Genève, 21 mai 1999 |
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Rapport du Directeur général aux membres
du Conseil d'administration
sur les
Mesures prises par le gouvernement du Myanmar
pour mettre en œuvre les recommandations
de la commission d'enquête chargée d'examiner
la plainte concernant l'exécution de la convention (no 29)
sur le travail forcé, 1930
Introduction
1. A sa 274e session (mars 1999), le Conseil d'administration a décidé:
a) d'inviter le Directeur général à informer les membres du Conseil d'administration, au moyen d'un rapport écrit qui devra leur être soumis le 21 mai 1999 au plus tard, des mesures prises par le gouvernement du Myanmar pour donner effet aux recommandations de la commission d'enquête, en leur fournissant des précisions sur toute assistance technique qui pourrait être demandée ou dispensée;
b) d'inviter le Directeur général, lorsqu'il préparera le rapport susmentionné, à tenir compte de toutes les observations formulées par le gouvernement du Myanmar et des informations fournies par les organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi que de toute autre source fiable;
c) et, immédiatement après:
i) de prier le Directeur général de diffuser les constatations et les conclusions de la commission d'enquête dans tout le système des Nations Unies et d'incorporer les réponses qu'il aura reçues dans le rapport susmentionné;
ii) d'inscrire à l'ordre du jour de la 276e session du Conseil d'administration une question intitulée: «Mesures, y compris celles recommandées en vertu de l'article 33 de la Constitution de l'OIT, pour assurer l'exécution par le gouvernement du Myanmar des recommandations de la commission d'enquête»(1) .
2. Dans une lettre datée du 1er avril 1999, se référant à la décision prise par le Conseil d'administration à sa 274e session (mars 1999), le Directeur général du BIT a demandé au gouvernement du Myanmar de l'informer en détail, le 3 mai 1999 au plus tard, de toute mesure prise par le gouvernement pour donner suite à chacune des recommandations énoncées aux paragraphes 539 et 540 du rapport de la commission d'enquête. En réponse, le gouvernement a envoyé deux lettres datées des 12 et 18 mai 1999, qui sont reproduites aux annexes I et II.
3. Des demandes visant à obtenir toutes informations disponibles sur l'effet donné par le gouvernement du Myanmar aux recommandations de la commission d'enquête ont aussi été adressées aux organisations internationales d'employeurs et de travailleurs dotées du statut consultatif auprès de l'OIT, à un certain nombre d'organisations intergouvernementales et aux gouvernements des Etats Membres de l'OIT. Au 20 mai 1999, des réponses avaient été reçues des organisations suivantes: Confédération internationale des syndicats libres, Confédération mondiale du travail, Confédération de l'industrie et des employeurs de Finlande, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, Organisation maritime internationale, Fonds monétaire international, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Organisation des Nations Unies pour le développement industriel, Union postale universelle et Banque mondiale, ainsi que des gouvernements des pays suivants: Bulgarie, Colombie, Costa Rica, Croatie, El Salvador, Etats-Unis, Inde, Indonésie, Italie, Kenya, Maroc, Pérou, Royaume-Uni et Suède.
4. Dans son rapport(2) , communiqué au gouvernement du Myanmar le 27 juillet 1998, la commission d'enquête instituée pour examiner le respect de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, a conclu que:
... l'obligation aux termes de l'article 1, paragraphe 1, de la convention de supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire est violée au Myanmar dans la législation nationale, en particulier par la loi sur les villages et la loi sur les villes, ainsi que dans la pratique, de façon généralisée et systématique avec un mépris totale de la dignité humaine, de la sécurité, de la santé et des besoins essentiels du peuple du Myanmar.
De même, le gouvernement viole son obligation au titre de l'article 25 de la convention de s'assurer que les sanctions imposées par la loi pour le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sont réellement efficaces et strictement appliquées(3) .
5. «Au vu du manquement flagrant et persistant du gouvernement aux dispositions de la convention», la commission, dans ses recommandations, exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer:
a) que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, comme l'a déjà demandé la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et comme le gouvernement le promet depuis plus de trente ans et l'annonce de nouveau dans ses observations sur la plainte. Ceci devrait être effectué sans délai et achevé au plus tard le 1er mai 1999;
b) que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et notamment par les militaires. Ceci est d'autant plus important que le pouvoir d'imposer du travail obligatoire paraît être tenu pour acquis, sans aucune référence à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes. En conséquence, au-delà des modifications législatives, des mesures concrètes doivent être prises immédiatement pour chacun des nombreux domaines dans lesquels du travail forcé a été relevé aux chapitres 12 et 13 [du rapport de la commission] afin d'arrêter la pratique actuelle. Cela ne doit pas être fait au moyen de directives secrètes, qui sont contraires à un Etat de droit et ont été inefficaces, mais par des actes publics du pouvoir exécutif promulgués et diffusés à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l'ensemble de la population. Aussi, les mesures à prendre ne doivent pas se limiter à la question du versement d'un salaire; elles doivent assurer que personne ne soit contraint de travailler contre son gré. Néanmoins, il faudra également prévoir au budget les moyens financiers nécessaires pour engager une main-d'œuvre salariée travaillant librement aux activités relevant du domaine public qui sont actuellement exécutées au moyen de travail forcé et non rémunéré;
c) que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l'article 374 du Code pénal pour le fait d'exiger un travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, conformément à l'article 25 de la convention. Ceci demande de la rigueur dans les enquêtes et poursuites et l'application de sanctions efficaces à ceux qui auront été reconnus coupables. Comme l'a relevé en 1994 le comité du Conseil d'administration créé pour examiner la plainte présentée par la CISL en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant le non-respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, les poursuites pénales engagées à l'encontre de ceux qui recourent à la coercition paraissent d'autant plus importantes que l'absence de délimitations nettes entre travail obligatoire et travail volontaire, qui apparaissait tout au long des déclarations du gouvernement au comité, risque encore de marquer le recrutement effectué par les responsables locaux ou militaires. Le pouvoir d'imposer du travail obligatoire ne cessera d'être tenu pour acquis que lorsque ceux qui sont habitués à exercer ce pouvoir seront réellement confrontés avec leur responsabilité pénale(4) .
6. La commission d'enquête a fait observer que ses recommandations «demandent une action immédiate de la part du gouvernement du Myanmar»(5) .
7. Les informations reçues sur l'effet donné aux recommandations de la commission d'enquête seront exposées en trois parties, portant sur: i) l'amendement de la législation; ii) l'imposition dans la pratique du travail forcé ou obligatoire et toute mesure prise par le gouvernement pour mettre un terme à cette pratique; et iii) l'application de sanctions qui peuvent être imposées en vertu du Code pénal pour le fait d'exiger un travail forcé ou obligatoire.
I. Amendement de la législation
8. Dans son rapport, la commission d'enquête a noté:
... qu'aux termes de l'article 11 d), lu conjointement avec l'article 8, paragraphe 1 g), n) et o), de la loi sur les villages, ainsi que de l'article 9 b) de la loi sur les villes, du travail ou des services peuvent être imposés à toute personne résidant dans un arrondissement rural ou urbain, c'est-à-dire un travail ou des services pour lesquels l'intéressé ne s'est pas offert de plein gré et que la non-obtempération à une réquisition faite en application de l'article 11 d) de la loi sur les villages ou de l'article 9 b) de la loi sur les villes est passible des sanctions pénales prévues à l'article 12 de la loi sur les villages ou de l'article 9 a) de la loi sur les villes. Ainsi, ces lois prévoient l'imposition d'un «travail forcé ou obligatoire» relevant de la définition de l'article 2, paragraphe 1, de la convention(6) .
La commission a noté en outre que les larges pouvoirs de réquisition de main-d'œuvre découlant de ces dispositions ne rentrent dans aucune des exceptions énumérées à l'article 2, paragraphe 2, de la convention et sont totalement incompatibles avec la convention(7) . Rappelant que l'amendement de ces dispositions était promis par le gouvernement depuis plus de trente ans et annoncé de nouveau par ce dernier dans ses observations sur la plainte, la commission a exhorté le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer que la loi sur les villages et la loi sur les villes soient mises en conformité avec la convention sans délai et que cela soit achevé au plus tard le 1er mai 1999(8) .
9. En réponse à la demande qui lui a été faite de rendre compte de toutes mesures prises pour donner effet à chacune des recommandations énoncées aux paragraphes 539 et 540 du rapport de la commission d'enquête, le gouvernement a déclaré, dans sa lettre datée du 12 mai 1999(9) , «que les mesures d'ordre pratique qu'il est envisagé de prendre à la suite de ces recommandations ont été soumises au gouvernement de l'Union du Myanmar pour décision et qu'elles font déjà l'objet d'un examen actif de la part des hautes autorités». Aucune indication n'a été donnée quant à la nature des «mesures d'ordre pratique qu'il est envisagé de prendre». Dans sa précédente lettre datée du 18 février 1999, citée en référence à cet égard, le gouvernement a rappelé:
... que, pour ce qui est des recommandations de l'OIT de mettre les articles pertinents de la loi sur les villages et de la loi sur les villes en conformité avec la convention no 29 de l'OIT, et pour adapter ces deux lois aux conditions qui prévalent actuellement dans le pays, un groupe de travail composé de hauts fonctionnaires ainsi qu'une commission ministérielle travaillent activement à la révision de ces textes.
Selon une pratique établie de longue date au Myanmar, toute loi qui est adoptée dans le pays est largement publiée pour information du public. Lorsque ce processus est achevé et que la loi est promulguée, son texte est en conséquence largement diffusé afin qu'elle soit connue de l'ensemble du public.
10. Dans une lettre du 18 mai 1999(10) , le gouvernement a indiqué:
... que le ministère de l'Intérieur du gouvernement de l'Union du Myanmar a promulgué, le 14 mai 1999, un arrêté ordonnant aux autorités compétentes de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés aux termes de l'article 7, paragraphe 1, alinéas l) et m), et des articles 9 et 9(A) de la loi de 1907 sur les villes, ainsi que de l'article 8, paragraphe 1 g), n) et o), l'article 11 d) et l'article 12 de la loi de 1907 sur les villages.
