L'OIT est une institution spécialisée des Nations-Unies
ILO-fr-strap

GB.274/8/2
274e session
Genève, mars 1999


HUITIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

314e rapport du Comité de la liberté syndicale

Table des matières

I. Introduction

II. Cas examinés par le Comité de la liberté syndicale

Cas no 1787 (Colombie): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas nos 1948 et 1955 (Colombie): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1962 (Colombie): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1964 (Colombie): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

Cas no 1973 (Colombie): Rapport intérimaire

Recommandations du comité

III. Plainte concernant la non-application par la Colombie de la convention(no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation etdenégociation collective, 1949, présentée par plusieurs délégués à la86e session (1998) de la Conférence au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT

A. Introduction

B. Texte de la plainte présentée au titre de l'article 26 de la Constitution del'OIT

C. Décisions adoptées par le Conseil d'administration à sa 273e session (novembre 1998)

D. Réponse du gouvernement

E. Texte des annexes aux observations faites par le gouvernement

F. Recommandations du Comité de la liberté syndicale au Conseil d'administration concernant la plainte présentée au titre de l'article 26 delaConstitution


I. Introduction

1. Le Comité de la liberté syndicale, institué par le Conseil d'administration à sa 117e session (novembre 1951), s'est réuni au Bureau international du Travail à Genève les 4, 5 et 17 mars 1999, sous la présidence de Monsieur le professeur Max Rood.

2. Le comité est saisi de différentes plaintes en violation de la liberté syndicale en Colombie déposées par diverses organisations syndicales (cas nos1787, 1948, 1955, 1962, 1964 et 1973) et d'une plainte relative à la non-observation par la Colombie des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, présentée par plusieurs délégués travailleurs à la 86e session (1998) de la Conférence, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT.

3. Conformément à la décision adoptée par le Conseil d'administration à sa 273e session (novembre 1998), le comité soumet à l'approbation du Conseil un rapport sur les cas en instance et sur la plainte présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution.


II. Cas examinés par le Comité de la liberté syndicale

Cas no 1787

Rapport intérimaire

Plaintes contre le gouvernement de la Colombie
présentées par
- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
- la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)
- la Fédération syndicale mondiale (FSM)
- la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT)
- la Confédération générale des travailleurs
démocratiques (CGTD) et
- l'Association syndicale des fonctionnaires du ministère
de la Défense, des Forces armées, de la Police nationale
et ses entités connexes (ASODEFENSA)

Allégations: assassinats et autres actes de violence
contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes,
et licenciements antisyndicaux

4. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de novembre 1998. [Voir 311e rapport, paragr. 272 à 292.] La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a envoyé de nouvelles allégations par des communications datées respectivement des 4, 13 et 25 novembre 1998, du 26 janvier ainsi que des 2 et 12 février 1999. La Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a, pour sa part, envoyé de nouvelles allégations par des communications en date des 21 et 28 janvier 1999.

5. Le gouvernement a envoyé ses observations dans ses communications des 12 novembre, 10 et 16 décembre 1998, et des 6, 8 et 15 janvier 1999.

6. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

7. Lors de l'examen antérieur du cas portant sur des allégations relatives à des assassinats et autres actes de violence contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, ainsi qu'à des licenciements antisyndicaux, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 311e rapport, paragr. 292, alinéas b), c), d), e), f), et g)]:

B. Nouvelles allégations et informations supplémentaires

8. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL), dans ses communications des 4, 13 et 25 novembre 1998 ainsi que des 26 janvier, 2 et 12février 1999, et la Centrale latino-américaine (CLAT) dans ses communications en date des 21 et 28 janvier 1999 allèguent ce qui suit:

Assassinats et tentatives d'homicide
de dirigeants syndicaux et syndicalistes

Menaces de mort

C. Réponse du gouvernement

9. Dans sa communication du 15 janvier 1999, le gouvernement signale, d'une façon générale, que, afin de pouvoir donner suite à un certain nombre d'assassinats, de disparitions, de menaces de mort et de détentions à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes signalés dans les nombreuses allégations relatives aux cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale, la Commission interinstitutionnelle pour la protection et la promotion des droits de l'homme a été créée en 1998. Cette commission se compose de représentants du Bureau de la protection et de la promotion des droits de l'homme du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, des centrales ouvrières des syndicats exposés à de grands risques, des organisations non gouvernementales (ONG) s'occupant des droits de l'homme dans le pays, de la Conférence épiscopale, des organes de contrôle et d'enquête de l'Etat, des forces militaires, ainsi que du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies en Colombie. Le gouvernement précise que ces activités sont déployées avec la réserve normale que le droit pénal impose à l'égard de l'instruction d'une affaire et dans les limites de la complexité de la violence qui déferle sur le pays depuis quatre décennies. Les informations sont demandées de préférence au ministère public de la République, car cet organisme est chargé d'enquêter et de rassembler les preuves concernant d'éventuels délits. Il qualifie également les enquêtes, c'est-à-dire qu'il décide si une procédure pénale est introduite. Pour engager une procédure, le procureur met en accusation les délinquants présumés devant un juge. Le ministère public est en outre chargé de: a) prendre des mesures de sûreté pour s'assurer que les délinquants présumés se présentent au procès; b) veiller à la protection des victimes, témoins et intervenants au cours du procès. Le ministère public est obligé de procéder à une enquête sur l'inculpé et de respecter les droits fondamentaux et les garanties de procédure dont celui-ci bénéficie. Toute personne doit dénoncer auprès du ministère public les délits dont elle a connaissance et collaborer avec la justice en tant que témoin ou dénonciateur d'un délit. Comme a pu le constater la mission de contacts directs du BIT en 1996, le ministère public est une entité indépendante du pouvoir exécutif qui fait partie du pouvoir judiciaire. Un ministère, quel qu'il soit, ne peut lui donner des ordres; il ne peut que solliciter respectueusement les informations qu'il souhaite avoir, à condition que ces informations ne soient pas protégées par le secret de l'instruction. Pour obtenir de meilleurs résultats dans le cadre de la réunion d'informations, le ministère public demande également la coopération d'autres organismes, dont notamment: le ministère de l'Intérieur, le bureau du Procureur général de la nation et des milieux de la Política Nacional. Cela a permis au gouvernement de montrer que certains progrès ont été réalisés dans le cadre des recherches. Quant au résultat des enquêtes et procédures judiciaires ouvertes en ce qui concerne les 84 cas d'assassinats, de disparitions, de menaces de mort et de détentions contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes mentionnés ci-après, le gouvernement fournit les informations suivantes:

A. Point 1

a) Assassinats

L'éducateur Luis Alberto Lopera Múnera a également été assassiné, en même temps que les éducateurs Abraham Figueroa Bolaños et Edgar Camacho Bolaños. D'après les informations fournies par la section du DAS de Caquetá, «il a pu être établi que le 25 juillet 1997, à 10heures, sur le territoire indigène de Aguas Negras, faisant partie de la municipalité de Milán, 20 personnes non identifiées au visage recouvert de peinture, portant des vêtements et des armes à usage exclusif des forces militaires, ont fait une incursion dans la communauté et ont assassiné sept habitants indigènes de Coreguajes, parmi lesquels se trouvaient les trois éducateurs précités». Informations fournies par le DAS dans la communication DAS.OJ.DH.383 du 6 août 1998.

b) Disparitions

c) Menaces de mort

Selon la police nationale: «en raison des menaces proférées contre MM. Oscar Aguirre Restrepo, Arango Alvaro Alberto, Horacio Berrio Castaño, Martha Cecilia Cadavid, Franco Jorge Humberto, Giraldo Héctor de Jesús et Gutiérrez Jairo Humberto, affiliés au Syndicat des employés du département d'Antioquia, la police métropolitaine de Valle de Aburrá a pris certaines dispositions afin de garantir la sécurité de ces personnes; le 23 avril 1998, elle a notamment procédé à une étude de sécurité concernant M. José Rangel Ramos Zapata, président du syndicat; les conclusions de cette étude sont que le siège du syndicat, où le dirigeant syndical passe beaucoup de temps, doit faire l'objet d'une surveillance constante.

Les autres entités qui déploient des activités en vue d'assurer un environnement de sécurité et de confiance aux membres de ce syndicat sont le bureau du procureur, le ministère public, le Défenseur du peuple et le délégué municipal de Medellín. Au sujet des menaces qu'a reçues M. Jairo Alfonso Gamboa López, affaire no 52, la police métropolitaine de Santiago de Cali a pris les dispositions pertinentes de la compétence de la neuvième section. Le commissariat de la municipalité de Yumbo, qui a rendu compte des menaces écrites et téléphoniques reçues, par M. Gamboa López, secrétaire du syndicat des entreprises Curtiembres Titán S.A. notamment au mois d'octobre, a procédé à une étude du niveau de risques et est arrivé à la conclusion que ces menaces étaient proférées depuis huit mois et que le fait était devenu manifeste avec une communication écrite affirmant que les auteurs de ces menaces étaient un groupe qui se dénomme Colombia Sin Guerrilla - COLSINGUER. Une autre conclusion de cette étude de risques était que la personne menacée ne souhaitait pas que la police la protège mais l'aide à se procurer des armes. Ce qui précède a été consigné dans la communication no 0002 du 5 janvier transmise par la police métropolitaine de Cali.

Le bureau du Procureur général de la nation fournit également des informations sur les cas suivants:

d) Personnes détenues

Les cas mentionnés ci-après sont ceux de personnes impliquées dans des procédures pénales engagées par le bureau du Procureur général de la nation qui, en raison desdites procédures, de la protection du droit de se défendre et conformément aux dispositions du droit pénal, doivent, lorsqu'il existe des indices graves, être maintenues en détention afin d'assurer la bonne marche de la justice.

B. Point 2

Le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir ses observations sur les allégations relatives à des assassinats, des disparitions, des menaces de mort et des agressions physiques à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, ainsi qu'à des perquisitions de sièges syndicaux présentées en 1998. Le comité demande en outre au gouvernement de prendre des mesures pour protéger les dirigeants syndicaux et les syndicalistes menacés de mort dont la liste figure dans l'annexe II au présent rapport.

A ce sujet, le gouvernement, après s'être enquis auprès des institutions de contrôle et d'enquêtes de l'Etat colombien, et en se basant également sur les renseignements venant de sources telles que le Bureau pour la protection et la promotion des droits de l'homme du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, et des organisations syndicales mêmes, informe le Comité de la liberté syndicale de ce qui suit:

a) Allégations au sujet desquelles le gouvernement
n'a pas encore envoyé d'observations

De ces deux documents il ressort: a) que l'enlèvement a duré trois jours et que le groupe de guérilleros responsable a libéré les victimes spontanément; b) qu'à la date à laquelle la plainte a été déposée, aucun des travailleurs victimes de ces enlèvements était encore en captivité. Etant donné cet état de choses, le gouvernement colombien souhaite manifester auprès du BIT son étonnement au sujet du retentissement qu'ont donné à ces faits ceux qui les ont dénoncés et qui n'ont pas cherché à rétablir la vérité.

b) Détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes

c) Perquisition au siège syndical, mise sur table d'écoute, surveillance de syndicalistes

d) Agressions physiques et répression policière

La police nationale signale: «... que d'après les déclarations qu'il a faites, M.Moreni Clavijo Héctor Ignacio, identification C.C. 11.343.940, membre du Syndicat de l'Association nationale des transitaires (ANDAT), a été blessé au cours d'une manifestation organisée le 6 janvier 1997. D'après le diagnostic du médecin légiste, il a souffert d'incapacité pendant cinq jours, tout comme MM. Luis Alejandro Cruz Bernal, C.C. 79.432.668, Héctor Ernesto Moreno Castillo, C.C. 3.073.236 et Martha Janeth Leguizamon, qui ont porté plainte auprès de l'Unité de réaction immédiate (URI) de Paloquemao pour avoir été blessés. Il convient de signaler que l'examen des archives personnelles où figurent les rapports de l'URI de Paloquemao n'a permis de trouver pour la journée du 6 janvier 1997 que les noms de M. Moreno Clavijo Héctor Ignacio, diagnostic no 9701062003 et de M. Edgar Méndez Cuéllar, diagnostic no9701062002. L'enquête est menée par les tribunaux pénaux militaires de la direction générale de la police nationale».

e) Tentatives d'homicide

f) Menaces de mort

C. Point 3

Le comité a demandé au gouvernement de le tenir informé des résultats d'un recours interjeté par la Banque andine contre une résolution administrative du ministère du Travail et d'étendre l'enquête ouverte au sujet de la même attitude adoptée à l'encontre des banques Citibank, Sudameris et Anglocolombiano.

Au sujet du recours précité, le gouvernement a procédé à une enquête sur les résolutions qui sanctionnent la Banque andine parce que celle-ci a violé des normes conventionnelles, et il a trouvé la résolution no 002416 du 8 juillet 1994. Deux recours ont été présentés pour demander à l'autorité de reconsidérer cette résolution et pour interjeter appel contre ladite résolution. Ces recours ont fait l'objet des résolutions no 003277 du 23septembre 1994 et no 004031 du 2 décembre 1994 qui ont confirmé la sanction prise contre la banque précitée pour violation des normes conventionnelles.

Quant aux recherches effectuées au sujet d'actes antisyndicaux qui auraient été commis par d'autres banques, le gouvernement indique que dans le cas de la Banque andine le ministère du Travail et de la Sécurité sociale est en train de procéder à une enquête administrative du travail. Simultanément, mais de manière indépendante, le ministère public de la section 238 de Santafé de Bogotá effectue une enquête sur les délits de contrainte et de violation du droit syndical. Le 6 avril 1998, le ministère public a pris une résolution de suspension. La partie défenderesse a présenté un recours demandant au ministère public de reconsidérer sa résolution initiale que l'organisme précité a toutefois confirmée en invoquant, parmi les arguments sur lesquels il a basé sa décision, le manque d'intérêt de la partie défenderesse qui n'a pas entrepris les démarches requises pour étayer son recours. Le ministère du Travail poursuit l'enquête sur les aspects de sa compétence et, quand il se sera prononcé à cet égard, nous transmettrons les informations pertinentes.

En ce qui concerne la Citibank et la banque Sudameris, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a ouvert d'office une enquête. Nous vous informerons des résultats de ladite enquête en temps opportun.

Quant à la banque Anglocolombiano, le 19 mai 1997, l'inspection 24 de la division de l'inspection et de la surveillance de la direction régionale du travail de Cundinamarca a examiné la plainte dont elle a été saisie par l'organisation syndicale. L'enquête administrative a été classée pour manque d'intérêt juridique, les parties n'ayant pas satisfait, à plusieurs reprises, aux démarches prévues pour faire la lumière sur les violations présumées. Nonobstant ce qui précède, la direction technique du travail, en se basant sur des attributions officieuses, a ordonné la réouverture de l'enquête.

