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Travail forcé au Myanmar (Birmanie)

Rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930 Organisation internationale du Travail
Genève, 2 juillet 1998


Annexe VII (suite)

 

Résumés de témoignages

1-50

51-100

101-150

151-180

181-205

  206-246

 

Ethnie:

Karenni

    101

Situation familiale:

Marié, 1sans enfant

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Taku, Shadaw, Etat Kayah (son village entier a fait l'objet d'un transfert forcé à Shadaw en juin 1996)

(Le témoin a donné son témoignage en présence des témoins 100, 102, 103 et 104.)

Il a dû exécuter du travail pour l'armée avant et après sa relocalisation. Il a quitté le Myanmar en octobre 1997. Il a dû faire du portage à quatre reprises. C'est le chef du village qui lui a transmis l'ordre de travailler. La première fois, il avait 15 ans. Il a dû exécuter à cette occasion du travail durant la saison des pluies à proximité de la rivière Salween. Le portage aurait duré vingt jours. Il y avait environ 40 porteurs, dont trois de son village, pour 250 soldats. Il n'y avait pas de femmes mais des jeunes hommes de 15-16 ans. La personne la plus âgée devait avoir 50 ans. Il a dû transporter les casseroles pour la cuisine. Il n'a pas vu de combats. Il a été frappé avec les pieds à une reprise puisqu'il n'avançait pas assez rapidement. Même routine et traitement pour les autres fois où il a été porteur à l'âge de 15, 16 et 17 ans. La durée de chaque assignation: trois jours, six jours et quinze jours. Même genre de travail que pour le témoin 100. En fait, le travail ne finissait jamais. Il devait travailler deux à trois fois par mois. Il était autorisé à retourner chez lui dans ses temps libres pour aller chercher de la nourriture. Il y avait deux bataillons qui comptaient environ 500 hommes chacun à Shadaw (LIB 350 et LIB 428).


Ethnie:

Karenni

    102

Age/sexe:

33 ans, masculin

Situation familiale:

Marié. Son épouse serait décédée à Shadaw quelques jours après son accouchement, faute des soins médicaux nécessaires. Un fils

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Kraw Aw, Shadaw, Etat Kayah (le village aurait fait l'objet d'un transfert forcé à Shadaw en mai 1997)

(Le témoin a donné son témoignage en présence des témoins 100, 101, 103 et 104.)

Le village du témoin a été brûlé par l'armée de manière à ce que les habitants ne puissent y retourner. Il a fait du travail forcé avant et après sa relocalisation. Il a quitté le Myanmar en août 1997. Avant la relocalisation. Il a été porteur à une occasion en 1993 durant la saison des pluies. L'assignation a duré deux jours. Trente porteurs devaient être présents pour 70 soldats, incluant deux enfants (13 ans) et quatre personnes de plus de 60 ans. Tous les porteurs étaient des hommes. La journée commençait à 9 heures pour se terminer à 16 heures. Il a dû porter les munitions pour les armes (MG42) et les rations de riz de son village à un autre village. Il ne recevait que très peu de nourriture. Il devait dormir dans la forêt. Il n'était pas rémunéré. Il n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements. Toutefois, son ami aurait été battu avec un bâton parce qu'il avait échappé la charge qui lui avait été assignée. Après la relocalisation. Il a dû faire du travail forcé pour les militaires. Le chef de village lui a transmis l'ordre de travail. Même nature que témoin 100. Le travail exigé par les militaires ne finissait jamais. Au cours de la période d'un mois et demi où il est resté au site de relocalisation, il a dû faire du travail pour les militaires à trois reprises. Les militaires fournissaient de la nourriture de façon irrégulière. Les rations étaient toutefois insuffisantes. Il n'était pas autorisé à retourner chez lui. Il n'était pas rémunéré. Il ne pouvait pas refuser. Il était toujours possible de payer un substitut ou de verser des pots-de-vin pour être exempté. Il ne l'a pas fait et ne connaît pas les montants qui devaient être versés. Les militaires se seraient appropriés l'ensemble de ses animaux (buffles, une vache, quatre cochons, dix poulets, etc.). Il est retourné quelques jours dans son village avant de revenir en Thaïlande.


Ethnie:

Karenni

103

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois fils

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Klaw Leh Du, Shadaw, Etat Kayah (le village comptait 37 familles. Il était situé à deux miles du site de transfert à Shadaw. Il a fait l'objet d'un transfert forcé à Shadaw en juin 1996)

(Le témoin a donné son témoignage en présence des témoins 100, 101, 102 et 104.)

Le village du témoin a fait l'objet d'un transfert forcé à Shadaw en juin 1996. En août 1997, il a quitté Shadaw pour s'installer dans les collines de Soh Paw (à six miles). Là, il y a fait de la culture (riz, légumes), mais l'armée l'a forcé à partir. Alors il est venu en Thaïlande à la fin de 1997. Il a dû faire du travail forcé avant et après sa relocalisation. Avant la relocalisation. Il a dû travailler sur la construction de routes (transport de pierres) et a dû exécuter différents travaux pour les militaires: coupage de bambous, construction d'abris pour les personnes relocalisées, nettoyage des camps. Le site de relocalisation étant près de son village, il a participé aux travaux préparatoires. Il a fait ce travail pendant trois ans, dix fois par mois, six mois par année. Il a vu des hommes, des femmes, des enfants (10 ans) et des personnes plus âgées (plus de 50 ans) travailler. Après la relocalisation. Il a dû faire le même genre de travail que le témoin 100. En outre, il a dû construire des abris pour les personnes relocalisées et participer à la réfection de la route vers Loikaw. Il a dû travailler trois fois par mois pour un total de douze fois pendant l'année. Le reste du temps, il a travaillé à titre de journalier pour les fermes près du camp (les propriétaires étaient Karenni et Shan). Il était rémunéré en kyats et en riz. Il a été arrêté une fois puisqu'il a refusé de travailler. Il a passé une nuit et deux jours en prison. Il a été battu. Il a vu de nombreuses autres personnes battues (30-50 personnes). Des membres de l'armée se seraient appropriés tous ses animaux sans indemnisation, arguant que ces animaux étaient sauvages et qu'ils pouvaient dès lors les prendre.


Ethnie:

Karenni

104

Age/sexe:

70 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, deux filles, cinq fils

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Ta Ma, Shadaw, Etat Kayah (le village comptait 50 maisons (population: 1 000); il a fait l'objet d'un transfert forcé à Shadaw en juin 1997)

(Le témoin a donné son témoignage en présence des témoins 100, 101, 102 et 103.)

Il a quitté le Myanmar en octobre-novembre 1997. Il a dû faire le même genre de travail que le témoin 100 au site de relocalisation à Shadaw. Le mois où il est resté au site de relocalisation, il a travaillé environ trois fois pour les militaires. Trois à quatre cents personnes faisaient le même travail que lui. Il n'a pas vu de femmes ou d'enfants travailler. Il a pu retourner à quelques reprises dans son village pour y chercher de la nourriture. A une occasion, il a été arrêté par un militaire qui l'aurait menacé. On lui a attaché les mains dans le dos. Il a dû rester ainsi une journée et une nuit. Il s'est enfui par la suite. Il a vu de nombreuses autres personnes faire l'objet de mauvais traitements.


Ethnie:

Karenni

105

Age/sexe:

22 ans, masculin

Situation familiale:

Marié (s'est marié en Thaïlande), une fille

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Ta Ma, Shadaw, Etat Kayah (le village comptait 15 familles (population: 200))

Il a quitté le Myanmar en juin 1996 au moment où son village a fait l'objet d'un transfert forcé. Avant la relocalisation. Il a été porteur à deux reprises en 1991 et 1992. Il ne peut oublier cette expérience qui l'a manifestement traumatisé. La première fois, l'assignation a duré quatorze jours alors que la seconde s'est prolongée pendant deux  mois et demi. Dans son groupe, il y avait respectivement 20 et 50 porteurs pour 300 et 2 000 soldats (il ne peut préciser le nombre total de porteurs à chaque fois). Des femmes ont dû porter lors de la première journée de la deuxième occasion où il a été réquisitionné. Pour sa part, il devait transporter les casseroles et les munitions. Lors de la seconde fois, il aurait été utilisé à titre de bouclier humain par l'armée lors d'un combat. Il n'était pas rémunéré. Il a été battu à deux reprises puisque, trop exténué, il ne réussissait pas à suivre la colonne. Après la relocalisation, il a quitté le Myanmar puisqu'il ne voulait pas se rendre au site de relocalisation auquel il lui avait été ordonné de déménager. Il avait entendu parler que les gens faisaient l'objet de mauvais traitements et qu'on ne pouvait rien y faire sauf ce que l'armée ordonnait. Il ne pouvait pas toutefois rester dans son village. Advenant qu'une personne refusât de déménager, le village entier était exécuté à titre de représailles. Un ordre écrit était transmis au chef de village à cet égard. Il l'a vu et lu. Le document était signé par un officier du centre de commandement de Loikaw. Le document précisait également le lieu de relocalisation, le fait que tous les villages situés dans le district de Shadaw devaient être transférés au site de relocalisation et la date limite pour ce faire (7 juin 1996). Il a vu des personnes qui auraient été arrêtées par l'armée puisqu'elles se cachaient dans la jungle pour ne pas avoir à déménager au site de relocalisation. Un homme qui se serait échappé, après avoir été arrêté par l'armée, lui a raconté qu'il avait été battu et frappé alors qu'il avait les mains attachées dans le dos, puisqu'il ne voulait pas déménager au site de relocalisation.


Ethnie:

Karenni

106

Age/sexe:

35 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois fils, trois filles

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Kraw Aw, Shadaw, Etat Kayah (le village comptait 105 familles (population: plus de 500); il a fait l'objet d'un transfert forcé à Shadaw en juin 1996)

Il a quitté le Myanmar en juin 1997. Avant la relocalisation. Il aurait été 1) porteur, aurait travaillé 2) sur les routes et 3) sur les chemins de fer. 1) Aurait été porteur à quatre reprises. La première fois, il y a dix ans (il avait 12 ans) et la dernière fois, il y a environ cinq ans. Il a dû porter la nourriture et les munitions, pendant la saison sèche (à trois reprises) et celle des pluies (à une reprise). Seuls des hommes étaient porteurs. Il a toutefois vu des enfants d'une dizaine d'années qui accompagnaient le groupe et devaient porter différentes choses. Les assignations ont duré environ deux, trois et sept jours. Il a dû dormir dans la forêt. Les militaires ne fournissaient que de temps à autre un repas par jour. La ration était tout à fait insuffisante. Il n'a pas vu de combat. Il n'a pas été personnellement battu, mais a vu son ami l'être en raison du fait qu'il ne réussissait pas à suivre le groupe. Pour ce qui est de la 2) route, il s'agissait de la route entre Shadaw et la rivière Salween (une dizaine de miles). Il y aurait travaillé, il y a environ huit ans, une journée. C'est le chef de son village qui l'aurait informé du travail à exécuter. Plus de 1 000 personnes de différents villages auraient travaillé avec lui, incluant des femmes (une vingtaine), des enfants (une dizaine d'environ 7 ans d'âge) et des personnes plus âgées (une trentaine de plus de 60 ans). La journée commençait à 7 heures pour se terminer à 15 heures. Il devait nettoyer la route. Il a dû apporter sa propre nourriture. Il n'a pas été rémunéré. Il n'a pas fait l'objet de mauvais traitements. Il n'en a pas vu non plus. Enfin, pour ce qui est du 3) chemin de fer près de Shadaw, il a dû apporter, il y a six ans, des bûches de bois pour la voie ferrée. Il ne sait pas pour quelle voie ferrée. Le chef du village l'a informé de cette réquisition. Une cinquantaine d'autres personnes ont dû faire de même. Il n'a jamais été rémunéré même si on lui avait promis qu'il serait indemnisé. Après la relocalisation, il a quitté son village puisqu'il ne voulait pas déménager au site de relocalisation. Le chef de son village lui aurait montré l'ordre reçu des militaires aux termes duquel tout le village devait être transféré au site de Shadaw avant le 7 juin 1996. Il aurait vu ce document trois jours avant la date d'échéance. Ne sachant pas lire, le chef de village lui aurait dit ce qu'il contenait. Il ne voulait pas déménager au site de relocalisation puisqu'il craignait ne pas être en mesure de subvenir aux besoins de sa famille. En outre, on lui avait dit que les personnes transférées étaient forcées de travailler pour les militaires sans être rémunérées.


Ethnie:

Karenni

107

Age/sexe:

41 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois fils, trois filles

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Kraw Aw, Shadaw, Etat Kayah (le village comptait 105 familles (population: plus de 500); il a fait l'objet d'un transfert forcé à Shadaw en juin 1996)

Il a quitté le Myanmar en juin 1996 après quelques jours au site de Shadaw. Avant la relocalisation. 1) Il a été porteur à trois reprises pour l'armée. La première fois lorsqu'il avait 15 ans. La dernière fois, deux ans avant son départ. C'était durant la saison des pluies. Seuls des hommes étaient porteurs, incluant des enfants (aux environs de 8 ans) et des personnes plus âgées (plus de 70 ans). Il a dû se rendre, en partant de son village, dans l'Etat Shan. Il y avait plus de 80 porteurs pour 500 soldats. Il n'était toutefois pas en mesure de voir tous les porteurs. Il devait transporter les munitions, les journées commençant à 6 heures pour se terminer à 17 heures. Il n'avait droit qu'à un seul repas par jour, soit une poignée de riz. Il devait dormir dans la forêt. Il n'était pas rémunéré. Il a été battu et frappé avec les bottes puisqu'il était trop faible pour transporter la charge qui lui avait été assignée. 2) Il a dû travailler pour un camp militaire à Shadaw, il y a trois ans, à sept, huit reprises. C'est le chef de village qui l'a informé du travail qui devait être exécuté. Il devait notamment faire les travaux de réfection de la route, travailler sur les bunkers, couper les bambous et transporter des pierres. Environ 500-600 personnes travaillaient avec lui à chaque fois, incluant des femmes (une vingtaine) et des enfants (une vingtaine aussi jeunes que 7 ans d'âge). Ils faisaient le même travail. La journée commençait à 6 heures pour se terminer à 17 heures. Il n'était pas rémunéré. Il ne pouvait pas refuser et ne pouvait payer aucun substitut. Il a été battu à plusieurs reprises puisque les militaires estimaient qu'il n'exécutait pas convenablement le travail. Il a vu plusieurs autres personnes qui auraient été battues. Toutefois, il ne connaît pas la raison qui aurait justifié ces passages à tabac. C'est le chef de village qui l'a informé qu'il devait partir avec le reste du village. Il n'a pas personnellement vu l'ordre de relocalisation. Il a quitté le site de relocalisation après quelques jours puisqu'il n'avait même pas d'abri où lui et sa famille aurait pu demeurer. Il n'a pu rien apporter de chez lui. Les quelques jours où il est resté au site de relocalisation, il n'a rien fait. Il n'a pas été forcé de travailler.


Ethnie:

Karenni

108

Age/sexe:

40 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, un fils, deux filles

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Klaw Leh Du, Shadaw, Etat Kayah (le village comptait 35 familles (population: plus de 200); il a fait l'objet d'un transfert forcé avec toute sa famille à Shadaw en juillet 1996)

Il a quitté le Myanmar en juillet 1996. Avant la relocalisation, il aurait été porteur un nombre incalculable de fois pour l'armée. La première fois, il y a dix ans. La seconde, il y a trois ans. Les assignations ont duré entre un et dix jours. Il devait dormir dans la forêt. C'est le chef de village qui lui a transmis l'ordre des militaires. Seuls des hommes étaient porteurs, incluant des enfants d'environ 15 ans et des personnes plus âgées (plus de 60 ans). Le nombre de porteurs dépendait du nombre de soldats. Pour 100 soldats, 40 porteurs étaient requis. Pour 200 soldats, 80 porteurs étaient requis. Il devait transporter les munitions. La journée commençait à 6 heures pour se terminer à 18 heures. Il n'avait droit qu'à un seul repas par jour. La ration était toujours insuffisante. Il n'était pas rémunéré. Il a vu un combat, il y a sept ans, près de son village, contre le KNPP. Lors du combat, les porteurs devaient rester avec les militaires. Aucun porteur n'aurait été tué. Il n'a pas fait personnellement l'objet de mauvais traitements. Toutefois, d'autres porteurs auraient été passés à tabac. Il a vu un porteur qui, ayant tenté de s'enfuir, avait été repris par les militaires. Il a été attaché à un arbre et a dû y passer la nuit après avoir été battu et frappé avec les bottes. Il aurait été transféré au site de relocalisation en juillet 1996. C'est le chef de son village qui l'aurait informé de l'ordre de transfert et de la date limite pour ce faire. Toute personne qui serait restée dans le village aurait été tirée à vue. Il est demeuré au site de relocalisation une trentaine de jours. Il aurait été forcé de travailler pendant cette période environ cinq jours. C'est le chef de village qui l'a informé du travail à exécuter. Il a dû notamment couper le bois et les bambous ainsi que monter les clôtures. Il a dû travailler des journées entières. Entre 20 à 60 personnes, incluant des femmes, des enfants (8 ans) et des personnes plus âgées (plus de 70 ans), travaillaient en même temps que lui pour exécuter les mêmes tâches. Il n'était pas rémunéré. Il pouvait payer un substitut pour exécuter le travail à sa place. Il ne l'a pas fait puisqu'il n'avait pas d'argent. Si les travailleurs ne trouvaient pas de substitut ou ne versaient pas de pots-de-vin, ils étaient généralement punis en étant incarcérés pour trois jours et obligés de travailler par la suite. Il n'a pas été battu personnellement, mais a vu deux personnes qui l'auraient été puisque le travail n'avait pas été exécuté à la satisfaction des militaires. Le reste du temps, il n'avait pas de travail. Il a pu retourner à deux reprises chez lui pour chercher de la nourriture.


Ethnie:

Shan

109

Age/Sexe:

34 ans, masculin

Situation familiale:

Neuf (lui, sa mère, deux sœurs, sa femme et quatre enfants)

Education:

Sixième année

Activité professionnelle:

Collecte et vente de bois de chauffage, etc.

