes commémorant, entre autres, les travailleurs migrants morts dans des accidents du travail de grande ampleur. [L'organisation plaignante a joint à sa communication copie d'un article du «Forum des travailleurs».]
314. L'organisation plaignante considère qu'une publication de cette nature traduit clairement le caractère syndical des activités du groupe. A l'inverse, le fait que cette publication puisse amener des problèmes judiciaires, même minimes, à ses auteurs montre clairement à quel point les autorités chinoises sont décidées à empêcher, dans le pays, l'exercice de toute activité syndicale libre sous quelque forme que ce soit.
315. Li a été arrêté par la police en mai 1994, puis gardé pendant 30 mois en détention secrète et illégale. A la même époque, 12 autres membres et militants du groupe, parmi lesquels Kuang Lezhuang et Liu Hutang, ont également été détenus. Il semble que tous aient été condamnés par décision administrative à des peines de «rééducation par le travail» allant jusqu'à trois ans. Peu avant la fin de leur peine administrative, Li et Guo ont été accusés de «subversion mettant en danger la sécurité de l'Etat», délit considéré comme capital et pour lequel les accusés risquent des condamnations allant de dix ans de prison à la peine de mort. Le procès s'est ouvert à la Cour intermédiaire de Shenzhen le 8 novembre 1996 et s'est conclu, le 29 mai 1997, par la condamnation de Li Wenming et de Guo Baosheng à trois ans et demi de prison chacun.
316. D'après l'acte dressé par le ministère public, les cas de Kuang Lezhuang, Fan Yiping, He Fei, Zeng Jiecheng, Lan Chunquan, Wu Chun, Liu Hutang, Zheng Wuyen et Wan Xiaoying, autres militants du groupe de défense des droits des travailleurs de Shenzhen, ont déjà «tous été traités séparément» (jun ling zuo chuli) par les autorités. L'organisation plaignante est convaincue, au vu de la législation existante comme des faits avérés, que cette formule signifie que ces personnes ont été condamnées sans procès à différentes peines de rééducation par le travail allant jusqu'à trois ans.
317. En janvier 1997, il a été signalé que la santé de Li s'était gravement détériorée depuis sa détention. Li souffrait de néphrite et d'hydropisie. De plus, au cours de son procès tenu à Shenzhen deux mois auparavant, Li avait informé ses juges qu'il souffrait d'une grave maladie rénale et demandé à recevoir des soins médicaux appropriés, faute de quoi il risquait de devoir subir l'ablation partielle d'un rein. La cour n'a répondu ni à sa demande, ni à celle de sa famille, qui avait sollicité sa libération provisoire sous caution afin qu'il puisse recevoir des soins médicaux. En mars, l'organisation plaignante a été informée que Li avait été autorisé à consulter un médecin et transféré à une cellule de sa prison légèrement moins exiguë. Vers le mois de juin 1997, cependant, l'organisation plaignante avait été informée que Li avait subi un grave accident des reins et souffrait de douleurs aiguës. Selon des sources médicales qui sont entrées en contact avec sa famille, Li risque de perdre au moins un rein s'il ne reçoit pas immédiatement un traitement spécial. Néanmoins, les autorités de la prison municipale de Shenzhen persistent à refuser que ce traitement soit administré.
Le droit pénal chinois
318. L'organisation plaignante évoque également un projet de révision du Code pénal chinois en vigueur depuis dix-sept ans. Ce projet a été soumis au Congrès populaire national le 8 mars 1997 et adopté lors de la même session. Le nouveau code est entré en vigueur le 1er octobre 1997. Tels qu'ils sont présentés, les 258 nouveaux articles du Code pénal «introduisent dans l'ensemble ... de la législation l'idée de la sauvegarde des droits populaires», et ont été conçus pour «protéger les gens et punir les délinquants». Le nouveau code devrait améliorer d'une manière notable la protection des droits des citoyens dans les domaines suivants: sécurité, santé, liberté personnelle, travail, choix, liberté religieuse, mariage et droits de la famille. La liberté syndicale est notoirement absente de cette liste. Le communiqué de presse émis au sujet de ce projet indique que l'imposition du travail forcé, phénomène récent, serait passible d'une peine de prison allant jusqu'à 3 ans. Rien n'indique toutefois qu'il y a lien entre cette mesure et la rééducation par le travail. Il peut donc être supposé que la nouvelle loi ne prévoira rien pour protéger les fondateurs de syndicats de poursuites. Il y a lieu cependant de noter que le communiqué de presse déclare que «le projet établit un principe majeur de la justice pénale selon lequel les délits doivent être jugés conformément à la loi en vue d'assurer que les criminels seront punis tandis que les innocents seront libres de toute poursuite. Les comportements non délictueux ne doivent pas être punis».
319. L'organisation plaignante soutient que les militants syndicaux libres sont systématiquement soumis, sans procès, à de longues peines de travaux forcés, pour des actes qu'il n'est pas possible de qualifier de délictueux. Si elles sont appliquées, les modifications du droit pénal chinois devraient, logiquement, ouvrir la voie à une révision des condamnations imposées aux syndicalistes indépendants ou, pour le moins, à ce que leurs appels soient entendus en toute équité.
320. Enfin, l'organisation plaignante signale le cas de deux chauffeurs de taxi, Zheng Shaoqing et Chen Rongyan, tous deux condamnés, par décision administrative, à deux ans de «rééducation par le travail». En janvier 1996, Zheng et Chen avaient organisé une grève des taxis d'une demi-journée dans la Zone économique spéciale de Zhuhai. Cette grève était un acte de protestation contre les sanctions sévères (comprenant des amendes élevées et la confiscation du véhicule) imposées aux conducteurs accusés d'infractions légères au code de la route. Le lieu de détention de Zheng et de Chen demeure toujours inconnu.
321. L'organisation plaignante considère que ces cas illustrent parfaitement le mécanisme exhaustif de répression appliqué par les autorités à l'encontre de tous les militants syndicaux indépendants, dès lors qu'ils sont découverts par les agents de la sécurité publique. Ce mécanisme peut être décrit comme suit:
322. En conclusion, l'organisation plaignante rappelle que, plus de six ans après les événements de la place Tiananmen, le gouvernement de la République populaire de Chine garde sous les verrous un certain nombre de prisonniers déjà considérés par le Comité de la liberté syndicale de l'OIT comme ayant été détenus et condamnés pour avoir exercé des droits syndicaux garantis au niveau international, et dont le comité a demandé la libération à plusieurs reprises. La plupart ont été des dirigeants des fédérations autonomes des travailleurs dans leur région respective, raison pour laquelle ils purgent des peines allant de trois à treize ans d'emprisonnement. Dans le cas des travailleurs de Shenzhen, la criminalisation persistante d'activités syndicales légitimes au moyen de l'aggravation des accusations, les inculpations pour «activités contre-révolutionnaires» devenant des inculpations pour «subversion mettant en danger la sécurité de l'Etat», confirme la politique de longue date des autorités consistant à éradiquer toute activité syndicale indépendante.
323. Enfin, l'organisation plaignante regrette que le gouvernement refuse de ratifier les conventions fondamentales de l'OIT, en particulier celles concernant la liberté syndicale, et considère cette attitude du gouvernement comme révélatrice de son intention de persister dans son refus de se conformer aux normes internationales du travail.
B. Réponse du gouvernement
324. Dans sa communication du 15 janvier 1998, le gouvernement déclare que, depuis vingt ans, la démocratie et la législation ont connu, en Chine, des progrès continus, rapides et sains. Le niveau de vie s'est sensiblement élevé, l'état des droits fondamentaux et les conditions de travail se sont considérablement améliorés. La loi sur les syndicats a été promulguée en 1992 et la première loi du travail a été adoptée en 1994, assurant ainsi la protection juridique des droits et intérêts des travailleurs. Dans ces conditions, le gouvernement juge incom-préhensible le dépôt de la présente plainte, qu'il regrette vivement.
325. Néanmoins, le gouvernement a procédé à de vastes enquêtes sur les allégations, auprès du ministère de la Sécurité publique, du ministère de la Justice et de la Fédération des syndicats de Chine (ACFTU) et dans les villes et provinces de Beijing, Shanghai, Guangdong, Hunan, etc.
326. En ce qui concerne la protection juridique des droits et intérêts des travailleurs, le gouvernement déclare arbitraires toutes les allégations selon lesquelles le droit d'association des travailleurs n'est pas assuré, que la négociation collective n'est pas prévue, que le contrat de travail est fixé unilatéralement par l'employeur et que la grève est réprimée. Le gouvernement cite divers articles de la loi du travail qui, à son avis, démontrent que les droits et intérêts légitimes des travailleurs sont protégés.
327. En ce qui concerne les allégations relatives à la négociation collective et à l'établissement unilatéral des contrats de travail, le gouvernement signale, en premier lieu, que la loi du travail établit la nécessité de conclure un contrat de travail, dont le texte peut être fourni soit par l'employeur, soit par le travailleur lui-même, ou fixé conjointement par les deux parties. Dans tous les cas, les parties doivent respecter le principe d'égalité et de consultation. La loi donne également des précisions sur les éléments spécifiques du contrat, tels que ses modifications éventuelles, sa dénonciation et sa durée. Le fait que des employeurs isolés ne respectent pas la loi est inévitable, mais des faits aussi isolés ne devraient pas être reprochés au gouvernement. Des mécanismes d'inspection ont été créés sous les auspices du ministère du Travail. De plus, des organismes existant au niveau de l'employeur et des syndicats à différents échelons peuvent également veiller à l'application de la législation. Toute infraction à la loi est sévèrement sanctionnée.
328. Le gouvernement se rapporte en outre aux articles de la loi du travail concernant la négociation collective et conclut que ces dispositions démontrent qu'un statut juridique a été octroyé en Chine à la négociation collective. De plus, le ministère du Travail a rendu publics le «Règlement concernant les conventions collectives» et les «Instructions sur les projets-pilotes de la conclusion des conventions collectives par la négociation collective». Selon les statistiques disponibles, plus de 90 000 entreprises, comptant plus de 40 millions de salariés, pratiquent la négociation collective. Bien que la mise en place du mécanisme de la négociation collective se trouve, en Chine, dans sa phase initiale, le gouvernement assure qu'à mesure que la politique de réformes et d'ouverture se poursuit et que la réforme du régime du travail s'approfondit, il sera possible de mieux réglementer la négociation collective et les conventions collectives, grâce à l'expérience acquise, par l'adoption d'une loi sur la convention collective.
329. En ce qui concerne la loi sur les syndicats, le gouvernement indique que les informations recueillies auprès du ministère de la Sécurité publique et de l'ACFTU contredisent les allégations formulées par l'organisation plaignante. Selon un haut responsable de l'ACFTU, ladite loi accorde aux syndicats le droit de corriger tout acte constituant un viol de la loi du travail et des droits et intérêts légitimes des travailleurs. Par ailleurs, cette loi dispose également que les syndicats peuvent aider les salariés à conclure des contrats du travail et des conventions collectives ou leur fournir des orientations à cet effet, de même qu'ils peuvent participer aux procédures de médiation et d'arbitrage des conflits. En bref, la législation chinoise accorde une garantie fondamentale aux syndicats pour leur permettre de défendre les droits et intérêts légitimes des travailleurs: selon le gouvernement, il s'agit là d'une méthode plus efficace, pour résoudre équitablement les problèmes éventuels, que de recourir à la grève ou à d'autres formes de confrontation. En ce qui concerne le reproche de l'organisation plaignante selon lequel l'ACFTU n'entreprend pas d'actions de grève, le gouvernement estime que cette critique est contraire aux buts des normes internationales du travail qui consistent à promouvoir la justice et la paix sociale.
330. En ce qui concerne le statut de l'ACFTU, le gouvernement indique en outre que le responsable de cette organisation de masse a souligné que celle-ci regroupe des salariés sur une base volontaire, mène ses activités d'une manière indépendante et autonome et participe, sous différentes formes, à la défense des droits et intérêts légitimes des salariés. Personne n'est contraint ou interdit d'adhérer à l'ACFTU. L'ACFTU s'emploie à promouvoir les activités syndicales dans toutes les catégories d'entreprises pour mieux défendre les droits et intérêts des travailleurs. Selon des statistiques de 1995, le taux de syndicalisation des salariés atteint 80 pour cent, ce qui montre que l'application du droit d'association des travailleurs chinois est en progrès.
331. En ce qui concerne les allégations relatives aux organisations indépendantes d'ouvriers, le gouvernement indique que ces organisations ne sont pas, en réalité, des syndicats, mais des groupes d'individus qui, au lieu de défendre les droits et intérêts légitimes des travailleurs, se livrent à des activités illégales dangereuses pour la sécurité de l'Etat. Par conséquent, l'interdiction de ces groupes permet de mieux défendre les intérêts fondamentaux des travailleurs.
332. De plus, l'allégation relative à un discours prononcé par le ministre de la Sécurité publique est pure invention. Dans les faits, le ministère a pris certaines mesures préventives et nécessaires pour que le retour de Hong-kong et le XVe Congrès du Parti communiste chinois se déroulent avec succès.
Cas individuels
333. En ce qui concerne les allégations spécifiques de violations des droits syndicaux, le gouvernement affirme que l'organisation plaignante persiste à confondre des actes délictueux avec l'exercice de la liberté syndicale. Le gouvernement réaffirme l'importance particulière qu'il accorde aux droits démocratiques, y compris la liberté syndicale, et rappelle que ce droit est consacré par la Constitution chinoise et par la législation nationale. En pratique, les travailleurs jouissent de droits démocratiques et de libertés civiles de plus en plus larges. Néanmoins, comme dans les autres pays, les travailleurs chinois doivent respecter les lois de l'Etat dans l'exercice de leur droit d'association et de leurs activités syndicales.
334. En ce qui concerne Hu Nianyou et Yao Guisheng, le gouvernement indique avoir procédé à des enquêtes et des vérifications auprès du Tribunal populaire de la province du Hunan, dont il ressort que Hu et Yao ont été respectivement condamnés à dix et quinze ans de prison pour crimes de pillage commis en 1989. Hu a été libéré en 1993 pour bonne conduite, tandis que Yao reste en détention.
335. En 1989, Chen Gang a été condamné à mort et Peng Shi et Liu Zhihua ont été condamnés à la prison à vie pour crimes de vandalisme. La peine de Chen a été réduite à deux reprises et a été ramenée à onze ans de prison, qu'il purge actuellement. Peng a vu sa peine réduite à dix ans et Liu à onze ans; tous deux sont toujours en détention.
336. En ce qui concerne la Ligue pour la protection des droits des travailleurs (LPDT), la Commission pour la rééducation par le travail de Beijing a indiqué que trois ans de rééducation ont été infligés à Liu Nianchun pour avoir troublé l'ordre social et accepté des fonds de la part d'une organisation étrangère hostile à la Chine. Zhang Lin, qui a purgé trois ans de rééducation pour vandalisme, a été libéré en mai 1997 avant de partir pour les Etats-Unis.
337. En ce qui concerne le Forum des travailleurs de Shenzhen, le Tribunal du peuple de Shenzeen a indiqué qu'en mai 1997 Li Wenming et Guo Baosheng ont été condamnés respectivement à trois ans et six mois d'emprisonnement pour activités portant atteinte à la sécurité de l'Etat. Kuang Lezhuang a été condamné en août 1994 à 18 mois de rééducation et a déjà été remis en liberté.
338. En ce qui concerne le Syndicat libre de Chine (FLUC), le gouvernement signale que la Cour populaire de Beijing a prouvé par des faits incontestables que Hu Shigen, Liu Jingsheng, Kang Yuchun, Wang Guoqi, Lu Zhigang, Wang Tiancheng, Chen Wei, Thang Chunzu et Li Quanli ont été condamnés à des peines d'emprisonnement pour s'être livrés à des activités constituant des atteintes à la sécurité de l'Etat et contraires au Code pénal. Par ailleurs, le gouvernement déclare que Rui Chaohuai n'existe pas.
339. En conclusion, le gouvernement déclare qu'aucune des personnes figurant sur la liste n'a été sanctionnée pour avoir mené une activité syndicale légitime ou légale et considère, par conséquent, les allégations comme infondées. Les activités syndicales normales doivent se dérouler dans le cadre des lois fixées par l'Etat, dans le seul but de défendre les droits et intérêts légitimes des travailleurs. Même s'il s'agit d'un travailleur ou d'un membre d'une organisation de travailleurs, quiconque se livre à des actes de pillage, de vandalisme, de troubles de l'ordre social ou de subversion contre le gouvernement doit être sanctionné et puni.
340. En ce qui concerne les activités normatives en Chine, le gouvernement affirme que les autorités compétentes tiennent suffisamment compte des principes et des dispositions contenus dans les normes pertinentes (ratifiées ou non) pour que la législation chinoise s'accorde avec les normes internationales et les pratiques communes. En raison des contraintes liées aux facteurs historiques et aux conditions actuelles propres aux pays en développement, dont la Chine, la ratification des conventions ne peut être qu'un processus graduel. Par conséquent, le gouvernement considère que l'OIT devrait tenir suffisamment compte de l'histoire, du régime social, de la tradition culturelle et du niveau de développement économique de chaque pays, respecter pleinement l'autonomie de chaque pays en matière de ratification des conventions et prendre les mesures d'assistance actives relevant de sa compétence pour aider les Etats Membres à accroître leur capacité de ratifier et d'appliquer les conventions.
341. Le comité observe que les allégations concernent, dans le présent cas, des violations de la liberté syndicale par la législation nationale, le recours persistant aux détentions arbitraires et parfois à la mise au secret de syndicalistes, l'usage réitéré de condamnations à la «rééducation par le travail» à l'encontre de travailleurs ayant mené des activités syndicales légitimes, la torture et la privation de soins médicaux nécessaires à l'encontre des syndicalistes détenus, les tracasseries à l'encontre des parents des syndicalistes et, dans certains cas, leur détention, ainsi que le renvoi de travailleurs ayant mené des activités syndicales légitimes.
342. Le comité note tout d'abord avec une profonde préoccupation la gravité particulière de l'ensemble des allégations présentées et il regrette vivement que le gouvernement n'ait fourni que des informations partielles.
La législation nationale
343. Le comité prend note des allégations formulées dans la plainte selon lesquelles la loi sur les syndicats de 1992 interdit pratiquement la constitution d'organisations syndicales indépendantes. Le comité rappelle qu'il a déjà été prié, lors d'un cas précédent (cas no 1652, 286e rapport) d'étudier la conformité de la loi sur les syndicats aux principes relatifs à la liberté syndicale. A l'époque, le comité avait conclu que les obligations définies par les articles 5, 8 et 9 de cette loi concernant les activités syndicales empêchaient la création d'organisations syndicales indépendantes des pouvoirs publics et du parti dirigeant qui auraient réellement pour tâches de défendre et promouvoir les intérêts de leurs mandants et non de renforcer le système politique et économique du pays. Le comité avait également estimé que les articles 4, 11 et 13 avaient pour effet d'imposer un monopole syndical et que la soumission des organisations de base à la direction des organisations syndicales supérieures ainsi que l'élaboration de leurs statuts par le congrès national des représentants syndicaux constituent des entraves importantes au droit des syndicats d'élaborer leurs statuts, d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d'action. [Voir 286e rapport, paragr. 713 à 717.]
344. A l'époque, le comité avait constaté que de nombreuses dispositions de la loi sur les syndicats étaient contraires aux principes fondamentaux de la liberté syndicale et avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dispositions en question soient modifiées. [Voir 286e rapport, paragr. 728 a).] Le comité constate avec un profond regret qu'aucune action ne semble avoir été entreprise pour modifier la législation à cet égard et prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la loi sur les syndicats soit rendue, dans un avenir très proche, conforme aux principes de la liberté syndicale.
345. Le comité prend également note des allégations de l'organisation plaignante concernant l'absence, dans la loi du travail de 1995, de protection de la négociation collective et du droit de grève, ainsi que de l'affirmation du gouvernement selon laquelle, au contraire, les dispositions de la loi accordent un statut juridique à la négociation collective et que celle-ci est pratiquée dans plus de 90 000 entreprises. En outre, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, bien que la négociation collective se trouve encore dans sa phase initiale, il sera possible de mieux la réglementer, à l'avenir, par l'adoption d'une loi spécifique.
346. En ce qui concerne la loi du travail, le comité note que certaines de ses dispositions sembleraient limiter la liberté des travailleurs et des employeurs en matière de négociation collective. Par exemple, l'article 34 de la loi énonce que toute convention collective doit être soumise aux services de l'administration du travail et entrer en vigueur immédiatement si ces services ne soulèvent aucune objection dans les quinze jours. La loi ne précise pas davantage le type d'objections que les services administratifs pourraient soulever, mais l'article 46 dispose que le niveau des salaires doit être augmenté parallèlement au développement économique et qu'il incombe à l'Etat d'édicter des réglementations générales et d'assurer le contrôle des salaires. A cet égard, le comité rappelle que la nécessité d'une approbation préalable de la part du gouvernement pour la mise en vigueur d'une convention collective pourrait décourager l'utilisation de la négociation collective volontaire entre employeurs et travailleurs pour le règlement des conditions d'emploi. Bien que le refus de l'approbation administrative puisse parfois faire l'objet d'un recours en justice, le système même d'une approbation administrative préalable est contraire à tout le régime des négociations volontaires. De plus, les dispositions législatives qui interdisent la négociation d'augmentations salariales venant en sus des indemnités du coût de la vie sont contraires au principe de la négociation volontaire, consacré par la convention no 98. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 871 et 891.] Par conséquent, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces articles de la loi du travail soient modifiés afin que soit assurée l'autonomie des parties à la négociation collective et pour que toute disposition exigeant l'autorisation préalable des conventions collectives soit limitée aux questions de vice de forme ou ne concerne que la violation des normes du travail minimales fixées par la législation.
347. En ce qui concerne les allégations concernant le manque de protection du droit de grève, le comité note qu'il avait déjà été prié d'étudier la législation concernant le règlement des conflits du travail et ses effets sur le droit de grève (cas no 1652). Le comité avait alors constaté que ni la Constitution chinoise ni la loi syndicale ne traitent du droit de grève, ni pour l'autoriser ni pour l'interdire. Cependant, le comité avait constaté l'existence d'un Règlement sur le traitement des conflits du travail qui met en place des procédures de conciliation et d'arbitrage, lesquelles ne laissent aucune possibilité de recourir à des mouvements de grève. Le comité demandait donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs et leurs organisations puissent exercer le droit de grève lorsqu'ils l'estiment nécessaire pour appuyer leurs revendications. [Voir 286e rapport, paragr. 719 et 720, et 292e rapport, paragr. 391.]
348. Le comité note à présent que les articles 79 à 83 de la loi du travail semblent instituer un système de médiation et d'arbitrage exactement du même type que celui établi par les réglementations qu'il avait déjà critiquées. L'article 79 dispose que, si la médiation échoue, l'une des parties peut demander un arbitrage. Dans le cas d'une contestation de la sentence arbitrale, la partie s'estimant lésée peut faire appel au tribunal populaire, dont la décision a force obligatoire. Rappelant que les dispositions qui permettent à l'une des parties au conflit de demander unilatéralement l'intervention de l'autorité au travail pour qu'elle s'occupe de régler ledit conflit présentent un risque pour le droit des travailleurs de déclarer la grève et portent atteinte à la négociation collective, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation de manière à permettre aux travailleurs et à leurs organisations d'exercer leur droit de grève pour défendre leurs intérêts sociaux et économiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 519.]
349. Le comité rappelle au gouvernement que l'assistance technique du BIT est disponible pour procéder à une révision de la législation susmentionnée si le gouvernement en exprime le souhait.
350. Pour ce qui est du droit de grève en pratique, le comité prend note des allégations de l'organisation plaignante concernant une politique adoptée en la matière par les autorités de la province de Guangdong en 1994, une interdiction d'une grève déclenchée en 1997 au sein de l'entreprise Xin Bao Electronics et un discours prononcé par le chef du Bureau de la sécurité publique (BSP) menaçant toute personne impliquée dans une grève de mesures rigoureuses. Le gouvernement n'a pas répondu aux deux premières allégations, tout en affirmant que le discours allégué du chef de la BSP est une pure invention. Le gouvernement affirme toutefois que le ministre de la Sécurité publique a certes dû prendre certaines mesures de prévention pour que le retour de Hong-kong et le XVe Congrès du Parti communiste chinois se déroulent avec succès. Le comité doit rappeler à cet égard que le droit de grève est l'un des moyens essentiels permettant aux travailleurs et à leurs organisations de promouvoir et de défendre leurs intérêts économiques et sociaux. Par conséquent, le comité demande au gouvernement de prendre, à l'avenir, toutes les mesures nécessaires pour que ce droit soit protégé par la loi aussi bien qu'en pratique.
Détentions de syndicalistes
Cas déjà examinés
351. Le comité relève tout d'abord qu'il ressort de la présente plainte qu'un certain nombre de syndicalistes dont le cas avait fait l'objet de plaintes précédentes n'ont toujours pas été libérés. Le comité note avec regret que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations concernant Tang Yuanjuan, Leng Wanbao et Li Wei, qui ont été spécifiquement l'objet du cas no 1652. A l'époque, le comité était d'avis que les observations fournies par le gouvernement n'établissaient pas de manière suffisamment précise et circonstanciée que les lourdes condamnations prononcées à l'encontre des personnes susmentionnées n'étaient pas motivées par des activités d'ordre syndical. [Voir 292e rapport, paragr. 399.] Le comité avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l'ensemble des affaires mentionnées par l'organisation plaignante soient réexaminées afin qu'un terme soit mis à ces détentions. [Voir 292e rapport, paragr. 400.] L'organisation plaignante allègue à présent que Tang, Leng et Li ont été soumis à des mauvais traitements et à des brutalités de la part de leurs gardiens de prison et que Tang s'est vu refuser une libération conditionnelle pour raisons médicales, malgré son état de santé désastreux. Bien que l'organisation plaignante ait déclaré que les peines de prison de ces trois personnes ont été réduites en appel et que Leng a été libéré, Tang et Li continuent, apparemment, de purger des peines de huit ans de prison.
352. Le comité relève, en outre, avec préoccupation, que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations selon lesquelles Wang Miaogen, dont le cas a également fait l'objet d'une plainte précédente (cas no 1500), a été battu après sa sortie de prison et a été interné de force dans un établissement psychiatrique en 1993. Le comité rappelle à cet égard qu'il a déjà été amené à examiner des allégations relatives à l'internement de personnes ayant tenté de créer des syndicats indépendants dans des établissements psychiatriques. [Voir cas no 905, 207e rapport, paragr. 129.] A l'époque, le comité avait souligné que toutes les garanties nécessaires devraient être assurées pour que de telles mesures ne soient pas prises en tant que sanctions ou moyens de pression à l'égard de personnes désireuses de créer une organisation nouvelle, indépendante de la structure syndicale existante (ibid.)