Le gouvernement a ajouté «que cet arrêté dispose expressément que quiconque omet de se conformer à ses dispositions est passible de poursuites en vertu de la loi». Enfin, le gouvernement a souligné que l'arrêté a déjà été rendu public et qu'il a été communiqué à tous les organismes d'Etat et ministères et à toutes les autorités administratives locales et sera publié au Journal officiel du Myanmar National Gazette où sont publiés toutes les lois, procédures, notifications, et tous les règlements et directives, et que cet arrêté a également été porté à la connaissance des médias locaux et internationaux à l'issue de la réunion des ministres du Travail de l'ANASE à Yangon le 15 mai 1999.
11. En conséquence, au 18 mai 1999, ni la loi sur les villages ni la loi sur les villes n'avait été amendée, comme la commission d'enquête l'avait demandé dans ses recommandations, et aucun projet de loi proposé ou examiné à cet effet n'avait été porté à la connaissance de l'OIT. Cependant, un arrêté intimant «de ne pas exercer les pouvoirs» conférés par ces lois a été annoncé par le gouvernement dans sa lettre du 18 mai 1999. Le texte de l'arrêté pris le 14 mai 1999, qui n'a pas été inclus dans la lettre du gouvernement, est reproduit à l'annexe III et sera examiné plus loin, dans la partie II.B.
12. Dans une communication du 3 mai 1999, le gouvernement des Etats-Unis a indiqué qu'il:
... n'a connaissance d'aucun élément qui montrerait que le SPDC(11) a déjà abrogé ou a l'intention d'abroger les dispositions de la loi sur les villes et de la loi sur les villages qui apportent un fondement juridique à la politique de travail forcé. Le gouvernement des Etats-Unis croit savoir que le SPDC a récemment décidé, en réalité, de poursuivre sa pratique de travail et portage forcés, parce qu'il a établi qu'il n'aurait pas les moyens de rémunérer les services actuellement réquisitionnés.
II. L'imposition dans la pratique du
travail forcé et obligatoire
et toute mesure prise pour y mettre un terme
13. Cette partie du rapport exposera les informations concernant: a) l'imposition persistante par les autorités d'un travail forcé ou obligatoire; et b) toutes mesures prises pour mettre un terme à cette pratique.
A. Imposition persistante par les autorités
d'un travail forcé ou obligatoire
14. Dans ses recommandations de juillet 1998, la commission d'enquête a indiqué que «des mesures concrètes doivent être prises immédiatement» par le gouvernement «pour chacun des nombreux domaines dans lesquels du travail forcé a été relevé aux chapitres 12 et 13» du rapport de la commission afin d'arrêter la pratique actuelle(12) .
15. Dans les lettres qu'il a adressées au Directeur général du BIT en date des 12 et 18 mai 1993(13) , le gouvernement du Myanmar n'a pas évoqué la pratique suivie depuis que la commission d'enquête a publié ses recommandations.
16. Toutes les informations sur la pratique actuelle que le Directeur général a reçues en réponse à sa demande relèvent la persistance du recours généralisé au travail forcé par les autorités, et en particulier par l'armée. Les informations reçues sur les tendances générales observées seront exposées à la section 1 ci-après avant que ne soient traitées à la section 2 les formes spécifiques de travail et de services, telles que décrites par la commission d'enquête aux paragraphes 300 à 461 et 485 à 502 de son rapport.
1) Observations générales
17. Dans sa communication du 3 mai 1999, la CISL appelle l'attention sur «les preuvees pertinentes et concordantes de la persistance du travail forcé en Birmanie» qui sont contenues dans les documents provenant des sources suivantes: Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB), Organisation des Nations Unies, Société anti-esclavagiste internationale, Worldview International Foundation, Aliran Kasadaran Negara, Karen Human Rights Group, Images Asia, Shan Human Rights Foundation, Human Rights Foundation of Monland, Mon Information Service, Chin Human Rights Organization, Karenni Information Office, Département d'Etat du gouvernement des Etats-Unis, Ligue nationale pour la démocratie (Birmanie) et Comité représentant le Parlement du peuple (Birmanie).
18. La CISL relève que:
Depuis la publication du rapport de la commission d'enquête, la CISL n'a cessé de recevoir une profusion d'informations pertinentes et concordantes, semblables à celles qui avaient été soumises à la commission pendant son enquête. Ces informations prouvent de manière convaincante que les autorités du pays considéré ont continué systématiquement, pendant toute la période depuis que la commission d'enquête a publié son rapport et jusqu'au moment de la rédaction de la présente note, à imposer le travail forcé de manière généralisée et systématique. De même, les autorités n'ont pas le moins du monde renoncé à exécuter ou à tolérer toutes les pratiques reconnues dans le rapport de la commission comme s'inscrivant systématiquement dans le contexte du travail forcé, et notamment la détention et l'emprisonnement arbitraires, l'extorsion, la torture, le viol, les exécutions arbitraires et extrajudiciaires et autres violations graves des droits fondamentaux de l'homme.
19. La CISL attire particulièrement l'attention sur:
... les documents fournis par le Karen Human Rights Group (KHRG) qui contiennent des copies de plusieurs centaines d'ordres officiels écrits émanant soit de l'armée, soit des représentants de l'administration, exigeant des chefs de village dans les discrits de Pa'an, Toungoo, Dooplaya et Papun qu'ils fournissent des villageois qui seront astreints à travailler comme porteurs, messagers, à la construction de routes, ou dans des camps militaires, ainsi que des ordres exigeant que lesdits villages fournissent des matériaux de construction, du matériel, des produits alimentaires et des fonds à divers services administratifs militaires ou civils.
Comme l'a indiqué la CISL, «tous ces ordres sont quasiment identiques, quant à la forme, au style et au contenu, aux centaines d'ordres de travail forcé que la commission d'enquête avait examinés et jugés authentiques lors de son investigation».
20. A l'instar des ordres antérieurs, ceux qui ont été émis après juillet 1998 ne font jamais référence à un quelconque fondement juridique pour justifier le pouvoir exercé. En conséquence, l'observation de la commission d'enquête selon laquelle «le pouvoir d'imposer du travail obligatoire paraît être tenu pour acquis, sans aucune référence à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes»(14) , demeure valable.
21. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a communiqué une note en date du 29 avril 1999 sur les pratiques de travail obligatoire dans le nord de l'Etat Rakhine, au Myanmar, où le HCR est présent depuis 1994 dans les régions de Maungdaw, Rathedaung et Buthidaung. Aux termes de cette note:
Le HCR a constaté que, en partie grâce à ses activités de sensibilisation, les pratiques de recours au travail obligatoire ont eu tendance à diminuer au cours de l'année précédente. La situation s'est améliorée du point de vue de la fréquence des ordres de réquisition de main-d'œuvre, du nombre de travailleurs requis ainsi que du nombre de jours de travail. Il semble également que l'on se soit davantage efforcé de rémunérer ces travailleurs en espèces ou en nature, encore que les montants versés soient d'ordinaire très modiques et nettement inférieurs au taux du marché.
Néanmoins, les pratiques de recours au travail obligatoire ont continué. Les observations suivantes ont été faites à cet égard:
Le HCR a aussi reçu des informations selon lesquelles, pour réduire les interruptions dans les activités rémunératrices des adultes, des familles ont envoyé des enfants travailler à la place des adultes.
22. Dans une communication du 3 mai 1999, le gouvernement des Etats-Unis a indiqué que les membres de l'ambassade des Etats-Unis à Yangon (Rangoon):
... se sont récemment entretenus, en janvier 1999, avec des villageois de la division de Sagaing (Birmans), de la division d'Irrawaddy (Birmans) et dans les Etats Chin, Kachin et Shan (minorités). Les villageois ont raconté librement et ouvertement à des membres de notre ambassade qu'eux-mêmes, et chacun des foyers de leur village, continuent d'être contraints à envoyer des membres de leurs familles pour exécuter un travail forcé. Les foyers d'une seule personne qui sont composés de veufs ou de veuves âgés sont assujettis à la même obligation. (Le gouvernement des Etats-Unis croit savoir que les soutiens de famille se voient parfois obligés de fournir les contingents de main-d'œuvre réquisitionnée en offrant des enfants, des connaissances âgées et d'autres personnes «peu productives», démarche qui ne fait qu'aggraver le niveau des souffrances.) Les membres des foyers qui résistent à l'imposition du travail forcé subissent des mauvais traitements ou sont soumis à des mesures de privation.
L'une des caractéristiques du travail forcé en Birmanie est l'imprévisibilité avec laquelle il est parfois imposé, ce qui est dû à plusieurs facteurs parmi lesquels l'attitude du commandant militaire local et le nombre de projets d'infrastructure à portée d'un ou de plusieurs jours de marche. En décembre 1998, des membres de notre ambassade se sont entretenus, dans l'Etat Chin, avec des villageois qui ont affirmé spontanément qu'ils étaient victimes tant du travail que du portage forcés. Ils ont ajouté que, dans le second cas, des soldats avaient coutume d'arriver sans prévenir et d'emmener des personnes choisies au hasard afin qu'elles transportent des fournitures militaires pour des durées indéterminées. Une femme d'âge mûr a aussi révélé, dans l'intimité relative de sa maison, que des soldats birmans étaient venus au village et avaient emmené des jeunes filles pour la nuit, les avaient violées et relâchées le lendemain matin, les laissant retrouver le chemin de leur maison.
Enfin, les militaires ont reçu pour instruction de produire les vivres et aliments nécessaires à leur propre subsistance. En réalité, cependant, ils continuent de contraindre les villages les plus proches à leur fournir ces produits, qui sont le fruit du travail des habitants de ces villages, sans se préoccuper de ce qui resterait à ces derniers pour vivre.
23. Un autre gouvernement a indiqué qu'en établissant son rapport en réponse à la demande d'information du Directeur général il avait «recherché les points de vue d'individus et d'organisations dans toutes les régions de la Birmanie/ Myanmar», et avait relevé «un certain nombre de témoignages directs de travail forcé concernant la période de dix mois comprise entre début juillet 1998 et fin avril 1999». Les exemples mentionnés seront reflétés à la section 2 ci-après.
