GB.273/LILS/WP/PRS/3 |
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Groupe de travail sur la politique de révision des normes |
LILS/WP/PRS |
TROISIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Examen des besoins de révision des recommandations
(Première phase)
Table des matières
R.143 - Recommandation concernant les représentants des travailleurs, 1971 |
R.165 - Recommandation sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 1981 |
R.1 - Recommandation sur le chômage, 1919 |
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R.11 - Recommandation sur le chômage (agriculture), 1921 |
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R.71 - Recommandation sur l'emploi (transition de la guerre à la paix), 1944 |
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R.136 - Recommandation sur les programmes spéciaux pour la jeunesse, 1970 |
R.42 - Recommandation sur les bureaux de placement, 1933 |
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R.72 - Recommandation sur le service de l'emploi, 1944 |
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R.83 - Recommandation sur le service de l'emploi, 1948 |
R.15 - Recommandation sur l'enseignement technique (agriculture), 1921 |
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R.56 - Recommandation sur l'éducation professionnelle (bâtiment), 1937 |
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R.57 - Recommandation sur la formation professionnelle, 1939 |
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R.150 - Recommandation sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975 |
R.99 - Recommandation sur l'adaptation et la réadaptation professionnelles des invalides, 1955 |
R.119 - Recommandation sur la cessation de la relation de travail, 1963 |
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R.166 - Recommandation sur le licenciement, 1982 |
R.127 - Recommandation sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966 |
R.158 - Recommandation sur l'administration du travail, 1978 |
R.5 - Recommandation sur l'inspection du travail (services d'hygiène), 1919 |
R.19 - Recommandation sur les statistiques des migrations, 1922 |
R.91 - Recommandation sur les conventions collectives, 1951 |
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R.92 - Recommandation sur la conciliation et l'arbitrage volontaires, 1951 |
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R.94 - Recommandation concernant la collaboration sur le plan de l'entreprise, 1952 |
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R.113 - Recommandation sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960 |
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R.130 - Recommandation sur l'examen des réclamations, 1967 |
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R.163 - Recommandation sur la négociation collective, 1981 |
1. Ce document comprend l'examen au cas par cas de 42 recommandations internationales du travail. Conformément à la demande du groupe de travail, le Bureau a sélectionné une première série de recommandations en suivant l'ordre de la classification par matière des normes internationales du travail. Les recommandations examinées portent sur les droits de l'homme, l'emploi, la politique sociale, l'administration du travail et les relations professionnelles. En transposant aux recommandations les critères définis par le groupe de travail à propos de l'examen des conventions, les recommandations postérieures à 1985 ainsi que celles qui complètent les sept conventions fondamentales (nos 29, 87, 98, 100, 105, 111 et 138) et les quatre conventions prioritaires (nos 81, 122, 129 et 144) n'ont pas été incluses dans cet examen(1).
2. Avant de procéder à l'examen individuel de ces recommandations, il est nécessaire de préciser les dispositions applicables à leur révision. Les recommandations, en effet, diffèrent des conventions: elles ne font pas l'objet de ratification, et elles ne comportent pas les obligations juridiques qui en découlent. De ce point de vue, leur statut et les conditions de leur révision pourraient paraître plus simples. Les recommandations sont des actes unilatéraux, adoptés par la Conférence, qui définissent les objectifs de l'Organisation dans un domaine particulier et à un moment donné, et qui fixent des orientations à l'intention des Etats Membres en matière de politique sociale. Il en résulte que l'Organisation ne devrait en principe avoir qu'une recommandation à jour sur un sujet particulier, et que la Conférence demeure souveraine pour amender ou réviser une recommandation obsolète en adoptant une nouvelle recommandation portant sur la même matière. En réalité, la question est devenue nettement plus complexe, parce que l'Organisation n'a pas abordé la révision des recommandations de manière systématique, et parce que la Conférence et le Bureau ont mis en œuvre des pratiques qui se sont superposées au fil des années, sans que l'on ait entrepris d'en examiner la cohérence. Le groupe de travail est donc appelé à faire œuvre de pionnier, car c'est la première fois que le Conseil d'administration procède à l'examen de la révision des recommandations dans son ensemble.
Les dispositions applicables à la révision des recommandations
a) La Constitution et le Règlement de la Conférence
3. Les conditions d'adoption des recommandations et les obligations juridiques qui en découlent sont stipulées dans la Constitution de l'OIT, notamment dans son article 19. Cependant, la Constitution ne se prononce pas sur la révision des recommandations. Les dispositions à ce sujet figurent à l'article 45 du Règlement de la Conférence, et elles se limitent à la «Procédure à suivre en cas de révision d'une recommandation».