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Shwenyaung, Taunggyi, Etat Shan (Shwenyaung comptait environ 6 000 familles)

Les membres de son village ont dû effectuer beaucoup de travail forcé et de portage. Si quelqu'un n'allait pas effectuer du portage selon les ordres, il était arrêté et devait payer une amende de 3 000 kyats. S'il n'avait pas cet argent, comme c'était souvent le cas, des propriétés équivalant à ce montant étaient confisquées. Si un personnage important visitait le village, les gens étaient contraints de nettoyer le village. La première fois qu'il a effectué du travail forcé fut lorsqu'il a travaillé pour la construction du chemin de fer de Shwenyaung à Yatsauk (Lawksawk) en 1992-93. Ce travail a débuté en 1991, mais le travail préliminaire de nettoyage a été effectué par les gens des zones rurales et, seulement lorsqu'un nombre important de travailleurs était requis, l'armée a commencé à faire appel à des gens des villes, comme ceux de Shwenyaung. Les ordres étaient donnés par un gardien du LORC (YaWaTa) de l'armée qui a ordonné à une personne de chaque famille de travailler. Les familles qui ne pouvaient envoyer personne devaient payer 150 kyats. Il a vu des centaines de personnes travailler à la construction de ce chemin de fer. Shwenyaung était divisé en deux groupes et une personne de chaque famille par groupe devait effectuer du travail forcé un jour par semaine, avec des personnes de groupes différents travaillant des jours différents en rotation. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture et ne pouvaient quitter le site de travail qu'une fois la nuit tombée. Ce travail a duré une année, mais lui ne l'a effectué que pendant deux mois, après quoi il a payé une somme pour ne pas avoir à y aller, puisque ce travail affectait ses revenus. Il était capable de payer ce montant uniquement pour un mois, après quoi il ne pouvait ni effectuer du travail forcé ni payer cet argent. A cause de cela, il était constamment dans une situation problématique et était appelé à se justifier auprès des autorités à plusieurs reprises, mais il a tout de même réussi à éviter d'être arrêté. Les autorités menaçaient que, si quelqu'un n'effectuait pas du travail forcé ou ne payait pas une amende, il serait arrêté et emprisonné. Il a vu autant les hommes que les femmes effectuer du travail, allant de 13-14 ans à 60-70 ans. Les travailleurs n'étaient pas battus. Une personne par famille était contrainte d'aller effectuer ce travail, indépendamment de la situation, ce qui explique pourquoi les femmes, les enfants et les personnes âgées devaient aller effectuer ce travail (environ la moitié des travailleurs était des femmes). Le travail qu'il a dû effectuer consistait à construire un remblais, à creuser et à niveler le sol et à concasser des pierres. Les travailleurs étaient transportés sur le lieu de travail en camion, mais ils devaient rentrer à la maison par leurs propres moyens le soir. Si les travailleurs étaient malades, ils ne recevaient aucun traitement médical. Lorsqu'ils ne réussissaient pas à compléter leur tâche à temps, ils devaient revenir pour la terminer le lendemain. Il n'a vu personne se faire brutaliser lorsqu'il effectuait du travail forcé, mais fut lui-même battu durant du portage. Le deuxième type de travail forcé qu'il a effectué fut lorsqu'il a aidé à la construction du chemin de fer de Shwenyaung à Namhsam. Ceci était en 1995 ou en 1996. Le travail était le même qu'auparavant et était organisé de la même façon. Il a effectué le travail lui-même les deux premières semaines et a, par la suite, envoyé son fils de 13 ans pour les deux semaines suivantes. Par la suite, il a payé 150 kyats à chaque fois pour éviter d'y aller. Il a payé cette somme pendant trois mois, puis ne pouvait se permettre de payer. A ce moment, il n'a ni payé ni travaillé et était constamment en danger. La ligne de chemin de fer n'est toujours pas terminée. L'autre genre de travail forcé qu'il a effectué fut du portage. Il a débuté le 17 novembre 1997. Les ordres venaient, une fois de plus, de l'armée par l'intermédiaire du gardien du LORC (YaWaTa). Les ordres exigeaient 40 porteurs de Shwenyaung, et les habitants devaient aller au bureau du LORC et effectuer un tirage. Cinq porteurs étaient demandés par ce gardien (il fut un de ceux qui furent choisis). Il était possible pour celui étant sélectionné de payer 3 000 kyats afin d'être exempté; les autorités utilisaient par la suite cet argent afin d'engager un substitut. Puisqu'il n'avait pas d'argent, il a dû se prêter à ce travail. La loterie qui permettait de choisir les porteurs se déroulait à 8 heures du matin, et ceux qui étaient choisis étaient détenus dans une maison appartenant aux militaires; c'est à cet endroit que tous les porteurs étaient amenés par les différents gardiens, un total d'environ 60 personnes. Il a dû envoyer sa femme afin qu'elle lui apporte quelques objets personnels. Il n'était pas informé de la durée pendant laquelle il serait absent. Entre 1 heure et 2 heures du matin, ils ont été amenés en camion au camp militaire de Loikaw et enfermés à cet endroit. Ils ont passé une nuit enfermés et ont été envoyés en camion vers 7 heures du matin dans la région de Shadaw. Ils ont passé une nuit là-bas, puis, à 6 heures du matin, ils ont été amenés à la rivière Salween. Ils ont traversé la rivière avec des bateaux à moteur. Une fois de l'autres côté de la rivière, les porteurs se voyaient assigner leurs charges (riz, munition et autres marchandises); il a dû transporter du riz. A ce moment, deux porteurs ont jeté leurs charges et se sont enfuis. Les soldats ont tiré sur eux mais ne les ont pas touchés. Les soldats et les porteurs ont marché pendant le reste de la journée et ont dormi en plein air à côté d'une rivière. Ils ont continué à marcher le lendemain matin et sont arrivés à Meh Te dans l'Etat Kayah (un village qui avait été relocalisé et brûlé). A ce moment, un des porteurs était incapable de continuer, victime de délires à la suite de douleurs dans la jambe et dans les épaules. Trois ou quatre soldats ont commencé à le frapper avec des armes jusqu'à ce que son visage soit couvert de sang et que du sang sorte de sa bouche. A ce moment, un soldat a pointé son arme vers le porteur et était sur le point de tirer sur lui lorsque l'officier en charge est intervenu. Le porteur a été contraint de continuer, mais on lui a donné un sac à dos militaire à transporter au lieu de sa charge. Cette nuit-là, vers 20 heures, ils sont arrivés à Kyauk Tat Kwe où se trouvait un camp militaire (bataillon 261). Les porteurs ont dû cuisiner (pour les militaires ainsi que pour eux-mêmes, mais séparément). Les porteurs ont reçu un condensé de lait au riz à cuisiner pour deux personnes. Ils n'ont reçu aucun curry ou sel pour aller avec le riz. Il a plu cette nuit-là. Les porteurs ont dû dormir sur le sol sous les maisons où dormaient les militaires. Ils ont quitté à 6 heures du matin le lendemain matin. Sur le chemin, certains des porteurs qui avaient 60 ans ont été battus par les militaires parce qu'ils ne pouvaient plus continuer. A 18 heures, ils sont arrivés au sommet de la colline 3222 (nom donné suite à la hauteur) et ont dormi à cet endroit pendant la nuit. Le jour suivant, ils ont quitté encore à 6 heures du matin et sont allés à Sin Taung («colline de l'éléphant»). Ils ont dû marcher toute la journée pour arriver là et sont restés une nuit. Le lendemain matin à 6 heures, ils sont allés à Tin Shu Hill et sont arrivés vers 13 heures. Sur le chemin, un homme était fatigué et ne pouvait continuer. Les militaires l'ont battu et l'ont brûlé avec des cigarettes. Il a été ensuite ligoté et jeté sur le bord de la route (quelqu'un serait allé le chercher, mais il n'est pas sûr que cela soit vraiment arrivé). A Tin Shu Hill, ils sont restés deux nuits (ils se sont reposés une journée). Ils sont alors retournés à la colline 3222 en transportant un soldat blessé par balle. Sur le chemin du retour, ils ont fait arrêt à Daw Taket (un camp de provisions) et ont pris du riz qu'ils ont ramené à Tin Shu Hill. Ils se sont arrêtés pour la nuit vers 22 heures dans un village connu sous le nom de Thit Set. Le lendemain matin, ils ont quitté à 6 heures du matin et sont allés à Tin Shu Hill, via Sin Taung. Ils sont restés une nuit à Sin Taung (où un porteur a réussi à s'échapper). Le jour suivant, ils sont retournés à Tin Shu Hill et sont restés pour se reposer pendant quelques jours. Après ce repos, ils sont repartis avec des charges très lourdes pour une autre colline (il ne se souvient pas du nom). Sur le chemin, il a commencé à souffrir de la malaria et a été battu avec une arme par un soldat parce qu'il ne pouvait pas continuer. Ils n'ont pas réussi à atteindre leur destination cette nuit-là et ont dû dormir à côté de la rivière. Il était très malade et a reçu deux comprimés qui n'ont eu aucun effet. Il pense que ces comprimés n'étaient que pour chasser la douleur. Il pensait qu'il allait probablement mourir s'il devait continuer, alors pendant la nuit, à 2 heures du matin, il est allé aux toilettes et s'est échappé. Les militaires ont essayé de le retrouver avec des lampes de poche, mais il s'était caché derrière des arbres. Il a marché pendant trois jours pour atteindre la frontière. Sa famille n'a aucune idée de ce qui lui est arrivé.


Ethnie:

Karenni

110

Age/Sexe:

33 ans, masculin

Situation familiale:

Lui, sa femme et quatre enfants

Education:

Quatrième année

Activité professionnelle:

A travaillé comme fonctionnaire du gouvernement pour le canton (a fait divers travaux)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Duro, Pruso, Etat Kayah

Le témoin a travaillé à Loikaw pour le gouvernement jusqu'en 1986. Il était incapable de gagner sa vie et a décidé de quitter le travail pour aller travailler dans les mines à Mawchi. Là-bas également, il fut incapable de gagner sa vie parce que, à chaque fois que les travailleurs avaient une journée de congé, ils risquaient de se faire amener en tant que porteur par les militaires, ce qui impliquait qu'ils rataient du travail pendant une période et perdaient leurs salaires. A cause de cela, il est retourné à Loikaw. A cette période, les autorités ne contrôlaient que la région autour de Loikaw alors que le reste de la région était contrôlée par l'opposition Karenni. Il trouvait qu'il était plus facile de gagner sa vie dans la région contrôlée par les Karennis, ce qui lui permettait de ramener régulièrement de l'argent pour sa famille. Parce qu'il a décidé de s'installer entre Loikaw et les régions contrôlées par l'opposition, il fut accusé à tort de travailler avec l'opposition et fut arrêté en 1992. Il fut relâché en mars 1997. En probation, il devait s'enregistrer toutes les semaines auprès des autorités. Il était incapable de gagner sa vie et a également raté l'enregistrement en raison d'une maladie. Il a donc décidé de s'enfuir. Il est arrivé en Thaïlande une journée avant cette entrevue. Lorsqu'il travaillait pour les autorités dans un hôpital de Loikaw (lorsqu'il travaillait comme employé du gouvernement avant 1986), il devait effectuer un jour par semaine de travail forcé lors de sa journée de congé. Tous les employés gouvernementaux devaient faire cela et étaient payés 6,5 kyats par jour (en 1980), mais devaient payer une amende de 60 kyats s'ils ne le faisaient pas. Il a dû effectuer ce travail d'une journée par semaine pendant plusieurs années. Sa femme, qui était également une employée du gouvernement, devait également faire ce travail. La situation pour les employés du gouvernement était meilleure puisqu'ils devaient travailler une fois par semaine mais ne devaient pas compléter leur travail dans un délai de temps établi. Par contre, si les villageois ou les gens de la ville ne terminaient pas leur travail à temps, ils devaient continuer de travailler jusqu'à ce que le travail soit fini. Lorsque les villageois arrivaient pour exécuter le travail forcé, ils devaient se rapporter à l'armée et signer leur nom ainsi que le nom de leur village; s'ils n'avaient pas terminé leur tâche, ils étaient battus et ne pouvaient retourner à leur village qu'une fois le travail complété. Le traitement des militaires face aux villageois était également plus dur. Il a lui-même été battu lorsqu'il exécutait du travail forcé. Il y a eu un coup de feu et les militaires pensaient qu'un des villageois avait tiré sur eux. Ils ont encerclé les villageois et ont commencé à les battre; ils l'ont confondu pour un membre du village, ce qui fait qu'il fut battu également. Il fut relâché lorsqu'il a pu établir qu'il était un employé du gouvernement. Il ne sait pas ce qu'il est advenu des villageois après cet incident. Plus tard, il a dû travailler pour la construction du chemin de fer Aungban-Loikaw. Les autres personnes de cette ville ont également dû effectuer ce genre de travail. Elles recevaient les ordres du gardien du LORC. Chaque maison ou groupe de maisons avait une tâche à accomplir (pour les communautés rurales, chaque village se voyait assigner une tâche particulière). Il a vu des milliers de personnes effectuer ce travail. En plus de travailler à la construction du chemin de fer, il a dû effectuer d'autres travaux tels que la construction d'une route et le nettoyage du terrain en vue du Festival de sport étudiant (chaque année, il y avait quelque chose de différent). Lorsqu'il travaillait à l'hôpital de Loikaw, il a vu des patients qui lui ont dit avoir souffert de blessures en raison des violences infligées par les soldats alors qu'ils exécutaient du travail forcé.


Ethnie:

Karenni

111

Age/Sexe:

26 ans, masculin

Situation familiale:

Parents, 14 enfants (il est le plus jeune)

Education:

Sixième année

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Tee The Klo, Demawso, Etat Kayah (le village comptait 100 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar à la fin de 1997. Il a effectué du travail forcé pour la première fois en août 1996. Auparavant, cette région n'était pas sous le contrôle du gouvernement, ce qui explique qu'il n'avait pas eu à effectuer du travail forcé. Lorsque l'armée est venue, quiconque refusait les ordres était accusé d'être un rebelle et était tué. Le village s'est vu donner trois jours en août 1996 afin de relocaliser son centre vers un autre village à deux miles de là du nom de Tee Po Klo. Tout ce qui ne pouvait être transporté sur le site de la relocalisation à ce moment a dû être abandonné. Sous le site de relocalisation, les villageois ont dû rester avec des amis ou de la famille jusqu'à ce qu'ils puissent construire leur propre abri. Ils ont été contraints de construire une clôture autour du site de relocalisation; il n'existait que deux sorties et toutes deux étaient surveillées. Les villageois étaient autorisés à quitter le site de relocalisation durant la journée pour aller cultiver mais devaient revenir le soir et ne pouvaient apporter de nourriture à l'extérieur avec eux lorsqu'ils quittaient (pour ne pas qu'ils donnent cette nourriture aux rebelles). Afin de quitter le site de relocalisation pendant la journée, ils devaient acheter un laissez-passer au coût de 10 à 15 kyats par jour. Sur le site de relocalisation, lui et d'autres villageois ont été contraints d'exécuter du travail forcé: travail pour le camp militaire, nettoyage du terrain, culture pour les militaires ou coupe d'arbres dans la jungle. A chaque fois que l'armée avait besoin de quelqu'un, elle prenait des gens du site de relocalisation. L'armée procédait à des enquêtes afin de déterminer lesquels des villageois était des rebelles. Son nom fut mentionné et les soldats du bataillon 429 sont venus l'arrêter. Ils lui ont masqué les yeux et ont attaché ses mains autour de son cou. Ils ont également attaché ses pieds ensemble. Ils l'ont amené avec 11 autres personnes et les ont torturées de différentes façons. Cinq membres de ce groupe sont morts durant la torture. La torture consistait, entre autres, à leur mettre un sac de plastique sur la tête, de la poudre de piment et de l'eau bouillante dans le nez, en plus d'être battus et coupés avec des couteaux. La torture a duré trois jours et deux nuits; les personnes étaient interrogées durant cette torture. Les sept survivants furent envoyés à la prison de Loikaw où ils furent emprisonnés dans une petite cellule sombre et furent interrogés une fois de plus par les militaires. Durant cet interrogatoire, on lui demandait s'il était un rebelle et on le battait s'il répondait non. Des militaires ont finalement décidé qu'il n'était pas un rebelle et l'ont envoyé dans une cellule du camp du bataillon 530 à Loikaw. La situation à cet endroit était très mauvaise, pas assez de nourriture ou d'eau ainsi que des mauvais traitements. Sa famille ne savait pas où il se trouvait. Il pensait que s'il continuait de rester à cet endroit il allait mourir, et s'il essayait de s'enfuir il se ferait probablement tuer dans sa tentative. Ainsi, il a estimé qu'il n'avait rien à perdre et tenterait de s'échapper. Il a frappé le militaire qui lui apportait sa nourriture et s'est enfui avec une autre personne. On a tiré sur lui mais il n'a pas été touché et, après six jours de marche, il est arrivé en Thaïlande. L'autre personne fut arrêtée de nouveau. Il a dû être admis à l'hôpital souffrant de blessures graves en raison de la torture. Il a également un problème avec sa jambe.


Ethnie:

Karenni

112

Age/sexe:

25 ans, masculin

Situation familiale:

Douze (mère, père, lui-même, 11 frères et sœurs)

Education:

Huitième année

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Demawso, Etat Kayah

Le témoin est venu en Thaïlande en juin 1993 parce qu'il ne pouvait plus continuer d'exécuter du travail forcé et du portage; sa famille est toujours au Myanmar (il a fui directement après son dernier voyage de portage). Il a dû exécuter du portage à huit occasions, la première en mai 1990 (il est le seul membre de sa famille à avoir fait du portage. Il craignait de devoir travailler jusqu'à six mois. Alors, à six occasions, il s'est enfui (les deux autres fois il fut relâché)). La première fois, il a été contraint de travailler dans une scierie, mais il s'est enfui après une semaine. La seconde fois, il a dû effectuer du portage pendant deux mois à Pwe Pu Laung, après quoi il s'est enfui. Les troisième et quatrième fois, il s'est enfui après un mois de portage. La cinquième fois, il a effectué du portage pendant un mois à Hti Hta et après trois semaines il s'est enfui. La sixième fois, il effectuait du portage au même endroit et s'est enfui après un mois. La septième fois, il se trouvait près de la frontière thaïlandaise, dans l'Etat Kayah, avec LIB 18, et il fut relâché après deux mois. La huitième fois était également près de la frontière thaïlandaise à proximité de BP9 (la patrouille de police de la frontière thaïlandaise au point no 9); il fut relâché après deux mois. Lorsqu'il effectuait du portage, il transportait habituellement de l'armement militaire, mais a également transporté de l'eau, du riz et d'autres munitions. Il a fait du portage sur la ligne de front durant des opérations militaires et entre des camps militaires. Parfois, les porteurs recevaient l'ordre de l'armée via le chef du village et, parfois, les militaires capturaient directement les porteurs (particulièrement au marché ou à la sortie de cinéma). Le travail était le même indépendamment de la méthode utilisée. Dans son cas, il fut recruté la plupart du temps via le chef du village. Normalement, une personne de chaque petit village ou une personne de chaque section d'un grand village devait se rendre pour effectuer du portage; celui qui était choisi était déterminé par le chef et, si la personne choisie était incapable d'y aller, il devait payer 3 000 à 4 000 kyats. Si les militaires estimaient qu'ils n'avaient pas assez de porteurs après cela, ils venaient et les prenaient directement. Lorsqu'il effectuait du portage, il y avait habituellement autour de 50 porteurs (certains venaient d'aussi loin que de l'Etat Shan). Les porteurs étaient battus et maltraités par les soldats et frappés avec leurs armes, lorsqu'ils ne pouvaient plus travailler. Ceci ne lui est jamais arrivé puisqu'il était capable de poursuivre son travail. Certains porteurs étaient très jeunes (13 ans), et certains étaient âgés. Les femmes n'étaient habituellement pas soumises au portage mais, à une occasion lorsqu'il effectuait du portage près de Shadaw, il a aperçu quatre femmes qui faisaient du portage parce que les soldats n'avaient pu trouver assez d'hommes. Ils étaient contraints de transporter des mortiers (84 mm), pesant environ 25 kg. Après une journée, ils étaient relâchés. La nourriture pour les porteurs n'était pas suffisante puisqu'elle consistait qu'en un peu de riz. Les porteurs ne recevaient pas d'eau mais devaient en boire à chaque fois qu'ils passaient près d'une rivière. Ils devaient dormir sur le sol sans couverture. La pire expérience qu'il a eue en tant que porteur d'artillerie lourde fut lors de son dernier voyage. Une bagarre a éclaté avec des rebelles karennis et des coups de mortier furent tirés; certains porteurs furent tués. Le pire traitement qu'il a vu infliger à un porteur fut lorsqu'un de ceux-ci était malade de diarrhée et avait perdu toute sa force. Le porteur n'a reçu aucun soin médical et a été contraint de continuer et est finalement décédé. Dans un autre cas, un porteur s'est enfui et les soldats se sont emparés d'un autre porteur qui voulait le suivre et l'ont tué devant tous les autres porteurs en guise d'avertissement. Il a également exécuté du travail forcé, comme d'autres membres de sa famille; en plus du portage, au moins une fois par mois, un membre de sa famille devait effectuer certains travaux forcés. Lorsqu'il était à Demawso, lui et d'autres gens étaient forcés de ramasser du bambou, ainsi que d'autres objets à partir de 1990. Il a dû régulièrement exécuter ce genre de travail une fois par semaine. Le travail forcé comprenait également le travail sur la voie de chemin de fer Aungban-Loikaw. Il devait construire un remblais autour des rizières, 16 pieds de large, 18 de longueur et huit de haut. Ce travail a eu lieu de 1992 à 1993, avec chaque famille recevant une certaine tâche à accomplir (environ 10 pieds de remblais, ce qui pouvait prendre environ d'une semaine à un mois par famille). Le chemin de fer est maintenant terminé. Personne n'a été payé pour ce travail; ceux qui ne pouvaient participer à ce travail devaient payer 1 200 kyats. Les ordres qui exigeaient de faire ce travail venaient du SLORC, via le VLORC. Une réunion était organisée afin d'expliquer aux chefs de village ce qui devait être fait et ceux-ci devaient en informer les villageois. Il a dû travailler pour ce chemin de fer à trois reprises (pour trois semaines, cinq jours et trois jours, respectivement). Les militaires sur le site de travail ne l'ont pas maltraité, mais il a vu ces derniers battre d'autres travailleurs et les menacer avec leurs armes s'ils n'exécutaient pas le travail de façon satisfaisante. Une fois le remblais construit, il a dû être couvert avec des pierres pour que les rails du chemin de fer puissent être installés. Il y avait également des prisonniers qui effectuaient ce travail, et il a entendu que le traitement de ces derniers était très mauvais. La quantité de travail forcé a augmenté à environ une fois par semaine par famille en plus du portage. Il devenait impossible d'exécuter autant de travail forcé et en plus de gagner sa vie.