24. La Confédération mondiale du travail a transmis une note d'Amnesty International datée de mai 1999 concernant ses préoccupations devant la 87e session de la Conférence internationale du Travail, dans laquelle il est indiqué que:
Le Conseil d'administration du BIT, à sa session de mars 1999, a exprimé son mécontentement devant l'absence de mesures prises par le gouvernement du Myanmar pour donner effet aux recommandations de la commission d'enquête.
Le gouvernement militaire du Myanmar - le Conseil d'Etat pour la paix et le développement (SPDC) - s'empare régulièrement de milliers de civils appartenant à des minorités ethniques, y compris des femmes et des enfants, afin qu'ils travaillent contre leur gré et sans salaire à la construction de soi-disant «projets de développement», tels que des routes et des installations militaires. Des membres des minorités ethniques Shan, Karen et Karenni qui vivent à l'est du pays, à la frontière avec la Thaïlande, sont contraints de «contribuer» leur travail. Bon nombre d'entre eux passent une si grande partie de leur temps à travailler pour l'armée qu'ils ne peuvent subvenir à leurs besoins ni à ceux de leur famille.
Au début de cette année, Amnesty International a interrogé plus de 100 civils appartenant à des minorités ethniques qui se sont récemment enfuis vers la Thaïlande et qui ont presque tous indiqué qu'ils avaient été contraints par les troupes du SPDC de défricher des forêts, de construire des routes et des casernes et même de produire des récoltes pour nourrir les militaires.
...
Bien que le travail forcé ait diminué dans la région centrale du Myanmar, il est encore enregistré sur une large échelle dans les sept Etats où vivent des minorités ethniques qui entourent la plaine centrale de Birmanie. Pour obtenir de la main-d'œuvre, les troupes du SPDC s'adressent d'ordinaire au chef du village, qui organise alors un système de roulement par lequel chaque famille doit fournir une personne pour un projet. Les adolescents sont souvent envoyés pour exécuter un travail forcé car leurs parents doivent gagner leur vie pour soutenir la famille et ne peuvent perdre de temps. Le temps passé chaque mois à exécuter ces tâches varie d'un lieu à un autre mais entrave d'ordinaire l'aptitude de la famille à subvenir à ses propres besoins. Or le gouvernement prétend que ces civils offrent volontairement leur travail dans le cadre de leurs obligations civiques, affirmation qui est en contradiction avec les témoignages fournis à Amnesty International par des centaines d'individus astreints au travail forcé.
25. A en juger par un grand nombre d'entretiens évoqués par la CISL dans sa communication et conduits par le personnel du Karen Human Rights Group (KHRG) entre décembre 1998 et avril 1999 avec des villageois dans le district de Nyaunglebin de la division de Pegu et avec ceux qui ont fui la région, le travail forcé n'a pas diminué dans ce district depuis le milieu de 1998, et en réalité de nombreux villageois ont été confrontés à une augmentation du travail forcé et des exactions de contributions en espèces qui y sont associées. Cela correspond aux informations rassemblées par le KHRG dans d'autres régions des Etats Kayin (Karen) et Kayah.
2) Formes de travail et de services réquisitionnés
a) Portage, travail pour les camps militaires
et autres travaux
à l'appui des forces armées
26. La CISL a transmis un nombre considérable d'ordres adressés à des chefs de village par des officiers militaires (ou, dans quelques cas, par un conseil de village pour la paix et le développement se référant à un ordre émis par un officier militaire). Plusieurs douzaines de ces ordres, adressés à des chefs de village dans les districts de Thaton, Pa'an, Toungoo, Dooplaya et Papun, dans l'Etat Kayin (Karen), datés d'août 1998 à février 1999, demandent que soient envoyés sans faute un certain nombre de «serviteurs», de «serviteurs par roulement» ou de «travailleurs volontaires»; il est souvent précisé que, si le chef de village n'obtempère pas, il en sera tenu entièrement responsable; dans un cas où un travailleur venu d'un village était «rentré sans permission», le chef de village a reçu l'ordre d'envoyer lui-même immédiatement 24 kilogrammes de porc ou la contre-valeur en espèces à titre d'amende et de se présenter lui-même «aujourd'hui avec une personne pour le remplacer en tant que travailleur volontaire»; l'ordre indique que «le chef de village et le village seront sévèrement punis s'ils manquent» à cet ordre(15) . Dans certains cas, les tâches à accomplir ne sont pas mentionnées dans les ordres; dans d'autres, il est spécifié que les personnes à envoyer devront travailler comme porteurs, à la réfection d'un camp militaire ou comme messagers pour les militaires. Dans la plupart des cas, la durée de l'affectation n'est pas mentionnée; dans d'autres, un certain nombre de jours est indiqué; parfois, il est précisé que les travailleurs doivent apporter leur propre nourriture.
27. Une quarantaine de documents soumis par la CISL contiennent des informations recueillies lors d'entretiens conduits et dans des rapports publiés par la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB) et par un certain nombre d'organisations non gouvernementales, qui fournissent des détails sur des centaines de cas dans lesquels du travail forcé a été imposé entre août et décembre 1998 et en 1999 pour du portage, l'exécution de travaux pour des camps militaires, des factions et d'autres travaux à l'appui des forces armées dans tout l'Etat Kayin (Karen) ainsi que dans l'Etat Kayah, la division de Pegu, l'Etat Arakan, l'Etat Shan, l'Etat Chin et la division de Tanintharyi (Tenasserim), dans des conditions analogues à celles décrites aux paragraphes 300 à 388 du rapport de la commission d'enquête. Entre autres précisions, les unités ou les camps militaires et les officiers en cause sont souvent désignés et les villages et les victimes individuelles nommés(16) . Dans un certain nombre de cas, il est indiqué que le travail forcé a été imposé dans des circonstances d'une brutalité extrême - destruction de villages, torture, viols, mutilation et exécution de porteurs épuisés, malades ou blessés et (dans un cas) d'un chef de village non coopératif, et utilisation de civils, femmes et enfants compris, pour balayer les mines et servir de boucliers humains.
28. La note d'Amnesty International transmise par la Confédération mondiale du travail(17) relève que:
Les porteurs sont souvent frappés s'ils deviennent trop faibles pour porter leur charge et n'arrivent pas à suivre la colonne militaire. Un agriculteur Shan de 42 ans qui s'était réfugié en Thaïlande a indiqué à Amnesty International qu'il avait été pris comme porteur pendant dix jours en octobre 1998 par les troupes du SPDC et forcé à porter des munitions. La nourriture qu'on lui donnait était si insuffisante qu'il a perdu des forces au point de ne plus pouvoir marcher. Un soldat l'a giflé plusieurs fois en cognant de son doigt l'œil gauche du porteur. Celui-ci a réussi à s'échapper en se laissant rouler au bas de la montagne et en se cachant dans la forêt voisine. Il a fini par rentrer chez lui mais était trop effrayé pour aller voir un médecin. A la suite de sa blessure, il a perdu définitivement la vue de l'œil gauche.
29. D'après un rapport soumis en janvier 1999(18) par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, pendant toute l'année 1998 les soldats du SPDC auraient réquisitionné des porteurs dans les villes principales du centre et du sud de l'Etat Shan, où la résistance Shan est active. Des patrouilles militaires venant des bases locales se seraient rendues régulièrement dans ces villes, en exigeant à chaque fois que les ménages, par roulement, leur fournissent des porteurs. Toute personne ne pouvant satisfaire à cette obligation devait payer de 8 000 à 10 000 kyats pour recruter un remplaçant.
30. En réponse à la demande de renseignements du Directeur général, un gouvernement a indiqué que, selon les informations recueillies dans tout le Myanmar, le travail forcé tel qu'il est décrit aux paragraphes 300 à 388 du rapport de la commission continue. Au cours de la dernière saison sèche, les combats entre l'armée et les groupes ethniques insurgés ont été moins vifs, ce pourquoi la réquisition de porteurs pour aider dans les opérations militaires semble avoir été modérée au cours des dix derniers mois. Il y a cependant eu de nombreux cas où l'armée a réquisitionné de la main-d'œuvre pour porter du matériel et des marchandises jusqu'aux camps et en dehors des camps militaires et pour effectuer des travaux de construction et d'entretien. Les exemples ci-après sont cités:
b) Travail pour des projets agricoles
et d'autres projets de
production
31. Les documents fournis par la CISL contiennent des renseignements recueillis lors d'entretiens menés et dans des rapports publiés par des organisations non gouvernementales et par la Ligue nationale pour la démocratie au sujet de la poursuite de l'imposition de travail forcé aux villageois de l'Etat Kayin (Karen), de l'Etat Kayah, de la division de Pegu, de l'Etat Arakan, de l'Etat Shan et de la division de Yangon (Rangoon) pour des projets agricoles et d'autres projets de production entrepris par l'armée, y compris l'obligation de travailler dans des plantations d'hévéas de l'armée, de creuser des rigoles d'irrigation pour la culture du riz, de défricher des champs et des terres incultes, de cultiver des haricots ou d'autres légumes pour l'armée, et de creuser des étangs pour la pisciculture, dans des conditions similaires à celles décrites aux paragraphes 394 à 406 du rapport de la commission d'enquête.
32. Dans le rapport qu'il a soumis en janvier 1999(19) , le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Myanmar indique que des villageois de l'Etat Shan ont apparemment été forcés en septembre 1998 à cultiver des haricots jaunes pour l'armée, ainsi qu'à faire des travaux de désherbage et à poser des clôtures dans les bases locales. De même, pendant toute l'année 1998, le Rapporteur spécial a été informé que des villageois originaires de plusieurs villages (nommés) ont été forcés à casser des pierres pour des bataillons (nommés) de l'armée pendant des périodes allant jusqu'à deux semaines, près du point de traversée du fleuve Salween à Ta Sarng dans l'Etat Shan. L'armée transportait ensuite les pierres par camion dans de grandes villes comme Yangon (Rangoon) où elle les vendait de 12 000 à 15 000 kyats le chargement(20) .