4. On rappellera que l'article 45 a été inséré dans le Règlement de la Conférence en 1948, à propos d'une question très particulière. Il s'agissait de définir la procédure à suivre pour permettre le transfert aux Nations Unies de fonctions incombant jusqu'à cette date à l'OIT et qui avaient été régies par la recommandation (no 50) sur les travaux publics (collaboration internationale), 1937, et par la recommandation (no 19) sur les statistiques des migrations, 1922. Cette question avait conduit le Conseil d'administration à soumettre un rapport à la Conférence qui préconisait l'adjonction d'un nouvel article à son Règlement. La Conférence a approuvé ce rapport ainsi que les dispositions proposées, telles qu'elles figurent aujourd'hui à l'article 45 du Règlement de la Conférence.
5. L'article 45 prévoit qu'une recommandation peut être révisée par la Conférence, en procédant à l'adoption d'une nouvelle recommandation. La révision peut être totale ou partielle mais, en cas de révision partielle, les amendements doivent être combinés «avec les dispositions non modifiées de la recommandation faisant l'objet de la révision, en vue d'établir le texte définitif du projet de recommandation issu de la révision»(2). La recommandation révisée incorpore les dispositions non modifiées de la recommandation antérieure, ce qui traduit une volonté de la part de l'Organisation de disposer d'un seul texte, si nécessaire consolidé, constituant la recommandation à jour sur un sujet particulier. On remarquera que les dispositions de l'article 45 sont parallèles à celles de l'article 44 concernant la «procédure à suivre en cas de révision d'une convention», à l'exception de la procédure préparatoire qui ne figure pas à l'article 45.
6. Les amendements et la révision d'une recommandation ne peuvent résulter que d'une décision formelle de la Conférence. Le Règlement de la Conférence reconnaît clairement sa compétence dans ce domaine. En outre, celle-ci a été confirmée dans le rapport présenté par le Conseil d'administration en 1948. A propos du transfert de fonctions régies par les deux recommandations citées au paragraphe 4, le Conseil d'administration a considéré qu'il n'était pas en son pouvoir de donner son accord à un tel transfert, «car cela irait à l'encontre de décisions prises par la Conférence»(3).
7. Pour justifier le caractère exclusif de la compétence de la Conférence, le Conseil d'administration a rappelé à cette occasion les obligations résultant de l'adoption d'une recommandation: soumission aux autorités compétentes; présentation par les Etats Membres de rapports sur l'état de la législation et de la pratique concernant la question qui fait l'objet de la recommandation; dans certains cas, prévus par des recommandations particulières, communication par les Etats Membres de renseignements au Bureau. Les recommandations comportent donc des effets juridiques à l'égard des Etats Membres que seule la Conférence peut faire naître et modifier.
8. L'article 45 est limité aux questions de procédure. Il ne précise pas, en particulier, quels sont les effets de l'adoption d'une recommandation révisée sur la recommandation antérieure. Le Conseil d'administration, dans son rapport de 1948, a été plus explicite; à son avis, «la recommandation antérieure cesserait [...] d'avoir la force d'une recommandation approuvée par la Conférence»(4). En d'autres termes, la recommandation révisée se substituerait à la recommandation antérieure. Bien que ces observations n'aient pas la valeur d'une disposition juridique, et qu'elles aient été formulées au conditionnel, elles méritent d'être soulignées, car elles éclairent la pratique ultérieure de l'Organisation.
9. Cette notion de substitution d'une recommandation révisée à une recommandation antérieure a toutefois été précisée par le Conseil d'administration. Selon les termes de son rapport, la recommandation antérieure perdrait sa force juridique «dans la mesure prévue par la nouvelle recommandation»(5), les dispositions de la recommandation révisée prévoyant le remplacement de la recommandation antérieure. Le remplacement devrait être explicite, c'est-à-dire être mentionné dans le texte de la recommandation révisée ou tout au moins ressortir clairement des intentions de la Conférence. Si l'on suit le Conseil d'administration dans son analyse, la possibilité d'un remplacement implicite ou tacite, qui pourrait être déduit d'indices ou d'une situation de fait, devrait être écartée.
10. Enfin, le Conseil d'administration reconnaissait que des recommandations pouvaient devenir désuètes dans certaines circonstances: «Une recommandation peut être désuète soit parce que ses dispositions ont été dépassées par les dispositions d'une recommandation ultérieure ou d'une convention, soit parce que les conditions dans lesquelles elle avait été rédigée sont complètement transformées»(6). Il préconisait alors de modifier la recommandation désuète, et il invitait la Conférence à approuver les nouvelles dispositions inscrites aujourd'hui à l'article 45 de son Règlement. Toutefois, l'observation du Conseil avait une portée plus large que la solution préconisée. Si une recommandation peut devenir désuète à la suite de l'adoption d'une convention ultérieure, ou parce que les conditions ont radicalement changé, quelles conséquences devrait-on en tirer?
