L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
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GB.273/ESP/1/2
273e session
Genève, novembre 1998


PREMIÈRE QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

Rapport sur l'emploi dans le monde 1998-99
Employabilité et mondialisation. Le rôle crucial de la formation

b) Implications pour les activités de l'OIT

Table des matières

Introduction


Introduction

1. Le rapport sur l'emploi dans le monde 1998-99 est consacré à un domaine que le BIT étudie depuis longtemps et qui occupe une place importante dans ses activités de coopération technique et de conseil pour l'élaboration des politiques. C'est un domaine qui évolue rapidement. Le rapport met en lumière le rôle croissant des qualifications et des compétences dans la compétitivité, la croissance et la création d'emplois. Mais la demande de qualifications change, de même que les rôles respectifs de l'éducation, de la formation et de l'apprentissage permanent. Le systèmes de formation doivent répondre à de nouveaux impératifs, et en particulier offrir des modalités souples, axées sur la demande, d'acquisition de compétences et de qualifications qui contribuent au progrès de la productivité et soient reconnues et appréciées sur le marché du travail. Les mandants de l'OIT sont concernés au premier chef par ce processus, et l'OIT se doit d'adapter ses programmes aux besoins qui sont les leurs dans un contexte de mutation économique et sociale.

2. Le BIT est maintenant à même d'exploiter les travaux entrepris pour son rapport sur l'emploi dans le monde afin de renforcer sa capacité dans plusieurs domaines et de perfectionner les services consultatifs dispensés aux mandants par l'intermédiaire des équipes multidisciplinaires. Il s'agirait en particulier de promouvoir plus vigoureusement l'intégration des politiques d'emploi et de formation qui, comme il ressort clairement du rapport, sont tout à fait complémentaires; de collecter systématiquement des informations sur des expériences pratiques pouvant servir de points de référence pour l'élaboration des politiques; d'étayer le débat entre les mandants sur les priorités de la valorisation des ressources humaines; de démontrer, à partir de situations concrètes, qu'encourager la formation c'est aussi œuvrer en faveur des grands objectifs de l'OIT que sont la promotion de l'emploi et la justice sociale.

I. Mise en valeur des ressources humaines
et formation

3. Le rapport montre que l'action ne doit pas se limiter à la seule formation, mais qu'il faut envisager la mise en valeur des ressources humaines dans une perspective élargie. Cette conception se reflète déjà dans le programme de la session de l'an 2000 de la Conférence internationale du Travail, qui comprend une question pour discussion générale sur la mise en valeur des ressources humaines et la formation.

4. Pour préparer cette discussion, le BIT travaille à l'élaboration d'un rapport consacré aux priorités des politiques de ressources humaines, en mettant l'accent sur le rôle et les objectifs des gouvernements, des employeurs et des travailleurs. Sur la base des conclusions du rapport sur l'emploi dans le monde, ce document de travail déterminera les défis spécifiques et pratiques que les mandants de l'OIT auront à relever. Il analysera les problèmes et cherchera en particulier à préciser en quoi ils diffèrent d'une région à l'autre. A cette fin, il est proposé d'organiser des réunions consultatives tripartites au niveau régional en 1999. Le rapport passera en revue les possibilités de partenariats entre les différents acteurs - syndicats, entreprises, administrations et collectivités locales, entités privées et non gouvernementales. Pour ce faire, il exploitera les travaux passés et en cours du BIT sur le partenariat et le dialogue social, qui inspirent aussi le rapport sur l'emploi dans le monde. Le document examinera les instruments internationaux qui existent dans le domaine de la mise en valeur des ressources humaines et la façon de les améliorer. A sa session de l'an 2000, la Conférence voudra peut-être considérer s'il y a lieu, à la lumière des changements intervenus sur la scène internationale au plan économique depuis le dernier examen de cette question, d'envisager une action normative - éventuellement adoption ou révision d'une recommandation.

5. Cette conception élargie des ressources humaines établit un lien entre la formation et l'éducation pour favoriser à la fois l'épanouissement personnel et l'amélioration des capacités professionnelles. L'économie et la société reposant de plus en plus sur l'information et le savoir, on peut considérer la formation et l'éducation comme deux facettes de l'apprentissage, à l'école, dans la société et sur le lieu de travail. L'OIT voudra peut-être renforcer sa collaboration avec l'UNESCO ainsi qu'avec d'autres organisations internationales actives dans ce domaine, telles que l'OCDE, pour mettre au point des approches cohérentes.