Le gouvernement colombien tient à vérifier l'application des dispositions visant à protéger les droits des travailleurs, tout particulièrement en ce qui concerne les droits syndicaux.

D. Point 4

Le comité demande au gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations relatives à des actes de discrimination antisyndicale contre l'Association syndicale des fonctionnaires du ministère de la Défense, des Forces armées, de la Police nationale et entités connexes, ASODEFENSA.

A cet égard, le gouvernement colombien a envoyé au BIT des informations en date du 12 novembre 1998 et du 15 janvier 1999. Afin de fournir au Comité de la liberté syndicale des informations illustrant les faits, le gouvernement se permet de reproduire le document envoyé par la police nationale par la communication no 022 du 12 janvier 1999, qui contient ce qui suit au sujet de cette question sous le chiffre 5 des pages 4, 5 et 6: «En ce qui concerne les actes de discrimination antisyndicale contre les dirigeants syndicaux, les syndicalistes et les affiliés de l'Association syndicale des fonctionnaires du ministère de la Défense, des Forces armées, de la Police nationale et entités connexes, ASODEFENSA, il est téméraire d'affirmer que l'on recourt à des méthodes inappropriées pour exercer ce genre de pression, telles que le transfert des salariés syndiqués en des lieux éloignés de leurs enfants et de leurs familles et le gel des augmentations de salaires des dirigeants tandis que des augmentations exagérées sont octroyées aux salariés non syndiqués», étant donné que ce genre d'agissements n'existent pas dans la police nationale.

En outre, l'ASODEFENSA a fait savoir que les mécanismes légaux de discrimination antisyndicale se sont consolidés récemment, car le gouvernement national a approuvé le 4 juin 1998 une loi no 443 qui, par son article 37 j), permet aux forces armées et à la police de licencier un salarié civil qu'elles considèrent comme «indésirable» à partir d'un rapport «secret». Cette même loi, dans l'article et la lettre précités, prévoit: «Le personnel civil de carrière du ministère de la Défense nationale, à l'exception de ses entités décentralisées, pourra, sur avis préalable de la commission du personnel, être démis de ses fonctions quand, à partir d'un rapport d'enquête secret, on estime que sa présence dans le service est indésirable pour des raisons de sécurité nationale. Dans ce cas, la décision ne sera pas motivée.» Aux termes de cette disposition, pour qu'un employé puisse être démis de ses fonctions, les conditions suivantes doivent être remplies:

Si toutes ces conditions sont remplies, un membre du personnel peut être démis de ses fonctions comme le prévoit la loi; néanmoins, si une des conditions n'est pas remplie, la personne concernée ne peut pas être licenciée; les causes de la justification n'ont pas à être explicites puisque l'employé met en péril la sécurité nationale, sécurité qui est définie jusqu'à ce jour dans un projet de loi sur la sécurité et la défense nationales, et qui ne figure pas encore dans une loi de la République de Colombie. Plus précisément, le chapitre VI du projet de loi dispose: «On a estimé qu'il serait bon d'inclure dans le projet certains comportements qui portent atteinte à la sécurité et à la défense nationales, tels que la destruction d'actifs militaires et de services publics essentiels, la désobéissance à un arrêté de réquisition, le non-respect d'ordres relatifs à la défense civile; le point de savoir quelle instance aura compétence pour connaître de la question est à l'examen». On ne peut donc pas déclarer catégoriquement que la loi constitue une menace contre le droit de s'affilier librement ou de rester affilié à une organisation syndicale».

Le gouvernement souhaite également répondre point par point à la plainte en question pour démontrer que ses décisions ont eu pour but de protéger le droit syndical, ce à quoi l'oblige la convention no 87 de l'OIT.

La plainte invoque les faits suivants:

E. Point 5

Le comité demande au gouvernement de l'informer sur les actes de violence commis contre des syndicalistes au mois d'octobre 1998 et dénoncés par la CISL, la CLAT, la CUT et la CGTD. Ces actes de violence ont été commis à la suite de la grève nationale déclarée par les trois centrales syndicales et un grand nombre d'organisations syndicales de l'Etat pour «protester contre la politique économique et sociale du gouvernement».

Le gouvernement présente ses observations sur ce point de la manière suivante.

Caractéristiques de la grève nationale
des travailleurs de l'Etat

Comme il ressort de leur propre affirmation, les plaignants ont lancé un appel à une grève nationale des travailleurs de l'Etat pour une durée indéterminée. La grève a commencé le 7 octobre et avait un caractère nettement politique, non seulement pour les raisons alléguées, à savoir: «protester contre la politique économique et sociale du gouvernement», mais également, comme le BIT le sait très bien, parce que la législation interne de la Colombie en matière de grève prévoit une procédure pour l'appel à une grève et pour la recherche d'une solution, normes qui ont été manifestement violées par ceux qui ont lancé un appel à un mouvement politique contre l'Etat.

En effet, la Colombie a édicté une législation qui consacre le droit de grève de ses travailleurs depuis 1919 et qui établit une procédure (art. 433 et suiv. du Code du travail) prévoyant la présentation préalable d'un cahier de revendications puis des étapes de négociation qui conduisent à la conclusion d'un arrangement si les parties parviennent à s'entendre; dans le cas contraire, le conflit est réglé par un tribunal d'arbitrage pour les travailleurs employés dans des services publics essentiels, comme dans le cas en question, ou pour les travailleurs des autres secteurs d'activités touchés par la grève.

Le Comité de la liberté syndicale peut se rendre compte facilement que non seulement il s'agissait d'une grève intempestive et illégale de travailleurs de services publics essentiels, mais que cette grève a été lancée sans que les exigences établies par la loi aient été respectées. Ce qui est plus grave toutefois, c'est que beaucoup de syndicats qui ont soutenu et encouragé le mouvement politique avaient à ce moment des conventions collectives de travail signées avec leurs employeurs et encore en vigueur, comme dans les cas de l'Institut de la sécurité sociale (SINTRAISS), Ecopetrol (USO), Telecom (SINTELECOM) et la Caisse agricole (SINTRACREDITARIO). D'autres groupes de travailleurs importants, tels que ceux du pouvoir judiciaire, de la santé et du corps enseignant, avaient conclu des accords avec le gouvernement qui étaient encore en vigueur et qui fixaient leurs salaires et leurs conditions de travail jusqu'au 31 décembre 1998.

Dans ces circonstances, et étant donné le caractère des «revendications» de ce mouvement (opposition aux politiques économique et sociale du gouvernement), la grève avait un caractère de mouvement politique et non pas de mouvement ouvrier. Le gouvernement national a toutefois, en assumant en premier lieu son devoir constitutionnel de respecter et de faire respecter la loi, cherché à établir un dialogue social après avoir pris connaissance de certaines demandes formulées la veille avant le début du mouvement, ce qui lui a permis d'élaborer et de conclure un accord bilatéral et d'arriver à un compromis (déclaration unilatérale) qui a mis un terme au conflit et a fait valoir le caractère démocratique et civile (les deux documents mentionnés sont annexés).

Au cours de ce mouvement, on a pu constater que les dirigeants syndicaux ont eu recours à deux pratiques atypiques de lutte syndicale. D'une part, ils ont lancé un appel à un mouvement indéfini et politique et n'ont pas déclaré qu'il y avait un conflit du travail; c'est pour cette raison qu'il n'y a pas eu reconnaissance d'une grève légale mais une déclaration précisant que l'arrêt de travail était illégal. D'autre part, loin d'être un mouvement pacifique et un arrêt du travail, il s'agit plutôt de l'occupation, dans certains cas, des locaux des entités et entreprises par des piquets de travailleurs qui, sous la direction de leurs dirigeants syndicaux, ont refusé l'accès à d'autres travailleurs qui voulaient accomplir leur devoir, parfois en les agressant et en empêchant également les usagers de pouvoir accéder aux services. Face à cette situation, l'Etat est évidemment intervenu en demandant à la force publique (une vidéo est jointe) de rétablir l'ordre et de protéger les citoyens et, paradoxalement, pour préserver le droit au travail de ceux qui ne pouvaient plus exercer librement ce droit à cause d'actes de violence dont se sont rendus coupables quelques groupes de travailleurs; bien entendu, la force publique est intervenue conformément aux dispositions légales et réglementaires, sans qu'il y ait eu d'excès face à l'ampleur du mouvement.

Plainte des centrales syndicales internationales et nationales

Les centrales syndicales internationales et nationales se sont plaintes auprès du BIT que des actes de violence ont été commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes durant la grève: assassinats, agressions physiques et blessures, détentions et menaces de mort.

En ce qui concerne ces accusations, le gouvernement souhaite clarifier les circonstances dans lesquelles les faits mentionnés sont intervenus.

Au sujet des assassinats, des enquêtes ont été ouvertes par le bureau du Procureur général de la nation. Cet organisme, qui est chargé d'enquêter, de rassembler les preuves, de prendre des mesures de sûreté, de qualifier les enquêtes et d'accuser les délinquants présumés devant les juges, nous a fourni des informations sur quelques cas auxquels se réfère la plainte:

Le 20 octobre 1998, M. Jorge Luis Ortega García, vice-président de la CUT, a été assassiné dans la ville de Santafé de Bogotá. L'unité nationale des droits de l'homme du ministère public a ouvert une enquête le jour même, sous la référence398. L'enquête se trouve actuellement au stade de l'instruction, trois personnes sont impliquées dans cette affaire et deux mandats d'arrêt ont été délivrés.

Selon la police nationale, dans le cas de Jorge Ortega, «le gouvernement national lui avait offert une protection par l'intermédiaire du Comité d'évaluation et des risques du ministère de l'Intérieur, mesures que le dirigeant n'a pas acceptées car elles ne correspondaient pas à ce qu'il souhaitait (désigner ses propres escortes); les mesures devaient faire partie du système de protection offert à ce moment par le DAS. Après l'assassinat du dirigeant syndical Jorge Ortega, un groupe interinstitutionnel SIJIN, DIJIN, CTI a été organisé, dans un premier temps sous la direction du ministère public, plus précisément dans le cadre de la coordination des unités de réaction immédiate. Ce groupe a pu établir que la victime avait déjà reçu des menaces par téléphone à la loge de l'ensemble résidentiel dont M. Díaz Bustos assurait la surveillance. M. Díaz Bustos a été arrêté par la suite. Ce vigile a été retrouvé mort dans une des cellules de la prison modèle pour des causes qui font l'objet d'une enquête du ministère public».

Mme Orfa Ligia Mejía a été assassinée le 7 octobre dans la municipalité d'Ipiales, dans le département de Nariño. Les informations sur ce cas doivent être transmises prochainement par le ministère public. De même, on attend des informations sur l'assassinat, le 10 octobre, de M. Marcos Pérez González, affilié à SINTRAELECOL.

Au sujet de l'assassinat, le 24 octobre, de Mme Hortensia Alfaro Banderas, vice-présidente de SIDESC, le ministère public indique que l'enquête ouverte sous la référence no 11353 se trouve au stade préliminaire et que, d'après les premiers résultats, les auteurs du crime sont vraisemblablement des paramilitaires qui agissent dans la région du département de Cesar.

Pour ce qui est de l'assassinat, le 25 octobre, de M. Macario Barrera Villota, affilié à l'Association des instituteurs de Huila, le ministère public signale que, selon l'enquête ouverte sous la référence no 1664, qui se trouve au stade préliminaire, le mobile du crime pourrait être le vol du véhicule de service public de la victime (taxi marque Renault, modèle93). «La victime travaillait simultanément comme éducateur dans un collège du soir et comme chauffeur de taxi; elle n'avait apparemment pas d'antécédents de syndicaliste et, a fortiori, pas reçu de menaces pour de telles activités.»

Quant à l'assassinat, le 26 octobre, de M. Jairo Cruz, président du Syndicat des travailleurs de Proaceites, la section 25, Aguachica-Cesar, du ministère public a ouvert l'enquête sous la référence no 6211.

Agressions physiques et blessures

Au sujet de ces allégations et informations présentées par les organisations nationales de troisième degré devant ce comité, le gouvernement, étant donné qu'aucune plainte n'a été déposée devant un organisme de sécurité ou compétent pour les mauvais traitements allégués, n'a obtenu aucune observation ou communication relative à ces cas, bien qu'il ait demandé des informations sur ces faits aux services du ministère public général de la nation, au bureau du Procureur général de la nation et à la police nationale.

La police nationale, dans son rapport no 022 du 12 janvier 1999 sur ces faits, déclare: «Il convient de rappeler que la présence de la force publique aux endroits où doivent avoir lieu des manifestations ou des grèves est un devoir légal et ne correspond pas au désir de s'opposer au libre exercice du droit à la liberté d'expression; au contraire, la police nationale a eu pour mission permanente d'accompagner les manifestants et de n'intervenir que lorsque cela était nécessaire pour faire face à toute première manifestation de violence. Il faut tenir compte du fait que dans les cas où les travailleurs descendent dans les rues pour protester ils doivent assumer au minimum 50 pour cent de la sécurité pour éviter que durant la manifestation il n'y ait pas des personnes qui s'infiltrent et incitent au désordre.»

Détentions

Le gouvernement national n'est pas en mesure de fournir des informations sur tous les cas mentionnés dans la plainte, car certains de ces cas n'ont même pas été enregistrés par les autorités, les faits présumés n'ayant pas été dénoncés, ou parce qu'il s'agit de détentions ou d'arrestations de courte durée, sans conséquences importantes. La police nationale ne fournit des informations que sur les faits dont elle a eu connaissance dans le cadre de la grève nationale mentionnée. C'est ainsi qu'elle indique dans son rapport no 022 du 12 janvier 1999 (p. 3, chiffre 3):

«Après avoir procédé à des vérifications sur les détentions survenues durant la grève nationale à Bogotá, la section de la police judiciaire (SIJIN) de la police métropolitaine de Santafé de Bogotá signale qu'elle avait connaissance d'un cas qui s'est présenté le 22octobre 1998 quand José Alfred Patiño Granados et le mineur Ramón Gutiérrez Patiño furent arrêtés alors qu'ils portaient sur eux, entre autres éléments, du matériel explosif qui avait un lien avec la photocopie d'une communication jointe à ce matériel. M. Patiño a été laissé à la disposition du bureau du procureur délégué par le SIJIN de Bogotá et le mineur a été laissé à la disposition du commissariat responsable des questions familiales qui assumait la permanence.

