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Travail forcé au Myanmar (Birmanie)

Rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930 Organisation internationale du Travail
Genève, 2 juillet 1998


Partie V

Conclusions et recommandations


14. Conclusions et recommandations

515. Avant de formuler ses conclusions et recommandations, la commission souhaite traiter deux questions préliminaires qui se réfèrent, d'une part, à la non-participation partielle du gouvernement du Myanmar à la procédure et, d'autre part, à la prétention du gouvernement aux termes de laquelle le travail de la commission, et notamment la visite envisagée au Myanmar, constituerait une ingérence dans les affaires intérieures du pays(962) .

1) Questions préliminaires

516. Après avoir examiné les informations soumises par les parties au cours de sa première session tenue en juin 1997(963) , la commission a invité le gouvernement du Myanmar à fournir avant le 30 septembre 1997 toute déclaration écrite qu'il souhaitait lui soumettre ainsi que les noms et qualités des témoins qu'il souhaitait faire entendre au cours des audiences fixées du 17 au 20 et les 25 et 26 novembre 1997. La commission a également prié le gouvernement du Myanmar d'assurer qu'il ne ferait pas obstacle à ce que les témoins cités par les parties se présentent devant la commission, et que ces témoins ou leurs familles ne subiraient aucune sanction ni préjudice du fait de leur participation aux travaux de la commission. Enfin, le gouvernement était aussi requis de désigner le ou les représentants chargés d'agir en son nom devant la commission et de traiter toute question pertinente durant les différents stades de ses travaux.

517. Par une communication en date du 10 novembre 1997, le gouvernement du Myanmar a informé la commission qu'il n'était pas en mesure de désigner dans le délai imparti les témoins qu'il désirait faire entendre. D'autre part, le gouvernement s'est abstenu de désigner son représentant habilité à agir devant la commission; il n'a pas non plus donné l'assurance qui lui avait été demandée par la commission pour ce qui est de la protection des témoins et de leurs familles contre les représailles dont ils pourraient faire l'objet.

518. Les auditions de la commission ont eu lieu sans le bénéfice de la présence du gouvernement du Myanmar bien qu'il ait été dûment informé des dates auxquelles elles seraient tenues et que les informations reçues des plaignants et des autres sources lui aient été transmises en temps opportun(964) . A cet égard, la commission a conclu que le gouvernement du Myanmar s'était abstenu, en toute connaissance de cause, de se prévaloir de son droit d'être présent aux audiences. Dans ces circonstances et considérant le temps déjà écoulé depuis le dépôt de la plainte, la commission a estimé qu'elle devait poursuivre ses travaux aux fins d'assurer que la plainte soit examinée promptement, évitant tout délai déraisonnable et assurant dès lors une procédure équitable(965) .

519. A l'issue de cette session, la commission a estimé qu'il serait utile qu'elle ait la possibilité de se rendre au Myanmar pour compléter les informations en sa possession et a dès lors adressé en date du 28 novembre 1997 une communication au gouvernement du Myanmar à cet égard. Or, en date du 12 décembre, le gouvernement du Myanmar a informé le Directeur général du BIT qu'il ne pouvait accéder à cette demande et autoriser la venue de la commission d'enquête, étant entendu qu'à ses yeux une telle visite ne contribuerait pas vraiment à résoudre l'affaire et serait une ingérence dans les affaires intérieures du pays.

520. Pour ce qui est de l'argument du gouvernement s'appuyant sur l'ingérence dans les affaires intérieures du pays, la commission doit rappeler, comme l'a du reste déjà observé une précédente commission d'enquête(966) , qu'au regard même de sa Constitution l'OIT a été créée en vue d'améliorer les conditions de travail, et qu'il en résulte que les matières traitées par l'Organisation ne relèvent plus du domaine réservé des Etats. Ainsi, les mesures prises par l'Organisation dans la présente affaire, à savoir l'institution d'une commission avec pleins pouvoirs d'investigation et d'enquête, ne sauraient être considérées comme une intervention indue dans les affaires intérieures puisqu'elles rentrent précisément dans le cadre du mandat que l'OIT a reçu de ses Membres en vue d'atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. Qui plus est, l'établissement d'une telle commission d'enquête par l'OIT est expressément prévu par la Constitution de l'OIT et n'est possible que dans les cas où la convention en question a été ratifiée par l'Etat faisant l'objet de la plainte(967) . En fait, une fois qu'un Etat, par une décision libre et souveraine, est non seulement devenu Membre de l'OIT, mais a également ratifié une convention internationale du travail, ni l'établissement de la commission d'enquête ni le fonctionnement de celle-ci ne sont subordonnés à l'accord ou à la coopération de l'Etat en cause.