Ethnie:

Karenni

113

Age/sexe:

48 ans, masculin

Situation familiale:

Dix (lui, sa femme, quatre filles et quatre garçons)

Activité professionnelle:

Chef du village et président d'un groupe entre le VLORC et le TLORC; avant cela, il a travaillé avec le BSPP et, antérieurement, il fut un dirigeant de l'aile de la jeunesse

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Tong Pet, Shadaw, Etat Kayah

Le témoin a effectué du travail forcé pour le SLORC à plusieurs reprises: portage, coupe de bambou, travail au camp militaire. En tant que chef du village, il était responsable de l'organisation du travail forcé des villageois et a également dû exécuter du travail forcé en tant que représentant de sa famille. Le premier type de travail forcé qu'il a effectué fut du portage pour les militaires, transport de riz de Po Kyaw à Shadaw, une distance d'environ 15 miles. Il y a environ dix ans (bien qu'il ait déjà exécuté du portage en 1971-72). Depuis, il a effectué du portage environ dix fois. Puisqu'il était le chef du village, il a exécuté de courts voyages de portage d'environ trois jours; son plus long voyage a été de dix jours. Lorsqu'il exécutait du portage il devait transporter du riz, des munitions et d'autres marchandises. Le traitement qu'infligeaient les militaires aux porteurs était mauvais; les militaires insultaient les porteurs et, parfois, les battaient. Il n'a jamais été battu lui-même, mais à quelques occasions certains membres de son village se sont enfuis durant le portage, ce qui fait qu'il a été arrêté puisqu'il était en charge. Il fut battu, ce qui lui a causé des blessures à la poitrine. Il fut relâché seulement lorsque les porteurs qui s'étaient échappés ont pu être remplacés Sa blessure à la poitrine s'est aggravée lorsqu'il a dû transporter des charges lourdes durant le portage, parfois jusqu'à 60 kg. Il a toujours des problèmes avec sa poitrine. Il a vu d'autres porteurs avec des blessures très graves résultant des violences faites par les militaires, comme des nez cassés et du sang jaillissant de la bouche. Les porteurs étaient battus s'ils ne pouvaient continuer leur travail ou si les militaires estimaient qu'ils étaient sur le point de s'enfuir. Il a vu certains porteurs se faire tuer par les militaires lorsqu'ils étaient incapables de continuer. Leur corps était abandonné au bord de la route. Dans le cas de son village (qui était assez grand, environ 100 maisons), les ordres concernant le portage étaient envoyés par les militaires au chef de village par écrit, et le chef de village devait déterminer quels villageois iraient effectuer le portage. Comme ces ordres venaient très régulièrement, les villageois ne pouvaient plus le tolérer et s'enfuyaient souvent. Il était donc difficile de trouver des gens, ce qui implique qu'il a dû y aller lui-même. A une occasion, il s'est présenté lui-même pour le portage et a dû transporter des marchandises à Shadaw. A son arrivée, il fut relâché mais arrêté de nouveau par d'autres militaires. Il fut relâché seulement lorsqu'un président local du VLORC, qui était un de ses amis, s'est plaint auprès des militaires. Les ordres écrits ne contenaient pas de menaces. Toutefois, des menaces verbales à l'effet que le village serait brûlé et le chef du village arrêté si les ordres n'étaient pas respectés étaient monnaie courante. Les porteurs étaient relâchés uniquement lorsque des remplaçants arrivaient, habituellement au bout de dix jours, mais parfois jusqu'à plus de deux mois lorsqu'il était difficile de trouver des remplaçants. Les porteurs n'étaient pas rémunérés mais, en tant que chef du village, il essayait de collecter un peu d'argent pour les villageois afin de donner aux familles des porteurs de quoi survivre. Les femmes n'avaient pas habituellement à exécuter du portage mais, à l'occasion, lorsque les militaires ne pouvaient trouver assez d'hommes, ils utilisaient des femmes (même des femmes avec des enfants en bas âge). Les villageois devaient également exécuter du travail forcé au camp militaire (il n'a pas exécuté ce travail lui-même mais a dû organiser le travail des habitants de son village). Ceux-ci devaient construire des clôtures, creuser des tranchées, etc. Il y avait un camp militaire dans la région de Shadaw depuis plusieurs années, et ce genre de travail existait depuis très longtemps. Les ordres pour l'exécution de ce type de travail émanaient du TLORC et, dans le cas où les travailleurs n'arrivaient pas, les militaires venaient directement au village pour amener les gens. Les villageois devaient également fournir les outils et les matériaux de construction. Parfois, jusqu'à 20 personnes à la fois étaient demandées, avec l'exigence de fournir le travail en rotation parmi les villages de la région. Les femmes étaient également requises pour ce genre de travail. Il ne connaît aucun cas de violence physique contre les femmes durant le travail forcé ou le portage, mais les abus verbaux étaient courants. D'autres types de travail forcé qu les membres de son village ont eu à exécuter incluaient la coupe de bambous et la réfection du camp militaire (une à deux fois par année). Le camp militaire se situait à 10 miles ce qui implique, lorsque les villageois devaient y travailler, qu'ils devaient dormir une à deux nuits dans le camp militaire. Tous les villageois ont également dû exécuter du travail forcé pour le chemin de fer Aungban-Loikaw. Chaque village recevait une tâche et devait veiller à la construction d'une partie du remblai. Presque tous les villages dans l'Etat Kayah étaient impliqués. Son village a dû y aller pour la première fois en 1992. A une occasion, en 1991 ou 1992, 100 personnes de son village (un de chaque maison) a dû se rendre pour travailler quelques jours sur la construction de la route de Shadaw à la rivière Salween. Il est venu en Thaïlande avec sa famille après que son village reçut l'ordre de se relocaliser en sept jours à Shadaw, le 1er juin 1996; environ 100 familles sont venues au même moment de villages divers. Une fois que l'ordre fut donné, il a discuté avec les gens de son village mais ceux-ci ont refusé la relocalisation. Il a écrit une lettre aux autorités à Shadaw en expliquant les raisons des villageois qui refusaient d'être relocalisés (telles que des problèmes de santé, manque d'abris sur le site de relocalisation, des lacunes concernant l'éducation pour les villageois relocalisés, des manques de nourriture sur le site de relocalisation et des difficultés pour les personnes âgées d'effectuer ce voyage). Ces arguments n'ont pas été acceptés et les autorités ont décidé que le village devrait être brûlé, ce qui a amené certains villageois à se relocaliser à Shadaw, mais plusieurs autres ont décidé de fuir. Les villageois ont dû marcher 12 miles jusqu'au site de relocalisation et n'ont pas pu apporter avec eux tous leurs biens. Le village a, par la suite, été brûlé et le bétail et autres biens ont été volés par l'armée. «Il ne restait même plus un chien.»


Ethnie:

Karenni

114

Age/sexe:

46 ans, masculin

Situation familiale:

Neuf (lui, sa femme, quatre fils et trois filles)

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

To Ka Oh, Shadaw, Etat Kayah (le village comptait 100 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar en juin 1996. Il a dû effectuer plusieurs types de travail forcé, tel que du portage, la coupe de bambous, coupe de bois pour la construction du chemin de fer, transport de riz pour les militaires qui surveillaient les travailleurs pour la construction de la route. Le travail le plus difficile était le portage: « les gens n'osaient pas effectuer ce travail». Il a effectué du portage à cinq ou six occasions, habituellement pour une durée de trois à six jours à chaque fois. Le plus long fut pour une durée de onze jours. La première fois fut en 1972 et la dernière en 1987. Il a dû transporter des munitions, de la nourriture et d'autres marchandises. Les charges étaient très lourdes (jusqu'à 49 kg) et occasionnaient des blessures pour les porteurs. Lorsqu'un porteur ne pouvait porter sa charge, il était battu ou frappé; à une occasion, il est tombé alors qu'il effectuait du portage et il ne pouvait plus se relever parce que la charge était trop lourde. Il a donc été battu par les soldats qui l'ont frappé dans le bas du dos. La dernière fois qu'il a effectué du portage, il y a eu une bagarre; les porteurs avaient très peur et certains d'entre eux se sont enfuis. Il a dû également couper du bambou pour les militaires afin de construire un camp. Il devait couper 100 tiges de bambou par jour, ce qui était très difficile. Plusieurs personnes ont également dû exécuter ce travail. Il a également dû couper de très gros arbres pour la construction du chemin de fer vers 1992, avec environ 100 autres villageois. Il est difficile pour lui d'évaluer combien de temps il a passé à exécuter du travail forcé, mais cela représentait habituellement une à deux fois par mois pour plusieurs jours à chaque fois. Les ordres pour effectuer le travail forcé émanaient de l'armée et étaient transmis par le chef du village.


Ethnie:

Shan

115

Age/sexe:

39 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec trois enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur et chef de village (de 1994 à 1996)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pa Ku Da, Bawlake, Etat Kayah (village sur les rives de la Salween, près de Ywathit; relocalisation forcée à Ywathit en 1996)

Le village du témoin faisait partie d'une relocalisation à grande échelle. Le village tout entier a reçu l'ordre de se relocaliser. L'ordre est venu d'un officier de l'armée le 16 avril 1996. Quinze familles, environ 50 à 60 personnes (surtout des enfants) furent touchés. Il a essayé de rester et d'ignorer l'ordre. Le deuxième ordre est venu et a précisé que, si on ne quittait pas le village, ce dernier serait brûlé. D'autres villages dans la région ont également été relocalisés au même moment: environ sept villages (100 familles au total), tous des villages Shan dans l'Etat Kayah. Son village fut relocalisé à Ywathit près d'un poste militaire sur la colline surplombant les champs où ils ont été envoyés. Ce site se trouvait à un demi jour de marche de son village. Ils ont reçu une semaine pour bouger et ont dû abandonner derrière eux la plupart de leurs biens, y compris des buffles et des poulets, puisqu'il n'y avait aucune route sur le nouveau site. D'autres villages qui furent relocalisés avec eux: Wan Loi, Wan Pla, Ko Su Pa, Ho Hta, Wan Pha Ku et Leh Way. Ils ont pu emporter avec eux seulement qu'un sac de riz. Il est retourné dans son village après une semaine sans autorisation afin de trouver des buffles, mais il n'a pu les trouver. Ils ont reçu beaucoup moins de terres sur le nouveau site: 10 à 20 fois moins de terres cultivables qu'avant. On leur a ordonné de construire leur maison eux-mêmes. Aucun matériel de construction n'était fourni, seulement qu'un peu de riz qui équivalait à la ration d'un pot de riz par personne par semaine. Ils ont dû vivre avec les villageois qui étaient déjà installés jusqu'à ce que leur propre maison soit terminée. Les unités militaires de la région dans leur village de relocalisation étaient: les bataillons 54, 72 et 102 avant 1994. La division 55 et le bataillon 429 après 1994. En tant que chef du village, il a dû exécuter beaucoup de travail forcé. Le travail que les habitants de son village devaient effectuer était essentiellement du travail dans le camp militaire, y compris du portage et du travail d'entretien. Ceci était fait sur une base rotative: chaque personne, chaque semaine, un par famille, de dix jours à un mois à la fois. Les ordres lui étaient donnés par écrit. Personne n'osait refuser d'effectuer ce travail. Le village recueillait 30 à 40 kyats par jour pour couvrir le coût de 210 à 280 kyats par personne par jour. Ceci était payé à un officier de l'administration et non à un militaire. Il a exécuté lui-même du travail forcé avant de devenir chef du village en 1994, mais jamais plus par la suite. Du travail forcé a également été exécuté pour la construction de la route près de la rivière Pai (une semaine par famille); ce travail était également exécuté par d'autres habitants de villages de la région. Ceci se passait en 1994, avant que le portage et le travail dans les camps militaires deviennent une obligation sur une base régulière à partir du début de 1995. D'autres types de travail forcé n'étaient pas exigés puisque son village était petit et qu'il n'y avait qu'un nombre limité de travailleurs et de familles disponibles. En ce qui concerne la façon dont les gens étaient recrutés, le premier ordre était simple et demandait à un certain nombre de personnes de se présenter. Si les villageois étaient en retard ou ne se présentaient pas, le deuxième ordre était plus menaçant. Il venait avec une cartouche et un morceau de piment. Ceci constituait des menaces traditionnelles représentant la mort et signifiant que les choses allaient se compliquer pour le village. Il devait garder cet ordre en tout temps et renvoyer la cartouche et le piment afin de montrer qu'il avait reçu cet ordre et qu'il avait compris le message. Les ordres venaient du bataillon 429 ou de la division 55. Il a vu plusieurs abus lorsqu'il était porteur (avant 1994). Les travailleurs devaient se rendre à pied et transporter des charges très lourdes tout en maintenant un rythme rapide. Lorsqu'un porteur ne pouvait continuer, un militaire prenait son sac de riz et le frappait très fort sur le cou, ce qui le faisait tomber. Le porteur en question était gravement blessé et pouvait mourir. Ceci se passait en 1992 durant la grande offensive à Mye Leth, près de la rivière Pai. Les villageois qui revenaient ont toujours mentionné qu'ils ne recevaient pas assez de nourriture (seulement qu'une petite portion de riz par jour). Lorsqu'un villageois s'enfuyait durant le travail forcé, le chef du village devait aller payer un pot de vin ou une amende aux militaires. Habituellement, ils payaient en poulets. A une occasion, il a dû envoyer des femmes travailler comme porteurs puisqu'il n'y avait plus assez d'hommes disponibles. A une autre occasion, ils ont dit aux militaires qu'il n'y avait pas assez de personnes disponibles pour remplir le quota. Les militaires sont donc venus au village et ont appelé tout le monde: hommes, femmes et enfants, même les bébés, et ont amené tout le monde au camp militaire afin d'effectuer du travail forcé pendant quatre jours. Les hommes coupaient les bambous, les femmes cuisinaient et nettoyaient la base. On leur a dit: «Ceci est votre première punition. Si vous désobéissez une fois de plus, nous vous punirons de nouveau de cette façon.» Il a entendu parler de mauvais traitements durant le travail forcé, mais n'en a pas vu lui-même. Des viols ont été mentionnés lorsque les militaires étaient en patrouille et entraient dans un village. A une occasion seulement, il a été payé pour du travail forcé lorsqu'il a réparé une vieille route. Il a reçu 25 kyats par jour pendant sept jours.


Ethnie/religion:

Shan, bouddhiste

116

Age/sexe:

55 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, huit enfants

Education:

Deuxième année

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pa Ku Da, Bawlake, Etat Kayah (village sur les rives de la Salween, près de Ywathit; relocalisation forcée à Ywathit en 1996)

Le témoin vient du même village que le témoin 115. Il a apporté avec lui de la nourriture lors de la relocalisation, mais a dû abandonner 300 sacs de riz et dix buffles. Il a amené des poulets et des cochons, mais a dû les manger sur le nouveau site de relocalisation. Il a également apporté avec lui des outils. Le nouveau site se trouvait à cinq jours de marche du village. Les militaires avaient promis leur aide et avaient dit qu'ils allaient couper des billots de bois gratuitement, mais, en fait, les villageois devaient payer pour ces billots de bois et les transporter eux-mêmes, ce qui implique qu'ils ne pouvaient le faire puisqu'il en coûtait 70 kyats par jour pour louer une charrette. Ils n'ont reçu ni nourriture, ni argent sur le site de relocalisation. Il a quitté avant de terminer sa nouvelle maison. En ce qui concerne le travail forcé, l'armée a ordonné à cinq personnes d'ériger une clôture autour du poste militaire, ce qui représentait deux jours de travail sur une base rotative. Même les hommes âgés (60 à 70 ans) devaient s'y rendre lorsque d'autres personnes n'étaient pas disponibles. Les travailleurs avaient droit à une journée de congé et devaient retourner à leur travail assigné s'il n'était pas terminé. Ils ne recevaient ni nourriture, ni argent. On lui a également demandé d'envoyer deux, trois, quatre ou cinq personnes comme porteur pour patrouiller. Le porteur qui était devant les autres risquait de marcher sur des mines. Il y avait également des porteurs du village de Wan Loi (près de Pa Ku Dah). Trois porteurs ont été tués par des mines durant le portage: deux en tant que porteurs, un comme guide. Ceci a eu lieu en 1975. La famille du premier porteur tué n'a rien reçu. Les familles des deux autres porteurs se sont partagées 10 000 kyats versés par l'armée comme dédommagement. Pour toutes ces formes de travail, ils n'ont rien reçu, ni argent ni nourriture. Après 1995, trois personnes étaient requises pour exécuter du travail de portage chaque semaine sur une base rotative. Cinq autres personnes étaient assignées à d'autres tâches: poser des clôtures, creuser des abris, construire des facilités pour le camp. Ceci impliquait du travail trois à quatre fois par mois, par famille, pendant au moins deux jours. Si les porteurs se plaignaient du poids excessif de leur charge, ils étaient battus (même les personnes âgées). Du travail forcé fut également exécuté pour la construction de deux routes: une de Bawlake à Ywathit et une autre de son village jusqu'au bord de la rivière Pai. Ceci eut lieu en 1995. Cela impliquait cinq jours de travail, deux jours de repos, puis encore cinq jours de travail pour un total de dix jours de travail par famille. Ce travail était payé trois kyats et 50 pyas (il a reçu au total 33 kyats et 50 pyas pour ce travail). Il n'avait pas le choix, il devait l'exécuter.