La brigade de police de Bacatá a signalé que durant la grève deux personnes ont été détenues respectivement les 7 et 26 octobre 1998; elles ont été identifiées comme suit: Carlos Andrés Cristian Sanabria et Gloria Stella Valencia Lobos pour avoir endommagé des biens de l'Etat, plus précisément les motos nos 4-40111 et 04-4035; les fonctionnaires des services du Défenseur du peuple sont en train d'établir un acte de conciliation comme l'indique la communication no 059 du 6 janvier 1999 annexée.

Le dixième poste d'Engativá a également détenu temporairement les personnes suivantes: Germán Pérez Bastidas, Pedro Arnulfo Melo Cantor, Edgar Arnulfo Melo Cantor et Javier Fernando Amezquita, comme il ressort de la communication no 011 du département de police de Tisquesusa annexée.

Le département de police de Tequendama, plus précisément le quatrième poste de SanCristóbal Sur, a détenu neuf personnes en application du décret no 1355 de 1970, article207, chiffre 3, comme le mentionne la communication du 7 janvier 1999 annexée.

Le quinzième poste de Restrepo, de la police de Tequendama, a détenu MM.Adolfo Gaitán Chacón et Elber Yesid Gaitán Chacón qui étaient en train de jeter des clous dans la rue no 10 à la hauteur de la rue n° 1 et portaient atteinte à l'ordre public; les personnes précitées ont été laissées à la disposition de l'Unité de réaction immédiate (URI); le jeune Edisson Gaitán Chacón a également été détenu pour le même motif et laissé à la disposition du deuxième tribunal des mineurs.

Le cinquième poste de Usme, le septième poste de Bosa, le dix-huitième et le dix-neuvième poste du département de police de Tequendama n'ont pas constaté de troubles de l'ordre public et n'ont pas dû procéder à des arrestations, comme il ressort des communications de ces postes de police.»

La police nationale, dans son rapport no 0036 du 12 janvier 1999, fournit en outre les informations suivantes dans ce contexte: «Au sujet des trois personnes appréhendées les 8 et 16 octobre 1998, mentionnées à la page 4, je me permets de préciser que M. Orlando Riveros et Mme Sandra Parra Montenegro ont été arrêtés pour avoir causé des dégâts à bien d'autrui et pour délit d'émeute; ces deux personnes ont été appréhendées dans le CAI SanFrancisco, juridiction de Ciudad Bolívar, le 16 octobre 1998 et laissées à la disposition de l'Unité de réaction immédiate de Ciudad Bolívar (URI); ce même jour (16 octobre 1998), Mme Sandra Parra Montenegro a été laissée en liberté, selon le bulletin de remise en liberté no15727 signé par le procureur 286 délégué par les tribunaux pénaux de la section. Le 17octobre 1998, M. Orlando Riveros a été laissé en liberté, selon un bulletin de remise en liberté ne comportant pas de numéro du procureur 319 délégué par les tribunaux pénaux municipaux. Il convient de relever qu'il n'a pas été possible de juger de l'état de santé de ces deux personnes puisqu'elles ont été laissées en liberté.

En ce qui concerne M. José Ignacio Reyes (8 octobre 1998), syndicaliste de SINTELECOM, son nom ne figure pas sur la liste des personnes détenues dans les postes de la police métropolitaine de Santafé de Bogotá.

Menaces de mort

Au sujet des menaces de mort reçues par tous les dirigeants syndicaux du «Commando national unitaire» (réunissant la CUT, la CGTD et la CTC), le gouvernement national transmet les informations fournies par la police nationale, à savoir qu'une protection de police est offerte aux membres de ce groupe qui sont exposés à des risques majeurs et qui ont demandé à bénéficier de ce service.

A ce sujet, le ministre de l'Intérieur, en réponse à la demande écrite que le Directeur général du BIT, M. Michel Hansenne, lui a adressée le 20 novembre, a fourni des informations sur la protection qui est accordée à plusieurs dirigeants syndicaux:

En tout cas, des instructions ont été données à la direction générale des droits de l'homme de ce ministère pour que soit examinée la situation des personnes mentionnées auprès de votre bureau et qui ne bénéficient pas encore de protection afin que des mesures appropriées soient prises. Selon la communication du ministre de l'Intérieur, jusqu'ici MM.Nelson Berrio de l'USO, Wilson Borja de FENALTRASE et Domingo Tovar de la CUT ont également été placés sous le système de sécurité du DAS.

Il convient de relever que le programme de protection des personnes exposées à de grands risques mis en œuvre par le ministère de l'Intérieur a permis de protéger un nombre considérable de dirigeants syndicaux et de leur offrir des services tels que véhicules, escortes, gilets pare-balles et voyages aériens (pour leurs escortes quand elles doivent se déplacer en dehors de la ville). Certains dirigeants syndicaux ont exigé que les escortes ne soient pas constituées par des membres des organismes de la sécurité de l'Etat, préférant des personnes de leur propre choix, qui doivent être incorporées avec difficulté dans les effectifs du DAS.

Parmi les dirigeants qui ont décidé de choisir leurs propres escortes, se trouvait, comme nous l'avons déjà dit, M. Jorge Luis Ortega García. Ce dernier a plus précisément exigé que ses escortes soient formées par des personnes au bénéfice du plan de réinsertion (guérilleros réinsérés dans la vie civile). Des démarches étaient en cours pour donner suite à la demande de M. Ortega García au moment où il a malheureusement été assassiné.

Pour ce qui est de la militarisation de certaines entités étatiques, nous réitérons nos réponses précédentes aux termes desquelles nous indiquions que les interventions de la police nationale (les militaires ne participant pas à ce type d'activités) se réalisent conformément à la loi et aux règlements et sont proportionnelles aux faits. Les allégations des travailleurs qui ont soumis cette plainte doivent dès lors être rejetées.

F. Point 6

Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires en cours relatives aux licenciements de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans les entreprises ALFAGRES SA, TEXTILIA Ltd., ainsi qu'au ministère des Finances.

Par communication du 13 octobre 1993, MM. Arturo Guerrero et Jairo Peña, président et secrétaire de SINTRATEXTILIA à cette date, ont retiré leur plainte, en tenant compte du fait qu'une procédure pénale était en cours contre les directeurs de l'entreprise pour les mêmes faits et que les travailleurs licenciés avaient introduit une action contre l'entreprise auprès de l'autorité du travail ordinaire.

Des procédures judiciaires ont été engagées au sujet des actions en réintégration respectives et ces procédures se trouvent au stade suivant:

Nouvelles allégations au sujet desquelles le gouvernement
n'a pas encore envoyé ses observations

En ce qui concerne ce point, la police nationale indique:

Conformément aux chiffres 132 et 133 relatifs aux employés bancaires, ce bureau a été informé qu'une réunion avait eu lieu le 8 septembre 1998 dans les locaux de l'Union nationale des employés de banque (UNEB) entre des membres du personnel de la police métropolitaine de Santafé de Bogotá et des responsables de ladite organisation. Au cours de cette réunion, les participants ont analysé les menaces collectives qui avaient été reçues et ont établi le niveau de risques auquel étaient exposées les personnes suivantes: Yuly González Villadiego, Olimpo Cárdenas, Ana Cecilia Escorcia, Segundo Mora, Emidgio Triana, Rafael Peña, Alvor Pulido, Miguel González, Raúl Malagon, Mauricio Alvarez, Orlando Romero, Alvaro Quintero, Domingo Tovar.

Conformément à ce qui a été convenu au cours de la réunion et après avoir évalué les informations fournies, le niveau de risques pour les membres de l'UNEB a été considéré comme bas, à l'exception de Mme Yuly González pour laquelle le niveau de risques a été jugé moyen.

Quant aux dirigeants syndicaux de la CUT qui ont reçu des menaces, la police a eu connaissance que les victimes de menaces ont déposé plainte auprès du ministère de l'Intérieur.

En ce qui concerne la protection des dirigeants syndicaux de SAINTRAMCALI, la police nationale a indiqué qu'elle est en train de prendre des dispositions pour assurer leur protection personnelle et le déploiement de leurs activités syndicales. Dans une communication datée du 10 décembre 1998, le gouvernement indique qu'il a offert la protection aux dirigeants syndicaux MM. Hector Fajardo Abril, Tarcicio Mora, Gabriel Alvis et José Bernard Amorocho.

Conclusions

Voici donc notre rapport relatif au cas no 1787 demeuré en instance devant le Comité de la liberté syndicale du BIT. Nous espérons qu'une étude impartiale et attentive de ce rapport permettra d'évaluer objectivement la réalité que nous vivons et les efforts que l'Etat colombien déploie pour garantir à ses citoyens l'exercice des droits fondamentaux, en dépit du très grave conflit armé qui nous accable.

Après avoir analysé les informations contenues dans ce rapport, la conclusion la plus logique doit être qu'en dépit de la violence effrénée que les ennemis de la démocratie ont déclaré vouloir imposer à l'immense majorité des Colombiens l'Etat fait tout son possible pour que les travailleurs, en particulier, puissent exercer les libertés syndicales consacrées par les conventions nos 87 et 98 de l'OIT, par notre Constitution ainsi que par les lois et normes relatives au travail.

Nous pouvons par conséquent affirmer sans la moindre hésitation que le gouvernement de la Colombie respecte les droits de l'homme et lutte contre ceux qui y portent atteinte, car il est absolument convaincu que c'est là une condition sine qua non pour renforcer la démocratie et instaurer la paix.

Déclarations finales

Le gouvernement colombien a la plus ferme conviction que l'esprit de justice et d'équilibre du Conseil d'administration, et de chacun des secteurs qui y sont représentés, le conduira à reconnaître le sérieux, la validité et le fondement des explications données pour répondre aux diverses questions, et à soutenir, par des actes positifs de compréhension des difficultés auxquelles se heurte la Colombie, la vocation inébranlable de notre nation pour le progrès du droit, le fait que la Colombie reconnaisse et respecte l'autorité de l'Organisation internationale du Travail et qu'elle recherche la paix interne - la base à laquelle elle aspire pour connaître une coexistence fertile pour pouvoir mieux promouvoir les principes et les valeurs qui rendent le travail de l'homme plus digne.

Pour toutes les raisons susmentionnées, le gouvernement de la Colombie estime qu'il n'est pas nécessaire de confier à une commission d'enquête le suivi du respect des obligations découlant de son appartenance à l'Organisation internationale du Travail ainsi que de celles découlant de la ratification des conventions nos 87 et 98 de l'OIT.

Le gouvernement colombien se déclare absolument disposé à rester en contact permanent avec la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et avec le Comité de la liberté syndicale.

D. Conclusions du comité

10. En premier lieu, le comité exprime sa reconnaissance pour les efforts que le gouvernement a déployés pour préparer le rapport volumineux et détaillé qui lui est transmis et qui a trait à de nombreuses et graves allégations relatives en grande partie à des assassinats, disparitions, agressions physiques, détentions et menaces de mort contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, ainsi qu'à des perquisitions aux sièges des syndicats. Toutefois, le comité déplore que ces actions aient continué à se produire depuis le dernier examen du cas à sa session de novembre1998 et se dit gravement préoccupé par la violence dont continuent de faire l'objet les dirigeants syndicaux et les syndicalistes. En conséquence, le comité doit rappeler que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrièmeédition, 1996, paragr.47.]

11. Pour ce qui est des déclarations finales prononcées par le gouvernement dans sa réponse, le comité souligne que, dans la formulation de ses conclusions, il prend toujours en considération les structures politiques, institutionnelles et juridiques de l'Etat, ce qui l'amène parfois à critiquer les dispositions légales ou situations incompatibles avec les conventions ratifiées. En ce qui concerne les commentaires du gouvernement relatifs aux allégations des plaignants qui ne seraient fondées sur aucune preuve, le comité rappelle que le gouvernement a parfaitement le droit de souligner dans ses observations les carences au niveau de la preuve; en vue de répondre à ces allégations, le gouvernement peut prier le plaignant de fournir des précisions qui contiennent un minimum d'informations (nombres, dates, lieux, etc.) lui permettant de nier ou de confirmer les faits allégués et facilitant dès lors les précisions qui seraient opportunes.

12. D'une façon générale, le comité prend note que le gouvernement signale dans le rapport en question qu'afin de donner suite aux faits auxquels se réfèrent les nombreuses allégations des cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale, la Commission interinstitutionnelle pour la protection et la promotion des droits de l'homme a été créée en 1998, et qu'elle se compose de représentants du Bureau pour la protection et la promotion des droits de l'homme, du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, des centrales ouvrières des syndicats exposés à de grands risques, des organisations non gouvernementales s'occupant des droits de l'homme, de la Conférence épiscopale, des organes de contrôle et d'enquête de l'Etat, des forces militaires, ainsi que du Bureau du Haut Commissariat des NationsUnies en Colombie.

13. Toutefois, le comité regrette beaucoup de devoir constater qu'en dépit de l'extrême gravité des faits et du temps qui s'est écoulé les enquêtes entreprises n'ont pas encore permis d'identifier, de poursuivre et de punir les coupables dans la majorité des allégations. A cet égard, le comité rappelle que «quand les enquêtes judiciaires ouvertes sur les assassinats et les disparitions de militants syndicaux n'aboutissent que rarement, le comité a estimé qu'il est absolument indispensable d'identifier, de poursuivre et de condamner les coupables, car une telle situation entraîne une impunité de fait des coupables qui renforce le climat d'insécurité et de violence et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 54.]

Assassinats

14. En ce qui concerne les résultats des enquêtes sur les nombreux cas d'assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes mentionnés aux annexesI et II (allégations présentées durant 1998), le comité prend note que conformément aux informations du gouvernement et sur la base de l'analyse qui a été faite desdites informations (voir annexeIII): a)dans le cas des 24travailleurs de l'exploitation bananière «Rancho Amelia» à Turbo, Urabá, affiliés à SINTRAINAGRO, ainsi que dans celui de M. José Isidro Leyton Molina, président de section de la CGTD, les coupables ont été identifiés, poursuivis et punis; dans le cas de Bernardo Orrego Orrego, affilié à l'Association des vendeurs de Medellín, Antioquia, le coupable a été identifié et l'on attend que l'instance pénale se prononce; dans le cas de M. Juan Camacho Herrera, affilié à un syndicat du secteur minier, des mandats d'arrêt ont été décernés contre deux personnes impliquées dans l'assassinat; dans le cas de M.José Eduardo Unaña, six personnes ont été placées en détention préventive, accusées d'homicide; b)dans 54 cas (concernant diverses personnes), l'enquête ouverte par le ministère public compétent se trouve au stade préliminaire et dans cinq cas des informations complémentaires sont fournies sur les faits, mais dans ces 59 cas les coupables n'ont pas été identifiés ni poursuivis; c)dans huit cas, le ministère public compétent a suspendu l'enquête; d)dans trois cas, on ne sait pas si l'on poursuit les recherches pour identifier et juger les coupables; e) dans les cas de MM. Argiro de Jesús Betancur Espinosa et Alvaro José Taborda Alvarez, selon le gouvernement, les assassinats n'ont pas été motivés par des activités syndicales; et f) M. Luis Orlando Camacho Galvis n'était pas syndicaliste.