521. L'objection fondée sur l'ingérence indue dans les affaires intérieures du Myanmar est donc dénuée de fondement juridique d'autant que l'article 27 de la Constitution de l'OIT comporte l'engagement de chacun des Etats Membres de «mettre à la disposition de la commission toute information qui se trouverait en sa possession relativement à l'objet de la plainte». Cette disposition montre clairement que les Etats Membres, a fortiori l'Etat faisant l'objet de la plainte, ont l'obligation de coopérer à la procédure et ne peuvent, par leur refus de coopérer, faire obstacle au déroulement de celle-ci.

522. Il faut toutefois se demander si la non-coopération du gouvernement du Myanmar entraîne des conséquences pratiques pour ce qui est de la capacité de la commission à établir les faits de la présente affaire.

523. La commission a envoyé au gouvernement pour commentaires la volumineuse documentation qu'elle a reçue depuis le début de la procédure. Elle s'attendait donc à ce que le gouvernement du Myanmar participe à la procédure, notamment en plaçant à sa disposition les éléments de fait et de droit qui auraient facilité l'évaluation de la situation et en lui donnant la possibilité de se rendre au Myanmar pour rencontrer tant des fonctionnaires du gouvernement que d'autres personnes susceptibles de lui fournir de l'information pertinente. Toutefois, faute d'une telle coopération, la commission a tenu compte aussi rigoureusement que possible de toutes informations que le gouvernement du Myanmar a fournies à la commission, ainsi que des positions qu'il a adoptées jusqu'en juin 1996 devant d'autres instances de l'OIT, notamment la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, la Commission de l'application des normes de la Conférence internationale du Travail et le comité chargé d'examiner la réclamation présentée par la Confédération internationale des syndicats libres en 1993 (CISL) en vertu de l'article 24 de la Constitution alléguant l'inexécution de la convention par le Myanmar(968) . La commission a également tenu compte des renseignements ressortant des communications très substantielles qu'elle a reçues et des nombreux témoignages de personnes qui ont une expérience directe et récente de la situation prévalant au Myanmar pour ce qui est du travail forcé. Dans ce contexte, la commission estime avoir disposé d'éléments de fait amplement suffisants pour lui permettre d'évaluer, de manière exacte, la situation dans son ensemble et de formuler les recommandations que cette dernière exige au regard des allégations de la plainte et des dispositions de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930.

2) Mandat de la commission

524. Par une lettre en date du 20 juin 1996, 25 délégués travailleurs ont présenté une plainte au titre de l'article 26 de la Constitution contre le gouvernement du Myanmar pour non-respect des dispositions de la convention (no 29 ) sur le travail forcé, 1930, ratifiée par le pays le 4 mars 1955 et entrée en vigueur une année plus tard.

525. En mars 1997, le Conseil d'administration institua la commission d'enquête pour qu'elle procède à une évaluation objective de la situation faisant l'objet de la plainte; à la même occasion, il nomma ses membres qui, choisis pour leur impartialité et leur intégrité, se sont engagés par déclaration solennelle, équivalant à celle prononcée par les juges de la Cour internationale de justice, à exercer leurs fonctions et leurs attributions «en tout honneur et dévouement, en pleine impartialité et en toute conscience»(969) .

526. Aux termes de l'article 28 de la Constitution de l'OIT, la commission doit rédiger un rapport dans lequel elle consignera ses constatations sur tous les points de fait permettant de préciser la portée de la contestation ainsi que les recommandations qu'elle croira devoir formuler quant aux mesures à prendre et quant aux délais dans lesquels ces mesures devraient être prises. Pour remplir pleinement son mandat, la commission a estimé que son rôle ne devait pas se limiter à un examen des informations communiquées par les parties elles-mêmes ou à l'appui de leurs affirmations, mais qu'elle devait prendre toutes mesures nécessaires pour disposer d'informations aussi complètes et objectives que possible sur les questions soulevées(970) .