353. Le comité note avec un profond regret qu'en dépit des recommandations qu'il a précédemment adressées au gouvernement afin que celui-ci réexamine la situation des détenus en vue de leur libération il semble que nombre d'entre eux demeurent en prison et soient soumis à des brutalités physiques. En l'absence d'autres informations de la part du gouvernement, le comité ne peut que conclure que les personnes en question ont été détenues et condamnées pour avoir exercé des activités syndicales légitimes. De plus, le comité rappelle que, dans les cas allégués de tortures ou de mauvais traitements de prisonniers, les gouvernements devraient enquêter sur les plaintes de cette nature pour que les mesures qui s'imposent, y compris la réparation des préjudices subis, soient prises et que des sanctions soient infligées aux responsables pour veiller à ce qu'aucun détenu ne subisse ce genre de traitement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 57.] Par conséquent, le comité prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour assurer la libération de tous les syndicalistes qui ont fait l'objet des plaintes précédentes au comité et qui, selon la présente plainte, n'ont toujours pas été libérés (annexe I). Ces mesures doivent comprendre la libération immédiate de Tang Yuanjuan et celle de Wang Miaogen, interné de force dans un établissement psychiatrique, ainsi que la réalisation d'une enquête indépendante sur les actes allégués de mauvais traitements exercés sur Tang Yuanjuan, Leng Wanbao et Li Wei au cours de leur détention. Le gouvernement est prié de tenir le comité informé des résultats de l'enquête et des mesures prises pour la libération de ces détenus.
354. L'organisation plaignante a également transmis une liste de personnes dont elle allègue qu'elles ont été arrêtées en 1989 pour avoir organisé des manifestations de travailleurs et des grèves (voir annexe II). Le comité rappelle à cet égard que des sanctions pénales ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas d'infraction à des interdictions de la grève conformes aux principes de la liberté syndicale. Toute sanction infligée en raison d'activités liées à des grèves illégitimes devrait être proportionnée au délit ou à la faute commis, et les autorités devraient exclure le recours à des mesures d'emprisonnement contre ceux qui organisent une grève pacifique ou y participent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 599.] En l'absence d'autres informations de la part du gouvernement, le comité ne peut que conclure que les personnes en question ont été détenues et condamnées pour avoir exercé des activités syndicales légitimes. Il demande en conséquence au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour libérer immédiatement les personnes citées à l'annexe II.
355. Le comité note également la demande de l'organisation plaignante selon laquelle, au vu des contradictions existant entre sa propre compréhension du problème et celle du gouvernement à l'égard d'un certain nombre de personnes mentionnées dans le cas no 1652 (voir l'annexe au 286e rapport), le gouvernement devrait à présent être prié de fournir des informations complètes et vérifiables sur ces personnes, d'indiquer si elles ont été libérées et, le cas échéant, de signaler si elles ont subi des discriminations en matière d'emploi. Etant donné que lesdites personnes n'ont fait l'objet d'aucun suivi dans la plainte précédente, et en l'absence de toute information spécifique supplémentaire de l'organisation plaignante concernant les persécutions dont elles sont l'objet, le comité n'est pas en mesure d'examiner davantage cette question.
Détentions récentes de syndicalistes
Le Syndicat libre de Chine
356. Le comité prend note des allégations concernant la condamnation de Liu Jingsheng pour avoir tenté d'organiser le Syndicat libre de Chine (FLUC) avec quinze autres personnes, dont les militants pour les droits syndicaux Hu Shigen, Kang Yuchun, Wang Guoqi, Lu Zhigang, Wang Tianchen, Chen Wei, Zhang Chunzu, Rui Chaohuai et Li Quanli, condamnés à des peines comprises entre deux et vingt ans de prison. Le comité note également l'affirmation du gouvernement selon laquelle ces personnes ont été condamnées à la prison pour avoir mené des activités constituant des crimes mettant en danger la sécurité de l'Etat et violant le Code pénal. Le comité note aussi l'indication du gouvernement selon laquelle Rui Chaohuai n'existerait pas. Le comité rappelle toutefois les allégations, formulées dans une plainte précédente, concernant le Syndicat libre de Chine, selon lesquelles une directive du Parti communiste avait demandé une enquête approfondie pour traquer ce syndicat, ainsi que la réponse, apparemment contradictoire, que le gouvernement avait donnée à l'époque, démentant et reconnaissant à la fois l'existence de cette organisation. [Voir 286e rapport, paragr. 727, et 292e rapport, paragr. 388.] De plus, le comité doit exprimer sa profonde préoccupation concernant la rigueur des sanctions infligées et du lien qui semble exister entre la création du FLUC et le fait que leurs dirigeants soient punis. Par conséquent, le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations détaillées et spécifiques sur les accusations portées à l'encontre des membres du FLUC mentionnés en annexe III, y compris copie de tout jugement des tribunaux à cet effet.
Fédération autonome des travailleurs de Beijing
357. Le comité note les allégations relatives à Zhou Guoqiang, qui aurait été arrêté à nouveau en septembre 1994 et condamné à trois ans de rééducation par le travail pour avoir imprimé et tenté de distribuer des maillots portant des «slogans incitatifs», lesquels, selon l'organisation plaignante, appellent simplement au respect des droits syndicaux reconnus au niveau international. L'organisation plaignante indique en outre que Zhou a été faussement incriminé d'une tentative d'évasion et condamné en conséquence à une année supplémentaire de prison, sa peine étant encore prolongée parce que des points ont été retranchés de son «dossier de formation idéologique». De plus, l'organisation plaignante allègue que les droits fondamentaux de Zhou en tant que détenu n'ont pas été respectés, y compris l'accès aux soins médicaux nécessaires. Le comité note également que l'organisation plaignante est convaincue que les relations entre Zhou et Han Dongfang, dirigeant de la Fédération autonome des travailleurs (FAT) de Beijing, ont consitué un motif supplémentaire important du traitement particulièrement rigoureux que les autorités ont infligé à Zhou. Enfin, l'organisation plaignante déclare que l'épouse de Zhou a fait l'objet de tracasseries, a été détenue à plusieurs reprises et battue par des agents de la sécurité publique.
358. Le comité rappelle tout d'abord qu'il a déjà établi que le «régime d'éducation par le travail» appliqué aux personnes ayant été libérées constitue une mesure de détention administrative et de travail forcé à l'égard de personnes non condamnées par des tribunaux et même, dans certains cas, non susceptibles d'être sanctionnées par les organes judiciaires. Cette forme de détention et de travail forcé constitue sans aucun doute une atteinte aux normes fondamentales de l'OIT qui garantissent le respect des droits de l'homme et, dans le cas où elle s'applique à des personnes s'étant livrées à des activités de nature syndicale, une violation manifeste des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 67.] Constatant avec un profond regret que le gouvernement ne répond pas aux allégations très précises concernant Zhou Guoqiang et son épouse, Wang Hui, le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations détaillées à cet égard.
La Ligue pour la protection des droits des travailleurs
359. En ce qui concerne les allégations relatives à la condamnation de Liu Nianchun, Zhang Lin et Xiao Biguang à la rééducation par le travail, ainsi qu'à la détention de Yuan Hongbin, le comité note l'indication du gouvernement selon laquelle Liu a été condamné à trois ans de rééducation pour avoir perturbé l'ordre social et accepté des fonds provenant d'une organisation étrangère hostile à la Chine, tandis que Zhang, qui a purgé une peine de trois ans pour vandalisme, a été libéré en mai 1997 avant de partir pour les Etats-Unis.
360. Rappelant, d'une manière générale, la conclusion formulée plus haut selon laquelle le système d'éducation par le travail, lorsqu'il est appliqué à des personnes qui se sont engagées dans des activités syndicales, constitue une violation flagrante des principes relatifs à la liberté syndicale, le comité relève que les délits mentionnés par le gouvernement ont un caractère vague et général, ce qui conduit le comité à conclure que ces personnes ont été, en fait, condamnées pour leurs activités syndicales. En ce qui concerne l'indication du gouvernement selon laquelle Liu Nianchun a été condamné pour avoir accepté de l'argent d'une organisation hostile en dehors de la Chine, le comité rappelle qu'il a toujours estimé que toutes les organisations nationales de travailleurs et d'employeurs doivent avoir le droit de recevoir une aide pécuniaire venant d'organisations internationales de travailleurs et d'employeurs respectivement, qu'elles soient ou non affiliées à ces organisations. [Voir 305e rapport, paragr. 380.] Par conséquent, la punition pénale d'une telle acceptation constitue une violation des principes de la liberté syndicale.
361. Le comité note, avec profonde préoccupation, les allégations concernant l'état de santé de Liu Nianchun, le fait qu'il soit privé de soins médicaux et la prolongation arbitraire de sa condamnation, ainsi que les très graves allégations de tortures à l'électricité et par privation d'eau. Le comité doit rappeler à cet égard que, lorsque sont formulées des allégations de tortures et de mauvais traitements, le gouvernement devrait donner des instructions précises et appliquer des sanctions effectives si de tels cas viennent à être découverts, afin d'assurer qu'aucun détenu n'est l'objet de tels traitements. Le comité a également souligné l'importance qui devrait être attachée au principe établi par la Convention internationale sur les droits civils et politiques, selon lequel toute personne privée de liberté doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la dignité inhérente à la personne humaine. Par conséquent, le comité insiste auprès du gouvernement pour qu'il prenne les mesures nécessaires afin d'assurer la libération immédiate de Liu et pour que lui soient donnés les soins médicaux appropriés. Le comité lance un nouvel appel au gouvernement pour qu'il diligente une enquête indépendante sur ces graves allégations afin de découvrir les responsables et de les sanctionner. Le comité insiste également sur la nécessité de libérer immédiatement Yuan Hongbin, Xiao Biguang et Gao Feng. Il est demandé au gouvernement de signaler les mesures prises pour libérer ces personnes et de tenir le comité informé des résultats de l'enquête relative aux graves allégations de torture et de mauvais traitements subis en détention par Liu Nianchun.
Le «Forum des travailleurs» de Shenzhen
362. Le comité prend note des allégations et de la confirmation par le gouvernement relatives au procès de Li Wenming et Guo Baosheng et à leur condamnation à trois ans et demi de prison pour activités subversives. Selon l'organisation plaignante, Li, Kuang Lezhuang et Liao Hetang, ainsi que dix autres personnes, ont été arrêtés en mai 1994 après avoir publié et diffusé un bulletin intitulé «Forum des travailleurs» comprenant des informations relatives aux droits des travailleurs. Li a été gardé en détention secrète durant trente mois et condamné, en même temps que Guo, en mai 1997. Li souffrirait d'une grave maladie des reins et serait privé du traitement spécialisé immédiatement nécessaire. Par ailleurs, l'organisation plaignante croit que les compagnons de Li arrêtés en 1994 ont été condamnés à des peines allant jusqu'à trois ans de rééducation par le travail.
363. Tout en affirmant en général que toutes les personnes emprisonnées ont été condamnées pour avoir commis des délits punissables, tel celui de conspiration contre l'Etat dans le présent cas, le gouvernement ne fournit aucune information précise quant à la nature des activités alléguées et ne répond par aux indications très détaillées concernant la nature syndicale de la publication «Forum des travailleurs» et les activités menées par le groupe. A cet égard, le comité doit rappeler que la Conférence internationale du Travail a signalé que le droit de réunion, la liberté d'opinion et d'expression et, en particulier, le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de divulguer, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit constituaient des libertés civiles qui sont essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux (résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée à la 54e session, 1970). [Voir Recueil, op. cit., paragr. 39.] Par conséquent, le comité est d'avis que Li et Guo ont été condamnés pour avoir exercé une activité syndicale légitime et, de ce fait, prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur libération immédiate et, en particulier, l'administration des soins médicaux nécessaires à Li. En ce qui concerne les autres personnes liées au «Forum des travailleurs», le comité note que le gouvernement a seulement signalé que Kuang Lezhuang a été libéré après avoir purgé dix-huit mois de rééducation, mais n'a pas indiqué la situation des autres syndicalistes concernés (voir liste en annexe IV). Par conséquent, le gouvernement est prié de prendre les mesures nécessaires à leur libération immédiate, si ces personnes sont toujours en détention, et d'informer le comité de leur situation.
364. De plus, relevant les allégations selon lesquelles Li et ses compagnons ont été renvoyés après leur tentative de faire enregistrer la Fédération de travailleurs manuels intérimaires et l'Association des travailleurs manuels intérimaires, le comité entend rappeler que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou des activités syndicales légitimes, présentes ou passées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 690.] Par conséquent, le comité demande au gouvernement d'enquêter sur le renvoi de Li et de ses compagnons en 1993 et, s'il apparaît que ce renvoi résulte de leur activité syndicale, de prendre les mesures nécessaires pour qu'ils retrouvent leur emploi s'ils le désirent.
365. Le comité constate avec regret que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations concernant la condamnation de deux conducteurs de taxi, Zheng Shaoqing et Chen Rongyan, à deux ans de rééducation par le travail pour avoir participé à une grève d'une demi-journée dans la zone économique spéciale de Zhuhai. Le comité demande au gouvernement de lui fournir les informations répondant à ces allégations.
366. En dernier lieu, à la lumière de ce qui précède, le comité ne peut que constater que les efforts visant à créer une organisation de travailleurs indépendante, tels le SLC, la LPDT, les diverses FAT et le groupe du «Forum des travailleurs» entraînent des sanctions extrêmement graves pour les dirigeants de ces groupes. Le comité rappelle que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité effective de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations de travailleurs indépendantes à la fois de celles qui existent déjà comme de tout parti politique. [Voir 207e rapport, paragr. 124.] Le comité condamne fermement le fait que les dirigeants de ces groupes aient été, immédiatement après avoir tenté de constituer officiellement des organisations de travailleurs, arrêtés et mis en détention, et considère qu'il s'agit d'une grave violation des principes de la liberté syndicale. Le comité doit exprimer son vif espoir de voir le gouvernement prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour assurer, en pratique, la pleine application de ces principes fondamentaux.
367. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Annexe I
Dirigeants et militants des Fédérations autonomes de travailleurs
(FAT) arrêtés et dont le cas a fait l'objet de plaintes antérieures
Nom |
Allégation la plus récente du plaignant |
Réponse du gouvernement |
Tang Yuanjuan |
8 ans de prison |
|
Leng Wanbao |
Libéré |
|
Li Wei |
8 ans de prison |
|
Wang Miaogen |
Interné de force dans un établissement psychiatrique |
|
Hu Nianyou |
Prison à vie |
Libéré |
Yao Guisheng |
15 ans de prison |
15 ans de prison pour fait de pillage |
Zhang Jingsheng |
13 ans de prison |
|
Wang Chuanghuai |
13 ans de prison |
|
Li Wangyang |
13 ans de prison |
|
Annexe II
Liste supplémentaire de personnes détenues à la suite
des événements de 1989
Nom |
Allégation la plus récente du plaignant |
Réponse du gouvernement |
Chen Gang |
Prison à vie |
Peine de mort commuée en 11ans de prison |
Peng Shi |
Prison à vie |
Prison à vie commuée en 10 ans de prison |
Liu Zhihua |
Prison à vie |
Prison à vie commuée en 11 ans de prison |
Guo Yunqiao |
Peine de mort |
|
Mao Yuejin |
15 ans de prison |
|
Hu Min |
15 ans de prison |
|
Wang Zhaobo |
7 à 15 ans de prison |
|
Huang Lixin |
7 à 15 ans de prison |
|
Huang Fan |
7 à 15 ans de prison |
|
Wan Yuewang |
7 à 15 ans de prison |
|
Pan Quibao |
7 à 15 ans de prison |
|
Yuan Shuzhu |
7 à 15 ans de prison |
|
Annexe III
Membres du Syndicat libre de Chine détenus
Nom |
Allégation la plus récente du plaignant |
Réponse du gouvernement |
Liu Jingsheng |
15 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Hu Shigen |
20 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Kang Yuchun |
17 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Wan Guoqi |
2 à 20 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Lu Zhigang |
2 à 20 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Wang Tiancheng |
2 à 20 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Chen Wei |
2 à 20 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Zhang Chunzhu |
2 à 20 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Rui Chaohuai |
2 à 20 ans de prison |
N'existe pas |
Li Quanli |
2 à 20 ans de prison |
Emprisonnement pour atteinte à la sécurité de l'Etat |
Annexe IV
Détenus du «Forum des travailleurs» de Shenzhen
Nom |
Allégation la plus récente du plaignant |
Réponse du gouvernement |
Li Wenming |
3 ans et demi de prison |
3 ans et demi de prison |
Guo Baosheng |
3 ans et demi de prison |
3 ans et demi de prison |
Kuang Lezhuang |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
18 mois de rééducation libéré |
Liao Hetang |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Fang Yiping |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
He Fei |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Zeng Jiecheng |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Lan Chunquan |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Wu Chun |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Liu Hutang |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Zheng Wuyan |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Wan Xiaoying |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Song Xianke |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Huang Zhong |
Jusqu'à 3 ans de rééducation par le travail |
|
Annexe V
Autres militants syndicaux cités dans la plainte
Nom |
Allégations des plaignants |
Réponse du gouvernement |
Gao Feng |
Rééducation par le travail |
|
Zhou Guogiang |
3 ans de rééducation par le travail |
|
Liu Nianchun |
3 ans de rééducation par le travail |
3 ans de rééducation par le travail |
Yuan Hongbin |
Enfermé dans une bibliothèque à Guiyang |
|
Zhang Lin |
3 ans de rééducation par le travail |
3 ans de rééducation par le travail, libéré en mai 1997 |
Xiao Biguang |
3 ans de rééducation par le travail |
|
Zheng Shaoging |
2 ans de rééducation par le travail |
|
Chen Rongyan |
2 ans de rééducation par le travail |
|
Li Zhongmin |
Détenu pendant deux ans sans procès, puis formellement acquitté |
|
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement de l'Ethiopie
présentée par
-- l'Internationale de l'éducation (IE) et
-- l'Association des enseignants éthiopiens (ETA)
Allégations: meurtre, détention de syndicalistes, discrimination
antisyndicale et ingérence dans l'administration interne d'un syndicat
368. Le comité a examiné ce cas quant au fond à sa session de novembre 1997 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 308e rapport, paragr. 327-347.]
369. Le gouvernement a transmis ses observations complémentaires dans une communication datée du 23 février 1998.
370. L'Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
371. En novembre 1997, le comité avait examiné de très graves allégations de violations de la liberté syndicale impliquant une ingérence du gouvernement dans l'administration et le fonctionnement de l'Association des enseignants éthiopiens (ETA) ainsi que le meurtre, l'arrestation, le harcèlement, le licenciement et la mutation de certains dirigeants et membres de l'ETA.
372. Le comité avait noté que ces allégations faisaient état de mesures gouvernementales répressives contre l'ETA. Le comité avait relevé le caractère très incomplet de la réponse du gouvernement, et en particulier il avait noté avec un profond regret que le gouvernement n'avait pas fait de commentaire spécifique sur un certain nombre d'allégations graves présentées par les plaignants.
373. A sa session de novembre 1997, et au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes:
B. Nouvelle réponse du gouvernement
374. En ce qui concerne les charges invoquées contre le Dr Taye Woldesmiate, le gouvernement déclare que le Dr Woldesmiate ainsi que cinq autres personnes ont été accusés du crime de constitution d'organisation terroriste connue sous le nom de «Front patriotique national d'Ethiopie» dont le but principal est le renversement du gouvernement légitime par la force. Le Dr Woldesmiate serait le président présumé de cette organisation, dont les principaux objectifs seraient les suivants:
375. Le gouvernement prétend par conséquent que l'arrestation du Dr Woldesmiate et les poursuites pénales intentées contre lui n'étaient pas liées à son appartenance à l'ETA ni à ses activités syndicales au sein de cette association. Le gouvernement conteste l'affirmation des plaignants selon laquelle la Cour aurait rendu une ordonnance de non-lieu sur les deux chefs d'accusation les plus graves invoqués contre le Dr Woldesmiate, et indique que l'affaire est encore en instance devant la Haute Cour fédérale.
376. En ce qui concerne la situation de l'ETA, le gouvernement affirme que la liberté syndicale est protégée en vertu de la Constitution du pays; toutefois, les associations créées en vue d'activités politiques clandestines antisociales, ainsi que celles qui exercent des activités illégales, ne le sont pas. Le gouvernement allègue que le Dr Woldesmiate et les autres anciens membres de l'ETA ont fait un usage abusif des droits syndicaux. Puisque les dirigeants de l'ETA ont des objectifs politiques cachés et ont adopté une attitude antagoniste, le gouvernement déclare qu'il était nécessaire d'engager contre eux une action en justice. S'agissant du gel des avoirs de l'ETA, le gouvernement affirme qu'il est convaincu que le cas sera jugé par un tribunal indépendant et il observe que toute ingérence dans une procédure judiciaire est interdite par la loi.
377. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les membres de l'ETA auraient été harcelés et emprisonnés, le gouvernement affirme que, dans la mesure où cette association est une entité légale, cette sorte de mauvais traitements ne s'est jamais produite. L'appartenance à une association est soutenue et encouragée en Ethiopie mais, en l'occurrence, il s'agit, selon lui, d'actes illégaux accomplis sous le couvert d'une association. A cet égard, le gouvernement souligne, en particulier, que c'est le cas pour M. Ato Abate Angore.
378. En ce qui concerne la liste des membres de l'ETA qui auraient été arrêtés en raison de leur participation active à l'ETA, le gouvernement déclare brièvement que cette allégation obéit à des mobiles politiques et est dépourvue de fondement juridique.
379. Le gouvernement affirme en outre, en ce qui concerne les allégations de licenciement des membres et dirigeants de l'ETA, que la garantie d'une protection contre toute discrimination syndicale fait du principe que l'intéressé est membre ou dirigeant d'une organisation/association légalement établie. Notant, en particulier, l'allégation de licenciement des dirigeants de l'ETA, le gouvernement déclare que tous les dirigeants de l'ETA appartenaient initialement à la profession enseignante et avaient été correctement élus. Cependant, lors de l'élection de nouveaux membres de la direction ou s'ils ne s'acquittaient pas de leurs fonctions, ils devaient réintégrer leur ancien poste. Or les anciens dirigeants de l'ETA n'ont pas reconnu les changements opérés par les enseignants eux-mêmes, qui ont procédé à de nouvelles élections, et, lorsqu'ils ont été remplacés par d'autres, les anciens membres de l'ETA à qui l'on demandait de réintégrer leur ancien poste s'ils souhaitaient garder leur emploi ont choisi de ne pas le faire.
380. Le comité rappelle que ce cas concerne de graves allégations relatives à la liberté syndicale, en particulier le refus du gouvernement de continuer à reconnaître l'ETA, le gel des avoirs de cette organisation ainsi que le meurtre, l'arrestation, la détention, le harcèlement, le licenciement et la mutation de membres et de responsables de l'ETA.
381. Etant donné la gravité de ces allégations, le comité ne peut que déplorer vivement le fait que le gouvernement n'a fourni au comité qu'une réponse vague et partielle, refusant ou négligeant de répondre en détail aux questions précises posées par le comité dans ses recommandations antérieures.
382. En ce qui concerne l'allégation d'ingérence du gouvernement dans l'administration et le fonctionnement de l'ETA, l'argumentation générale du gouvernement semble être que, puisque les dirigeants de l'ETA ont été accusés d'activités terroristes, toute garantie de la liberté syndicale doit être refusée à l'organisation et à ses membres. Le comité rappelle tout d'abord que l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat ne devrait être possible que par voie judiciaire. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 670.] Par ailleurs, même au cas où certains dirigeants ou membres de l'ETA auraient été convaincus d'avoir participé à des activités illégales, l'organisation elle-même devrait avoir le droit de poursuivre ses activités; les travailleurs ne devraient pas être privés de leur syndicat en raison d'un jugement prononcé à l'encontre de certains de ses membres ou dirigeants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 667.] Dans les arguments qu'il invoque pour justifier les mesures prises, le gouvernement s'appuie sur les agissements présumés de certains individus au sein de l'organisation, et non sur les activités de l'ETA dans son ensemble. Etant donné qu'aucun dirigeant ou membre de l'ETA n'a été reconnu coupable d'avoir participé à des activités terroristes -- puisque, si des accusations ont été portées contre eux, aucune condamnation n'a encore été prononcée --, il existe une forte présomption que l'annulation de l'enregistrement de l'ETA constitue une violation des principes de liberté syndicale. En outre, non seulement l'annulation de l'enregistrement de l'ETA n'a pas été effectuée par voie judiciaire, mais encore la Cour d'Ethiopie a fait droit à la demande de l'ETA, et il semble que le gouvernement ne soit pas disposé à donner effet à cette décision avant de connaître le résultat de l'appel. Le comité regrette profondément que le gouvernement n'ait pas fourni d'informations sur la décision de la Cour ni sur son intention de s'y conformer, ainsi qu'il en avait été prié. Le comité invite instamment le gouvernement à se conformer à la décision de la Cour et à dégeler les avoirs de l'organisation, et il demande à être tenu informé des mesures prises à cet égard. Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la procédure d'appel en cours et de lui envoyer copie de la décision lorsqu'elle aura été rendue.
383. S'agissant de l'arrestation et de la détention du Dr Woldesmiate, et vu l'extrême gravité des allégations, le comité ne peut que regretter profondément que le gouvernement, dans sa réponse, n'ait pas fourni les renseignements précis demandés par le comité, à savoir les dates des arrestations, la date à laquelle l'intéressé a été inculpé et les faits sur lesquels repose l'inculpation; le comité se voit dans l'obligation de demander à nouveau au gouvernement de fournir ces renseignements. Le gouvernement s'est borné dans sa réponse à évoquer la nature des accusations. Le comité rappelle à cet égard que le point de savoir si une telle question relève du droit pénal ou de l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé. C'est au comité qu'il appartient de se prononcer à ce sujet après examen de toutes les informations disponibles. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 111, 114.]
384. Le comité ne peut que déplorer aussi que le Dr Woldesmiate ait été détenu depuis mai 1996 et il rappelle que tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et spécialement le droit qu'a toute personne détenue ou inculpée de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 96.] Le comité prie instamment le gouvernement à faire en sorte que l'intéressé soit libéré ou jugé sans délai par une autorité judiciaire impartiale et indépendante lui assurant toutes les garanties nécessaires à sa défense.
385. En ce qui concerne les allégations de détention et de harcèlement de certains dirigeants et membres de l'ETA, le comité estime là aussi que la réponse du gouvernement n'est pas satisfaisante en raison de son caractère trop vague. Le gouvernement, dans sa réponse, ne nie pas que de tels actes aient été commis, mais il allègue, à titre de justification, que l'ETA n'est pas une organisation légitime. Le comité note, toutefois, que la Cour d'Ethiopie a reconnu la légitimité de l'ETA.