15. Pour ce qui est des 59 cas (quelques-uns se réfèrent à diverses personnes) dans lesquels les auteurs des assassinats n'ont pas été identifiés, le comité demande instamment au gouvernement de prendre de toute urgence, et dans toute la mesure du possible, les mesures nécessaires pour déterminer les responsabilités, poursuivre et punir les coupables et éviter que ces faits extrêmement graves ne se reproduisent à l'avenir. Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé à ce sujet. Quant aux huit cas dans lesquels le ministère public chargé de l'affaire a suspendu l'enquête, le comité demande au gouvernement de l'informer au plus tôt des motifs qui sont à l'origine de telles suspensions. En ce qui concerne les quatre cas pour lesquels on ne sait pas, selon le gouvernement, si les recherches se poursuivent, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour identifier et poursuivre les responsables. Le comité prie également le gouvernement de l'informer du résultat de la procédure pénale engagée contre M. Freddy Mosquera Mosquera, responsable de l'assassinat de M. Bernardo Orrego Orrego, ainsi que du résultat des mandats d'arrêt décernés contre les personnes accusées dans les cas d'assassinats de MM. José Isidoro Leyton Molina et Juan Camacho Herrera.

Disparitions

16. Quant au résultat des enquêtes effectuées sur les 13 cas de dirigeants syndicaux et de syndicalistes disparus (voir les annexes I et II), le comité prend note que selon les informations fournies par le gouvernement et sur la base de l'analyse qui a été faite desdites informations (voir l'annexe III): a)dans six cas, les personnes enlevées ont été libérées (Pedro Fernando Acosta Uparela, José Ricardo Sáenz, Emiliano Jiménez, Amadeao Jalave Díaz, Jhony Cubillo et Ulpiano Carvajal); b)en ce qui concerne les cas de MM. Ramón Alberto Osorio Beltrán, Alexander Cardona et Mario Jímenez, l'enquête ouverte par le ministère public chargé de l'affaire se trouve au stade préliminaire; c) dans les cas de MM. Rodrigo Rodríguez Sierra, Rami Vaca, Jairo Navarro et Miseal Pinzón Granados, on ne sait pas si les enquêtes sont encore en cours en vue d'identifier et poursuivre les coupables.

17. Pour ce qui est des sept cas restants, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les enquêtes se poursuivent sans retard, afin d'établir où les disparus se trouvent et déterminer les responsabilités, punir les coupables et éviter que des faits aussi regrettables se reproduisent. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dès que possible à ce sujet.

Menaces de mort

18. En ce qui concerne le résultat des enquêtes effectuées sur 25 cas (quelques-uns se référant à diverses personnes) de menaces de mort contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes (voir annexes I et II), le comité prend note que conformément aux informations fournies par le gouvernement et sur la base de l'analyse desdites informations (voir annexe III), dans la majorité des cas (18) une protection de police est offerte aux personnes menacées. A cet égard, le comité demande au gouvernement de continuer à prendre des mesures de protection en faveur de tous les dirigeants syndicaux et syndicalistes exposés à des risques, de poursuivre les enquêtes pour identifier et punir les auteurs de ces menaces et de l'informer sur les dispositions prises à cette fin.

Détenus

19. Au sujet des résultats des enquêtes effectuées sur la détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes (voir annexes I et II), le comité prend note que conformément aux informations fournies par le gouvernement et sur la base de l'analyse desdites informations (voir annexe III), dix personnes sont accusées de délit de rébellion, de terrorisme et d'actes de délinquance concertés, et font l'objet de procédures pénales qui ont été intentées par le bureau du Procureur général de la nation, dans le respect des principes d'un procès équitable, de la protection du droit de se défendre et des dispositions du droit pénal. Quant à M. César Carrilo, le comité prend note qu'il a été remis en liberté le 15 mai 1998. En ce qui concerne les cas de MM. Luis Rodrigo Carreo, Luis David Rodríguez Pérez, Elder Fernández et Gustavo Minorta, le comité demande au gouvernement de l'informer sans retard des résultats des enquêtes en cours ainsi qu'au sujet des procédures intentées contre dix personnes qui continuent à faire l'objet d'une procédure pénale.

Perquisition au siège syndical, mise sur table d'écoute,
surveillance de syndicalistes (annexe II)

20. En ce qui concerne le résultat des enquêtes ouvertes sur les perquisitions au siège de la Fédération syndicale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO) et au sous-comité exécutif de la CUT-ATLÁNTICO, avec mise sur table d'écoute et actes de violence, le comité prend note que, conformément aux informations fournies par le gouvernement (voir annexe III), aucune information n'a pu être fournie à ce sujet car les faits n'ont pas été dénoncés auprès des autorités compétentes en vue de l'ouverture d'une enquête. A cet égard, le comité insiste pour que le gouvernement prenne les mesures pertinentes afin d'offrir une protection aux dirigeants syndicaux et syndicalistes de ces organisations et qu'il surveille également le siège de leur syndicat. Le comité demande au gouvernement de l'informer sur les mesures prises à cet effet.

Agressions physiques et répression policière (annexe II)

21. En ce qui concerne la répression policière à l'encontre des travailleurs des entreprises publiques de Cartagena au cours d'une manifestation pacifique, le 29 juin 1995, le comité prend note que conformément aux informations fournies par le gouvernement (voir annexe III), aucune information n'a pu être fournie à ce sujet car les faits n'ont pas été dénoncés auprès des autorités compétentes en vue de l'ouverture d'une enquête. Le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête sur ces allégations et de le tenir informé à cet égard.

22. Quant à la mort de M. Fernando Lombana, affilié à ASOPEMA, provoquée par la répression policière durant une manifestation organisée le 14 août 1995 à Santafé de Bogotá, le comité prend note que, selon les informations fournies par le gouvernement (voir annexe III), l'agent Luis Aduardo Sanabria Cruz, accusé d'avoir commis cet homicide, a été acquitté par le trente-quatrième tribunal militaire de la police métropolitaine, sentence qui est actuellement examinée par le Tribunal militaire supérieur. A cet égard, le comité demande au gouvernement de l'informer dès que possible de la décision prise par le Tribunal militaire supérieur dans ce cas, et qu'il envoie sans retard ses observations sur les allégations relatives aux trois syndicalistes gravement blessés et aux divers autres détenus qui ont participé à cette manifestation.

23. Pour ce qui est des cinq syndicalistes pris à parti et blessés par la force publique, le comité prend note des informations du gouvernement (voir annexe III), selon lesquelles des procédures pénales sont en cours devant les tribunaux pénaux militaires de la Direction générale de la police nationale pour ce qui est uniquement de MM. Héctor Ernesto Moreno Castillo et Edgar Méndez Cuéllar. A cet égard, le comité demande au gouvernement de l'informer dès que possible du résultat de ces procédures et de lui transmettre des informations relatives aux agressions perpétrées contre les syndicalistes, MM.CésarCastaño, Luis Alejandro Cruz Bernal et Martha Janeth Leguizamon; selon le gouvernement, ces faits n'auraient pas été dénoncés aux autorités.

Tentatives d'homicides (annexe II)

24. Quant aux cas des syndicalistes, MM. Edgar Riao, Darío Lotero, Luis Hernández et Monerge Sánchez, le comité prend note que, conformément aux informations fournies par le gouvernement (voir annexe III), le 3 mars 1993 il a été décidé de classer l'enquête disciplinaire. A cet égard, le comité demande au gouvernement de l'informer du motif d'une telle décision. En ce qui concerne les cas de MM. Gilberto Correo et César Blanco Moreno, le comité prend note que des enquêtes sont actuellement en cours, et prie le gouvernement de l'informer dès que possible des résultats desdites enquêtes.

Autres allégations relatives à des assassinats, agressions physiques,
menaces de mort et détentions de dirigeants syndicaux
et de syndicalistes à la suite de la grève nationale
du 7octobre1998 (annexe IV)

25. En ce qui concerne les autres allégations relatives à des assassinats, agressions physiques, menaces de mort et détentions de dirigeants syndicaux et de syndicalistes commis après le début de la grève nationale des travailleurs de l'Etat, le 7 octobre 1998, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement sur les circonstances dans lesquelles les faits sont survenus. Au sujet des six cas d'assassinats (voir l'annexe IV), les enquêtes effectuées par le bureau du Procureur général de la nation ont permis d'obtenir les informations suivantes:

26. Le comité regrette profondément de devoir constater qu'en dépit de l'extrême gravité des faits les enquêtes effectuées n'ont pas permis, à l'exception des deux mandats d'arrêt qui ont été délivrés, d'identifier les coupables, ni de les poursuivre et de les punir dans les six cas d'assassinats mentionnés au paragraphe précédent. Le comité demande par conséquent au gouvernement de l'informer dès que possible des résultats concrets obtenus à cet égard.

27. Quant aux allégations relatives à six cas (quelques-uns concernant diverses personnes) d'agressions physiques et blessures (voir annexe IV), le comité prend note que le gouvernement indique qu'aucune information n'a pu être obtenue au sujet de ces allégations, car les faits n'ont pas été dénoncés auprès des organismes de sécurité ou les instances compétentes. A ce sujet, le comité regrette profondément de constater qu'en dépit des agressions physiques et blessures graves mentionnées dans les allégations le gouvernement n'ait pu éclaircir aucun de ces faits regrettables et sanctionner les coupables. Le comité rappelle que «lorsque se sont produites des atteintes à l'intégrité physique ou morale, le comité a considéré qu'une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 53.] Le comité demande au gouvernement d'effectuer une enquête sur les faits allégués et de l'informer à cet égard.

28. En ce qui concerne les trois cas de détentions (voir annexe IV), le comité prend note que le gouvernement indique que M. Orlando Riveros et MmeSandra Parra Montenegro ont été détenus le 16 octobre 1998 pour les délits de dommage à bien d'autrui et d'émeute, et mis à la disposition de l'Unité de réaction immédiate de Ciudad Bolívar. Mme Parra Montenegro a été relaxée le même jour et M.Orlando Riveros a été remis en liberté le lendemain (le 17 octobre 1998). Pour ce qui est M. José Ignacio Reyes, son nom ne figure pas sur la liste des personnes détenues; le comité demande au gouvernement de confirmer qu'il est bien en liberté.

29. Au sujet des menaces de mort reçues par tous les dirigeants syndicaux du «Commando national unitaire» (réunissant la CUT, la CGTD et la CTC), le comité prend note que le gouvernement indique qu'une protection de police est offerte aux membres de ce groupe qui sont exposés à des risques majeurs et qui ont demandé à bénéficier de ce service. Le gouvernement précise que le programme de protection des personnes exposées à de grands risques mis en œuvre par le ministère de l'Intérieur a permis de protéger un nombre considérable de dirigeants syndicaux et de leur offrir des services tels que véhicule, escortes, gilets pare-balles et voyages aériens (pour leurs escortes quand elles doivent se déplacer en dehors de la ville). Certains dirigeants syndicaux ont exigé que les escortes ne soient pas constituées par des membres des organismes de la sécurité de l'Etat, préférant des personnes de leur propre choix. A ce sujet, le comité demande au gouvernement de continuer à prendre des mesures de protection en faveur de tous les dirigeants syndicaux et syndicalistes exposés à des risques, de poursuivre les enquêtes afin d'identifier et de punir les auteurs de ces menaces et de l'informer sur les mesures prises à cet égard.

Allégations relatives aux restrictions du droit à la grève

30. Quant à la grève nationale des travailleurs de l'Etat, qui a commencé le 7 octobre 1998, le comité prend note des observations du gouvernement, notamment des informations selon lesquelles les centrales syndicales et un grand nombre d'organisations syndicales de l'Etat ont appelé à une grève nationale, sous une forme indéfinie, des travailleurs au service de l'Etat; cette grève, qui a commencé le 7 octobre 1998, avait un caractère nettement politique non seulement pour les raisons alléguées, à savoir: «protester contre la politique économique et sociale du gouvernement», mais également, parce que les normes prévues par le Code du travail en matière de grève quand il s'agit de services publics essentiels ont été violées. Le gouvernement signale qu'il ne s'agissait pas d'un mouvement pacifique car dans certains cas des travailleurs ont été obligés, par la force, de cesser de travailler en raison de l'occupation des locaux par des piquets de travailleurs qui, sous la direction de leurs dirigeants syndicaux, ont refusé l'accès à d'autres travailleurs qui voulaient accomplir leur devoir, parfois en les agressant, et en empêchant également les usagers d'accéder aux services. Ce qui précède a causé l'intervention de l'Etat, par l'intermédiaire de la force publique, pour rétablir l'ordre et protéger les citoyens et pour préserver le droit au travail de ceux qui voulaient travailler.

31. Au sujet de l'affirmation du gouvernement qu'il s'agissait d'une grève nettement politique, car elle a été organisée pour protester contre les politiques économique et sociale du gouvernement, le comité rappelle le principe selon lequel «bien que les grèves de nature purement politique n'entrent pas dans le champ d'application des principes de la liberté syndicale, les syndicats devraient avoir la possibilité de recourir aux grèves de protestation, notamment en vue de critiquer la politique économique et sociale du gouvernement». Le comité a signalé que «les intérêts professionnels et économiques que les travailleurs défendent par le droit de grève se rapportent non seulement à l'obtention de meilleures conditions de travail ou aux revendications collectives d'ordre professionnel, mais englobent également la recherche de solutions aux questions de politique économique et sociale et aux problèmes qui se posent à l'entreprise, et qui intéressent directement les travailleurs». [Voir Recueil, op.cit., paragr.482 et 479.]

32. Quant à l'affirmation du gouvernement que les dispositions du Code du travail en matière de grève quand il s'agit de services publics essentiels n'ont pas été respectées durant la grève, le comité relève que la commission d'experts critique depuis de nombreuses années les dispositions légales qui interdisent la grève non seulement dans les services essentiels dans le sens strict du terme, mais également dans un éventail beaucoup plus large de services qui ne sont pas forcément essentiels (nouvel article450, 1, a), et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967). Le comité observe également que la commission d'experts critique l'article 417, alinéa 1, du Code du travail, qui ne permet pas aux fédérations et confédérations de déclarer la grève. A cet égard, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs et leurs organisations de services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme (c'est-à-dire, les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne) [voir Recueil, op.cit., paragr. 542], ainsi que les fédérations et confédérations, puissent jouir du droit de grève.