Ethnie:

Karenni

117

Age/sexe:

27 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois enfants; huit frères et sœurs

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw Ku Say, Shadaw, Etat Kayah

Le témoin a quitté le Myanmar en juillet 1996. Avant son départ, il a dû exécuter du portage pour l'armée. Les militaires sont venus dans son village et l'ont appelé comme porteur et ont battu d'autres porteurs. Lui et ses frères se sont enfuis parce qu'ils avaient peur de rester au village. Il est venu avec toute sa famille (femme, enfants, frères et sœurs). On leur ordonnait d'exécuter du portage une à deux fois par mois ou plus, habituellement pendant deux ou trois jours à chaque fois, mais à quelques occasions, des personnes ont dû faire ce travail pendant un à deux mois. Ils étaient réquisitionnés soit par un ordre écrit donné au chef du village, ou directement arrêtés par les militaires. Lorsque le chef du village avait des questions «... laisse-nous tranquilles ou nous utiliserons encore plus de gens pour le portage». Ceci n'était pas fait de façon systématique: parfois deux fois par mois, parfois une fois en deux mois. Ainsi, les villageois tentaient de fuir lorsqu'ils apprenaient que les militaires approchaient. Les militaires tiraient sur ceux qui tentaient de s'enfuir. Ils battaient et torturaient également les villageois. Ceci se passait en 1995. En tant que porteur, on l'a amené dans la partie nord-est de l'Etat Kayah. Parfois, il y avait des combats. Il a dû transporter des munitions pendant 16 jours, la première fois en 1991, pendant un mois en 1993 et une troisième fois également en 1993. On lui disait que ce serait pour une courte période. Ils sont descendus à la rivière Salween. Il craignait pour sa vie, c'est alors qu'il a décidé de s'échapper et de retourner à son village. Il a dû également travailler pour l'armée: couper des bambous et poser des clôtures autour du camp militaire qui se trouvaient à quatre heures de marche. Les ordres étaient donnés par écrit. Le camp militaire de Shadaw était le site où il devait travailler. Il a travaillé pendant une journée. D'autres travaux étaient faits sur une base rotative: cinq jours par personne, par famille, par mois, parfois une à deux fois par mois, parfois deux fois par mois. Pour toutes ces formes de travail, il n'a jamais reçu d'argent ou de nourriture. Aucun traitement médical n'était donné s'il était malade ou blessé. Les travailleurs étaient battus lorsqu'ils étaient fatigués ou prenaient une pause. A une occasion, les militaires sont venus dans son village pour chercher des porteurs. Tous les hommes étaient absents puisqu'ils travaillaient dans les champs. Les militaires se sont donc emparés des femmes du village et les ont forcées à travailler dans le camp pendant une journée et les ont battues. Il n'a pas entendu parler d'abus sexuels. Il a seulement entendu que les femmes avaient été battues. Le dernier ordre que son village a reçu fut celui de la relocalisation, ce qui l'a incité à quitter le Myanmar. Cet ordre est venu juste avant son départ en juin 1996. Ils ont été relocalisés parce que les militaires craignaient qu'ils approvisionnement les insurgés.


Ethnie:

Karenni

118

Age/sexe:

21 ans, masculin

Situation familiale:

Célibataire lorsqu'il a quitté le Myanmar (maintenant marié); quatre frères et sœurs

Education:

Première année

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Daw So Kya, Shadaw, Etat Kayah (village relocalisé de force à Shadaw en juin 1996)

L'ordre de relocalisation à Shadaw est venu en juin 1996. Il a quitté après un mois de relocalisation pour s'enfuir en Thaïlande avec ses parents. Quatre-vingt neuf familles à Daw So Kya furent relocalisées. L'ordre de relocalisation leur donnait une semaine pour s'exécuter ou être tués. Le nouveau site se situait à cinq heures de marche. Il n'a pu amener avec lui que ce qu'il pouvait transporter. Les buffles furent laissés derrière. Il a seulement reçu une petite partie de terre de 5 m2, juste assez pour pouvoir construire une maison, mais pas suffisamment pour cultiver. Aucun matériel de construction ne fut fourni. Il a reçu une petite portion de riz. Sans terres cultivables et sans travail, il n'avait aucun moyen de survivre. C'est pourquoi il a décidé de s'enfuir de l'autre côté de la frontière. Tous les villageois ont dû exécuter du travail forcé, même les femmes et les enfants. Il a fait du portage à quatre occasions, trois fois avant d'avoir 18 ans. La première et la seconde fois furent lorsqu'il avait 11 ans, lorsqu'il fut utilisé comme guide pour mener les troupes. La troisième fois, les militaires sont venus et ont amené les gens. Ils ont attaché et battu le chef du village et l'ont amené (il avait 12 ans à l'époque). Ils l'ont utilisé de nouveau comme guide. A la quatrième occasion, il était en train de cultiver dans le champ de son père. Les militaires sont venus et les ont amenés tous les deux afin de transporter des munitions. Il avait 17 ou 18 ans à l'époque. Il a fait du portage pendant cinq jours. Les combats ont éclaté avec les rebelles près du village de Daw Ei Lah. Une femme porteur a tenté de fuir les combats avec son bébé sur son dos, mais elle fut tuée. Ceux qui ne pouvaient transporter leur charge étaient battus. Aucune nourriture n'était donnée, ce qui fait que les gens étaient faibles et, par la suite, ils étaient battus. Parfois, les militaires torturaient les travailleurs en les pendant par les jambes avec un bâton sous leurs genoux. Les femmes et les enfants de 12 à 13 ans étaient également utilisés comme porteurs, tout comme les personnes âgées. Les porteurs ne recevaient ni argent ni nourriture; ils devaient aller mendier dans les villages avoisinants. Ils ont reçu seulement une petite quantité de pain sec lorsqu'ils ont atteint la rivière Pon. On leur demandait également de couper des bambous et d'exécuter d'autres formes de travail forcé dans le camp militaire. Cinq à dix personnes à la fois étaient requises dans un village pour faire ce genre de travail. Ils devaient construire des abris et couper du bois pour les bâtiments du camp.


Ethnie:

Shan

119

Age/sexe:

36 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, une fille

Activité professionnelle:

Fermier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Banlak, Taunggyi, Etat Shan (a grandi dans un village près de Namhsam)

Il a quitté le Myanmar à la mi-1997. Il a été réquisitionné par l'armée pour 1) le portage, 2) la construction de routes, 3) la construction de chemins de fer et 4) du travail pour un camp militaire. C'est le chef de village qui transmettait l'ordre qui venait des militaires. De façon générale, la règle était un membre par famille. Toutefois, il arrivait fréquemment que, lorsque le membre désigné était loin, les militaires requéraient un membre additionnel. Lorsqu'il était loin pour exécuter le travail qui lui avait été assigné, son frère prenait soin de ses terres. Il a personnellement dû faire du travail forcé pour les militaires en moyenne deux fois par mois, tous les mois pendant quinze ans (toutes formes confondues: portage, chemins de fer, routes...). 1) La première fois où il a dû porter des charges pour les militaires date de 15 ans. La dernière fois remonte à six mois. Les assignations pouvaient durer de cinq jours à un mois. Il devait porter le riz et les munitions. Quinze porteurs étaient requis pour 20 soldats; 40-50 porteurs pour 60-70 soldats. Hommes et femmes pouvaient être réquisitionnés, incluant des enfants de 15-16 ans et des personnes de plus de 60 ans. Il devait marcher toute la journée. Il n'était pas nourri de façon constante. Les rations étaient toujours insuffisantes. Il devait dormir dans la jungle. Il n'était pas rémunéré. Il était impossible de refuser ou de payer un substitut. Il a vu à deux reprises des personnes qui auraient été tuées puisqu'elles avaient refusé d'aller travailler. Il était toujours possible de payer un pot-de-vin: 5 000 kyats à chaque fois. Il a essayé à une reprise de payer pour ne pas avoir à y aller, mais le chef de village a refusé son argent. Il a dès lors dû travailler. Il a fait l'objet de mauvais traitements, ayant été battu à deux reprises. Il a vu d'autres porteurs être battus et frappés jusqu'à ce que mort s'en suive. Il a également vu des porteurs qui auraient été abattus par les militaires. Dans le cas où les femmes n'étaient plus capables de porter les charges qui leur avaient été assignées, elles faisaient l'objet de sévices sexuels (viols). Il a personnellement vu ces pratiques à quatre-cinq reprises. 2) Pour ce qui est de la construction de routes, il a travaillé à la construction de routes la première fois, il y a treize ans. La dernière fois: il y a environ six mois. Il a travaillé sur de nombreuses routes, notamment Shwenyaung-Yatsauk (Lawksawk) et Shwenyaung -Namhsan. Il devait faire les remblais, niveler la route. Ces routes étaient utilisées exclusivement par les militaires. Environ 2 000 personnes auraient travaillé en même temps que lui sur ces routes, incluant hommes, femmes, enfants et personnes plus âgées. La journée commençait à 8 heures pour se terminer à 17 heures avec un repos d'une heure à midi. Il devait apporter sa propre nourriture. Il n'était pas rémunéré. Tout refus pouvait entraîner une arrestation qui supposait le paiement d'une amende de 1 000 kyats et l'obligation de travailler. Il n'était pas possible d'engager un substitut. Les soldats assuraient la supervision. Il a vu de nombreuses personnes qui auraient fait l'objet de mauvais traitements puisqu'elles ne travaillaient pas à la satisfaction des militaires. 3) Pour ce qui est de la construction de chemins de fer, il a dû faire les remblais, niveler le terrain et poser les lames. Il a vu les voies sur lesquelles il a travaillé terminées: Yatsauk (Lawksawk) à Patu et Namhsam à Shwenyaung. Ces voies de chemin de fer étaient utilisées indistinctement par les militaires ou par les civils. Tout Taunggyi a dû y participer; 3 000 personnes auraient travaillé en même temps que lui sur ces chemins de fer, incluant hommes, femmes, enfants et personnes plus âgées. La situation était la même que pour les routes en ce qui concerne l'horaire de travail, la nourriture, la rémunération, la possibilité de refuser, les conséquences d'un refus et les mauvais traitements infligés par les militaires. 4) Enfin, il aurait travaillé à cinq reprises pour un camp militaire à Namhsam entre l'âge de 13 ans (1975) et l'âge de 19 ans (1981). Chaque assignation durait environ dix jours. Il devait dormir au camp militaire. Soixante à soixante-dix personnes ont travaillé avec lui à chaque fois, incluant hommes, femmes et personnes plus âgées (plus de 60 ans). Il n'y avait pas d'enfant. Devait apporter sa propre nourriture et devait fournir l'eau aux militaires. La journée commençait à 8 heures pour se terminer à 17 heures. Il n'était pas rémunéré. Il était impossible de refuser ou de payer un substitut. Il n'a pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements mais a vu à deux reprises des personnes battues par les militaires. Une partie de ses récoltes devait être remise aux militaires. Si les cultivateurs ne pouvaient pas payer cette taxe, ils étaient mis en prison.


Ethnie:

Shan

120

Age/sexe:

25 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, une fille

Activité professionnelle:

Cultivatrice

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wan Mai Hong Nai, Nam Mong, Laikha, Etat Shan (le village comptait 80 familles environ)

Son mari voulait quitter le Myanmar puisqu'il ne voulait pas être porteur pour l'armée. Il l'a quitté il y a neuf ans et elle l'a rejoint à la mi-1997. Elle n'aurait pas été personnellement forcée de travailler. Son mari, étant en Thaïlande, il n'aurait pas non plus travaillé pour les militaires. Les hommes de son village s'enfuyaient lorsque les militaires s'approchaient du village de façon à éviter la réquisition. Toutefois d'autres personnes de son village auraient été forcées de cuisiner (riz, curry) pour les militaires lorsqu'ils s'arrêtaient dans le village. Il était impossible de refuser. Une femme aurait été tuée près de sa résidence juste avant son départ puisque les militaires la soupçonnait d'avoir des liens avec un soldat Shan. Elle a entendu dire que son village aurait été relocalisé près de Laikha.


Ethnie:

Pa-o

121

Age/sexe:

22 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, une fille

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wan Yong, Panglong, Loilem, Etat Shan (le village aurait fait l'objet d'une relocalisation à Panglong à la fin de 1997)

Le village du témoin a fait l'objet d'un transfert forcé à Panglong à la fin de 1997. Il a quitté le Myanmar en janvier 1998 et a marché quatre jours pour atteindre la Thaïlande. Sur le travail forcé avant la relocalisation. Il a travaillé: 1) à titre de porteur, 2) pour la construction de chemins de fer, 3) et de routes, ainsi que 4) dans les champs des militaires pour la culture de maïs et de riz. 1) Pour ce qui est du portage, il aurait été porteur pour l'armée pour la première fois à l'âge de 16 ans et, pour la dernière fois, il y a environ une année. Il aurait été porteur un nombre incalculable de fois. C'est le chef du village qui l'informait de l'ordre venant des militaires. Les assignations pouvaient durer de une à trois journées. Il devait transporter le riz et les munitions. Seuls des hommes étaient porteurs, âgés entre 14 et 50 ans. Les rations de nourriture étaient toujours insuffisantes. Les horaires pouvaient varier. Il a dû marcher à de nombreuses reprises sans aucun répit pendant de longues heures. Il devait dormir dans la jungle. Il n'a pas vu de conflits armés. Il n'était pas rémunéré. Il était possible de payer un substitut: 400-500 kyats par fois. Il était impossible de verser des pots-de-vin, les militaires ayant besoin d'hommes pour porter. Il a fait l'objet de mauvais traitements et a été battu personnellement à trois reprises avec un fusil puisqu'il ne progressait pas assez rapidement. Il a vu de nombreux autres porteurs être battus puisqu'ils n'étaient plus en mesure de porter la charge qui leur avait été assignée. 2) Pour ce qui est des chemins de fer, il aurait travaillé pendant une année il y a deux ans sur la voie reliant Namhsam à Mongnai. Ces voies seraient terminées et utilisées tant par les militaires que par les civils. Il devait y travailler tous les jours. Il devait niveler le terrain, transporter et briser les pierres. Il devait dormir sur le site de travail; 500-600 personnes auraient travaillé avec lui sur ce site, incluant hommes et femmes (pas d'enfant). Il n'était pas rémunéré. Il devait apporter sa propre nourriture. La journée commençait à 8 heures et se terminait à 17 heures, avec un repos à l'heure du déjeuner. Il a dû engager des travailleurs journaliers pour s'occuper de sa ferme. Il n'aurait pas personnellement fait l'objet de mauvais traitements. Toutefois, si les travailleurs tentaient de s'échapper et s'ils étaient repris, ils étaient battus avec un bâton. Il a vu ces pratiques à deux reprises. 3) Pour ce qui est de la construction de routes, il a travaillé il y a trois ans sur la route entre Panglong et Namhsam. Il y aurait travaillé environ 25 fois (pendant une journée) au cours de l'année. Il devait apporter sa propre nourriture; 20-25 personnes auraient travaillé en même temps que lui, incluant hommes et femmes (pas d'enfant). Il n'aurait pas fait l'objet de mauvais traitements et n'en aurait pas vu infliger à d'autres bien que les militaires leur adressaient la parole souvent en criant. 4) Enfin il a été forcé de travailler dans les champs des militaires pour les cultures de maïs et de riz, à cinq reprises il y a un an. Vingt personnes auraient travaillé en même temps que lui. Enfin, son village aurait fait l'objet d'une relocalisation il y a deux mois. Le chef du village l'aurait informé qu'il avait trois jours pour déménager. Personne n'était autorisé à demeurer dans le village. Tous les habitants du village ont été relocalisés dans différents sites. Le village a par la suite été incendié par les militaires. Il est resté deux mois au site de relocalisation près de Langlaung. Il a quitté le site puisqu'il ne pouvait pas travailler suffisamment pour subvenir aux besoins de sa famille. Il n'était pas autorisé à retourner dans son village pour prendre de la nourriture. Il n'a toutefois pas été forcé de travailler pour les militaires ou pour toute autre personne.


Ethnie:

Shan

122

Age/sexe:

23 ans, masculin

Situation familiale:

Célibataire, parents vivants; cinq frères

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mauk Mong Lae, Taunggyi, Etat Shan (30 familles)

Il a quitté le Myanmar à la mi-1997 puisqu'il ne voulait pas être réquisitionné comme porteur par l'armée. Il n'aurait jamais été porteur personnellement. Il connaît toutefois plusieurs personnes qui l'auraient fait (pas dans sa famille immédiate). Il a toutefois dû faire d'autres formes de travail forcé: 1) routes et 2) chemins de fer. 1) Pour ce qui est des routes, il aurait participé à la construction de celle entre Lawsoek et Yangon, il y a 2 ans, une dizaine de fois au cours de l'année. C'est le chef de village qui l'a informé du travail qui était requis. La journée commençait à 6 heures pour se terminer à 17 heures. Il devait apporter sa propre nourriture. Quarante personnes auraient travaillé en même temps que lui, incluant hommes, femmes, enfants (16 ans) et personnes plus âgées (plus de 50 ans). Il pouvait retourner dormir dans son village. Il n'était pas rémunéré. Il était possible de payer un substitut: 50 kyats par fois. Il était impossible de verser des pots-de-vin. Son frère prenait soin de sa ferme pendant son absence. Il n'aurait pas fait l'objet de mauvais traitements personnellement. Les militaires s'adressaient souvent à eux en criant. Il aurait vu à quelques reprises des personnes qui, ayant tenté de s'enfuir, avaient été reprises et battues avec un bâton de bois par les militaires. 2) Pour ce qui est des chemins de fer, il aurait travaillé sur la voie entre Taunggyi et May Shee Law, il y a un an, une dizaine de fois. Chaque assignation durait en moyenne 15 jours. C'est le chef de village qui l'a informé du travail à exécuter. Il devait apporter et briser la pierre. Il devait dormir dans des villages voisins puisqu'il ne pouvait pas revenir chez lui. Il devait apporter sa propre nourriture. Quarante personnes auraient travaillé en même temps que lui, incluant hommes, femmes et enfants (16 ans). Il a fait l'objet de mauvais traitements puisque les militaires considéraient qu'il travaillait trop lentement.


Ethnie:

Shan

        123

Age/sexe:

25 ans, masculin

Situation familiale:

Neuf (mère, père, lui et quatre frères et sœurs)

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mong Yen, Kyaukme, Etat Shan (45 familles dans sa section du village)

Le témoin a quitté le Myanmar à la fin de 1997. Il a quitté parce qu'il devait exécuter trop de travail forcé. Comme travail forcé, il a dû extraire le caoutchouc dans une très grande plantation d'arbres à caoutchouc (longue d'environ deux miles), puis de planter les récoltes et de les entretenir. La plantation était la propriété du bataillon 324. Les villageois qui exécutaient ce travail ne recevaient ni argent ni nourriture et devaient même apporter leurs propres outils. Ils devaient travailler de dix à quinze jours par mois. Sa famille et lui-même, ses parents, ses frères et sœurs ont tous exécuté ce genre de travail en plusieurs occasions. Il y avait entre cinq et 30 autres villageois qui exécutaient ce travail, dépendant de la quantité de travail qui devait être effectué. Ils recevaient l'ordre d'exécuter ce travail par le chef de village qui lui-même le recevait des militaires. Lorsqu'ils exécutaient mal le travail, ils devaient revenir et recommencer. Les villageois (lui également) devaient aussi travailler dans une plantation de canne à sucre pour le bataillon 324. Ils devaient faire tout le travail: nettoyer le sol, planter la canne à sucre et l'entretenir. Lorsque la canne à sucre était prête pour la récolte, ils devaient en extraire le jus afin d'en faire du sucre. Le résultat de leur travail devait être donné aux militaires. Tout ce travail n'était pas rémunéré et aucune nourriture n'était donnée, et les villageois devaient apporter leurs propres outils, y compris la machine du village pour extraire le sucre de la canne à sucre. Environ 20 à 30 villageois à la fois devaient exécuter ce travail. Les militaires vendaient par la suite le sucre pour leur propre profit. Les ordres d'effectuer ce travail provenaient du bataillon, via le chef du village. Son frère plus âgé a également dû faire du portage, mais pas lui. Son frère est allé pour la première fois en 1989 et a été parti pendant quatre mois afin de transporter du matériel pour les soldats. Les porteurs étaient requis par les militaires via le chef du village, mais ces derniers venaient parfois directement dans le village et amenaient les gens de force. Au moment de son départ, il n'y avait pas beaucoup de portage à effectuer, mais plutôt du travail forcé. Ceci était le cas depuis le cessez-le-feu de 1996, mais, avant cette date, il y avait beaucoup de portage à effectuer et peu d'autres formes de travail forcé.