11. En faisant cette observation, le Conseil abordait deux questions de nature différente, qui n'ont pas été réglées par l'article 45 du Règlement de la Conférence. Première question: une convention ultérieure pourrait remplacer une recommandation antérieure. Même si le Règlement de la Conférence n'envisage pas cette hypothèse, on doit considérer qu'elle est tout à fait conforme à la Constitution. Celle-ci, à l'article 19, paragraphe 1), prévoit l'adoption d'une recommandation «lorsque l'objet traité ou un de ses aspects ne se prête pas à l'adoption immédiate d'une convention». Cette disposition implique que, lorsque les conditions ont mûri, l'objet d'une recommandation peut être repris dans une convention ultérieure. De fait, il existe dans le système normatif de l'OIT plusieurs cas de conventions, fréquemment accompagnées d'une recommandation, qui ont remplacé les dispositions de recommandations antérieures. Si l'on admet qu'une recommandation ultérieure puisse remplacer une recommandation antérieure, on devrait admettre a fortiori qu'une convention ultérieure puisse avoir les mêmes effets, pour autant que l'intention de la Conférence ait été explicite.
12. Deuxième question: une recommandation pourrait être désuète parce que les conditions prévalant au moment de son adoption ont radicalement changé. Ainsi, l'extinction d'un secteur d'activités du fait de l'évolution des techniques pourrait certainement rendre désuète ou obsolète une recommandation destinée à ce secteur. Il s'agit là d'une situation de fait, qui demande à être appréciée au cas par cas. La recommandation deviendrait alors sans objet, et dénuée d'effets, mais cela ne signifie pas que son existence juridique aurait pris fin. En outre, le Conseil d'administration envisageait qu'une recommandation puisse être désuète parce que ses dispositions auraient été «dépassées» par les dispositions d'une recommandation ou d'une convention ultérieure, et il préconisait dans ce cas de la réviser. Toutefois, si cette révision n'a pas eu lieu, la recommandation en cause resterait obsolète. Il s'agit alors d'analyser la relation entre les dispositions d'instruments qui se succèdent dans le temps, question qui se situe sur un autre plan qu'une révision entreprise par la Conférence.
13. Les dispositions et les observations qui précèdent conduisent à opérer une distinction entre la révision des recommandations et leur obsolescence. La révision, comme l'adoption d'une recommandation, ne peut résulter que d'un acte de la Conférence; l'obsolescence est un état de fait. On pourrait objecter que cette distinction est assez formelle et que ses conséquences pratiques, entre une recommandation qui a été juridiquement remplacée et une autre qui n'a plus d'effets parce qu'elle est devenue obsolète (sans avoir été juridiquement remplacée), sont peu importantes. Cependant, cette distinction permet de délimiter les pouvoirs respectifs de la Conférence et du Conseil d'administration dans ce domaine. Et elle n'est pas dépourvue de conséquences, comme le montrent la pratique de la Conférence et les mesures prises à cet égard par le Bureau.
b) La pratique de la Conférence
14. Les dispositions insérées en 1948 dans le Règlement de la Conférence n'ont sans doute pas eu l'effet escompté. En réalité, les révisions au sens strict de recommandations antérieures ont été fort peu nombreuses. La recommandation (no 86) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, adoptée à la suite des débats sur le transfert de certaines fonctions de l'OIT aux Nations Unies, est la seule dont le titre comporte le terme «révisée». De plus, quelques autres recommandations mentionnent dans leur préambule une référence à la révision de recommandations antérieures, notamment la recommandation (no 174) sur le rapatriement des marins, 1987, la recommandation (no 185) sur l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer, 1996, et la recommandation (no 187) sur les salaires et la durée du travail des gens de mer et les effectifs des navires, 1996.
15. Les articles 44 et 45 avaient pour but d'instituer une procédure spéciale pour la révision des conventions et des recommandations, respectivement. Dans la pratique, la révision des recommandations a été entreprise conformément à la procédure ordinaire de double ou simple discussion prévue aux articles 38 à 40 du Règlement de la Conférence, les recommandations adoptées accompagnant et complétant dans la plupart des cas des conventions portant sur la même matière, de telle sorte que les articles 44 et 45 sont tombés en désuétude.