33. Au sujet de l'information du gouvernement selon laquelle dans certains cas des travailleurs ont été obligés, par la force, d'arrêter de travailler en raison de l'occupation des locaux par des piquets de travailleurs qui ont refusé l'accès à d'autres travailleurs qui voulaient accomplir leur devoir, parfois en les agressant, le comité regrette ces faits et rappelle que «le seul fait de participer à un piquet de grève et d'inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s'accompagne de violences ou d'entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, actes qui, dans beaucoup de pays, sont punis par la loi pénale». [Voir Recueil, op.cit., paragr.586.]

Allégations relatives à la militarisation d'entreprises

34. Quant aux allégations relatives à une militarisation présumée de certaines des installations d'entités de l'Etat, le comité prend note des commentaires du gouvernement selon lesquels l'intervention de la police nationale dans les locaux de TELECOM, d'ECOPETROL, de la Caisse agricole, de l'Institut de la sécurité sociale et de divers centres de santé a été conforme aux dispositions légales et réglementaires, sans qu'il y ait eu d'excès face à l'ampleur du mouvement, et qu'il n'y a pas eu d'interventions de militaires.

Allégations relatives à la violation du droit à la négociation collective
et aux actes de discrimination antisyndicale

35. Au sujet du résultat du recours interjeté par la Banque andine contre la résolution administrative prévoyant qu'une amende lui serait infligée puisqu'elle avait violé des clauses de conventions collectives, le comité prend note que le gouvernement l'informe que, par les résolutions du 23 septembre et du 2 décembre 1994, la sanction contre la Banque andine pour la violation précitée a été confirmée.

36. En ce qui concerne les enquêtes sur les allégations d'actes antisyndicaux commis par les dirigeants des banques Andine, Citibank et Sudameris, le comité prend note du fait que ces enquêtes ne sont pas terminées. Quant à la banque Anglo Colombiano, le comité prend note que le gouvernement l'informe que l'enquête ouverte au sujet de la plainte déposée a été classée pour manque d'intérêt juridique, les parties n'ayant pas satisfait, à plusieurs reprises, aux démarches prévues pour faire la lumière sur les violations présumées. Nonobstant ce qui précède, la Direction technique du travail a ordonné la réouverture de l'enquête. A cet égard, en tenant compte du temps qui s'est écoulé depuis l'ouverture des enquêtes sur les allégations concernant des actes antisyndicaux commis par les dirigeants de diverses banques et de l'absence de résultats concrets, le comité demande au gouvernement de faire la lumière sur de tels faits; si la véracité des allégations formulées se précise, le comité le prie de prendre des mesures pour sanctionner les responsables de ces faits et pour éviter que de tels actes ne se reproduisent à l'avenir.

37. Pour ce qui est des allégations relatives à divers actes de discrimination syndicale contre des dirigeants syndicaux, des syndicalistes et des affiliés de l'Association syndicale des fonctionnaires du ministère de la Défense, des Forces armées et de la Police nationale et entités connexes (ASODEFENSA), le comité prend note que le gouvernement l'informe, premièrement, que par la résolution no00371 du ministère du Travail et de la Sécurité sociale datée du 3 mars 1998, «ASODEFENSA» a été inscrite au registre syndical et qu'elle jouit de la personnalité juridique. En outre, afin de faire la lumière sur les faits dénoncés, le ministère de la Défense a procédé à une enquête au terme de laquelle il a adressé une circulaire no 9571 à toutes les unités de cette institution. Dans cette circulaire, il rappelle aux fonctionnaires en uniforme et aux fonctionnaires civils qu'ils ont pour obligation de respecter le droit syndical et leur donne l'ordre de s'abstenir de prendre des décisions qui entravent les activités syndicales. Cette circulaire déclare également que les organisations syndicales ont le droit de se réunir dans les locaux officiels et que la libre circulation des communications du syndicat entre les organismes du ministère de la Défense, des Forces armées et de la Police nationale est autorisée. Enfin, le gouvernement signale que le syndicat a rejeté cette circulaire en faisant valoir qu'elle ne répondait pas aux conditions convenues au cours de la réunion de concertation et que les responsables du ministère de la Défense ont établi des contacts avec le syndicat pour élucider les doutes et arriver à un accord. A cet égard, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces démarches et exprime l'espoir que toutes les questions en litige pourront être réglées.

38. Au sujet de la demande du comité d'être informé des résultats des procédures judiciaires en cours relatives aux licenciements de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans les entreprises ALFAGRES S.A., TEXTILIA Ltd., ainsi qu'au ministère des Finances, le comité prend note que le gouvernement lui signale que l'entreprise ALFAGRES S.A. l'a assuré qu'elle n'a fait l'objet d'aucune procédure judiciaire pour actes antisyndicaux parce qu'il n'y a jamais eu d'actes antisyndicaux, et que, comme on peut le constater dans ses dossiers, les départs de personnes de l'entreprise sont intervenus par renonciation volontaire, pour de justes motifs ou par résiliation d'un commun accord. Quant au dirigeant licencié au ministère des Finances, le comité prend note avec intérêt que, selon les informations du gouvernement, le Conseil d'Etat a décidé, par la sentence du 2 mai 1996, que M. Ramón Vicente Ebratt Solano devait être réintégré dans son poste de travail et que les salaires et autres prestations non perçues depuis la date de son licenciement pour des motifs antisyndicaux devaient lui être payés. En ce qui concerne les procédures judiciaires en cours relatives aux licenciements de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'entreprises TEXTILIA Ltd., le comité observe avec intérêt que le cinquième tribunal du travail a ordonné la réintégration du dirigeant syndical Isidoro Tellez qui, à ce jour, travaillait dans l'entreprise; toutefois, le comité note que, dans trois cas, le tribunal compétent ne s'est pas encore prononcé. A cet égard, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat final de ces procédures.

Nouvelles allégations d'actes de violence

39. Enfin, au sujet des nouvelles allégations et informations complémentaires de la CISL et de la CLAT relatives à des assassinats, tentatives d'homicide et menaces de mort contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, le comité regrette, une fois de plus, de devoir constater que la violence antisyndicale n'a pas diminué mais qu'au contraire, s'il faut en croire les allégations présentées au cours des derniers quatre mois (novembre 1998 - février 1999), elle perdure. De même, le comité déclare à nouveau qu'on ne peut être que frappé par la violence existant à l'encontre de personnes qui ont la qualité de dirigeants syndicaux ou qui sont l'objet d'actes attentant à leur intégrité physique et à leur liberté personnelle uniquement parce qu'elles exercent une activité syndicale. [Voir 311e rapport, paragr. 282.] Le comité déplore profondément les assassinats de MM. Oscar Artunduaga Nuñez, du Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI), Jesús Orlando Arévalo, secrétaire pour la santé du Syndicat des travailleurs des entreprises de services publics d'Aurauca (SINTRAEMPSERPA), Moisés Caicedo Estrada, dirigeant syndical de SINTRE PORCE II, MmeGladys Pulido Monroy (syndicaliste de Tutasá, sentier la Capilla, Boyacá) et M.Oscar David Blandón González (conseiller du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Bello), ainsi que les attentats et blessures graves dont ont été victimes MM.Tarciso Mora, président de la Fédération colombienne des éducateurs (FECODE) et Osvaldo Rojas Arévalo, président du Syndicat des travailleurs du département de Cali. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer sans retard ses observations sur la totalité de ces allégations.

40. Au sujet des nouvelles allégations se référant à des menaces de mort contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, le comité prend note que le gouvernement l'informe qu'il a pris des dispositions pour offrir une protection aux dirigeants syndicaux Héctor Fajardo Abril, secrétaire général de la CUT, Tarcicio Mora, président de FECODE, Gabriel Alvis, vice-président de l'USO, Jesús Bernal, président du Syndicat national des travailleurs de la Caisse agricole. Par ailleurs, le gouvernement l'informe qu'une réunion a eu lieu le 8 septembre 1998, dans les locaux de l'Union nationale des employés de banque (UNEB), entre des membres du personnel de la police métropolitaine de Santafé de Bogotá et les responsables de ladite organisation (MM. Olimpo Cárdenas, Ana Cecilia Escorcia, Segundo Mora, Emidgio Triana, Rafael Peña, Alvor Pulido, Miguel González, Raúl Malagon, Mauricio Alvarez, Orlando Romero, Alvaro Quintero, Domingo Tovar et Yuly González Villadiego), afin d'analyser les menaces collectives qui avaient été reçues, d'établir le niveau de risques et de prendre les mesures nécessaires. Quant aux menaces de mort reçues par les dirigeants de SINTRAMCALI (MM. Alexander López, Alexander Barrios, Harold Viafara, Marcel Castagall, William Lozano, Robinson Emilio Masso, César Martínez, Luis Hernández, Ramiro Perlaza et Luis Enrique Imbaqui), le comité prend note que le gouvernement lui signale que la police nationale est en train de prendre des dispositions pour assurer leur protection personnelle et le déploiement de leurs activités syndicales. Le comité demande au gouvernement de continuer à prendre des mesures de protection en faveur de tous les dirigeants syndicaux et syndicalistes exposés à des risques, de poursuivre les enquêtes pour identifier et punir les coupables et de l'informer des mesures prises à cet égard.

Recommandations du comité

41. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:


Annexe I

Allégations au sujet desquelles le comité a demandé
au gouvernement de l'informer
sur les enquêtes et procédures judiciaires en cours

Assassinats

1) Antonio Moreno (le 12août 1995).

2) Manual Ballesta (le 13 août 1995).

3) Francisco Mosquera Córdoba (février 1996).

4) Carlos Arroyo de Arco (février 1996).

5) Francisco Antonio Usuga (le 22 mars 1996).

6) Pedro Luis Bermúdez Jaramillo (le 6 juin 1995).

7) Armando Umanes Petro (le 23mai 1996).

8) William Gustavo Jaimes Torres (le 28août 1995).

9) Ernesto Fernández Pezter.

10) Jaime Eliacer Ojeda.

11) Alfonso Noguera.

12) Alvaro Hoyos Pabón (le 12 décembre 1995).

13) Libardo Antonio Acevedo (le 7 juillet 1996).

14) Néstor Eduardo Galíndez Rodríguez (le 4 mars 1997).

15) Erieleth Barón Daza (le 3 mai 1997).

16) Jhon Fredy Arboleda Aguirre.

17) William Alonso Suárez Gil.

18) Eladio de Jesús Chaverra Rodríguez.

19) Luis Carlos Muñoz (le 7 mars 1997).

20) Nazareno de Jesús Rivera García (le 12 mars 1997).

21) Héctor Gómez (le 22 mars 1997).

22) Gilberto Casas Arboleda.

23) Norberto Casas Arboleda.

24) Alcides de Jesús Palacios Arboleda.

25) Argiro de Jesús Betancur Espinosa (le 11 février 1997).

26) Bernardo Orrego Orrego (le 6 mars 1997).

27) José Isidoro Leyton (le 25 mars 1997).

28) Magaly Peñaranda (le 27juillet 1997).

29) David Quintero Uribe (le 4 août 1997).

30) Eduardo Enrique Ramos Montiel (le 14 juillet 1997).

31) Libardo Cuéllar Navia (le 23 juillet 1997).

32) Wenceslao Varela Torrecilla (le 29 juilllet 1997).

33) Abraham Figueroa Bolaños (le 25 juillet 1997).

34) Edgar Camacho Bolaños (le 25 juillet 1997).

35) Aurelio Arbeláez (le 4 mars 1997).

36) Guillermo Asprilla (le 23 juillet 1997).

37) Félix Avilés Arroyo (le 1er décembre 1997).

38) Juan Camacho Herrera (le 25 avril 1997).

39) Luis Orlando Camaño Galvis (le 20 juillet 1997).

40) Hernando Cuadros (en 1994).

41) Freddy Francisco Fuentes Paternina (le 18 juillet 1997).

42) Néstor Eduardo Galindo (le 6 mars 1997).

43) Víctor Julio Garzón (le 7 mars 1997).

44) Isidro Segundo Gil Gil (le 9 décembre 1996).

45) José Silvio Gómez (le 1er avril 1996).

46) Enoc Mendoza Riasco (le 7 avril 1997).

47) Carlos Arturo Moreno (le 7juin 1995).

48) Luis Orlando Quiceno López (le 16 juillet 1997).

49) Nazareno de Jesús Rivera (le 12 mars 1997).

50) Arnold Enrique Sánchez Maza (le 13 juillet 1997).

51) Camilo Suárez Ariza (le 21 juillet 1997).

52) Mauricio Tapias Llerena (le 21juillet 1997).

53) Atilio José Vásquez (juillet 1997).

54) Luis Abel Villa León (le 21 juillet 1997).

55) Odulfo Zambrano López (le 27 octobre 1997).

56) Alvaro José Taborda Alvarez (le 8 janvier 1997) (mentionné comme disparu dans les allégations).

Disparus

1) Ramón Osorio (le 15 avril 1997).

2) Pedro Acosta Uparela (le 28 décembre 1996).

3) Rodrigo Rodríguez Sierra (le 16 février 1995).

Menacés de mort

1) Jairo Alfonso Gamboa López.

2) Aguirre Restrepo Oscar.

3) Arango Alvaro Alberto.

4) Barrio Castaño Horacio.

5) Cadavid Martha Cecilia.

6) Franco Jorge Humberto.

7) Giraldo Héctor de Jesús.

8) Gutiérrez Jairo Humberto.

9) Jaramillo Carlos Hugo.

10) Jaramillo Galeano José Luis.

11) Ramos Zapata Rangel.

12) Restrepo Luis Norberto.

13) Jorge Sliecer Marín Trujillo.

14) Víctor Ramírez.

Détenus

1) Edgar Riaño.

2) Marcelino Buitrago.

3) Felipe Mendoza.

4) Monarge Sánchez.

5) Guillermo Cárdenas.

6) Rafael Estupiñán.

7) Hernán Vallejo.

8) Luis Rodrigo Carreño.

9) Leonardo Mosquera.

10) Fabio Liévano.

11) César Carrillo.


Annexe II

Allégations en instance ou présentées au cours de 1998
au sujet desquelles le gouvernement n'avait pas encore
communiqué ses observations

Assassinats

1) Manuel Francisco Giraldo, membre du comité exécutif du Syndicat national des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 22 mars 1995.

2) Vingt-trois travailleurs affiliés au Syndicat national des travailleurs de l'industrie agricole SINTRAINAGRO, le 29 août 1995.

3) Vingt-quatre travailleurs de l'exploitaion bananière «Rancho Amelia», affiliés à SINTRAINAGRO, le 20 septembre 1995.