386. Le comité rappelle que l'arrestation et la détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, même pour des raisons de sécurité intérieure, risquent d'impliquer une grave ingérence dans l'exercice de droits syndicaux si elles ne s'accompagnent pas de garanties judiciaires appropriées, y compris le droit pour l'intéressé d'être informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et de recevoir notification, dans les plus brefs délais, de l'accusation portée contre lui. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 84, 93-95.] Le comité rappelle en outre que les droits des organisations de travailleurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations et qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 47.] Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que tous les membres de l'ETA encore détenus soient libérés ou jugés sans délai par une autorité judiciaire impartiale et indépendante leur assurant toutes les garanties nécessaires à leur défense. En outre, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'à l'avenir les travailleurs ne soient pas soumis à un harcèlement ou arrêtés en raison de leur appartenance à un syndicat ou de leurs activités syndicales.
387. Le comité rappelle que, selon les allégations, l'introduction unilatérale d'un système d'évaluation pour les enseignants aurait été, pour le gouvernement, un moyen de harceler l'ETA, ce qui a entraîné un grave conflit. Le comité demande à nouveau au gouvernement de procéder à des consultations avec l'ETA à ce sujet pour que ce système ne serve pas de prétexte à une discrimination antisyndicale.
388. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle tous les dirigeants de l'ETA et un certain nombre de ses membres auraient été licenciés, le comité note que le gouvernement, dans sa réponse, semble affirmer que ces licenciements se justifiaient, puisque seuls les membres et les dirigeants d'organisations légalement établies bénéficient de la protection contre la discrimination antisyndicale. Le gouvernement, par conséquent, ne semble pas nier que les membres de l'ETA, dont il est allégué qu'ils ont été licenciés, l'ont effectivement été en raison de leur appartenance à l'ETA et de leurs activités syndicales. En ce qui concerne, en particulier, les dirigeants de l'ETA, dont il est allégué qu'ils ont tous été licenciés, le gouvernement nie qu'ils l'aient été et affirme qu'il leur a été demandé de réintégrer leur ancien poste, une fois les nouveaux dirigeants de l'ETA élus, mais qu'ils ont choisi de ne pas le faire.
389. Pour ce qui est tout d'abord du licenciement des responsables et des membres de l'ETA en général, le comité rappelle que le licenciement d'un travailleur en raison de son appartenance à un syndicat ou de ses activités syndicales porte manifestement atteinte aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 690, 702.] En ce qui concerne ensuite l'allégation selon laquelle tous les membres de l'ETA auraient été licenciés, les plaignants reconnaissent que les dirigeants de l'ETA ne travaillent plus dans leurs anciens emplois. Le comité note que, tout comme pour le licenciement des membres, le gouvernement justifie cet état de fait par le caractère illégitime de l'ETA en tant qu'organisation, d'une part, et de sa direction, d'autre part. Dans le cas présent, il faut à nouveau rappeler que la Cour d'Ethiopie a reconnu l'ETA comme une organisation légitime. Le comité ne peut, par conséquent, que prier instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les dirigeants et les membres de l'ETA qui ont été licenciés soient réintégrés dans leurs emplois, s'ils le désirent, et soient indemnisés pour leurs salaires perdus.
390. Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu à l'allégation selon laquelle M. Assefa Maru, secrétaire adjoint de l'ETA chargé du développement et de la coopération et membre du Conseil exécutif, aurait été tué par la police alors qu'il allait à pied à son travail, sans arme et qu'il ne tentait pas de fuir. Vu l'extrême gravité de cette allégation, le comité ne peut que prier instamment le gouvernement de diligenter immédiatement une enquête judiciaire indépendante pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'ouverture et de l'issue de l'enquête.
391. Enfin, le comité ne peut qu'exprimer sa profonde inquiétude face à l'extrême gravité de ce cas. Le comité demande instamment au gouvernement de coopérer à la procédure en fournissant une réponse détaillée à toutes les questions qu'il a posées.
392. Au vu de ses conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement de la France (Guyane)
présentée par
l'Union des travailleurs guyanais (UTG)
Allégations: arrestations et déportations de dirigeants
et de militants syndicaux
393. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de l'Union des travailleurs guyanais (UTG) datée du 3 juin 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 2 mars et 19 mai 1998.
394. La France a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et a déclaré ces conventions applicables sans modification à la Guyane française.
A. Allégations de l'organisation plaignante
395. Dans sa communication datée du 3 juin 1997, l'Union des travailleurs guyanais (UTG) adresse au BIT une plainte en violation de la liberté syndicale, et notamment des articles 3 et 8 de la convention no 87. Elle allègue l'arrestation puis la déportation de quatre dirigeants et militants syndicaux ainsi que de huit jeunes guyanais, au cours des mois d'avril et de mai 1997, dans le but, selon elle, de la discréditer et de réduire son influence.
396. L'UTG se réfère aux arrestations suivantes:
Ces derniers ont pu avoir la visite de leurs avocats au bout de la vingtième heure de garde à vue et ils ont été déportés, le 24 avril à 5 heures, à la prison de Ducos à la Martinique par navire militaire sans que personne ne soit prévenu (ni famille, ni avocat). La trousse de médicaments de l'un des dirigeants syndicaux, Jean-Claude Ringuet, diabétique, amenée par son épouse au commissariat aurait été refusée et il aurait été victime d'un malaise dans le bureau du juge d'instruction à son arrivée à Fort-de-France;
397. Les infractions reprochées par les juges français pour justifier l'emprisonnement des militants de l'UTG sont:
398. Selon l'organisation plaignante, l'instruction aurait été menée durant trois mois par un juge de Cayenne désigné par le Procureur de la République de Cayenne, puis délocalisée au motif que l'on ne peut être juge et partie. Or les magistrats de Fort-de-France siègent régulièrement à Cayenne par le biais de la Cour d'appel de Fort-de-France, qui est également la juridiction d'appel du tribunal de Cayenne. Le dossier serait constitué essentiellement de témoignages qui se contredisent sur lesquels les témoins seraient revenus affirmant qu'ils leur auraient été extorqués. L'élément principal qui aurait permis l'ouverture de l'instruction serait un témoignage anonyme. Le Procureur de la République concerné aurait reconnu n'avoir vu personne. Une personnalité connue du voisinage aurait vu des jeunes autour de la maison lancer des engins incendiaires, sans avoir reconnu aucune des personnes présentes, bien que les quatre militants syndicaux poursuivis soient très connus. La plupart des témoins seraient les jeunes incarcérés qui seraient tous revenus sur leurs aveux. L'organisation plaignante insiste sur le fait que des responsables syndicaux n'auraient aucun mobile et aucun intérêt à brûler la maison d'un Procureur de la République.
399. L'organisation plaignante fait ensuite un rappel des événements qui ont précédé les arrestations. Elle explique qu'en novembre 1996 des lycéens de Guyane se sont mis en grève durant plusieurs semaines pour obtenir la création d'un rectorat et les moyens d'une bonne éducation et que, dès le début, l'UTG a apporté son soutien au mouvement lycéen, les revendications avancées étant depuis plusieurs années réclamées par le Syndicat des travailleurs de l'enseignement de Guyane/UTG. Dans la soirée du 8 novembre 1996, alors que les représentants des lycéens négociaient à la préfecture, le préfet aurait donné l'ordre aux gardes mobiles de charger les jeunes et leurs parents qui manifestaient dehors dans le calme en attendant le résultat des négociations. Plusieurs véhicules à deux roues, appartenant aux lycéens, auraient été brûlés par les gardes mobiles. Les manifestants auraient été matraqués sans sommation et des tirs tendus de grenades lacrymogènes auraient été effectués. Plusieurs nuits d'émeutes s'en seraient suivies. Un jeune aurait été grièvement blessé par un tir à bout portant d'un policier. D'autres auraient été blessés moins grièvement par des grenades à déflagration et des tirs tendus de grenades lacrymogènes.
400. Le 9 novembre 1996, l'UTG a appelé à la grève générale pour le 13 novembre 1996 contre la répression et en vue d'obtenir satisfaction sur les revendications. La manifestation du 13 novembre aurait réuni plus de 5 000 personnes défilant dans les rues de Cayenne dans le calme et la dignité. Entre-temps, dans la nuit du 12 au 13 novembre 1996, des affrontements violents avaient opposé les jeunes aux gardes mobiles. Plusieurs jeunes arrêtés durant les émeutes des jours précédents ont été condamnés par le tribunal de Cayenne à la suite du réquisitoire du Procureur de la République, réquisitoire qui, selon l'organisation plaignante, a constitué un véritable détonateur. Cette nuit-là, des engins incendiaires auraient été lancés contre la maison où réside le Procureur de la République, brûlant sa porte.
401. Des négociations ont eu lieu avec les ministres de l'Education nationale et des départements et territoires d'outre-mer toute la journée du 20 novembre 1996. En fin d'après-midi, les revendications des lycéens et de la population guyanaise étaient satisfaites.
402. L'organisation plaignante brosse également un tableau historique de la situation. L'UTG, explique-t-elle, est une jeune centrale qui a été créée en novembre 1967. Lors de son cinquième congrès, en 1985, les orientations qu'elle a choisies ont permis son renforcement et son développement. Elle a, à plusieurs reprises, interpellé l'Etat sur ses choix économiques lors des grands chantiers de l'Etat de 1988 à 1992, du fait du non-respect de la législation du travail et de la complaisance alléguée de l'inspection du travail à l'égard des grandes entreprises françaises, à l'origine de nombreux conflits et de grèves, et organisé diverses actions, dont des grèves en octobre 1992 et janvier 1994 en liaison avec d'autres organisations syndicales regroupées au sein du Mouvement syndical unitaire (MSU) ou de la Conférence des syndicats anticolonialistes des colonies de la France (CSACF). Des conflits sociaux importants ont aussi marqué l'année 1996 et le début de 1997, notamment dans la fonction publique locale et les transports. C'est à ce moment que la répression a commencé contre les principaux dirigeants de l'UTG. L'UTG souligne qu'elle était devenue majoritaire au sein du Comité stratégique pour les Etats généraux du développement économique réel et durable lorsque des militants ont été arrêtés.
403. Enfin, l'UTG rappelle que, dès 1973, lors de son troisième congrès, elle a pris position pour l'indépendance de la Guyane et qu'elle a confirmé cette position lors de ses congrès successifs.
404. En conséquence, l'organisation plaignante souhaite interpeller le gouvernement pour recueillir ses explications sur les agissements contre la liberté syndicale en Guyane et elle exige la libération immédiate de militants syndicaux et des jeunes emprisonnés.
B. Réponse du gouvernement
405. Dans sa communication du 2 mars 1998, le gouvernement rappelle que la France a ratifié la convention no 87 et que celle-ci, tout comme la liberté syndicale garantie par la Constitution nationale, s'applique, sans restriction aucune, sur l'ensemble du territoire de la République à laquelle appartiennent les départements d'outre-mer, y compris la Guyane. Le gouvernement, se référant à l'étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, reconnaît également l'interdépendance entre les libertés publiques et les droits syndicaux.
406. Le gouvernement fait remarquer, à propos du caractère d'organisation professionnelle de l'UTG au sens des articles 8 et 10 de la convention no 87, que l'UTG elle-même a rappelé sa prise de position effectuée dès 1973 pour l'indépendance de la Guyane, département qui n'est, selon la Constitution française, pas divisible de la République. Il s'ensuit trois conséquences:
407. L'action de l'UTG est donc à la fois syndicale et politique. Ainsi l'UTG est l'initiatrice de la première Conférence des syndicats anticolonialistes des colonies de la France (CSACF) qui fédère diverses organisations syndicales réputées «indépendantistes des départements français d'outre-mer». Les thèmes de l'UTG sont propagés par une radio locale proche d'elle et certains de ses dirigeants se retrouvent à la tête de partis indépendantistes locaux, dont l'un offre une filiation certaine avec l'UTG.
408. Les gouvernements français successifs, admettant qu'il y a interdé-pendance entre les droits syndicaux et les libertés publiques, et notamment la liberté d'expression et d'association, se sont interdits d'entamer la moindre action à l'encontre de l'UTG comme les y autorisent les termes de l'article L.481-1 du Code du travail. Bien que l'action syndicale de l'UTG dépasse la simple défense des droits matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par ses statuts et la critique, même incisive, de politiques économiques et sociales, les autorités françaises l'ont toujours laissée s'exprimer, y compris lorsque l'UTG joue le rôle d'un contre-pouvoir de l'Etat central.
409. La relation de sa participation aux Etats généraux du développement économique réel et durable, qui figure dans la plainte, est à cet égard éclairante, indique le gouvernement. Ces Etats généraux composés de collèges représentant les divers secteurs de la société civile guyanaise (salariés, socioprofessionnels, partis politiques) posent «la question du changement statutaire comme une condition fondamentale pour un véritable développement économique». Un des responsables de l'UTG, M. Pindard, représente le collège des partis politiques (indépendantistes) au bureau du comité stratégique qui dirige les travaux des divers collèges, bureau chargé d'en fixer les orientations.
410. La confusion entre l'action syndicale et l'action politique de l'UTG est donc totale. Celle-ci participe à des Etats généraux qui débattent des rapports entre le statut du département de la Guyane et son développement économique et social; l'un de ses responsables est l'élu d'un collège rassemblant des partis politiques, ce qui prouve à l'évidence qu'il est membre de l'un d'entre eux.
411. S'agissant des rapports entre la liberté syndicale et les arrestations prétendument arbitraires, la plainte de l'UTG établit un lien de cause à effet entre les arrestations survenues en avril et mai 1997 et une volonté du gouvernement de réduire ou de discréditer son influence. Pour le gouvernement, cette argumentation est erronée:
Ce rappel atteste que l'UTG n'est pas partie directement aux négociations qui ont eu lieu le 8 novembre entre le représentant de l'Etat et les lycéens et aux manifestations qui s'ensuivent. Cette mention témoigne que le gouvernement a respecté la liberté syndicale et qu'il n'a pas invoqué les raisons d'ordre public pour l'interdire et ainsi limiter l'existence du droit syndical protégé par la convention no 87;
Il ressort de ce qui précède que l'UTG ne peut prétendre que les événements en cause ont une origine syndicale ou qu'elle y a participé en tant que telle.
412. Quant à la question de savoir si la détention de certains membres de l'UTG, qui ont participé à des mouvements sans rapport avec une activité syndicale, constitue, comme il est allégué, une violation grave des principes de la liberté syndicale, la réponse à celle-ci se trouve, selon le gouvernement, dans l'étude d'ensemble de la commission d'experts qui précise:
Les mesures d'arrestation et de détention, même si c'est pour une courte durée, de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice de leurs activités syndicales légitimes, sans que leur soit imputé un délit ou sans qu'il existe un mandat judiciaire, constituent une violation grave des principes de la liberté syndicale. L'exercice d'activités syndicales ne confère pas d'immunité à l'égard de la législation pénale ordinaire, mais les autorités ne devraient pas prendre prétexte des activités syndicales légitimes pour prendre des mesures arbitraires d'arrestation et de détention.
413. Le gouvernement observe que l'émeute n'est pas une forme légitime de l'activité syndicale et que l'UTG n'y a pas participé en tant que telle. Si certains de ses membres ont pris part à des actions de force, c'est à titre autre que celui de syndicaliste et, dès lors, la question de l'application de la convention no 87 au cas d'espèce ne se pose plus.
414. Le gouvernement estime que l'UTG se comporte autant comme un contre-pouvoir politique à l'Etat central que comme une organisation syndicale. Cependant, appréciant libéralement le lien existant entre l'activité syndicale et les libertés publiques, telle la liberté d'expression, il a toujours laissé l'UTG libre de ses paroles et de ses actes pour autant qu'ils aient une relation, même ténue, avec la liberté syndicale.
415. En conclusion, le gouvernement souhaite répondre aux allégations de l'UTG que la doctrine de cette organisation est contraire au principe de l'indivisibilité de la République, dont les autorités ont ratifié la convention no 87, que l'UTG se prévaut de cette convention et qu'il convient d'observer qu'elle ne respecte pas la légalité, comme elle y est tenue par l'article 8, paragraphe 1, de la convention, que, dès lors, la question de savoir si l'UTG, dans sa doctrine et sa pratique, est une «organisation», telle que définie par l'article 10 de la convention, se pose. Le gouvernement rappelle sur ce point que l'étude d'ensemble précise que:
La liberté syndicale implique, pour les organisations d'employeurs et de travailleurs, le droit d'organiser en toute liberté leurs activités et de formuler les programmes d'action visant à défendre tous les intérêts professionnels de leurs membres dans le respect de la légalité.
416. Dans sa communication du 19 mai 1998, le gouvernement indique que tous les syndicalistes intéressés sont maintenant en liberté. Le gouvernement précise qu'Alain Michel, interpellé le 11 avril 1997 et incarcéré le 12 avril, a été remis en liberté le 15 septembre 1997. Jean Victor Castor, interpellé le 22 avril 1997 et incarcéré le 24 avril, a été remis en liberté le 27 juin 1997. De nouveau interpellé le 21 juillet 1997 et incarcéré le 22 juillet, il a été définitivement élargi le 6 août 1997. Fabien Canavy, interpellé le 22 avril 1997 et incarcéré le 24 avril, a été remis en liberté le 29 avril 1997. Jean-Claude Ringuet, interpellé le 22 avril 1997 et incarcéré le 24 avril, a été remis en liberté le 26 juin 1997.
417. Le comité note que les allégations formulées dans cette affaire concernent l'arrestation et la détention de dirigeants et militants syndicaux. Il observe que les appréciations de l'organisation plaignante et du gouvernement sur cette affaire diffèrent sur plusieurs points.
418. Pour l'organisation plaignante, l'arrestation et la déportation de quatre dirigeants et militants syndicaux ainsi que de huit jeunes Guyanais au cours des mois d'avril et mai 1997 ont eu pour but de la discréditer et de détruire son influence. L'organisation plaignante explique que les arrestations sont dues au fait que les dirigeants et les militants syndicaux, nommément désignés avaient participé à une action de grève en novembre 1996, soit six mois avant leurs arrestations, pour appuyer les revendications d'un mouvement lycéen qui souhaitait obtenir la création d'un rectorat et les moyens d'une bonne éducation. Ces revendications étaient, d'après l'organisation plaignante, depuis plusieurs années formulées par le Syndicat des travailleurs de l'enseignement de Guyane affilié à l'UTG. Ces revendications ont d'ailleurs été satisfaites par les autorités publiques.
419. L'organisation plaignante reconnaît que des violences ont été commises au cours des manifestations de novembre 1996, mais elle nie absolument que les dirigeants et les militants syndicaux arrêtés six mois plus tard aient été impliqués dans ces violences.
420. L'organisation plaignante reconnaît aussi avoir, dès 1973, milité pour l'indépendance de la Guyane et posé en avril 1997 la question du changement statutaire de la Guyane comme condition fondamentale pour un véritable développement économique du territoire.
421. L'ensemble de ces éléments aurait eu pour conséquences l'arrestation puis la déportation des syndicalistes de l'UTG, accusés à tort d'avoir participé à l'incendie de la porte de la maison du Procureur de la République de Cayenne lors de manifestations étudiantes de novembre 1996.
422. Pour le gouvernement, en revanche, se pose la question du caractère professionnel de l'UTG, au sens de la convention no 87, à savoir que les organisations de travailleurs ont le droit d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action visant à défendre tous les intérêts professionnels de leurs membres dans le respect de la légalité. En effet, l'UTG fait elle-même état de diverses positions et actions qui révèlent une confusion totale entre l'action syndicale et l'action politique.
423. En conséquence, pour le gouvernement, la participation des membres de l'UTG aux manifestations violentes qui ont eu lieu à Cayenne en novembre 1996 n'est pas susceptible de se rattacher à l'exercice de l'activité syndicale, même dénaturée, et ne relève que de l'initiative personnelle ou de la consigne émanant de partis politiques. Le gouvernement considère qu'il n'y a pas de rapport entre l'arrestation de personnes soupçonnées d'avoir commis des délits de droit commun et la violation de la convention no 87.
424. Le comité observe ainsi que le gouvernement fournit des commentaires sur la nature politique de certaines actions et positions de l'organisation plaignante, mais il regrette profondément qu'il ne se réfère que de façon générale à des délits de droit commun qui auraient été commis par des dirigeants et des militants syndicaux de l'UTG et d'autres personnes, arrêtées et déportées depuis avril-mai 1997. Le gouvernement n'indique pas si ces personnes font encore l'objet d'une procédure judiciaire. A cet égard, le comité rappelle que les réponses des gouvernements contre lesquels des plaintes sont présentées ne devraient pas se limiter à des observations de caractère général. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 21.] Le comité note cependant que les syndicalistes nommément désignés par les plaignants, MM. Alain Michel, Jean Victor Castor, Fabien Canavy et Jean-Claude Ringuet, sont maintenant en liberté.
425. Notant les commentaires du gouvernement sur l'UTG, le comité rappelle que la mission fondamentale des syndicats devrait être d'assurer le développement du bien-être économique et social de tous les travailleurs et que les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs et leurs organisations défendent se rapportent non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail et aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions politiques, économiques et sociales et aux problèmes qui intéressent directement les travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 27 et 29.]
426. S'agissant des allégations relatives à l'arrestation et à la déportation de dirigeants et de militants syndicaux de l'UTG, le comité rappelle que la détention prolongée de personnes, sans les faire passer en jugement en raison de la difficulté de présenter des moyens de preuve selon la procédure normale, implique un danger inhérent d'abus et est, pour cette raison, criticable. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 90.] Il rappelle que la politique de tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme et, spécialement, du droit de toute personne détenue de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 96.] Le comité a toujours insisté sur l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque les syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 109.]
427. Dans cette affaire, le comité note avec une profonde préoccupation la lenteur de la procédure d'instruction et les entraves que n'a pas manqué de ressentir dans son fonctionnement l'organisation syndicale à laquelle appartenaient les intéressés du seul fait de la détention de ses dirigeants.
428. Le comité rappelle également que dans de nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicalistes avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées en raison d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s'est fait une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l'examen des allégations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 111.] Le comité a maintes fois relevé que, là où des personnes sont condamnées pour des raisons sans rapport avec l'exercice des droits syndicaux, la question échappe à sa compétence. Il a cependant souligné que le point de savoir si une telle question relève du droit pénal ou de l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé, mais que c'est au comité qu'il appartient de se prononcer à ce sujet, après examen de toutes les informations disponibles et, surtout, du texte du jugement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 114.]
429. Dans le cas d'espèce, le comité insiste auprès du gouvernement pour qu'il abandonne les charges qui pèsent sur les dirigeants et militants syndicaux. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
430. Le comité demande à l'organisation plaignante d'indiquer si les autres personnes mentionnées dans la plainte sont membres d'organisations syndicales de travailleurs.
431. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport intérimaire
Plaintes contre le gouvernement de l'Indonésie
présentées par
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
-- la Confédération mondiale du travail (CMT)
-- le Serikat Buruh Sejahtera (SBSI) et
-- l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation,
de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac
et des branches connexes (UITA)
Allégations: déni de reconnaissance d'un syndicat;
ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales;
harcèlement et détention de syndicalistes
432. Le comité a examiné ce cas à ses sessions de mars 1995 [voir 297e rapport, paragr. 484-537, approuvé par le Conseil d'administration à sa 262e session (mars-avril 1995)], mars 1996 [voir 302e rapport, paragr. 447-479, approuvé par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996)], novembre 1996 [voir 305e rapport, paragr. 327-371, approuvé par le Conseil d'adminis-tration à sa 267e session (novembre 1996)] et novembre 1997 [voir 308e rapport, paragr. 404-450, approuvé par le Conseil d'administration à sa 270e session (novembre 1997)], où il a présenté des conclusions intérimaires.
433. L'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a présenté de nouvelles allégations dans une communication datée du 6 novembre 1997. La Confédération mondiale du travail (CMT) a fait de même dans une communication datée du 10 mars 1998. La CMT a présenté des informations complémentaires dans une communication en date du 25 mai 1998.
434. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication datée du 16 février 1998.
435. L'Indonésie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
436. Lors de son précédent examen du cas, le comité avait examiné de très graves allégations de violation continue des droits syndicaux en Indonésie concernant le déni du droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix, l'ingérence persistante des autorités publiques, des militaires et des employeurs dans les activités syndicales, et les restrictions apportées sans cesse à la négociation collective et à l'exercice du droit de grève. Le cas traitait aussi de graves allégations relatives au meurtre, à la disparition, à l'arrestation et à la détention d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et de travailleurs.
437. Le comité avait profondément déploré le fait que les autorités indonésiennes n'avaient pratiquement adopté aucune mesure pour redresser la situation. Au contraire, la gravité des nouvelles allégations l'avait conduit à estimer que la situation générale des travailleurs en Indonésie n'avait pas évolué et se caractérisait toujours par des violations de plus en plus graves, en droit et en pratique, des droits fondamentaux de l'homme et des principes de la liberté syndicale.
438. A sa session de novembre 1997, au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes:
B. Nouvelles allégations des plaignants
439. Dans sa communication du 6 novembre 1997, l'UITA affirme que le 19 septembre 1997 deux responsables de l'UITA -- Ma Wei Pin et Greg Sword, respectivement secrétaire et président de l'Organisation régionale Asie/Pacifique de l'UITA -- ont été détenus par la police alors qu'ils assistaient au 2e Congrès de la Confédération syndicale indépendante SBSI à Jakarta. Après que des policiers en tenue anti-émeute eurent interrompu le congrès syndical, Ma Wei Pin et Greg Sword furent emmenés au commissariat de police central de Jakarta et gardés ensuite sous la surveillance de policiers jusqu'au moment où ils furent conduits sous escorte, le 21 septembre 1997, à l'aéroport, d'où ils retournèrent en Australie. Aucune accusation n'a été portée contre eux, et ils n'ont pas été informés de la raison de leur détention.
440. L'UITA explique que Ma Wei Pin et Greg Sword (qui est également secrétaire national de la Fédération nationale des travailleurs d'Australie et vice-président du Conseil des syndicats australiens (ACTU) assistaient au congrès du SBSI pour faire part de l'appui de l'UITA à la défense de la liberté syndicale en Indonésie et de sa solidarité avec le président du SBSI, Muchtar Pakpahan, qui attend actuellement d'être jugé de prétendue «subversion», accusations pour lesquelles il pourrait être condamné à la peine capitale. L'UITA affirme que la détention de ces dirigeants ainsi que les mesures prises par la police à l'encontre d'un congrès syndical pacifique constituent une violation grave des droits démocratiques fondamentaux et des droits syndicaux. De plus, les mesures prises par le gouvernement violent également le droit de l'UITA, en tant qu'organisation internationale de travailleurs, d'avoir des réunions et de consulter des organisations de travailleurs en Indonésie. Ces mesures constituent une violation flagrante de la liberté syndicale tant du SBSI, dont la Fédération de l'alimentation, des boissons, du tourisme, de l'hôtellerie-restauration est affiliée à l'UITA, que de l'UITA même.