16. De fait, la Conférence a eu plutôt recours au remplacement de recommandations antérieures. Le groupe de travail aura à examiner dans le présent document plusieurs recommandations qui ont été explicitement remplacées par des recommandations ultérieures. Le terme «remplacement» a été utilisé pour la première fois dans le texte de la recommandation (no 117) sur la formation professionnelle, 1962. Il ressort des travaux préparatoires que le but visé était d'élaborer un instrument unique qui se substituerait à trois recommandations antérieures(7). Par la suite, et jusqu'à la période contemporaine, des recommandations ont été remplacées par des recommandations et/ou des conventions ultérieures(8).
17. En outre, la Conférence a parfois disposé qu'une recommandation «complétait» une recommandation antérieure(9). Dans de tels cas, on doit considérer que l'intention de la Conférence n'a pas été de réviser la recommandation antérieure, au sens de l'article 45 de son Règlement. D'autres recommandations mentionnent, dans leur préambule, que la Conférence a pris «note» de recommandations antérieures. La relation ainsi établie n'a pas d'effets directs sur la ou les recommandations citées dans le préambule; en tout état de cause, elle ne saurait être interprétée comme impliquant leur révision ou leur remplacement.
c) Les mesures prises par le Conseil d'administration et le Bureau
18. A l'instar des conventions, les recommandations ont fait l'objet d'un examen systématique en 1974 dans le cadre de l'Etude en profondeur des normes internationales du travail(10). Ce document répertoriait, en suivant la classification des normes par matière, les recommandations qui «ont un intérêt actuel», c'est-à-dire qui demeuraient en vigueur et à jour, et celles qui avaient été remplacées et /ou qui «ne présentent plus d'intérêt». Dans la catégorie des recommandations remplacées, le Bureau rangeait deux types d'instruments: les recommandations qui avaient été révisées ou remplacées juridiquement par une décision de la Conférence, et des recommandations désuètes au sens du rapport du Conseil d'administration en 1948, c'est-à-dire dépassées du fait de l'adoption de nouvelles normes. En conséquence, l'étude de 1974 contenait une liste assez longue de recommandations remplacées, sans nette distinction entre les remplacements décidés par la Conférence et ceux sur lesquels la Conférence ne s'était pas prononcée.
19. Une démarche différente, voire opposée, semble avoir été adoptée par les deux groupes de travail (dits Ventejol) du Conseil d'administration, dont les rapports ont été publiés, respectivement, en 1979 et 1987(11). En classant par matière et par catégorie les normes internationales du travail, les groupes de travail Ventejol ont conservé l'ensemble des recommandations, y compris les recommandations révisées ou remplacées par la Conférence, et les recommandations ne présentant plus d'intérêt selon la terminologie de l'étude de 1974. La classification mentionnait: 1) les recommandations à promouvoir en priorité; 2) les recommandations à réviser; 3) les «autres instruments», catégorie dans laquelle on retrouve généralement les recommandations révisées ou remplacées, et les recommandations obsolètes; 4) les matières pouvant faire l'objet de nouveaux instruments. Les groupes de travail Ventejol n'ont pas pris position sur les effets des révisions ou remplacements effectués par la Conférence, et encore moins sur les mesures à prendre à l'égard des recommandations obsolètes.
20. Cependant, le Conseil d'administration, sur la recommandation du groupe de travail Ventejol en 1979, a chargé le Bureau de mettre de côté certaines recommandations, en ne les publiant plus dans la nouvelle édition du recueil des conventions et recommandations internationales du travail. On notera que le Conseil, dans sa décision, a laissé au Bureau «la faculté d'omettre certaines recommandations, classées dans la catégorie 3, qui ont été remplacées ou annulées par une convention ou une recommandation plus récente ou qui sont de nature purement transitoire [...]»(12). Même s'il n'en a pas lui-même tiré les conséquences, le groupe de travail Ventejol de 1979 a donc reconnu que certaines recommandations avaient été «remplacées ou annulées», et que d'autres étaient devenues obsolètes, du fait de leur nature «transitoire». Sur cette base, le Bureau n'a pas reproduit un nombre assez important de recommandations, 64 au total, dans la nouvelle édition du recueil. Parmi les recommandations non reproduites, on trouve à la fois des recommandations remplacées par la Conférence et des recommandations obsolètes. Cependant, la liste des recommandations non reproduites semble relativement incertaine, puisqu'elle ne concorde pas totalement avec celle publiée dans la dernière édition du recueil Maritime Labour Conventions and Recommendations(13).
Critères d'examen
21. Les remarques qui précédent montrent que le groupe de travail, avant d'entreprendre l'examen au cas par cas de recommandations, devrait essayer de fixer des critères généraux relatifs à leur révision. On a observé des fluctuations assez importantes dans la pratique de l'Organisation et du Bureau, et les hésitations relevées proviennent pour une grande part d'un manque de dispositions de fond, faisant autorité dans ce domaine. Pour pouvoir faire des recommandations cohérentes au Conseil d'administration, le groupe de travail pourrait d'abord faire œuvre de clarification, comme condition préalable à l'efficacité de son examen.
