GB.274/4/3 |
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QUATRIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Réponse de l'OIT à la crise financière
en Asie de l'Est et du Sud-Est
Action de l'OIT face à la crise
Table des matières
II. Facteurs déterminants de l'action de l'OIT
IV. Création d'emplois, développement des entreprises et mesures visant le marché du travail
V. Promouvoir le dialogue social
VIII. Evaluation de la réponse de l'OIT et orientations futures
1. Ce deuxième document, présenté pour faire suite à la demande du Conseil d'administration qui souhaitait une discussion plus approfondie de la crise financière en Asie et des activités menées par le Bureau en réaction à la crise, est centré sur les mesures prises et sur les relations de l'OIT avec les institutions financières internationales et régionales. Il explique les facteurs qui déterminent l'action de l'OIT, évalue les dispositions prises à ce jour et suggère d'autres mesures pour l'avenir.
2. Le présent document est structuré de façon à ce que l'on puisse repérer aisément l'action du Bureau dans tel ou tel domaine. Les activités menées au niveau national ont été déterminées par les différences importantes qui existent entre les trois pays les plus touchés (la Thaïlande, l'Indonésie et la République de Corée). Le degré de développement économique de ces pays, leurs structures économiques, leur régime politique et social et leurs institutions diffèrent, et la crise ne les a pas frappés au même moment ni avec la même intensité. Ces différences ont eu une incidence sur le déroulement de l'action du Bureau. Les efforts ont d'abord porté sur la Thaïlande dans les deux mois qui ont suivi la dévaluation du baht en juillet 1997. L'objectif était de procéder à une évaluation approfondie des besoins du pays, d'organiser une discussion tripartite de ces besoins avec les mandants de l'OIT au niveau national et de fixer le cadre de l'assistance de l'OIT. Les demandes d'assistance de l'Indonésie et de la République de Corée sont venues plus tard. On avait alors une plus grande expérience de la crise. Les niveaux différents de développement économique déterminent également l'action du Bureau. En Thaïlande, et plus encore en Indonésie, l'assistance de l'OIT a été fournie à plus grande échelle et a été plus diverse qu'en République de Corée, ce pays, qui est membre de l'OCDE, ayant plus besoin de services consultatifs que de coopération technique.
II. Facteurs déterminants de l'action de l'OIT
3. Avant d'entreprendre ce bilan de l'action de l'OIT face à la crise, il est utile de rappeler quels sont les principaux moyens d'action dont dispose le Bureau, ce qui détermine leur utilisation et sur quels fronts se porte l'action.
1. Principaux moyens d'action du BIT
4. Le Bureau a quatre moyens d'action à sa disposition:
Ces moyens d'action ne s'excluent pas l'un l'autre. Les résultats des travaux de recherche peuvent former la base d'un dialogue tripartite, mener à des recommandations pratiques, et enfin à un certain nombre d'activités entreprises dans le cadre de projets. C'est ainsi que les choses se sont déroulées lorsque la crise a commencé en Thaïlande.
2. Mandat de l'OIT pour agir face à la crise
5. La réponse de l'OIT à la crise découle des nouveaux mandats que lui ont confiés ses mandants aux niveaux régional et national, en sus du mandat général inscrit dans le programme et budget. Au niveau régional, les mandants ont identifié les domaines d'action prioritaires de l'OIT pour faire face à la crise. Au niveau national, les mandants ont sollicité son aide sous diverses formes. A mesure que se déroulait la crise, le Bureau a réorienté les activités existantes et en a entrepris de nouvelles dont la nécessité est apparue au fil du dialogue avec les mandants. Un troisième élément a été la poursuite des activités régulières et de celles déjà planifiées qui se sont avérées plus utiles encore dans le contexte de la crise. La réorientation des activités s'est faite dans le cadre des ressources humaines et financières existantes.
3. Contenu de l'action de l'OIT
6. Comme le montre le présent document, une bonne partie de l'action de l'OIT face à la crise a consisté à renforcer les capacités institutionnelles dans les domaines sociaux où elles faisaient défaut. Cette orientation est appropriée, car les institutions sociales sont relativement sous-développées dans bon nombre des pays touchés de la région, ce qui a aggravé les difficultés et accru les coûts sociaux.
7. La crise a montré à quel point il est impératif que l'OIT s'engage plus énergiquement dans le débat sur les orientations au niveau macroéconomique. Les politiques étant interdépendantes, les choix en matière de réglementation et de politique macroéconomique nationale touchent des domaines qui présentent un intérêt fondamental pour l'OIT et, partant, affectent l'efficacité de ses politiques et programmes. Même si on ne comprend pas très bien pourquoi, la crise montre qu'il existe un lien entre les marchés financiers internationaux, d'une part, et les emplois et les gains nationaux de l'autre.
8. Le mandat de l'OIT recouvre certains secteurs de la politique macroéconomique. Pour appliquer les normes de l'OIT - celles, par exemple, qui concernent la politique de l'emploi ou la sécurité sociale -, il faut parfois infléchir la politique macroéconomique. Trois numéros successifs de la publication du BIT L'emploi dans le monde ont montré qu'il est indispensable que les décisions de politique macroéconomique tiennent compte de leur incidence sur le plan social et ont présenté de solides analyses de la façon d'y parvenir. Le Conseil d'administration a pour sa part demandé à plusieurs reprises de renforcer la collaboration et le dialogue avec les institutions de Bretton Woods de façon à ce que les choix en matière de politique économique tiennent compte de préoccupations relevant de la politique de l'emploi et de la politique sociale.
En l'absence de systèmes adéquats de protection sociale dans la région, les difficultés économiques et sociales liées à la crise ont pesé directement sur les travailleurs et leurs familles. L'objectif de l'OIT restera d'aider à mettre en place de bons systèmes de protection sociale qui répondent au mieux aux besoins de sécurité des individus tout en tenant dûment compte des moyens financiers à long terme des pays considérés. |
9. Les systèmes de protection sociale vont de l'indemnité pour perte d'emploi et des régimes d'assurance chômage aux régimes de pensions qui fournissent aux retraités un revenu décent et aux systèmes de protection sanitaire. Ils comprennent aussi les filets de sécurité sociale de base (l'assistance sociale), l'assurance d'un revenu minimum par le biais des allocations d'assistance, l'accès gratuit aux soins de santé primaires, des programmes de création d'emplois dans le secteur public et des subventions pour les denrées alimentaires. Les programmes de travaux publics à forte intensité de main-d'œuvre, les programmes de microcrédit pour les travailleurs indépendants et l'offre ciblée de vivres aux personnes indigentes sont examinés plus loin.
10. La convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, établit avec d'autres instruments de l'OIT plus spécialisés dans le domaine de la sécurité sociale les normes minima de la protection sociale tout en laissant une certaine souplesse, ce qui en fait un instrument sensible aux besoins des pays en développement. La convention a recueilli 40 ratifications de par le monde mais, dans la région de l'Asie et du Pacifique, le Japon est le seul pays à l'avoir ratifiée. Au début de la crise financière, la situation était fort différente selon les pays. Certains traversaient une période de transition entre la planification centralisée et l'économie de marché (le Viet Nam, la Chine, par exemple); dotés de systèmes de protection sociale de type socialiste pleinement opérationnels, ils sont maintenant aux prises avec deux séries de difficultés: mener des réformes tout en subissant les retombées de la crise financière. D'autres pays avaient depuis longtemps mis en place des structures de marché mais non un véritable système de protection sociale, ou bien ils avaient commencé trop tard à le faire. Ces pays touchés par la crise ont besoin soit d'établir un système de protection sociale, soit de renforcer ou de restructurer leur système actuel.
11. L'OIT a collaboré avec l'organisation régionale de la CISL pour l'Asie et le Pacifique et l'Institut japonais du travail à l'organisation d'un atelier régional sur les filets de sécurité sociale (Manille, 28 juillet - 1er août 1998). La réunion a montré la nécessité d'améliorer les connaissances en matière de sécurité sociale et d'attirer l'attention des organisations de travailleurs sur les préoccupations des travailleurs du secteur informel.
12. Le gouvernement indonésien a demandé à l'OIT de l'aider à revoir son système de protection sociale. Un tel réexamen a déjà été effectué en Thaïlande et en Malaisie. Suivant les recommandations de l'OIT, le système thaïlandais est élargi afin de fournir une protection aux retraités et aux travailleurs du secteur informel. Dans ce pays, où la fonction publique est en train d'être réformée, le régime de protection sociale de la fonction publique est révisé de façon à encourager la mobilité du secteur public vers le secteur privé.
Développer les systèmes officiels de protection des revenus pour les périodes actuelles et futures de chômage aigu est une priorité, parallèlement à l'institution de services de l'emploi (agences de placement) efficaces. |
13. Parmi les pays touchés par la crise, seule la République de Corée a un programme d'assurance chômage; bien qu'il ait été récemment étendu à tous les employeurs, on estime qu'il ne protège que 40 pour cent de la population active. Un grand nombre de travailleurs classés comme journaliers en sont en particulier exclus. La Thaïlande envisage d'instituer une assurance chômage.
14. Le BIT effectue des études de faisabilité concernant la mise en place de systèmes de prestations de chômage ou l'extension des régimes existants. Une étude a déjà été réalisée en Thaïlande(1) et une autre doit être entreprise en République de Corée; cette dernière sera axée sur l'élaboration de systèmes fournissant des prestations au plus grand pourcentage possible de la population active et tiendra compte de la situation dans le pays pour ce qui est des services de l'emploi et de l'importance des emplois simultanés.
15. Le coût de ces régimes peut rester modéré. L'étude de faisabilité menée en Thaïlande au milieu de 1998 a établi, en tablant sur une reprise économique, que le taux de cotisation requis serait d'environ 2,5 pour cent de la masse salariale en 2001, pour être ramené à moins de 1 pour cent en 2007. Là où il existe déjà un régime de sécurité sociale, il devrait être possible d'introduire un programme d'assurance chômage. Le risque existe, dans les pays où les services de l'emploi sont sous-développés, que les bénéficiaires se rendent disponibles pour un emploi ou travaillent dans le secteur informel tout en recevant des prestations, mais ce risque n'est pas considéré comme un obstacle insurmontable, compte tenu des besoins actuels.
2. Améliorer la couverture des régimes de sécurité sociale
Les régimes de sécurité sociale de la région, lorsqu'ils existent, n'assurent qu'une protection limitée. En outre, leur taux de couverture est faible. Les restrictions législatives qui tendent à exclure les petits employeurs en sont partiellement responsables mais, ce qui est plus important, c'est l'exclusion effective de la plus grande partie de la population active qui travaille dans le secteur informel ou à son propre compte. |
16. Bien que, en termes absolus, le secteur moderne se soit développé dans beaucoup de pays pendant la période de croissance économique, le secteur informel est resté important et s'est développé avec la crise. L'OIT aide les Etats Membres à déterminer les mesures à prendre et à adopter ces mesures pour accroître le taux de couverture, notamment en restructurant les régimes et en améliorant le respect des dispositions en vigueur. Dans les pays où les besoins dépassent nettement la portée des systèmes en place, l'OIT aide les Etats Membres, les partenaires sociaux, les ONG et les collectivités à concevoir des mesures de protection sociale adaptées. Le programme mondial STEP (Stratégies et techniques contre l'exclusion sociale et la pauvreté) de l'OIT est expressément conçu pour aider les collectivités, les coopératives et les groupes de solidarité à mettre en place des mécanismes offrant une protection sociale suffisante à ceux de leurs membres qui sont exclus du bénéfice des régimes de sécurité sociale officiels. Il s'agit avant tout d'améliorer l'accès aux soins de santé qui, dans la plupart des pays en développement, est considéré comme le besoin prioritaire en matière de protection sociale des travailleurs du secteur informel et des travailleurs indépendants. Des travaux sont en cours aux Philippines, où l'OIT a mis au point un projet visant à instituer une protection sociale à base communautaire, en particulier dans le domaine de la protection sanitaire. Des activités ont commencé au Viet Nam et seront poursuivies en Indonésie, où l'OIT a entrepris d'exécuter avec la Banque mondiale un projet comportant une étude de faisabilité sur l'établissement de systèmes d'assurance maladie et mettant l'accent sur le secteur informel.