33. En réponse à la demande de renseignements du Directeur général, un gouvernement, se référant aux paragraphes 394 à 407 du rapport de la commission d'enquête, a cité pour les dix derniers mois les exemples suivants de travail forcé associé à des projets agricoles et à d'autres projets générateurs de revenus:
c) Construction et entretien de routes,
de voies ferrées
et de ponts
34. Un rapport fourni par la CISL, publié en janvier 1999 par la Human Rights Foundation de Monland, qui porte sur l'imposition de travail forcé pour la réparation de la voie ferrée Ye-Tavoy, indique ce qui suit:
Le remblai, qui a été édifié manuellement, sans l'aide de machines, a été détruit chaque année par les inondations et les villageois ont été forcés à le reconstruire. Cependant, en juin-juillet 1998, la destruction a été considérable. En conséquence, les autorités locales du SPDC et les bataillons militaires locaux, principalement les 406e , 407e, 408e, 409e, 410e et 273e bataillons d'infanterie légère, ont ordonné aux chefs des arrondissements ruraux concernés d'envoyer des manœuvres sur le chantier pour reconstruire le remblai. Le recours à des villageois pour la construction a commencé en juin-juillet 1998 et a duré jusqu'à la fin de l'année.
...
Au total, selon les estimations, 3 000 à 4 000 résidents locaux - hommes, femmes, mineurs et personnes âgées - ont été contraints de travailler sans être payés ni nourris à la reconstruction du remblai après la saison des pluies, qui a pris fin en octobre. Pendant la saison des pluies, de juin à septembre, l'armée a utilisé 1 500 à 2 000 villageois pour reconstruire des sections où le niveau de l'eau n'atteignait pas le remblai. Après juin, les pluies ont diminué, de sorte que l'armée a progressivement recouru davantage au travail forcé et accéléré la reconstruction du remblai à partir d'octobre pour pouvoir remettre ses trains en service avant la fin de 1998.
L'armée a ouvert un grand nombre de chantiers de construction, là où des sections du remblai avaient été détruites par les inondations. Il y a eu beaucoup de chantiers entre Yebyu et Paukpingwin (113 kilomètres) et, en fonction de l'ampleur des dégâts, les villages proches ont fait l'objet de réquisitions. Sur certains chantiers, là où d'énormes remblais ont été détruits, les militaires ont fait venir près de 800 villageois, qu'ils ont consignés et forcés à travailler.
Lorsque l'armée prévoyait d'utiliser des villageois et commençait à en réquisitionner, le bataillon militaire local ordonnait à chaque chef d'arrondissement rural d'envoyer une liste indiquant le nombre de foyers et d'habitants dans les villages, ce qui lui permettait d'estimer le nombre de villageois qu'il pouvait obtenir de chaque village pour les travaux de construction. Les méthodes de recrutement d'ouvriers villageois par les dirigeants du SPDC et par les bataillons militaires ont été tout à fait semblables d'un arrondissement rural à l'autre. Ayant déjà reçu la liste indiquant le nombre des foyers dans les villages d'un secteur donné, ils n'avaient plus qu'à donner pour instruction aux chefs d'arrondissement rural ou de village d'envoyer tant d'ouvriers sur tel chantier pendant tant de jours. A réception de ces instructions, les chefs de village intéressés devaient sélectionner les villageois qui se rendaient sur le chantier. D'ordinaire, les villageois assurent le travail des chantiers par roulement. C'est ainsi que presque tous les habitants de tous les villages des circonscriptions de Yebyu, Longlon, Thayet Chaung et Tavoy ont travaillé sur les chantiers de construction pendant dix à quinze jours chaque mois.
35. D'après les rapports sur l'enrôlement de force de travailleurs pour élargir la route Ye-Tavoy qui ont été publiés en janvier 1999 par le Mon Information Service (Bangkok) et en février 1999 par la Human Rights Foundation of Monland (extraits ci-après) et qui ont été soumis par la CISL:
Depuis la mi-novembre 1998, les bataillons locaux du SPDC dans la division de Tenasserim, ayant prévu d'élargir la route Ye-Tavoy (environ 144 kilomètres de long), ont eu recours à des civils dans les circonscriptions de Yebyu et Tavoy en tant qu'ouvriers non rémunérés pour effectuer ces travaux. L'ordre émanait du commandement militaire de la région côtière du SPDC basé à Mergui, et son commandant, le général de division Sit Maung, a chargé le colonel Maung Oo, chef du commandement stratégique dans le secteur de Yebyu, de veiller à l'exécution de ces travaux. A la mi-novembre, le colonel Maung Oo a convoqué tous les chefs de village de la circonscription de Yebyu et leur a commandé d'envoyer des ouvriers villageois sur les chantiers de construction.
...
Les bataillons militaires locaux ont enrôlé des centaines de villageois pour travailler sur les chantiers de construction à l'élargissement de la route. Les autorités locales ont divisé le travail entre les villageois de façon à ce que chaque famille dans les circonscriptions de Yebyu et de Tavoy soit chargée d'élargir un segment de route d'une vingtaine de mètres. Un ou plusieurs membres de chaque famille devait nettoyer un mètre de terrain de part et d'autre de la route et l'empierrer. Les villageois doivent ensuite creuser des canaux de 60 cm de large et 30 cm de profondeur le long de la route. A partir de ces canaux, les villageois doivent encore nettoyer le terrain sur 15 mètres de chaque côté de la route. Pendant les travaux d'élargissement de la route, les villageois doivent porter de petits kyins de cailloux depuis l'extérieur de la route pour l'empierrement. Ils doivent aller chercher des pierres sur des collines ou dans des cours d'eau éloignés de 0,8 à 1,6 km du chantier de construction. Les villageois sont allés chercher ces pierres et les ont cassées en petits morceaux puis les ont apportées sur le chantier. Parfois, tous les habitants d'un village ont ensemble cherché des pierres et les ont amenées sur le chantier avec des chars à bœufs. Si les villageois ne pouvaient pas trouver de pierres ou avaient hâte d'achever la construction, ils devaient acheter des cailloux aux bataillons militaires les plus proches. En règle générale, les villageois doivent payer de 800 à 1 000 kyats pour un kyin de cailloux aux bataillons qui sont chargés de les surveiller le long de la route, et ils doivent supporter les frais de chargement et de transport des cailloux jusqu'à l'endroit à empierrer.
...
Pendant la construction, les bataillons ... ont également réquisitionné des villageois pour ramasser des pierres en plus du travail de construction. Les pierres une fois ramassées doivent être remises aux bataillons qui les revendent aux villageois qui en ont un besoin urgent. Selon des sources fiables, les bataillons locaux ont reçu du gouvernement un budget de 200 000 kyats environ pour chaque segment de 1,6 km aux fins de l'élargissement de la route, mais ils ont eu recours au travail forcé dans les villages locaux et les villageois n'ont reçu aucun paiement pour leurs services.
...
Avant de partir pour les chantiers, les villageois ont reçu pour instruction de leurs chefs d'emporter de la nourriture, de l'argent et des outils parce que l'armée ne leur fournirait ni nourriture ni outils. Les villageois ont dit qu'ils pouvaient avoir à emporter une trentaine de kilos de riz jusqu'au chantier, ce qui pouvait suffire pour se nourrir pendant une semaine, et 1 000 kyats pour acheter des aliments complémentaires: huile, légumes, etc. A cause de ces travaux de construction, les villageois disposent de moins en moins de temps pour se procurer des revenus ou cultiver la terre pour assurer leur survie. En conséquence, certains villageois ont fui leur village pour échapper au travail forcé constamment exigé pour la route Ye-Tavoy et à d'autres types de travail forcé couramment demandé par les bataillons du SPDC.
36. Des informations transmises par la CISL, fournies lors d'entretiens conduits ou figurant dans des rapports publiés par le Karen Human Rights Group, donnent des précisions concernant:
La route fait 4,5 mètres de large, 7,3 à la base [du remblai] et 1,35 mètre de haut. Sa longueur est d'au moins 32 km. Le travail a été divisé, chaque famille devant creuser et faire un segment de route sur 16,5 mètres. Pour ce faire, les villageois ont dû apporter du bétail, des râteaux, des paniers, des houes, etc., et travailler jusqu'à ce que leur segment de route soit achevé. Il leur a même été ordonné de travailler la nuit en février, et ils ont donc apporté des lampes, des piles et des tubes fluorescents au chantier et devaient travailler la nuit. Aucun matériau n'a été fourni et les villageois n'ont reçu aucun paiement pour leur travail. Les soldats du renseignement surveillaient le travail des villageois mais n'en ont battu aucun, en raison du système de quota imposé pour le travail, qui faisait que, si une famille travaillait plus vite, elle était autorisée à rentrer plus tôt. Des familles entières sont donc venues travailler, et on a vu sur le chantier des enfants, des femmes et des personnes âgées de 50 à 60 ans.
En mars les travaux de terrassement étaient presque terminés, à l'exception des ponts. Pour la construction des ponts, les soldats du renseignement ont confisqué du bois, même en petits morceaux, dans les maisons et ordonné aux villageois de construire des ponts. Certains villageois ont dû abattre des arbres dans la forêt pour la construction des ponts. Ensuite, chaque famille a reçu l'ordre de donner 500 kyats pour l'achat de matériaux de construction. En outre, chaque famille a dû envoyer une personne pendant trois jours pour la construction des ponts. Une dizaine de ponts, peut-être plus, ont été construits. Si une famille ne pouvait travailler à la construction des ponts, elle devait donner 200 kyats par jour pour recruter un remplaçant. La route à construire traversait des rizières et des exploitations agricoles, mais aucune indemnité n'a été versée aux propriétaires des terrains.
37. Comme indiqué au paragraphe 26 ci-dessus, la CISL a communiqué un nombre considérable d'ordres adressés à des chefs de village par des officiers militaires. Plusieurs de ces ordres, adressés en octobre 1998 à des chefs de village dans les circonscriptions de Pa'an et de Thaton dans l'Etat Kayin (Karen), enjoignent d'envoyer des villageois avec leurs outils pour couper les arbustes le long de routes, ou demandent que «le groupe de travailleurs affecté à la construction de la route se rende sur le chantier». De même, dans un entretien mené par le Karen Human Rights Group et communiqué par la CISL, il est fait état de travail forcé imposé en septembre 1998 aux villageois pour la réfection de routes dans le district de Toungoo.