Ethnie:

Pa-o

124

Age/sexe:

23 ans, masculin

Situation familiale:

Neuf (lui, sa femme et sept enfants)

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Bang Nim, Sanin, près de Panglong dans le canton de Loilem (le village comptait 80 familles)

Il y a vingt jours, tout le village de Sanin a reçu l'ordre par le bataillon d'infanterie 513 de se relocaliser à Panglong dans les sept jours. Sa famille et lui se sont déplacés au site de relocalisation, mais il n'y avait rien sur place et ils ont dû construire leur maison. Il a décidé de s'enfuir avec sa famille (ses parents étant trop âgés pour faire le voyage, ils ont décidé de rester avec sa sœur). Il pense que la relocalisation a eu lieu parce que l'armée craignait les rebelles. On leur a dit que ceux qui refusaient la relocalisation seraient tués. Le nouveau site se situait à un jour de marche de son village, ce qui implique qu'il n'a pu apporter tous ses biens et a dû laisser derrière lui le bétail. Ils ne pouvaient pas retourner dans les champs pour travailler; les cultivateurs qui ont été relocalisés ont dû travailler comme cultivateurs à Panglong. Certains ont dû mendier. Les villageois relocalisés avaient la possibilité de quitter le site de relocalisation durant la journée, mais devaient être de retour à 17 heures. Auparavant, il n'y avait pas eu beaucoup de travail forcé, mais depuis qu'ils étaient sur le nouveau site de relocalisation, ils ont dû effectuer beaucoup de travail forcé. Une personne de chaque famille devait effectuer le travail forcé en permanence. Les gens devaient planter trois acres de maïs pour les militaires. Ils ont dû également construire des toits pour les bâtiments du camp militaire. Auparavant, les villageois n'avaient pas eu à exécuter beaucoup de travail forcé, bien qu'ils aient dû faire du portage. Il y avait un camp militaire près de leur village qui avait d'ailleurs été construit par les villageois. Les troupes changeaient tous les trois mois, et le village devait leur fournir de la nourriture. De plus, les villageois devaient cuisiner pour ceux-ci. Ils envoyaient des ordres au chef du village en lui demandant ce dont ils avaient besoin. Il fut utilisé comme porteur à plusieurs occasions, habituellement pendant un à deux jours à la fois, mais parfois pour des périodes plus longues. Il a dû faire des périodes de portage plus considérables à deux reprises. La première fois en 1993 ou 1994, lorsqu'il fut amené pendant quatre mois. Les militaires avaient entouré le village et ont arrêté environ dix porteurs, y compris deux femmes (les femmes furent gardées pendant trois jours, et lorsqu'ils ont trouvé deux hommes, les femmes furent relâchées). Les dix personnes en question étaient attachées et battues. Elles n'ont pas été informées de la durée de leur séjour. Elles ont par la suite été amenées au camp militaire de Panglong où elles ont passé la nuit. Le jour suivant, elles furent amenées à Langkho en camion militaire (une distance d'environ 80 km). Elles ont passé la nuit au bataillon 99, et le jour suivant se sont rendues à pied au village de No Kong. Le témoin a dû transporter une charge de 4 RPG (mortier). Ils ont par la suite traversé la rivière Nam Taem en bateau et se sont rendus à Pang Hat dans la région de MTA. Des combats avaient lieu à Pang Hat. Les porteurs sont restés derrière les militaires, et personne ne fut tué. Par contre, plusieurs militaires furent tués. Les combats ont duré quarante-huit heures. Les porteurs avaient peu de nourriture qui consistait en un peu de riz et de poisson. Ils sont restés dans cette région pendant environ un mois. Il y avait environ 600 soldats et 80 porteurs, mais il y avait en plus plusieurs chevaux, ce qui explique qu'il n'y avait pas plus de porteurs. Durant cette période, sept ou huit porteurs sont tombés malades et sont morts sans recevoir de traitement. Deux porteurs ont été tués lorsqu'ils ont essayé de s'échapper et ont marché sur une mine. Ceci s'est passé près de la rivière Salween. Lorsque les militaires marchaient, les porteurs devaient marcher en avant d'eux, mais pas en tout temps. Il a également effectué du portage pendant quinze jours en 1997 dans la région de Laikha-Mongkaing. Il fut arrêté par les militaires tôt le matin lorsqu'il travaillait dans ses champs. Il a dû transporter des équipements radios à Lin Yok, ce qui représentait une journée de marche. Ils ont par la suite dormi sur place pendant cinq nuits. Ils ont dû alors continuer jusqu'à Wan Larng Long, environ à deux heures de marche où ils ont encore une fois passé la nuit. Il fut relâché à Wan Larng Long. Au total, il y avait six porteurs et quatre chevaux pour environ 90 soldats. Durant le portage, les soldats volaient les poulets des habitants des villages pour les manger. Si un porteur ne pouvait pas continuer, il était battu. Les porteurs qui ne pouvaient plus continuer étaient simplement abandonnés sur le bord de la route. Les porteurs mangeaient deux fois par jour; on leur donnait seulement un peu de riz et un peu de poisson.


Ethnie:

Shan

125

Age/sexe:

40 ans, masculin

Situation familiale:

Huit (lui, sa femme et six enfants)

Activité professionnelle:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Laikha, Etat Shan (pendant vingt ans, puis, il y a six ans, il a déménagé dans le camp 5, Lashio, Etat Shan)

Le témoin a dû effectuer beaucoup de travail forcé avant son départ au début de 1997. En moyenne, il ne lui restait qu'environ dix jours par mois pour effectuer son propre travail; les autres vingt jours devaient être passés à effectuer du travail forcé. La première fois qu'il a fait du travail forcé était en 1976. Les villageois avaient reçu l'ordre de construire un camp militaire et, par la suite, les militaires ont exigé des porteurs. Les ordres étaient donnés par l'armée via le chef du village. Il s'est enfui il y a une année vers la Thaïlande parce qu'il jugeait qu'il n'avait plus de temps pour gagner sa vie, en raison de taxation excessive et de travail forcé. Environ deux fois par année, il devait payer 5 000 kyats pour engager un remplaçant pour le portage, il devait payer également un montant mensuel pour les frais de porteur. Habituellement, il allait faire lui-même le portage, mais il a dorénavant trop peur de mourir durant le portage et préfère ne plus y aller. Il connaît de nombreux porteurs qui sont décédés durant le portage. Soit ils furent tués durant les combats (particulièrement dans les Etats Kayin et Shan), soit ils furent tués en tentant de s'échapper ou sont morts de maladie. Certains sont morts de malnutrition parce que le travail était trop difficile et la nourriture insuffisante. Il devait effectuer du portage environ 12 fois par année, habituellement pour quelques jours à la fois; la plus longue période fut pendant une semaine. Les militaires traitaient les porteurs de façon très dure. Les porteurs étaient battus s'ils ne pouvaient continuer. Il a personnellement vu deux personnes se faire tuer parce qu'elles ne pouvaient plus continuer. Dans un cas, il y a sept ans, un de ses amis avait des problèmes d'estomac (probablement dus à un manque de nourriture) et était incapable de continuer. Il a vu les militaires battre son ami jusqu'à la mort devant lui. Les femmes devaient également effectuer du portage en certaines occasions si les militaires ne pouvaient pas trouver des hommes pour effectuer ces tâches. Lorsque les militaires arrivaient dans un village et qu'il n'y avait pas d'hommes disponibles, ils violaient les femmes. Les femmes utilisées comme porteurs étaient également violées; il a été témoin de ce genre d'actes à deux occasions. Les porteurs recevaient de la nourriture des militaires que ceux-ci volaient dans les villages, mais les rations qu'ils recevaient étaient très petites. Les porteurs souffrant de maladies ne recevaient pas de traitement, et ils pouvaient être relâchés s'ils étaient totalement incapables de continuer. Les ordres pour les porteurs étaient donnés par les autorités des villages mais, dans certains cas, les militaires arrêtaient les personnes directement. Il a exécuté d'autres types de travail forcé. Il a dû semer du maïs pour les bataillons d'infanterie 64 et 77, casser des pierres et remuer le sol en vue de la construction de routes de Laikha à Mongkaing et Laikha à Mong Hsu. Il a également travaillé dans les camps militaires pour les nettoyer.


Ethnie:

Shan

      126

Age/sexe:

19 ans, féminin

Situation familiale:

Cinq (parents, elle et deux sœurs)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Ho Purk, Lashio, Etat Shan (le village comptait 50 familles)

Le témoin est arrivé en Thaïlande à la fin de 1997 avec cinq autres personnes (elle est le seul membre de sa famille à avoir quitté). Elle a quitté à cause du travail forcé excessif qui signifiait que sa famille ne pouvait plus survivre. En un mois, une personne de chaque famille devait effectuer environ une semaine de travail forcé, mais cela pouvait aller jusqu'à vingt jours. Elle a elle-même dû exécuter du travail forcé à plusieurs occasions depuis l'âge de 15 ans. Elle a habituellement fait du travail forcé pour des courtes périodes (environ une journée); les tâches plus longues de travail forcé (de trois à dix jours) étaient effectuées par son père. Les villageois devaient travailler dans le camp militaire à poser des clôtures, à nettoyer et également à participer à la construction de routes. Elle a elle-même dû nettoyer régulièrement le camp militaire. Les soldats la maltraitaient et l'injuriaient régulièrement, mais ne l'ont jamais battue. Certains de ses amis (masculins) étaient battus, mais ne savaient jamais pourquoi. Les ordres concernant le travail forcé étaient donnés par l'armée via le chef du village. Si quelqu'un ne se présentait pas pour le travail forcé, il était arrêté et les militaires exigeaient de la nourriture et de l'argent pour qu'il soit relâché. Il était possible d'engager quelqu'un d'autre pour faire le travail forcé à sa place, mais, dans ce cas, il fallait payer directement les militaires pour ne pas travailler. Son père a dû faire du portage. Il a relaté qu'il avait dû transporter du matériel pour les militaires en traversant les montagnes et, lorsqu'il était trop lent, il était battu. Lorsqu'il était loin pour effectuer du portage, sa famille devait faire face à plusieurs problèmes et a dû vendre certains de ses biens afin de pouvoir manger. Ceci est arrivé à plusieurs occasions.


Ethnie:

Shan

127

Age/sexe:

25 ans, masculin

Situation familiale:

Famille de quatre, y compris les parents

Education:

Sixième année

Activité professionnelle:

Agriculteur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wan Mong, Mong Yai, Etat Shan

Le témoin est venu en Thaïlande à la fin de 1997 lorsqu'un groupe d'anciens soldats du MTA est devenu un groupe paramilitaire essayant de combattre les rebelles. Ceux-ci sont venus dans son village afin de recruter des gens, ce qui l'a décidé à s'enfuir. Au Myanmar, il ne réussissait pas à gagner sa vie puisqu'il y avait trop de travail forcé et des taxes trop élevées. Il n'entrevoyait aucune amélioration tant que le régime militaire serait au pouvoir. Depuis que les militaires sont au pouvoir, sa famille a dû fournir du travail forcé au moins une fois par semaine. Lui-même a commencé le travail forcé à 18 ans, en creusant des tranchées autour d'un camp militaire. Il y avait environ 60 familles dans son village et six villages dans sa région, et lorsque le camp fut construit il y a sept ans, sur une période de quatre à cinq mois, une personne de chaque famille devait se rendre trois fois pendant sept jours de suite afin de construire ce camp et de creuser des tranchées. Il y est allé deux fois et son frère âgé une fois. Les ordres venaient du commandant du camp via le chef du village et ce dernier choisissait les familles. Quiconque ne se présentait pas devait payer une amende de 700 kyats. Les militaires forçaient les gens à travailler et ne leur permettaient pas de se reposer. Lorsque quelqu'un arrêtait de travailler, un soldat le frappait et lui disait qu'il devait terminer son travail avant de rentrer à la maison. Il a été battu à une occasion lorsqu'il coupait du bois pour une clôture. Son bois n'était pas tel que requis par les militaires et il fut donc battu et frappé dans le dos. A une occasion, dans le village de Palaung, alors qu'il ramassait du sable pour un camp militaire, une personne n'a pas compris les instructions en birman et il fut battu par un militaire. Il y a environ une année (1996), il a dû passer deux dimanches et son frère plus âgé deux dimanches et un samedi, à proximité du camp militaire, afin de nettoyer le terrain et de planter des ananas pour les militaires. Il devait planter ces ananas dans des rangées de 50. Pour leur propre récolte, les villageois plantaient une rangée par jour mais, lorsqu'ils travaillaient pour les militaires, ils devaient en faire deux par jour. A chaque fois qu'il travaillait pour les militaires, il avait peur d'être frappé. Il devait être présent à 7 heures et travailler de 8 heures à midi et de 13 heures à 17 heures. Seulement un ou deux villageois qui parlaient le birman se se sont vu donner du lait par les militaires, mais lui n'a reçu ni nourriture ni argent. Il a également dû travailler dans une plantation de caoutchouc installée par les militaires depuis 1988. Il a dû passer une journée pour construire une clôture métallique autour de la plantation, mais son père a dû exécuter ce type de travail à cinq occasions différentes. Généralement, depuis que les militaires ont pris le pouvoir en 1988, les samedis et les dimanches sont devenus des jours quotidiens de travail forcé. Les gens devaient travailler pour les militaires d'une façon ou d'une autre. C'était devenu de la routine. Même lorsqu'il n'y avait rien à faire, ils devaient aller chercher de l'eau, nettoyer les terrains ou attendre. Sa famille ne devait pas partir les week-ends; il ne se souvient plus le nombre de fois. Il a également dû faire du portage en 1995 pendant quinze jours. Les villageois travaillaient de façon rotative, certains devant fournir des charrettes alors que certains travaillaient. Normalement, le commandant envoyait l'ordre au chef de village en lui précisant combien de charrettes et de porteurs étaient requis, et le chef du village déterminait au tour de qui c'était d'y aller. Il a commencé depuis son village à transporter du riz, des haricots, du poisson et des charges très lourdes jusqu'à Monghsu. Il ne recevait pas assez de nourriture et, la nuit, ils étaient attachés deux par deux à leur charge. Si quelqu'un avait l'air trop malin, il était attaché par les deux mains. D'autres membres de sa famille ont effectué du portage à plusieurs occasions en tant que porteurs ou chauffeurs de charrette bien avant que lui-même n'en fasse en 1995. Lorsque les militaires partaient en opération, ils restaient habituellement dans une région pendant six mois et, durant cette période, chaque village devait fournir des porteurs quatre fois par mois pour une période de quinze jours à deux mois. Son village de 60 familles a dû fournir à chaque fois environ six personnes et trois charrettes. Il n'y est allé seulement qu'en 1995 parce que, avant cette date, il allait à l'école en ville. Son frère, qui souffrait de problèmes d'estomac, avait terriblement de difficultés lorsqu'il exécutait le portage et ne recevait pas de repas réguliers. Ainsi, les militaires ont dû le relâcher et le renvoyer au village. Lorsqu'il était très jeune, son père a dû travailler comme porteur pendant presque deux mois. Ceci représentait la plus longue période pour quiconque dans sa famille. Lorsqu'aucun membre de sa famille ne pouvait y aller, il devait payer une taxe de porteur. Il est arrivé que sa famille doive payer 700 kyats aux troupes gouvernementales. Il y avait deux types de militaires. Il y avait ceux qui ordonnaient aux porteurs de travailler rapidement et, s'ils s'exécutaient, ne faisaient rien de plus. D'autres, par contre, les battaient et leur ordonnaient de travailler plus vite quoiqu'ils fassent. Ceci ne lui était pas arrivé; mais lorsqu'il a exécuté du portage en 1995, un compagnon de son village transportait des mortiers trop lourds pour lui. Il a essayé de se reposer en déposant sa charge et un soldat est venu derrière pour le battre, ce qui lui a occasionné des blessures aux genoux. Lors des patrouilles, les militaires ont battu un villageois en guise d'interrogatoire, ont tué et mangé les animaux des villages après que certains des membres de ce village s'étaient échappés. Il a également travaillé sur la construction d'une route en 1995 à de très nombreuses occasions. La première fois, il devait réparer une section de la route qui menait au camp militaire, en commençant dans un endroit très éloigné de son village. Il devait apporter sa propre nourriture et travaillait pendant cinq jours sur le site. Cela a pris deux mois. Il est allé à deux occasions, une fois pendant cinq jours et une fois pendant trois jours.


Ethnie:

Shan

128

Age/sexe:

18 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée (épouse du témoin 121) avec un enfant

Activité professionnelle:

Agricultrice

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wan Yong, Panglong, Loilem, Etat Shan (village relocalisé à Panglong à la fin de 1997)

Le témoin a quitté le Myanmar en janvier 1998. Pour elle et pour ses compatriotes du village, le travail forcé a débuté seulement après la relocalisation à Panglong, il y a environ deux ans durant la saison sèche. L'ordre de relocalisation fut donnée par les soldats du bataillon 513 via le chef du village, leur donnant trois jours pour aller à Panglong et leur interdisant de revenir. Cet ordre disait que, si les villageois ne s'exécutaient pas, leur village serait brûlé et les villageois seraient battus puis tués. Ils n'ont pas eu la possibilité d'amener avec eux tous leurs biens comme des matériaux de construction ou le bétail. Les animaux furent tués par les soldats qui les ont mangés par la suite. Ils ont dû marcher jusqu'au site de relocalisation. Les villageois avaient peur d'utiliser des charrettes. Sur le nouveau site, ils ont ramassé du bois et ont construit de petites huttes. Les militaires n'ont rien fait durant la relocalisation. Depuis, il est devenu très difficile de trouver assez de nourriture pour survivre; il leur était interdit de travailler ailleurs. Sur la base militaire, les villageois devaient nettoyer le terrain, couper du bambou et effectuer d'autres tâches. Elle a dû elle-même nettoyer le sol pour la plantation et la culture de piment en plus de couper du bambou une à deux fois par mois pendant un ou deux jours. Ceci constitue tout le travail forcé qu'elle a effectué. Ses deux frères plus âgés ont dû faire du travail forcé plus souvent, trois à quatre fois par mois, et à deux ou trois occasions deux jours à la fois sur une période d'une année. Elle devait y aller seulement lorsque ses frères n'étaient pas disponibles puisque les militaires demandaient surtout des hommes. De plus, la route menant au camp militaire était régulièrement inondée par la pluie et on leur demandait de la réparer. Son frère plus âgé a dû exécuter ce travail à plusieurs reprises, et également exécuter du travail de remplissage sur la route même lorsque cette dernière n'avait pas besoin d'être réparée. Au moins quatre fois par mois, un membre de sa famille devait partir pour exécuter du travail forcé.