II. Systèmes de formation

6. Le rapport met l'accent sur les problèmes auxquels sont confrontés les systèmes de formation qui doivent faire preuve de plus d'adaptabilité et mieux répondre à la demande des entreprises. Le plus difficile est peut-être de trouver le moyen de mieux satisfaire le besoin d'amélioration permanente des qualifications tant des travailleurs que des chômeurs et des personnes en dehors du marché du travail. Cela suppose probablement une formation avant emploi qui permette l'acquisition de compétences plus vastes et l'établissement de nouveaux cadres institutionnels pour l'apprentissage permanent. Cela requiert des systèmes de formation capables d'anticiper les besoins de l'entreprise et donc beaucoup plus proches d'elle, et capables aussi d'offrir à leurs clients un accès au marché du travail. Il ne s'agit pas seulement de répondre à une demande de qualifications spécifiques, mais de faire preuve de souplesse en prévoyant par exemple des formations modulaires, axées sur les compétences, qui permettent de suivre l'évolution de la situation dans l'entreprise et sur le marché du travail. La gamme des prestataires publics et privés de services de formation ne cesse de s'élargir, d'où la nécessité d'établir de nouvelles structures pour promouvoir et contrôler la formation au nom de la transparence et de la qualité.

7. Compte tenu de la communauté d'intérêts qui existe sur beaucoup de questions liées à la formation entre les gouvernements, les employeurs et les travailleurs, l'OIT est bien placée pour encourager le débat et le dialogue entre les partenaires sociaux quant aux changements institutionnels qui s'imposent. Le BIT devrait être à même d'offrir aux mandants des services consultatifs techniques sur les moyens de réformer les systèmes de formation, de rassembler des informations sur des expériences pratiques et d'en tirer des enseignements.

8. L'évolution des besoins de qualifications soulève d'autres questions. Le rapport montre que les qualifications professionnelles traditionnelles ne sont plus suffisantes et que les travailleurs doivent pouvoir changer d'entreprise et, si nécessaire, de spécialisation professionnelle sans perte de reconnaissance du bagage acquis. Les qualifications acquises sur le tas sont souvent aussi précieuses que celles acquises de façon classique. On reconnaît l'importance des modalités de reconnaissance et de certification de ces qualifications et on apprécie de plus en plus la valeur des systèmes de reconnaissance axés sur les compétences. L'OIT a un rôle potentiellement important à jouer dans ce domaine. Il s'agit pour elle non tant d'intervenir dans le détail, mais d'établir des cadres et des procédures conformes à ses principes fondamentaux et aux intérêts des travailleurs comme des employeurs. C'est une tâche qui peut s'avérer particulièrement pertinente dans le contexte de l'intégration régionale. L'une des propositions de programmes d'action soumises au Conseil d'administration pour le programme et budget 2000-2001 porte sur cette question, avec une référence spéciale à l'Asie.

III. La formation et l'entreprise

9. L'OIT doit s'occuper de l'évolution du rôle des qualifications et des compétences dans l'entreprise. Ainsi que le rapport l'explique, la mondialisation des systèmes de production débouche sur une nouvelle configuration technique et organisationnelle qui n'est pas sans incidence sur la création d'emplois, les exigences de qualifications et la qualité des emplois. Les stratégies appliquées par les entreprises pour s'adapter à ces changements influent non seulement sur la productivité et la compétitivité, mais aussi sur la qualité des emplois et sur les possibilités de carrière des travailleurs. L'amélioration des qualifications peut être un moyen de promouvoir l'adaptabilité des entreprises sans nuire à la sécurité de l'emploi, mais elle est source de coûts nouveaux et suppose une interaction entre les partenaires sociaux qui repose sur le consensus et la confiance. Il est important que l'OIT rassemble systématiquement des informations sur les options choisies et sur leurs effets, dégage des exemples de bonne pratique en vue de renforcer sa capacité de fournir des services consultatifs techniques et des informations de qualité à ses mandants dans ce domaine.