38. La CISL a également communiqué un rapport de la Shan Human Rights Foundation daté d'avril 1999, où il est indiqué que:
Les soldats du SPDC dans la circonscription de Kun-Hing forcent un grand nombre d'enfants, certains âgés seulement de 7-8 ans, à casser des pierres pour paver des routes. Depuis le 4 avril 1999, les 246e et 524e bataillons d'infanterie légère basés à Kun-Hing obligent des personnes qui ont été déplacées de force à l'extérieur des villes depuis deux à trois ans dans des secteurs comme Sai Khao, Kaeng Kham et Kaeng Lom à casser des pierres pour le pavage des routes principales Kung Hing-Nam Zarng et Kung Hing-Kaeng Tung. Les soldats du SPDC ont déclaré que les enfants des personnes réinstallées étaient inutiles et n'avaient rien à faire, et que comme ils ne pouvaient fréquenter l'école ils devaient être amenés à travailler. Près de 200 enfants, certains âgés de 7-8 ans, sont forcés à casser des pierres.
39. En réponse à la demande de renseignements du Directeur général, un gouvernement, citant des sources situées dans tout le Myanmar, a évoqué les exemples suivants de travail forcé au cours des dix derniers mois, correspondant aux paragraphes 408 et suivants du rapport de la commission d'enquête:
d) Autres travaux d'infrastructure
40. D'après les informations contenues dans les rapports de la Ligue nationale pour la démocratie et de plusieurs organisations non gouvernementales fournis par la CISL, le recours au travail forcé continue pour des projets d'infrastructure allant du creusement de canaux et de l'édification de digues jusqu'à la construction de pagodes. Les rapports de la ligue indiquent ce qui suit:
1) A partir du 1er janvier 1999, les villageois résidant dans la zone située entre la circonscription de Pa-kko-ku et celle de Myit-chay dans la division de Magwe ont reçu l'ordre d'arracher toutes leurs récoltes (sans aucune indemnité) et de fournir volontairement du travail pour le creusement de canaux en vue de réaliser un nouveau projet.
2) Depuis août 1998 et jusqu'à ce jour [le rapport a été publié en février 1999], les autorités imposent un travail forcé à une personne par foyer pour un projet de construction d'un canal (sans paiement et en abandonnant son propre travail). Les villages touchés par cette réquisition sont ... [16 villages nommés] dans la circonscription de Myaung.
Outre ce service pénible et de longue durée non rémunéré, les autorités ont extorqué environ 5 millions de kyats à raison de 50 kyats par acre (sur une superficie totale de 50 000 acres (20 000 hectares) englobant 85 villages dans 52 arrondissements ruraux). Nul ne sait à quoi l'argent a servi.
Les travailleurs qui ne possèdent pas de terres doivent payer en moyenne 100 kyats par foyer, ceux qui sont en service doivent payer 100 kyats par tête, et les commerçants ou courtiers doivent payer 200 kyats. Les autorités des circonscriptions ont émis des ordres menaçant de sanctions ceux qui défieraient l'autorité en ne payant pas dans le délai prescrit.
Accomplir un travail forcé pendant une longue période en plus des autres charges imposées a été une véritable épreuve (physique et psychologique) pour les villageois de la circonscription de Myaung.
3) Sur les berges du cours d'eau Sae-ma, proche du village de Pauk-pin (circonscription de Kayan), chaque foyer dans les villages de ... a été forcé de creuser deux puits (10 000 puits au total) entre le 27 et le 31 décembre 1998. A défaut, le paiement de 1 200 à 1 500 kyats était exigé. Des ordres analogues ont été émis en décembre 1998 pour les berges d'autres cours d'eau dans les circonscriptions de Kayan et de Thanlyin.
4) A la périphérie orientale de la circonscription de Kayan, la levée existante (qui avait été construite à l'aide de machines) destinée à empêcher l'infiltration d'eau de mer s'étant détériorée, un membre de chaque foyer dans les arrondissements ruraux de ... [11 arrondissements ruraux nommés] a dû accomplir un travail forcé. Qu'il pleuve ou que le soleil darde, ils ont été forcés à travailler sur ce projet pendant tout le mois d'août et tout le mois de septembre 1998. A défaut, ils devaient payer une amende de 300 kyats.
5) Une autre information reçue indique qu'au début de 1999 il a été demandé à des personnes de travailler à la construction d'une levée destinée à capter l'eau des ruisseaux et cours d'eau venant de l'Etat Chin pour irriguer les terres. Les villageois du district de Monywa ont refusé de se rendre au camp de Hantharwaddy. En conséquence, les autorités de la division détentrices du pouvoir ont convoqué les administrateurs de tous les villages et leur ont ordonné d'aller eux-mêmes travailler au camp de Hantharwaddy, faute de quoi de lourdes pénalités leur seraient infligées.
Les administrateurs de l'arrondissement rural de Thee-bin-kha-yine, dans la circonscription de Butalin, hésitaient à enrôler les villageois de leur localité, aussi se sont-ils rendus eux-mêmes au camp de Kalaymyo Hantharwaddy pour y travailler. La tactique consistant à rançonner les administrateurs des villages n'a pas du tout plu aux villageois. Quinze d'entre eux se sont rendus sur le site pour prendre la relève de leurs aînés. La distance jusqu'au site est de 480 km environ et le coût du voyage (aller-retour) d'environ 4 000 kyats. Devoir voyager à ses propres frais sans que son travail soit rémunéré n'était une perspective attrayante pour personne.
Les faits exposés plus haut montrent l'attitude cruelle et le manque d'égards des autorités détentrices du pouvoir à l'égard de leurs compatriotes.
Comité exécutif central
Ligue nationale pour la démocratie
Rangoon
41. Selon les documents fournis par la CISL, des centaines de villageois se voient imposer un travail forcé pour la construction de digues. C'est ainsi que le rapport de janvier 1999 du Mon Information Service (Bangkok) sur «le travail forcé aux fins de la construction de digues pour des projets privés de culture du riz des militaires du SPDC» signale la situation suivante:
Depuis octobre 1998, les militaires du SPDC sont en train d'édifier une série de digues sur la côte dans la circonscription de Yebyu en utilisant quotidiennement 200 à 300 travailleurs forcés non rémunérés, recrutés dans plus d'une dizaine de villages Mon de l'arrondissement rural de Kywethonnyima. Ces digues sont construites pour gagner de nouvelles terres cultivables en vue de la réalisation de projets privés de culture du riz. La digue de 7 758 pieds de long est construite entre les villages de Kywethonnyima et Chattaw. Une autre digue de ce type sera bientôt construite entre les villages de Mea Taw et Chabon. Chaque village de la région doit fournir de 30 à 50 travailleurs affectés à la construction de la digue quinze jours par mois pendant la marée basse.
Sur instruction du bataillon local no 273, le Conseil pour la paix et le développement de l'arrondissement rural de Kywethonnyima a pris le 2 octobre 1998 un arrêté imposant à tous les villages de l'arrondissement rural de fournir des travailleurs pour la construction de la digue. [Le texte intégral de cet arrêté est cité.]
En plus de la construction de digues, plusieurs villages sont aussi astreints à de durs travaux pour le projet de remise en état de la route Ye-Tavoy depuis novembre 1998. Ce recours répété et excessif au travail forcé et non rémunéré par le SPDC a en fait privé les habitants de leurs moyens de subsistance. Une fois les digues construites, il est certain que les villageois seront ensuite forcés de travailler pratiquement comme des esclaves aux projets rizicoles destinés à enrichir les cadres du SPDC. Ces exigences insupportables, les extorsions et les mauvais traitements physiques fréquents infligés aux villageois ont conduit un certain nombre de familles à chercher refuge dans les régions environnantes.
42. De même, le recours au travail forcé de plusieurs centaines de villageois durant le second semestre de 1998 pour la construction de chacune des quatre grandes digues dans la circonscription de Yebu pour les rizières de l'armée est décrit dans un rapport de février 1999 de la Human Rights Foundation of Monland, soumis par la CISL avec des détails portant entre autres sur les conditions de travail, de vie et de santé sur les chantiers ainsi que sur les mauvais traitements infligés aux villageois par les soldats qui les gardent.
Les villageois recrutés pour servir de main-d'œuvre ne recevaient aucune aide des bataillons locaux ou des dirigeants des arrondissements ruraux en matière de nourriture, de logement ou de soins médicaux. Lorsque des villageois se rendaient sur les chantiers de construction, ils devaient apporter leur nourriture, leurs outils et de l'argent pour se procurer les autres denrées alimentaires nécessaires telles que légumes, huile de cuisine, sel, etc. Un villageois travaillant sur un chantier de construction pendant une semaine devait apporter environ 8 kilos de riz ainsi que 1 000 kyats pour acheter le reste de sa nourriture. Forcés de travailler sur divers types de chantiers pour les projets d'infrastructure gouvernementaux, la plupart des villageois n'avaient pas les moyens d'apporter suffisamment de nourriture ou d'argent pour acheter les denrées nécessaires à leur survie. Sur les chantiers de construction, du fait de la surpopulation et de la pénurie d'eau potable, les villageois ne disposaient pas d'eau pure à boire ou pour préparer leurs aliments. Faute de temps et en l'absence de plans établis par les fonctionnaires gouvernementaux, les villageois n'avaient pas construit de latrines sur les chantiers, ce qui contribuait aussi à polluer les eaux des environs. La pénurie de nourriture et d'eau était le lot de tous les chantiers.
Par ailleurs, la durée du travail sur la plupart des chantiers était d'environ dix heures par jour.
...
Même pendant la saison des pluies, des villageois ont été recrutés pour la construction des digues de Singu et de Hmaw-gyi. ... Ils ont dû construire des abris provisoires très rudimentaires munis de toits de feuilles de bananiers mais ne comportant pas de parois. Ces abris ne les protégeaient pas de la pluie pendant la saison des pluies ni de la neige durant la saison froide qui dure de novembre à février en Birmanie.