527. C'est dès lors dans cet esprit d'indépendance et d'impartialité que la commission formule ses conclusions et que, sur les points pour lesquels elle ne considère pas la situation comme satisfaisante, elle présente des recommandations relatives aux mesures à prendre pour y remédier.

3) Conclusions quant au fond

528. De très nombreux éléments de preuve soumis à la commission montrent que les autorités civiles et militaires pratiquent de façon très généralisée le recours au travail forcé qui est imposé à la population civile dans tout le Myanmar pour le portage(971) , la construction, l'entretien et les services des camps militaires(972) , d'autres travaux à l'appui des forces armées(973) , le travail sur des projets agricoles et forestiers et d'autres projets de production réalisés par les autorités civiles ou militaires(974) , parfois au profit de particuliers(975) , pour la construction et l'entretien de routes, de voies ferrées et de ponts(976) , pour d'autres travaux d'infrastructure(977)  et pour toute une série d'autres tâches(978) , dont aucune ne relève des exceptions énumérées à l'article 2, paragraphe 2, de la convention(979) .

529. La réquisition de main-d'œuvre est prévue en termes très larges par les articles 8 (1)(g), (n) et (o), 11(d) et 12 de la loi sur les villages ainsi que par les articles 9(b) et 9A de la loi sur les villes, qui sont incompatibles avec la convention(980) . La procédure utilisée dans la pratique suit souvent la marche à suivre prévue par ces dispositions, à savoir qu'il incombe au chef du village ou aux autorités de l'arrondissement urbain de réquisitionner la main-d'œuvre que tout officier militaire ou fonctionnaire du gouvernement peut leur ordonner de fournir(981) ; toutefois, aucun des ordres de réquisition de main-d'œuvre qui ont été soumis à la commission ne fait référence aux dispositions de la loi dans les villages et de la loi sur les villes(982) ; il semble donc tenu pour acquis que les officiers des forces armées et les fonctionnaires du gouvernement ont tout pouvoir pour exiger du travail forcé de la population civile, sans qu'aucun effort ne soit fait pour coordonner les différentes demandes faites à cette même population(983) , et des personnes sont aussi fréquemment arrêtées directement lors de rafles organisées par les militaires pour les mettre au travail forcé, sans passer par les autorités locales(984) .

530. Le fait de ne pas obéir à une réquisition de main-d'œuvre est passible, en vertu de la loi sur les villages, d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée d'un mois au plus, ou des deux à la fois, et d'une amende en vertu de la loi sur les villes(985) . En réalité, les multiples exactions de travail forcé donnent souvent lieu à une extorsion d'argent en échange d'un allègement temporaire de la charge(986) , mais également à des menaces contre la vie et la sécurité(987)  ainsi qu'à des sanctions extrajudiciaires à l'égard de ceux qui se montrent indisposés, lents ou incapables de donner suite à une demande de fournir du travail forcé; ces sanctions ou représailles vont de demandes d'argent(988)  à des brutalités physiques(989) , des passages à tabac(990) , à la torture(991) , au viol(992)  et au meurtre(993) .

531. Le travail forcé au Myanmar est fréquemment accompli par des femmes(994) , des enfants(995)  et des personnes âgées(996)  ainsi que par des personnes autrement inaptes au travail(997) .

532. Le travail forcé au Myanmar n'est presque jamais rémunéré(998)  ni indemnisé(999) , directives secrètes nonobstant(1000) , mais, au contraire, va souvent de pair avec l'extorsion d'argent(1001) , de nourriture(1002)  et d'autres fournitures(1003)  de la population civile.

533. Le travail forcé est une lourde charge pour l'ensemble de la population du Myanmar; il empêche les paysans de travailler sur leurs terres et les enfants d'aller à l'école. Il pèse le plus lourdement sur les ouvriers sans terre et les catégories les plus pauvres de la population(1004) , qui dépendent pour leur subsistance de pouvoir louer leurs bras et qui n'ont généralement pas les moyens de verser les diverses sommes demandées par les autorités en remplacement ou en sus du travail forcé(1005) . L'impossibilité de gagner de quoi vivre en raison de la quantité de travail forcé exigée est une raison fréquente pour fuir le pays(1006) .