441. Dans sa communication du 10 mars 1998, la CMT déclare qu'elle a été informée par son affilié, le SBSI, de l'arrestation et de la détention des dirigeants du syndicat indépendant suivants: Mme Farah Diba (chef du Département du travail pour les femmes et les enfants du SBSI); M. Yudi Rahmat (vice-président du Conseil national du SBSI); M. Yudi Hermanto (président du SBSI à Padang); M. Sukirman (membre du SBSI de Lampung); M. Sanusi (membre du SBSI de Tanjung Priok-Jakarat) et MM. Seno, Mahmut et Sumantri (militants de la section locale du SBSI à Serang, Java-Ouest).
442. La CMT allègue plus précisément que Mme Diba a été arrêtée par la police régionale de Jakarta (POLDA) le 8 mars 1998 pour avoir organisé une manifestation sur la voie publique dans le cadre de la campagne de protestation que le SBSI mène contre l'augmentation des prix du riz et en faveur de conditions de vie convenables pour les travailleurs. Selon M. Aritonang, porte-parole de la police de Jakarta, elle sera accusée, en vertu de l'article 510 du Code pénal, d'avoir dirigé une manifestation non autorisée. L'article 510 prévoit une peine maximale de deux semaines d'emprisonnement. MM. Rahmat et Harmanto ont été arrêtés le 9 mars 1998 pour avoir tenu une réunion illégale et distribué des lettres de protestation au public. Ils n'ont pas été accusés formellement, mais la CMT craint que leurs cas soient considérés comme relevant de la loi, tristement célèbre, sur les activités subversives qui prévoit la peine maximale de la condamnation à mort. Comme MM. Sukirman et Sanusi, ils ont été arrêtés le 10 mars 1998 et attendent actuellement d'être interrogés par la police. M. Sukirman a été arrêté parce qu'il essayait de créer une section du SBSI au niveau de l'usine à Lampung Utara (Sud de Sumatra). Enfin, MM. Seno, Mahmut et Sumantri ont été arrêtés le 10 mars 1998 vers 1 heure du matin par la police de la ville de Serang. La police a confisqué des documents du SBSI en leur possession. Le SBSI ne dispose pas d'autres informations à leur sujet.
443. La CMT affirme que les violations des droits syndicaux en Indonésie n'ont pas seulement été systématiques, mais aussi particulièrement brutales. Au cours des derniers mois, la répression antisyndicale s'est intensifiée dans le contexte de la réélection du Président Suharto et de la crise financière persistante que connaît le pays, crise qui a conduit à une mobilisation sociale croissante des travailleurs, des étudiants, des organisations non gouvernementales et de la société civile dans son ensemble. La CMT souligne que c'est dans ce contexte que le SBSI a mené une campagne pour obtenir sa reconnaissance, ainsi que la libération du président Muchtar Pakpahan, et pour mettre un terme aux licenciements massifs des travailleurs, au népotisme et à la corruption en Indonésie. La dernière recrudescence de la répression dirigée contre des dirigeants du SBSI dans l'exercice de leurs activités syndicales légitimes constitue une fois de plus une violation des engagements du gouvernement envers l'OIT. La CMT conclut en insistant sur la nécessité d'obtenir la libération immédiate de tous ces syndicalistes détenus et le respect des principes de la liberté syndicale par le gouvernement.
444. Enfin, dans une communication datée du 25 mai 1998, la CMT indique que M. Muchtar Pakpahan a été libéré par le gouvernement indonésien ainsi qu'un certain nombre d'autres dirigeants et membres du SBSI.
C. Nouvelle réponse du gouvernement
Obstacles législatifs empêchant les travailleurs
de constituer des organisations de leur choix
(308e rapport, paragr. 450 b))
445. Le gouvernement déclare que les lois et réglementations du travail existantes assurent de manière adéquate une protection du droit d'organisation et du droit de négocier collectivement des travailleurs. Qui plus est, afin de faciliter l'expansion des syndicats, le ministre de la Main-d'œuvre a émis le règlement no 1 du 17 janvier 1994. En vertu de ce règlement, les travailleurs peuvent constituer un syndicat indépendant et démocratique dans chaque entreprise respectivement, librement et sans aucune exigence concernant l'affiliation à un autre syndicat. Selon les données disponibles en décembre 1997, 1 230 syndicats indépendants avaient été formés au niveau de l'entreprise. Le syndicat d'entreprise nouvellement créé est uniquement tenu de fournir des informations sur son organisation et les membres de son bureau au ministère de la Main-d'œuvre. Une fois le syndicat constitué, celui-ci est habilité à exercer ses fonctions et à négocier avec les employeurs pour exercer ses fonctions et à négocier avec les employeurs pour rédiger des conventions collectives. Le gouvernement relève en outre que les articles 27 à 35 de la nouvelle loi du travail no 25 de 1997 disposent notamment que: chaque travailleur a le droit d'organiser librement et de s'affilier à un syndicat; chaque syndicat d'entreprise est formé par les travailleurs et pour les travailleurs d'une manière démocratique sur la base du secteur d'industrie; les employeurs n'ont pas le droit de limiter la création de syndicats; et un syndicat a pour fonctions principales d'élaborer des conventions collectives de travail et de représenter les travailleurs dans le cadre du règlement des conflits du travail.
Informations concernant M. Mulyono
(308e rapport, paragr. 450 d))
446. Le gouvernement rappelle que M. Mulyono a été licencié le 6 mai 1994, aux motifs qu'il ne pouvait s'entendre avec son supérieur et qu'il causait souvent des perturbations du fait de son influence sur les autres travailleurs. Le gouvernement ajoute qu'un conciliateur du ministère de la Main-d'œuvre a tenté de résoudre cette affaire de manière pacifique en invitant les parties à dialoguer. Les propositions du conciliateur ont été acceptées par M. Mulyono, mais pas par l'entreprise. Il a donc été suggéré que la société fasse recours devant la Commission régionale de règlement des conflits. Le 28 septembre 1994, cette commission a décidé d'autoriser l'entreprise à licencier M. Mulyono avec effet à compter du 19 septembre 1994. Sur la base de l'acccord conclu entre les parties, M. Mulyono a accepté la somme de 400 000 roupies à titre de dédommagement, somme qui devait être versée par l'entreprise au plus tard le 26 septembre 1994. De l'avis du gouvernement, le cas de la cessation d'emploi de M. Mulyono par la société PT Golden Overseas Textile est en conséquence réglé.
Situation dans l'entreprise Southern Cross
Textile Industry (308e rapport, paragr. 450 e))
447. Le gouvernement réitère qu'en 1993 l'entreprise PT Southern Cross Textile Industry (SCTI), sise à Jakarta, employait 1 500 travailleurs et que, depuis 1974, la SPSI s'est établie dans cette entreprise. Au début d'avril 1993, des négociations ont eu lieu entre la SPSI et l'employeur en vue d'une augmentation annuelle de salaire pour le 30 mai 1993. A cette période, la troisième convention collective de travail entrait dans sa deuxième année. Tandis que les négociations étaient en cours, le 19 avril 1993, entre 14 et 18 heures, un groupe de travailleurs a forcé les autres travailleurs à faire grève pour une augmentation de salaire. Le gouvernement réitère que, afin d'éviter toute inconduite et tout acte de destruction, l'employeur et la SPSI se sont entendus pour poursuivre les négociations hors des locaux de l'entreprise. Le gouvernement déclare qu'au début de la soirée du 22 avril 1993 et jusqu'au lendemain vers 11 h 30 un groupe de travailleurs a tenu les portes de l'établissement fermées, empêchant les autres de se rendre à leur travail. Devant cette situation, la direction de l'entreprise a licencié 16 travailleurs.
Enquête du gouvernement sur la mort de Mme Marsinah
(308e rapport, paragr. 450 g))
448. En ce qui concerne la mort de Mme Marsinah, le gouvernement indique que cet homicide reste un mystère. Le gouvernement rappelle que Mme Marsinah, une jeune militante syndicaliste, a pris part à un mouvement de grève les 3 et 4 mai 1993 dans l'entreprise PT Catur Putera Surya (CPS) à Sidoarjo, Surabaya, Est de Java. Le 5 mai 1993, Mme Marsinah n'est pas apparue à son lieu de travail. Son corps a été retrouvé par la suite le 8 mai 1993 dans la jungle de Nganjuk (Est de Java, à environ 85 km de Surabaya). En raison de la date de la grève et du décès de Mme Marsinah, de nombreuses personnes, la presse, les ONG et même certains organismes diplomatiques étaient tout à fait convaincus que le décès de Mme Marsinah était dû à sa participation à la grève. De plus, à ce moment-là, les agences de presse étrangères ont exercé une forte pression qui a, dans une certaine mesure, influencé la police et les tribunaux en les laissant penser que le meurtrier était l'employeur de l'entreprise concernée. Le tribunal régional de Sidoarjo a décidé de condamner les suspects à des peines de prison, à savoir M. Yudi Susanto (propriétaire de l'entreprise) à sept mois, M. Yudi Astono (directeur général de PT CPS, bureau de Porong) à quatre ans, M. Bambang Wuryantoro (chef de division, responsable général), M. Hidayat (caissier et président de l'unité de la SPSI), M. As Prayogo (sécurité) et M. Suwono (sécurité) à 12 ans chacun, M. Karyaono Wongso (chef de division, contrôle de la maintenance) et M. Suprapto (garde) à 13 ans chacun. Un appel ayant été interjeté, le tribunal de Surabaya a jugé M. Yudi Susanto non coupable à la différence des autres suspects. Néanmoins, à la fin de mai 1995, la Cour suprême a déclaré tous les suspects non coupables. Le gouvernement déclare que, depuis lors, il a rouvert l'enquête pour connaître l'idendité réelle du meurtrier de Mme Marsinah. Il espère que le cas sera bientôt résolu et que le coupable sera puni en conséquence.
Information concernant M. Muchtar Pakpahan
(308e rapport, paragr. 450 h))
449. Le gouvernement insiste une nouvelle fois sur le fait que les accusations portées contre M. Pakpahan en rapport avec l'émeute du 27 juillet 1996 sont liées principalement à son poste de président du comité directeur du MARI (Majelis Aksi Rakyat Indonesia) ou Conseil du peuple indonésien pour l'action et non pas simplement à son poste de président du SBSI. Le gouvernement fait remarquer qu'il est accusé d'avoir violé la loi no 11/PNPS/1963 sur les activités subversives, article 1 3). Ce cas n'a donc pas de rapport avec les questions syndicales mais est de nature politique.
450. Tout d'abord, le comité doit exprimer la profonde préoccupation quant au fait que le gouvernement n'a pas répondu du tout à certaines allégations ou n'a répondu que d'une manière superficielle à certaines autres en se bornant à réitérer les informations fournies antérieurement. Le comité rappelle au gouvernement que le but des procédures instituées par l'Organisation internationale du Travail pour l'examen des allégations relatives à des violations des libertés syndicales est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Bien que ces procédures protègent les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées sur les allégations présentées contre eux. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.] Le comité demande par conséquent instamment au gouvernement de veiller à l'avenir, lorsqu'il répond à des allégations présentées contre lui, de fournir des observations complètes, détaillées et pertinentes qui se réfèrent aux allégations figurant dans la plainte afin que le comité puisse procéder à l'examen de ces questions en pleine connaissance et conscience de tous les faits.
451. Le comité rappelle que ce cas traite de très graves allégations de violation continue des droits syndicaux en Indonésie concernant le déni du droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix, l'ingérence persistante des pouvoirs publics, des militaires et des employeurs dans les activités syndicales, les restrictions permanentes à la négociation collective et à l'exercice du droit de grève ainsi que divers actes de discrimination antisyndicale, y compris les licenciements. En outre, le comité rappelle sa profonde préoccupation devant l'extrême gravité des allégations relatives au meurtre, à la disparition, à l'arrestation et à la détention d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et de travailleurs.
452. Le comité rappelle que, outre ses quatre précédents examens de ce cas, il a déjà examiné au cours des dernières années deux autres plaintes contre l'Indonésie portant sur des allégations de même nature et aussi graves. [Voir 265e rapport, cas no 1431, paragr. 104-137; 295e rapport, cas no 1756, paragr. 398-429.] Le comité se réfère également à la mission de contacts directs ayant eu lieu en Indonésie en novembre 1993, aux longs débats ayant eu lieu au sein de la Commission de la Conférence sur l'application des normes en 1994, en 1995 et en 1997 et aux nombreux commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations à ce sujet.
453. Dans ces conditions, tout en notant avec intérêt que certaines mesures positives ont été récemment adoptées par les autorités indonésiennes en ce qui concerne la liberté syndicale, le comité, vu la gravité des nouvelles allégations, estime que la situation générale des travailleurs de l'Indonésie se caractérise toujours par des atteintes graves aux droits fondamentaux de l'homme et par des violations des principes de la liberté syndicale en droit comme en pratique revêtant notamment la forme d'arrestations, d'emprisonnements et de harcèlement de travailleurs et de dirigeants syndicaux.
454. En ce qui concerne la question des obstacles législatifs empêchant les travailleurs de constituer des organisations de leur choix, le comité note que le gouvernement se borne, dans une large mesure, à répéter les informations fournies dans son rapport antérieur, à savoir que les travailleurs peuvent librement constituer un syndicat indépendant et démocratique au niveau de l'entreprise sur la base du règlement ministériel no 1 du 17 janvier 1994. Selon les données disponibles en décembre 1997, il existe environ 1 230 syndicats de ce type au niveau de l'entreprise qui, en outre, ne sont pas tenus d'être affiliés à un autre syndicat. Le gouvernement ajoute que la nouvelle loi du travail reconnaît, notamment, le droit de chaque travailleur à s'organiser librement.
455. Le comité note toutefois que l'article 33 de cette nouvelle loi sur les questions de main-d'œuvre, qui a été promulguée le 3 octobre 1997 et qui prendra effet le 1er octobre 1998, stipule qu' «un syndicat de travailleurs d'entreprise et une association de syndicats de travailleurs doivent être enregistrés auprès du gouvernement conformément aux lois en vigueur» et que cette nouvelle loi ne semble contenir aucune disposition abrogeant le règlement ministériel no 03/MEN/1993 qui prévoit que, pour être enregistré, un syndicat doit compter au moins 100 unités au niveau de l'entreprise, 25 organisations au niveau du district et cinq organisations au niveau provincial ou, au choix, au moins 10 000 membres dans toute l'Indonésie (art. 2 a)). L'article 2 b) du même règlement prévoit qu'une fédération doit compter au moins dix syndicats répondant à ces critères pour pouvoir être enregistré. Le comité se voit par conséquent obligé de rappeler une fois de plus au gouvernement que le système indonésien d'enregistrement des syndicats au plan national comporte des conditions si rigoureuses qu'elles constituent une restriction majeure à la liberté syndicale, étant donné que très peu de syndicats peuvent voir leur création légalement reconnue. Par ailleurs, le comité doit souligner avec force que la prescription légale, selon laquelle un syndicat doit obtenir la recommandation de la Serikat Pekerja Seluruh Indonesia (SPSI) pour être légalement reconnu (selon les dispositions de l'article 2 c) du règlement ministériel no 03/MEN/1993), constitue un obstacle à la libre constitution d'organisations et est donc contraire à la liberté syndicale. Le comité déplore que la loi sur les questions de main-d'œuvre du 3 octobre 1997 n'élimine pas les obstacles juridiques susmentionnés qui dénient aux travailleurs le droit de créer des organisations de leur choix et constituent par conséquent une violation flagrante de l'un des principes les plus élémentaires de la liberté syndicale.
456. Par ailleurs, le comité note avec regret que les obstacles juridiques décrits au paragraphe précédent constituent encore un obstacle majeur à la négociation collective puisque, en vertu de l'article 48 1) de la loi sur les questions de main-d'œuvre de 1997, une convention collective de travail ne peut être élaborée que par un employeur et un syndicat de travailleurs enregistré. Le comité souligne par conséquent, tout comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations [voir, par exemple, observations, rapport III, partie 1A, 1998, pp. 255-257] et la Commission de l'application des normes de la Conférence [CIT, 85e session, 1997, Compte rendu provisoire no 19, pp. 113 à 121], que la limitation à la libre négociation collective imposée par le règlement no 03/MEN/1993 sur les syndicats enregistrés dans l'entreprise, au niveau du district et au niveau de la province, constitue une violation flagrante du principe de la négociation collective libre et volontaire inscrite dans l'article 4 de la convention no 98 ratifiée par l'Indonésie.
457. Dans ces conditions, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement d'éliminer de tels obstacles (tels que l'article 2 a), b) et c) du règlement ministériel no 03/MEN/1993) afin de faire en sorte que le droit des travailleurs de s'organiser et de négocier collectivement soit entièrement reconnu en droit comme en pratique, et de le tenir informé à cet égard.
458. Abordant le cas spécifique du Serikat Buruh Sejahtera Indonesia (SBSI), qui attend d'être enregistré depuis plus de cinq ans, le comité regrette vivement que le gouvernement ne mentionne même pas cette question très grave dans sa réponse. Pour sa part, le comité rappelle qu'il avait observé lors des précédents examens de ce cas [voir 297e rapport, paragr. 530; 302e rapport, paragr. 472; 305e rapport, paragr. 363, et 308e rapport, paragr. 437] que, même si les conditions juridiques de l'enregistrement sont très rigoureuses et constituent un sérieux obstacle à la liberté syndicale, le SBSI les a toutes remplies hormis l'obtention de la recommandation de la SPSI qui, de toute manière, n'est pas une exigence légitime puisqu'elle est contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité insiste donc sur le fait que toute attitude gouvernementale qui favoriserait une organisation, en l'occurrence la SPSI, ou qui empêcherait les travailleurs de constituer des organisations de leur choix, est un acte de discrimination antisyndicale et est contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande donc instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le SBSI soit autorisé à être enregistré sans retard en tant que confédération syndicale afin de lui permettre d'exercer ses activités syndicales légitimes. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur tout progrès obtenu en la matière.
459. En ce qui concerne l'enquête de M. Mulyono, qui a été licencié par l'entreprise PT Golden Overseas Textile il y a quatre ans (6 mai 1994), le gouvernement répond que cette question est réglée, car M. Mulyono a accepté, aux termes de l'accord conclu entre les parties, la somme de 400 000 roupies en tant que dédommagement pour la résiliation de son contrat de travail par l'entreprise. Tout en prenant note que M. Mulyono a accepté le dédommagement en septembre 1994, le comité relève qu'il n'apparaît pas qu'une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l'indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 707.]
460. Quant à l'allégation d'actes de discrimination antisyndicale contre les travailleurs de l'entreprise Southern Cross Textile Company (SCTI), affiliés au SBSI, le comité rappelle que la diffusion de la circulaire, par laquelle cette société indiquait que des mesures seraient prises contre tout travailleur membre du SBSI ou œuvrant ouvertement ou non pour le SBSI, remonte à cinq ans et demi (décembre 1992). Le comité se voit donc à nouveau dans l'obligation de rappeler que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiée par l'Indonésie prévoit que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre le congédiement ou tout autre acte préjudiciable en raison de son affiliation syndicale. Notant que le gouvernement se contente de répéter sa déclaration précédente selon laquelle 16 travailleurs ont été licenciés de la SCTI en avril 1993, le comité demande instamment au gouvernement de veiller à ce que les travailleurs licenciés membres du SBSI soient réintégrés à leur poste ou dans un poste alternatif similaire s'ils le souhaitent et, si cela n'est pas possible du fait de la longue période de temps écoulée, de veiller à ce qu'ils soient dûment indemnisés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
461. Au sujet de l'arrestation et de la détention de travailleurs impliqués dans les événements d'avril 1994 à Medan, le comité déplore que le gouvernement n'ait toujours fourni aucune information en ce qui concerne MM. Mohammad Ali (PT Perindoni) et Mulyadi (PT Ganda Seribu) qui auraient été arrêtés et détenus en relation avec les événements de Medan. Le comité déplore en outre que le gouvernement n'ait pas fourni les informations demandées par le comité à quatre reprises et qui concernent l'issue des procès de MM. Icang et Suryandi, dont l'arrestation serait en rapport avec les événements survenus à Medan au printemps 1994. Ces personnes ont été accusées d'avoir organisé des rassemblements illégaux -- sans l'autorisation appropriée. Le comité prie donc une fois de plus le gouvernement de fournir rapidement des informations sur: i) MM. Mohammad Ali (PT Perindoni) et Mulyadi (PT Ganda Seribu); et ii) l'issue des procédures concernant MM. Icang et Suryandi, qui auraient été placés en détention en relation avec les événements survenus à Medan en avril 1994. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
462. En ce qui concerne l'enquête sur la mort de Mme Marsinah, une militante syndicaliste, qui a eu lieu il y a plus de cinq ans, le comité déplore profondément que les circonstances de son décès n'ont pas encore été élucidées par une enquête gouvernementale sur l'affaire qui a commencé en juin 1995. A cet égard, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait que l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des droits syndicaux. Par ailleurs, l'assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou de lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l'ouverture d'enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits, et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d'empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 51 et 55.] Le comité regrette profondément de noter que le gouvernement n'a rendu compte d'aucun progrès réalisé dans le cadre de son enquête pour faire la lumière sur cet incident extrêmement grave, et il demande instamment au gouvernement d'ouvrir sans tarder une enquête judiciaire indépendante sur l'homicide de Mme Marsinah, qui a eu lieu il y a plus de cinq ans, afin d'identifier et de punir les coupables. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.
463. En ce qui concerne la situation spécifique de M. Muchtar Pakpahan, le comité avait noté au cours de l'examen antérieur de ce cas qu'il existait deux séries d'allégations relatives à cette affaire. Premièrement, bien que la Cour suprême eût annulé en septembre 1995 deux décisions rendues par les instances inférieures contre M. Pakpahan sur le chef d'accusation d'incitation de travailleurs à l'émeute à Medan, en avril 1994, ce qui avait conduit à sa libération après avoir passé plus de neuf mois en prison, le comité avait été gravement préoccupé d'apprendre que, le 25 octobre 1996, la Cour suprême avait annulé sa précédente décision et avait condamné M. Pakpahan à quatre années d'emprisonnement sur le même chef d'accusation pour lequel il avait été antérieurement libéré. Notant que la décision de la Cour suprême a été influencée par des facteurs politiques ainsi que par des rivalités de personnes au sein de la Cour, le comité avait déploré ces événements et avait prié instamment le gouvernement de faire tout ce qui était en son pouvoir pour que les charges retenues contre M. Pakpahan en rapport avec les événements d'avril 1994 soient abandonnées. Regrettant profondément que le gouvernement n'a encore fourni aucune observation à ce sujet, le comité demande à nouveau instamment au gouvernement d'abandonner les charges susmentionnées retenues contre M. Pakpahan.
464. En outre, le comité avait noté, durant son examen antérieur de ce cas, que, si le récent procès de M. Pakpahan, accusé de subversion le 2 août 1996 en rapport avec les émeutes qui s'étaient produites en juillet 1996 à Jakarta, avait été différé en raison de l'état de santé de M. Pakpahan, les charges dont il faisait l'objet n'avaient pas été abandonnées. Le comité avait exprimé sa plus profonde préoccupation du fait qu'une accusation de subversion peut être punie de la peine capitale. De plus, le comité avait déploré que le gouvernement n'eût pas commenté les longues explications de l'organisation plaignante sur les raisons pour lesquelles la procédure du procès qui s'était ouvert le 12 décembre 1996 n'avait pas satisfait aux normes internationalement admises pour un procès rapide et équitable et, à cette occasion, le comité avait rappelé au gouvernement la grande importance qu'il a toujours attachée à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Le comité déplore que le gouvernement ne fasse que reprendre les informations déjà fournies, à savoir que les charges retenues contre M. Pakpahan en rapport avec les émeutes du 27 juillet 1996 n'étaient pas liées à sa fonction de président du SBSI. Pour sa part, le comité estime toujours que les événements susmentionnés complètent le tableau d'une discrimination antisyndicale active de la part du gouvernement à l'égard de M. Pakpahan et que les accusations portées et les mesures prises contre M. Pakpahan, sous prétexte d'activités subversives alléguées, sont liées à ses activités syndicales. Par conséquent, le comité demande de nouveau instamment au gouvernement de tout mettre en œuvre pour abandonner les charges pénales pesant contre M. Pakpahan en rapport avec les événements survenus à Jakarta en juillet 1996, de garantir qu'il puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes. Le comité demande au gouvernement de lever également toutes les charges qui seraient encore retenues contre les autres dirigeants et militants du SBSI. Le comité prie le gouvernement de l'informer d'urgence de l'évolution de ces affaires.
465. En outre, le comité déplore à nouveau que le gouvernement n'ait toujours pas fourni d'informations en ce qui concerne les allégations de mesures antisyndicales dirigées contre les membres du bureau du SBSI après les événements de juillet 1996, dont leur arrestation, leur mise en détention et leur interrogatoire par la police ou les militaires. Le comité rappelle une fois encore que, même si des personnes exerçant des activités syndicales ou une fonction dirigeante dans un syndicat ne peuvent revendiquer une immunité sur le plan du droit pénal ordinaire, le harcèlement, l'arrestation ou la mise en détention de dirigeants syndicaux pour des activités liées à l'exercice des droits syndicaux sont contraires aux principes de la liberté syndicale. Le comité prie donc de nouveau instamment le gouvernement de fournir des informations sur: i) neuf membres du bureau de la branche de Riau du SBSI placés en détention au début d'août 1996 et, dans le cas où ces personnes seraient toujours en détention, de prendre les mesures nécessaires pour leur libération immédiate; ii) MM. Rekson Silaban, directeur de recherche, Santosa, coordinateur régional, Mehbob, membre du personnel de l'Institut d'aide juridique, tous membres du bureau du SBSI, qui ont été interrogés et accusés d'avoir fomenté les événements de juillet 1996, et de prendre les mesures nécessaires pour que les charges retenues contre eux soient rapidement abandonnées; et iii) toutes les mesures antisyndicales dirigées contre les membres du bureau et les militants du SBSI à la suite des événements survenus en juillet 1996, notamment les arrestations, interrogatoires et accusations dont ces personnes ont fait l'objet.