... Lorsqu'ils construisaient des palissades pour retenir l'eau des cours d'eaux, les villageois devaient y passer toute la journée. Ils devaient également s'immerger dans l'eau pour enfoncer le sommet des pieux ou vérifier leur bonne tenue. Sous la pluie ou sous le soleil ardent, ils ne pouvaient pas prendre de repos et devaient travailler à temps complet dans des conditions météorologiques exécrables. Les soldats les surveillaient toujours pendant leur travail. Certains ont été battus par des militaires mécontents de leur travail.
En raison de la pénurie de nourriture et d'eau potable, des terribles conditions météorologiques, de la dureté du travail et de la précarité de leurs abris, de nombreux villageois souffraient de diverses maladies. Lors de la construction, nombre de femmes et d'enfants ont travaillé à la place de leur mari ou leur père, obligé de travailler aux champs ou à d'autres tâches journalières pour se procurer un revenu ou des aliments pour nourrir la famille. Ainsi, sur plusieurs chantiers, une majorité de femmes et d'enfants ont été victimes de diarrhée, de faiblesse, de fièvre et d'autres maladies en travaillant sur les projets de construction. Les soldats interdisaient à une personne malade de retourner chez elle tant qu'un remplaçant n'était arrivé pour travailler à sa place. Les responsables du village devaient assumer la responsabilité de trouver des remplaçants pour les villageois malades. Par ailleurs, les militaires ne fournissaient ni médicaments ni soins médicaux à ces malades, et les villageois devaient s'entraider pour acheter des médicaments et ont traité les patients.
Dans de nombreux cas, les chefs de village ont été souvent battus par les soldats lorsqu'ils ne pouvaient pas gérer la situation et envoyer des villageois aux chantiers selon les instructions des commandants. A titre d'exemple, un chef de village de ... (âgé de 42 ans) a été sauvagement battu par des soldats du 408e bataillon d'infanterie légère durant la troisième semaine de septembre. ... Les soldats l'ont frappé à coups de botte, de crosses de fusils et de bâtons pendant près d'une demi-heure jusqu'à ce qu'il perde conscience, lui infligeant une fracture du crâne et de graves lésions au dos. Des coups portés à l'estomac avec un canon de fusil lui ont également causé de graves blessures internes lui interdisant ensuite tout travail pénible.
...
De même, les villageois étaient souvent maltraités pendant qu'ils travaillaient sur un chantier de construction. Les soldats gardaient aussi les chantiers et, chaque fois qu'ils étaient mécontents de quelqu'un, ils le battaient. Insultes, cris et menaces étaient le lot quotidien des villageois. Parfois, les soldats les frappaient à coups de botte, de crosse ou de poing. Durant la deuxième semaine de novembre 1998, alors qu'ils leur ordonnaient de couper un cours d'eau pour la construction de la digue de Kywe-tho-nyima, les soldats ont également forcé des villageois à travailler sous l'eau pour enfoncer des pieux. Durant ces travaux, des soldats insatisfaits de trois villageois du village de Cha-taw les ont battus. L'un d'entre eux a été sauvagement frappé, au point de perdre la vue à l'œil gauche.
De plus, même si les villageois étaient malades sur le chantier, ils devaient continuer à travailler jusqu'à l'arrivée des remplaçants. S'ils cessaient le travail, ils pouvaient être battus.
43. Des documents soumis par la CISL, fondés sur des entretiens menés par le Karen Human Rights Group, font état de travail forcé imposé par des soldats à des villageois (y compris des non-bouddhistes) pour la construction de pagodes dans la partie centrale du district de Dooplaya (Etat Kayin) en juillet-septembre 1998 et en divers lieux du district de Nyaunglebin (division de Pegu) jusqu'au début de 1999.
44. En réponse à la demande d'information du Directeur général, un gouvernement, se référant à des sources provenant de tout le Myanmar, a cité les exemples suivants de travail forcé lié à des projets de développement d'infrastructures durant les dix derniers mois, correspondant aux paragraphes 444 à 457 du rapport de la commission d'enquête:
B. Mesures visant à faire cesser l'exaction, dans la pratique, de travail forcé ou obligatoire
45. Dans ses recommandations de juillet 1998, la commission d'enquête indiquait ce qui suit:
... au-delà des modifications législatives, des mesures concrètes doivent être prises immédiatement pour chacun des nombreux domaines dans lesquels du travail forcé a été relevé aux chapitres 12 et 13 [du rapport de la commission], afin d'arrêter la pratique actuelle. Ceci ne doit pas être fait au moyen de directives secrètes, qui sont contraires à un Etat de droit et ont été inefficaces, mais par des actes publics du pouvoir exécutif promulgués et diffusés à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l'ensemble de la population. Aussi, les mesures à prendre ne doivent pas se limiter à la question du versement d'un salaire; elles doivent assurer que personne ne soit contraint de travailler contre son gré. Néanmoins, il faudra également prévoir au budget les moyens financiers nécessaires pour engager une main-d'œuvre salariée travaillant librement aux activités relevant du domaine public qui sont actuellement exécutées au moyen de travail forcé et non rémunéré...(21) .
46. Alors que la commission a indiqué que des mesures devaient être prises immédiatement, il ressort des informations fournies tant par le gouvernement du Myanmar que par d'autres sources que les mesures concrètes réclamées par la commission d'enquête n'avaient pas été prises jusqu'à la mi-mai 1999.
47. Une unique source a mentionné deux exemples isolés de mesures correctrices prises par le gouvernement du Myanmar à la suite de plaintes déposées par la Ligue nationale pour la démocratie. En réponse à la demande d'information du Directeur général, un gouvernement, ayant dressé sur une liste d'exemples de travail forcé sur la base d'informations fournies par des sources provenant de l'ensemble du Myanmar, a ajouté que l'on avait cité:
... deux exemples de cas au cours des dix derniers mois où le gouvernement a agi pour faire cesser des pratiques de travail forcé. Le 2 novembre, le président de la Ligue nationale pour la démocratie, de l'opposition, a écrit au général, président du SPDC, Than Shwe pour se plaindre que des civils de la circonscription de Htantabin, division de Yangon, avaient reçu l'ordre par haut-parleur de travailler pour un projet de mise en valeur de terres et que 500 personnes étaient maintenant contraintes à participer à des travaux de défrichement. Le 23 novembre, il a envoyé une nouvelle lettre pour se plaindre que des militaires forçaient des villageois de la circonscription de Kungyangon, division de Yangon, à travailler dans des marais salants appartenant à l'armée. Les demandes de travail forcé pour ces deux projets auraient maintenant cessé et le gouvernement aurait pris des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire local.
Selon le même gouvernement:
... ces deux exemples sont un petit pas dans la bonne direction. Mais le rapport soumis montre amplement que le travail forcé est demeuré une pratique routinière et systématique ces dix derniers mois dans chacun des 14 états et divisions de la Birmanie/du Myanmar. Il y a peu d'indices d'une volonté sérieuse de la part du gouvernement de prendre des mesures concrètes en réponse au rapport de la commission d'enquête. Dans un discours prononcé à l'occasion du 1er mai, le général en chef Than Shwe, président du SPDC, a au contraire exhorté les travailleurs birmans/du Myanmar à «se méfier des néocolonialistes qui s'immiscent dans les affaires d'autrui et qui contrôlent les organisations internationales ... en se donnant les apparences de protéger les droits de l'homme et des travailleurs».
48. Si aucune mesure générale n'avait donc été prise par le gouvernement du Myanmar jusqu'à la mi-mai 1999 pour faire cesser l'imposition de travail forcé, le gouvernement a indiqué dans sa lettre du 18 mai 1999 que le ministère de l'Intérieur avait pris le 14 mai 1999 un arrêté ordonnant aux autorités compétentes de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés aux termes de l'article 7, paragraphe 1, l) et m), et des articles 9 et 9A de la loi de 1907 sur les villes ainsi que de l'article 8, paragraphe 1 g), n) et o), l'article 11 d) et l'article 12 de la loi de 1907 sur les villages(22) . Cette indication n'est pas pleinement conforme à la teneur de l'arrêté du 14 mai 1999 du ministère de l'Intérieur(23) qui ordonne:
... aux présidents des conseils d'arrondissements urbains et ruraux pour la paix et le développement et aux responsables du Département de l'administration générale et des forces de police du Myanmar de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés aux termes des dispositions de la loi de 1907 sur les villes et de la loi de 1907 sur les villages relatives à la réquisition pour un service personnel, tant qu'aucune autre instruction n'aura été donnée, et sauf dans les cas suivants:
a) réquisition pour un service personnel en vue de l'exécution de tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure que représentent des catastrophes telles qu'incendies, inondations, ouragans, tremblements de terre, épidémies et, en général, toutes circonstances mettant en danger la vie ou les conditions normales d'existence de la population;
b) réquisition pour un service personnel en vue de l'exécution des travaux ou services qui sont d'un intérêt direct et important pour la collectivité et la population en général et d'une nécessité actuelle ou imminente, pour lesquels il a été impossible de se procurer une main-d'œuvre volontaire malgré l'offre d'un salaire normal et qui ne constituent pas un fardeau trop lourd pour la population actuelle.
49. L'arrêté du 14 mai 1999 réserve de plusieurs manières la possibilité d'exercer les pouvoirs prévus dans les dispositions pertinentes de la loi sur les villages de 1908(24) et de la loi sur les villes de 1907. En premier lieu, l'arrêté ne s'applique que «tant qu'aucune autre instruction n'aura été donnée» pour exercer ces pouvoirs.
50. En deuxième lieu, l'arrêté prévoit deux exceptions sous a) et b) dont le libellé correspond en partie à celui de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. L'exception a) reprend l'essentiel des termes de l'exception du champ d'application de la convention figurant à l'article 2, paragraphe 2 d), de celle-ci. L'exception b) reprend en partie l'article 10 de la convention qui est rédigé dans les termes suivants:
Article 10
1. Le travail forcé ou obligatoire demandé à titre d'impôt et le travail forcé ou obligatoire imposé, pour des travaux d'intérêt public, par des chefs qui exercent des fonctions administratives, devront être progressivement supprimés.