4) Alvaro David, membre du comité des travailleurs de l'exploitation «Los Planes», affilié à SINTRAINAGRO, le 22 mars 1996.

5) Sabas Domingo Zocadegui Paredes, dirigeant syndical, le 3 juin 1997 dans la ville d'Arauca.

6) Eduardo Ramos, dirigeant syndical de l'exploitation «El Chispero» d'Apartadó, Urabá, Antioquia, le 14 juillet 1997.

7) Arley Escobar, président du Syndicat de l'Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC), section de Cali, le 18 juillet 1997.

8) José Giraldo, secrétaire du SINDICONS, assassiné à Medellín le 26 novembre 1997.

9) Elkin Clavijo, dirigeant du Syndicat des travailleurs du projet hydroélectrique PorceII, assassiné dans la municipalité d'Amalfi (Antioquia) le 30 novembre 1997.

10) Alfonso Niño, dirigeant du Syndicat des travailleurs du projet hydroélectrique PorceII, assassiné dans la municipalité d'Amalfi (Antioquia) le 30 novembre 1997.

11) Luis Emilio Puerta, dirigeant du Syndicat des travailleurs du projet hydroélectrique Porce II, assassiné à Medellín le 22 décembre 1997.

12) José Vicente Rincón, affilié au Syndicat des travailleurs de la production de fertilisants de Colombie (SINTRAFERCOL), assassiné dans la municipalité de Barrancabermeja le 7 janvier 1998.

13) Arcángel Rubio Ramírez Giraldo, affilié au Syndicat des travailleurs de TELECOM, assassiné dans la municipalité de Venecia (Cundinamarca) le 8 janvier1998.

14) Fabio Humberto Burbano Córdova, président de l'Association syndicale des salariés de l'Institut national pénitentiaire et carcéral, section de Cali, assassiné à Santander de Quilchao (Cauca) le 12 janvier 1998.

15) Osfanol Torres Cárdenas, affilié au Syndicat des travailleurs des entreprises publiques de Medellín, assassiné à Medellín le 31 janvier 1998.

16) Fernando Triana, membre du sous-comité exécutif de la Fédération nationale des travailleurs au service de l'Etat, section de Medellín, assassiné à Medellín le 31janvier 1998.

17) Francisco Hurtado Cabezas, membre de la Fédération syndicale des travailleurs agricoles de Colombie (FESTRACOL), assassiné dans le village de Tumaco, Département de Nariño, le 12 février 1998.

18) Jorge Boada Palencia, dirigeant de l'Association de l'Institut national pénitentiaire (ASOINPE), assassiné le 18 avril 1998 à Bogotá.

19) José Eduardo Umaña Mendoza, avocat de la défense des dirigeants syndicaux et syndicalistes de l'Union syndicale ouvrière (USO), assassiné à Bogotá le 18 avril 1998.

20) Jorge Duarte Chávez, affilié à l'Union syndicale ouvrière (USO), assassiné à Barrancabermeja le 9 mai 1998.

21) Carlos Rodríguez Márquez, affilié à l'Union syndicale ouvrière (USO), assassiné à Barranquilla le 10 mai 1998.

22) Misael Díaz Urzola, membre du comité exécutif de la Fédéeration nationale des professeurs d'université, assassiné à Montería le 26 mai 1998.

Disparitions

1) Jairo Navarro, syndicaliste (le 6 juin 1995).

2) José Ricardo Sáenz, membre de la Fédération des éducateurs de Colombie (le 24juillet 1996).

3) Misael Pinzón Granados, syndicaliste (le 12 juillet 1997).

4) Emiliano Jiménez, affilié à l'Union syndicale ouvrière de l'industrie du pétrole (USO) (le 27 octobre 1997).

5) Amadeo Jalave Díaz, affilié à l'USO (le 27 octobre 1997).

6) Jhoni Cusillo, dirigeant syndical d'ECOPETROL (le 27 octobre 1997).

7) Ulpiano Carvajal, dirigeant syndical d'ECOPETROL (le 27 octobre 1997).

8) Rami Vaca, dirigeant syndical d'ECOPETROL (le 27 octobre 1997).

9) Alexander Cardona, membre du comité régional de l'Union syndicale ouvrière (USO) (le 14 juillet 1998).

10) Mario Jiménez, membre du sous-comité exécutif de Casobe (le 27 juillet 1998).

Détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes

1) Luis David Rodríguez Pérez, ancien dirigeant du Syndicat national des travailleurs d'Incora-SINTRADIN.

2) Elder Fernández et Gustavo Minorta, syndicalistes d'ECOPETROL, en décembre 1996.

3) Gustavo Minorta, syndicaliste d'ECOPETROL, en décembre 1996.

Perquisition au siège syndical, mise sur table
d'écoute, surveillance de syndicalistes

1) Perquisition au siège de la Fédération syndicale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO), mise sur table d'écoute du siège syndical et de ses adhérents et surveillance par des personnes armées du président de la fédération, M. Luis Carlos Acero.

2) Le 6 février 1998, à 12 h 45, 15 individus portant des armes, dont l'usage est exclusivement réservé aux forces armées, sont arrivés au siège de la sous-direction de CUT-Atlántico, qui se trouve dans le centre de Baranquilla, ont pénétré de force dans les bureaux et ont menacé d'un révolver Mme Lydis Jaraba, membre du comité directeur national actuel et du comité exécutif de la sous-direction CUT-Atlántico. Ces individus, qui ne portaient aucune marque d'identification et qui n'étaient en possession d'aucun ordre de perquisition, ont fouillé tous les bureaux avant de quitter les lieux.

Agressions physiques et répression policière

1) Répression policière à l'encontre des travailleurs des entreprises publiques de Cartagena au cours d'une manifestation pacifique, le 29 juin 1995.

2) Répression policière à l'encontre des travailleurs des compagnies de l'eau et des téléphones et d'agriculteurs syndiqués de Tolima qui participaient à une manifestation le 14 août 1995. A l'issue de cette répression, une personne, M. Fernando Lombana (ASOPEMA), a trouvé la mort; trois autres personnes ont été gravement blessées et plusieurs (des syndicalistes membres des organisations ayant participé à la manifestation) ont été arrêtées.

3) Héctor Moreno, Edgar Méndez, César Castaño, Luis Cruz et Janeth Leguizamon, syndicalistes, qui participaient à une journée d'information organisée par l'Association nationale des transitaires (ANDAT) le 6 janvier 1997, ont été pris à partie et blessés par la force publique.

Tentatives d'homicides

1) Les syndicalistes Edgar Riaño, Darío Lotero, Luis Hernández et Monerge Sánchez.

2) Gilberto Correño, dirigeant de l'Union syndicale ouvrière (USO), le 7décembre1996.

3) César Blanco Moreno, président du sous-comité exécutif de l'Union syndicale ouvrière (USO), le 11 mai 1998.

Menaces de mort

1) Bertina Calderón (vice-présidente de la CUT).

2) Daniel Rico (président de la Fédération des travaillleurs de l'industrie pétrolière -FEDEPETROL).

3) Les membres du conseil exécutif de la Fédération syndicale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO).

4) Francisco Ramírez Cuéllar (président du Syndicat des travailleurs de l'entreprise Mineralco SA).

5) Pedro Barón, président de la section de Tolima de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), menaces proférées par certains membres des forces de sécurité depuis qu'il a participé à une grève de protestation le 19 juillet 1995.

6) Les membres du comité exécutif du Syndicat des travailleurs de Titán SA, de la muncipalité de Yumbo, ont été menacés de mort par un groupe paramilitaire dénommé «Colombia sin guerrilla» (COLSINGUE) le 26 octobre 1995 et le 17 mai 1996.

7) Les membres du comité exécutif de l'Association des travailleurs des industries agricole et minière du Sur de Bolívar (Justo Pastor Quiroz, secrétaire, Roque León Salgado, trésorier, et Bersaly Hurtado, conseillère juridique).

8) Des membres du comité exécutif national de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), MM. Luis Eduardo Garzón, président; Jesús Antonio González Luna, directeur du Département des droits de l'homme; et Domingo Rafael Tovar Arrieta, directeur de l'organisation.

9) MM. Oscar Arturo Orozco, Hernán de Jesús Ortiz, Wilson García Quiceno, Henry Ocampo, Sergio Díaz et Fernando Cardona.

10) Jairo Antonio Cardona Mejía, président du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Cartago. Les autres dirigeants menacés sont: Albeiro Forero, Gilberto Tovar, Hernando Montoya, Marino Moreno et Gilberto Nieto Patiño, conseiller municipal.

11) Le 27 mars 1998, Mme María Clara Vaquero Sarmiento, présidente de l'Association syndicale des fonctionnaires du ministère de la Défense, des Forces armées, de la Police nationale et entités connexes.


Annexe III

Informations reçues du gouvernement sur les allégations

A)Assassinats

I. Cas pour lesquels les coupables ont été identifiés,
traduits en justice et condamnés

II. Cas pour lesquels la plus grande partie de l'information est disponible
mais pour lesquels les coupables n'ont pas été identifiés
et traduits en justice

III. Cas pour lesquels l'enquête a été réalisée par le procureur concerné
et qui se trouvent à un stade préliminaire, sans que les coupables
n'aient été identifiées et traduits en justice

IV. Cas dans lesquels le ministère public a ordonné que l'enquête soit suspendue

V. Cas pour lesquels on ne sait pas si une enquête est en cours

VI. Cas dans lesquels les individus n'ont pas été assassinés pour motifs syndicaux et n'étaient pas des syndicalistes

B) Disparus

I. Cas où on a libéré les personnes séquestrées (6):

Pedro Fernando Acosta Uparela, affilié à ADES (FECODE), a été kidnappé avec son filleul Hugo Hernán le 28 décembre 1996 dans la finca Las Malvinas, municipalité de Galeras. Selon une information obtenue de la DAS, on a pu établir qu'ils ont été kidnappés par un groupe d'hommes armés qui, par la suite, se sont identifiés comme appartenant à l'ELN. Le 25 janvier 1997, M. Acosta Uparela a été laissé en liberté et, quatre mois plus tard, en mai 1997, le filleul a été libéré. Actuellement, M. Acosta Uparela réside avec sa famille dans la municipalité de Galeras.

II. Cas où l'enquête se trouve devant le procureur
dans l'étape préliminaire

III. Cas où on ne sait pas si une enquête a été faite
pour vérifier et inculper les coupables

C) Menaces de mort

I. Cas où des protections policières sont accordées
aux personnes menacées

II. En ce qui concerne sept cas de menaces qui sont mentionnées,
le Procureur général de la nation a informé de ce qui suit

D) Détention de dirigeants syndicaux et de syndicalistes

Les personnes mentionnées par la suite sont accusées de rébellion,
terrorisme et association pour délits

Les personnes suivantes ont fait l'objet de procès de nature pénale intentés par le Procureur général de la nation où on respecte les garanties des procédures, le droit de la défense et les lois pénales en général:

Dans les trois cas suivants, l'enquête continue:

E) Perquisition à des sièges syndicaux, contrôle téléphonique,
surveillance de syndicalistes

F) Agressions physiques et répression policière

G) Tentatives d'homicide


Annexe IV

Allégations relatives à des assassinats, agressions physiques,
menaces de mort et détentions de dirigeants syndicaux
et de syndicalistes commis à la suite de la grève nationale
des travailleurs de l'Etat, qui a commencé le 7 octobre 1998

Assassinats: 1) Mme Orfa Ligia Mejía, syndicaliste, le 7 octobre 1998 dans la municipalité d'Ipiales dans le département de Nariño; 2) M. Marcos Pérez Gonzáles, affilié au Syndicat de l'électricité de Colombie (SINTRELECOL), le 10 octobre 1998; M. Jorge Ortega García, vice-président de la CUT, le 20 octobre 1998 (M. Ortega García avait présenté quelques heures avant son assassinat de nouvelles allégations en relation avec cette plainte); 4) Mme Hortensia Alfaro Banderas, vice-présidente de SIDESC, le 24 octobre 1998 dans la municipalité de Manure du département de Cesar; 5) M. Macario Barrera Villota, affilié à l'Association des instituteurs de Huila, le 25 octobre 1998 à Neiva dans le département de Huila; 6) M. Jairo Cruz, président du Syndicat des travailleurs de Proaceites, le 26octobre 1998 dans la municipalité de San Alberto, dans le département de Cesar;

Agressions physique et blessures: 1) le 15 octobre 1998 à Barrancabermeja, à l'encontre de M. Virgilio Ochoa, syndicaliste de SINTRACUAEMPONAL; 2) le 15 octobre 1998 à Barrancabermeja, M. Ugeniano Sánchez, syndicaliste de SINTRACUAEMPONAL, a reçu quatre impacts de balles dans la tête; 3) le 16 octobre 1998, à l'encontre de M. Benito Rueda Villamizar, président de SINTRUACUAEMPONAL; 4) MM. Mario Vergara et Heberto López, dirigeants syndicaux de SINTELECOM, furent brutalement frappés à coups de pieds par la force publique; 5) le 13 octobre 1998, la police a violemment frappé les travailleurs de SINTELECOM blessant plusieurs d'entre eux; 6) le 20 octobre 1998, dans la ville de Bogotá, dans la rue no 7 entre les rues nos 24 et 27, la police anti-émeute a attaqué des travailleurs qui commençaient une manifestation pacifique en direction de la place Bolívar et, le 22 octobre 1998, la police a agressé des manifestants qui arrivaient sur la place Bolívar en provenance du pays tout entier;

Détentions: 1) le 9 octobre 1998, M. José Ignacio Reyes, syndicaliste de SINTELECOM; 2) le 16 octobre 1998, dans le quartier de San Francisco de Ciudad Bolívar, Orlando Rivero et Sandra Parra;

Menaces de mort: 1) le conjoint des dirigeants syndicaux de la Coordination nationale unitaire (qui regroupe la CUT, la CGTD et la CTC). Enfin, toutes les installations de TELECOM, ECOPETROL, la Caisse agricole, l'Institut de sécurité sociale (ISS), d'autres centres de santé et d'autres institutions ont été investis par les militaires.


Cas nos 1948 et 1955

Rapport intérimaire

Plaintes contre le gouvernement de la Colombie
présentées par
- la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) et
- le Syndicat des travailleurs de l'entreprise de télécommunications
de Santafé de Bogotá (SINTRATELEFONOS)

Allégations: grève déclarée illégale,
actes de discrimination antisyndicale
et imposition d'un arbitrage obligatoire

42. La plainte qui fait l'objet du cas no1948 a été présentée par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) dans une communication du 9décembre 1997. La CUT a adressé un complément d'information dans une communication du 8janvier 1998.