La protection sociale est une fonction fondamentale des salaires minima. Sous l'effet de la dévaluation des monnaies et de l'inflation concomitante dans la région, les salaires minima ont fortement diminué en termes réels. |
17. A la demande du gouvernement de l'Indonésie, l'OIT a effectué une étude majeure de la réforme du système de fixation des salaires minima. Les conclusions de l'étude et les recommandations sur les mesures à prendre ont été discutées dans le cadre d'une série d'ateliers régionaux organisés dans le pays, qui s'est achevée en 1998 par un atelier tripartite national. Le gouvernement a maintenant demandé à l'OIT de l'aider à faire une analyse plus large de la politique salariale du pays.
18. Dans le cadre de l'assistance de la Banque asiatique de développement à la Thaïlande, la Banque a accordé un prêt pour le secteur social, mais elle a assorti son versement de la condition que le gouvernement révise sa politique salariale. A la demande de la Sous-commission de la politique salariale de la Commission nationale tripartite des salaires de Thaïlande, l'OIT a entrepris une étude de la politique salariale. La première phase de cette étude en deux parties, qui s'est achevée en décembre 1998, a permis d'analyser les tendances des salaires et de la productivité dans les années quatre-vingt-dix et la politique en matière de salaires minima eu égard à la décision récente du gouvernement de décentraliser la fixation de ces salaires. L'OIT a élaboré 14 recommandations sur les mesures à prendre qui ont été examinées et discutées séparément par la sous-commission, par la commission nationale des salaires en séance plénière et par un séminaire tripartite à Bangkok. La plupart des recommandations de l'OIT ont été adoptées par le ministère du Travail et du Bien-être social. La convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970, est spécialement adaptée aux besoins des pays en développement et a servi de base aux travaux de l'OIT sur le projet. Dans la région, seuls le Japon et le Népal ont ratifié cette convention.
4. Aide ciblée pour lutter contre le travail des enfants
On s'efforce, par l'intermédiaire du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), de réorienter les stratégies vers les pires formes de travail des enfants et de faire face à la situation dans les pays touchés par la crise. L'objectif premier est de maintenir les gains antérieurs dans la lutte contre le travail des enfants. |
19. Le BIT procède à une évaluation globale de l'impact de la crise sur le travail des enfants en Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande. Cette étude examinera les effets des principaux éléments de la crise et des programmes d'ajustement sur le travail des enfants, tirera les enseignements des événements sur le plan des politiques et des programmes et définira des lignes d'action et un train de mesures concrètes portant sur tous les aspects. Le travail sur le terrain a commencé en janvier 1999 en Indonésie, en Thaïlande et aux Philippines et sera achevé en avril. Le rapport complet sera mis en forme en juin 1999 au plus tard.
20. Une autre activité importante est la promotion d'un programme sous-régional de lutte contre la traite des enfants à des fins d'exploitation, y compris d'exploitation sexuelle. Ce programme a entamé sa deuxième phase avec des programmes d'action et des activités de renforcement des capacités des partenaires sociaux. La promotion de la ratification de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, est une partie importante de l'action de l'OIT face à la crise. Les Philippines ont ratifié la convention no 138 ainsi que la Chine, la République de Corée et la Malaisie, et l'Indonésie devrait le faire en 1999.
21. Par l'entremise de l'IPEC, l'OIT participe au programme de lutte contre la pauvreté en Indonésie lancé par le gouvernement, qui comporte des activités visant à sensibiliser la communauté aux problèmes du travail des enfants. Afin que le programme de bourses d'études lancé par la Banque asiatique de développement et la Banque mondiale atteigne les enfants qui en ont le plus besoin, l'IPEC prévoit d'introduire des programmes de sensibilisation des commissions scolaires afin d'élaborer des principes directeurs pour les enfants les plus exposés au risque de devoir travailler. Aux Philippines, le maintien à l'ordre du jour de la cause des enfants qui travaillent fait l'objet d'un consensus. L'IPEC renforce ses efforts de mobilisation et de développement communautaire afin de préparer les familles touchées aux répercussions probables de la crise. Parmi les autres initiatives, on peut citer des programmes d'aide scolaire et d'assistance tels que des systèmes d'épargne communautaires, avec pour objectif à long terme de lancer des initiatives de microfinancement.
5. Les travailleuses et la promotion de l'égalité
des sexes pendant la crise
Il est impossible d'évaluer précisément l'ampleur de l'impact de la crise sur les travailleuses en raison de l'absence de données ventilées par sexe. Même si l'on disposait de telles données, elles sous-estimeraient l'ampleur de cet impact, du fait que les femmes occupent un nombre disproportionné des emplois atypiques ou de niveau inférieur et sont souvent privées de toute forme de protection sociale, par exemple d'indemnités pour perte d'emploi. |
22. Afin de se faire une idée précise des effets de la crise asiatique selon le sexe, l'Asian Institute of Technology et l'OIT ont contribué aux travaux de recherche entrepris en 1998 en Indonésie, en République de Corée, en Malaisie, aux Philippines et en Thaïlande. Les conclusions de ces recherches seront publiées en mars 1999.
23. Deux projets sont en cours en Indonésie, dont l'un vise à développer les possibilités d'emploi pour les femmes dans le cadre du programme multi-bilatéral OIT/Japon. Conçu pour donner suite au Sommet mondial pour le développement social et au Programme d'action de Beijing, ce projet a été réorienté vers des mécanismes de création d'emplois en faveur des groupes de femmes désavantagées qui ont été touchés par la crise financière. L'autre projet est axé sur le renforcement de la position des travailleuses à domicile et est exécuté en coordination avec le Département des politiques de développement avec un financement du Danemark. L'angle d'attaque est l'action sociale, en favorisant l'organisation et le pouvoir de négociation des femmes pauvres, chômeuses ou travaillant à leur compte et de leurs familles, et en leur assurant un accès au microcrédit, à une formation à l'activité d'entreprise et à une formation professionnelle, et la fourniture d'autres services essentiels pour l'emploi et la lutte contre la pauvreté. Le projet prévoit également une action de sensibilisation aux droits des femmes en leur donnant des notions élémentaires de droit et en favorisant leur apprentissage de l'autonomie dans des secteurs où la crise financière a privé beaucoup de femmes de leur emploi. Un appui sera en outre fourni aux instances chargées de réformer les politiques et de mener des activités de plaidoyer.
24. Des initiatives similaires visant à aider les femmes touchées par la crise doivent commencer en Thaïlande en 1999. Ces projets sont exécutés dans le cadre des programmes de coopération technique multi-bilatéraux OIT/Japon et OIT/Danemark. La recherche active sur les travailleuses pauvres, celles qui ont perdu leur emploi et les travailleuses indépendantes dans les industries du textile et de l'alimentation débouchera sur des projets de démonstration auprès de femmes désavantagées de la capitale et de certaines villes de province. Ces projets visent à organiser les travailleuses et à les aider à avoir une activité productive. La capacité des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux et des partenaires sociaux sera renforcée afin qu'ils puissent fournir aux travailleuses du secteur moderne comme du secteur informel des services financiers et techniques adéquats tenant compte des problèmes spécifiques aux femmes. Au niveau des politiques, le projet encouragera l'application de la loi de 1998 sur la protection de la main-d'œuvre et de la politique concernant les travailleurs à domicile édictée en 1998 par le gouvernement, ainsi que la ratification de la convention (no 100) sur l'égalité de rémunération, 1951, de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et de la convention (no 177) sur le travail à domicile, 1996.
La crise a fait ressortir la vulnérabilité des travailleurs migrants venus, légalement et illégalement, à un moment où, dans les pays de la région en forte croissance économique, sévissaient de graves pénuries de main-d'œuvre. Vers le milieu de 1997, on estimait à 6,5 millions le nombre de travailleurs migrants légaux et illégaux dans les nouveaux pays industriels et au Japon. Lorsque la crise a frappé et que l'on s'est rué sur les emplois restants, les travailleurs migrants ont été les premiers à être privés d'emploi et i l y a eu de nombreux cas de rapatriement non conformes aux principes de l'OIT. |
25. Les pays exportateurs de main-d'œuvre comme l'Indonésie et les Philippines ont été doublement affectés, car non seulement la demande de main-d'œuvre y a diminué en raison de la crise, mais l'offre de main-d'œuvre a augmenté avec le rapatriement de leurs travailleurs émigrés. Le BIT prévoit de rédiger un rapport spécial sur l'impact de la crise sur les migrations de main-d'œuvre et sur les conditions faites aux travailleurs migrants.
26. En septembre 1998, l'OIT a organisé à Jakarta un atelier sur la politique de l'emploi à l'étranger. Ce séminaire tripartite a examiné la portée et les limites des différentes lignes de conduite dans le domaine des migrations internationales de main-d'œuvre. Les recommandations soumises au gouvernement insistaient sur la nécessité de protéger les travailleurs migrants et d'établir des mécanismes consultatifs au ministère de la Main-d'œuvre afin d'améliorer l'élaboration et la discussion des mesures qu'il est possible de prendre dans le domaine des migrations de main-d'œuvre. Un second atelier financé par l'OIT, portant sur l'ampleur et les limites des responsabilités et obligations des agents privés, a été organisé en novembre 1998.
IV. Création d'emplois, développement des entreprises
et mesures visant le marché du travail
1. Analyser les besoins au niveau des politiques
La politique macroéconomique doit faire une place de manière plus délibérée à la promotion d'emplois durables et à la protection de ces emplois. Cela requiert une analyse approfondie du marché du travail et la participation effective de l'OIT et de ses mandants aux débats sur la politique macroéconomique. De bons systèmes d'information sur le marché du travail sont indispensables pour améliorer la qualité des analyses. |
27. Une étude récente de la crise publiée par le Bureau fait valoir que:
La crise a mis en évidence le fait qu'un taux élevé de création d'emplois n'est pas en soi suffisant; les dirigeants devraient aussi se soucier de la durabilité des emplois qui sont créés. En cas de mauvaise affectation des ressources sur une grande échelle, comme cela a été le cas avant la crise, les emplois liés à ces mauvais investissements sont exposés. De fait, une bonne partie des emplois supprimés depuis le début de la crise l'ont été dans les activités liées au secteur de la construction qui connaissait une expansion excessive et au secteur financier. Le souci de la durabilité de la création d'emplois appelle l'attention sur les liens nécessairement étroits qui existent entre la politique économique et la politique de l'emploi(2) .