22. En premier lieu, le groupe de travail pourrait noter que la Conférence a eu recours au remplacement de recommandations antérieures, plutôt qu'à leur révision au sens de l'article 45 de son Règlement. L'opération de remplacement a une portée plus large que la révision, puisqu'elle inclut la modification d'une recommandation par une convention et/ou une recommandation ultérieure, et non seulement par une autre recommandation comme le prévoit l'article 45. Elle peut être également plus souple, dans la mesure où elle permet à la Conférence de n'être pas strictement liée par la procédure de l'article 45. Enfin, la notion de remplacement peut être employée dans un sens générique et englober la révision au sens strict, ce dernier terme n'étant utilisé que dans le cas prévu à l'article 45. C'est dans ce sens que le Bureau utilisera le terme de remplacement dans la suite du document.
23. Une deuxième question, certainement la plus délicate, porte sur l'effet juridique d'un remplacement à l'égard de la recommandation antérieure. On a relevé l'absence d'une disposition explicite à ce sujet, mais aussi l'existence d'une pratique de l'Organisation et du Bureau en vertu de laquelle l'instrument ultérieur se substituerait à la recommandation antérieure. Celle-ci serait donc remplacée et annulée en tant qu'acte juridique. Ce sens est celui suivi dans le rapport du Conseil d'administration de 1948, et ressort par ailleurs des travaux préparatoires des instruments ultérieurs concernés. On peut relever également qu'on ne trouve plus de référence aux recommandations remplacées dans les préambules des instruments adoptés par l'Organisation postérieurement à leur remplacement. Dans l'étude de 1974, le Bureau avait noté que «les recommandations peuvent être abrogées à tout moment par la Conférence, du fait de l'adoption de normes plus à jour ou en vertu d'une décision prise uniquement à cet effet», et il évoquait la possibilité de supprimer du «code de l'OIT» les recommandations juridiquement remplacées(14). En 1979, la décision du Conseil d'administration relative à la publication des conventions et recommandations faisait état des recommandations «remplacées ou annulées». Il existe donc une pratique d'une durée d'un demi-siècle en ce sens, sans qu'on puisse la considérer comme constante. Les groupes de travail Ventejol, notamment, avaient évité de se prononcer sur l'effet juridique du remplacement d'une recommandation antérieure, question qui relève de la Conférence. En attendant, le groupe de travail pourrait prendre note de la pratique susmentionnée et recommander au Conseil d'administration de faire rapport à la Conférence pour que celle-ci prenne des dispositions concernant les effets du remplacement ou de la révision des recommandations. Une proposition à cet effet sera exposée ci-dessous.
24. On a mentionné que le terme «remplacement» avait été employé dans deux sens différents: dans un premier sens, lorsqu'une recommandation a été remplacée par un instrument ultérieur en vertu d'une disposition expresse de la Conférence; par la suite, et dans un sens plus large, on a parfois eu recours à ce terme pour qualifier des recommandations devenues obsolètes à cause de l'adoption de normes ultérieures. Le Bureau propose au groupe de travail d'utiliser le terme «remplacement» dans le cas d'un remplacement juridique résultant d'une décision expresse de la Conférence. Lorsque le terme a été utilisé par le Bureau dans un sens plus large, notamment dans l'étude de 1974, le présent document se réfère à un remplacement de fait (bien que cette précision ne figure pas dans l'étude elle-même). Le système normatif de l'OIT est devenu assez complexe pour que des normes ultérieures puissent avoir des incidences directes ou indirectes sur les dispositions d'un certain nombre de recommandations antérieures. Dans ces conditions, le seul critère faisant autorité et assurant une sécurité juridique satisfaisante consiste à déterminer l'intention de la Conférence. Celle-ci a-t-elle voulu remplacer une recommandation antérieure, ou non? Les dispositions de l'instrument ultérieur, ou à titre subsidiaire les travaux préparatoires à l'adoption de cet instrument, devraient indiquer si la réponse est affirmative. Si tel n'est pas le cas, la recommandation antérieure ne peut être considérée comme juridiquement remplacée; mais elle est peut-être devenue obsolète du fait de l'adoption de normes ultérieures. En conséquence, le Bureau propose au groupe de travail de distinguer le cas des recommandations qui ont été remplacées par des dispositions expresses de la Conférence de la situation des recommandations qui pourraient être devenues obsolètes à la suite d'un changement des circonstances ou de l'adoption de normes ultérieures.