2. En attendant cette abolition, lorsque le travail forcé ou obligatoire sera demandé à titre d'impôt et lorsque le travail forcé ou obligatoire sera imposé par des chefs qui exercent des fonctions administratives, en vue de l'exécution de travaux d'intérêt public, les autorités intéressées devront s'assurer préalablement:
a) que le service ou travail à exécuter est d'un intérêt direct et important pour la collectivité appelée à l'exécuter;
b) que ce service ou travail est d'une nécessité actuelle ou imminente;
c) qu'il ne résultera pas du travail ou service un fardeau trop lourd pour la population actuelle, eu égard à la main-d'œuvre disponible et à son aptitude à entreprendre le travail en question;
d) que l'exécution de ce travail ou service n'obligera pas les travailleurs à s'éloigner du lieu de leur résidence habituelle;
e) que l'exécution de ce travail ou service sera dirigée conformément aux exigences de la religion, de la vie sociale ou de l'agriculture.
51. Il peut être noté que les conditions figurant aux paragraphes 2 d) et 2 e) de l'article 10 de la convention n'ont pas été retenues dans l'exception b) de l'arrêté du 14 mai 1999.
52. Sur un plan plus fondamental, il est indiqué au paragraphe 1 de l'article 10 de la convention que les genres de travail forcé ou obligatoire envisagés dans cet article «devront être progressivement supprimés». Ainsi que l'a noté la commission d'enquête dans son rapport(25) , l'article 10 fait partie d'une série de dispositions prévoyant des conditions et garanties «pour restreindre et réglementer le recours au travail obligatoire en attendant son élimination», c'est-à-dire pendant la «période transitoire» prévue à l'article 1, paragraphe 2, de la convention. A cet égard, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a fait observer en 1997 que:
Puisque la convention, adoptée en 1930, demande la suppression du travail forcé dans le plus bref délai possible, invoquer aujourd'hui (67 ans après l'adoption de la convention) qu'une certaine forme de travail forcé ou obligatoire est conforme à l'une des exigences de cet ensemble de dispositions revient à méconnaître la fonction transitoire de ces dispositions et n'est pas conforme à l'esprit de la convention.
La commission estime que le recours à une forme de travail forcé ou obligatoire relevant, aux termes de l'article 2, du champ d'application de la convention ne saurait être justifié en invoquant le respect des articles 1, paragraphe 2, et 4 à 24, bien que les interdictions absolues figurant dans ces dispositions lient toujours les Etats ayant ratifié la convention(26) .
Dans son rapport, la commission d'enquête a partagé cet avis(27) , compte tenu également du statut de l'abolition du travail forcé et obligatoire en droit international général, en tant que norme impérative à laquelle aucune dérogation n'est admise(28) .
53. En outre, dans ses observations relatives au respect de la convention, la commission d'enquête a considéré que:
... en l'espèce, l'engagement pris en vertu de l'article 1, paragraphe 1, de la convention de supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes dans le plus bref délai possible interdit au gouvernement de recourir à une législation dont il avait déclaré pendant de nombreuses années qu'elle était obsolète et non appliquée(29) .
54. En conclusion, en prévoyant la possibilité d'exercer le pouvoir d'imposer le travail obligatoire au titre d'une exception reprenant partiellement l'article 10, paragraphe 2 a) à c), de la convention, l'arrêté du 14 mai 1999 ne prévoit pas l'action demandée par la commission d'enquête dans ses recommandations au paragraphe 539 b) pour assurer «que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et notamment par les militaires».
55. De plus, il convient de rappeler que l'arrêté du 14 mai 1999 se limite à l'exercice des pouvoirs prévus par la loi sur les villages et la loi sur les villes, alors que la commission d'enquête a souligné dans ses recommandations que dans la pratique nationale «le pouvoir d'imposer du travail obligatoire paraît être tenu pour acquis, sans aucune référence à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes»(30) . En conséquence, des mesures concrètes doivent être prises, conformément aux recommandations de la commission, pour assurer que «personne ne soit contraint de travailler contre son gré»(31) .
III. Application de sanctions
56. Au paragraphe 539 c) de ses recommandations(32) , la commission d'enquête a exhorté le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer:
que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l'article 374 du Code pénal pour le fait d'exiger du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, conformément à l'article 25 de la convention. Ceci demande de la rigueur dans les enquêtes et poursuites et l'application de sanctions efficaces à ceux reconnus coupables.
57. Aucune action au titre de l'article 374 du Code pénal n'a jusqu'à présent été portée à la connaissance de l'OIT(33) .
58. A cet égard, il peut être utile de rappeler les observations suivantes formulées par la commission d'enquête au paragraphe 514 de son rapport:
Dans la mesure où le travail forcé ou obligatoire imposé en violation de la convention peut dans certains cas être conforme aux dispositions de la loi sur les villages ou de la loi sur les villes qui sont elles-mêmes contraires à la convention, les modifications nécessaires de ces dispositions de la loi sur les villages ou de la loi sur les villes pourraient devoir entrer en vigueur avant que l'imposition correspondante d'un travail forcé ou obligatoire devienne «illégale» en droit national et punissable en vertu de l'article 374 du Code pénal. Toutefois, les dispositions de la loi sur les villages et de la loi sur les villes autorisant le recours au travail obligatoire ont, à un certain stade, été déclarées obsolètes et ne sont, en pratique, jamais invoquées lorsque du travail forcé ou obligatoire est imposé. De plus, il existe un certain nombre de cas d'imposition de travail forcé, en particulier lorsque des personnes sont arrêtées au moyen d'une rafle organisée directement par les militaires pour être soumises à un service obligatoire sans que le chef du village ou les autorités de l'arrondissement n'aient procédé à une réquisition, ce qui, même aux termes des dispositions très larges de la loi sur les villages et de la loi sur les villes, semble illégal en droit national et devrait donc avoir déjà donné lieu à des poursuites en vertu de l'article 374 du Code pénal. La non-application, dans la pratique, de l'article 374 du Code pénal constitue une violation des obligations du Myanmar au titre de l'article 25 de la convention.
59. Dans le discours qu'il a prononcé lors de la séance d'ouverture de la treizième réunion des ministres du Travail de l'ANASE, le 14 mai 1999, le lieutenant général Khin Nyunt a fait la déclaration suivante:
Il y a eu des allégations concernant le recours au travail forcé au Myanmar. Si on en croit les allégations des médias occidentaux, le tableau est plutôt sombre. Nous sommes persuadés que ces allégations sont dues essentiellement à une mauvaise interprétation et à une mauvaise connaissance de la situation et de la mentalité de notre peuple.
Une infrastructure solide étant essentielle au développement économique, notre gouvernement a mis l'accent sur ce secteur. De ce fait, un effort soutenu a été consenti pour améliorer l'infrastructure de notre économie en construisant des routes, ponts, voies ferrées, barrages et réservoirs. La population qui s'est rendue compte des bienfaits de ces projets pour la communauté a contribué volontairement du travail pour que ces ouvrages puissent être achevés plus rapidement. En outre, selon la mentalité de notre pays, cette contribution non seulement apporte des avantages matériels immédiats dans la vie présente, mais encore constitue un mérite pour les cycles futurs de vie.
Faute de comprendre ces facteurs, certains ont avancé toutes sortes d'allégations. Pour dissiper ces fausses impressions, le gouvernement a publié des instructions selon lesquelles seul le travail rémunéré doit être utilisé dans les projets d'infrastructures. Parallèlement, avec le retour de la paix, nous faisons maintenant essentiellement appel aux militaires pour ces travaux publics. En conséquence, les allégations concernant le travail forcé sont dénuées de fondement(34) .
60. Se référant à des indications semblables données précédemment par le gouvernement, la commission d'enquête a rappelé, aux termes de ses recommandations au paragraphe 539 de son rapport, que:
... l'absence de délimitations nettes entre travail obligatoire et travail volontaire, qui apparaissait tout au long des déclarations du gouvernement ... risque encore de marquer le recrutement effectué par les responsables locaux et militaires. Le pouvoir d'imposer du travail obligatoire ne cessera d'être tenu pour acquis que lorsque ceux qui sont habitués à exercer ce pouvoir seront réellement confrontés avec leur responsabilité pénale.
Observations finales
61. Malgré l'arrêté publié par le gouvernement du Myanmar le 14 mai 1999, rien n'indique que les trois recommandations de la commission d'enquête ont été observées:
a) la loi sur les villages et la loi sur les villes n'ont pas été amendées;
b) dans la pratique, le travail forcé ou obligatoire continue d'être imposé sur une large échelle;
c) aucune action ne semble avoir été engagée au titre de l'article 374 du Code pénal pour punir ceux qui imposent du travail forcé.
Gouvernement de l'Union du Myanmar
Ministère du Travail
Bâtiment no 53, 1er étage, Strand Road
Yangon, Myanmar
Réf.: 15/DL(R-2)99
12 mai 1999
Au:
Directeur général
Bureau international du Travail
CH 1211 Genève 22, Suisse
Fax: (22) 798 86 85
Objet: Rapport de la commission d'enquête du BIT
Références: |
(1) |
la lettre du directeur général du ministère du Travail datée du 18 février 1999 |
|
(2) |
la lettre du Directeur général du Bureau international du Travail datée du 1er avril 1999 |
Monsieur le Directeur général,
Nous avons bien reçu votre lettre du 1er avril 1999 dans laquelle vous me demandez, suite à la décision prise par le Conseil d'administration à sa 274e session, de vous informer de toute mesure qu'aurait prise mon gouvernement sur chacune des recommandations qui figurent dans le rapport de la commission d'enquête.
A cet égard, je tiens à vous informer, à titre préliminaire, que les mesures d'ordre pratique qu'il est envisagé de prendre à la suite de ces recommandations ont été soumises au gouvernement de l'Union du Myanmar pour décision et qu'elles font déjà l'objet d'un examen actif de la part des hautes autorités.
Je me ferai un plaisir de vous informer immédiatement de la décision qui aura été prise à ce sujet.
Veuillez agréer, ...