28. L'OIT a entrepris des analyses de la politique de l'emploi dans deux des pays les plus touchés, l'Indonésie et la Thaïlande, afin de se faire une idée complète de la manière dont la crise a affecté les marchés nationaux du travail et de proposer des solutions à court et à plus long terme. L'étude sur la Thaïlande sera achevée en 1999. L'étude sur l'Indonésie - une initiative interinstitutions des Nations Unies conduite par l'OIT - a été achevée en 1998. Cette étude analyse en particulier le chômage et le sous-emploi et recommande des stratégies à court terme en faveur de l'emploi et d'un revenu minimum, ainsi que des stratégies de promotion de l'emploi à moyen terme. Plusieurs de ses recommandations ont été suivies par le gouvernement indonésien qui a demandé à l'OIT de l'aider à les mettre en œuvre.
29. En Thaïlande, l'OIT a convoqué en mars 1998 une réunion d'utilisateurs et de producteurs de statistiques du travail afin de cerner les secteurs critiques et de déterminer les priorités nationales pour améliorer les statistiques du travail - lesquelles revêtent un intérêt particulier compte tenu de la nécessité d'évaluer l'ampleur de l'impact de la crise sur le marché du travail. Les recommandations de l'OIT sur les mesures à prendre ont été approuvées et un programme d'action spécifique a été mis au point. En février 1999, le PNUD a accepté de financer un projet de l'OIT visant à améliorer l'élaboration des politiques grâce à de meilleures enquêtes sur la population active. Ce projet, centré sur des conseils techniques aux statisticiens, aux planificateurs de l'économie et aux gestionnaires, est maintenant en cours d'exécution.
30. L'OIT a par ailleurs réorienté ses initiatives vers l'emploi et la création de revenus, la viabilité des entreprises, le renforcement des services de l'emploi et la promotion de la formation professionnelle. La convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975, fournit le cadre de l'action de l'OIT dans ces domaines, conjointement avec la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964.
2. Promotion de l'emploi à forte intensité de main-d'œuvre
Il importe au plus haut point de fournir un revenu aux millions de personnes qui ont perdu leur emploi ou qui ne trouvent pas de travail. Il y a lieu de développer l'infrastructure institutionnelle pour pouvoir exécuter, là où ils sont nécessaires, des programmes de création d'emplois publics à fort coefficient de main-d'œuvre. |
31. Les programmes de création d'emplois à forte intensité de main-d'œuvre doivent être conçus de façon à répondre à la demande dans le secteur public et à maximiser la création d'emplois. Ils exigent de solides mécanismes de crédit et peuvent être complétés par des microcrédits ciblés pour permettre une activité indépendante ainsi que par la distribution ciblée de vivres.
32. Une étude récente du BIT présente un programme à deux facettes de création d'emplois d'urgence et de filets de sécurité pour les pauvres. Le premier élément est un fonds de création d'emplois à large assise utilisé pour créer d'urgence des emplois salariés et des emplois indépendants. Des méthodes à facteur travail prédominant dans la construction d'infrastructures publiques créeraient des emplois salariés, et des crédits ciblés donneraient une impulsion au travail indépendant. Le deuxième grand élément du programme serait un système de distribution de vivres à court terme ciblé sur les pauvres(3) . L'angle d'approche de l'étude permet d'ajouter facilement des estimations détaillées des coûts nets au niveau macroéconomique et en relation avec le budget des administrations, afin de démontrer la viabilité financière de la proposition et aussi qu'il est possible de l'élargir.
33. La méthode de création d'emplois fondée sur la main-d'œuvre de l'OIT dans les secteurs de la construction et des infrastructures offre un moyen de mettre en concordance ressources et emplois. Le lancement en mai 1998 en Asie et dans le Pacifique du programme ASIST de l'OIT, financé par le Danemark, n'était pas lié à la crise, mais ce programme était à l'évidence orienté dès le départ vers les besoins des pays les plus touchés par la crise.
34. En Thaïlande, le programme de l'OIT a porté essentiellement sur une évaluation des possibilités de création d'emplois en recourant à des procédés à facteur travail prédominant dans les projets d'infrastructures et sur la formation à ces procédés du personnel du ministère de l'Intérieur. Le ministère et la Caisse d'épargne nationale de Thaïlande sont conjointement responsables de l'exécution de composantes importantes du programme d'investissement social de 480 millions de dollars de la Banque mondiale dans le pays, et ces composantes comportent des programmes de travaux publics de grande envergure. Les activités de formation de l'OIT viennent à l'appui du projet du ministère visant la construction en utilisant beaucoup de main-d'œuvre de 1 400 kilomètres de routes villageoises et d'un grand nombre de projets de remise en état des systèmes d'irrigation dans les zones rurales. L'OIT a également dispensé une formation technique au SOFO (Bureau du fonds social de la Caisse d'épargne nationale) qui est chargé de débourser les fonds destinés à 5 000 programmes à base communautaire également ciblés sur le développement des infrastructures.
35. Aux Philippines, l'OIT a organisé en novembre 1998 un atelier tripartite national sur le thème de l'élimination des obstacles aux programmes fondés sur l'utilisation de la main-d'œuvre. Cet atelier a suivi des consultations approfondies avec les principales parties prenantes dans le développement des infrastructures au sein de l'administration et du secteur privé, y compris des organisations de travailleurs. En tant qu'étape préalable à l'élaboration de projets, les recherches réalisées sous les auspices de l'OIT par la Development Academy des Philippines ont établi que, en 1998, de 126 000 à 230 000 emplois supplémentaires auraient pu être créés à la faveur du développement des infrastructures au même coût et avec des résultats d'aussi bonne qualité que si les techniques fondées sur l'utilisation de matériel avaient été remplacées par des procédés à facteur travail prédominant. Aux Philippines également, et avec un financement de l'Union européenne, l'aide de l'OIT a été sollicitée pour mettre en place un système d'entretien des routes fondé sur l'utilisation de la main-d'œuvre dans le cadre du programme de développement rural à Banaue.
36. L'OIT a fourni un appui technique aux programmes de développement des infrastructures fondés sur l'utilisation de la main-d'œuvre de la Direction des travaux publics de l'Indonésie, qui exécute les travaux d'infrastructure pour les routes, l'irrigation et les établissements humains. Comme en Thaïlande, l'assistance technique de l'OIT a établi un lien décisif entre les initiatives soutenues par le gouvernement et les organismes de financement extérieurs, notamment la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement, le Fonds japonais de coopération économique avec l'étranger et AusAID. L'OIT a proposé une approche en deux étapes de l'assistance technique aux programmes de travaux publics et à base communautaire. AusAID a accepté de financer la première phase, et le gouvernement indonésien a demandé à la Banque mondiale de financer la seconde.
37. Un exemple de la coopération entre l'OIT et la Banque mondiale pour la création d'emplois d'urgence est donné par la participation de l'OIT à la mission du Programme d'ajustement du secteur de la protection sociale de la Banque mondiale, qui s'est rendue en Indonésie en novembre-décembre 1998. Outre la création d'emplois, ce programme vise à améliorer le fonctionnement et la conception du filet de sécurité principal en Indonésie. Il prévoit notamment l'importation de riz et de médicaments, la distribution ciblée de riz, des dépenses au titre de la formation et de petits programmes d'emploi et de création de revenus, ainsi que le renforcement des mesures de lutte contre la corruption, de mise en œuvre et de contrôle. Un organe de contrôle sera créé pour surveiller l'exécution du programme: en raison de la participation de l'OIT, sa représentation comprendra des syndicats. L'OIT a également été priée de participer à l'évaluation des projets en cours faisant appel à une main-d'œuvre abondante, en particulier du programme visant la création d'emplois d'urgence pour les travailleurs qualifiés, géré par le ministère de la Main-d'œuvre.
3. Appuyer la croissance de l'entreprise et sa viabilité
La progression d'emplois durables dépend de la croissance d'entreprises saines. Dans le contexte de la présente crise, il s'agit là d'une gageure. Le taux de faillites est très élevé dans la plupart des pays frappés par la crise et bien des entreprises viables sont confrontées à des problèmes de liquidités, l'accès au crédit étant devenu plus difficile. D'une façon plus générale, le rythme de la restructuration des entreprises s'est accéléré et il continuera vraisemblablement d'en être ainsi lors de la reprise. |
38. L'action de l'OIT s'est concentrée sur trois grands domaines: fournir une assistance lors de la création d'entreprises et de leur croissance; aider les entreprises à se restructurer et à faire face au fléchissement économique - particulièrement grâce à des gains de productivité et de compétitivité; et promouvoir l'emploi indépendant.
39. L'OIT dispose de différents outils pour promouvoir l'entreprise en ce moment où il est de plus en plus nécessaire de créer des emplois et de renforcer la viabilité de l'entreprise. En Thaïlande, le ministère du Travail et des Affaires sociales a demandé à l'OIT de mettre les ressources du Programme international pour les petites entreprises (ISEP) à la disposition de cinq projets consacrés à ce type d'entreprise; ils visent des groupes particulièrement frappés par la crise tels les travailleurs licenciés, les handicapés et les femmes. Le BIT mettra au point un module de formation destiné aux agents des pouvoirs publics centré sur le rôle de la micro et petite entreprise (MPE) dans le domaine de la création d'emplois et de l'allégement de la pauvreté. Cette formation portera essentiellement sur les méthodes permettant d'impartir des compétences de gestion des affaires à des groupes ciblés, ainsi que sur les techniques d'évaluation de l'impact des programmes de soutien aux MPE. Le but recherché est de donner davantage d'efficacité à l'action des agents gouvernementaux lorsqu'ils exécutent des programmes pour la petite entreprise. L'OIT prend également part à un projet du PNUD relatif au développement des MPE en zone urbaine.
40. Le prêt accordé à la Thaïlande par le fonds d'investissement social de la Banque mondiale, et géré par le bureau du fonds social (SOFO) nouvellement créé par la Banque d'épargne du gouvernement thaïlandais, servira à proposer des prêts de lancement aux organisations communautaires en zone urbaine porteurs de création d'emplois. L'OIT a organisé un séminaire de cinq semaines pour les dirigeants et les cadres du SOFO, à sa demande. Ce cours sur les technologies travaillistiques, les compétences de management et la gestion de la petite entreprise s'est achevé en décembre 1998.
41. Au Viet Nam, un projet de trois ans «Démarrez et gérez votre affaire» (SIYB), mis au point avant la crise, a débuté en octobre 1998 sous les auspices du programme ISEP, avec un financement du gouvernement de la Suède. Eu égard aux effets du fléchissement économique régional sur l'économie vietnamienne, le but recherché, à savoir développer la capacité institutionnelle nationale en vue de promouvoir la création d'emplois et d'améliorer le management dans les petites entreprises, nouvelles ou existantes, est encore plus d'actualité.
42. En matière de développement de la petite entreprise, son potentiel d'emplois constitue, de toute évidence, la raison principale de la multiplication des initiatives politiques visant à favoriser la progression des MPE. Par ailleurs, si l'on tient compte de la part de ces entreprises dans le PIB de bien des pays de la région et de ce qu'elles représentent au plan du potentiel d'emplois, on constate qu'il existe une marge permettant des gains de productivité. S'intéresser à la productivité en vue d'améliorer la compétitivité importe tant pour les grandes entreprises que pour les plus petites qui, lors d'une reprise, seront vraisemblablement exposées à un surcroît de concurrence extérieure. Un second programme de l'OIT, le programme d'action pour l'amélioration de la productivité, de la compétitivité et de la qualité de l'emploi dans les pays en développement, peut jouer un rôle ici. L'OIT collabore actuellement avec les organisations nationales de productivité aux Philippines et en Thaïlande pour réaliser des recherches sur ce sujet et restructurer certaines industries particulièrement exposées telles celles du vêtement aux Philippines et de la transformation alimentaire en Thaïlande.