43. La plainte qui fait l'objet du cas no1955 a été présentée par le Syndicat des travailleurs de l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (SINTRATELEFONOS) dans une communication du 2mars 1998.

44. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 7octobre 1998 et 15janvier 1999.

45. La Colombie a ratifié la convention (no87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

46. Dans leurs communications datées des 9décembre 1997 et 2mars 1998, respectivement, la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) et le Syndicat des travailleurs de l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (SINTRATELEFONOS) indiquent que l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (ETB), à la suite d'une privatisation entamée en 1995, s'est entièrement transformée en société par actions en novembre 1997 et que, depuis le début de 1998, elle est en vente. Les plaignants indiquent qu'ils se sont toujours opposés, par tous les moyens de droit, à la privatisation et à la vente de ETB, étant donné que les travailleurs de cette entreprise souhaitent le maintien de leur statut de «travailleurs officiels» ainsi que de la fonction sociale de l'Etat dans les secteurs des télécommunications.

47. Les plaignants indiquent que, alors que SINTRATELEFONOS avait présenté le 24octobre 1997 un cahier de revendications en vue de négocier une convention collective, il a été procédé le 4novembre au licenciement de 20travailleurs syndiqués et de trois dirigeants syndicaux jouissant de l'immunité syndicale dont deux avaient participé aux négociations. Ces faits se sont produits après que le ministère du Travail eut déclaré illégales, en vertu des décisions nos002286 et002287 du 9octobre 1997, des cessations d'activités des 27mai, 30mai, 5et 6juin 1997, bien que l'entreprise n'ait pas présenté à l'inspecteur du travail la liste des travailleurs qu'elle envisageait de licencier, s'il était démontré qu'ils avaient participé aux cessations d'activités susmentionnées ou qu'ils les avaient dirigées ou encouragées, comme le prévoient la résolution no1064 de 1959 et le décret réglementaire no2164 de 1959 émanant du ministère du Travail.

48. Les plaignants ajoutent que, en procédant à ces licenciements, l'administration du district et l'administration de l'entreprise se sont efforcées d'empêcher la constitution de la commission chargée de négocier le cahier des revendications. Le fait que, contrairement à l'usage, une fonctionnaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ait été invitée le jour où la commission devait se réunir démontre que l'intention du gouvernement était que cette fonctionnaire constate l'absence des membres de la commission de négociation de l'organisation syndicale. Ainsi, ont participé à la réunion de négociation des personnes de l'extérieur qui ne connaissaient ni l'entreprise ni les difficultés réelles des travailleurs, dans le seul but de retarder les négociations et d'empêcher la conclusion d'accords concrets, comme il ressort du procès-verbal de la réunion qui rend compte de la fin de la procédure de règlement direct des négociations; de plus, il a été demandé au ministère du Travail de saisir le tribunal d'arbitrage. L'arbitre, que l'administration de l'entreprise a désigné pour siéger au tribunal d'arbitrage et que le ministère a convoqué, ne s'est pas présenté pour choisir, avec l'arbitre désigné par le syndicat, le troisième membre du tribunal d'arbitrage, ce qui a également ralenti le processus de négociation collective. Par ailleurs, le gouvernement a tenté de faire reconnaître à la commission de négociation des travailleurs une prétendue dénonciation de la convention collective par l'administration, afin de ne pas négocier le cahier de revendications que les travailleurs avaient présenté le 24octobre 1997. Dans le même temps, l'administration a allongé le délai dont disposaient les travailleurs qui ne s'étaient pas inscrits au Plan anticipé de pensions qui vise les ouvriers et les techniciens pour qu'ils puissent le faire, cela pour alimenter l'inquiétude.

49. Les plaignants demandent donc la réintégration des 23personnes licenciées, le paiement des salaires dus et la dérogation des décisions du ministère du Travail frappant d'illégalité les cessations d'activités.

50. Par ailleurs, les plaignants allèguent qu'a été appliquée la procédure de la justice sans visage dans le cadre des mises en accusation et des enquêtes effectuées par des organes de contrôle internes et externes, en particulier par le Bureau de lutte contre la corruption et par l'entreprise de Santafé de Bogotá. Ainsi, quatre enquêtes préliminaires ont visé près de 800travailleurs à propos de fautes qui pourraient être considérées comme extrêmement graves s'il était démontré que ces personnes n'ont pas signé le registre de contrôle des entrées de l'ETB pendant la période où ont eu lieu les discussions en vue de la vente ou de la privatisation de cette entreprise.

51. De plus, l'administration du district et la direction de l'entreprise auraient été indirectement à l'origine de plaintes pénales contre les dirigeants syndicaux Víctor Manuel Bautista Ramírez et Sandra Patricia Cordero Tovar, respectivement secrétaire au bien-être social et secrétaire à l'information, à la presse et à la propagande. Ces deux personnes sont accusées d'actes de violence à l'encontre d'un fonctionnaire (affaire no287 portée devant les services du procureur, dossier no588). Il convient d'ajouter que M.Víctor Manuel Bautista Ramírez fait l'objet d'une suspension sans solde de 90jours. Cette sanction a été appliquée de manière unilatérale en vertu d'une décision de la direction de l'entreprise, sans que l'intéressé n'ait bénéficié des garanties d'une procédure régulière, ni de la présomption d'innocence.

52. En outre, selon les plaignants, ETB poursuit sa politique visant à semer le trouble, l'inquiétude et la confusion. Ainsi, récemment, elle a licencié sans motif fondé MM.Elías Quintana et Carlos Socha, lesquels sont pourtant protégés par l'immunité syndicale puisqu'un conflit collectif est en cours.

53. Par ailleurs, dans ses communications datées des 9décembre 1997 et 8janvier 1998, la CUT allègue que le ministère du Travail, en vertu d'une décision du 26septembre 1997, a ordonné la cessation d'une grève de 300travailleurs de l'entreprise Comesa Indistria Metalmecánica (COMESA S.A.) et a convoqué un tribunal d'arbitrage. Le Syndicat des travailleurs de COMESA (SINTRACOMESA) a fait appel de cette décision. Il ne s'agissait pas d'une décision définitive et elle ne pouvait pas être appliquée. Or elle l'a été. Selon le plaignant, la grève a duré 69jours mais ni l'entreprise ni le ministère du Travail n'ont tenté une conciliation. La CUT souligne qu'il appartient aux travailleurs de décider librement s'ils souhaitent continuer de faire grève ou recourir au tribunal du travail. Le plaignant a donc demandé l'annulation de la décision en vertu de laquelle le ministère du Travail a imposé un arbitrage.

54. Enfin, la CUT fait état du licenciement de 28travailleurs affiliés au syndicat SINTRAELECOL; 14étaient occupés dans l'entreprise d'énergie de Cundinamarca, 13dans l'entreprise EPSA de Cali et 1dans l'entreprise d'énergie de Bogotá.

B. Réponse du gouvernement

55. Dans sa communication datée du 7octobre 1998, le gouvernement déclare à propos du conflit collectif dans l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (ETB) que l'article25 du décret no2351 de 1965 et l'article1er du décret réglementaire no1373 de 1966, qui portent sur les licenciements en période de conflit, établissent ce qui suit: «Les travailleurs ayant présenté un cahier de revendications à leur employeur ne pourront être congédiés sans motif valable, dûment prouvé, après la date de la soumission dudit cahier et pendant la période que la loi prévoit pour le déroulement de la procédure de règlement direct.» Il ressort de cette disposition qu'il n'appartient pas au ministère du Travail et de la Sécurité sociale mais aux employeurs de décider, en temps utile, d'embaucher ou de licencier. Pour les licenciements qui seraient considérés comme contraires à la disposition susmentionnée, les travailleurs concernés peuvent porter l'affaire devant le tribunal du travail.

56. Le gouvernement ajoute que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale peut, conformément à la loi, déclarer illégale la cessation d'activités. En effet, l'article451 du Code du travail indique que le ministère du Travail peut, par voie administrative, déclarer illégale une suspension d'activités ou un arrêt collectif du travail. Les décisions nos002286 et 002287 de 1997, en vertu desquelles le ministère a déclaré illégales les cessations d'activités dans l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (ETB), ne sont pas contraires à la loi puisque celle-ci ne prévoit pas une procédure particulière dans ce cas. Pour qu'il soit donné suite, par voie administrative, à une demande de déclaration d'illégalité, il suffit de constater que la cessation d'activités a eu lieu; la présence des parties au conflit n'est pas nécessaire au moment d'établir la déclaration d'illégalité de la cessation d'activités. Le ministère n'a donc pas violé l'article29 de la Constitution.

57. A ce sujet, un arrêt de la Chambre du contentieux administratif du Conseil d'Etat du 19 juin 1997 a établi ce qui suit:

58. A propos du caractère prétendu tardif de la déclaration susmentionnée, c'est-à-dire le fait que l'illégalité des cessations d'activités a été déclarée plusieurs mois après que celles-ci eurent lieu, les articles450 et451 du Code du travail ne fixent pas de délai au ministère du Travail pour qu'il déclare illégal ou non un arrêt collectif du travail. Le ministère a donc agi conformément à la loi en prenant les décisions nos002286 et002287 du 9octobre 1997.

59. La circulaire no 019 de 1991 indique aux inspecteurs du travail et de la sécurité sociale la manière dont ils doivent établir les procès-verbaux constatant les cessations d'activités. C'était également le cas des circulaires précédentes qui portaient sur cette question et que les fonctionnaires appliquent. Faute de quoi, le ministère ne serait pas en mesure de déclarer illégales les cessations d'activités. Toutefois, on sait que, parfois, les organisations syndicales ne participent pas à la procédure de constatation, soit parce qu'elles s'en désintéressent, soit parce que leurs représentants sont absents au moment de cette procédure. Néanmoins, instruction est donnée pour faire toujours intervenir les organisations des travailleurs dans ces procédures.

60. Dans sa communication du 15 janvier 1998 à propos des licenciements qui auraient eu lieu dans l'entreprise de télécommunications de Bogotá (23 travailleurs, dont 3 appartenaient au comité directeur de SINTRATELEFONOS), dans l'entreprise d'énergie de Cundinamarca (14 personnes), dans l'entreprise EPSA de Cali (13 personnes) et dans l'entreprise d'énergie de Bogotá (une personne), ces 28derniers travailleurs étant membres du syndicat SINTRAELECOL, le gouvernement déclare que, conformément à l'article 25 du décret no 2351 de 1965, dans le cas où des licenciements effectués pendant un conflit du travail seraient contraires aux dispositions de l'article susmentionné, les travailleurs concernés peuvent saisir le tribunal du travail. En vertu de l'article 2 du Code de procédure du travail, tel qu'il a été modifié par l'article premier de la loi no 362 de 1997, cette juridiction entend, d'une manière générale, des conflits de droit qui découlent directement ou indirectement du contrat de travail et, en particulier, des questions relatives à l'immunité syndicale des agents de la fonction publique, des travailleurs officiels et des autres catégories de travailleurs. Ainsi, les travailleurs jouissant de l'immunité syndicale qui ont été licenciés sans que la justice ne se soit d'abord prononcée sur les motifs du licenciement peuvent engager une action visant à leur réintégration et obtenir par conséquent le paiement des salaires qui leur seraient dus. Par ailleurs, l'article 451 du Code du travail indique qu'il incombe au ministère du Travail et de la Sécurité sociale de déclarer, par voie administrative, si la suspension ou l'arrêt collectif du travail a un caractère illégal, dans les cas prévus expressément par la loi.

61. Dans le cas en question, le ministère du Travail a satisfait à toutes les conditions prévues par la loi en prenant les décisions nos 002286 et 002287 du 9octobre 1997, en vertu desquelles il a déclaré illégales certaines cessations d'activités dans l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá. La législation applicable indique expressément que les décisions administratives de ce type ne peuvent faire l'objet d'aucun recours par voie gouvernementale. Aussi, dans la décision no 000003 du 6 février 1998, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a-t-il déclaré irrecevable le recours en réintégration formé par le président du Syndicat des travailleurs de l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá.

62. Le gouvernement précise qu'une décision du ministère déclarant illégale une grève peut être contestée devant la Chambre du contentieux administratif du Conseil d'Etat. Par ce moyen de défense, les syndicats ou les travailleurs intéressés peuvent contester la décision administrative et, le cas échéant, la faire annuler si elle n'est pas conforme à la loi. Dans le cas d'espèce, ni le syndicat ni les travailleurs à titre individuel n'ont eu recours à ce moyen de défense. Par conséquent, force est de considérer qu'ils ont renoncé à la possibilité de contester cette décision et d'obtenir qu'elle ne produise pas ses effets.

63. En ce qui concerne la demande de réintégration et de paiement des salaires des 23 travailleurs licenciés par l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá, le gouvernement indique dans sa communication du 15janvier 1998 que, en vertu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, le contenu des accords des conseils municipaux, ainsi que celui du projet de privatisation mis en cause par les plaignants, est du ressort exclusif de ces organismes. Par ailleurs, il incombe aux autorités judiciaires de déterminer si les effets, en matière de travail, de ces accords sont conformes à la loi.

64. Il ressort des articles 405 du Code du travail et 25 du décret-loi no 2351 de 1995 que, si un employeur procède de manière abusive à un licenciement, les travailleurs concernés doivent recourir à la voie judiciaire pour faire valoir leurs droits, notamment leur demande de réintégration et de paiement des salaires et prestations dus, étant donné qu'il revient au tribunal du travail de trancher les conflits qui découlent directement ou indirectement du contrat de travail et, en particulier, les conflits portant sur l'immunité syndicale des travailleurs officiels, des agents de la fonction publique et des autres catégories de travailleurs. En d'autres termes, il s'agit de conflit individuel que seuls peuvent trancher les juges. Les intéressés auraient dû les saisir. Ils ne l'ont pas fait et on peut donc considérer qu'ils ont renoncé au recours constitutionnel qui leur permet de faire valoir leurs droits. Par conséquent, le ministère du Travail n'est pas habilité à ordonner la réintégration des intéressés ni à statuer sur leurs droits comme le réclament les plaignants.

65. Quant à la demande d'annulation des décisions nos 002286 et 002287 du 9 octobre 1997 du ministère du Travail, formulée par les plaignants, le gouvernement déclare que, en vertu de l'article 451 du Code du travail, il revient au ministère du Travail de se prononcer, par voie administrative, sur le caractère illégal d'une suspension ou d'un arrêt collectif du travail, dans les cas prévus expressément par la loi. La déclaration est d'application immédiate et elle ne peut être contestée que devant le Conseil d'Etat. Conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a pris les décisions nos 002286 et 002287 de 1997 après avoir constaté les arrêts du travail en question. Il a donc suivi la procédure prévue par la loi. Le syndicat a intenté contre ces décisions un recours qui n'est pas conforme à la législation interne, ce qui a donné lieu à la décision no 000003 du 6 janvier 1998. Il convient de signaler que le syndicat aurait pu intenter une action en nullité de ces actes administratifs devant le pouvoir judiciaire, à savoir le Conseil d'Etat. Il ne l'a pas fait et s'est ainsi privé d'une voie de recours judiciaire que des tiers ne peuvent pas intenter.