Ethnie:

Shan

129

Age/sexe:

35 ans, masculin

Situation familiale:

Un frère et une sœur moins âgés

Education:

Aucune

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mong Maw, Namtu, Etat Shan (il a quitté son village pour le canton de Laikha lorsque son village fut relocalisé de force il y a neuf ans)

Le témoin a quitté le Myanmar au début de février 1998. Il y a neuf ans, son village de 85 familles a été contraint de se déplacer au village de Pang Hai dans le canton de Namtu, où se situe une mine d'argent. A cette époque, il est allé lui-même en quatre jours dans le canton de Laikha dans l'Etat Shan parce qu'il ne voulait pas aller à Pang Hai. Les militaires ont dit au chef de village que le village devait se déplacer en trois jours. Les villageois étaient réticents, ce qui fait que les militaires sont revenus et, voyant que la majorité des villageois était toujours là, ils ont décidé de brûler le village. Son frère plus jeune s'est cassé le genou en essayant de s'échapper de la maison en feu. Il n'a reçu aucun traitement des militaires. Une autre personne s'est cassé le bras. Les militaires ont tué et mangé le bétail comme si ce dernier leur appartenait. Lorsqu'ils voyaient des gens autour du village, ils les battaient ou même tiraient sur eux. Lorsque le village fut brûlé, les villageois ont perdu tous leurs biens. Dans le canton de Laikha, il est allé dans un village éloigné de seulement 13 maisons, où il n'y avait aucun militaire du SLORC et, ainsi, il n'a jamais eu à exécuter du travail forcé là-bas. Mais il y a une année durant la saison froide (à la fin de 1996), ce village fut contraint de se relocaliser par les militaires birmans qui détestaient les militaires de l'opposition Shan qui étaient dans les parages à l'époque. Ils ont donné aux villageois trois jours pour se relocaliser à Laikha et ont tué un villageois lorsqu'il a essayé de retourner à son village d'origine malgré l'interdiction. Ils ont été relocalisés autour de Laikha, d'où il s'est échappé il y a environ deux ou trois jours parce que la situation était très chaotique. Concernant le travail forcé à Mong Maw, il devait monter la garde en tout temps, environ trois fois par mois pour une nuit. Il a dû également couper du bambou et du bois, creuser des tranchées et construire des clôtures et des maisons pour un camp militaire. Il a dû s'y rendre presque tous les jours pendant trois mois jusqu'à ce que le camp soit terminé. Il est le seul membre de sa famille à y être allé. Il a également dû exécuter du travail forcé tel que la construction de ponts ou la réparation de routes. Sa famille ne pouvait que l'envoyer lui puisque son frère et sa sœur étaient trop jeunes. Il devait y aller quinze jours à la fois environ 15 fois par année. Les militaires lui ordonnaient de terminer le travail dans un certain laps de temps et, lorsqu'il ne pouvait pas, ils le battaient. Il a été battu à trois occasions avec un bâton aussi long qu'un bras, ce qui était très douloureux. Les autres personnes qui faisaient du travail forcé ont également été battues par les militaires parce qu'elles étaient trop lentes dans leur travail ou parce qu'elles consommaient de l'opium. Concernant la construction du chemin de fer à Laikha, il a exécuté du travail forcé sur la ligne de chemin de fer de Taunggyi à Namhsan. Il a dû travailler là pendant quinze jours de suite, dormant sur le lieu de son travail avec des centaines d'autres personnes. Ils devaient amener leur propre nourriture. Les militaires du SLORC ont dit aux villageois ce qu'ils devaient faire comme travail. Ils ne les ont pas battus mais les ont avertis que, s'ils s'enfuyaient, ils seraient tués. De plus, il a dû travailler à trois occasions pendant une journée sur les lignes électriques de Panglong à Laikha. Il y avait des centaines de personnes à la fois mais pas toutes du même village au même moment.


Ethnie:

Shan

130

Age/sexe:

38 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, deux filles, deux fils

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pang Long, Wan Hat, Langkho, Etat Shan (le village comptait 70 familles)

Il a quitté le Myanmar il y a six ans puisqu'il ne voulait pas être forcé de travailler pour l'armée. Il a toutefois été forcé de travailler à titre de porteur et sur la construction de routes et d'un camp militaire. Dans les trois cas, c'est le chef de village qui lui a transmis l'ordre venant des militaires. Il n'a pas été rémunéré. Il n'a pas fait l'objet de mauvais traitements bien que les militaires s'adressaient souvent aux travailleurs en criant. Sur le travail forcé. 1) Portage. Il aurait été recruté comme porteur à une seule occasion à l'âge de 16 ans (1976). L'assignation a duré 36-37 jours. Il a dû être porteur dans la région de Wan Hat-Mai-hsa-Se-Mawkmai. Il y avait plus de 100 porteurs pour 600-700 soldats. Seuls des hommes étaient recrutés pour être porteurs et étaient âgés entre 16 et 50 ans. Il pouvait se nourrir deux fois par jour. Il était impossible de refuser. Il a vu des personnes qui avaient été arrêtées puisqu'elles avaient refusé de travailler. A titre de sanction, elles devaient être porteurs pour une période de temps plus longue. Il était possible de payer un substitut bien qu'il ne l'ait pas fait: 1 500 kyats par fois. Il était impossible de verser des pots-de-vin. Il a vu un conflit armé. Quelques porteurs auraient perdu la vue ou les jambes en marchant sur des mines antipersonnel. Aucun traitement médical dispensé. Il ne sait pas contre quelle armée. 2) Construction d'une route. Il aurait également participé à une seule occasion à la construction de routes pour l'armée entre Sa Long et Wan Hat. Il s'agissait d'une route de terre. Il avait 20 ans (1980) et l'assignation a duré dix-sept jours. Il devait transporter la pierre de la montagne à la route. Il devait par la suite la briser. Un civil supervisait les travaux. Le travail se faisait généralement en rotation: un village devait travailler un nombre donné de jours et était par la suite remplacé par un autre. Environ 70 hommes ont travaillé en même temps que lui, âgés entre 18 et 60 ans. Les militaires donnaient des ordres généraux mais ne restaient pas sur place. Il devait apporter ses outils de travail. La journée commençait à 8 heures pour se terminer à 16 heures. Il pouvait se nourrir deux fois par jour. Il devait dormir près de la route. Il n'a pas fait l'objet de mauvais traitements. 3) Construction de camp. Enfin, il aurait participé à une occasion pendant une journée à la construction d'un camp militaire à Wan Hat à une heure de marche de son village. Il avait 21 ans. Soixante hommes auraient travaillé en même temps que lui, âgés entre 15 et 60 ans. Il devait couper du bois. La journée a commencé à 8 heures pour se terminer à 15 heures. Il n'y avait pas de nourriture, seulement un peu d'eau.


Ethnie:

Shan

131

Age/sexe:

29 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, une fille

Activité professionnelle:

Cultivateur, bûcheron

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Hokun, Wan Hat, Langkho, Etat Shan (le village comptait 45 familles)

Il a quitté le Myanmar à la fin de 1997 puisqu'il ne voulait pas travailler pour l'armée. Il aurait toutefois été porteur et aurait travaillé à la construction de routes et de chemins de fer. Lorsqu'il s'absentait, il n'y avait personne pour s'occuper de ses cultures. Dans tous les cas c'est le chef de village qui lui a transmis l'ordre venant des militaires. Il n'était pas rémunéré. Sur le travail forcé. 1) Portage. Il a été porteur à cinq reprises, la première lorsqu'il avait 20 ans (1989) et la dernière lorsqu'il avait 27 ans (1996). La première assignation a duré cinq jours alors que les autres ont duré une journée et une nuit. Il devait transporter la nourriture et les munitions. Cinq personnes de son village l'ont accompagné lors de la première assignation. Il y avait toutefois un nombre considérable de porteurs provenant d'autres villages pour 36 soldats. Les autres fois, il y avait environ 15 porteurs pour 40 à 50 soldats. La journée commençait à 7 heures pour se terminer à 17 heures. Il a surtout porté sur des terrains plats près de la rivière Salween, de Wan Hat et de Mai-hsa-Se. Il dormait dans les camps militaires et devait apporter sa propre nourriture. Il n'a pas fait l'objet de mauvais traitements, mais a vu plusieurs porteurs qui auraient été battus puisqu'ils ne progressaient pas assez rapidement. 2) Pour ce qui est de la construction de routes, il aurait participé à la construction de la route entre Wan Hat et Langkho, pendant deux mois juste avant son départ. De nouveaux arrivants lui auraient dit que la route n'est pas terminée. Quarante personnes de son village auraient travaillé en même temps que lui, incluant hommes, femmes, enfants (12-15 ans) et personnes plus âgées (70 ans). La journée commençait à 4 heures pour se terminer à 16 heures. Il devait transporter les pierres. Les travaux étaient supervisés par un civil. Les militaires ne venaient que pour donner les ordres généraux d'exécution. Il devait apporter sa propre nourriture. Il était possible de payer pour ne pas y aller: 200 kyats pour une journée. Il a payé à trois reprises puisqu'il devait s'occuper de ses récoltes. Il n'a pas fait l'objet de mauvais traitements. 3) Pour ce qui est de la construction de chemins de fer, il aurait participé à une occasion à la construction de la voie entre Mongnaï et Mawkmai, cinq à six mois avant son départ. Il devait nettoyer le terrain et couper le bois. Vingt-neuf hommes auraient travaillé en même temps que lui, âgés entre 17 et 60 ans. Il aurait travaillé pendant quinze jours puis se serait enfui en trouvant refuge dans l'Etat Kayah où il serait resté cinq jours avant de retourner dans son village. Pendant la quinzaine de jours où il a travaillé, il a dû apporter sa propre nourriture. Il travaillait sans arrêt. Les militaires s'adressaient aux travailleurs en criant. Il était possible de payer le chef de village pour ne pas être obligé de travailler: 2 000 kyats par fois (20 jours). Il était également possible de payer un substitut: 2 500 kyats par fois (vingt jours). Il aurait engagé un substitut à deux reprises puisqu'il devait s'occuper de ses récoltes.


Ethnie:

Shan

132

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, deux fils

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Songkhe, Langkho, Etat Shan (le village comptait 130 familles)

Il a quitté le Myanmar il y a une année puisqu'il n'avait plus la possibilité de subvenir aux besoins de sa famille. Les militaires venaient régulièrement pour s'approprier nourriture ou autres biens. Ils ne payaient pas toujours mais, lorsqu'ils donnaient une indemnisation, elle était toujours dérisoire. Il a dû travailler pour l'armée à titre de porteur. Il a également été forcé de participer à la construction de routes. Lors de ses absences, son frère cadet et sa mère s'occupaient de ses cultures. Sur le travail forcé. 1) Sur le portage. Il a été porteur 70-80 fois pour l'armée, la première fois à l'âge de 14 ans (1983) et la dernière à 29 ans (1997). Il était informé de son assignation par le chef de village qui lui transmettait l'ordre provenant des militaires ou par les militaires eux-mêmes qui venaient le chercher directement à sa résidence (se serait produit à 14 reprises). La plus longue assignation a duré 94 jours en 1995. Lors de cette sortie, il y avait environ 72 porteurs pour 200 soldats. A la fin, 52 porteurs sont revenus (trois sont morts dont un battu jusqu'à ce que mort s'ensuive et les autres se sont échappés). Les autres assignations ont duré au moins cinq jours. Il devait notamment transporter le riz, les casseroles de cuisine, apporter l'eau, cuisiner pour les militaires et creuser les tranchées. Lors de la première assignation, certains porteurs se sont sauvés. Il a dès lors dû transporter également leurs charges. La journée commençait normalement à 7 heures pour se terminer à 17 h 30 Il n'avait droit qu'à un court repos de trois à cinq minutes. Il était nourri de temps à autre et la ration était toujours insuffisante. Il n'était pas rémunéré. Il devait dormir dans des maisons de village où les porteurs étaient enfermés de manière à les empêcher de s'échapper. Il aurait également dormi dans la forêt. Il a été pris dans des combats à sept reprises contre les brigands de l'opium. Généralement les porteurs étaient écartés du combat. Toutefois, ils servaient parfois de boucliers. Il a été battu au moins à sept reprises. A l'âge de 28 ans, il a été battu avec un bâton de bois muni de pointes puisqu'il était incapable de transporter l'eau au sommet d'une montagne. Il n'a pas reçu de traitement médical. Il a vu à de nombreuses reprises des porteurs faire l'objet de mauvais traitements. Si les porteurs tentaient de s'enfuir, ils étaient souvent battus. Lors de son assignation de trois mois, il s'est rendu de Wan Hat à Hopong en passant par Mai-hsa-Se, Na-kenglong, Loikaw, Inle Lake. Il a été relâché à Hopong. Il est ensuite retourné en voiture à Langkho où il a été arrêté à nouveau et envoyé à Mongpan pour y travailler pendant deux mois environ. Il a dû construire au camp militaire, transporter du matériel de Mongpan à Bang dowee où il a dû couper du bois. Il a été envoyé par la suite près de la rivière Salween pour y construire un camp. Il y est resté environ neuf jours pour devoir par la suite transporter des munitions jusqu'à Mongpan. La marche a duré environ deux jours. De Mongpan, il a été envoyé à Langkho pour y faire des travaux d'excavation pendant deux jours. Les cinquante-deux porteurs qui étaient restés à la suite de l'assignation de trois mois ont exécuté le même travail que lui. Par la suite, il a été forcé de travailler à deux reprises pour l'armée et se serait par la suite enfui en Thaïlande. 2) Pour ce qui est de la construction de routes, il aurait participé à la construction de celle reliant Wan Hat à Salong, il y a un an, à trois reprises. Chaque assignation durait dix jours. Cent cinquante personnes auraient travaillé en même temps que lui, incluant hommes et femmes, âgés entre 15 et 60 ans. C'est le chef de village qui l'a informé du travail qui devait être exécuté. Le site de travail était à environ une journée de marche de son village. Il devait dormir sur place, près de la route. Il devait apporter sa propre nourriture. Il n'était pas rémunéré. Il était possible de payer un substitut: 2 500 kyats par fois (dix jours). Il était possible de verser des pots-de-vin du même montant. Il a vu des personnes qui ont fait l'objet de mauvais traitements puisqu'elles ne travaillaient pas assez vite.


Ethnie:

Shan

133

Age/sexe:

33 ans, masculin

Situation familiale:

Sept (lui, ses parents, quatre frères et sœurs)

Domicile avant de quitter le Myanmar:

Hang Loi, Wan Hat, Langkho, Etat Shan (le village comptait 20 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar il y a deux ans. Il a fui parce qu'il ne pouvait plus tolérer le portage et le travail forcé. En moyenne, cinq jours par mois par famille étaient passés à exécuter du travail forcé. Les vingt maisons dans son village étaient divisées en cinq groupes de quatre et le travail forcé se faisait de façon rotative. Une personne de chaque maison devait se rendre pour exécuter du travail forcé pendant cinq jours. Ceci était en plus du portage. Concernant les différentes formes de travail forcé qu'il a dû exécuter, elles comprenaient entre autres la construction de la route entre Wan Hat à Salong. La route se trouvait à sept heures de marche de son village. Il devait passer la nuit sur le lieu de travail, sans abri, dormant sous les arbres le long de la route. A une occasion, plus de 300 personnes travaillaient sur cette route. Après deux mois de cette rotation, il fut réquisitionné pour du portage mais s'est enfui et est retourné à son village. La procédure normale était que les militaires informaient le chef du village du nombre de personnes dont ils avaient besoin. Si une personne sélectionnée n'y allait pas, les militaires venaient pour l'arrêter. Lors de sa première journée de portage, il a transporté du riz pour les militaires. Le second jour, il a transporté des munitions. Le troisième jour, il est resté à la base militaire et a utilisé cette opportunité pour s'enfuir. Plus de 100 porteurs étaient utilisés pour environ 200 soldats. La plupart des porteurs venaient d'autres villages. Plusieurs se sont enfuis en même temps que lui. Puisque les militaires ne savaient pas d'où les porteurs venaient, il leur était impossible de les poursuivre lorsque ceux-ci retournaient dans leur village d'origine. Ceci s'est passé en 1996. Il est resté trois mois dans son village. Durant ce temps, lorsqu'il était requis de faire du portage, il a payé une somme d'argent et lorsqu'il ne pouvait plus payer il s'est enfui. Il a payé 1 500 à 2 000 kyats à chaque fois. Lorsqu'il exécutait du portage, il n'avait pas besoin de faire d'autres formes de travail forcé et vice versa. Le portage pouvait s'effectuer pendant une période de un à deux mois. La plupart des gens s'enfuyaient plutôt que de terminer leur tâche. Ceux qui s'enfuyaient étaient souvent tués. Il a vu deux porteurs tués par les militaires de cette façon. Son père a effectué du portage pour sa famille avant de se marier. Lorsque les militaires se présentaient dans les villages pour obtenir des porteurs, ils se conduisaient de façon agressive. Les gens se sauvaient ce qui fait que les militaires devaient capturer et arrêter les gens pour qu'ils deviennent porteurs. Lorsqu'une personne ne pouvait continuer durant son portage, elle était abattue. Il n'a jamais vu des femmes effectuer du portage mais celles-ci faisaient d'autres formes de travail forcé. En général, elles n'étaient pas maltraitées. Les enfants de 14 à 15 ans étaient requis de faire du portage et du travail forcé. Les porteurs et ceux effectuant du travail forcé ne recevaient rien. Lorsqu'un porteur était malade ou blessé, on lui tirait dessus et on l'abandonnait le long de la route. En tant que porteur, il ne recevait qu'un peu de riz et parfois quelques feuilles mais jamais de curry. Les porteurs étaient nourris comme des chiens, avec la nourriture placée sur des feuilles de bambou pour tout le monde. Durant le travail forcé, il devait apporter sa propre nourriture.


Ethnie:

Shan

134

Age/sexe:

24 ans, masculin

Situation familiale:

Sept (parents, lui, quatre frères et sœurs)

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Khan Tu, Nam Lot, Mawkmai, Etat Shan (le village comptait 170 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar au milieu de 1997. Il y avait beaucoup de travail forcé pendant un ou deux jours et un des projets majeurs était le travail concernant la construction du chemin de fer de Namhsam à Mongnai. Le travail forcé sur ce projet ferroviaire a débuté il y a une année, ou environ cinq mois avant qu'il quitte. Plusieurs personnes étaient battues durant le travail, ce qui fait qu'elles essayaient de s'enfuir. Après deux mois seulement, le chef du village (son père) ainsi que cinq ou six autres étaient les seuls qui restaient parmi les trente personnes assignées au travail forcé. Les militaires ont dit à son père que puisque les autres s'étaient enfuis, ceux qui restaient devraient exécuter le travail eux-mêmes pour tous les autres. Ceci était physiquement impossible. Lorsque le travail n'était pas complété, ils ont tué son père. Le travail était fait de façon rotative: une personne par famille. Le travail consistait à casser des pierres, nettoyer, creuser des tranchées et construire des remblais. D'autres formes de travail forcé pendant un ou deux jours consistaient à planter des semences pour les militaires. Les militaires donnaient une parcelle de terre pour chaque village et leur indiquaient la quantité qu'ils devaient récolter. Lorsque le village ne cultivait pas assez, il devait acheter le manque au marché et le donner aux soldats. Il a dû exécuter ce travail lui-même à plusieurs reprises. Les militaires gardaient le fruit des récoltes mais il ne sait pas ce qu'ils faisaient avec par la suite. Lorsque des nouvelles unités de l'armée arrivaient, ils devaient construire des tranchées et des abris pour celles-ci. En général, le travail forcé prenait trois semaines dans le mois pour le travailleur principal de la maison, ce qui laissait seulement qu'une semaine pour s'occuper de ses propres choses. Il était plus facile pour les familles nombreuses de survivre puisqu'elles avaient plusieurs personnes pour partager le travail forcé. Puisque la situation était plus difficile pour les nouveaux couples, le chef du village leur donnait quelques mois de congé de travail forcé afin qu'ils puissent débuter. Les ordres concernant le travail forcé étaient parfois donnés par écrit. Dans les autres cas, le chef du village devait se rendre au camp militaire afin d'obtenir des instructions. Lorsqu'une tâche n'était pas exécutée assez rapidement, les travailleurs étaient battus. Lorsque ceux-ci voulaient se reposer parce qu'ils étaient fatigués, ils étaient également battus. La même chose se produisait lorsque le travail n'était pas satisfaisant. Dans son village, sept personnes ont été sérieusement blessées suite aux violences infligées durant le travail forcé. Six sont décédées. Certaines sont mortes sur place et d'autres furent exécutées. Finalement, il était impossible de gagner sa vie puisque les militaires relocalisaient tout le monde dans les villes, ce qui explique que plusieurs ont fui.