534. Le fardeau du travail forcé semble aussi peser tout particulièrement sur les groupes ethniques non birmans(1007) , notamment dans les régions où la présence militaire est forte(1008)  et sur la minorité musulmane, y compris les Rohingyas(1009) .

535. Toutes les informations et les preuves devant la commission montrent le total mépris que manifestent les autorités pour la sécurité et la santé ainsi que pour les besoins essentiels des personnes qui effectuent du travail forcé ou obligatoire. Les porteurs, y compris les femmes, sont souvent envoyés en tête des troupes dans des situations particulièrement dangereuses -- par exemple lorsque l'on soupçonne que le terrain peut être miné --, et beaucoup sont ainsi blessés ou y laissent la vie(1010) . Il est rare que les porteurs reçoivent un traitement médical quelconque(1011) ; les blessures aux épaules, au dos et aux pieds sont fréquentes(1012)  mais sont généralement peu(1013)  ou pas soignées(1014) , et les porteurs malades ou blessés sont parfois abandonnés dans la jungle(1015) . De même, sur les projets de construction de routes, la plupart du temps les blessures ne sont pas soignées et, sur certains de ces projets, les morts par maladie et accidents du travail sont fréquentes(1016) . Les travailleurs forcés, y compris ceux qui sont malades ou blessés, sont fréquemment battus ou brutalisés par les soldats, leur causant de graves blessures(1017) ; certains sont tués(1018) , et des femmes exécutant un travail forcé sont violées ou victimes d'autres abus sexuels de la part des soldats(1019) . Dans la plupart des cas, les travailleurs forcés ne reçoivent aucune nourriture(1020)  --, parfois ils doivent même apporter nourriture, eau, bambous et bois aux militaires(1021) ; les porteurs peuvent recevoir de faibles rations de riz avarié(1022) , mais être privés d'eau potable(1023) . Vêtements et chaussures adéquates ne sont pas fournis aux porteurs, même lorsqu'ils ont été saisis lors d'une rafle sans aucun préavis(1024) . La nuit, les porteurs sont enfermés dans des bunkers ou doivent dormir en plein air, sans qu'on leur fournisse ni abri ni couverture, même lorsqu'il fait froid ou qu'il pleut, et souvent enchaînés les uns aux autres(1025) . Les travailleurs forcés qui travaillent sur les projets de construction de routes ou de voies ferrées doivent s'arranger eux-mêmes pour trouver un abri et assurer tous leurs autres besoins essentiels(1026) .

536. En conclusion, l'obligation aux termes de l'article 1, paragraphe 1, de la convention de supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire est violée au Myanmar dans la législation nationale, en particulier par la loi sur les villages et la loi sur les villes, ainsi que dans la pratique, de façon généralisée et systématique, avec un mépris total de la dignité humaine, de la sécurité, de la santé et des besoins essentiels du peuple du Myanmar.

537. De même, le gouvernement viole son obligation au titre de l'article 25 de la convention de s'assurer que les sanctions imposées par la loi pour le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sont réellement efficaces et strictement appliquées(1027) . Bien que l'article 374 du Code pénal prévoie des sanctions à l'égard de celui qui contraint illégalement une personne à travailler contre son gré(1028) , cette disposition ne semble jamais être appliquée dans la pratique(1029) , même lorsque les méthodes utilisées pour enrôler de force des travailleurs ne sont pas conformes aux dispositions de la loi sur les villages et de la loi sur les villes, auxquelles il n'est d'ailleurs jamais fait référence dans la pratique(1030) .

538. L'Etat qui commandite, incite, accepte ou tolère le travail forcé sur son territoire commet un fait illicite et engage sa responsabilité pour la violation d'une norme impérative du droit international(1031) . Quelle que soit la position en droit national en ce qui concerne l'imposition de travail forcé ou obligatoire et la punition de ceux qui en sont responsables, toute personne qui viole l'interdiction du recours au travail forcé aux termes de la convention commet un crime international qui constitue également, s'il est commis à grande échelle ou de manière systématique, un crime contre l'humanité(1032) .