43. L'OIT a établi un lien direct avec des organisations d'employeurs de l'industrie et certaines compagnies pour s'occuper de projets d'amélioration de la productivité. Deux ateliers ont eu lieu en novembre 1998, en Thaïlande, qui ont traité de l'amélioration de la productivité dans les MPE de six industries à l'exportation dont la restructuration est prioritaire aux yeux du gouvernement. Un réseau de 40 MPE servira désormais de projet pilote pour améliorer la productivité afin de renforcer les liens entre les entreprises, les organisations d'employeurs et l'Institut thaïlandais de productivité. Des séminaires analogues ont eu lieu en 1998 aux Philippines, et d'autres sont prévus en 1999 avec l'organisation des employeurs d'Indonésie.
44. L'OIT a souvent travaillé en collaboration étroite avec l'Organisation asienne de productivité, comme le montre la participation de l'organisation à la Réunion d'étude de l'APO consacrée, en décembre 1998, à la crise économique en Asie, intitulée «A la recherche d'une compétitivité supérieure sur les marchés mondiaux». Les participants provenaient des pays les plus atteints ainsi que d'autres pays membres de l'APO. La réunion a permis d'échanger des renseignements et des stratégies visant à améliorer la compétitivité. L'OIT a également œuvré directement avec diverses organisations de productivité nationale, les aidant à faire progresser leur capacité et leur impact particulièrement par le biais du programme modulaire OIT/APO pour la gestion de la productivité et de la qualité; ce dernier a été l'occasion pour diffuser des informations sur les restructurations tenant compte de l'intérêt collectif et l'utilisation des gains de productivité en vue d'affermir la viabilité de l'entreprise et celle de l'emploi.
45. Il est essentiel de renforcer la capacité des entreprises à se restructurer pour qu'elles affrontent avec succès la crise financière, restent compétitives, et conservent ou créent des emplois. En juillet 1999, l'OIT organisera, avec des sociétés de la région, une table ronde sur la restructuration de l'entreprise vue dans le cadre de stratégies concurrentielles fondées sur les ressources humaines, de l'entreprise citoyenne et des initiatives sociales dues aux entreprises. Il faudra sans doute de plus en plus restructurer, et l'OIT parallèlement a cherché à diffuser des tentatives de variantes du licenciement. Cette question a été abordée lors d'un séminaire sous-régional tripartite sur la cessation de la relation de travail (Séoul, novembre 1998) et d'un autre séminaire tripartite sur la mondialisation et les relations professionnelles (Malaisie, septembre 1998).
46. Plus de 60 pour cent des 762 millions de membres de coopératives vivent en Asie. La crise a provoqué une accélération des réformes de leur cadre juridique et institutionnel permettant ainsi aux coopératives d'exploiter leur potentiel d'autonomie et de lutter contre ses effets sur les couches les plus pauvres de la population. Le potentiel en question va dans trois grandes directions: 1) promouvoir l'emploi autonome; 2) offrir une variante de filet de sécurité sociale autofinancée et autogérée; 3) créer d'autres options de systèmes financiers capables de mobiliser la microépargne dans les zones rurales. L'OIT fournit un soutien aux coopératives par le biais de trois programmes régionaux. L'un d'entre eux, COOPNET, appuie les efforts de mise en valeur de ressources humaines faits par les institutions coopératives en proposant une formation à diverses compétences. En 1999, COOPNET fait une plus grande place aux compétences nécessaires à l'entrepreneur pour faire progresser la compétitivité - un atelier régional est prévu sur cette question. Un autre programme, l'INDISCO, aide les populations autochtones et tribales à concevoir et exécuter leurs propres plans de développement; en Asie du Sud-Est, il est présent en Thaïlande, au Viet Nam et aux Philippines. Ses projets dans ces pays ont été remaniés dans le sens d'une promotion de l'emploi pour répondre aux besoins des personnes qui retournent dans leur communauté par suite de la crise financière. Cinq monographies nationales, dont une sur l'Indonésie et une sur les Philippines - réalisées par le BIT à partir de 1998 -, serviront à évaluer le potentiel de création d'emplois des coopératives.
4. Renforcer les services de l'emploi
La très forte croissance de l'emploi, qui a caractérisé bien des pays de la région, est sans doute une des raisons de la place insuffisante faite aux efforts gouvernementaux d'adéquation de l'emploi par la mise en place de services publics dans ce domaine. La crise a mis en évidence cette insuffisance de la capacité institutionnelle, et plusieurs gouvernements cherchent actuellement à renforcer leurs services de l'emploi et même, dans certains cas, leurs rapports avec des bureaux de placement privés. |
47. En juillet et août 1998, l'OIT a réalisé sur invitation du ministère du Travail en République de Corée une mission d'assistance technique afin d'analyser la situation du marché du travail ainsi que les politiques et programmes dans les domaines de l'assurance chômage, de la formation professionnelle et des services de l'emploi. Les programmes des services de l'emploi sont en forte expansion. L'assistance de l'OIT porte sur quatre domaines essentiels: 1) la taille des organes administratifs chargés des services de l'emploi; 2) la sous-traitance des services aux pouvoirs publics locaux; 3) la gestion des résultats obtenus par les programmes; 4) l'amélioration des services d'orientation professionnelle. Il a également été question de mettre en place un système de placement ouvert, de développer des programmes de création d'emplois publics, de corréler la restructuration des entreprises et les activités de recyclage, d'améliorer les communications avec les employeurs et de resserrer les activités des bureaux de placement publics et privés. L'OIT a aussi offert une assistance technique pour ce qui a trait au suivi et proposé d'aider à organiser un voyage d'étude international destiné aux fonctionnaires du ministère du Travail pour qu'ils observent des programmes de services de l'emploi modèles dans d'autres pays.
48. En décembre 1998, l'OIT a aidé l'Association mondiale des services de placement publics (WAPES) et le ministère du Travail et des Affaires sociales de Thaïlande à réaliser un atelier consacré à la crise asiatique et aux services d'emploi publics; y ont participé la Thaïlande, la Malaisie, l'Indonésie, la Chine, le Cambodge et le Viet Nam. Il a été question du rôle des services d'emploi publics dans le redéploiement des travailleurs licenciés. Les participants ont évalué la situation du débauchage dans leur pays et répertorié diverses actions ponctuelles qui pourraient être entreprises dans quatre domaines: une meilleure adéquation entre l'offre et la demande sur le marché du travail; de nouvelles méthodes de formation professionnelle et personnalisée; un soutien du travail indépendant; et de meilleurs systèmes d'information concernant le marché du travail. En se fondant sur les indicateurs de performance retenus par les participants, on a proposé des outils de gestion pour mesurer l'efficacité des services d'emploi publics lors du placement de travailleurs licenciés.
49. L'OIT prend part à deux projets de services de l'emploi au Viet Nam. L'Organisation en exécute un à l'aide d'un financement du Japon et coparticipe à la réalisation de l'autre - financé par le PNUD et exécuté dans le pays - en collaboration avec la Confédération générale du travail du Viet Nam. Les deux projets ont des objectifs analogues: former des agents de services de l'emploi en vue d'améliorer les activités de placement. Ils ont été formulés avant le début de la crise régionale et se sont révélés suffisamment souples pour prendre en compte des besoins créés par l'aggravation de la situation économique. Par exemple, les travailleurs licenciés - particulièrement ceux d'entreprises étatiques - sont désormais au centre de l'attention. Les deux projets font désormais une place plus grande au travail indépendant et au recyclage compte tenu des possibilités du marché du travail. On insiste également davantage sur une collaboration entre les agences de l'emploi et le Fonds national pour la promotion de l'emploi de façon à lier plus étroitement leurs activités aux programmes et aux financements destinés aux politiques actives du marché du travail au Viet Nam.
5. Ajuster les systèmes de formation aux besoins issus de la crise
La formation professionnelle est un domaine critique pour renforcer la capacité institutionnelle de l'OIT. Dans un monde aux économies toujours plus ouvertes, les compétences du «facteur immobile» - le travail - sont une source toujours plus importante de productivité et de gains de compétitivité dont dépend la croissance économique. L'importance des systèmes d'éducation et de formation est de plus en plus reconnue aux fins de la reprise économique. |
50. La chute de l'activité économique et la crise financière ont fait apparaître des besoins de formation précis et mis en évidence l'importance de la valorisation des ressources humaines. L'OIT a entamé de nouvelles activités, ou recentré celles en cours, en donnant la priorité au recyclage des travailleurs licenciés; du fait du déclin de l'emploi salarié, on s'est attaché davantage à développer les compétences nécessaires à l'emploi indépendant. Malgré une décennie de forte croissance, bien des pays ne disposent que d'une main-d'œuvre peu formée et peu compétente, les travailleurs ne semblant pas avoir bénéficié des avantages de la croissance. Quelques pays, telle la République de Corée, ont affecté des ressources considérables à la formation dans le secteur manufacturier mais, par suite du fléchissement économique de ce secteur, ils devront réorienter leurs politiques et leurs systèmes de formation vers de nouveaux domaines fondés sur le savoir, telle la technologie de l'information.
51. La crise a fait admettre qu'il faut améliorer les compétences des travailleurs licenciés, les recycler, tout comme les salariés qui risquent d'être frappés par une restructuration de leur entreprise. Aux Philippines, cette prise de conscience s'est concrétisée par la signature d'un protocole d'accord entre l'Autorité responsable de la formation technique et du perfectionnement des compétences (TESDA) et l'OIT. Le protocole en question envisage une collaboration entre les deux organisations pour ce qui est de la planification des politiques et de la mise en œuvre d'un programme de valorisation des compétences aux fins d'un renforcement de l'efficience du système national de formation. Cette collaboration portera notamment sur une réforme de la politique de formation professionnelle, la mise au point de standards de compétence, les systèmes d'information relatifs au marché du travail, le perfectionnement des compétences dans le secteur informel et des programmes de recyclage destinés essentiellement aux travailleurs licenciés. Sur l'initiative de l'OIT, les activités de la TESDA ont été révisées en septembre 1998 lors d'une réunion regroupant les deux organisations dont les recommandations et les suites permettront de cerner davantage les programmes et les activités de la TESDA.
52. Depuis 1997, l'OIT élabore avec l'APSDEP des systèmes centrés sur le lieu de travail afin de préciser les compétences nécessaires, de les certifier et d'y former. Ce projet gagne en urgence à mesure que les pays atteints par la crise tentent de réformer leurs systèmes de formation. L'absence de compétences appropriées et des mécanismes impropres à la définition des compétences freinent la reprise économique. Le projet en question élabore des normes modèles de compétences régionales pour orienter les pays dans la réforme et la mise au point de leur propre système national. L'Indonésie est un bon exemple des activités de l'OIT destinées à faire progresser l'efficacité des systèmes de test et de certification des compétences: l'OIT aide ce pays à élaborer dans ce domaine un système crédible qui accroît l'employabilité de ses travailleurs aux plans national et international.