466. En outre, le comité regrette vivement que le gouvernement n'ait pas encore répondu aux dernières allégations selon lesquelles Mme Dita Sari et M. Coen Pontoh, deux responsables syndicaux des organisations syndicales indépendantes Pusat Perjuangan Buruh Indonesia (PPBI) et Serikat Tani Nasional (STN), ont été condamnés respectivement à de lourdes peines de prison pour avoir pris part à un mouvement de grève dans la ville de Surabaya le 8 juillet 1996. Le comité rappelle que, au nombre des raisons de cette action, on peut citer des revendications traditionnelles ayant trait au travail ainsi que des demandes tendant à faire annuler des lois strictes sur le plan de la sécurité et à faire cesser l'intervention des militaires dans les affaires relatives au travail. Des unités de la police et de l'armée sont néanmoins intervenues et ont violemment réprimé le mouvement de grève; à la suite de cette intervention, Mme Dita Sari et M. Coen Pontoh ont été arrêtés, incarcérés et condamnés à quatre et six années d'emprisonnement, respectivement, le 22 avril 1997. Le comité appelle une fois de plus l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les autorités ne devraient avoir recours à la force publique dans des cas de mouvements de grève que dans des situations présentant un caractère de gravité et où l'ordre public serait sérieusement menacé. Par ailleurs, nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l'objet de sanctions pénales pour le simple fait d'avoir organisé une grève pacifique ou d'y avoir participé. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 580 et 602.] Etant donné que ces principes ne semblent pas avoir été respectés dans le présent cas, le comité ne peut que conclure que le gouvernement n'a pas pu démontrer que les mesures prises à l'encontre de ces deux militants syndicaux ne découlent en aucune manière de leurs activités syndicales légitimes. Le comité prie donc instamment le gouvernement de fournir des informations sur la situation de ces deux militants syndicaux et de prendre les mesures appropriées pour les faire relâcher immédiatement s'ils sont encore en prison.
467. Regrettant profondément que le gouvernement n'ait pas répondu à l'allégation selon laquelle 18 travailleurs contractuels ont été licenciés de l'entreprise PT Pelangi Selaras Indonesia à Medan le 11 juillet 1997 en raison de leur appartenance au SBSI, le comité invite de nouveau le gouvernement à fournir sans retard cette information; s'il apparaît que ces 18 travailleurs contractuels sont membres du SBSI, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu'ils soient dûment réintégrés dans leur poste.
468. De plus, le comité prie le gouvernement de lui fournir sans tarder ses observations sur les allégations les plus récentes présentées par l'UITA dans une communication datée du 6 novembre 1997 concernant la détention, le 19 septembre 1997, du secrétaire et du président de l'Organisation régionale Asie/Pacifique de l'UITA. Le comité prie en outre le gouvernement de répondre aux allégations présentées par la CMT dans une communication datée du 10 mars 1998 concernant l'arrestation et la détention en mars 1998 de huit dirigeants et activistes du SBSI en raison de leurs activités syndicales légitimes.
469. En ce qui concerne l'allégation de violations de la liberté syndicale signalées par le SBSI dans sa communication datée du 11 juin 1996, le comité avait demandé à l'organisation plaignante de fournir des informations supplémentaires compte tenu des profondes divergences entre la version des plaignants et celle du gouvernement. Notant que cette information n'a toujours pas été fournie et afin d'être à même de se prononcer sur cette question en pleine connaissance des faits, le comité demande une nouvelle fois au SBSI de fournir des informations complémentaires sur: i) les violences physiques dont MM. Aryanto et Rozali ont fait l'objet; ii) les motifs de l'arrestation de M. Asipto Parangun-Agin; iii) le contenu du tract distribué par M. Farid Mu'adz concernant le droit de grève; iv) les actes de discrimination antisyndicale à l'encontre de sept travailleurs de PT Tris Delata Agindo, qui auraient été contraints à renoncer à leur affiliation au SBSI; et v) les actes de vandalisme commis contre l'enseigne du SBSI à Medan et à Binjai.
470. Le comité relève d'une communication de la CMT en date du 25 mai 1998 que M. Muchtar Pakpahan, président du SBSI et certains dirigeants et membres du SBSI viennent récemment d'être libérés de prison. Le comité prie le gouvernement de communiquer le nom de tous les autres dirigeants et membres du SBSI ainsi libérés. Le comité prend note avec intérêt de ces développements qui constituent un pas important et positif en direction de la liberté syndicale en Indonésie. Le comité exprime le ferme espoir que ceci constitue les premières d'une série de mesures qui seront prises par le gouvernement pour améliorer la situation syndicale en Indonésie et pour garantir le plein respect des principes de la liberté syndicale.
471. Le comité appelle l'attention de la commission d'experts sur les aspects législatifs de ce cas en rapport avec l'application de la convention no 98.
472. Enfin, le comité note que l'article 35 de la nouvelle loi sur les questions de main-d'œuvre, qui entrera en vigueur le 1er octobre 1998, stipule que les «dispositions relatives aux syndicats de travailleurs feront l'objet d'autres dispositions légales». Le comité croit donc comprendre que des questions relatives au droit syndical seront réglementées plus en détail par la promulgation d'autres dispositions, règlements ministériels ou dispositions similaires. Le comité espère donc que ces nouvelles dispositions ou nouveaux règlements respecteront pleinement les principes de la liberté syndicale. A cet égard, le comité suggère au gouvernement de faire appel à l'assistance technique du BIT en vue de l'aider à assurer que son nouveau projet de législation réponde aux principes de liberté syndicale.
473. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement du Panama
présentée par
-- l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et
-- le Conseil national de l'entreprise privée du Panama (CONEP)
Allégations: législation limitant les droits des employeurs
et de leurs organisations
474. La plainte figure dans une communication conjointe de l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et du Conseil national de l'entreprise privée du Panama (CONEP) datée du 12 juin 1997.
475. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 8 mars 1998.
476. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
477. Dans leur communication du 12 juin 1997, l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et le Conseil national de l'entreprise privée du Panama (CONEP) allèguent que le décret ministériel no 252 du 30 décembre 1971, publié dans la «Gaceta Oficial» no 17040 du 18 février 1972, qui a été amendé par la promulgation de la loi no 44 du 12 août 1995, contient des dispositions qui sont incompatibles avec les conventions nos 87 et 98 de l'OIT.
478. Les organisations plaignantes signalent que l'article 493 prévoit, sans aucun droit de recours, la fermeture totale et immédiate de l'entreprise, de l'établissement ou du commerce touché par une grève, ce qui enfreint l'article 3 de la convention no 87, qui consacre le droit des employeurs à organiser leur gestion et leurs activités, ainsi que d'établir leur programme d'action, et qui méconnaît le principe de l'inviolabilité du domicile des partenaires sociaux.
479. En vertu des dispositions de l'article précité, une fois que la grève a commencé, les autorités administratives du travail procèdent, immédiatement, à l'apposition de scellés sur les portes des établissements ou commerces des employeurs, y compris des établissements donnant accès aux bureaux d'administration et de direction. Les autorités administratives du travail donnent des ordres aux autorités de police pour qu'elles «garantissent la fermeture et protègent dûment les personnes et les biens». En d'autres termes, les autorités de police doivent veiller à ce que les employeurs ne puissent pas entrer dans les locaux de leurs entreprises.
480. En outre, l'article 497 du décret précité ordonne la fermeture totale des entreprises, établissements ou commerces quand la grève est déclarée par un syndicat industriel, et même par un syndicat professionnel. Cette disposition ne touche pas seulement l'employeur mais également les autres travailleurs qui ne sont pas en grève. Cette situation de fermeture totale ne favorise pas la négociation collective volontaire et rend le règlement du conflit plus difficile. On ne peut s'attendre à ce que l'employeur ait la volonté de négocier une solution rapide et effective du différend s'il se voit privé de son droit de libre accès à ses biens et si sa liberté de circulation est limitée. La situation que crée l'ordre de fermeture n'est guère propice à la «bonne foi» dans les négociations.
481. Les organisations plaignantes estiment que ce genre de pratique de fermeture des entreprises n'est pas un acte symbolique. Les autorités administratives du travail appliquent le concept de «la fermeture immédiate» en apposant de grands scellés de papier ou de plastique sur toutes les portes d'accès aux installations industrielles, commerciales ou aux bureaux touchés par la grève. Ces scellés ne peuvent être enlevés que par les inspecteurs du travail quand la grève est terminée ou, temporairement, quand les travailleurs autorisent, sous leur surveillance, les travaux essentiels à l'entretien ou à la réparation des équipements et machines. Cela porte atteinte à l'autonomie de l'un des partenaires sociaux à la négociation.
482. En outre, la fermeture totale des entreprises ne permet pas d'engager des tierces personnes pour les travaux d'entretien. Habituellement, les grévistes donnent leur autorisation à cette fin en contrepartie de concessions de la part des employeurs.
483. L'OIE et le CONEP font valoir que la fermeture totale des entreprises entraîne la paralysie de toute activité administrative ou financière, ce qui met en péril l'avenir des entreprises ou des commerces. Durant la grève, les employeurs se voient privés de l'utilisation de leurs bureaux, de leurs équipements informatiques, de leurs archives, en résumé de tous leurs locaux et installations qui sont nécessaires à l'administration de leurs affaires. Il s'ensuit que les employeurs ne peuvent plus qu'utiliser leurs propres résidences ou des locaux loués pour gérer leurs affaires et réaliser les transactions indispensables à la survie de leurs entreprises. En agissant ainsi, ils courent toutefois le risque que les grévistes les accusent d'avoir violé l'ordre de fermeture.
484. Par ailleurs, les organisations plaignantes allèguent que l'article 510 aggrave les violations du principe de la liberté d'action des employeurs en prévoyant deux motifs pour lesquels ils peuvent être tenus de payer les salaires que les grévistes ne perçoivent plus durant la grève: premièrement, quand les travailleurs ont déclaré la grève dans le but d'obtenir l'exécution d'une convention collective de travail, d'un arrangement direct ou d'une sentence d'arbitrage; et, deuxièmement, quand les employeurs ont violé l'ordre de fermeture totale des entreprises, selon la pratique décrite plus haut.
485. L'article 510 2) a trait au règlement des différends juridiques ou de droit, pour lesquels, conformément aux dispositions de l'article 420, les parties doivent respecter les normes de procédure. Il n'en reste pas moins qu'aucune des dispositions contenues dans les articles 426 à 447 du décret no 252 n'exige que les organisations syndicales des travailleurs présentent une copie de la sentence d'arbitrage non exécutée pour pouvoir engager une procédure de conciliation. En d'autres termes, les travailleurs peuvent exiger que l'employeur accepte une procédure de conciliation en l'accusant de violations et d'inobservations imaginaires ou non fondées. Il n'existe pas de norme permettant aux autorités administratives du travail de rejeter un cahier de revendications, et la présentation dudit cahier déclenche automatiquement la procédure de conciliation. L'article 433 énonce qu'«il est interdit de rejeter un cahier de revendications». L'autorité administrative du travail peut signaler les défauts constatés dans le document, mais elle doit le faire au moment où elle le reçoit. Dans la pratique, l'autorité administrative du travail peut exiger que les défauts soient corrigés, mais à aucun moment et quelles que soient les circonstances elle n'est habilitée à rejeter carrément un cahier de revendications comportant des défauts ou un cahier de revendications dans lequel sont présentées des allégations de violations imaginaires ou non fondées.
486. L'article 420 offre aux parties au différend la possibilité de solliciter la médiation des autorités administratives du travail lorsqu'il s'agit d'un cas de différend collectif juridique. Néanmoins, les travailleurs peuvent engager la procédure de conciliation si l'exercice du droit de grève est admis pour le différend. La loi ne définit toutefois pas les différends juridiques pour lesquels l'exercice du droit de grève est admis.
487. Le décret no 252 ne contient aucune norme indiquant comment les employeurs peuvent présenter un cahier de revendications quand le syndicat des travailleurs ne respecte pas ce qui a été convenu ou viole une disposition légale. Le décret no 252 ne prévoit aucune procédure de conciliation permettant aux employeurs d'exercer, en dernier recours, leur droit de «lock-out».
488. Dans la pratique, chaque fois que les travailleurs déclarent une grève, l'ordre de fermeture totale des établissements des employeurs empêche lesdits employeurs de pouvoir accéder librement à leurs biens. La fermeture de leurs établissements ou bureaux constitue une grave ingérence des autorités dans les activités des employeurs et une violation du droit à l'inviolabilité de leur domicile; elle limite leur liberté d'action et leur droit de libre passage; elle est incompatible avec le principe de la négociation de bonne foi et avec le principe de négociation libre et volontaire. Toutes ces dispositions mettent gravement en péril les garanties en faveur des employeurs prévues par la convention no 87.
489. Les plaignants allèguent également que l'article 427 dispose que le cahier de revendications présenté par l'organisation syndicale de travailleurs doit contenir, entre autres, les énonciations suivantes: «3. Le nom, le numéro de la carte d'identité et le domicile des représentants désignés pour la conciliation, dont le nombre sera de deux au moins et de cinq au plus et, s'ils le jugent nécessaire, d'un conseiller syndical et d'un conseiller juridique; ...». Cette disposition s'applique par analogie pour déterminer la composition du groupe de négociateurs des employeurs. Elle viole directement le principe de la négociation collective libre et volontaire, énoncé par l'article 4 de la convention no 98. Les plaignants se réfèrent également aux principes du Comité de la liberté syndicale. Selon les plaignants, les employeurs devraient avoir la liberté de constituer leur équipe de négociation et d'être assistés par les conseillers techniques, financiers et juridiques qu'ils considèrent comme nécessaires pour défendre leurs intérêts, sans limitations quant à leur nombre ou leur statut.
490. Enfin, les organisations plaignantes allèguent que, si l'article 443 du décret no 252 prévoit que la conciliation prend fin lorsque «...les parties parviennent à un règlement ou sont convenues d'avoir recours à l'arbitrage», l'article 452 stipule que les employeurs doivent accepter que le différend soit soumis, en tout ou en partie, à l'arbitrage si les travailleurs, «avant la grève ou pendant celle-ci, sollicitent l'arbitrage auprès de la direction régionale ou générale du travail». Une telle disposition est contraire au principe de la négociation libre et volontaire. A cet égard, les organisations plaignantes se réfèrent aux principes du Comité de la liberté syndicale et soulignent que l'arbitrage, pour être effectif et efficace, doit résulter de la volonté des deux parties; cela serait un motif valable pour dénoncer également une disposition permettant aux employeurs d'imposer l'arbitrage avant la grève ou pendant celle-ci.
B. Réponse du gouvernement
491. Dans sa communication du 8 mars 1998, le gouvernement déclare que l'article 65 de la Constitution politique de la République du Panama consacre le droit de grève et dispose à l'article 2, en tant que réserve légale, que «la loi réglementera son exercice ...». En vertu de cette disposition, le Code du travail réserve un titre au droit de grève, qui comprend les articles 475 à 519, en plus de quelques références qui figurent dans d'autres dispositions, parmi lesquelles se trouvent celles qui ont trait au cahier de revendications, à la procédure de conciliation, à l'arbitrage, etc. Toutes ces dispositions ont été examinées dans le cadre de la discussion et de l'élaboration du projet de loi qui est devenu la loi 44 du 12 août 1995; ladite loi établit des normes pour réglementer et moderniser les relations de travail et contient certaines dispositions réformant le Code du travail, notamment des normes relatives aux différends collectifs du travail, sujet auquel se réfère la plainte.
492. Le gouvernement ajoute que cette loi résulte d'un consensus, d'une concertation tripartite, à laquelle ont participé activement, en jouant un rôle central de premier ordre, les secteurs des entreprises et des travailleurs. Dans le cadre de ce processus, qui a été mené à bien avec des échanges de vues approfondis, les normes auxquelles se réfère la plainte n'ont pas été modifiées, bien qu'en certaines occasions elles aient été mentionnées. En raison de la situation exposée ci-dessus, il est difficile pour le gouvernement, qui respecte la conciliation, la concertation, de connaître de la matière à laquelle se réfère la plainte, qui au surplus est extrêmement délicate car elle a trait au droit de grève, un principe fondamental des relations de travail consacré et protégé par diverses conventions de l'OIT.
493. Dans la présente plainte, les organisations plaignantes allèguent que certaines dispositions du Code du travail relatives aux différends collectifs et à la grève sont en contradiction avec les conventions nos 87 et 98. Le comité prend note des déclarations du gouvernement, et en particulier du fait que les dispositions auxquelles s'opposent les plaignants résultent d'un consensus et d'une concertation tripartite à laquelle les secteurs des entreprises et des travailleurs ont participé activement et en y jouant un rôle central de premier ordre. Toutefois, le comité observe que les dispositions législatives auxquelles le gouvernement se réfère sont en vigueur depuis 1971 et n'ont pas été modifiées par la loi no 44.
494. A cet égard, le comité rappelle que son mandat «consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ces sujets». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 6.] Par ailleurs, «quand les lois nationales, y compris celles qui sont interprétées par les tribunaux supérieurs, contreviennent aux principes de la liberté syndicale, le comité s'est toujours considéré comme habilité à examiner ces lois, à proposer des orientations et à offrir l'assistance technique du BIT pour les rendre conformes aux principes de la liberté syndicale affirmés dans la Constitution de l'OIT ou aux conventions applicables. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 8.] Le comité estime que ces principes s'appliquent également aux cas dans lesquels les législations en question ont été l'objet de consultations ou de négociations avec les partenaires sociaux avant d'être adoptées. C'est pourquoi, le comité examinera ci-après, point par point, les dispositions législatives auxquelles s'opposent les plaignants. Toutefois, le comité souhaite attirer l'attention d'une manière générale sur le fait que la loi critiquée par les plaignants n'est pas assez claire à certains égard et qu'elle réglemente de manière trop détaillée les relations professionnelles donnant lieu ainsi à des ingérences importantes.
Fermeture immédiate de l'entreprise, de l'établissement
ou du commerce touché en cas de déclaration de grève,
garantie par les autorités de police
495. Le comité constate que les articles 493 et 497 prévoient ce qui suit:
Article 493. La grève légale produit les effets suivants:
Article 497. Lorsque, conformément aux dispositions de l'article 477, la grève est déclarée par un syndicat professionnel ou industriel, celle-ci n'entraînera que la fermeture des entreprises, établissements ou commerces dans lesquels les grévistes réunissent les conditions visées par l'article 476, 2) ...
496. Le comité constate que, selon les dispositions législatives et dans le cas de grèves légales, lorsque les grévistes représentent la majorité des travailleurs de l'entreprise, du commerce ou de l'établissement, la fermeture de ceux-ci est garantie par la police et doit intervenir immédiatement. A cet égard, le comité prend note des déclarations des plaignants dans lesquelles ils relèvent que cette disposition légale porte préjudice aux travailleurs qui ne sont pas en grève, empêche que les travaux d'entretien des installations de l'entreprise puissent s'effectuer et paralyse toute activité administrative et financière des employeurs -- qui se voient privés de leurs bureaux et installations puisqu'ils ne peuvent pas y entrer -- et met en péril la survie des entreprises. Dans des cas antérieurs relatifs à l'exercice du droit de grève, le comité a critiqué les «entraves à la liberté du travail par contrainte exercée par les non-grévistes» [voir Recueil, op. cit., paragr. 586] et a estimé que le maintien des services minima qui est nécessaire, dans le cas de n'importe quelle grève, à la sécurité des personnes et des installations ainsi qu'à la prévention des accidents (service minimum de sécurité) constitue des restrictions normales et admissibles. [Voir service minimum de sécurité, Recueil, op. cit., paragr. 554 et 555.]
497. Dans ces conditions, le comité conclut que la fermeture de l'entreprise, de l'établissement ou du commerce dans les cas de grève prévus par les articles 493 1) et 497 porte atteinte à la liberté de travail des non-grévistes et ne tient pas compte des nécessités fondamentales de l'entreprise (entretien des installations, prévention des accidents et droits des chefs d'entreprise et du personnel de direction à se rendre dans les installations de l'entreprise et d'y exercer leurs activités). Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de prendre sans tarder des mesures pour abroger les articles 493 1) et 497 du Code du travail.
Versement des salaires aux grévistes
dans certains cas
498. Le comité constate que l'article 510 du Code du travail stipule ce qui suit:
Article 510. Sera déclarée imputable à l'employeur la grève légale déclarée pour l'un quelconque des motifs suivants qui auront été constatés par les travailleurs:
499. Les autres articles pertinents du Code du travail pour la question examinée sont les suivants:
Article 480. La grève devra avoir l'un ou l'autre des objectifs suivants:
Article 511. La grève sera également déclarée imputable à l'employeur lorsque celui-ci a violé les obligations que lui imposent pendant celle-ci les articles 493 1) [cet article reproduit plus haut se réfère à l'obligation de fermer l'entreprise en cas de grève légale]
[...]
500. Le comité constate que l'organisation plaignante s'oppose à ce que le Code du travail oblige l'employeur à verser les salaires quand la grève a pour but de: 1) exiger l'exécution de la convention collective de travail, de l'arrangement direct ou de la sentence d'arbitrage (art. 510 1)); 2) obtenir l'exécution de dispositions légales violées d'une manière générale et réitérée dans l'entreprise (art. 510, 1)) du Code; 3) lorsque l'employeur n'a pas répondu au cahier de revendications ou a abandonné la procédure de conciliation (art. 510 2) du Code), et 4) lorsque l'employeur a violé l'obligation de fermer l'entreprise en cas de grève légale (art. 511 du Code). Le comité observe en outre que, dans le cadre de ces questions, les organisations plaignantes signalent qu'avec les dispositions légales en vigueur les autorités administratives du travail ne sont pas habilitées à refuser un cahier de revendications faisant valoir des violations imaginaires ou non fondées des normes de travail; dans ces conditions, le comité croit comprendre que, selon les plaignants, dans les circonstances mentionnées ci-dessus, la procédure de conciliation sera engagée, la grève pourra être déclarée par la suite et l'employeur devra verser les salaires pour les jours de grève.
501. Avant d'examiner les allégations relatives au paiement du salaire des grévistes par l'employeur, le comité doit obtenir les informations et clarifications sur les points suivants: 1) la manière dont les articles 510 et 511 du Code du travail sont mis en œuvre dans la pratique; et 2) l'existence de procédures et d'organes compétents en cas de violations des dispositions de la loi ou des conventions collectives en cas de conflits dans l'interprétation de leurs dispositions ou dans le cas où l'employeur omet de coopérer dans le processus de négociation collective. Le comité prie le gouvernement d'envoyer les informations pertinentes à cet égard.
Vides juridiques pour certaines questions
502. Le comité constate que les organisations plaignantes relèvent l'existence de vides juridiques en ce qui concerne certaines questions de relations collectives du travail (détermination des différends juridiques qui admettent l'exercice du droit de grève, possibilité pour les employeurs de présenter un cahier de revendications et possibilité d'engager une procédure de conciliation). A cet égard, considérant qu'un système de relations professionnelles stables doit tenir compte des droits et obligations tant des organisations de travailleurs que des employeurs et de leurs organisations, le comité prie le gouvernement de consulter, sans tarder, les partenaires sociaux et de prendre des mesures en vue de prendre des dispositions réglementaires relatives aux questions susmentionnées dans le cadre du Code du travail.
Limitations du nombre de conseillers juridiques
des parties dans la procédure de conciliation
503. Le comité observe que l'article 427 3) du Code du travail stipule ce qui suit:
Article 427. Le cahier de revendications sera établi en triple exemplaire et contiendra les dénonciations
suivantes:
[...]
[...]
504. Le comité constate que les organisations plaignantes signalent que les dispositions ci-dessus s'appliquent également par analogie aux délégués et conseillers des employeurs. A cet égard, le comité est d'avis que des prescriptions trop strictes en ce qui concerne des questions telles que la représentation des parties dans le processus de négociation collective peuvent amoindrir son efficacité, et il estime plus précisément qu'il s'agit d'une question devant être déterminée par les parties elles-mêmes. Aussi, le comité demande-t-il au gouvernement de prendre sans tarder, et en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures pour amender dans le sens indiqué l'article 427 3) du Code du travail.
Soumission des différends à l'arbitrage obligatoire
505. Le comité constate que l'article 452 du Code du travail prévoit ce qui suit:
Article 452. Lorsque les procédures de conciliation sont terminées, le différend collectif sera soumis en tout ou en partie à l'arbitrage dans l'un quelconque des cas suivants:
[...]
506. Le comité constate que le paragraphe 2 de l'article 452 permet que les travailleurs soumettent unilatéralement les différends collectifs à l'arbitrage et que l'article 470 stipule que «la sentence d'arbitrage aura un caractère normatif et aura for de loi entre les parties». A cet égard, le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que «l'arbitrage obligatoire pour mettre fin à un différend collectif du travail est acceptable soit s'il intervient à la demande des deux parties au différend, soit dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de différend dans la fonction publique à l'égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d'autorité au nom de l'Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption risquerait de mettre en danger, dans tout au partie de la population, la vie ou la sécurité de la personne». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 515.] Par conséquent, comme l'arbitrage obligatoire à la demande d'une seule des parties constitue une violation des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, le comité prie le gouvernement de prendre sans tarder des mesures pour modifier le paragraphe 2 de l'article 452 du Code du travail.
507. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport définitif
Plainte contre le gouvernement du Panama
présentée par
la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)
Allégations: licenciements antisyndicaux au motif
d'une grève dans le secteur de l'enseignement
508. La plainte figure dans une communication de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), datée du 1er juillet 1997.
509. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications datées des 30 septembre 1997 et 17 février 1998.
510. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
511. Dans sa communication datée du 1er juillet 1997, la Centrale latino-américaine des travailleurs allègue qu'en fin juin 1997, en violation de la convention no 98 de l'OIT, 107 dirigeants syndicaux du secteur de l'éducation et cinq enseignants de l'école Isabel Herrera Obaldío ont été destitués, après avoir fait grève pendant six jours ouvrables dans ce secteur, bien que le droit de grève des fonctionnaires soit garanti par la législation du Panama. La CLAT explique que cette grève a été décidée à la suite de la présentation au pouvoir législatif du projet de loi sur l'éducation no 98, car ce projet n'avait fait l'objet d'aucune consultation et il portait atteinte aux conditions de vie des enseignants (décentralisation du système d'éducation, diminution des vacances et suppression du comité du personnel).
B. Réponse du gouvernement
512. Dans ses communications datées des 30 septembre 1997 et 17 février 1998, le gouvernement fait savoir que le différend qui existait dans le secteur de l'éducation a été résolu le 29 juillet 1997 par un accord signé entre les représentants des associations d'enseignants et les ministères de la Présidence et de l'Education. Le gouvernement joint à sa communication le texte de cet accord ainsi que la loi no 28 du 1er août 1997, qui, entre autres dispositions, instituent les comités de l'enseignement scolaire. Le gouvernement fait savoir que le gouvernement a l'intention de moderniser l'éducation nationale pour l'harmoniser avec les nouvelles tendances en la matière.
513. Le gouvernement ajoute que, suite à la signature de cet accord, il a veillé à ce que tous les enseignants qui avaient été licenciés réintègrent leur poste de travail.
514. Le comité observe que, dans le cas présent, le plaignant a allégué des licenciements massifs d'enseignants au motif d'une grève qui a eu lieu en fin juin 1997.