25. Enfin, il convient de distinguer deux catégories de recommandations: celles qui accompagnent ou complètent les conventions, et celles qui ont un caractère autonome. En ce qui concerne la première catégorie, les recommandations faites par le groupe de travail à l'égard des conventions sont susceptibles de déterminer les propositions formulées à l'égard des recommandations correspondantes. En d'autres termes, si le groupe de travail a précédemment recommandé de réviser une convention, il est fort probable que la recommandation qui l'accompagne devra également être remplacée ou révisée; de même si la convention a été jugée à jour, la même appréciation vaudra sans doute pour la recommandation. Il peut toutefois y avoir des exceptions, qui seront analysées cas par cas. Quant aux recommandations autonomes, elles seront examinées en tant que telles, compte tenu de la pertinence de leurs dispositions.
Résumé des propositions
26. Les propositions soumises à l'examen du groupe de travail sont de deux types: les unes concernent l'analyse au cas par cas des recommandations, tandis qu'une autre porte de manière plus générale sur le remplacement des recommandations.
1) Examen cas par cas
27. Le groupe de travail est invité à examiner les propositions suivantes:
a) Recommandations qui pourraient faire l'objet d'un remplacement
28. Dans cinq cas, il est proposé au groupe de travail de recommander au Conseil d'administration d'inviter la Conférence à prendre en considération la recommandation concernée dans le cadre d'une discussion générale inscrite à l'ordre du jour de la Conférence ou qui pourrait y être inscrite (c'est-à-dire incluse dans le portefeuille de propositions) afin d'évaluer le besoin de la remplacer. Il peut s'agir de recommandations d'ores et déjà considérées comme obsolètes.
b) Promotion des recommandations à jour
29. Lorsqu'une recommandation peut être considérée comme étant à jour, le groupe de travail est invité à recommander au Conseil d'administration de promouvoir ladite recommandation et d'inviter les Etats Membres à lui donner effet, conformément aux dispositions de l'article 19 de la Constitution. Onze recommandations sont concernées.
c) Recommandations remplacées
30. En ce qui concerne sept recommandations, le groupe de travail est invité à recommander au Conseil d'administration de prendre acte de leur remplacement par des instruments ultérieurs et de demander au Bureau de s'abstenir de toute mesure visant à leur donner effet, sans préjudice des dispositions dont la Conférence pourrait être saisie ultérieurement.
d) Recommandations obsolètes
31. Lorsqu'une recommandation peut être considérée comme obsolète, et qu'il n'y a pas lieu d'envisager son remplacement par de nouvelles normes, le groupe de travail est invité à recommander au Conseil d'administration de prendre note du caractère obsolète de cette recommandation et, en temps opportun, de proposer à la Conférence son retrait. Cette proposition concerne quatorze recommandations.
e) Demande d'informations complémentaires
32. Dans deux cas, le Bureau n'a pas été en mesure d'apprécier si les recommandations examinées pourraient être remplacées. Les sujets couverts ne sont pas inclus dans une question inscrite ou proposée pour inscription à l'ordre du jour de la Conférence. Le groupe de travail est alors invité à recommander au Conseil d'administration de demander aux Etats Membres des informations complémentaires à leur sujet.
f) Statu quo
33. Une recommandation, bien que très ancienne, s'est avérée présenter encore une certaine utilité, une autre accompagne une convention pour qui le statu quo a été décidé. Il est proposé au groupe de travail de recommander au Conseil d'administration le statu quo à leur égard.
g) Examen reporté
34. Pour une autre recommandation, il a été proposé de reporter l'examen compte tenu des implications que pourrait avoir sur son sort la décision qui sera prise prochainement à l'égard de la convention qu'elle complète.
2) Remplacement des recommandations
35. En ce qui concerne le remplacement des recommandations, si le groupe de travail le souhaite, le Bureau pourrait examiner s'il est utile de codifier en vue de la rationaliser la pratique suivie jusqu'à présent par la Conférence et par le Bureau et préparer un document à cet effet. Ce document pourrait être présenté lorsque le groupe de travail aura terminé l'examen au cas par cas des recommandations, en novembre 1999 ou en mars 2000.
36. Dans le domaine des droits fondamentaux, trois recommandations concernant la liberté syndicale et une concernant l'égalité de chances et de traitement ont été analysées.
R.143 |
- Recommandation concernant les représentants des travailleurs, 1971 |
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R.149 |
- Recommandation sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975 |
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R.159 |
- Recommandation sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978 |
* * *
Egalité de chances et de traitement
I.2 R.165 - Recommandation sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 1981
* * *
37. Dans le domaine de l'emploi, l'OIT a adopté une série de recommandations dont vingt-quatre sont examinées dans la présente section. Ces recommandations portent sur cinq domaines: politique de l'emploi, services de l'emploi et bureaux de placement payants, orientation et formation professionnelles, réadaptation et emploi des personnes handicapées, et sécurité de l'emploi.