4) Recommandations

539. Au vu du manquement flagrant et persistant du gouvernement aux dispositions de la convention, la commission exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer:

  1. que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, comme l'a déjà demandé la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et comme le gouvernement le promet depuis plus de trente ans(1033)  et l'annonce de nouveau dans ses observations sur la plainte(1034) . Ceci devrait être effectué sans délai et achevé au plus tard le 1er mai 1999;
  2. que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et notamment par les militaires. Ceci est d'autant plus important que le pouvoir d'imposer du travail obligatoire paraît être tenu pour acquis, sans aucune référence à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes(1035) . En conséquence, au-delà des modifications législatives, des mesures concrètes doivent être prises immédiatement pour chacun des nombreux domaines dans lesquels du travail forcé a été relevé aux chapitres 12 et 13 ci-dessus, afin d'arrêter la pratique actuelle. Ceci ne doit pas être fait au moyen de directives secrètes, qui sont contraires à un Etat de droit et ont été inefficaces, mais par des actes publics du pouvoir exécutif promulgués et diffusés à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l'ensemble de la population. Aussi, les mesures à prendre ne doivent pas se limiter à la question du versement d'un salaire; elles doivent assurer que personne ne soit contraint de travailler contre son gré. Néanmoins, il faudra également prévoir au budget les moyens financiers nécessaires pour engager une main-d'œuvre salariée travaillant librement aux activités relevant du domaine public qui sont actuellement exécutées au moyen de travail forcé et non rémunéré;
  3. que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l'article 374 du Code pénal pour le fait d'exiger du travail forcé ou obligatoire(1036)  soient strictement appliquées, conformément à l'article 25 de la convention. Ceci demande de la rigueur dans les enquêtes et poursuites et l'application de sanctions efficaces à ceux reconnus coupables. Comme l'a relevé en 1994 le comité du Conseil d'administration créé pour examiner la plainte présentée par la CISL en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant le non-respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930(1037) , les poursuites pénales engagées à l'encontre de ceux qui recourent à la coercition paraissent d'autant plus importantes que l'absence de délimitations nettes entre travail obligatoire et travail volontaire, qui apparaissait tout au long des déclarations du gouvernement au comité, risque encore de marquer le recrutement effectué par les responsables locaux ou militaires. Le pouvoir d'imposer du travail obligatoire ne cessera d'être tenu pour acquis que lorsque ceux qui sont habitués à exercer ce pouvoir seront réellement confrontés avec leur responsabilité pénale.

540. Les recommandations formulées par la commission demandent une action immédiate de la part du gouvernement du Myanmar. La tâche de la commission d'enquête s'achève avec la signature du présent rapport, mais il est souhaitable que l'Organisation internationale du Travail reste informée des progrès réalisés pour donner effet aux recommandations de la commission. La commission recommande par conséquent que le gouvernement du Myanmar indique régulièrement dans ses rapports au titre de l'article 22 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant les mesures prises pour donner effet aux dispositions de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, les mesures qu'il a prises au cours de la période de rapport pour donner effet aux recommandations contenues dans le présent rapport. En outre, le gouvernement souhaitera peut-être inclure dans ses rapports des informations sur l'état de la législation et de la pratique nationales en ce qui concerne le service militaire obligatoire(1038) .

5) Observations finales

541. La commission note que, dans sa résolution 52/137 du 12 décembre 1997, l'Assemblée générale des Nations Unies «exhorte le gouvernement du Myanmar, conformément aux assurances données à diverses reprises, à prendre toutes les mesures nécessaires pour restaurer la démocratie en accord avec la volonté du peuple telle qu'exprimée à l'occasion des élections démocratiques tenues en mai 1990 et à veiller à ce que les partis politiques et les organisations non gouvernementales fonctionnent librement»(1039) . La commission note en outre que, dans son rapport sur la situation des droits de l'homme au Myanmar soumis le 15 juillet 1998, le Rapporteur spécial, M. Rajsoomer Lallah, a recommandé que «des mesures soient prises également pour rétablir l'indépendance du pouvoir judiciaire et soumettre le pouvoir exécutif à la règle de droit et rendre justiciables les actions injustes et injustifiables»(1040) .