(Signé) Sein Myint,
Directeur général,
Ministère du Travail.
Gouvernement de l'Union du Myanmar
Ministère du Travail
Bâtiment no 53, 1er étage, Strand Road
Yangon, Myanmar
Réf.: 15/DL(R-2)99
18 mai 1999
Au:
Directeur général
Bureau international du Travail
CH 1211 Genève 22, Suisse
Fax: (22) 798 86 85
Objet: Rapport de la commission d'enquête
Monsieur le Directeur général,
A la suite de la lettre datée du 12 mai 1999 par laquelle je vous faisais savoir que des mesures d'ordre pratique seraient prises pour donner suite aux recommandations de la commission d'enquête concernant le respect de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, j'ai le plaisir de vous informer que le ministère de l'Intérieur du gouvernement de l'Union du Myanmar a promulgué le 14 mai 1999 un arrêté ordonnant aux autorités compétentes de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés aux termes de l'article 7, paragraphe 1 (l) et (m), et des articles 9 et 9A de la loi de 1907 sur les villes, ainsi que de l'article 8, paragraphe 1 (g), (n) et (o), l'article 11 (d) et l'article 12 de la loi de 1907 sur les villages.
Cet arrêté dispose expressément que quiconque manque de se conformer à ses dispositions est passible de poursuites en vertu de la loi.
Cet arrêté a déjà été rendu public et a été communiqué à tous les organismes d'Etat et ministères et à toutes les autorités administratives locales, et il sera publié au Journal officiel du Myanmar, où sont publiés toutes les lois, procédures, notifications, et tous les règlements et directives.
Vous n'êtes pas sans savoir que le Myanmar a accueilli à Yangon, du 14 au 15 mai 1999, la 13e Réunion des ministres du Travail de l'ANASE, au terme de laquelle les médias locaux et internationaux ont été informés de cette mesure au cours d'une conférence de presse par le gouvernement du Myanmar.
Veuillez agréer, ...
(Signé) Soe Nyunt,
Directeur général.
Gouvernement de l'Union du Myanmar
Ministère de l'intérieur
Arrêté no
1/99
Yangon, le 15, Kason décroissant 1361 ME
(14 mai 1999)
Arrêté ordonnant de ne
pas exercer les pouvoirs conférés
par certaines dispositions de la loi de 1907 sur les villes
et de la loi de 1907 sur les villages
1. Le ministère de l'Intérieur du gouvernement de l'Union du Myanmar promulgue le présent arrêté en vertu du mémorandum du 14 mai 1999, lettre no 04/Na Ya Ka (U)/Ma Nya, du Conseil d'Etat pour la paix et le développement.
2. Aux termes de l'article 7 de la loi de 1907 sur les villes, des pouvoirs ont été conférés aux présidents des conseils d'arrondissements urbains pour la paix et le développement pour leur permettre d'exécuter leurs obligations publiques. Parmi ces pouvoirs figure le droit, prévu au paragraphe 1 (1) et (m) de l'article 7, de réquisitionner pour un service personnel les résidents desdits arrondissements. Aux termes de l'article 9, les résidents des arrondissements sont tenus d'exécuter les obligations qui leur sont imposées en vertu des pouvoirs ainsi conférés, et l'article 9A prévoit que quiconque néglige d'exécuter lesdites obligations est passible de poursuites.
3. De même, aux termes de l'article 8 de la loi de 1907 sur les villages, des pouvoirs ont également été conférés aux présidents des conseils d'arrondissements ruraux pour la paix et le développement pour leur permettre d'exécuter leurs obligations publiques. Parmi ces pouvoirs figure le droit, prévu au paragraphe 1 (g), (n) et (o) de l'article 8, de réquisitionner pour un service personnel les résidents desdits arrondissements. Aux termes de l'article 11 (d), les résidents des arrondissements sont tenus d'exécuter les obligations qui leur sont imposées en vertu des pouvoirs ainsi conférés, et l'article 12 prévoit que quiconque néglige d'exécuter lesdites obligations est passible de poursuites.
4. Afin d'adapter la loi de 1907 sur les villes et la loi de 1907 sur les villages à l'évolution de la situation actuelle en ce qui concerne notamment la sécurité et les conditions administratives, économiques et sociales touchant les affaires intérieures de l'Etat, le ministère de l'Intérieur a examiné et étudié la question de savoir comment il conviendrait de modifier lesdites lois, d'y insérer des dispositions ou d'en supprimer, en coordination avec les ministères, départements et organismes compétents.
5. En conséquence de quoi, le présent arrêté ordonne aux présidents des conseils d'arrondissements urbains et ruraux pour la paix et le développement et aux responsables du Département de l'administration générale et des forces de police du Myanmar de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés aux termes des dispositions de la loi de 1907 sur les villes et de la loi de 1907 sur les villages relatives à la réquisition pour un service personnel, tant qu'aucune autre instruction n'aura été donnée, et sauf dans les cas suivants:
a) réquisition pour un service personnel en vue de l'exécution de tout travail ou service exigé dans les cas de force majeure que représentent des catastrophes telles qu'incendies, inondations, ouragans, tremblements de terre, épidémies et, en général, toutes circonstances mettant en danger la vie ou les conditions normales d'existence de la population;
b) réquisition pour un service personnel en vue de l'exécution des travaux ou services qui sont d'un intérêt direct et important pour la collectivité et la population en général et d'une nécessité actuelle ou imminente pour lesquels il a été impossible de se procurer une main-d'œuvre volontaire malgré l'offre d'un salaire normal et qui ne constituent pas un fardeau trop lourd pour la population.
6. Quiconque manque de se conformer aux dispositions du présent arrêté est passible de poursuites en vertu de la loi.
(Signé) Colonel Tin Hlaing,
Ministre,
Ministère de l'Intérieur.
Copies
1) Bureau du Pésident du Conseil d'Etat pour la paix et le développement;
2) Bureau du Conseil d'Etat pour la paix et le développement;
3) Bureau du gouvernement;
4) Cour suprême;
5) Bureau du Procureur de la République;
6) Bureau du vérificateur général des comptes;
7) Conseil de sélection et de formation des services publics;
8) Tous les ministères;
9) Directeur général, Département de l'administration générale (communiqué pour information et diffusion aux fonctionnaires de l'Etat, des divisions, des districts et des circonscriptions qui lui sont rattachés);
10) Général de division de la police, forces de police du Myanmar (communiqué pour information et diffusion aux départements et organismes compétents qui lui sont rattachés);
11) Directeur général, Département des enquêtes spéciales;
12) Directeur général, Département des établissements pénitentiaires;
13) Tous les conseils d'Etat et de division pour la paix et le développement;
14) Tous les conseils de district pour la paix et le développement;
15) Tous les conseils de circonscription pour la paix et le développement (communiqué pour information et diffusion aux présidents des conseils d'arrondissements urbains et ruraux pour la paix et le développement qui leur sont rattachés);
16) Directeur général de la Société d'imprimerie et d'édition (avec une demande de publication au Journal officiel du Myanmar).
1. Conseil d'administration du BIT, 274e session (mars 1999), Relevé des décisions (GB.274/205), paragr. 12.
2. Travail forcé au Myanmar (Birmanie), rapport de la commission d'enquête instituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail pour examiner le respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930. Bulletin officiel de l'OIT, vol. LXXXI, 1998, série B, supplément spécial. Le texte intégral du rapport est également reproduit sur le site Web de l'OIT à l'adresse suivante: <http://www.ilo.org/public/french/20gb/docs/gb273/myanmar.htm>.
3. Ibid., paragr. 536 et 537.
4. Ibid., paragr. 539.
5. Ibid., paragr. 540.
6. Paragraphe 470 du rapport de la commission. Voir également paragraphes 237 et suivants du rapport pour des précisions sur ces lois.
7. Paragraphes 471 et 472 du rapport de la commission.
8. Ibid., paragr. 539 a), reproduit au paragraphe 5 ci-dessus.
9. Reproduite à l'annexe I du présent rapport.
10. Reproduite à l'annexe II du présent rapport.
11. Conseil d'Etat pour la paix et le développement.
12. Paragraphe 539 b) du rapport de la commission, reproduit au paragraphe 5 du présent document.
13. Annexes I et II.
14. Paragraphes 529 et 539 b) du rapport de la commission, reproduits au paragraphe 5 du présent document.
15. SPDC Orders to villages, Set 99-B, Thaton and Pa'an districts, ordre daté du 15 décembre 1998, enregistré en tant qu'ordre T6.
16. Afin de protéger les témoins contre d'éventuelles représailles, la CISL a demandé au Bureau de prendre, en ce qui concerne tous les documents fournis (y compris les ordres de travail forcé susmentionnés), toutes les mesures de sécurité et les précautions nécessaires, identiques à celles prises pendant les travaux de la commission d'enquête.
17. Voir paragr. 24 ci-dessus.
18. Document des Nations Unies E/CN.4/1999/35, 22 janv. 1999, paragr. 48.
19. Document des Nations Unies E/CN.4/1999/35, 22 janv. 1999, paragr. 44.
20. Ibid., paragr. 45.
21. Paragraphe 539 b) du rapport de la commission reproduit au paragraphe 5 ci-dessus.
22. Annexe II et paragr. 10 ci-dessus.
24. Datée par erreur de 1907 dans l'arrêté publié.
25. Fin du paragraphe 472; voir également paragr. 214-215.
26. CIT: 86e session, Genève, 1998, rapport III (partie 1A), rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, p. 106.
27. Paragraphes 218 et 472.
28. Voir paragr. 198-204 du rapport de la commission.
29. Paragraphe 472. Voir également paragr. 217 et 122 et suivi du rapport de la commission.
30. Paragraphe 539 b) du rapport de la commission, se référant aux paragraphes 481 et 529. Voir également paragr. 20 ci-dessus.
31. Ibid.
32. Voir paragr. 5 ci-dessus.
33. Un seul cas de mesures disciplinaires a été signalé par un gouvernement, comme indiqué au paragraphe 47 ci-dessus.
34. Le texte complet de cette intervention a été publié par BBC Monitoring Asia Pacific le 17 mai 1999.