53. L'OIT appuie également en Indonésie des travaux visant à surveiller, au niveau régional, les informations concernant le marché du travail. Des ateliers de formation destinés aux agents des bureaux régionaux du ministère de la Main-d'œuvre et du ministère de la Planification ont été organisés pour faire de l'information relative au marché du travail un instrument plus efficace de la politique de planification, particulièrement eu égard à la valorisation des compétences. Deux ateliers de ce type ont déjà eu lieu à Ujung Padang et Bali, trois autres sont prévus en 1999.
54. La réforme des entreprises étatiques chinoises entraînera la mise à pied de dizaines de millions de travailleurs qui chercheront un nouvel emploi sur un marché du travail qui, bien que relativement à l'abri de la crise financière, subit cependant les effets du ralentissement économique régional. En 1998, l'OIT a examiné le système de recyclage des villes de Shengyang et Chengdu pour dégager des recommandations et identifier des stratégies susceptibles de renforcer et d'améliorer la qualité de ce système - élément important du programme de réinsertion du gouvernement central dont le but est de recycler et de réinsérer 10 millions de travailleurs sur une période de trois ans. L'OIT poursuivra cette activité en 1999; par ailleurs, en 1998, il lui a été demandé d'adapter sa méthodologie de formation axée sur la communauté aux conditions du milieu rural en Chine. L'emploi salarié traditionnel déclinant, la formation à un emploi indépendant revêt davantage d'importance en tant que stratégie permettant d'alléger la pauvreté. A la demande du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, la méthodologie de l'OIT sera également adaptée aux besoins des travailleurs urbains. L'OIT a proposé que cette activité ait lieu conjointement avec les projets pilotes du gouvernement visant à créer des emplois à Beijing, Shanghai et Suzhou.
55. En collaboration avec les organisations d'employeurs de Thaïlande, l'OIT a organisé à l'intention de ces derniers, en juillet 1998, un atelier ayant pour thème les stratégies de gestion de ressources humaines en vue d'une reprise économique. Deux des objectifs majeurs de cette activité étaient de recenser les stratégies permettant de mettre en place une formation fondée sur l'entreprise - centrée particulièrement sur l'alphabétisation et les capacités de calcul - et d'encourager les entreprises à voir dans la période actuelle de fléchissement de la demande une occasion de renforcer la formation. A la suite de cette réunion, le ministère du Travail et des Affaires sociales a demandé à l'OIT de proposer des formations à l'alphabétisation et aux capacités de calcul sur le lieu de travail axées sur l'entreprise. Ces projets sont en cours d'élaboration et seront assortis, en 1999, d'une proposition prioritaire de l'OIT tendant à remanier le système national de formation en Thaïlande. Dans ce pays, nombre de travailleurs licenciés regagnent le milieu rural, et l'OIT a proposé un projet de financement portant sur le développement de programmes de valorisation des compétences aux fins de l'emploi indépendant.
56. A la demande du ministère du Travail, l'OIT a envoyé une mission de haut niveau en République de Corée en juillet et en août 1998. Il s'agit du point de départ d'une analyse du système de formation professionnelle national centrée particulièrement sur les besoins du nombre grandissant de travailleurs licenciés. Le même ministère a ensuite demandé une aide complémentaire à l'OIT et, fin 1998, un programme d'assistance technique d'un an a été lancé, qui offre des conseils visant à rehausser l'efficacité du programme de recyclage actuel. Des avis ciblés portant sur le fond de cette question traiteront de la méthodologie d'évaluation du recyclage et de l'élaboration d'un nouveau modèle d'évaluation, en même temps les agents responsables de la formation seront initiés aux méthodes exemplaires dans ce domaine. La convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975, offre d'excellentes orientations à ce sujet.
V. Promouvoir le dialogue social
Le débordement généralisé et prolongé de la crise sur l'économie réelle signifie que des millions de personnes supportent actuellement le coût d'une catastrophe économique qui n'est pas leur fait. Lors de la période précédant la crise le dialogue et la participation étaient en grande mesure inexistants. Le dialogue social est fréquemment limité dans la région et les institutions qui permettraient de le réaliser sont souvent faibles. Il existe toutefois de bonnes raisons pour penser qu'il est absolument vital de renforcer le dialogue social afin de trouver une solution à la crise - ce point de vue est de plus en plus accepté. |
57. La crise a attiré l'attention sur la qualité de la gouvernance et l'importance des procédures démocratiques en tant que droit de l'homme fondamental. En République de Corée, l'élection présidentielle sur fond de crise a reflété le désir d'une plus grande ouverture politique, au même titre que la progression des libertés syndicales. La crise économique indonésienne s'est transformée en crise politique avec, entre autres, pour résultat davantage de transparence démocratique et la ratification par ce pays de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Plutôt que de les précipiter, la crise en Thaïlande a coïncidé avec des réformes constitutionnelles favorisant l'ouverture démocratique; elle a également entraîné une reconnaissance tripartite de l'importance d'une promotion de la liberté syndicale.
58. Pour encourager le dialogue social, les activités de l'OIT vont dans deux sens: une amélioration de la capacité institutionnelle et l'offre d'une assistance portant sur la teneur même du dialogue social. Afin d'améliorer la capacité institutionnelle, on s'est concentré sur les éléments «en amont», où peut avoir lieu le dialogue social. Il s'agit, entre autres, de promouvoir l'assise même du dialogue social - la liberté syndicale - et d'offrir des conseils concernant le cadre législatif national et les domaines «en aval» susceptibles de renforcer la capacité des organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi que les mécanismes bipartites ou tripartites. Pour donner forme au dialogue, il a fallu favoriser les échanges d'informations et élaborer des mesures tendant à faire face aux effets de la crise. Les normes fondamentales de l'OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective orientent l'action dans la région tout comme la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.
1. Bâtir la capacité institutionnelle
Actuellement, dans plusieurs pays de la région, la faiblesse des institutions servant au dialogue freine avant tout autre chose la promotion d'une participation significative. Encourager la liberté syndicale - sur laquelle repose cette participation - est essentiel pour favoriser le dialogue. |
59. Le gouvernement de la Thaïlande a demandé un avis technique à l'OIT en vue de réformer la loi sur les entreprises étatiques et de faire progresser la liberté syndicale ainsi que les droits syndicaux des travailleurs dans le secteur des entreprises étatiques. En janvier 1999, le ministère du Travail et des Affaires sociales thaïlandais a prié l'OIT de l'aider à étudier les projets de réforme de la loi sur les relations professionnelles. Les deux lois influent de façon critique sur les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté syndicale.
60. Avec l'appui du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ainsi que des partenaires sociaux chinois, l'OIT a proposé un grand projet ayant trait aux relations professionnelles et à la démocratie sur le lieu de travail. De bonnes relations professionnelles sont essentielles pour prévenir les litiges, et il est urgent d'en disposer car une croissance économique affaiblie multiplie les possibilités de conflits du travail par suite de pertes d'emploi.
61. L'Indonésie a traversé une période de changement social et politique lors de la crise économique, et l'offre par l'OIT d'une assistance technique en matière de législation du travail a été cruciale, particulièrement en ce qui concerne le règlement des conflits du travail, les libertés syndicales et les conventions fondamentales de l'OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective aux fins d'un changement social et politique - la convention no 87 a été récemment ratifiée. L'OIT a également offert ses conseils pour l'élaboration de lois sur les questions syndicales et le règlement des conflits du travail. On envisage actuellement de réviser, avec l'aide de l'OIT, la loi sur la main-d'œuvre, et de nouvelles dispositions législatives concernant la protection des travailleurs migrants sont également à l'étude pour lesquelles l'aide de l'OIT a également été demandée.
62. A la suite d'un séminaire, organisé récemment par l'OIT, ayant pour thème les conventions relatives aux droits fondamentaux de l'homme, le Président de l'Indonésie a signé un protocole d'accord avec l'OIT concernant la ratification des trois dernières conventions fondamentales non encore ratifiées (nos 105, 111 et 138). Une cellule tripartite OIT/Indonésie sera constituée pour veiller à la mise en œuvre de l'accord, et divers séminaires régionaux ayant trait à la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail ont été organisés en 1999.
63. Il est essentiel de renforcer les organisations en vue de promouvoir le dialogue et, dans le climat actuel, d'améliorer les moyens permettant de prévenir les conflits du travail. A l'aide de matériel de formation élaboré par le BIT/EASMAT, les spécialistes du BIT ont formé des représentants de syndicats et d'organisations d'employeurs aux techniques de collaboration sur le lieu de travail, aux fonctions du tripartisme et aux techniques de négociation aux fins de la négociation collective en Chine et au Viet Nam. Les mécanismes permettant le dialogue social s'étendent également à la résolution des litiges. L'OIT a participé à la formation d'arbitres pour les commissions d'arbitrage provinciales nouvellement instituées au Viet Nam. L'aggravation des conditions économiques et le risque d'une montée des conflits du travail ont fait que l'on a également demandé à l'OIT de former des responsables des relations professionnelles aux techniques de conciliation et de médiation en Malaisie et à Hong-kong, Chine.
64. L'inspection du travail peut également servir de système d'alerte rapide pour les entreprises où des conflits du travail sont vraisemblables. Grâce à une formation du BIT, les inspecteurs du travail thaïlandais ont pris connaissance des nouvelles techniques permettant de déceler les problèmes posés par les relations patronat/salariat et d'instaurer un climat de collaboration entre la direction et les salariés. Pour faire face à la crise, la Thaïlande a aussi pris des mesures visant à décentraliser son système de fixation de salaire minimum. Il a été demandé à l'OIT de former les membres des nouvelles commissions tripartites provinciales, responsables des salaires, aux méthodes de fixation du salaire minimum et de négociation tripartite.
65. Un des enseignements de la crise est que les marchés financiers influencent les rapports sur le lieu de travail. Ceci justifie la participation des organisations d'employeurs et de travailleurs au dialogue portant sur les choix macroéconomiques et les politiques sociales. Participer à semblable dialogue demande toutefois un renforcement des capacités et des connaissances des participants, qu'ils soient syndicalistes ou employeurs. L'intervention de l'OIT a porté essentiellement sur une offre d'information et une amélioration de la capacité analytique. L'OIT a aidé la Fédération des syndicats coréens à analyser l'impact de la crise économique et financière sur les travailleurs coréens et à mettre au point une réponse syndicale face à cet état de choses. Une étude appuyée par l'OIT a examiné le contexte de la crise en République de Corée, la situation macroéconomique, le climat du marché du travail depuis la crise, l'impact sur les travailleurs salariés ou au chômage et sur les syndicats, les conséquences au plan des politiques de fond, et les orientations stratégiques s'offrant aux syndicats.
66. L'OIT a également organisé trois réunions avec huit grandes centrales syndicales thaïlandaises afin d'analyser les effets de la crise et de dégager une stratégie commune, aidant de la sorte les syndicats à jouer un plus grand rôle dans le dialogue tripartite en Thaïlande et dans le dialogue avec les institutions financières internationales et régionales. En Indonésie, dans le nouveau contexte en matière de liberté syndicale et compte tenu de l'impact social particulièrement grave de la crise, l'OIT a lancé deux projets d'éducation ouvrière. Un des objectifs principaux de cette activité est de renforcer la capacité des syndicats à défendre les intérêts des travailleurs du secteur formel et informel. D'autres efforts tendant à renforcer les syndicats en Indonésie seront entrepris cette année grâce à un financement du Département pour le développement international du Royaume-Uni. Des projets d'assistance aux travailleurs et à leurs organisations, financés par le Danemark, intéresseront la Thaïlande, l'Indonésie et le Viet Nam.