542. La commission estime que l'impunité avec laquelle les fonctionnaires du gouvernement, et en particulier les membres des forces armées, traitent la population civile comme une réserve illimitée de travailleurs forcés non rémunérés et de serviteurs à leur disposition fait partie d'un système politique fondé sur l'utilisation de la force et de l'intimidation pour dénier au peuple du Myanmar la démocratie et le respect du droit. L'expérience de ces dernières années tend à prouver que l'établissement d'un gouvernement librement choisi par le peuple et la soumission de toute autorité publique au droit sont, en pratique, des conditions indispensables à l'élimination du travail forcé au Myanmar.

543. Le présent rapport met en lumière une longue saga de misères et de souffrances inouïes, d'oppression et d'exploitation de vastes catégories de la population du Myanmar perpétrées par le gouvernement, les membres des forces armées et d'autres fonctionnaires publics. C'est l'histoire de violations grossières des droits de l'homme dont ont été victimes les habitants du Myanmar, en particulier depuis 1988, et à laquelle ils ne peuvent échapper si ce n'est en fuyant le pays. Le gouvernement, les militaires et l'administration semblent indifférents aux droits de l'homme et les bafouent en toute impunité. Leurs actions constituent de graves offenses à la dignité humaine et ont un effet avilissant sur la société civile. L'histoire montre que, lorsque les droits de l'homme sont niés ou violés dans quelque partie du monde, cela affecte inexorablement les autres parties du monde et il y a donc un intérêt vital pour la communauté internationale à ce que déni et violation des droits de l'homme soient effacés partout où ils se produisent. Tout homme, toute femme et tout enfant doit pouvoir vivre dans la dignité et jouir sur un pied d'égalité des fruits de l'indépendance, de la liberté et du développement. La commission espère et veut croire que dans un proche avenir la situation actuelle changera, laissant la place à un ordre nouveau où toute personne au Myanmar aura la possibilité de vivre dans la dignité et de développer pleinement son potentiel en toute liberté et que personne n'y sera asservi par d'autres. Ce changement ne pourra se produire que si la démocratie est rétablie et que le peuple dans son ensemble pourra exercer le pouvoir pour le bien de tous.

Genève, 2 juillet 1998.

(Signé) W. Douglas, Président.

 

P.N. Bhagwati.

R.A Layton.

* * *

Ayant signé ce rapport, les membres de la commission tiennent à remercier M. Michel Hansenne, Directeur général du BIT, et son personnel pour l'aide qu'ils ont généreusement apportée à la commission dans l'accomplissement de son mandat.

La commission est particulièrement reconnaissante à M. André Zenger, chef du Service de l'application des normes, qui a participé à toutes ses réunions et a accompagné la commission lors de sa visite dans la région, ainsi qu'à M. Max Kern, fonctionnaire principal, dont la grande expérience dans le domaine des normes du travail a été un apport essentiel au travail de la commission. La commission souhaite également remercier Mme Anne-Marie La Rosa dont la maîtrise des principes du droit international est alliée à une rare clarté d'esprit et d'expression, ainsi que M. Richard Horsey dont la connaissance de la région et de ses langues et la lucidité d'expression ont été une aide précieuse pour la commission.


962.   Voir supra paragr. 70.

963.   Pour une présentation exhaustive des mesures prises lors de la première session, voir supra paragr. 17-27.

964.   Pour plus de détails sur le déroulement de la deuxième session, voir supra chap. 4, paragr. 55-67.

965.   Voir supra paragr. 58.

966.  Rapport de la commission instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner la plainte au sujet de l'observation par la Pologne de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, présentée par des délégués à la 68e session de la Conférence internationale du Travail (1984), Bulletin Officiel, vol. LXVII, série B, paragr. 466, p. 128.