10. Les auteurs du rapport soulèvent une question préoccupante, à savoir que l'offre de formation émane presque exclusivement des grandes entreprises du secteur moderne. Ils constatent que le déficit de formation est considérable dans les autres entreprises et dans le secteur informel, qui sont pourtant à l'origine de la plupart des nouveaux emplois. Ils font observer que parallèlement les diverses formes d'emploi précaire ou à temps partiel gagnent du terrain et que ces catégories de travailleurs ont beaucoup moins de possibilités d'accès à la formation que ceux qui bénéficient d'un emploi sûr à plein temps. L'OIT doit se consacrer plus activement à résoudre ce paradoxe. En premier lieu, il faut étudier de manière plus approfondie les avantages de la formation dans les différents types d'entreprises et pour les différentes catégories de travailleurs. Il faut aussi déterminer quels sont les obstacles à l'investissement dans la formation et évaluer les expériences menées pour abattre ces obstacles. En deuxième lieu, le rapport insiste sur la nécessité d'avoir des systèmes de formation adaptés aux besoins du secteur informel qui, par exemple, entretiennent des liens étroits avec l'enseignement de base et sachent tirer parti des rapports commerciaux entre les petites et les grandes entreprises pour favoriser le transfert de qualifications entre elles. Dans le secteur informel, le problème qui se pose souvent est que le déficit de qualifications doit être comblé à la fois sur le plan technique et sur le plan administratif. Ce sont là des domaines dans lesquels les services consultatifs techniques de l'OIT peuvent être renforcés.

IV. Egalité d'accès à la formation

11. Le rapport met en évidence certains aspects fondamentaux de l'accès à la formation. Dans la mesure où celle-ci est, de plus en plus, la clé de la réussite professionnelle, l'incapacité d'y accéder devient, de plus en plus, un obstacle à l'emploi; la fragmentation du marché du travail ne cesse de s'aggraver, d'où la multiplication des emplois instables qui offrent moins de possibilités de formation; hommes et femmes n'ont pas le même accès à la formation et il est donc important que les stratégies de formation s'attachent à promouvoir l'égalité de chances pour les femmes; certaines catégories de travailleurs - travailleurs d'un certain âge, handicapés - sont plus que d'autres menacés d'exclusion et l'accès à la formation est pour eux un moyen vital de maintenir le lien avec le marché du travail.

12. Dans ce domaine, il est important que l'OIT répertorie les situations d'injustice et les carences, rassemble systématiquement des informations sur des politiques et des pratiques éprouvées de promotion de l'égalité d'accès à la formation et démontre que la formation, en combinaison avec d'autres mesures, peut être un puissant instrument d'intégration sociale. Une question qui mérite d'être approfondie est celle de savoir à qui profite le plus la formation: les femmes en retirent-elles moins d'avantages que les hommes? Si tel est le cas, cela tient-il aux systèmes de formation eux-mêmes ou à l'inégalité d'accès des femmes au marché du travail? Le rapport montre que l'OIT doit promouvoir la formation parce que c'est un moyen efficace de réduire les inégalités entre hommes et femmes et de venir à bout de la discrimination. Il donne des orientations précises sur la manière d'y parvenir. Il serait important de lier ces activités à un effort d'information et d'orientation professionnelles.

13. L'OIT pourrait aussi contribuer à améliorer l'accès à la formation en renforçant la capacité des politiques de formation de promouvoir l'intégration sociale des groupes vulnérables. Toute stratégie qui vise à accroître les possibilités d'emploi des exclus doit reposer sur l'acquisition de qualifications et de compétences. La formation peut être un élément important d'un ensemble de mesures complémentaires qui s'attacheraient de façon intégrée à lutter contre la pauvreté et l'exclusion. Le programme et budget pour 2000-2001 dont sera saisi le Conseil d'administration propose un programme d'action sur cette question (Qualifications en vue de l'intégration sociale et économique).

V. Travailleurs évincés du marché du travail

14. Le rapport analyse les graves problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs exclus du marché du travail pour cause de restructuration économique. C'est, pour beaucoup de gouvernements, une question prioritaire. La formation à elle seule est rarement une panacée mais les programmes de formation sont le complément indispensable des mesures qui visent à faciliter la réinsertion des travailleurs. Le sujet est d'une grande actualité dans presque toute l'Asie. Le BIT pourrait se consacrer davantage à l'évaluation des trains de mesures adoptées pour ces catégories de travailleurs, et notamment de l'efficacité des mesures relatives à la formation. Il serait particulièrement utile de rassembler des informations sur des expériences pertinentes et de concevoir des méthodes permettant d'associer la formation, d'autres politiques de marché du travail, les services de l'emploi et l'appui aux revenus selon une approche intégrée. Un programme d'action dans ce domaine est proposé pour le programme et budget 2000-2001.