67. Les syndicats seront représentés dans l'instance chargée de veiller à la mise en œuvre du prêt d'ajustement au titre du filet de sécurité sociale accordé par la Banque mondiale à l'Indonésie (SSNAL). Il faudra renforcer la capacité d'action effective des syndicats, et l'OIT étudie actuellement un projet dans ce sens.
68. En collaboration avec la CISL, l'OIT a également tenté de renforcer la capacité des syndicats dans leurs rapports avec les institutions de financement régionales et internationales. Développer l'information et la base analytique dont disposent les syndicats est un préalable, de plus en plus important, au dialogue qui se fait jour. Avec l'appui de l'OIT, les réunions CISL-APRO ont vu la participation de représentants de la Banque mondiale et du FMI. La CISL-APRO a également fait figurer la défense des intérêts des travailleurs à l'ordre du jour de diverses réunions de l'ANASE, à celui de la réunion Asie-Europe (ASEM II), tenue au Royaume-Uni en avril 1998, et à celui de la réunion des leaders de l'APEC qui a eu lieu en 1998 à Kuala Lumpur. Compte tenu des conséquences particulièrement négatives de la crise pour les femmes, les jeunes, les travailleurs migrants et leur famille, l'OIT a apporté son concours à l'atelier sous-régional CISL-APRO consacré à ce thème en juin 1998.
69. L'OIT a également travaillé avec les organisations d'employeurs en vue d'améliorer l'assistance qu'elles offrent aux entreprises frappées par le ralentissement économique. Un atelier a été organisé conjointement par l'OIT, la Confédération des employeurs de Thaïlande (ECOT) et l'ECOTHAI en juillet 1998; il a traité des stratégies de valorisation des ressources humaines en vue de repositionner les entreprises affectées par la crise. L'OIT a également aidé à financer deux réunions importantes de la Confédération des employeurs des Philippines: en avril, la Conférence nationale des employeurs qui a débattu des stratégies de survie de l'entreprise et, en août, le Forum sur la crise de l'emploi où ont été élaborées des recommandations concernant la conservation et la création d'emplois, qui ont reçu l'aval du Président des Philippines.
2. Favoriser le dialogue sur la crise et aider à la recherche
de solutions à cette crise
Au-delà de l'aide qu'elle a dû consacrer au renforcement des institutions qui permettent au dialogue de s'instaurer, l'OIT a participé activement à l'élargissement des possibilités de dialogue social sur les solutions à la crise. |
70. La Réunion tripartite de haut niveau sur les réponses sociales à la crise financière dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est (Bangkok, 22-24 avril 1998) a permis d'élaborer la stratégie mise au point par l'OIT pour répondre à la crise et était elle-même le résultat des demandes faites par les mandants de la région à la douzième Réunion régionale asienne, qui s'est tenue en décembre 1997. Les programmes ont été réorientés pour répondre aux nouveaux défis qui se posaient. Tel est le cas du programme de l'OIT sur la mondialisation et les relations professionnelles, qui est financé par le ministère du Travail du Japon. Ce programme comprend des séminaires tripartites nationaux dans différents pays, séminaires qui sont devenus un outil flexible de dialogue social sur les problèmes issus de la crise. Le séminaire tripartite national qui s'est tenu en Malaisie en 1998 est devenu un lieu d'étude tripartite des moyens susceptibles d'améliorer les liens existant entre salaires et productivité, tout en favorisant la participation syndicale et en garantissant la protection sociale. Ce séminaire a consacré une session importante à des études de cas sur la prévention des licenciements et sur le rôle du dialogue social à cet égard.
71. En août 1997, le Premier ministre thaïlandais a demandé à l'OIT d'aider son pays à résoudre les problèmes sociaux posés par la dévaluation du baht et les effets de la crise. Après avoir analysé ces effets et les besoins qui en résultent, l'OIT a organisé une rencontre tripartite nationale, à laquelle ont participé les huit principales centrales syndicales et les principales organisations d'employeurs du pays. Cette rencontre a permis pour la première fois aux mandants thaïlandais de l'OIT de procéder ensemble à un diagnostic de la crise et à la définition des mesures globales à prendre pour y faire face, parmi lesquelles un accord tripartite sur la nécessité de réformer la législation du travail en vue d'élargir la liberté syndicale. Elle a aussi permis de stimuler la réponse de la Thaïlande, au niveau gouvernemental comme au niveau tripartite, ainsi que d'affiner et d'approuver les points sur lesquels l'aide de l'OIT peut se révéler utile. Depuis lors, un plan récapitulant les tâches que l'OIT pourrait entreprendre pour résoudre les problèmes posés par la crise a été appliqué, tandis que les responsables du programme de l'Organisation pour la Thaïlande rencontraient en janvier 1999 ceux du ministère du Travail et de la Protection sociale pour définir les priorités.
72. Par ailleurs, un séminaire tripartite régional sur la cessation d'emploi, organisé par l'OIT à Séoul en novembre 1998 à l'intention des pays touchés par la crise, a contribué à souligner l'urgence des problèmes posés par cette crise. Ce séminaire a permis notamment d'établir une vue comparative de l'impact social de la crise et du rôle joué par le dialogue social pour limiter les pertes d'emploi; il a permis également à un groupe de praticiens d'étudier les moyens d'éviter les licenciements. Comme les travailleuses ont été particulièrement frappées par la crise, l'OIT a organisé avec les fédérations du travail coréennes, la FKTU et la KCTU, un séminaire sur les normes internationales du travail et la législation du travail relative aux travailleuses, afin de sensibiliser davantage les femmes exerçant des responsabilités syndicales importantes à la lutte contre la discrimination et à la promotion des droits syndicaux dans le contexte de la crise.
VI. Rôle des normes internationales du travail
dans la réponse à la crise et dans l'édification
d'un modèle social nouveau
Si la crise a mis en lumière les graves faiblesses institutionnelles des structures sociales des pays touchés, elle a aussi sensibilisé les gouvernements à la nécessité de créer et de renforcer les institutions et mécanismes permettant d'atténuer les conséquences sociales négatives qu'une telle crise entraîne inévitablement. Les mandants régionaux de l'OIT reconnaissent de plus en plus la valeur des orientations politiques et techniques énoncées dans les conventions et recommandations internationales du travail. |
73. La création et le renforcement des institutions sociales sont essentiels à la reprise. Qu'elle porte sur la protection sociale et le dialogue social ou sur la politique de l'emploi et du marché du travail, l'action de l'OIT se fonde sur les normes. L'ensemble des activités du Bureau repose sur les principes et valeurs énoncés dans les normes internationales du travail et sur les orientations pratiques qu'elles proposent. Si la ratification des normes est l'un des objectifs clés de l'action de l'OIT, les principes qu'elles énoncent peuvent être mis en pratique immédiatement.
74. Par ailleurs, les gouvernements sont plus conscients qu'auparavant du rôle pratique que peuvent jouer les différentes normes pour orienter les solutions aux problèmes causés par la crise. Depuis le déclenchement de celle-ci, les mandants régionaux de l'OIT ont demandé des informations et une assistance dans les domaines suivants: licenciements, protection des droits des travailleurs en cas d'insolvabilité de leur employeur, sécurité sociale, sécurité et santé au travail, inspection du travail, services de l'emploi, migrations et politique de l'emploi. Les instruments de l'OIT relatifs à ces domaines offrent des orientations en vue de l'action immédiate et permettent de trouver des solutions pragmatiques et équitables à nombre de problèmes qui découlent de la crise.
75. Pour permettre d'atteindre les buts de l'OIT et de ses mandants, la promotion des normes doit aussi mettre fortement l'accent en amont: il est difficile d'édifier un système solide de relations professionnelles fondé sur un véritable dialogue social lorsque les principes fondamentaux de la liberté syndicale ne sont pas appliqués. Nombre des objectifs que les mandants cherchent à atteindre durant la crise avec l'aide de l'OIT reposent nécessairement sur les normes. Le dialogue social, la promotion de l'emploi et la protection sociale sont des thèmes communs; cependant, comme le dit clairement le Directeur général du BIT, «promouvoir le dialogue social, l'emploi et la protection sociale, c'est aussi veiller à ce que les droits fondamentaux des travailleurs soient respectés afin que ces derniers puissent bénéficier de conditions acceptables. Tel est l'objet de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi(4) .» La crise a mis en lumière le coût politique, économique et social d'un déficit de démocratie dans les institutions.
76. Le moment se prête bien à une action de l'OIT visant à promouvoir ses principes et à faire la preuve de leur utilité pratique dans l'édification régionale d'un nouveau modèle économique et social, comme en témoigne la tenue du colloque Asie-Pacifique sur les questions relatives aux normes, organisé annuellement dans le cadre du programme d'assistance technique OIT/Japon. Dans le passé, ce colloque a axé ses efforts sur l'ordre du jour des sessions futures de la Conférence internationale du Travail et sur les questions techniques. Cette année, répondant à un large besoin d'information sur la récente Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, il a fait largement porter les débats sur cette Déclaration et a attiré des participants de haut niveau de toute la région et des organes directeurs de l'OIT.
77. La ratification des normes de l'OIT n'offre pas de remède miracle aux difficultés sociales nées de la crise. Elle contribue à la réalisation de l'objectif à long terme qu'est l'édification de sociétés plus justes. Cependant, les effets salutaires qu'entraîne le traitement des aspects de la crise liés aux droits de l'homme peuvent être quasi immédiats, comme en témoigne le cas de l'Indonésie, où un solide appui politique au développement de la liberté syndicale a eu des effets positifs sur l'évolution de la société et de l'action gouvernementale. L'évolution politique radicale qu'a connue ce pays a eu pour effet de renforcer la coopération avec l'OIT, en vue de procéder à de larges réformes réglementaires. Comme on l'a indiqué plus haut, les autorités suprêmes de l'Indonésie se sont engagées à ratifier les normes fondamentales de l'OIT qui ne l'ont pas encore été. Pour répondre à l'intérêt croissant manifesté à la suite de la crise par les institutions financières internationales et régionales pour la manière dont les normes s'articulent avec leurs propres programmes, le Bureau a déjà proposé un soutien en amont à la promotion de ces normes.
VII. Relations de l'OIT avec les institutions
financières internationales et régionales
et avec le système des Nations Unies
Le FMI est chargé d'assurer la stabilité macroéconomique de la Thaïlande, de l'Indonésie et de la République de Corée, auprès desquelles ses engagements se montent respectivement à 17 milliards, 42 milliards et 58 milliards de dollars. |
78. Après le déclenchement de la crise, le directeur général du FMI, M. Michel Camdessus, a demandé au BIT de lui fournir des informations sur l'application des normes fondamentales du travail, à la suite de quoi le FMI a envoyé des missions de consultation auprès des syndicats représentatifs de chacun des pays avec lesquels il est en négociations. Dans ses remarques faites à Washington en octobre 1998, M. Camdessus a fait part de son ferme soutien aux normes fondamentales du travail, qu'il considère comme une partie intégrante du développement participatif et de la démocratie, bases d'une croissance durable. Il a également confirmé la volonté du FMI de consulter l'OIT sur les questions relatives à ces normes.