967.  Voir les articles pertinents reproduits supra au paragr. 3.

968.  Voir supra, paragr. 121 à 168.

969.  Voir supra paragr. 8.

970.  Voir supra paragr. 12-16.

971.  Voir supra, paragr. 300 à 350.

972.  Voir supra, paragr. 351 à 373.

973.  Voir supra, paragr. 374 à 388.

974.  Voir supra, paragr. 394 à 407.

975.  Voir supra, paragr. 394, 396 et 504.

976.  Voir supra, paragr. 408 à 443.

977.  Voir supra, paragr. 444 à 457.

978.  Voir supra, paragr. 458 à 461.

979.  Voir supra, 485 à 488 et 492 à 502.

980.  Voir supra, 237 et suiv. et 470 et suiv.

981.  Voir supra, paragr. 286 à 288.

982.  Voir supra, paragr. 480 et 481.

983.  Voir supra, paragr. 291 et 322.

984.  Voir supra, paragr. 302, 307, 308, 328, 329, 330, 333, 341, 343, 349, 367, 455 et 481.

985.  Voir supra, paragr. 239 et 240.

986.  Voir supra, 302, 305, 307, 312, 373, 387, 414, 434 et 442.

987.  Voir supra, paragr. 289, 340 et 429.

988.  Voir supra, paragr. 343, 367, 414 et 433.

989.  Voir supra, paragr. 292, 343, 367, 418, 433, 435 et 441.

990.  Voir supra, paragr. 292, 311, 317, 349, 376, 413 et 418.

991.  Voir supra, paragr. 292, 418 et 435.

992.  Voir supra, paragr. 292, 418, 441 et sa note de bas de page no 734.

993.  Voir supra, paragr. 311, 317, 343 (note de bas de page no 437), 349 et 418.

994.  Voir supra, paragr. 291, 302, 308, 314, 317, 323, 334, 342, 343, 353, 368, 375, 384, 416, 430, 437, 456 et 511.

995.  Voir supra, paragr. 291, 302, 314, 323, 343, 368, 375, 384, 416, 430, 437, 456 et 511.

996.  Voir supra, paragr. 291, 302, 323, 416, 430 et 511.

997.  Voir supra, paragr. 302 et 323.

998.  Voir supra, paragr. 312, 338, 348, 387, 395, 406, 415, 433, 440, 457 et 512.

999.  Voir supra, paragr. 319, 414 et 512.

1000.  Voir supra, paragr. 245 et suiv. et 473 et suiv.

1001.  Voir, inter alia, paragr. 295 et 443.

1002.  Voir supra, paragr. 370, 372 et 404.

1003.  Voir supra, paragr. 352 et 370.

1004.  Voir supra, paragr. 296, 297 et 434.

1005.  Voir supra, paragr. 295, 302, 307, 312, 373, 387, 434 et 443.

1006.  Voir paragr. 297 et 339 ainsi que plusieurs des éléments de preuve testimoniale.

1007.  Voir supra, paragr. 296.

1008.  Voir supra, paragr. 355 et suiv., 362 et 366.

1009.  Voir paragr. 296, 339 et 362. Voir également paragr. 249 et 254 concernant les restrictions à la liberté de mouvement et leurs incidences sur le travail forcé.

1010.  Voir supra, paragr. 300, 328, 330, 332 et 346.

1011.  Voir supra, paragr. 318.

1012.  Voir supra, paragr. 314.

1013.  Voir supra, paragr. 319.

1014.  Voir supra, paragr. 348.

1015.  Ibid.

1016.  Voir supra, paragr. 414 et 432.

1017.  Voir supra, paragr. 317, 349, 372, 376, 385, 418, 432, 435, 441 et 457.

1018.  Voir supra, paragr. 317, 346, 347, 349, 374, 418 et 432.

1019.  Voir supra, paragr. 317, 343, 353, 372, 418 et 432.

1020.  Voir supra, paragr. 338, 341, 370, 380, 387, 406, 414 et 433.

1021.  Voir supra, paragr. 370 et 372.

1022.  Voir supra, paragr. 316 et 348.

1023.  Voir supra, paragr. 316.

1024.  Voir supra, paragr. 315.

1025.  Voir supra, paragr. 320.

1026.  Voir supra, paragr. 417, 433 et 440.

1027.  Voir supra, paragr. 514.

1028.  Voir supra, paragr. 258.

1029.  Voir supra, paragr. 284.

1030.  Voir supra, paragr. 481 et 514.

1031.  Voir supra, paragr. 203.

1032.  Voir supra, paragr. 204 et 478.

1033.  Voir supra, paragr. 122 et suiv.

1034.  Voir supra, paragr. 119.

1035.  Voir supra, paragr. 481 et 529.

1036.  Voir supra, paragr. 258.

1037.  Voir supra, paragr. 152.

1038.  Voir supra, paragr. 477 et 489 à 491.

1039.  Document NU AGUN A/RES/52/137, 12 déc. 1997, paragr. 8.

1040.  Document NU CESE/CN.4/1998/70, 15 janv. 1998, paragr. 78.


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