38. Sur les huit recommandations examinées qui concernent la politique de l'emploi, une seule accompagne une convention, les sept autres ayant un caractère autonome.
II.1 R.1 - Recommandation sur le chômage, 1919
R.11 |
- Recommandation sur le chômage (agriculture), 1921 |
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R.45 |
- Recommandation sur le chômage (jeunes gens), 1935 |
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R.50 |
- Recommandation sur les travaux publics (collaboration internationale), 1937 |
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R.51 |
- Recommandation sur les travaux publics (organisation nationale), 1937 |
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R.73 |
- Recommandation sur les travaux publics (organisation nationale), 1944 |
II.3 R.71 - Recommandation sur l'emploi (transition de la guerre à la paix), 1944
II.4 R.136 - Recommandation sur les programmes spéciaux pour la jeunesse, 1970
* * *
Services de l'emploi et bureaux de placement payants
39. On examinera ci-après trois recommandations, dont les deux premières accompagnent des conventions et la troisième a un caractère autonome.
II.5 R.42 - Recommandation sur les bureaux de placement, 1933
II.6 R.72 - Recommandation sur le service de l'emploi, 1944
II.7 R.83 - Recommandation sur le service de l'emploi, 1948
* * *
Orientation et formation professionnelles
40. Neuf recommandations sur ce sujet sont examinées ci-après. La recommandation la plus récente accompagne une convention. Les huit autres ont un caractère autonome.
II.8 R.15 - Recommandation sur l'enseignement technique (agriculture), 1921
II.9 R.56 - Recommandation sur l'éducation professionnelle (bâtiment), 1937
R.57 - Recommandation sur la formation professionnelle, 1939 |
II.11 R.150 - Recommandation sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975
* * *
Réadaptation et emploi des personnes handicapées
41. Les deux recommandations concernées sont la recommandation (no 99) sur l'adaptation et la réadaptation
professionnelles des invalides, 1955, et la recommandation (no 168) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des
personnes handicapées, 1983.
R.99 - Recommandation sur l'adaptation et la réadaptation professionnelles des invalides, 1955 |
* * *
42. Les deux recommandations examinées ci-après sont la recommandation (no 119) sur la cessation de la relation de travail, 1963, et la recommandation (no 166) sur le licenciement, 1982.
II.13 R.119 - Recommandation sur la cessation de la relation de travail, 1963
II.14 R.166 - Recommandation sur le licenciement, 1982
* * *
III.1 R.127 - Recommandation sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966
* * *
43. On examinera ci-après six recommandations relatives à cette question. L'une d'elle, qui est la norme la plus récente et la plus détaillée, complète une convention. Les cinq autres sont autonomes.
IV.1 R.158 - Recommandation sur l'administration du travail, 1978
* * *
R.5 - Recommandation sur l'inspection du travail (services d'hygiène), 1919 |
* * *
IV.3 R.19 - Recommandation sur les statistiques des migrations, 1922
* * *
44. Six des sept recommandations examinées ci-dessous ont un caractère autonome. La norme la plus récente complète une convention.
V.1 R.91 - Recommandation sur les conventions collectives, 1951
V.2 R.92 - Recommandation sur la conciliation et l'arbitrage volontaires, 1951
R.94 - Recommandation concernant la collaboration sur le plan de l'entreprise, 1952 |
V.4 R.113 - Recommandation sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960
V.5 R.130 - Recommandation sur l'examen des réclamations, 1967
V.6 R.163 - Recommandation sur la négociation collective, 1981
* * *
45. A sa prochaine session, en mars 1999, le groupe de travail pourrait examiner une deuxième série de recommandations de l'Organisation selon les critères retenus et la méthodologie suivie dans le présent document.
46. Le groupe de travail est invité à examiner les propositions énumérées ci-dessus et à présenter à la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail ses recommandations en la matière.
Genève, le 27 octobre 1998.
Point appelant une décision: paragraphe 46.
1. Documents GB.264/LILS/4 et GB.267/LILS/4/2. Par ailleurs, le groupe de travail est saisi d'un document sur les conventions relatives aux gens de mer et aux pêcheurs (document GB.273/LILS/WP/PRS/4). Les recommandations sur les gens de mer et les pêcheurs feront l'objet d'un document séparé qui sera soumis au groupe de travail lors de sa prochaine réunion, en mars 1999.
2. Article 45, paragraphe 6.
3. Conférence internationale du Travail, 31e session, San Francisco, 1948. Compte rendu des travaux, annexe III, Règlement de la Conférence, p. 329.