79. Il apparaît donc que la crise financière a renforcé l'intérêt du Fonds pour les questions d'équité ainsi que pour les normes du travail et le consensus social en général, à telle enseigne qu'il a organisé en juin 1998 une conférence sur la politique économique et l'équité, à laquelle a participé l'OIT. Par ailleurs, à l'occasion de la réunion annuelle de 1998 de la Banque et du Fonds, un débat a été organisé sur ce thème, avec la participation de l'OIT.
80. Dans le passé, les relations de l'OIT avec le FMI se sont trouvées renforcées par la visite de M. Camdessus à la session de 1991 de la Conférence internationale du Travail et du Directeur général du BIT, M. Michel Hansenne, à la réunion du Comité intérimaire qui s'est tenue en 1995, à la suite du Sommet mondial pour le développement social. Un communiqué de ce comité déclare que la coopération devrait être renforcée en vue d'aider les missions du Fonds à mieux comprendre les questions relatives au marché du travail et à la protection sociale et à aider le personnel du BIT à tenir plus profondément compte dans son action de la position du Fonds sur les mesures et objectifs macroéconomiques relatifs au pays intéressé(5) . Le renforcement de la coopération et de la coordination avec le FMI s'est fait essentiellement au niveau des pays, et notamment de l'Indonésie pour la région asienne. Cette coordination porte sur l'amélioration des informations relatives au marché du travail, au développement des données, aux réformes du marché du travail et à l'élaboration de filets de sécurité sociale. Les normes internationales du travail sont devenues l'un des fondements importants de la coordination des actions menées.
2. Relations avec la Banque mondiale
Outre son mandat original, qui consiste à soutenir les efforts de développement à long terme, la Banque aborde maintenant les questions liées à l'impact social de la crise financière. Ses prêts à la région ont à peu près doublé, passant à près de 10 milliards de dollars. Ils portent sur quatre secteurs essentiels: soutien aux programmes de dépenses publiques, restructuration du secteur financier, restructuration du secteur public et protection des groupes à faibles revenus. |
81. Les recherches, conseils et opérations de la Banque portent de plus en plus sur les aspects et problèmes sociaux. Ils rejoignent les activités de l'OIT sur des questions comme l'analyse des politiques du marché du travail, la parité, la formation et les autres aspects du développement social. Sous l'impulsion de son président, M. James Wolfensohn, la Banque met actuellement en place un nouveau cadre visant à intégrer toute une gamme de préoccupations sociales à sa stratégie du développement. En janvier dernier, elle a organisé un atelier important à l'intention des donateurs, des gouvernements, des ONG et des institutions internationales sur les questions sociales découlant de la crise de l'Asie orientale et sur les effets d'ensemble de cette crise dans l'avenir.
82. Les contacts de haut niveau menés entre l'OIT et la Banque en octobre 1998 ont porté sur la promotion des normes fondamentales du travail et des principes acceptés en matière de tripartisme et de dialogue social. Les séminaires et missions de haut niveau organisés en 1997 et 1998 ont déjà abordé les points suivants: inventaire des préoccupations communes et des domaines de collaboration éventuelle; amélioration de la connaissance des mécanismes du dialogue social et des normes internationales du travail en vue d'harmoniser les activités et conseils; conduite du dialogue au niveau le plus élevé. En octobre 1998, les deux organisations ont conclu un accord visant à rapprocher leurs positions sur l'applicabilité des normes fondamentales du travail aux politiques et programmes de la Banque, à instituer un groupe de travail conjoint chargé d'appuyer les activités nouvelles de la Banque en matière de développement social et d'instauration de principes communs relatifs aux pratiques modèles à appliquer en matière de politique sociale, et à mener des recherches communes sur l'interaction existant entre les normes fondamentales du travail et le développement économique.
83. La Banque et le Fonds ont participé tous deux à la Réunion tripartite de haut niveau sur les réponses sociales à la crise financière dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est (Bangkok, 22-24 avril 1998) et aux consultations régionales de l'OIT qui se sont tenues à Bangkok en janvier 1999 et ont porté sur le suivi du Sommet mondial pour le développement social. De son côté, l'OIT a participé à un séminaire organisé par la Banque mondiale à Séoul (République de Corée) sur les questions du marché du travail, au forum Banque mondiale/BAsD pour le développement en Asie, qui s'est tenu à Manille, à une conférence sur la sécurité sociale organisée par la Banque mondiale à Singapour et à diverses réunions de coordination des donateurs au sujet de l'Indonésie. Lors de la réunion régionale de la Banque sur les questions sociales découlant de la crise de l'Asie de l'Est et sur ses conséquences pour l'avenir, l'OIT a mis l'accent sur la promotion de l'emploi et le maintien des revenus, et notamment sur la nécessité de mettre en place des filets de sécurité efficaces par le biais du dialogue social et de promouvoir les principes et droits fondamentaux au travail. En ce qui concerne l'élargissement du dialogue, l'OIT organisera en septembre 1999, en liaison avec la Banque et le gouvernement japonais, un séminaire sous-régional sur la création d'emploi et les questions relatives au marché du travail dans le contexte de la crise.
84. En ce qui concerne les normes fondamentales, le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale a adopté en 1998 une décision interdisant à l'Agence multilatérale de garantie des investissements et à la Société financière internationale de soutenir des projets faisant appel au travail forcé ou à des formes dangereuses de travail des enfants. Par ailleurs, la Banque encourage le dialogue avec les syndicats, comme en a témoigné récemment la réunion Banque mondiale/CISL/SPI sur les dimensions sociales de la nouvelle architecture financière mondiale et les normes internationales du travail (Washington, janvier 1999). La Banque a rappelé que son mandat lui faisait obligation de tenir exclusivement compte des considérations économiques dans ses décisions. Elle ne peut subordonner ses prêts ou projets à l'application par ses membres des normes internationales du travail, sauf si elle a des raisons solides de croire qu'il existe un risque de violation de ces normes pouvant nuire au développement du pays.
85. Des fonctionnaires de haut niveau de la Banque mondiale ont rendu visite à l'OIT - à Genève et dans la région asienne - et ont proposé des mesures de coopération précises, parmi lesquelles l'organisation prochaine d'un séminaire sur la création d'emploi et les questions du marché du travail. Des missions de la Banque mondiale et du FMI ont tenu des consultations avec des fonctionnaires des structures extérieures de l'OIT au sujet des programmes et des orientations au cours des négociations menées avec les gouvernements, ce qui a permis d'appuyer les initiatives relatives aux domaines de compétence de l'Organisation, comme les programmes de travaux publics à forte intensité de main-d'œuvre (Indonésie, Thaïlande), le développement des systèmes d'assurance chômage (République de Corée), les bourses et programmes de prêts visant à réduire le taux d'échec scolaire et à lutter contre le travail des enfants (Thaïlande, Indonésie) et l'aide au crédit en faveur des petites et moyennes entreprises (Indonésie, Malaisie).
86. En Indonésie, l'OIT et la Banque mondiale coopèrent dans le domaine de la parité et du développement ainsi que dans le cadre d'une enquête menée auprès des travailleurs d'usine licenciés par suite de la crise financière. Les syndicats participent au suivi des projets d'infrastructure à forte intensité de main-d'œuvre appuyés par la Banque mondiale et la BAsD.
87. En Thaïlande, l'OIT a été consultée par des missions de la Banque mondiale et du FMI, ainsi que de la BAsD, au sujet de la sécurité sociale, des services de l'emploi, des programmes de création d'emploi, du développement des petites entreprises, des relations professionnelles et du tripartisme. L'OIT offre son assistance technique au gouvernement dans le cadre d'un projet de Fonds d'investissement social soutenu par la Banque mondiale, qui vise à renforcer les capacités de gestion ainsi qu'à sélectionner des programmes et à assurer un contrôle.
88. Des contacts constructifs se sont déroulés dans d'autres pays. Au Viet Nam, l'OIT participe au dialogue permanent sur les questions de développement et de structures entre la Banque mondiale et le système des Nations Unies.
89. Bien que la crise ait eu pour effet d'accroître les contacts et le partage des informations entre l'OIT et la Banque, la collaboration reste limitée. Parmi les obstacles figurent les différences relatives au mandat respectif et aux ressources en personnel des deux organisations. En outre, des divergences demeurent dans certains domaines dans l'analyse et l'approche des problèmes du marché du travail, notamment en ce qui concerne certaines des normes fondamentales du travail sur lesquelles le dialogue et la coopération devraient continuer à porter. En raison de l'intervention croissante de la Banque dans les questions de politique sociale, le chevauchement de ses activités avec celles de l'OIT ira croissant. Les perspectives de collaboration sont donc supérieures aux réalités actuelles. Une meilleure collaboration au niveau des pays permettrait de résoudre plus efficacement les problèmes sociaux et profiterait aux deux institutions.
90. Enfin, les nouvelles pressions nées de la crise ont permis d'ouvrir le débat sur la restructuration du système financier international. La Banque mondiale a été chargée par les chefs d'Etat et les ministres des Finances du G7 d'élaborer des principes relatifs aux pratiques à suivre en matière de politique sociale en vue d'un examen aux réunions de printemps des institutions de Bretton Woods, en avril 1999. Au cours des consultations menées avec la Banque à Washington en octobre 1998, les représentants de l'OIT ont noté que ces principes devaient nécessairement concorder avec les principes fondamentaux de l'Organisation. Il a donc été recommandé que les principes de la Banque fassent référence à la Déclaration de l'OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail, qui constitue l'expression la plus récente du consensus international en matière de normes fondamentales du travail.
3. Relations avec la Banque asiatique de développement
La BAsD met de plus en plus l'accent sur les questions sociales dans les programmes de financement qu'elle mène au niveau des pays de la région. Cette évolution s'est renforcée en réponse à la crise financière. |
91. La coopération permanente avec la BAsD s'est renforcée récemment au niveau des grandes orientations. Une réunion s'est tenue à Genève en avril 1998 avec des fonctionnaires de haut niveau de cette institution au sujet des normes internationales du travail - notamment les normes fondamentales et celles qui portent sur la politique de l'emploi ainsi que sur la sécurité et la santé professionnelles - et de l'importance et du rôle du dialogue social et de la participation tripartite. Un dialogue général a été ouvert à Manille en mai 1998 par la direction du bureau régional de l'OIT.
92. A la demande de la BAsD, un programme de formation sera organisé à Manille en avril 1999 à l'intention des cadres et des directeurs de projets au sujet des normes et principes fondamentaux du travail et des autres normes du travail qui intéressent directement la banque ainsi que sur leurs liens pratiques avec l'aide au développement. Il visera à examiner les moyens d'intégrer les questions relatives à la protection sociale et aux droits fondamentaux du travail dans les programmes de la BAsD et à sélectionner des projets financés par celle-ci en vue de tester cette approche.