515. Le comité prend note de la signature d'un accord entre les associations d'enseignants et les autorités le 29 juillet 1997 dont la teneur a été communiquée par le gouvernement, et qui a mis fin au conflit collectif qui existait dans le secteur de l'éducation. Le comité prend note avec intérêt du fait qu'à la suite de la signature de cet accord tous les enseignants licenciés au motif de la grève dans le secteur ont été réintégrés dans leur poste de travail. Le comité espère qu'à l'avenir les autorités tiendront également compte du principe selon lequel «nul ne devrait faire l'objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, paragr. 590]; cependant, étant donné que le cas présent a été résolu de manière satisfaisante par une convention collective et que tous les licenciés ont pu être réintégrés dans leur poste de travail, le comité estime qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de ce cas.
516. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité, tout en rappelant que nul ne devrait faire l'objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime, invite le Conseil d'administration à décider qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de ce cas.
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement du Pérou
présentée par
la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou (FTLFP)
Allégations: actes divers de discrimination et d'ingérence antisyndicales,
entraves à la négociation collective
517. Le comité a examiné ce cas lors de sa session de novembre 1997 et présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 308e rapport, paragr. 577 à 596, approuvé par le Conseil d'administration à sa 270e session (novembre 1997).]
518. Par la suite, l'organisation plaignante a envoyé de nouvelles allégations par des communications datées des 18 novembre et 15 décembre 1997.
519. Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations par des communications datées des 31 octobre et 24 novembre 1997 ainsi que des 9 mars, 17 avril et 12 mai 1998.
520. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
521. A l'issue de la session du comité de novembre 1997, certaines allégations sont restées en instance. Ces allégations sont les suivantes: 1) agissements antisyndicaux et actes d'ingérence divers à l'encontre du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali SA en vue d'éliminer toute action syndicale par des entraves à la négociation collective, des licenciements antisyndicaux, coercition et menaces à l'encontre de travailleurs membres d'un syndicat; 2) licenciements antisyndicaux et actes d'intimidation au sein des entreprises Servicio Público de Electricidad del Oriente et Electro Sur Este SA (pour ces dernières allégations, la réponse du gouvernement n'était pas parvenue).
522. En ce qui concerne ces dernières allégations, la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou avait allégué que M. Jaime Tuesta Linares, secrétaire aux affaires juridiques du Syndicat des travailleurs d'Electro Oriente SA, avait été licencié sans juste motif par la Empresa de Servicio Público de Electricidad del Oriente bien qu'il fût protégé, en vertu de la législation nationale, par le principe d'immunité syndicale. L'organisation plaignante alléguait également que la direction de l'entreprise Electro Sur Este SA avait entrepris une campagne systématique de menaces de licenciements et de menées antisyndicales contre les dirigeants syndicaux et le personnel syndiqué, suscitant de graves difficultés au Syndicat unique des travailleurs d'Electro Sur Este Abancay. Dans le cadre de cette campagne, l'entreprise avait transféré à un autre établissement, assez éloigné (Sub-Estación Chacapuente-Chalhuanca), le secrétaire de l'organisation syndicale, M. Moisés Zegara Ancalla, l'empêchant ainsi d'exercer ses fonctions de dirigeant syndical. Enfin, l'organisation plaignante avait allégué que M. Adriel Villafuerte Collado, secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs d'Electro Sur Este, Puno, aurait été menacé de licenciement par l'entreprise Electro Sur Este SA (Sub-regional Puno) pour d'hypothétiques fautes graves. Malgré les preuves à décharge qu'il avait présentées, ce dirigeant syndical avait été sanctionné d'une suspension sans solde de trente jours.
523. La Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou avait également signalé que, par décision de deuxième instance du 14 août 1996, relative à la procédure d'exécution d'une sentence judiciaire, la Haute Cour de justice de Tacna avait rendu un verdict définitif en faveur du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Tacna et ses assimilés, affilié à la Fédération des travailleurs de l'électricité du Pérou, condamnant l'entreprise Electro Sur SA au versement des augmentations de salaire dues à 111 travailleurs conformément à la sentence arbitrale du 21 juillet 1993 rendue à l'issue de la procédure d'arbitrage ayant fait suite à la négociation collective de la période 1992-93. L'organisation plaignante ajoutait qu'aux termes de la convention de modification de la sentence judiciaire du 15 mai 1995 les parties étaient convenues, notamment, de consolider les reversements en une seule et unique bonification de 2 300 nouveaux soles à titre de rattrapage, cette bonification n'étant passible ni de cotisations sociales à l'IPSS, à la FONAVI ou à l'AFP ni d'impôts sur le revenu. En contrepartie, le syndicat demandeur avait renoncé à exiger l'exécution de la sentence judiciaire. L'organisation plaignante déclarait que, malgré l'accord conclu, l'entreprise Electro Sur SA n'avait pas exécuté la convention de modification et que, devant cette situation, le Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Tacna, et ses assimilés, s'était vu contraint d'exiger l'exécution ferme de la sentence judiciaire. En représailles, dans un geste contraire à l'exercice des libertés syndicales et à l'imprescriptibilité des droits reconnus aux travailleurs, l'entreprise Electro Sur SA, par décision no GA-500-97 du 25 août 1997, était allée jusqu'à abuser de manière totalement arbitraire de ses pouvoirs en qualifiant de «faute grave» le non-renoncement à la sentence judiciaire; elle avait également menacé de sanctions les représentants du syndicat et fait planer sur les dirigeants syndicaux la menace d'un licenciement s'ils n'accédaient pas à ses exigences.
524. Le comité avait formulé les conclusions et recommandations suivantes [voir 308e rapport, paragr. 589 à 596]:
En ce qui concerne les autres allégations d'agissements antisyndicaux et d'actes d'ingérence divers que l'entreprise Electro Ucayali SA aurait commis à l'encontre du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Ucayali SA dans le but d'étouffer et faire disparaître l'action syndicale, le comité a le regret de constater que le gouvernement se borne à déclarer qu'il s'agit de simples accusations sans fondement, ne méritant pas d'investigations plus approfondies. A cet égard, il rappelle au gouvernement que la ratification de la convention no 98 l'oblige à garantir l'application des articles 1 et 2 de cet instrument, lesquels prévoient que tous les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, et que leurs organisations doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes d'ingérence de la part des employeurs. Le comité prie le gouvernement de procéder sans retard à une enquête sur les faits allégués ci-après et de le tenir informé au sujet des éléments suivants:
En ce qui concerne l'allégation de refus, de la part de l'entreprise Electro Ucayali SA, de conclure une convention collective depuis mai 1996, le comité prend dûment note du fait que, selon le gouvernement, la procédure de négociation collective s'est conclue à la satisfaction des parties, des conventions ayant été adoptées par un accord direct, et le cahier de revendications présenté par l'organisation syndicale ayant été satisfait. A cet égard, le comité prie le gouvernement de lui envoyer copie des conventions collectives conclues postérieurement et le prie de s'efforcer de collaborer avec les parties afin que les difficultés surgissant au cours des négociations collectives trouvent une solution dans un délai plus bref.
En ce qui concerne les allégations d'inscription sur la liste des «licenciements collectifs» de 19 travailleurs syndiqués, au nombre desquels deux membres de la Commission de négociation du cahier de revendications 1996-97 ainsi que deux membres du comité directeur, le comité prend dûment note du fait que, selon le gouvernement, la liste approuvée de licenciements ne concerne que 14 travailleurs et qu'ont été exclus de cette mesure, à la demande de l'entreprise, les cinq autres qui, aujourd'hui, travaillent normalement dans l'entreprise. Le comité rappelle qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi -- licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables --, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en plein indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants. [Voir Recueil, paragr. 724.]
En ce qui concerne les allégations de pressions exercées par l'entreprise à l'encontre des travailleurs affiliés au syndicat afin qu'ils renoncent à leur appartenance, en les menaçant de figurer sur la liste des «licenciements collectifs», le comité a le regret de constater que le gouvernement se borne à déclarer que cette allégation n'est pas recevable. Il constate en effet que le gouvernement indique que la législation nationale en vigueur en la matière protège les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale et d'ingérence sans préciser pour autant s'il a procédé à une enquête sur les faits allégués. De plus, le comité exprime sa grave préoccupation du fait que, suite aux événements qui ont donné lieu à cette plainte, l'enregistrement de ce syndicat a été annulé sous prétexte que l'effectif du syndicat en question est tombé au dessous du minimum de 20 exigé par la législation suite aux démissions de membres du syndicat.
Sur ce point, le comité tient à rappeler une fois de plus au gouvernement qu'en ratifiant la convention no 98 il s'est obligé à garantir l'application des articles 1 et 2 de cet instrument, en protégeant non seulement dans la législation mais également dans la pratique les travailleurs contre tous actes de discrimination antisyndicale et en protégeant leurs organisations contre tous actes d'ingérence. Il prie le gouvernement de procéder à une enquête afin de savoir si les divers adhérents du syndicat ayant renoncé à leur appartenance ont subi ou non des pressions de la part de l'entreprise, surtout compte tenu du fait qu'il n'a pas été non plus procédé à enquête sur les diverses allégations d'agissements antisyndicaux et d'actes d'ingérence de la part de l'entreprise dans le but d'étouffer et faire disparaître l'action syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces investigations. S'agissant des déclarations du gouvernement concernant l'obligation, pour le syndicat, d'attendre six mois avant de pouvoir obtenir le rétablissement de son enregistrement une fois que la cause ayant motivé l'annulation de cet enregistrement a disparu, le comité rappelle au gouvernement que cette disposition, contraire à la convention no 87, fait l'objet de commentaires de la part de la commission d'experts, laquelle lui demande de prendre les mesures nécessaires pour sa modification. [Voir rapport de la commission d'experts, 1997, p. 203 de la version française.]
En ce qui concerne les allégations de licenciements antisyndicaux et de menaces dans les entreprises Servicio Público de Electricidad del Oriente et Electro Sur Este SA, le comité constate qu'il n'a pas reçu de réponse du gouvernement; il prie donc celui-ci de communiquer sans délai ses observations. De même, il le prie de communiquer ses observations concernant les allégations de non-respect d'une convention de modification d'une décision de justice de la part de l'entreprise Electro Sur SA, ainsi que les allégations de menaces de sanctions et de licenciement contre les dirigeants syndicaux du syndicat de l'entreprise en question.
B. Nouvelles allégations de l'organisation plaignante
525. Dans sa communication du 18 novembre 1997, la FTLFP allègue que M. Guillermo Barrueta Gómez, secrétaire général de cette organisation, est victime d'actes de discrimination antisyndicale de la part de la Empresa Electro Sur Este SA. Celle-ci, en violation des conventions collectives en vigueur, a suspendu d'une manière unilatérale, le 30 juin 1992, le versement des indemnités de déplacement à M. Barrueta Gómez au titre de ses activités syndicales. Après que les autorités judiciaires eussent statué à deux reprises en faveur de M. Barrueta Gómez et ordonné que lui soit versée la somme de 11 221 nouveaux soles, l'entreprise a déposé un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême de justice, en invoquant le droit à une procédure équitable et le fait que le procès devait être engagé au titre de la «cessation d'actes d'hostilité» et non au titre de «versements dus pour non-respect des conventions collectives et de la sentence arbitrale». La FTLFP signale que M. Barrueta Gómez percevait les indemnités de déplacement depuis le 1er juillet 1991 et que les autres dirigeants de la FTLFP continuent de les percevoir depuis cette date. La FTPLP signale de plus que l'entreprise invoque, pour ne pas payer lesdites indemnités à M. Barrueta Gómez, le fait que ce dirigeant n'effectue pas de déplacements puisqu'il réside à Lima et que, par conséquent, il n'a pas droit à de telles indemnités. Toutefois, selon le plaignant, ce droit procède de l'exercice des fonctions syndicales ou s'applique lorsque le dirigeant se livre à des travaux de cette nature. Le plaignant considère comme illégale la décision de la Chambre de la Cour suprême de justice ayant déclaré recevable le pourvoi en cassation engagé par l'entreprise.
526. Dans sa communication du 15 décembre 1997, la FTLFP allègue qu'en novembre 1997 la Empresa de Servicio Público de Electricidad del Sur (Electro Sur SA) a licencié M. Walter Linares Sanz, secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité de Tacna, dans le but de nuire à la défense des intérêts des travailleurs dans le cadre du procès engagé auprès du tribunal du travail de Tacna concernant la restitution de rémunérations (à cet égard, l'organisation plaignante indique que la Haute Cour de justice de Tacna avait déjà ordonné à Electro Sur SA de payer les augmentations de salaire dues à 111 travailleurs en application d'une sentence arbitrale). L'entreprise reproche à M. Linares Sanz, sans aucune preuve, de ne pas s'acquitter de ses obligations professionnelles, d'avoir transmis de fausses informations à son employeur et d'avoir commis des actes d'indiscipline graves, en ayant autorisé l'accès d'un représentant du ministère public aux installations de l'entreprise et, par la suite, signé un acte en tant que représentant officiel de l'entreprise. Le plaignant indique que le représentant du ministère public s'était rendu auprès des locaux de l'entreprise pour effectuer une enquête faisant suite à une dénonciation effectuée par l'entreprise à l'encontre de son ancien directeur administratif et financier. Selon le plaignant, il s'avère que non seulement M. Linares Sanz n'a pas autorisé l'accès du ministère public aux installations de l'entreprise, mais qu'en outre la signature en représentation légale de l'entreprise de l'acte dressé par le ministère public n'a pas été usurpée. De plus, M. Linares Sanz n'a reçu ni informations ni instructions de la part des autorités, judiciaires ou autres, concernant cette enquête motivée par une dénonciation effectuée par l'entreprise. M. Linares Sanz a simplement respecté, afin de ne pas encourir de faute pénale, les demandes du représentant du ministère public; il n'a ni transmis de fausses informations à son employeur, ni commis des actes d'indiscipline graves, puisqu'il n'est pas même entré en contact direct et personnel, oralement ou par écrit, avec le représentant de l'entreprise, mais s'est contenté de faire attester sa présence au cours de l'enquête susmentionnée. Il n'a donc pas manqué à ses obligations professionnelles.
C. Réponse du gouvernement
527. Dans sa communication du 31 octobre 1997, le gouvernement se rapporte aux allégations relatives au licenciement du dirigeant syndical Jaime Tuesta Linares par Electro Oriente SA, aux menaces de licenciement exercées contre le personnel syndiqué de la «Sub-regional Apurimac» de Electro Sur Este SA et à la menace de licenciement exercée contre le dirigeant syndical Adriel Villafuerte Collado de la «subregional Puno» de Electro Sur Este SA. A cet égard, le gouvernement déclare que la législation en vigueur prévoit des sanctions appropriées en cas de non-respect des normes du travail, visant à décourager les actes ayant pour effet de restreindre la liberté syndicale des travailleurs. La Fédération plaignante signale dans sa communication que «les actes de cette nature sont interdits par le droit national, comme le stipulent l'article 29, alinéa a), et l'article 36 du décret suprême no 003-97-TR, texte unique ordonné no 728 de la loi sur la productivité et la compétitivité du travail. Ce texte établit la nullité de tout licenciement motivé par l'appartenance à un syndicat ou par la participation à des activités syndicales, et permet au travailleur syndiqué d'engager auprès des tribunaux péruviens une demande de nullité, dans les trente jours à dater des faits, sans qu'il soit possible de faire valoir aucun accord dérogeant au droit pertinent». En effet, le droit national protège pleinement l'exercice de la liberté syndicale, laquelle est garantie par le paragraphe 1) de l'article 28 de la Constitution politique du Pérou de 1993. L'article 4 du décret-loi no 25593 (loi sur les relations collectives de travail) reconnaît le droit des travailleurs à l'organisation et garantit l'exercice de ce droit. De la même manière, l'article 30 établit les garanties que la Charte syndicale accorde à certains travailleurs, lesquels ne peuvent être licenciés ou transférés à d'autres établissements de la même entreprise sans juste motif dûment établi ou contre leur consentement. En outre, l'article 29, alinéas a) et b), du texte unique ordonné de la loi sur la productivité et la compétitivité du travail, comprend des dispositions relatives à la nullité du licenciement lorsque celui-ci est motivé par l'appartenance à un syndicat ou par la participation à des activités syndicales, ou lorsque le travailleur concerné a posé sa candidature pour devenir représentant des travailleurs, ou lorsqu'il agit ou a agi en cette qualité. Dans le même sens, le Code pénal prévoit des peines d'emprisonnement pour quiconque porte atteinte au principe de la liberté syndicale. L'article 168 du Code pénal, modifié par la troisième disposition dérogatoire et finale du décret législatif no 857, établit ce qui suit: «Une peine de privation de liberté de deux ans au plus sera imposée à quiconque oblige quelqu'un d'autre, par la violence ou par la menace, à l'un des actes suivants: 1) adhérer ou non à un syndicat; 2) effectuer un travail personnel sans la rémunération correspondante; 3) travailler sans que soient respectées les conditions de sécurité et d'hygiène établies par les autorités. La même peine sera appliquée à quiconque ne respecte pas les résolutions consenties ou confirmées par les autorités compétentes, et à quiconque diminue ou perturbe la production, donne des motifs factices en vue de la fermeture du lieu de travail ou abandonne celui-ci pour mettre fin aux relations de travail.»
528. En ce qui concerne la protection contre les actes d'ingérence de la part de l'employeur, le gouvernement signale que le décret-loi no 25593 (loi sur les relations collectives de travail) interdit à l'Etat, aux employeurs et à leurs représentants de commettre des actes d'ingérence dans la vie syndicale. L'article 4 de ce décret indique que l'Etat, les employeurs et leurs représentants devront s'abstenir de toutes sortes d'actes tendant à limiter, restreindre ou atteindre, de quelque manière que ce soit, le droit syndical des travailleurs, et d'intervenir de quelque manière que ce soit dans la création, l'administration ou le financement des organisations syndicales que ces derniers constitueront.
529. Le gouvernement ajoute que par conséquent, selon la législation en vigueur, la voie légale pertinente est ouverte aux travailleurs pour qu'ils fassent valoir tout droit qu'ils estimeraient violé par des actes ou par des menaces de leur employeur, les travailleurs devant respecter les procédures légales établies afin que leur demande soit recevable. En ce qui concerne les hypothétiques menaces de licenciement à l'encontre de dirigeants syndicaux, le gouvernement indique que la fédération plaignante n'a pas démontré que ces actes ont été accomplis par les représentants de l'entreprise Electro Sur Este SA. Cependant, ainsi qu'il a été indiqué, si la preuve des actes dénoncés venait à être établie, la législation pertinente protège pleinement les travailleurs concernés. Dans ce cas précis, bien que la fédération plaignante reconnaisse que sa demande est protégée par l'ordonnance juridique nationale, les travailleurs n'ont pas fait usage des voies légales pour faire valoir les droits qu'ils estiment atteints, car ils ont déposé directement une plainte contre l'Etat péruvien avant d'épuiser les voies judiciaires correspondantes, raison pour laquelle le gouvernement demande que ces allégations soient rejetées.
530. Dans sa communication du 24 novembre 1997, le gouvernement se réfère à l'allégation selon laquelle le directeur administratif et financier de l'entreprise Electro Sur Este SA aurait demandé aux représentants syndicaux de renoncer au procès judiciaire qui les oppose à l'entreprise, en menaçant de sanctionner les représentants du syndicat et en faisant entendre qu'il procéderait au licenciement de ces derniers s'ils ne donnent pas suite à sa demande. A cet égard, le gouvernement déclare que la fédération plaignante n'étaye pas ce qu'elle expose dans ses allégations par une documentation pertinente, se contentant de mentionner les hypothétiques menaces du directeur administratif et financier de l'entreprise Electro Sur SA mais sans prouver la matérialité de ces faits, lesquels, ainsi qu'il a été indiqué, sont sanctionnés comme il se doit par la législation en vigueur. Néanmoins, pour que cette protection soit rendue effective, les dirigeants syndicaux doivent faire valoir la voie légale correspondante pour protéger ceux qui auraient à souffrir des actes de leur employeur. Pour cette raison, le gouvernement demande que ces allégations soient rejetées.
531. Dans sa communication du 9 mars 1998, le gouvernement se réfère à la recommandation du comité demandant qu'il soit procédé à une enquête sur les allégations concernant divers agissements antisyndicaux et actes d'ingérence commis à l'encontre du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité d'Electro Ucayali SA. Sur ce point, le gouvernement se rapporte à nouveau aux informations qu'il a fournies concernant la protection juridique existante contre les actes de discrimination et d'ingérence antisyndicaux. Le gouvernement ajoute qu'en ce qui concerne la protection contre les actes d'ingérence commis par l'employeur le décret-loi no 25593 (loi sur les relations collectives de travail) interdit à l'Etat, aux employeurs et à leurs représentants de commettre des actes d'ingérence dans la vie syndicale. L'article 4 de ce décret indique que l'Etat, les employeurs et leurs représentants devront s'abstenir de toutes sortes d'actes tendant à limiter, restreindre ou atteindre, de quelque manière que ce soit, le droit syndical des travailleurs, et d'intervenir de quelque manière que ce soit dans la création, l'administration ou le financement des organisations syndicales que ces derniers constitueront. La norme susmentionnée vise à sanctionner d'une manière effective tout acte de l'employeur menaçant les droits collectifs des travailleurs, raison pour laquelle les membres du Syndicat unique des travailleurs d'Electro Ucayali SA, qui estimeraient que leurs droits syndicaux ont été lésés, doivent agir par la voie judiciaire correspondante afin que soient protégés leurs droits reconnus par la loi.
532. En ce qui concerne l'allégation relative au refus de l'entreprise Electro Ucayali SA de conclure une convention collective depuis mai 1996, le comité avait demandé au gouvernement qu'il lui envoie copie des accords conclus ultérieurement et qu'il fasse tout son possible pour collaborer avec les parties afin que soient aplanies dans un délai plus bref les difficultés ayant surgi lors du processus de négociation collective. A cet égard, le gouvernement renvoie le comité aux rapports qu'il lui a déjà fait parvenir. Sur ce point, le gouvernement réaffirme que le processus de négociation collective s'est déroulé de manière satisfaisante, les accords ayant été conclus au moyen de pourparlers directs et les réclamations figurant sur la liste présentée par l'organisation syndicale ayant été résolues. Une copie de cette liste a été transmise au BIT avec la réponse précédente du gouvernement; la copie des accords conclus sera envoyée au comité d'ici peu. Le gouvernement signale qu'il veille, au moyen des instruments juridiques pertinents, au déroulement favorable des négociations collectives entre les parties.
533. En ce qui concerne les allégations relatives à d'hypothétiques contraintes exercées par l'entreprise Electro Ucayali SA sur les travailleurs syndiqués, afin que ces derniers renoncent à leur affiliation, le gouvernement déclare que de tels arguments sont injustifiés dans la mesure où les travailleurs bénéficient des garanties juridiques nécessaires pour faire valoir leurs droits syndicaux dans ce type de situation. Dans ce sens, s'il s'avère que les travailleurs ont subi des pressions aux fins susmentionnées, ils auraient dû recourir aux moyens de défense prévus par les normes pertinentes, lesquelles ont été exposées tout au long du présent rapport.
534. En ce qui concerne l'impossibilité, pour le syndicat, d'obtenir dans l'immédiat son nouvel enregistrement dès lors que la cause de sa radiation a été réparée, le gouvernement signale qu'il est nécessaire que les syndicats respectent l'obligation, qui leur est imposée par la loi, de compter 20 membres au minimum, afin d'avoir un minimum de représentativité dans les lieux de travail. Il est évident que, si le syndicat ne peut compter un tel effectif de travailleurs affiliés, il ne peut prétendre à la représentativité et, par conséquent, en application de la législation en vigueur, il doit être effacé du registre des syndicats, la loi lui octroyant un délai pour qu'il puisse réparer la cause de sa radiation et solliciter un nouvel enregistrement. En ce qui concerne la demande du comité pour que cette disposition légale soit modifiée, il faut signaler que la possibilité d'une révision de la norme en question est ouverte.
535. S'agissant des observations demandées concernant l'entreprise Servicio Público de Electricidad del Oriente SA, le gouvernement indique que celles-ci seront remises au comité avec la diligence requise par le présent cas. En ce qui concerne l'allégation de suspension de versement des indemnités de déplacement dues au dirigeant syndical Guillermo Barrueta Gómez depuis le 30 juin 1992 de la part de l'entreprise Electro Sur Este, SA, le gouvernement détaille les décisions de justice adoptées jusqu'à présent et confirme que, dans le cas d'espèce, la Cour suprême de justice a admis la recevabilité, en juillet 1997, du pourvoi en cassation intenté par l'entreprise. Face aux prétendus manquements aux obligations relatives au versement des indemnités de déplacements pour des motifs syndicaux de la part de l'employeur, l'organisation plaignante aurait dû introduire un recours devant les autorités judiciaires pour obtenir la «cessation d'acte d'hostilité». En effet, l'article 66 c) du décret no 728 relatif à l'encouragement à l'emploi (en vigueur à la date de la suspension de versement d'indemnité pour déplacements syndicaux) consacre, parmi les actes d'hostilité, le manquement injustifié aux obligations légales ou conventionnelles. Le droit de la partie plaignante d'exercer par les voies de droit pertinentes un recours contre la prétendue violation du droit syndical de ce dirigeant est donc régi par la loi. Le gouvernement souligne que la décision de la Cour suprême de justice sur ce cas ne signifie pas une évolution jurisprudentielle ou une acceptation de l'argument de l'entreprise et rappelle le caractère autonome des décisions de la Cour. Ceci signifie qu'en l'état actuel des choses les critiques de l'organisation plaignante ne se fondent que sur des spéculations. En outre, s'agissant du licenciement du dirigeant syndical M. Walter Linares, le gouvernement répète ses déclarations sur l'existence de normes et de procédures judiciaires assurant la protection contre la discrimination antisyndicale et le fait que l'intéressé pouvait y avoir recours.
536. Le comité note que les questions restées en instance dans le cadre de la présente plainte se rapportent à différents actes de discrimination et d'ingérence antisyndicale de la part des entreprises Electro Ucayali SA, Servicio Público de Electricidad del Oriente SA, Electro Sur Este SA et Electro Sur SA, ainsi qu'à des entraves à la négociation collective de la part de l'entreprise Electro Ucayali SA.
Allégations restées en suspens
lors de l'examen antérieur du cas
537. Le comité note que les allégations relatives à des actes de discrimination antisyndicale restées en instance à l'issue de sa précédente session sont les suivantes:
[Le comité avait demandé au gouvernement d'effectuer sans retard une enquête sur les cas mentionnés jusqu'ici.]
538. Par ailleurs, en ce qui concerne le refus de l'entreprise Electro Ucayali SA de conclure un accord collectif depuis le mois de mai 1996, le comité avait demandé au gouvernement d'envoyer des copies des conventions collectives conclues après celles auxquelles il se réfère dans sa réponse.