4. Ibid., p. 330.
5. Ibid.
6. Ibid.
7. BIT: La formation professionnelle, Conférence internationale du Travail, 45e session, 1961, rapport VII(1), p. 2. Voir aussi, par exemple, BIT: Egalité de chances et de traitement pour les travailleurs des deux sexes: travailleurs ayant des responsabilités familiales, Conférence internationale du Travail, 66e session, 1980, rapport VI(2), p. 13.
8. Ainsi, la recommandation (no 28) sur l'inspection du travail (gens de mer), 1926, a été remplacée par la convention (no 178) sur l'inspection des conditions de travail et de vie des gens de mer, 1996 (voir l'article 10 de cette convention).
9. Par exemple, la recommandation (no 168) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983, complète la recommandation no 99 (et la convention no 159). Cf. infra, p. 20.
10. Document GB.194/PFA/12/5, nov. 1974. Ci-après «l'étude de 1974».
11. Rapport du groupe de travail sur les normes internationales du travail, Bulletin officiel, vol. LXII, 1979, série A, no spécial; idem, Bulletin officiel, vol. LXX, 1987, série A, no spécial.
12. Ibid. (1979), p. 13.
13. Ainsi, la recommandation (no 77) sur la formation professionnelle des gens de mer, 1946, remplacée par la recommandation (no 137) sur la formation professionnelle des gens de mer, 1970, n'est plus reproduite dans le recueil général, mais elle reste publiée dans le recueil des conventions et recommandations maritimes.
14. Document GB.194/PFA/12/5, p. 10. Il était indiqué en note de bas de page que: «Certaines recommandations prévoient déjà qu'elles «remplacent» des normes antérieures, mais aucune mesure n'a été prise jusqu'ici en vue de la suppression formelle de ces normes dans le code de l'OIT».
15. Document GB.268/LILS/WP/PRS/1.
16. Document GB.270/LILS/WP/PRS/2.
17. Pour les conventions nos 135 et 151, voir document GB.268/8/2, et pour la convention no 141, voir document GB.270/9/2.
18. Documents GB.268/LILS/WP/PRS/1 et GB.271/LILS/WP/PRS/2.
19. Document GB.271/11/2.
20. Document GB.194/PFA/12/5, annexe I, p. 58.
21. Documents GB.267/LILS/WP/PRS/2 et GB.268/LILS/WP/PRS/1.
22. Document GB.268/8/2.
23. Document GB.194/PFA/12/5, annexe I, p. 58.
24. Examinée ci-dessous.
25. Document GB.194/PFA/12/5, annexe I, p. 58.
26. Document GB.273/2 (paragr. 63-81).
27. Examinée ci-dessus.
28. L'Australie a proposé une discussion générale préliminaire sur la formation profes-sionnelle des jeunes, qui permettrait de décider s'il y a lieu de réviser la recommandation no 136 ou s'il y avait lieu d'adopter une convention sur cette question. Document GB.270/2, paragr. 75.
29. Document GB.271/4/1, paragr. 32.
30. Document GB.265/LILS/WP/PRS/1.
31. Documents GB.265/8/2 et GB.265/LILS/5.
32. Document GB.194/PFA/12/5, annexe I, p. 58.
33. Conférence internationale du Travail, 81e session, Compte rendu provisoire no 21, p. 27.
34. Document GB.267/LILS/WP/PRS/2.
35. Document GB.267/9/2.
36. Document GB.268/LILS/WP/PRS/1.
37. Document GB.268/8/2.
38. Document GB.268/LILS/WP/PRS/1.
39. Document GB.268/8/2.
40. Conférence internationale du Travail, 86e session, rapport III (partie IB).
41. Documents GB.268/LILS/WP/PRS/1 et GB.268/8/2.
42. Documents GB.271/LILS/WP/PRS/2 et GB.271/11/2.
43. Document GB.194/PFA/12/5, annexe I, p. 80.
44. Document GB.273/2, paragr. 51-62.
45. Document GB.268/LILS/WP/PRS/1.
46. Document GB.268/8/2.
47. BIT: Administration du travail, Etude d'ensemble sur la convention (no 150) et la recommandation (no 158) sur l'administration du travail, 1978, Genève, 1997.
48. Document GB.194/PFA/12/5, annexe I, p. 57.
49. Document GB.194/PFA/12/5, annexe I, p. 59.
50. Document GB.273/2, paragr. 82-93.
51. Document GB.194/PFA/12/5, annexe I, p. 59.
52. La consultation tripartite au niveau national sur la politique économique et sociale, Conférence internationale du Travail, 1996, rapport VI, p. 44.
53. Document GB.268/LILS/WP/PRS/1.
54. Document GB.268/8/2.