Ethnie:

Shan

          135

Age/sexe:

24 ans, masculin

Situation familiale:

Marié (en Thaïlande) avec un enfant, deux frères et sœurs

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wan Ho Pai, Laikha, Etat Shan (le village comptait 300 maisons)

Le témoin a quitté le Myanmar au milieu de 1995. Il a quitté à cause du portage. Il s'est enfui après sa dernière tâche de portage. Son père est mort alors qu'il était jeune, ce qui fait qu'il a dû faire du portage à sa place dès l'âge de 16 ans. Il y est allé 14 ou 15 fois, habituellement pour des périodes de dix jours à un mois. La plus longue période fut durant deux voyages de vingt-cinq et vingt-six jours respectivement. Les militaires s'adressaient habituellement au chef du village mais venaient parfois chercher des gens selon leur besoin. Durant son voyage de vingt-six jours, il n'avait pas de chaussures ou de sandales, il marchait donc lentement et fut battu souvent. Durant les huit premiers jours, il pouvait maintenir un rythme accéléré, mais après un moment il a commencé à accumuler du retard et fut battu à plusieurs reprises. Il transportait du riz, des casseroles et des munitions qui pesaient environ 23 kg. Quand il était plus jeune, il a également été utilisé comme guide. D'autres personnes venant d'autres villages ont également été arrêtées par les militaires en vue de faire du portage. Certaines ont tenté de s'échapper durant le portage. Lorsqu'on les attrapait, elles étaient ramenées devant le groupe et battues à mort comme exemple pour les autres. Il a vu des exécutions de porteurs à quatre ou cinq reprises. Lui et d'autres porteurs étaient attachés à leur charge avec une corde autour de leurs poignets pour les empêcher de fuir. Il a vu des femmes utilisées comme porteurs dans son groupe. Parfois elles étaient utilisées en tant que guide ou pour transporter des casseroles. Il a également vu un viol et des femmes se faire torturer. Ceci s'est passé dans un village qu'il traversait. Les militaires ne pouvaient trouver aucun homme pour faire du portage. Ils ont alors accusé les villageois de collaborer avec les rebelles et ont violé 15 ou 16 jeunes femmes et ont mis le feu à une fillette de 6 ans. Ceci s'est passé il y a cinq ans à Wan Mon, dans le canton de Laikha, à une journée de marche du village de Laikha. Les femmes faisaient également du travail forcé, identique au travail des hommes, mais les militaires insistaient pour avoir au moins un homme dans chaque groupe de travail. Il a également dû creuser un étang, travailler sur le chemin de fer et d'autres projets de travail forcé. Le travail sur la voie de chemin de fer s'est déroulé il y a quatre ans sur la ligne de Namhsam-Mongnai. Tout le monde dans son village a dû y aller pendant vingt-six jours à la fois durant quelques mois afin de travailler sur une portion de plusieurs miles. Les travailleurs étaient amenés en camion sur le site pour vingt-six jours. Si leur tâche n'était pas complétée dans un temps requis, ils devaient rester plus longtemps. Sur les douze personnes qui l'ont accompagné pour faire ce travail, six ou sept furent battues parce que leur travail n'était pas satisfaisant ou qu'elles n'arrivaient pas à finir à temps. Certaines ont été sérieusement blessées à la suite de ces violences mais devaient continuer de travailler. Les familles devaient habituellement exécuter du travail forcé ou du portage, mais pas les deux à la fois, sauf pour les familles qui comptaient assez d'hommes pour faire les deux. Elles devaient payer 7 000 kyats si un membre de la famille ne pouvait pas se rendre lorsqu'il était convoqué.


Ethnie:

Shan

136

Age/sexe:

32 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée avec des enfants

Occupation:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Kung Hart, Namhsam, Etat Shan (le village comptait environ 30 familles)

La famille du témoin est venue en Thaïlande il y a environ deux ans parce que la vie était trop difficile et qu'il n'avait plus assez à manger. De plus, il avait peu de temps pour travailler pour lui-même et consacrait trop de temps à travailler pour les autorités. Le travail forcé a débuté il y a longtemps et elle ne peut se rappeler quand exactement. Ses parents et la famille de son mari devaient cultiver des légumes, surveiller les routes et les chemins de fer, effectuer du portage et construire les camps militaires. De plus, les militaires demandaient toujours de l'argent ou de la nourriture. Les familles devaient se rendre au moins une fois par semaine, parfois pour quatre ou cinq jours de suite, y compris pour la construction d'un camp mlitaire. Les soldats battaient les travailleurs qui exécutaient le travail forcé (pas dans sa famille) et, lorsque ceux-ci essayaient de répondre, ils étaient battus encore plus violemment. Elle sait que son mari a dû aller exécuter ce travail pour les militaires birmans mais ne sait pas en quoi consistait ce travail. Il est allé à trois ou quatre reprises par mois, habituellement pour un à deux jours afin d'effectuer différents types de travail forcé. Ceci a continué jusqu'à ce qu'ils partent pour la Thaïlande. Les ordres venaient du chef du village. Elle a eu également à exécuter du travail forcé lorsque son mari n'était pas à la maison ou disponible. Elle a dû creuser des tranchées pour les camps militaires, et participer à la construction du chemin de fer. Elle devait y aller depuis tôt le matin jusqu'à tard le soir à plusieurs occasions pendant au moins une année. Les militaires venaient sur le lieu de travail et donnaient des instructions et les travailleurs ne pouvaient retourner qu'une fois leur travail terminé. Ils exécutaient une rotation dans la famille. Son père et son frère, qui vivaient dans des maisons séparées, devaient y aller de façon indépendante. Ceci s'est passé lorsqu'elle avait environ 26 à 27 ans, principalement lors de la construction du chemin de fer de Mongnai à Namhsam. Sa famille ne pouvait gagner sa vie puisque, lorsqu'elle n'avait pas à aller exécuter du travail forcé, elle devait trouver de l'argent pour les militaires étant donné que ceux-ci en demandaient constamment. Trois à quatre fois par mois, la famille a donné au moins de 100 à 200 kyats. Les familles plus nombreuses devaient payer plus. Sa famille donnait habituellement de 200 à 300 kyats, bien que c'était une petite famille qui ne possédait rien. La situation était très difficile puisque son mari ne gagnait que 30 à 40 kyats par jour comme travailleur journalier: le travail forcé ainsi que les dons d'argent aux militaires étaient tout aussi astreignants. Elle a généralement travaillé dans les champs d'autres membres du village afin de gagner de l'argent (environ 30 à 40 kyats par jour) dépendant du type de travail requis par l'employeur. Elle était travailleur journalier même si les militaires n'exigeaient pas d'argent.


Ethnie:

Shan

137

Age/sexe:

33 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée; 13 dans la famille de ses parents - sept dans la famille de son mari

Occupation:

Cultivateur et travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wan Yong, Laikha, Etat Shan (le village comptait 100 familles)

La famille du témoin est venue en Thaïlande à la fin de 1996 parce que les militaires birmans les opprimaient et ils avaient une vie très difficile; chaque famille était requise pour effectuer du portage un jour sur cinq. Lorsque tous les hommes s'étaient enfuis, les militaires ont utilisé les femmes. Au lieu du portage, les femmes étaient plutôt requises pour montrer le chemin, mais à quelques occasions, ces dernières devaient faire du portage pendant un à deux jours jusqu'à ce que les militaires puissent les remplacer. Dans la famille de son père, trois personnes ont effectué du portage. A l'occasion, lorsque les militaires avaient un besoin urgent de porteurs, ils demandaient au reste de la famille. Ceci est arrivé à plusieurs familles dans le village y compris dans la sienne. Lorsque quelqu'un était loin pour effectuer du portage et n'était pas rentré, les militaires revenaient et utilisaient tous ceux qui étaient disponibles. Son mari a dû effectuer du portage depuis qu'elle est mariée avec lui (à l'âge de 13 ans, il y a vingt ans). L'année avant leur fuite, environ tous les cinq jours son mari devait se rendre au camp militaire et attendre des instructions, même si ces derniers n'avaient pas besoin de porteurs. De plus, lorsqu'ils l'emmenaient pour effectuer du portage, il devait y aller pour cinq à six jours ou plus et jusqu'à 10 à 20 jours. Après son retour, il devait souvent y retourner. La période la plus longue où son mari a dû effectuer du portage a été d'un mois et demi mais, pour certaines personnes, cette période pouvait aller jusqu'à trois mois sans qu'elles reviennent. Lorsque les porteurs ne pouvaient marcher de façon adéquate, les militaires les battaient ou les torturaient.Elle a été témoin de ce genre de pratique à deux ou trois occasions, y compris le chef du village de Kung Pak. Les membres de sa famille ont également été battus mais n'ont jamais souffert des pratiques telles que verser de l'eau dans leur bouche. Elle a vu ces pratiques sur d'autres porteurs d'autres villages lorsque les militaires traversaient leur village. Elle n'a pas elle-même effectué du portage, mais à deux occasions elle a dû guider les militaires en tenant une torche et en marchant devant eux pendant deux à trois heures sur la route. Son mari a également dû couper du bambou ou du bois pour l'armée, une fois par mois et à l'occasion pendant deux ou trois jours. Durant les sept ou huit dernières années, ils ont dû cultiver du maïs à chaque année pour les militaires, de la plantation à la récolte. Ceci se faisait sur une base rotative. Son mari devait y aller environ trois fois par saison, habituellement pendant une journée complète tôt le matin jusqu'à tard le soir. Des gens d'autres villages devaient apporter leur lit et dormir sur place parce que leur village était trop éloigné. Trente à 50 personnes travaillaient ensemble et venaient de deux ou trois villages différents. Son mari a également dû effectuer du travail sur la route de Panglong. Ceci a débuté environ il y a huit ans et à trois ou quatre occasions, son village a dû s'y rendre. Les travailleurs devaient apporter leur propre nourriture et rester sur le site pendant environ un mois. Son mari a dû y aller à deux reprises. Lorsqu'ils se sont enfuis pour la Thaïlande, les routes étaient toujours en construction. Environ 25 à 26 fois par année, ils ont dû utiliser trois charrettes pour transporter de l'eau au camp militaire. Puisque sa famille ne possédait pas de charrette, elle a dû payer entre 60 et 80 kyats. Son mari payait afin de ne pas avoir à y aller et le propriétaire de la charrette effectuait le travail. Les militaires demandaient même aux villageois de leur fournir du riz. Ils demandaient aussi de la viande et du poulet. De plus, les villageois ont dû collecter de l'argent afin d'acheter une vache ou un taureau pour les militaires. Lorsque son mari était loin pour effectuer du portage, elle était travailleur journalier. Si son mari n'avait pas eu à effectuer du portage, elle n'aurait travaillé qu'à temps partiel et se serait occupée de ses enfants.


Ethnie:

Shan

138

Age/sexe:

42 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois fils

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wan Hat, Langkho, Etat Shan (le village comptait 300 familles)

Le témoin a donné son témoignage en présence du témoin 139. Il a quitté le Myanmar en 1992. Il a été porteur pour la première fois à l'âge de 17 ans, il y a vingt-cinq ans. L'assignation a duré de trente-trois à trente-quatre jours. C'est le chef de village qui l'a informé de l'ordre provenant des militaires. Il devait transporter les munitions et les vêtements des soldats. Il devait apporter sa propre nourriture. Il n'était pas rémunéré. Il a fait l'objet de mauvais traitements. Il a été battu. On lui a même tiré dessus, mais la balle l'a manqué. Il a vu d'autres personnes qui ont été battues parce qu'elles ne progressaient pas assez rapidement. Il était possible d'engager un substitut: 3 000 kyats chaque fois (cinq jours). Il était impossible de verser des pots-de-vin. Pour ce qui est du travail sur les routes et du travail dans les camps militaires, il a confirmé ce qu'a raconté le témoin 139 (voir déclaration du témoin 139).


Ethnie:

Shan

139

Age/sexe:

41 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, deux fils, une fille

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Wan Hat, Langkho, Etat Shan (le village comptait 300 familles)

Le témoin a donné son témoignage en présence du témoin 138. Il a quitté le Myanmar en 1992. Il a été porteur à cinq reprises, la première fois à l'âge de 21 ans (1978) et la dernière fois il y a environ sept ans (1990). Il n'était pas toujours nourri et la ration était de toute façon toujours insuffisante. Il devait dormir dans la forêt. Les soldats dormaient sur les porteurs afin de les empêcher de s'enfuir. Il n'est pas en mesure de dire où il a été porteur. Il était possible d'engager un substitut: 3 000 kyats chaque fois (cinq jours). Il était impossible de verser des pots-de-vin. Il a vu des porteurs battus par les militaires jusqu'à ce que mort s'ensuive. Il a personnellement été battu puisqu'il n'était plus en mesure de transporter la charge qui lui avait été assignée. Il a participé à la construction des routes entre Wan Hat et Salong, Wan Hat et Mawkmai et Wan Hat et Langkho il y a environ neuf ans (1989). Il y a travaillé à deux ou trois reprises au cours de l'année pendant cinq jours à chaque fois. Le lieu de travail était à cinq heures de marche. Plus de 100 hommes ont travaillé en même temps que lui, âgés entre 15 et 60 ans. Il devait porter et briser la pierre. La journée commençait à 8 heures pour se terminer à 17 heures. Les travaux étaient supervisés par un civil bien que les militaires étaient présents. Il devait dormir sur le site de travail. La nourriture devait être partagée par les personnes qui avaient pu en apporter. Il n'était pas rémunéré. Il était possible d'engager un substitut: 200 kyats pour une fois (cinq jours). Il n'avait pas l'argent pour ce faire. Enfin, il a travaillé dans un camp militaire qui se trouvait à une heure de marche. Il y a travaillé à une reprise pendant cinq à six jours il y a environ sept ans (1991). Il devait creuser la tranchée et poser les flèches défensives. Cinquante à 60 hommes auraient travaillé en même temps que lui. C'est le chef de village qui l'aurait informé du travail à exécuter. Il devait apporter sa propre nourriture, seule l'eau était fournie. Il était possible d'engager un substitut: 100 kyats par jour. Il pouvait retourner chez lui dormir. Il n'a pas fait l'objet de mauvais traitements et n'en a pas vu infligés à d'autres.


Ethnie:

Shan

140

Age/sexe:

70 ans, masculin

Situation familiale:

Marié avec quatre enfants

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Pang Keng, Langkho, Etat Shan (le village comptait 12 familles)

Le témoin a quitté le Myanmar en 1992. Il a exécuté du portage à quatre reprises sur une période de quatorze ans: deux fois à l'âge de 50 ans, une fois à l'âge de 60 ans et une fois à l'âge de 64 ans. Il a réussi à terminer son travail les trois premières fois. A la dernière occasion, il s'est enfui parce qu'il craignait pour sa vie. Il n'a reçu aucun traitement de faveur à cause de son âge. La dernière fois qu'il a dû effectuer du portage était 19 jours avant sa fuite. La dernière journée il n'a reçu aucune nourriture. Neuf autres personnes se sont enfuies en même temps. Il n'a jamais été battu mais il a vu beaucoup d'autres personnes se faire battre parce qu'elles ne pouvaient transporter leur charge. Deux autres porteurs avaient son âge et le reste était plus jeune. Il n'y avait pas de femmes. Ils avaient droit à trois pauses par jour. Ils devaient marcher tout le reste de la journée. Seulement une poignée de riz et un peu de sel leur était donné. La raison pour laquelle les militaires utilisaient les personnes âgées est qu'il y avait trop peu de familles dans son village et pas assez de jeunes personnes pour remplir les quotas. La quantité de portage requis variait à chaque fois puisque il était âgé et ne travaillait pas autant que les autres. Ce travail variait donc de deux fois par mois à deux fois par année. Si les porteurs tentaient de s'enfuir, ils étaient tués. Il a été témoin de plusieurs violences mais n'a jamais vu quelqu'un se faire tuer. Les porteurs étaient battus s'ils étaient fatigués et ne pouvaient plus continuer de travailler à cause de leur âge. D'autres types de travaux comprenaient le travail dans les camps militaires. Il y a sept ans, à l'âge de 63 ans, il a également dû faire ce genre de travail. Il devait s'y rendre une à deux fois par mois pour une journée. Le camp militaire se situait environ une demi-journée de marche ce qui fait qu'il devait quitter très tôt le matin et rentrait très tard le soir. Le village fut relocalisé il y a six ans. Ceci explique partiellement pourquoi il a senti le besoin de quitter également.


Ethnie:

Shan

141

Age/sexe:

40 ans, masculin

Situation familiale:

Marié (sa femme et deux enfants)

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mark Oon Lao, Wan Hat, Langkho, Etat Shan (le village comptait environ 40 familles)

Le témoin est venu en Thaïlande il y a quatre ans parce que les militaires l'opprimaient. A chaque fois qu'il voulait travailler ou se rendre dans un autre endroit, il devait demander la permission aux militaires pour obtenir un laissez-passer. Sans ce laissez-passer, il ne pouvait aller nulle part. A chaque fois que les militaires voulaient que les gens exécutent quelque chose mais que ceux-ci refusaient, ils les battaient. Il a été témoin de cette situation à plusieurs reprises dans son village. Sa famille ainsi que six ou sept autres familles de son village sont venus en Thaïlande pour les mêmes raisons. S'il n'avait pas eu à effectuer du travail forcé pour les militaires, il ne serait pas venu. Il a dû faire du portage à une occasion, à l'âge de 13 ans, pendant vingt-six jours. Il avait reçu l'ordre du chef de village qui lui-même l'avait reçu des militaires birmans. Plusieurs personnes devaient s'y rendre en même temps. Son frère plus jeune a également dû y aller pour environ vingt jours. Il a vu des militaires battre un porteur jusque dans le coma et le porteur a dû être transporté jusqu'au village. Ceci résultait du fait que ce porteur n'avait rien reçu à manger et qu'il était très faible et ne pouvait transporter sa charge. Il a lui-même été battu mais a réussi à expliquer qu'il ne pouvait continuer et fut relâché. «Nous trouverons quelqu'un d'autre.» Bien que c'est ce que les militaires ont dit, ils l'ont également battu avant de le relâcher. Vers l'âge de 22 ans, jusqu'à ce qu'il vienne en Thaïlande, il a dû travailler pour la construction d'une route de Mark Oon Lao jusqu'à Salong, trois ou quatre jours à la fois et devait retourner assez régulièrement pendant cinq jours. Il devait rester sur le site de travail, il ne recevait ni nourriture ni endroit pour dormir (il devait dormir dans la forêt). Il n'était pas attaché durant la nuit et les militaires ne surveillaient pas le travail ce qui fait qu'il aurait pu s'enfuir s'il le désirait. Mais ils avaient amené avec eux leur nourriture et leur charrette. Les militaires leur assignaient une certaine partie de la route et ils devaient la terminer avant de pouvoir retourner à la maison. Les jours où il a dû s'y rendre, environ 20 personnes avec dix charrettes de son village étaient également là-bas en plus de gens d'autres villages: en tout, 200 à 300 personnes. Il n'a vu personne blessé ou battu par les militaires alors qu'il effectuait ce travail. Il n'a jamais été rémunéré pour ce travail. Lorsqu'il effectuait ce travail sur la route, il laissait 2,5 kg de riz pour sa femme et ses enfants jusqu'à son retour. De plus, les gens de son village ont dû travailler dans les camps militaires (dont un était vieux et déserté puis occupé de nouveau), en plus d'un nouveau camp qu'ils ont dû construire avant son départ. Quatre villages de la région ont dû travailler pour ces camps, une personne de chaque famille (son village comptait environ 40 maisons et trois autres villages environ sept, dix et 20 maisons respectivement). Ceux qui ne travaillaient pas de façon adéquate étaient battus par les militaires. Ils devaient creuser des tranchées et poser des clôtures. Il a également travaillé à cet endroit, posant des clôtures, environ cinq fois pour deux à trois jours à chaque fois (dépendant du temps qu'il mettait à terminer son travail). Il devait également effectuer de la surveillance, une fois tous les cinq jours. Ceci a débuté environ deux ans avant sa fuite et se poursuit toujours. En ce qui concerne les taxes, il devait également donner de l'argent et du riz une fois par mois aux militaires. Les familles les plus pauvres devaient donner au moins un pyi de riz et 50 kyats alors que les familles plus riches donnaient 3 pyi de riz et jusqu'à 500 kyats par mois.