VI. Financement et incitations

15. Le rapport défend l'idée que les incitations à la formation sont, compte tenu de son importance, insuffisantes. Beaucoup d'éléments extérieurs sont en jeu et les entreprises et les particuliers qui investissent dans la formation n'en comprennent pas toujours tous les avantages. Autrefois, dans beaucoup de pays, l'Etat intervenait pour remédier au manque d'incitations. Aujourd'hui, l'Etat continue de jouer un rôle important, mais beaucoup estiment que la solution la plus efficace consiste à associer un large éventail d'acteurs publics et privés. Cela suppose un environnement approprié, c'est-à-dire des incitations et une réglementation pertinentes. Cela suppose aussi une gestion beaucoup plus fine des ressources publiques, qui doivent être concentrées là où elles produisent le plus d'effets, et des systèmes d'offre et de financement de services de formation capables de compenser les carences du marché. Le problème se manifeste de façon différente pour la formation avant emploi et la formation permanente mais il est le même pour les deux. Les mandants ont tous un intérêt majeur en la matière, et c'est pourquoi il importe que l'OIT montre la voie à suivre pour analyser le problème, en réunissant des informations sur des pratiques susceptibles de servir d'exemple et en fournissant des orientations ainsi qu'un appui technique.

VII. Jeunes et apprentissages

16. Le rapport affirme qu'il est temps de revoir les conceptions sur le rôle que la formation joue pour les jeunes. On considère de plus en plus que les qualifications professionnelles doivent s'inscrire dans un vaste processus d'éducation. Toutefois, les difficultés qu'ont les jeunes pour s'insérer sur le marché du travail montrent à quel point il est important qu'ils acquièrent des qualifications et une expérience professionnelles monnayables sur ce marché. A ce sujet, les auteurs du rapport soulignent la nécessité d'améliorer les systèmes d'apprentissage, tant dans le secteur moderne des sociétés postindustrielles que dans le secteur informel traditionnel, et de veiller à ce que l'expérience acquise sur le tas fasse partie du processus d'apprentissage. Il reste au BIT beaucoup à faire pour évaluer de façon plus systématique tout l'éventail des expériences menées dans ce domaine, et en particulier pour déterminer le type de lien à établir entre les systèmes de formation et les entreprises pour assurer l'accès des jeunes au marché du travail. L'une des activités proposées dans le programme d'action sur l'emploi des jeunes qui figurera dans le programme et budget 2000-2001 est l'évaluation systématique de l'apprentissage sous ses diverses formes, notamment en ce qui concerne son utilité pour l'obtention d'un emploi.

17. Cette question s'inscrit dans la problématique de la transition de l'école au monde du travail. Si l'évolution du système de production crée une demande de nouvelles qualifications, et notamment de flexibilité, cela doit se refléter dans les systèmes d'éducation, professionnels ou classiques. Lorsque la formation fait partie d'une stratégie de lutte contre la pauvreté ou d'appui au développement du secteur informel, il est essentiel d'établir des liens étroits avec l'école. L'orientation professionnelle est un élément clé de ce processus. Sur ce point aussi il peut être souhaitable que l'OIT, en collaboration avec l'UNESCO et d'autres organismes compétents en matière d'éducation, mette au point des approches communes pour s'assurer de la pertinence de ses services consultatifs techniques.

VIII. Systèmes d'information pour l'élaboration
des politiques de formation

18. L'une des conclusions du rapport est que l'on dispose d'étonnamment peu d'informations sur la formation au niveau international mais aussi souvent au niveau national. Il est difficile de trouver des données systématiques sur des variables pourtant élémentaires, comme par exemple le nombre de travailleurs qui ont reçu une formation dans une période de référence donnée. Il est encore plus rare d'obtenir des informations sur les résultats de la formation, du point de vue de l'accès au marché du travail ou de la productivité. Cela entrave sérieusement l'élaboration d'une politique dans ce domaine. Une partie du problème tient à l'immense variété des activités que recouvre le mot formation, et il est donc nécessaire de déterminer les types de formation qu'il y a lieu d'évaluer et quels aspects sont pertinents. Il faudrait exploiter les travaux réalisés à ce sujet par diverses institutions nationales et internationales, et notamment l'OCDE, sans négliger pour autant une approche mondiale. Cela ouvre un vaste champ d'interventions potentielles pour l'OIT. Ce travail pourrait déboucher sur une base de données qui viendrait étoffer celles que le BIT a déjà mises au point, et notamment la base de données du projet sur les indicateurs clés du marché du travail.

Genève, le 2 octobre 1998.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.