93. Egalement à la demande de la BAsD, les bureaux nationaux de l'OIT ont participé à l'évaluation de l'impact social menée actuellement par la banque en Thaïlande, en Indonésie, en République de Corée, en Malaisie, aux Philippines et en République démocratique populaire lao. Par ailleurs, la BAsD a invité l'OIT à participer à une série de consultations nationales sur la lutte contre la pauvreté menées aux Philippines, en Chine, au Népal, en Inde, à Sri Lanka, au Viet Nam, au Bangladesh et en Indonésie. Ces deux activités ont ouvert diverses possibilités de collaboration entre l'OIT et la BAsD, laquelle a manifesté de l'intérêt envers la formule consistant pour elle à fournir les ressources nécessaires, tandis que l'OIT apporterait ses compétences. Des discussions sont en cours au sujet de deux initiatives similaires au Laos et au Cambodge qui porteront sur le renforcement des qualifications et sur la création de centres d'emploi dans les zones rurales et le secteur informel.
4. Relations avec le système de l'ONU
94. L'OIT a pris une part active aux réunions du système de l'ONU organisées en Chine, en Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande. Plusieurs autres réunions ont été organisées au sujet de la crise par le PNUD et la Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique (CESAP). L'OIT y a participé et y a partagé les résultats de ses recherches et les données dont elle dispose avec d'autres institutions du système des Nations Unies.
95. Le système des coordonnateurs résidents des Nations Unies facilite les échanges d'informations, les évaluations et la sélection des domaines d'action commune par les différents éléments du système. En Thaïlande, une initiative visant à renforcer les capacités (Thai-UNCAP), combinée à un appui apporté au Comité de politique sociale placé sous l'autorité du Premier ministre, a fourni un cadre à l'assistance apportée par les institutions des Nations Unies en vue de traiter les effets sociaux de la crise. L'OIT joue un rôle moteur dans la promotion de l'emploi dans le secteur informel urbain, la création d'activités rémunératrices en faveur des couches de la population touchées par cette crise et la mise en place de filets de sécurité sociale.
96. L'OIT a pris contact avec les représentants des pays donateurs dans la région, particulièrement le Royaume-Uni, l'Australie, l'Union européenne et le Japon. Grâce à ces contacts, elle a pu, par exemple, obtenir des fonds du Japon pour les activités de promotion de l'emploi dans le contexte de la crise qu'elle mène en Thaïlande et conclure tout récemment un accord, avec l'aide de l'Australie, sur un programme de création d'emplois en Indonésie.
VIII. Evaluation de la réponse de l'OIT
et orientations futures
1. L'évaluation de la réponse à ce jour
97. Le passage brutal d'une croissance économique rapide à la pauvreté et au chômage a constitué un choc profond pour les institutions économiques et politiques de la région, qui sont aujourd'hui confrontées à l'immense défi du redressement social et de la reprise économique, dont l'ampleur dépasse toutes les prévisions, aussi bien celles des milieux gouvernementaux nationaux que celles des organisations intergouvernementales. Aucune organisation ne dispose des ressources suffisantes pour soutenir à elle seule l'effort de reconstruction, et c'est pourquoi l'OIT devra chercher à nouer de larges alliances dans l'avenir.
98. La crise a révélé des forces et des faiblesses dans la capacité du Bureau à réagir. Du côté positif, les consultations et réunions nationales et régionales organisées sur la crise ont fait la preuve de sa capacité à diffuser des informations et à stimuler le dialogue et les échanges d'opinions et d'expériences. En outre, il a su répondre à la demande, en particulier dans son action normative en Indonésie, grâce à une mobilisation de toutes les ressources internes disponibles. La Réunion tripartite de haut niveau sur les réponses sociales à la crise financière dans les pays d'Asie de l'Est et du Sud-Est a été l'une des premières initiatives de ce type et la première du système des Nations Unies. La qualité des travaux analytiques menés par le Bureau pour préparer ces réunions a été largement reconnue. La réunion d'avril 1998 a constitué une excellente occasion d'inciter les institutions financières internationales à débattre directement avec les mandants des pays touchés par la crise.
99. Du côté négatif, le Bureau n'a pas été en mesure de mettre à profit la réunion d'avril pour obtenir des résultats macroéconomiques, non plus que d'exploiter pleinement la visibilité que lui offrait cette réunion ou de répondre intégralement aux attentes qu'elle a suscitées. Un suivi plus approfondi aurait exigé de lui qu'il coordonne ses activités à une échelle beaucoup plus large et qu'il porte la coopération menée avec les institutions régionales et internationales à un niveau plus élevé que ce ne fut le cas.
100. La crise a suscité un large débat en Asie sur la nature de la justice sociale. Quant à la responsabilité de la crise, elle n'incombe pas aux millions de travailleurs qui en paient le prix. C'est d'ailleurs pourquoi le respect des droits fondamentaux du travail et des institutions sociales qui protègent ces travailleurs doit aller de pair avec la réforme économique. On admet de plus en plus que la liberté syndicale est le fondement de la cohésion sociale, puisqu'elle est la condition sine qua non du dialogue authentique qu'exige cette cohésion. La Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi souligne le consensus qui s'est dégagé sur la nécessité de promouvoir les droits de l'homme dans un monde de plus en plus soumis aux chocs extérieurs.
101. Ces droits sont au cœur de la réponse de l'OIT, d'abord parce que la crise a révélé les faiblesses des institutions sociales. Une grande partie des activités techniques de l'OIT visent le renforcement des capacités à long terme. Il importe que l'Organisation articule plus clairement le fondement normatif de ces activités et les relations entre les deux éléments. La Déclaration constitue un pas important dans cette direction.
102. Par ailleurs, la crise a fait clairement ressortir la nécessité d'incorporer les questions sociales et les questions d'emploi dans la politique économique, au lieu de les traiter comme un sous-produit de cette politique. Le souhait des mandants de participer au dialogue sur la dimension sociale des choix de politique économique a été exprimé clairement lors des consultations régionales menées en janvier 1999 au sujet du suivi du Sommet mondial pour le développement social. Il importe, a-t-on noté, que les institutions financières internationales consultent les organisations d'employeurs et de travailleurs dans l'élaboration des programmes d'ajustement national et fassent participer les mandants de l'OIT à la formulation des mesures générales et sectorielles ainsi que de celles qui visent le développement des entreprises en vue du retour de la croissance, du rétablissement de la stabilité macroéconomique et de la promotion d'un emploi durable.
103. L'OIT doit redoubler d'efforts pour faire mieux entendre sa voix dans les débats de politique économique. Tout d'abord, le Bureau doit faire le bilan des moyens institutionnels dont il dispose pour contribuer valablement au dialogue en ce domaine et renforcer ses moyens lorsque nécessaire, aussi bien au siège que dans les structures extérieures. Ensuite, et c'est tout aussi important, l'Organisation doit définir clairement les avantages économiques découlant de ses recommandations et de son action. Des recherches analytiques doivent être consacrées à cette tâche, ce qui aura notamment pour effet de ramener aux niveaux national et régional la collecte et l'analyse des données, actuellement effectuées par des instances provisoires sur lesquelles se fondent les travaux de l'OIT relatifs à la crise. Dans l'avenir, l'Organisation devra être à même de proposer des indicateurs relatifs au travail et aux questions sociales capables d'aider les pays à réagir plus rapidement en cas de récession économique.
104. L'OIT doit procéder à une évaluation des circuits par lesquels elle et ses mandants s'expriment et s'assurer que les messages sont transmis plus clairement. Le Bureau mène avec les institutions financières internationales et régionales un dialogue direct qui doit être renforcé en mettant l'accent sur les ressources en personnel et les moyens de l'Organisation. Cependant, ce dialogue est souvent moins direct au niveau des pays, et différentes mesures doivent être prises à cet égard. En règle générale, l'OIT ne correspond pas directement avec les ministères des Finances et de la Planification au sujet des décisions macroéconomiques à prendre, et elle doit donc renforcer ses moyens à cet égard. En outre, elle devrait favoriser la participation de ses mandants au dialogue tripartite national mené avec les ministères des Affaires économiques sur les grands choix en ce domaine.
105. L'assistance offerte aux organisations de travailleurs et d'employeurs en matière de renforcement des capacités doit donc être élargie afin de permettre à ces organisations de participer de manière plus effective au dialogue mené au sujet des choix de politique macroéconomique nationale. Un effort analogue doit être fait auprès des ministères du Travail, dont les besoins sont encore plus grands. En effet, du fait du développement du dialogue entre les institutions financières internationales et les organisations de travailleurs et d'employeurs, ces ministères risquent souvent de participer moins activement aux débats de politique économique. L'OIT doit les aider à participer au dialogue tripartite sur les choix de politique macroéconomique, et donc les convaincre encore davantage de l'importance du marché du travail pour le développement économique. Cet effort nécessite un renforcement des moyens dont disposent les ministères.
106. Une crise de cette ampleur exige un effort extraordinaire de mobilisation des ressources. En raison des faiblesses des institutions sociales des pays touchés par la crise ainsi que de l'ampleur et de la gravité des problèmes à résoudre dans le domaine social et dans celui du travail, les solutions à apporter auront des conséquences pour le niveau des ressources humaines et financières du Bureau. Une solution satisfaisante aurait été de rechercher des compétences techniques supplémentaires en s'efforçant de financer les programmes opérationnels par des ressources extrabudgétaires provenant de donateurs multilatéraux. Du côté positif, les projets et programmes de coopération technique en cours ont été réorientés pour tenir compte de la crise, et de nouvelles activités d'assistance technique qui pouvaient être financées par les ressources propres de l'OIT ont été élaborées et exécutées. Les occasions qui se sont présentées aux niveaux national et régional de prendre contact avec des donateurs multilatéraux ont été mises à profit par les directeurs des bureaux de zone de l'OIT et par le Département régional. Cependant, il faudra dans l'avenir mobiliser beaucoup plus de ressources humaines, notamment en ce qui concerne les spécialistes confirmés des EMD, pour définir et élaborer des programmes de coopération technique à grande échelle financés par des organismes multi-bilatéraux.
107. Les réponses que l'OIT pourra apporter aux pays touchés par la crise continueront à différer considérablement en fonction des situations nationales. Une constante, cependant, tient à l'accent mis par le Bureau à la création et au renforcement des institutions. A cette fin, l'OIT doit faire en sorte que les services qu'elle offre à ses mandants soient adaptés et efficaces et qu'ils viennent en temps utile. D'une part, il a été répondu de plus en plus à cette nécessité par l'effet naturel du rapprochement du Bureau avec les mandants de l'Organisation dans le cadre de la politique de partenariat actif. Cependant, les efforts doivent être renforcés dans deux domaines. Tout d'abord, le Bureau doit procéder à une analyse plus complète des effets économiques de ses recommandations et de son action, ce qui rendra ses services plus attrayants, non seulement dans le cadre du large processus de décision auquel participent les mandants au niveau national, mais aussi vis-à-vis des donateurs potentiels. D'autre part, l'OIT doit évaluer plus systématiquement l'impact de son action.
Genève, le 23 février 1999.
1. BIT: Assessment of the feasibility of introducing an unemployment insurance scheme in Thailand, rapport au gouvernement thaïlandais (Genève, 1998).
2. Eddy Lee: The Asian Financial Crisis: The challenge for social policy, BIT, 1998, op. cit., p. 73.
3. Rizwanul Islam: «Indonesia: Economic Crisis, Adjustment, Employment and Poverty», Issues in Development Discussion Paper no 23, Département des politiques de développement, BIT, Genève, 1998.
4. «Globalization, liberalization and social justice: Challenges for international community», allocution publique de M. Michel Hansenne, Directeur général du BIT, Washington, DC, 28 oct. 1998.
5. Communiqué du 8 octobre 1995.