539. A cet égard, le comité déplore qu'en réponse aux allégations de discrimination et d'ingérence antisyndicales, le gouvernement se contente de signaler que la législation interdit les actes de discrimination et d'ingérence antisyndicales et que les éventuelles victimes peuvent s'adresser aux autorités judiciaires. Le comité déplore profondément que les autorités n'aient pas procédé à une enquête sur les allégations et que le gouvernement -- sans faire parvenir d'observations spécifiques -- se contente d'invoquer à nouveau l'existence de normes protégeant la liberté syndicale et portant sur les recours judiciaires, ou invoque le fait que les organisations plaignantes n'ont pas fourni des preuves suffisantes. A cet égard, le comité souligne que «le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 738.] De même, le comité signale à l'attention du gouvernement que, «lorsqu'elles sont saisies de plaintes pour discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatées». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 754.] De plus, «le respect des principes de la liberté syndicale exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux et tout à fait impartiaux». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 741.] Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement, un nouvelle fois, de procéder immédiatement à une enquête sur les allégations de discrimination antisyndicale au sein des entreprises Electro Ucayali SA, Servicio Público de Electricidad del Oriente SA et Electro Sur Este SA, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier à ces actes graves de discrimination antisyndicale. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
540. En ce qui concerne l'allégation relative aux entraves à la négociation collective de la part de l'entreprise Electro Ucayali SA, le comité note que, selon le gouvernement, les parties sont parvenues à des accords satisfaisants et que le gouvernement annonce qu'il enverra ces textes à une date prochaine. Le comité espère recevoir sans tarder le texte de tous les accords collectifs conclus et il lui demande de les transmettre de manière urgente.
Nouvelles allégations de l'organisation plaignante
541. S'agissant du licenciement du dirigeant syndical, M. Walter Linares, par Electro Sur SA, le comité regrette que le gouvernement en répondant à l'allégation sur ce licenciement se soit borné à signaler, de manière générale, que des normes et des procédures existent qui protègent contre la discrimination antisyndicale, auxquelles l'intéressé pourrait avoir recours. Le comité le prie instamment de procéder à une enquête approfondie et de le tenir informé à ce sujet.
542. S'agissant de l'allégation relative à la suspension du versement des indemnités de déplacement de M. Guillermo Barrueta Gómez au titre de ses activités syndicales, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles l'organisation plaignante devait s'adresser à l'autorité judiciaire, en invoquant, conformément à la loi, «un acte d'hostilité» pour manquement injustifié aux obligations légales et conventionnelles, et qu'en conséquence la Cour suprême de justice avait accepté la recevabilité du pourvoi en cassation intenté par l'entreprise Electro Sur Este SA. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue, quant au fond, de ce recours en cassation.
* * *
543. Enfin, le comité demande au gouvernement de faire en sorte que tous les cas de discrimination antisyndicale -- y compris ceux présentés au comité -- puissent être examinés au moyen de procédures rapides et efficaces.
544. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement du Pérou
présentée par
-- la Fédération syndicale mondiale (FSM)
-- la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou
FTCCP) et
-- le Syndicat des travailleurs de la construction civile de Lima
et des stations balnéaires (STCCLB)
Allégations: limitations du droit de négociation collective
(secteur de la construction) -- persécution antisyndicale
545. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de novembre 1997. [Voir 308e rapport, paragr. 597 à 609, approuvé par le Conseil d'administration lors de sa 270e session (novembre 1997).] Par la suite, la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP) a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 2 octobre 1997. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication du 27 février 1998.
546. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
547. Lors de l'examen antérieur du cas -- quand il a étudié les allégations de persécution antisyndicale contre trois dirigeants de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP) condamnés à deux ans de prison, ainsi que les allégations relatives aux limitations du droit de négociation collective contenues dans une disposition du projet de loi no 2266 --, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 308e rapport, paragr. 609 a) et b)]:
Au sujet des allégations relatives à une peine de deux ans de prison prononcée contre les dirigeants syndicaux de la FTCCP, MM. José Luis Risco Montalván, Mario Huaman Rivera et Víctor Herrera Rubiños le 2 octobre 1997, le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations à cet égard.
Au sujet de la cinquième disposition transitoire du projet de loi no 2266 qui interdit de recourir à la négociation collective dans la construction civile au cours des six premiers mois suivant le début effectif d'un chantier de construction, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'adoption définitive du nouvel avant-projet qui, selon le gouvernement, élimine cette limitation et qu'il assure que les parties à la négociation collective puissent négocier à tous les niveaux.
B. Informations supplémentaires de la Fédération des travailleurs
de la construction civile du Pérou (FTCCP)
548. Par communication du 2 octobre 1997, la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP) signale que la sixième Chambre pénale de la Cour supérieure de Lima a porté à la connaissance de l'organisation syndicale la sentence de dernière instance dans laquelle ladite Chambre confirme la peine de deux ans de prison pour le délit d'atteinte à l'ordre public commis lors d'une manifestation au Congrès de la République le 27 novembre 1991. Cette sentence a été prononcée contre les dirigeants syndicaux José Luis Risco Montalván, Mario Huaman Rivera, Víctor Herrera Rubiños, ainsi que contre 30 autres travailleurs. Cette sentence illégale et injuste est une nouvelle atteinte portée à la liberté syndicale, à la Constitution et à l'Etat de droit, et un signal de menace et d'avertissement visant à refréner l'opposition croissante des syndicats et de la population.
C. Réponse du gouvernement
549. Dans sa communication du 27 février 1998, le gouvernement se réfère à l'allégation relative à la persécution de MM. José Luis Risco Montalván, Mario Huaman Rivera et Víctor Herrera Rubiños, dirigeants syndicaux de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou, et plus précisément à la procédure judiciaire dont ils font l'objet en raison des troubles graves survenus en novembre 1991, faits pour lesquels, selon les allégations des plaignants datées du 2 octobre 1997, les dirigeants susmentionnés ont été condamnés à une peine de deux ans de prison. Le gouvernement déclare qu'il n'existe pas de persécution à l'encontre de dirigeants syndicaux; toutefois, une procédure pénale a été engagée à la suite des troubles graves survenus en novembre 1991, faits qui ont conduit l'organe juridictionnel compétent à condamner les dirigeants susmentionnés à une peine de privation de liberté de deux ans. Le gouvernement ajoute que l'organisation plaignante, dans ses allégations datées du 2 octobre, ne joint pas une copie de la sentence qui impose la condamnation mentionnée, ce qui ne permet pas d'analyser la portée de ladite sentence. Néanmoins, relève le gouvernement, l'organisation plaignante a affirmé un fait inexact, en précisant que les dirigeants «ont été condamnés à une peine de deux ans de prison». En effet, le Code pénal ne prévoit dans aucun cas de ce genre la peine de prison, mais la peine de privation de liberté, et cette dernière, si elle n'est pas supérieure à quatre ans, ne sera pas une peine impliquant l'emprisonnement pour les condamnés, mais seulement l'imposition de certaines règles de conduite.
550. En ce qui concerne le projet de loi no 2266, le gouvernement indique que l'avant-projet devant remplacer la loi sur les relations collectives de travail ne prend pas en compte le projet de loi no 2266. En outre, le gouvernement signale que ledit avant-projet contient des apports formulés par la Confédération nationale des institutions des entreprises privées, la Confédération générale des travailleurs du Pérou, le ministère du Travail et de la Promotion sociale, ainsi que dans les observations de l'Organisation internationale du Travail en matière d'organisation syndicale et de négociation collective, et que cet avant-projet fait actuellement l'objet d'un débat au Congrès de la République.
551. Le comité constate que les allégations qui étaient restées en instance lors de son examen antérieur du cas se référaient à la condamnation à deux ans de prison des dirigeants syndicaux de la Fédération des travailleurs de la construction civile du Pérou (FTCCP), MM. José Luis Risco Montalván, Mario Huaman Rivera et Víctor Herrera Rubiños. De même, le comité observe qu'il avait demandé au gouvernement de l'informer de l'approbation définitive du nouvel avant-projet portant modification de la loi sur les relations de travail, qui, selon le gouvernement, éliminait certaines limitations de la négociation collective prévues dans le projet de loi no 2266.
552. En ce qui concerne la condamnation des dirigeants syndicaux, MM. José Luis Risco Montalván, Mario Huaman Rivera et Víctor Herrera Rubiños, le comité observe que la FTCCP l'a informé que la Cour supérieure de Lima a confirmé la peine de deux ans de prison prononcée contre les dirigeants syndicaux précités, ainsi que contre 30 autres syndicalistes, pour avoir commis un délit d'atteinte à la sécurité publique en participant à une manifestation au Congrès de la République le 28 novembre 1991. A cet égard, le comité note que le gouvernement indique que la peine de privation de liberté de deux ans a été imposée en raison de troubles graves survenus en novembre 1991, et que, étant donné que ladite peine n'est pas supérieure à quatre ans, elle n'impliquera pas l'«emprisonnement» pour les condamnés, et que ces derniers ne seront soumis qu'à certaines règles de conduite.
553. Le comité observe que les deux versions présentées par les organisations plaignantes et le gouvernement sur les faits qui ont conduit à la condamnation des dirigeants syndicaux ou syndicalistes sont divergentes. Alors que les organisations plaignantes affirment que les personnes concernées sont condamnées pour avoir commis un délit d'atteinte à la sécurité publique en participant à une manifestation contre le Congrès de la République, le gouvernement déclare que la procédure pénale a été engagée à la suite de troubles graves qui se seraient produits, mais il n'indique ni en quoi ont consisté ces troubles, ni quelles ont été leurs conséquences (par exemple, agressions physiques, blessures, destruction de biens meubles et immeubles, etc.), ni si les intéressés sont directement impliqués dans ces troubles. Dans ces conditions, et afin de pouvoir se prononcer sur ces allégations avec tous les éléments d'information, le comité prie le gouvernement de lui envoyer, dès que possible, une copie des jugements prononcés par les diverses instances judiciaires. De même, le comité prie le gouvernement de lui fournir des précisions sur les «règles de conduite» auxquelles seront soumis les dirigeants syndicaux ou syndicalistes en raison de la condamnation prononcée contre eux.
554. Quant à l'allégation relative aux limitations à la négociation collective dans le secteur de la construction prévues par le projet de loi no 2266, le comité note que le gouvernement indique que l'avant-projet portant modification de la loi sur les relations collectives de travail non seulement ne prend pas en compte le projet de loi no 2266 mais a aussi supprimé de son texte la disposition critiquée par les organisations plaignantes qui ont fait valoir qu'elle interdit de recourir à la négociation collective dans la construction civile au cours des six premiers mois suivant le début effectif d'un chantier de construction. En outre, le comité note que le gouvernement indique que le nouvel avant-projet de loi contient des apports formulés par la Confédération nationale des institutions des entreprises privées, la Confédération générale des travailleurs du Pérou, le ministère du Travail et de la Promotion sociale, ainsi que dans les observations de l'Organisation internationale du Travail en matière d'organisation syndicale et de négociation collective. Enfin, le comité constate que les organisations plaignantes ne se sont pas opposées, dans le cadre de ce cas, à l'avant-projet d'amendement auquel se réfère le gouvernement.
555. En tout cas, le comité constate que depuis bien des années la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations formule des observations demandant au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation, et notamment la loi sur les relations de travail, afin de la rendre conforme aux dispositions des conventions nos 87 et 98. De même, le comité constate que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a déjà pris connaissance de l'avant-projet portant modification de la loi sur les relations collectives de travail, et a constaté que ledit projet n'envisage pas d'apporter toutes les modifications nécessaires. [Voir rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de 1998, partie 1A, pp. 201-202 et 270 à 272.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement d'assurer que le nouvel avant-projet portant modification de la loi sur les relations collectives de travail soit en pleine conformité avec les conventions nos 87 et 98 et en particulier en ce qui concerne les restrictions à la négociation collective mentionnées dans le présent cas. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation relative à l'état d'avancement de l'avant-projet de loi devant le Congrès et il soumet cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
556. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement des Philippines
présentée par
le Syndicat des employés de Telefunken travaillant
dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU)
Allégations: licenciement de syndicalistes à la suite d'une grève;
détention de syndicalistes; et actes de violence contre les grévistes
557. Le comité a déjà examiné ce cas quant au fond à sa session de novembre 1997 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 308e rapport, paragr. 635 à 671, approuvé par le Conseil d'administration à sa 270e session (novembre).]
558. Le gouvernement a fourni de nouvelles observations sur ce cas dans des communications datées des 5 février 1998 et 12 mars 1998.
559. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
560. Le Syndicat des employés de Telefunken travaillant dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU) avait présenté des allégations concernant le licenciement d'environ 1 500 dirigeants ou membres du TSEU ayant participé à une grève et le refus de Temic Telefunken Microelectronics (Phils.) Inc. («TEMIC») de respecter plusieurs ordonnances prononcées par le ministère du Travail et de l'Emploi (DOLE) demandant la réintégration de ces travailleurs dans leurs postes, ainsi que l'incapacité des autorités publiques à faire exécuter ces ordonnances. Les allégations évoquaient également la détention de courte durée de cinq membres du TSEU au commissariat de police de Taguig puis à la prison municipale de Taguig ainsi que des actes de violence à l'encontre des grévistes imputables à des gardes du service de sécurité de la société et à la police.
561. Dans sa réponse, le gouvernement avait indiqué que le ministère du Travail et de l'Emploi (DOLE) avait envoyé ses shérifs à trois reprises pour faire exécuter les ordonnances du DOLE demandant la réintégration, mais qu'ils n'avaient pas été en mesure de le faire en raison du refus de TEMIC de respecter celles-ci. Le gouvernement avait également souligné que l'affaire n'était plus de la compétence du ministère du Travail en raison des demandes déposées par le TSEU et TEMIC auprès de la Cour suprême qui avait réuni les deux demandes dans une résolution du 13 janvier 1997. La Cour suprême n'avait pas, encore, pris de décision au sujet de cette affaire.
562. A sa session de novembre 1997, au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes:
B. Réponse du gouvernement
563. Par sa communication datée du 5 février 1998, le gouvernement déclare que la Cour suprême a publié un «avis de jugement» le 12 décembre 1997 relatif aux deux demandes dont elle a été saisie, respectivement, par le TSEU et TEMIC. Le gouvernement souligne que, dans sa décision, la Cour a fait droit à la demande du TSEU et a ordonné la réintégration immédiate, et sans exception, de tous les travailleurs grévistes du TSEU. En revanche, la Cour a rejeté la demande de TEMIC comme non fondée. La Cour a ordonné au secrétaire au travail et à l'emploi de veiller à l'application effective de l'ordonnance exécutoire publiée par le secrétaire le 27 juin 1996 et de déterminer, le plus rapidement possible, la légalité de la grève et, le cas échéant, la responsabilité individuelle des grévistes. Enfin, le gouvernement signale que, dans sa décision, la Cour a averti les membres du syndicat qu'une répétition de la grève de la faim ou de toute manifestation de masse similaire, dans ses locaux ou aux alentours, visant à influencer ses décisions à l'avenir, sera traitée avec sévérité (une copie de la décision de la Cour a été annexée à la réponse du gouvernement).
564. Le gouvernement déclare que, conformément à cette décision de la Cour suprême du 12 décembre 1997, le ministère du Travail et de l'Emploi (DOLE) a publié une ordonnance no 32 du 15 décembre 1997 créant un groupe de travail chargé d'intervenir sur la base de ladite ordonnance. Le gouvernement relève toutefois que les membres de ce groupe de travail ne prennent, pour l'instant, que des mesures d'anticipation dans l'attente de la décision définitive de la Cour, qui pourrait confirmer la décision du 12 décembre 1997. A ce sujet, le gouvernement déclare que la décision de la Cour suprême n'est pas encore définitive et exécutoire car les deux parties ont encore le droit de présenter un dernier recours, et que la Cour prononcera ensuite un «jugement définitif». Une fois que la Cour aura statué définitivement, les minutes de l'affaire seront transmises au tribunal qui a examiné l'affaire initialement pour exécution.
565. Le gouvernement indique que, le 2 janvier 1998, TEMIC a déposé «un recours en vue d'un réexamen» demandant à la Cour de reconsidérer et d'annuler sa décision du 12 décembre 1997 et de prononcer un arrêt visant à: a) rejeter la demande du syndicat; b) annuler l'ordonnance exécutoire datée du 27 juin 1996 et l'ordonnance du 21 novembre 1996; c) conclure que les dirigeants ou membres du syndicat, qui ont refusé de respecter l'ordonnance prononcée par le secrétaire du DOLE le 8 septembre 1995 et l'ordonnance du 16 septembre 1995 demandant la reprise du travail, ont perdu leur statut d'employés parce qu'ils ont participé sciemment à un acte illégal; et d) conclure que le secrétaire au travail et à l'emploi est habilité à exclure certains employés de l'application de l'ordonnance de reprise du travail.
566. Le gouvernement ajoute que, par la suite, le TSEU a déposé une «demande de clarification» le 3 janvier 1998 afin d'obtenir la publication d'une ordonnance de clarification précisant qu'en vertu de la décision du 12 décembre 1997 TEMIC est tenu de verser les arriérés de salaires aux 1 500 travailleurs licenciés illégalement, y compris aux membres du syndicat. Le paiement des ces arriérés de salaires sera calculé sur la base de l'ordonnance du 27 octobre 1995 passée en force de chose jugée. Le gouvernement déclare enfin qu'à ce jour le DOLE attend toujours la décision finale de la Cour relative à ces deux recours.
567. Dans sa communication datée du 12 mars 1998, le gouvernement fournit ses observations au sujet de l'allégation selon laquelle cinq membres du TSEU ont été détenus le 23 septembre 1995 au commissariat de police de Taguig puis à la prison municipale de Taguig, et finalement libérés le 26 septembre 1995. Le gouvernement confirme que cinq grévistes membres du TSEU ont été arrêtés par la police de Taguig le 23 septembre 1995 et transférés au bureau d'enquête du commissariat en raison de plaintes en séquestration illégale mineure et actes de contrainte grave déposées contre eux par deux directeurs de la société. En effet, ces deux directeurs de TEMIC ont allégué dans leur plainte à la police que le 14 septembre 1995 les cinq membres du TSEU susmentionnés ainsi que des dirigeants du TSEU et 250 autres grévistes qui étaient tous des employés de TEMIC ont organisé une grève contre la société. Le 18 septembre 1995, le DOLE a prononcé une ordonnance exigeant la liberté d'entrée et de sortir pour les employés qui n'étaient pas en grève. Le 22 septembre 1995, les grévistes susmentionnés ont cadenassé la grille de la société TEMIC et formé par la suite un barrage humain aux grilles de TEMIC, empêchant ainsi les deux directeurs de quitter les bâtiments de la société en dépit des appels lancés pour qu'ils les laissent sortir. Le gouvernement ajoute que, le 25 septembre 1995, les documents pertinents relatifs aux accusations portées par les deux directeurs de TEMIC ont été transmises au bureau du procureur de la province de Rizal, dans la ville de Pasig, pour enquête. Néanmoins, dans une résolution datée du 17 juillet 1996, le bureau du procureur de la ville de Pasig a rejeté les accusations portées contre les responsables du TSEU pour insuffisance de preuves (une copie de cette résolution est annexée à la réponse du gouvernement).
568. Au sujet des actes de violence qui auraient été commis le 21 octobre 1995 par des policiers de Taguig contre des membres du TSEU en grève, le gouvernement indique que le commissariat de police de Taguig l'a informé que la présence desdits policiers dans les parages à ce moment n'avait pour but que de faire respecter la loi et de maintenir l'ordre public dans la zone. De plus, ce sont les agents chargés de la sécurité de la société et les surveillants sous contrat qui ont commencé à commettre des actes de violence contre les grévistes.
569. Le comité rappelle que les allégations dans le présent cas concernent le licenciement d'environ 1 500 dirigeants et membres du Syndicat des employés travaillant dans le secteur des semi-conducteurs (TSEU) ayant participé à une grève et le refus de Temic Telefunken Microeletronics (Phils.) Inc. («TEMIC») de respecter plusieurs ordonnances prononcées par le ministère du Travail et de l'Emploi (DOLE) demandant la réintégration de ces travailleurs à leurs postes, ainsi que l'incapacité des autorités publiques à faire exécuter ces ordonnances. Les allégations évoquent également la détention de cinq syndicalistes et des actes de violence à l'encontre des grévistes imputables à des gardes du service de sécurité de l'entreprise et à la police.
570. En ce qui concerne le licenciement allégué d'environ 1 500 militants du TSEU à la suite de leur participation à une grève et du refus de TEMIC de respecter plusieurs ordonnances prononcées par le DOLE, le comité note que, dans une décision prise le 12 décembre 1997, la Cour suprême a accepté la demande du TSEU mais a rejeté celle de TEMIC en la considérant insuffisamment fondée. Le comité note avec intérêt que dans sa décision, la Cour a ordonné la réintégration immédiate de tous les travailleurs en grève du TSEU, sans exception. Le comité voudrait rappeler que, lors de l'examen antérieur de ce cas, il a demandé instamment au gouvernement de s'assurer que ces 1 500 dirigeants ou membres du TSEU qui avaient été licenciés à la suite de leur participation à une grève soient immédiatement réintégrés dans leurs postes de travail selon les mêmes dispositions et clauses que celles qui prévalaient avant la grève avec versement des salaires non perçus et des indemnités, conformément aux ordonnances demandant la réintégration prononcées par le DOLE. [Voir 308e rapport du comité, paragr. 668.] Le comité note également que, conformément à la décision de la Cour suprême du 12 décembre 1997, le DOLE a prononcé l'ordonnance no 31 du 15 décembre 1997 créant un groupe de travail chargé de l'application de ladite décision. Néanmoins, la décision de la Cour suprême n'est pas encore définitive et exécutoire étant donné que, le 2 janvier 1998, TEMIC a déposé un «recours en vue d'un réexamen» demandant à la Cour de reconsidérer et d'annuler sa décision du 12 décembre 1997. De plus, le 3 janvier 1998, le TSEU a déposé un recours demandant une clarification précisant que, en vertu de la décision du 12 décembre 1997, TEMIC est tenu de payer les arriérés de salaires aux 1 500 travailleurs licenciés illégalement, y compris aux membres du syndicat. Une fois que la Cour aura statué définitivement sur les deux recours, les minutes de l'affaire seront transmises au tribunal initial pour exécution.
571. A cet égard, le comité regrette profondément que plus de deux ans se sont écoulés depuis la publication de la première ordonnance demandant la réintégration des 1 500 dirigeants et membres (27 octobre 1995). Le comité se voit par conséquent dans l'obligation de rappeler au gouvernement qu'il a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les cas de discrimination antisyndicale soient examinés promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l'absence d'un jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration de dirigeants et membres syndicaux licenciés par l'entreprise équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 738 à 749.] Le comité demande en conséquence instamment au gouvernement d'assurer une protection rapide et efficace contre les actes de discrimination antisyndicale. Le comité note en outre que, dans sa décision du 12 décembre 1997, la Cour suprême a décidé elle-même que, du moment qu'elle ne publiait pas une ordonnance imposant temporairement des restrictions, il n'existe aucun empêchement juridique à la mise en œuvre de l'ordonnance exécutoire et de l'ordonnance d'exécution publiée précédemment par le DOLE. Le comité observe que, dans cette décision, la Cour suprême déclare en outre:
... il est élémentaire que la simple litispendance d'une action civile de certiorari ordonnant à un tribunal inférieur de soumettre une affaire à un tribunal supérieur aux fins de vérification n'interrompt pas l'examen de l'affaire par ce dernier tribunal quand il n'y a pas d'ordonnance imposant certaines restrictions. Cela signifie forcément qu'aussi longtemps qu'aucun mandat d'exécution ou d'injonction n'est publié pour une action civile spéciale de certiorari, il n'y a pas d'empêchement et rien ne peut s'opposer à ce que le tribunal de juridiction inférieure poursuive l'examen de l'affaire dont il a été saisi et qui relève de sa compétence...
572. Au vu des principes énoncés dans le paragraphe précédent et du fait qu'il faudra peut-être encore attendre assez longtemps avant que la Cour suprême statue définitivement dans ce cas, le comité voudrait une fois de plus demander instamment au gouvernement de s'assurer que les quelque 1 500 dirigeants et membres du TSEU qui ont été licenciés à la suite de leur participation à une grève soient réintégrés immédiatement dans leurs postes selon les mêmes dispositions et clauses que celles qui prévalaient avant la grève avec versement des salaires non perçus et des indemnités, conformément aux ordonnances demandant la réintégration prononcées par le DOLE. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé, à cet égard, de tout fait nouveau. Notant en outre que TEMIC et le TSEU ont déposé des recours auprès de la Cour suprême, respectivement, les 2 et 3 janvier 1998, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la décision de la Cour suprême au sujet de ces recours.
573. Le comité note que le gouvernement confirme l'allégation selon laquelle cinq membres du TSEU ont été détenus le 23 septembre 1995 par la police de Taguig, bien qu'ils aient ensuite été relâchés le 26 septembre 1995. Des accusations de brève séquestration illégale et d'actes de contrainte grave ont été portées par deux directeurs de TEMIC qui allèguent dans leur plainte que, durant la grève, les cinq membres du TSEU (ainsi que d'autres employés en grève de TEMIC) les ont empêchés de quitter le bâtiment de la société. Le comité note toutefois que le bureau du procureur de la ville de Pasig a publié le 17 juillet 1996 une résolution rejetant les accusations portées contre lesdits membres du TSEU par défaut de preuve. En effet, le comité note que les trois procureurs de plus haut rang du bureau du procureur de la ville de Pasig qui ont signé cette résolution ont rejeté les accusations pour les raisons suivantes:
[...]
Pour l'évaluation des faits, il n'existe pas de commencement de preuve justifiant une inculpation des parties défenderesses pour les actes délictueux dont elles sont accusées ... un tel comportement des employés en grève, y compris de toutes les personnes mises en cause, ne peut pas être considéré comme une raison de conclure que l'infraction en question a été commise à cause de la détention ou de la privation de liberté des plaignants dans les circonstances, infraction qui, bien que n'étant certainement pas justifiée, n'a pas été commise de mauvaise foi. Soutenir le contraire reviendrait à invalider la politique constitutionnelle de justice et de protection sociales des travailleurs et à considérer le Code pénal révisé en vigueur comme une véritable épée de Damoclès suspendue au-dessus des travailleurs.
Par analogie, l'accusation d'actes de contrainte grave ne peut être retenue en vertu d'aucune disposition dans les circonstances. Les plaignants n'ont pas établi avec une certitude raisonnable l'élément de preuve fondamental de la contrainte grave -- la violence. Les faits ainsi invoqués montrent que les personnes mises en cause n'ont recouru ni à la force ni à la violence contre le plaignant alors que les personnes mises en cause exerçaient leur droit constitutionnel et légal de faire grève. Les personnes mises en cause ne peuvent donc pas être considérées comme étant responsables d'un délit de contrainte grave.
Dès lors, il est décidé que les plaintes portées contre les parties défenderesses sont rejetées par défaut de preuve.