Ethnie:

Musulman

142

Age/sexe:

40 ans, féminin

Situation familiale:

Veuve. Le mari est décédé il y a dix ans lors d'un portage; sept enfants, cinq garçons (l'aîné a 27 ans) et deux filles

Activité professionnelle:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yebu, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 300 familles)

Le témoin a donné son témoignage en présence du témoin 143. Elle a quitté le Myanmar en mai 1997 avec sa famille. Il y avait un camp militaire à proximité. Le village entier a été brûlé il y a vingt ans par l'armée KNU puisqu'il y avait un camp militaire. Les villageois ont tout perdu. Certains sont revenus. D'autres se sont installés dans les champs avoisinants. Il y a toujours un camp militaire à proximité. Les femmes devaient aller travailler pour l'armée lorsque les maris étaient absents ou décédés. Elle a personnellement travaillé pour un camp militaire. Elle devait obtenir des informations sur la progression de l'armée karenne. Elle a dû faire ce travail pendant vingt ans, tous les mois, une fois par semaine. Ce travail devait être exécuté conformément à une rotation entre 20 villages. Elle travaillait avec une autre personne. C'était surtout des femmes qui devaient exécuter ce travail. La journée commençait à 8 heures pour se terminer à 16 heures. S'il n'y avait pas de nouvelles à transmettre, elle devait rester au camp et y travailler: apporter l'eau, poser les clôtures, creuser les tranchées. A une reprise, elle a dû transporter de la nourriture pour les militaires (une journée). Elle a personnellement été battue avec un bâton de bambou à une reprise puisqu'elle s'est présentée en retard. En outre, elle aurait fait l'objet de mauvais traitements et aurait été maintenue dans un carcan de bois qui lui immobilisait les pieds pendant une journée entière (8 heures à 16 heures) puisqu'elle était arrivée en retard. Elle a confirmé ce que le témoin 143 a expliqué en ce que si le travail n'était pas exécuté, elle devait payer (300 kyats à chaque fois) ou demeurer dans un carcan. Elle a vu plusieurs personnes qui auraient fait l'objet de mauvais traitements. A titre de châtiment, elles devaient rester au soleil pendant de longues heures puisqu'elles étaient arrivées en retard. Elle a également participé à la construction de la route entre Dawlan (village Natkyun) et Hpa-an. Le témoin 143 aurait travaillé sur la même route, mais sur une section différente. Cette route serait utilisée par l'armée, les civils n'osant pas l'emprunter. Elle serait à refaire après chaque saison des pluies. Le site du travail était à une journée de marche. Elle y a travaillé à trois reprises, une semaine chaque fois, en 1994. Cent autres personnes auraient travaillé en même temps qu'elle sur la section de route qui lui avait été assignée, incluant des hommes et des femmes âgés de 17 à plus de 60 ans. Il y avait en général plus de femmes que d'hommes puisque ces derniers devaient subvenir aux besoins de leur famille en exécutant un travail rémunéré. La règle d'un membre par famille trouvait application. Un civil supervisait les travaux selon les ordres donnés par les militaires. Elle devait transporter la terre. La journée commençait à 7 heures pour se terminer à 17 heures, avec un répit d'une heure à midi. Elle devait apporter sa propre nourriture et dormir sur le site de travail, près de la route. Elle n'était pas rémunérée. Il était possible d'engager un substitut: le montant variait en fonction de la distance et du travail à exécuter (environ 100 kyats). Elle a confirmé la description du traitement donné par le témoin 143 en ce qu'elle aurait été battue et aurait vu plusieurs autres personnes subir le même traitement puisqu'elles ne travaillaient pas assez rapidement. Son époux a été porteur.


Ethnie:

Musulman

143

Age/sexe:

48 ans, féminin

Situation familiale:

Veuve, huit enfants, quatre garçons et quatre filles

Activité professionnelle:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Yebu, Hlaingbwe, Etat Kayin (le village comptait 100 familles)

Le témoin a donné son témoignage en présence du témoin 142. Elle a quitté le Myanmar en octobre 1997. Elle aurait exécuté les mêmes travaux que le témoin 142 pour le camp militaire. Voir déclaration du témoin 142 à cet égard. Elle a ajouté que, si le travail n'était pas exécuté, elle devait payer ou était placée dans un carcan. Elle a dû payer à de nombreuses reprises: 300 kyats chaque fois. Elle a également été battue à plus de 10 reprises puisqu'elle était en retard en raison du fait qu'elle tentait de subvenir aux besoins de sa famille. Elle a également participé à la construction de la route entre Dawlan (village Natkyun) et Hpa-an. Le témoin 142 aurait travaillé sur la même route mais sur une section différente. Elle y aurait travaillé à plus de cinq reprises en 1994. Chaque assignation a duré une semaine à l'exception d'une qui s'est prolongée pendant quinze jours. Elle aurait été battue à plusieurs reprises puisqu'elle ne travaillait pas assez rapidement. Elle a confirmé la description du travail et celle du site présentées par le témoin 142.


Ethnie:

Musulman

144

Age/sexe:

12 ans, masculin

Situation familiale:

Neuf (lui, ses parents et six frères et sœurs)

Education:

Non scolarisé

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Sako, Hlaingbwe, Etat Kayin

Il aurait été forcé de travailler dès l'âge de 7-8 ans sur la construction de routes et pour un camp militaire. Il a quitté le Myanmar au début de janvier 1998 avec une de ses tantes. Pour ce qui est de la construction de routes, il devait transporter la terre pour la route de Paung à Yebu. La route n'était pas très loin de son village. Il a dû y travailler à quatre ou cinq reprises lorsque ses parents ne pouvaient y aller puisqu'ils tentaient de subvenir aux besoins de leur famille. Chaque assignation durait un jour et il pouvait retourner dormir chez lui. Il devait apporter sa propre nourriture. Il aurait été battu avec un fusil puisqu'il ne travaillait pas assez rapidement. Plus de 50 pour cent des personnes qui travaillaient sur la route en même temps que lui étaient des enfants de son âge (il ne peut donner le nombre total). Il aurait également, dès l'âge de 7-8 ans, travaillé pour un camp militaire. Il y aurait travaillé à plus de cinq reprises pendant une journée pour y couper du bois ou poser les clôtures. Il y avait des enfants de son âge qui travaillaient en même temps que lui, mais les adultes étaient plus nombreux. Il a également travaillé pour ce même camp militaire à plus de dix reprises, y coupant l'herbe. Il a été frappé avec un bâton et avec les poings à plusieurs reprises puisqu'il montrait des signes de fatigue. Il a dû travailler au camp militaire lorsque ses parents étaient loin pour subvenir aux besoins de la famille.


Ethnie:

Karenni

145

Age/sexe:

23 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, deux enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Paw Baw Ko, région de Nabu, Kawkareik, Etat Kayin (le village comptait environ 100 familles; deux camps militaires à proximité)

Le témoin a rendu son témoignage en présence des témoins 146, 147 et 148. Il a quitté le Myanmar au début de 1998. Il a travaillé à titre de porteur, sur la construction de routes et pour un camp militaire. Enfin, il a dû cultiver pour les militaires. Il a quitté le Myanmar puisqu'il n'avait plus le temps de vaquer à ses propres occupations. Trois jours par semaine devaient être réservés pour les différents travaux requis par les militaires. En outre, les militaires se sont appropriés tous ses avoirs, sans aucune forme de dédommagement. Pour ce qui est de toutes les formes de travail forcé, l'assignation était transmise par le chef de village. Il n'était pas rémunéré et ne recevait aucune indemnisation. Il pouvait toutefois payer un substitut. Le montant varie en fonction du travail à exécuter et de la durée requise. 1) Pour ce qui est du portage, il a été porteur pour la première fois à l'âge de 18 ans (1992) et un nombre incalculable de fois par la suite (environ une vingtaine de fois). Il a dû porter pour la dernière fois juste avant de partir pour la Thaïlande. Montant pour se faire remplacer: 2 500 kyats/cinq jours. Il a payé un substitut à quatre reprises. Il était également possible de payer le chef de village de façon à être exempté: 400-500 kyats. Il a versé ce montant à dix occasions puisqu'il devait s'occuper de certains membres de sa famille qui étaient malades. Pour ce qui est de la nourriture, il devait bien souvent apporter la sienne puisque ce que les militaires leur donnaient n'était jamais suffisant. Les assignations duraient en moyenne cinq jours et se déroulaient dans l'Etat Karen. Il devait parcourir des terrains plats et montagneux. Il devait porter les munitions. Il a été pris dans un combat contre le KNU à une seule occasion, il y a deux ans. La bataille aurait duré une heure. Les porteurs tentaient de se cacher. Aucun n'aurait été blessé. La dernière fois où il a été porteur, il y avait trois hommes de son village avec lui. Il est incapable de donner le nombre total de porteurs à cette occasion. Il y avait toutefois une centaine de soldats. Il n'a jamais fait personnellement l'objet de mauvais traitements. D'autres porteurs ont toutefois été sévèrement battus puisqu'ils étaient trop fatigués ou épuisés pour porter la charge qui leur avait été assignée. 2) Pour ce qui est de la construction de routes, il a dû travailler sur la route menant du village au camp militaire, il y a trois ans, à dix reprises. Chaque assignation durait une journée. Il s'agit d'une route qui peut être utilisée par les charrettes et les voitures et qui a été construite en six mois (novembre à avril). Les militaires et les villageois l'utilisent. Un membre par famille devait y travailler. Les travaux étaient exécutés sous la supervision des militaires. Il devait creuser la terre, transporter la pierre et la briser. Environ une centaine de personnes provenant de deux villages travaillaient en même temps que lui, incluant hommes et femmes. Ces dernières travaillaient lorsque les hommes ne pouvaient y aller. Bien qu'il ne se soit jamais fait remplacer, le montant pour ce faire: 300 kyats/une journée. 3) Pour ce qui est des camps militaires, il a travaillé à la construction et à l'entretien de deux camps militaires. Montant pour se faire remplacer: 300 kyats/une journée. Il a payé un substitut à dix reprises. Il y a trois ans, il a participé à la construction du plus ancien des deux camps. Il y a travaillé à quatre reprises, une journée tous les sept jours. Pour ce qui est du plus récent, il a travaillé à sept reprises, une journée tous les trois jours, juste avant son départ. Dans les deux cas, dix hommes travaillaient avec lui. Par la suite, il a été appelé à faire différents travaux d'entretien pour les camps, notamment à les nettoyer, couper du bois et des bambous et poser les clôtures. Ce travail devait être exécuté tous les trois jours pour le nouveau camp. Dix personnes travaillaient avec lui. La même chose devait être faite pour l'ancien camp tous les dix jours, avec deux autres personnes. Il a dû se rendre au camp militaire, cinq jours avant son départ, pour y exécuter des travaux de nettoyage et y construire des bunkers. Il a dû également y apporter des bûches de bois. Il n'a jamais été battu bien que les militaires s'adressaient aux travailleurs en criant lorsqu'ils estimaient que le travail ne progressait pas assez rapidement. 4) Enfin, depuis 1995, il a dû, de façon bi-annuelle durant la saison des pluies, cultiver le riz pour les militaires. Il n'était pas rémunéré et ne recevait aucune compensation en retour.


Ethnie:

Karenni

146

Age/sexe:

30 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, trois enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Paw Baw Ko, région de Nabu, Kawkareik, Etat Kayin (le village comptait environ 100 familles; deux camps militaires se trouveraient à proximité de son village)

Le témoin est arrivé avec les témoins 145, 147 et 148. Il a écouté le témoignage du témoin 145. Il a quitté le Myanmar puisqu'il n'était plus en mesure de survivre. Pour ce qui est du portage, il a été porteur à plus de dix occasions. La dernière fois date de deux mois environ (fin 1997). Tous les portages ont été réalisés dans l'Etat Kayin. Les portages duraient entre une semaine et un mois. Il a été pris dans une bataille contre le KNU. Il a été sévèrement battu à plusieurs reprises (en a gardé des cicatrices). Pour ce qui est de la construction de routes, il y a travaillé à dix reprises, la dernière fois remontant à un mois.


Ethnie:

Karenni

147

Age/sexe:

37 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, cinq enfants

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Paw Baw Ko, région de Nabu, Kawkareik, Etat Kayin (le village comptait environ 100 familles; deux camps militaires se trouveraient à proximité de son village)

Le témoin est arrivé avec les témoins 145, 146 et 148. Il a écouté le témoignage du témoin 145. Il a été blessé à l'âge de 21 ans lorsque son ami a marché sur une mine antipersonnelle lors d'un portage. Il a été porteur par la suite à sept reprises. La dernière fois remonte à une année. Chaque assignation durait environ cinq jours. Il a été pris dans un combat à deux reprises contre le KNU. Pour ce qui est du travail sur les routes, il a dû en faire une semaine avant son départ. Dix jours avant son départ du Myanmar, il est allé dans la forêt, en compagnie de son neveu, puisqu'ils avaient été requis par les militaires pour aller chercher du bois. Ils n'étaient pas rémunérés. Son neveu a marché sur une mine antipersonnelle et a perdu les deux jambes. Il l'a amené à l'hôpital.


Ethnie:

Karenni

148

Age/sexe:

28 ans, masculin

Situation familiale:

Marié, pas d'enfant

Activité professionnelle:

Cultivateur

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Paw Baw Ko, région de Nabu, Kawkareik, Etat Kayin (le village comptait environ 100 familles; deux camps militaires se trouveraient à proximité de son village)

Le témoin est arrivé avec les témoins 145, 146 et 147. Il a écouté et corroboré le témoignage du témoin 145.


Ethnie:

Karenni

149

Age/sexe:

31 ans, féminin

Situation familiale:

Mariée, trois enfants

Activité professionnelle:

Travailleur journalier

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Kopadu, Hpa-an, Etat Kayin

Ellle a quitté le Myanmar en février 1998. Elle a travaillé juste avant son départ pour un camp militaire et à titre de porteur. Son mari était souvent parti tout le mois.


Ethnie:

Birman

150

Age/sexe:

24 ans, masculin

Domicile (avant de quitter le Myanmar):

Mayangone, Yangon

Le témoin a quitté le Myanmar en 1996. Il a été arrêté en 1988 à l'âge de 13 ans lorsqu'il était impliqué dans des manifestations prodémocratiques le 8 août 1988 près de Shwedagon Pagoda. Des voitures militaires avec des armes automatiques entouraient les manifestants et ont tiré sur eux, tuant et blessant plusieurs personnes. Il fut envoyé en prison sans procès pendant un mois puis relâché à cause de son âge lorsqu'il a accepté de signer un papier disant qu'il ne serait plus impliqué en politique. Entre 1988 et 1996, il a voyagé beaucoup dans plusieurs endroits à travers le Myanmar, y compris dans l'Etat Shan, le delta Ayeyarwady ainsi que d'autres endroits. Il fut requis d'exécuter du travail forcé dans tous ces endroits. Ce n'était jamais fait sur une base volontaire. Les gens recevaient l'ordre de travailler. Les militaires ordonnaient à un certain nombre de personnes d'exécuter le travail et indiquaient le montant qui devrait être payé si cette personne ne faisait pas le travail. Il a effectué du travail forcé à Yangon et à Patu, dans le canton de Taunggyi. Ce travail a duré sept jours et consistait à casser les pierres pour égaliser les routes. Il devait payer 1 000 à 2 000 kyats pour éviter ce travail. Les gens avec peu d'argent et qui ne pouvaient même pas acheter du riz devaient travailler. Les ordres provenaient du siège du LORC jusqu'au chef local. Le lieu de travail était près de sa maison, ce qui fait qu'il a pu rester chez lui pendant la nuit. Il a également vu du travail forcé être exécuté par des prisonniers. Les travailleurs ne recevaient ni argent ni nourriture, mais ceux qui venaient des villes se voyaient donner des outils. Les personnes vivant dans les zones rurales devaient apporter leurs propres outils. Tous les gens à Yangon, y compris les fonctionnaires comme ses parents, devaient effectuer le travail forcé. Tous ses frères ont travaillé sur la route de Ayeyarwady. Son père était un officier de police et sa mère travaillait dans une usine du gouvernement. Ils obtenaient habituellement congé le week-end mais les jours de congé étaient réduits à une seule journée puisque l'autre était utilisée pour le travail forcé. Ce système a débuté en 1993-94. Il existait trois choix possibles concernant le travail forcé: exécuter le travail, payer pour que quelqu'un d'autre l'effectue, ou payer une amende pour ne pas travailler (habituellement un montant plus élevé que lorsque l'on payait pour que quelqu'un d'autre fasse le travail). La quantité de travail forcé variait selon les besoins. Dans la région de Yangon, il y avait du travail forcé tous les samedis. Il existait également des projets spéciaux de plus grande envergure. Le travail du samedi comprenait le nettoyage du bureau du LORC ou il fallait exécuter du travail administratif. De plus, lorsqu'il y avait une offensive militaire de grande envergure, les gens étaient requis d'exécuter du portage. Alors qu'il se trouvait dans la région de Yangon, il a également vu des terres être confisquées et du travail forcé pour la construction de la route de Yangon à Danubyu et Pathein (Bassein). Les militaires surveillaient, mais ne travaillaient pas. Il a quitté Yangon en 1989, mais y est retourné de façon régulière au moins une fois par année. Son dernier séjour à Yangon fut en 1995. Il a exécuté du portage à une occasion et a fait du travail forcé à deux ou trois occasions dans différents endroits lorsqu'il visitait des régions éloignées de Yangon. Sa plus longue tâche fut du portage en 1991. Il fut appelé par le chef local du LORC. Il a été porteur pendant un mois, ce qui impliquait de transporter des sacs de riz (un sac pour deux personnes). De son expérience, il a constaté une très grande différence entre le travail forcé dans les zones rurales et les zones urbaines. Dans les endroits plus riches, les gens utilisaient leur argent afin de ne pas travailler ou payaient pour qu'il soit exécuté par d'autres personnes. Ainsi, ce sont les pauvres qui sont le plus touchés par les problèmes du travail forcé.

Annexe VII (suite)

Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.