Le comité prend dûment note des informations précitées et voudrait une fois de plus attirer l'attention du gouvernement sur le fait que l'arrestation et la détention de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes, même si c'est pour une courte période, constituent une violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 70 et 75.] Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour s'assurer qu'à l'avenir les autorités compétentes recevront des instructions adéquates pour veiller au respect de ce principe fondamental.
574. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le 20 octobre 1995, au cours d'une réunion syndicale sur le piquet de grève, des agents chargés de la sécurité de l'entreprise et des surveillants sous contrat ont aspergé les grévistes de gaz lacrymogènes et d'eau, et leur ont aussi lancé des pierres, et, le 21 octobre 1995, le piquet de grève du syndicat a été fouillé par des agents de la sécurité de l'entreprise assistés par des policiers de Taguig, le comité note que, selon le gouvernement, la présence desdits policiers dans les parages à ce moment n'avait que pour but d'assurer le maintien de l'ordre public dans la zone, et que ce sont les agents chargés de la sécurité de la société et les surveillants sous contrat qui ont commencé à recourir à la violence contre les grévistes. A cet égard, le comité souhaite rappeler que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 47.] Au cours de ses examens antérieurs de ce cas, le comité a noté que le syndicat avait demandé à la police nationale philippine d'ouvrir une enquête sur l'incident; le comité a par conséquent prié le gouvernement de le ternir informé du résultat de cette enquête. [Voir 308e rapport du comité, paragr. 669.] Le comité note avec regret que le gouvernement n'a rendu compte d'aucun progrès de la police pour faire la lumière sur cet incident grave. Notant que le gouvernement a déclaré que les agents chargés de la sécurité de la société et les surveillants sous contrat ont commencé à commettre des actes de violence contre les grévistes, le comité demande au gouvernement d'ouvrir sans délai une enquête judiciaire indépendante sur les actes de violence perpétrés contre des piquets de grève du TSEU les 20 et 21 octobre 1995 afin d'identifier et de punir les coupables. Il prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête.
575. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation
Plainte contre le gouvernement du Swaziland
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
Allégations: violations du droit d'organisation et du droit de grève
576. Le comité a examiné ce cas à sa réunion de mars 1997 [voir 306e rapport, paragr. 619-704, approuvé par le Conseil d'administration à sa 268e session (mars 1997)], où il a formulé des conclusions intérimaires.
577. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une communication datée du 23 avril 1998.
578. Le Swaziland a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
579. L'examen antérieur de ce cas se fondait non seulement sur les allégations des plaignants et sur la réponse du gouvernement, mais encore sur le rapport de la mission de contacts directs qui s'est rendue dans le pays du 30 septembre au 4 octobre 1996. A cette époque, le comité avait examiné les allégations concernant des licenciements, des menaces et des actes de harcèlement envers des syndicalistes, y compris l'enlèvement du secrétaire général de la Fédération des syndicats du Swaziland (SFTU), et l'incompatibilité de la loi de 1996 sur les relations professionnelles avec les principes de la liberté syndicale. Au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations suivantes en mars 1997:
[...]
B. Réponse complémentaire du gouvernement
580. Dans sa communication du 23 avril 1998, le gouvernement se réfère au projet de loi sur les relations professionnelles transmis au Bureau, qui a été révisé en consultation avec les partenaires sociaux et avec l'assistance de l'OIT.
581. Le gouvernement indique en outre que plusieurs allégations ne sont plus pertinentes en raison du temps écoulé. Il n'existe aucun cas en instance contre aucun dirigeant d'aucun mouvement syndical, ni personne qui purge une peine quelconque pour des infractions liées à des activités syndicales. En outre, le gouvernement a avancé, avec la coopération des partenaires sociaux et de l'OIT, dans l'élaboration du projet de loi sur les relations professionnelles qui vise à améliorer l'application des normes internationales du travail, en particulier celles qui ont été ratifiées par le Swaziland. Ce projet de loi tend aussi à améliorer la procédure de règlement des différends. Il a été soumis à la Commission tripartite consultative du travail auprès du ministre des Entreprises et de l'Emploi le 19 mars 1998. Le ministre soumettra rapidement un projet de loi au Conseil des ministres qui le présentera naturellement au Parlement.
582. Le gouvernement souligne pour terminer qu'il exploite au mieux la puissance du tripartisme non seulement pour parvenir à un consensus, mais encore pour régler des différends inutiles provoqués le plus souvent par la suspicion et la méfiance. Le gouvernement exprime ses remerciements à l'OIT pour le soutien qu'elle lui a apporté et reconnaît l'urgence qu'il y a à régler cette affaire.
583. Le comité note que dans cette affaire les recommandations avaient trait à la nécessité d'amender la législation, notamment la loi sur les relations professionnelles, et à un appel lancé au gouvernement pour qu'il abandonne les accusations en instance en application de la législation actuelle à l'encontre des dirigeants suivants de la Fédération des syndicats du Swaziland (SFTU): Jan Sithole, Richard Nxumalo, Jabulani Nxumalo, Themba Msibi, Barbara Dlamini et la SFTU elle-même. Enfin, le comité avait demandé au gouvernement d'entreprendre une enquête indépendante sur les circonstances entourant: 1) la mort d'une collégienne de 16 ans tuée par une balle perdue tirée par la police lors de la grève de janvier 1996; 2) l'enlèvement de Jan Sithole, secrétaire général de la SFTU le 29 août 1996; 3) le licenciement de Jabulani Nxumalo, secrétaire général adjoint de la SFTU.
584. Le comité note avec intérêt que, d'après le gouvernement, il n'existe aucune accusation en instance contre aucun syndicaliste et personne ne purge de peine pour un délit lié à des activités syndicales.
585. Le comité note cependant avec regret que le gouvernement n'a fourni aucun renseignement sur les enquêtes indépendantes demandées pour élucider les affaires susmentionnées. Le comité ne peut par conséquent qu'exhorter une nouvelle fois le gouvernement à ouvrir une enquête indépendante sur la mort de la collégienne de 16 ans tuée par une balle perdue tirée par la police lors de la grève de janvier 1996; l'enlèvement de Jan Sithole le 29 août 1996 et le licenciement de Jabulani Nxumalo. Il demande en outre au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la réintégration de Jabulani Nxumalo à son poste de travail, s'il le désire et s'il apparaît que son licenciement était lié à ses activités syndicales; il prie le gouvernement de le tenir informé de l'issue de ces enquêtes.
Projet de loi sur les relations professionnelles
586. Le comité prend note avec intérêt des efforts du gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux et avec le concours de l'OIT, en vue d'amender la loi sur les relations professionnelles pour la rendre conforme aux principes de la liberté syndicale.
587. Le comité note, en particulier, que l'article 32 du projet de loi concernant la réglementation des fédérations ne comprend plus l'interdiction des grèves par les fédérations et que les autres restrictions des activités des fédérations contenues dans la loi de 1996 ont été supprimées, ainsi que toutes les sanctions pénales concernant les grèves. Tout en notant que le ministre peut encore introduire une requête auprès du tribunal pour qu'il délivre une injonction empêchant le lancement d'une grève ou d'un lock-out, lorsqu'il estime qu'une telle action pourrait menacer l'intérêt national (article 89 du projet de loi), le comité note avec intérêt que la notion d'«intérêt national» est définie dans le projet de loi comme «questions qui auront ou qui sont susceptibles de mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population». Enfin, le comité note avec intérêt que les services de radiodiffusion ne font plus partie de la liste des services essentiels (article 93 du projet de loi).
588. Le comité note par ailleurs que les autres restrictions au plein exercice de la liberté syndicale dans la loi de 1996, qui avaient été soulevées lors de son examen antérieur de ce cas [voir 306e rapport, paragr. 689-692], ont été effectivement supprimées.
589. En conclusion, le comité note avec intérêt que ce projet paraît répondre à toutes les questions soulevées lors de son examen antérieur du cas en ce qui concerne la conformité de la loi sur les relations professionnelles de 1996 aux principes de la liberté syndicale. Notant que ce projet a été soumis au ministre de l'Entreprise et de l'Emploi et le sera sous peu au Conseil des ministres, puis au Parlement, le comité exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que ce projet soit adopté dans un proche avenir et que, dans sa forme définitive, il conserve les changements apportés en réponse aux recommandations antérieures du comité de sorte que les principes de la liberté syndicale soient pleinement respectés. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.
Décret de 1973 sur les réunions et les manifestations
et loi de 1963 sur l'ordre public
590. Le comité note avec une profonde préoccupation que le gouvernement n'a pas répondu à ses recommandations antérieures concernant le décret de 1973 sur les réunions et les manifestations ainsi que sur le recours abusif à la loi de 1963 sur l'ordre public. [Voir 306e rapport, paragr. 694, 701 et 705 c) et f).] Il exhorte par conséquent une fois encore le gouvernement à abroger l'article 12 du décret de 1973, dont il a conclu qu'il restreint le droit des organisations de tenir des réunions et des manifestations pacifiques et à s'assurer que la loi de 1963 sur l'ordre public soit amendée pour faire en sorte qu'à l'avenir il ne soit plus fait usage de cette loi pour faire cesser une grève légitime et pacifique. Il demande au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis à cet égard.
591. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Rapport intérimaire
Plainte contre le gouvernement du Venezuela
présentée par
le Syndicat «Association des pompiers professionnels
et activités connexes et apparentées» du district fédéral
et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM)
Allégations: actes de discrimination antisyndicale et d'intimidation
de syndicalistes du service des sapeurs-pompiers
592. La plainte figure dans une communication du Syndicat «Association des pompiers professionnels et activités connexes et apparentées» du district fédéral et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM) datée du 5 février 1998. Cette organisation a formulé de nouvelles allégations dans une communication datée du 17 avril 1998.
593. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 17 avril 1998.
594. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
595. Le Syndicat «Association des pompiers professionnels et activités connexes et apparentées» du district fédéral et de l'Etat de Miranda (SINPROBOM) allègue, dans ses communications des 5 février et 17 avril 1998, que le 14 juillet 1997 MM. Glácido Gutiérrez, Rubén Gutiérrez, Tomás Arencibia et Juan Bautista Medina (quatre des sept membres de son comité directeur pour la communauté du corps de pompiers de l'est) ont été licenciés arbitrairement et que, par la suite, un autre membre du comité directeur (M. Ignacio Díaz) a été muté avec un salaire et des conditions de travail inférieurs. Un nombre important de travailleurs (tous affiliés à l'organisation plaignante) a aussi été frappé de mesures de licenciement arbitraire et injustifié. L'organisation explique à cet égard que, le 15 février 1996, elle avait soumis un cahier de revendications dont la procédure de négociation n'avait pas été interrompue, de sorte que ces syndicalistes étaient inamovibles et que, en conséquence, toute mesure décidée à leur encontre aurait dû être préalablement notifiée à l'inspecteur du travail qui doit donner une opinion raisonnée à ce sujet, sous peine de nullité de la mesure en question.
596. L'organisation plaignante ajoute que, face aux recours formés par elle, les représentants patronaux ont allégué que les travailleurs en cause étaient des agents de la fonction publique qui ne bénéficiaient pas de la protection de la loi organique du travail et qu'il fallait en outre déclarer le caractère «paramilitaire» du service rendu par les sapeurs-pompiers -- qui est qualifié de service de «sécurité», les travailleurs touchés étant par conséquent exclus de l'exercice des droits syndicaux. Le 3 mars 1998, presque huit mois après les licenciements et mutations, le ministère du Travail s'est prononcé en faveur de la réintégration ou du rengagement des syndicalistes licenciés ou mutés et, tenant compte d'une décision antérieure du Comité de la liberté syndicale, a reconnu que les pompiers avaient le droit de constituer des organisations, de s'y affilier et de conclure des conventions collectives et que, n'étant pas des agents de la fonction publique, ils étaient soumis à la loi organique du travail. Néanmoins, dans l'ordonnance de rengagement ou de réintégration émanant du ministère du Travail, il est indiqué que les pompiers rendent des services pour des corps armés, ce qui paradoxalement les exclurait précisément de la protection de la loi organique du travail, en vertu de son article 7.
597. En dépit de la décision du ministère du Travail, la communauté du corps de pompiers de l'est a maintenu les licenciements et les mutations des dirigeants du syndicat plaignant. C'est ainsi que les représentants de cette communauté ont soumis au neuvième tribunal du travail et de la stabilité du travail de la zone métropolitaine de Caracas une requête en nullité contre l'ordonnance de rengagement ou de réintégration émanant du ministère du Travail et, en outre, ont demandé la nullité ou «déchéance» de l'acte d'enregistrement de SINPROBOM, émis par le ministère du Travail le 12 avril 1994. Les fondements de cette requête sont les suivants:
598. L'organisation plaignante indique que, de manière insolite et totalement surprenante, le jour ouvrable suivant la date à laquelle il avait reçu la requête en nullité de la communauté du corps de pompiers de l'est, le 6 avril 1998, le tribunal a ordonné de suspendre provisoirement les effets de la décision du ministère du Travail jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur le fond du litige, la durée de cette suspension pouvant être prolongée d'une ou de plusieurs années en raison du retard de procédure du pouvoir judiciaire du Venezuela. En d'autres termes, les dirigeants syndicaux frappés par les mesures de licenciement, de mutation et d'application de conditions inférieures continueront de pâtir des mesures de discrimination antisyndicale jusqu'à ce qu'une décision définitive soit prise sur le cas d'espèce, laissant sans aucun effet la décision du ministère du Travail. Concrètement, cela signifie que SINPROBOM pourra être éliminé, attendu que le licenciement des dirigeants syndicaux n'est qu'une des mesures parmi beaucoup d'autres qui ont été prises pour éliminer cette organisation syndicale.
599. Par ailleurs, l'organisation plaignante rappelle que les 14 et 20 août 1997, les dirigeants syndicaux Tomás Arencibia et Glácido Gutiérrez ont été cités à comparaître devant la préfecture de la commune Paz Castillo de l'Etat de Miranda et la préfecture de la commune Libertador du district fédéral, ayant été avertis qu'ils pourraient subir des mesures de privation de liberté. Ces organismes sont les organes de direction des polices régionales et leur intervention dans le conflit visait à intimider ces dirigeants syndicaux afin qu'ils cessent de mener leur action de défense des travailleurs.
600. D'après les plaignants, les faits relatés font partie d'un plan des autorités régionales et locales qui vise à les éliminer. En ce sens, dans le procès-verbal de la réunion du 25 février 1997 du Conseil municipal de Chacao de l'Etat de Miranda, le gouverneur de cet Etat indique que «la loi sur les sapeurs-pompiers adoptée par le Congrès de la république ne permet pas l'existence d'un syndicat. Nous attendons un avis à cet égard, car il s'agit d'une structure de sécurité de l'Etat...» Cette intervention est appuyée tant par ce gouverneur que par les édiles ou conseillers présents à la réunion. De même, dans le document de juin 1997 (un mois avant le licenciement des dirigeants syndicaux) présenté par les membres du conseil de direction de la communauté du corps de pompiers de l'est, il est indiqué que SINPROBOM «n'a pas sa place dans le corps de pompiers, car celui-ci est une institution de sécurité et de défense de l'Etat». Il est également recommandé dans ce document «d'éliminer le syndicat qui fonctionne au sein de l'organisme».
B. Réponse du gouvernement
601. Dans sa communication du 17 avril 1998, le gouvernement déclare que, par décision administrative de l'inspection du travail dans l'est de la zone métropolitaine de Caracas, les demandes de rengagement et de paiement des salaires échus déposées les 18 et 23 juillet 1997 par MM. Glácido Gutiérrez, Juan Bautista Medina, Tomás Arencibia, Rubén Gutiérrez et Ignacio Díaz, contre la communauté du corps de pompiers de l'est ont été jugées justifiées, ce pourquoi ordre est donné à cette institution de procéder à la réintégration immédiate de ces citoyens aux postes qu'ils occupaient avant leur licenciement, aux mêmes conditions que celles qui leur étaient appliquées, ainsi que de régler immédiatement les salaires qu'ils n'auraient pas perçus, quantifiés depuis la date des licenciements et l'application de conditions inférieures, c'est-à-dire depuis le 14 juillet 1997, jusqu'à la date de leur réintégration définitive à leur poste. Cette décision est conforme aux articles 449, 451, 454 et 506 de la loi organique du travail en vigueur et il n'est pas possible d'en faire appel devant l'instance administrative, conformément à l'article 456 de la loi. Toutefois, un recours en nullité formé devant les tribunaux compétents va à l'encontre de cette décision, pendant le délai de caducité de six mois à compter de la date de sa notification. Le gouvernement joint une copie de la décision administrative.
602. Ladite décision administrative dispose ce qui suit (extraits):
... sur le territoire assigné au corps de pompiers de l'est il n'existe pas de réglementation spéciale des relations collectives de travail et en particulier de mécanismes de protection de la liberté syndicale. Cela étant: a) de quelle que façon que ce soit, l'exercice de l'activité syndicale sous une forme ou une autre est incompatible avec les services rendus par les pompiers car, ainsi que l'a exprimé récemment le Comité de la liberté syndicale de l'Organisation internationale du Travail, il convient de prendre «toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien en droit comme en pratique du droit d'organisation et de négociation collective des sapeurs-pompiers, étant entendu que le droit de grève peut leur être interdit...»; b) étant donné qu'il n'existe pas de réglementation expresse régissant cette matière pour les travailleurs en cause; et c) qu'il n'existe pas, par conséquent, dans ce cas d'espèce d'autres mécanismes de protection que ledit droit syndical, qui doit être traité par ce service administratif du travail ainsi que le prévoit la loi organique du travail (sixième section, chapitre II, du titre VII); en conséquence, il est déclaré que les travailleurs du corps de pompiers de l'est jouissent de la protection du droit syndical, dans les termes où il est exprimé. [...]
Ces communications confirment l'idée que ceux qui intentent aujourd'hui une action avaient cessé de «rendre des services dans la garde permanente de cette institution», les membres du comité directeur de la caisse d'épargne qui fonctionne dans la communauté précitée étant eux-mêmes soumis à cette décision. Il a été pleinement vérifié que le 21 août 1997, étant donné la qualité de membres du conseil directeur de chacun des demandeurs et le fait que l'inamovibilité consacrée par l'article 506 de la loi organique du travail était en vigueur, l 'employeur a été contraint de demander à cette inspection du travail de qualifier toute faute, conduite ou omission que ces travailleurs auraient commise ou adoptée et qui puisse constituer l'un ou l'autre des motifs indiqués à l'article 102, notamment celui qu'invoque l'employeur pour justifier la cessation de la relation de travail des dirigeants syndicaux en raison de l'intérêt public des fonctions qu'ils assument, car il faut obligatoirement que l'inspecteur du travail de la juridiction correspondante ait préalablement apprécié la situation et se soit prononcé à ce sujet, comme le prévoit l'article 453. Les travailleurs investis de l'inamovibilité de leurs fonctions se trouvent dans la même situation, comme dans le cas réglementé par l'article 106. [...]
Considérant ce qui vient d'être exposé et ayant vérifié à fond tant la relation de travail que l'inamovibilité et le licenciement, l'inspection du travail de l'est de la zone métropolitaine de Caracas, faisant usage de ses attributions légales, déclare justifiées les demandes de rengagement et de paiement des salaires échus déposées les 18 et 23 juillet 1997 par MM. Glácido Gutiérrez, Juan Bautista Medina, Tomás Arencibia, Rubén Gutiérrez et Ignacio Diáz, contre la communauté du corps de pompiers de l'est, lesquelles ont été instruites au départ dans les dossiers identifiés par les nos 93-97 et 96-97. En conséquence, ordre est donné à la communauté du corps de pompiers de l'est de procéder à la réintégration immédiate des citoyens précités aux postes qu'ils occupaient avant leur licenciement, aux mêmes conditions. De même, ordre est donné à la communauté du corps de pompiers de l'est de régler immédiatement les salaires qu'ils auraient cessé de percevoir, quantifiés depuis la date des licenciements et de l'application de conditions inférieures, à savoir depuis le 14 juillet 1997 jusqu'à la date de leur réintégration définitive à leur poste. Ainsi est-il décidé, conformément aux articles 449, 451, 454 et 506 de la loi organique du travail en vigueur.
603. Le comité observe que, dans le cas présent, l'organisation plaignante allègue: 1) le licenciement d'un nombre significatif de dirigeants syndicaux (secteur des sapeurs-pompiers) -- MM. Glácido Gutiérrez, Rubén Gutiérrez, Tomás Arencibia et Juan Bautista Medina -- et de plusieurs affiliés, ainsi que la mutation d'un autre dirigeant syndical (M. Ignacio Díaz); 2) la citation à comparaître devant les deux préfectures de MM. Tomás Arencibia et Glácido Gutiérrez, ces derniers ayant été avertis qu'ils pourraient se voir imposer des mesures privatives de liberté; 3) l'existence d'un plan des autorités locales et régionales visant à éliminer le syndicat plaignant et à lui retirer son enregistrement.
604. Le comité prend note des observations du gouvernement et, concrètement, de ce que le ministère du Travail, par le truchement de l'inspection du travail, a reconnu les droits syndicaux de l'organisation plaignante (droit d'organisation et d'affiliation à un syndicat, droit de négociation collective et droit des dirigeants syndicaux à une protection contre les actes de discrimination antisyndicale) et qu'il a déclaré nuls les licenciements et mutations de dirigeants syndicaux de l'organisation plaignante (bien que, comme l'indique le plaignant, les employeurs aient fait appel de la décision administrative de l'inspection du travail devant l'autorité judiciaire -- en l'occurrence les autorités municipales et provinciales de l'Etat de Miranda --, car ils considèrent que les sapeurs-pompiers sont des agents de la fonction publique et qu'ils travaillent dans une institution de sécurité et de défense de l'Etat, raison pour laquelle ces travailleurs ne devraient pas jouir de droits syndicaux). Le comité observe que ce recours judiciaire a eu pour effet de suspendre provisoirement l'application de l'ordonnance de l'inspection du travail déclarant nuls les licenciements et les mutations de dirigeants syndicaux de l'organisation plaignante.
605. A cet égard, le comité tient à rappeler les conclusions qu'il a adoptées lors de sa réunion de novembre 1997 dans un cas antérieur présenté par la même organisation plaignante, alors qu'il examinait des allégations relatives à des restrictions des droits syndicaux des organisations syndicales de sapeurs-pompiers qui avaient été décidées au motif qu'ils faisaient partie d'un service lié à la défense et à la sécurité de la nation [voir 308e rapport, cas no 1902, paragr. 699 à 705]:
... le comité remarque néanmoins que l'organisation plaignante émet la crainte que la loi de 1996 sur l'exercice de la profession de pompier soit interprétée de telle manière que les pompiers se voient privés du droit syndical et du droit de négociation collective, dont ils jouissent actuellement, du moins en pratique.
Le comité tient à signaler qu'il ne lui appartient pas de statuer sur la législation du travail applicable aux différentes catégories de travailleurs et d'employés du secteur public ni, plus précisément, de déterminer si certaines catégories particulières de personnel doivent ou non être régies par des régimes ou des statuts spéciaux. Quelle que soit la solution adoptée à ce propos, il incombe cependant au comité de s'assurer que les travailleurs couverts par les conventions nos 87 et 98 jouissent des droits que celles-ci reconnaissent.
Dans ce sens, le comité rappelle que, selon la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, «tous les agents de la fonction publique (à la seule exception possible des forces armées et de la police, en vertu de l'article 9 de la convention no 87), comme les travailleurs du secteur privé, devraient pouvoir constituer des organisations de leur choix pour promouvoir et défendre les intérêts de leurs membres». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 206.] Plus précisément à propos des sapeurs-pompiers, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a estimé que les fonctions exercées par cette catégorie d'agents publics ne justifient pas leur exclusion du droit syndical. [Voir Liberté syndicale et négociation collective, 1994, paragr. 56.]
Pour ce qui est du droit de négociation collective, le comité a signalé que «tous les agents de la fonction publique, à l'exception de ceux qui sont commis à l'administration de l'Etat, devraient bénéficier du droit de négociation collective, et une priorité devrait être accordée à la négociation collective comme moyen de règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions et modalités d'emploi dans le secteur public». [Voir Recueil, op. cit, paragr. 793.]
En revanche, il est clair pour le comité que le corps des sapeurs-pompiers constitue un service essentiel au sens strict du terme et qu'en conséquence le droit de grève peut leur être interdit. Dans ce cas, ces travailleurs privés du droit de grève devraient bénéficier de garanties appropriées destinées à sauvegarder leurs intérêts, par exemple l'interdiction correspondante du droit de lock-out, l'établissement d'une procédure paritaire de conciliation et, seulement lorsque la conciliation échoue, l'institution d'une procédure paritaire d'arbitrage. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 551.]
Compte tenu de tous ces éléments, le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien en droit comme en pratique du droit d'organisation et de négociation collective des sapeurs-pompiers, étant entendu que le droit de grève peut leur être interdit. Le comité exprime le ferme espoir qu'ainsi qu'aucune dissolution de syndicats de pompiers ne sera prononcée.
606. Dans ces conditions, le comité réitère les conclusions qu'il a formulées à sa réunion de novembre 1997 en reconnaissant les droits d'organisation et de négociation collective des sapeurs-pompiers, et conformément à la décision administrative de l'inspection du travail sur le cas présent, il considère que les dirigeants syndicaux licenciés ou mutés devraient être réintégrés à leur poste de travail. En conséquence, le comité regrette que l'autorité judiciaire ait suspendu provisoirement la décision de réintégration de ces dirigeants jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur le fond du litige compte tenu en particulier du fait que cette décision est intervenue immédiatement après l'introduction du recours judiciaire, que les licenciements et mutations datent de juillet 1997 et que, selon l'organisation plaignante, la procédure judiciaire peut être prolongée d'une ou plusieurs années. Le comité demande par conséquent au gouvernement -- en attendant la décision judiciaire -- de garantir la réintégration à leur poste de travail des dirigeants syndicaux de l'organisation plaignante qui ont été licenciés ou mutés. De même, le comité demande au gouvernement d'envoyer ses observations sur le licenciement arbitraire allégué d'autres affiliés de l'organisation plaignante. Par ailleurs, compte tenu de la documentation envoyée par l'organisation plaignante, qui atteste que les autorités locales et provinciales de l'Etat de Miranda préconisent l'élimination du syndicat plaignant, le comité demande au gouvernement de garantir l'existence juridique de cette organisation en tant qu'organisation syndicale.
607. Le comité demande au gouvernement de répondre à l'allégation selon laquelle, les 14 et 20 août 1997, les dirigeants syndicaux Tomás Arencibia et Glácido Gutiérrez ont été cités à comparaître devant la préfecture de la commune Paz Castillo de l'Etat de Miranda et la préfecture de la commune Libertador du district fédéral, ayant été avertis qu'ils pourraient subir des mesures privatives de liberté.
608. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
Genève, le 5 juin 1998. |
Max Rood, |
Points appelant une décision:
paragraphe 89; |
paragraphe 270; |
paragraphe 544; |