66. A propos des allégations selon lesquelles des travailleurs auraient cessé d'être employés par l'entreprise à la suite de leur inscription au plan de retraite volontaire et/ou anticipée, le gouvernement précise que la loi colombienne n'interdit pas ces mesures car elles ne limitent pas la liberté contractuelle, et que tous les travailleurs sont libres de s'affilier à ces systèmes de pension. S'ils y ont été inscrits contre leur gré, ils peuvent intenter une action en justice.

67. A propos des plaintes pénales contre M. Víctor Manuel Bautista Ramírez et Mme Patricia Cordera Tovar, le gouvernement indique qu'il a reçu à ce sujet une communication écrite en date du 6 janvier 1999 - cette communication est jointe à la présente réponse - du Bureau de lutte contre la corruption de l'entreprise de télécommunications de Bogotá (ETB), dont le texte suit:

«... Ni le Bureau de lutte contre la corruption, ni aucun autre service juridique de ETB n'a déposé de plaintes pénales contre M. Víctor Manuel Bautista Ramírez ou MmePatricia Cordera Tovar. Le Bureau a pris connaissance d'une plainte déposée par Mme Sandra Bibiana Quintero Martínez, architecte de ETB, numéro d'immatriculation 31742, contre M. Bautista Ramírez qui, selon elle, l'aurait agressée, cette agression ayant entraîné pour elle trois jours d'incapacité de travail. L'affaire a été entendue par le substitut du procureur no 288 en audience foraine. L'ETB n'est intervenue en aucune manière dans le déroulement de cette affaire.»

Le gouvernement souligne que la plainte en question porte sur un délit de droit commun commis à titre individuel et qu'elle n'a aucun lien avec le droit du travail.

68. En ce qui concerne le syndicat des travailleurs de COMESA S.A. et une prétendue violation du droit de grève, le gouvernement déclare dans sa communication du 7 octobre 1998 que l'organisation syndicale susmentionnée a présenté un cahier de revendications à COMESA S.A. auquel il n'a pas été donné suite au stade du règlement direct. Le syndicat a donc appelé à la grève, laquelle a commencé le 25 juillet 1997. Le ministère, conformément aux pouvoirs que lui confère l'article 448 du Code du travail, tel qu'il a été modifié par l'article 63, alinéa 4, de la loi no 50 de 1990, en vertu de la décision no 002183 du 21 septembre 1997, a ordonné la constitution d'un tribunal d'arbitrage obligatoire afin de trouver une solution à ce conflit collectif du travail. Cette décision a fait l'objet d'un recours et elle a été confirmée par la décision no 002332 du 16 octobre 1997. Cette décision, qui a été déclarée applicable en vertu de l'arrêt no 115 du 26 septembre 1991 de la Cour suprême de justice, autorise le ministère du Travail, lorsqu'une grève excède une durée de 60 jours civils, à ordonner que le conflit soit soumis à la décision d'un tribunal d'arbitrage. Lorsque le ministère a recours à ce moyen, les travailleurs sont tenus de reprendre leurs fonctions dans un délai maximum de trois jours ouvrables, à partir de la date de publication de la décision dans un journal de grande diffusion, et non, comme l'avait compris l'organisation syndicale, à partir de la date à laquelle elle devient applicable. Dans ces cas, la décision est d'application immédiate, sans préjudice des recours dont elle pourrait faire l'objet. En effet, si l'on acceptait les arguments du syndicat, la grève se prolongerait au détriment de la situation économique des travailleurs et de l'entreprise, et la disposition juridique en question ne serait plus d'application immédiate. Dans le présent cas, le gouvernement a recouru à cette disposition parce que les tribunaux d'arbitrage obligatoire constituent un mécanisme valable et efficace pour résoudre les conflits collectifs du travail.

69. Dans sa communication du 15 janvier 1998, le gouvernement réitère ses déclarations antérieures selon lesquelles le syndicat des travailleurs de COMESA S.A. a présenté un cahier de revendications à l'entreprise auquel il n'a pas été donné suite au stade du règlement direct et le syndicat a donc déclaré et lancé la grève à partir du 25 juillet 1997. A ce sujet, le ministère du Travail, en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 448 du Code du travail, tel qu'il a été modifié par l'article 63, alinéa 4, de la loi no 50 de 1990, a ordonné au terme du délai de 60jours prévu par la loi, en vertu de la décision no 002183 du 26 septembre 1997, la constitution d'un tribunal d'arbitrage obligatoire afin de résoudre le conflit collectif du travail. Cette décision a fait l'objet d'un recours qui a été rejeté en vertu de la décision no002332 du 16 octobre 1997, qui l'a confirmée. Les décisions relatives aux décisions susmentionnées se fondent sur le fait que, lorsque le ministère exerce la faculté que lui confère la disposition en question, les travailleurs sont tenus de reprendre le travail dans un délai maximum de trois jours ouvrables à partir de la date de publication de la décision dans un journal de grande diffusion (article 46 du Code du contentieux administratif) et non à partir de la date à laquelle la décision devient applicable, comme l'ont affirmé les plaignants. Dans le cas contraire, la grève se prolongerait, au détriment de l'économie nationale et de l'intérêt public économique, et la disposition juridique perdrait son caractère d'immédiateté. En outre, ce critère est étayé par l'article 55 de la Constitution qui ordonne l'application de «moyens en vue d'une solution pacifique des conflits collectifs du travail», de façon à éviter que la grève ne se prolonge indéfiniment. Le gouvernement ajoute que l'organisation syndicale avait, en vertu de la loi, la possibilité de contester devant la juridiction du contentieux administratif la légalité de cette mesure administrative. Elle ne l'a pas fait. Il ressort du cas en question que les mesures prises sont conformes à la législation interne et aux conventions internationales et que les plaignants pouvaient recourir aux moyens prévus par la loi pour faire valoir leurs droits.

C. Conclusions du comité

70. Le comité observe que les allégations présentées par les organisations plaignantes se réfèrent au licenciement de 20membres et de troisdirigeants du syndicat SINTRATELEFONOS, et à des déclarations d'illégalité de cessations d'activité. En vertu de ces déclarations qui émanent du ministère du Travail, les licenciements susmentionnés ont été effectués alors que les prétendues cessations d'activité avaient eu lieu des mois auparavant. Les allégations des organisations plaignantes portent également sur des accusations et enquêtes d'organismes publics ou de l'entreprise ETB à propos de près de 800travailleurs, sur des plaintes pénales contre les dirigeants syndicaux Víctor Manuel Bautista Ramírez et Sandra Patricia Cordero Tovar, sur le licenciement d'Elías Quintana et de Carlos Socha pendant un conflit collectif auquel était partie SINTRATELEFONOS, sur la décision des autorités de soumettre un conflit collectif dans l'entreprise COMESAS.A. à l'arbitrage obligatoire, alors que les travailleurs étaient en grève, et sur le licenciement de 27membres de SINTRAELECOL qui étaient occupés dans troisentreprises différentes.

71. A propos du conflit collectif dans l'entreprise de télécommunications de Santafé de Bogotá (ETB), le comité prend note des déclarations suivantes du gouvernement: 1)l'article451 du Code du travail dispose qu'il incombe au ministère du Travail de déclarer par voie administrative le caractère illégal d'une suspension ou d'un arrêt collectif du travail; les décisions administratives en vue d'une déclaration d'illégalité ont été prises conformément à la législation; 2)ces décisions auraient pu faire l'objet d'un recours en nullité devant le Conseil d'Etat mais ni les plaignants ni les travailleurs concernés ne l'ont fait; 3)les articles450 et 451 du Code du travail n'imposent pas de délai au ministère du Travail pour qu'il puisse déclarer le caractère illégal d'un arrêt ou d'une suspension collective du travail; et 4)les travailleurs jouissant de l'immunité syndicale qui sont licenciés sans que le motif de leur licenciement n'ait été préalablement examiné par les autorités judiciaires peuvent intenter une action en réintégration et obtenir éventuellement le paiement des salaires dus, mais ils n'ont pas introduit de recours devant l'autorité judiciaire.

72. A cet égard, le comité est conscient que les services téléphoniques sont des services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire des services dans lesquels le droit de grève peut être restreint, voire interdit. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr.536 et 544.] Toutefois, le comité observe que la déclaration d'illégalité des cessations d'activité dans l'entreprise ETB a été effectuée par le ministère du Travail. Le comité rappelle que «la décision de déclarer la grève illégale ne devrait pas appartenir au gouvernement mais à un organe indépendant des parties et jouissant de leur confiance». [Voir Recueil, op. cit., paragr.522.]

73. Dans ces conditions, étant donné que 1)la déclaration d'illégalité a été effectuée plusieurs mois après les cessations d'activité, que 2)ces cessations d'activité ont eu lieu alors que l'entreprise était en cours de privatisation, ce qui devait avoir nécessairement des conséquences très importantes sur la situation des travailleurs (y compris l'instauration d'un nouveau statut des travailleurs), qu'une nouvelle convention collective faisait l'objet de négociations dans une atmosphère très tendue, et que 3)selon le syndicat plaignant -le gouvernement n'a pas nié ce point- on aurait cherché pendant les négociations à retarder les discussions et à imposer aux travailleurs un arbitrage obligatoire, le comité prie le gouvernement, au-delà de ce qu'établit la loi, et compte tenu des circonstances passées, de prendre les mesures en vue de favoriser la réintégration dans leur poste de travail des 23travailleurs licenciés, et il lui demande de prendre des mesures dans ce sens.

74. A propos des plaintes pénales déposées contre les dirigeants syndicaux Víctor Manuel Bautista Ramírez et Patricia Cordero Tovar, le comité prend note que, selon le gouvernement, l'entreprise ETB n'a pas déposé de plainte pénale contre ces personnes et que la plainte qui a été déposée l'a été par un particulier contre M.Ramírez, à propos d'un délit de droit commun qui n'a aucun lien avec le droit du travail. Le comité prie le gouvernement de l'informer de toute sentence qui serait prononcée à l'encontre de M. Bautista Ramírez et de Mme Cordero Tovar.

75. A propos des allégations relatives au conflit collectif dans l'entreprise métallurgique et mécanique COMESAS.A., le comité prend note que, selon le gouvernement, la décision de convoquer un tribunal d'arbitrage, lequel a mis un terme à la grève, a été prise en application de l'article448 du Code du travail qui autorise le ministère du Travail, lorsque la grève excède une durée de 60jours civils, à ordonner que le différend soit soumis à la décision d'un tribunal d'arbitrage. Les travailleurs doivent alors reprendre leurs fonctions dans un délai de troisjours ouvrables, faute de quoi, selon le gouvernement, on irait à l'encontre de la situation économique des travailleurs et de l'entreprise ainsi que de l'économie nationale et de l'intérêt public économique. A ce sujet, le gouvernement rappelle que l'article55 de la Constitution rend obligatoire l'application «des moyens permettant de résoudre pacifiquement les conflits collectifs du travail», afin d'éviter que la grève ne se prolonge indéfiniment; par ailleurs, le gouvernement déclare que le syndicat concerné n'a pas intenté d'action devant la juridiction du contentieux administratif contre la décision d'ordonner l'arbitrage. Le comité observe néanmoins que le gouvernement n'a pas contesté la déclaration des plaignants selon laquelle ni l'entreprise ni le ministère du Travail n'ont convoqué de réunion de concertation. A ce sujet, le comité attire l'attention du gouvernement sur le fait que «l'arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail est acceptable, soit s'il intervient à la demande des deux parties au conflit, soit dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de conflit dans la fonction publique à l'égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d'autorité au nom de l'Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption risquerait de mettre en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne». [Voir Recueil, op. cit., paragr.515.] Le comité prie donc le gouvernement de prendre des mesures en vue de modifier l'article448 du Code du travail (comme l'a d'ailleurs demandé la commission d'experts) de façon à tenir compte du principe susmentionné.

76. A propos du licenciement de membres du syndicat SINTRAELECOL dans l'entreprise d'énergie de Cundinamarca (14personnes), dans l'entreprise EPSA de Cali (13personnes) et dans l'entreprise d'énergie de Bogotá (unepersonne), le comité observe que le gouvernement se réfère dans sa réponse aux déclarations qu'il a formulées au sujet des licenciements dans l'entreprise ETB, qui ont été examinés précédemment. Dans ces déclarations, le gouvernement faisait état de l'existence de recours devant l'autorité judiciaire, sans indiquer les motifs des licenciements. Par ailleurs, le comité note que le gouvernement n'a pas indiqué spécifiquement les motifs du licenciement de MM.Elías Quintana et Carlos Socha pendant le conflit collectif qui a eu lieu dans l'entreprise ETB. Le comité prie donc le gouvernement d'indiquer les faits concrets qui ont conduit au licenciement de tous ces travailleurs. Enfin, observant également que le gouvernement n'a pas apporté de réponse à l'allégation selon laquelle des organismes publics ou l'entreprise ETB auraient engagé des mises en accusation ou des enquêtes à l'encontre de près de 800travailleurs, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet.

Recommandations du comité

77. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1962

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la Colombie
présentée par
la Centrale unitaire des travailleurs (CUT)

Allégations: licenciements contraires à une convention collective,
dans un contexte de restructuration

78. La plainte figure dans une communication de la Centrale unitaire des travailleurs datée du 6 mars 1998. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 25 août 1998. Le gouvernement a répondu dans une communication du 15 janvier 1999.

79. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

80. La Centrale unitaire des travailleurs allègue que le 31 janvier 1993 la municipalité de Neiva (département du Huila) a licencié illégalement 155«travailleurs officiels» de l'administration des travaux publics, sous prétexte que l'administration municipale avait dissous cet organisme et en avait ordonné la fermeture. La CUT fait cependant observer que l'employeur était la municipalité de Neiva et que la législation applicable (décret réglementaire no 2127 de 1945) ne prévoit pas le licenciement en cas de suppression d'emplois; en outre, aux termes de la convention collective applicable, l'administration municipale «s'engage fermement à garantir la stabilité dans l'emploi de tous les travailleurs syndiqués» et, en cas de licenciement injuste, «la municipalité doit réintégrer l'intéressé au poste qu'il occupait auparavant et reconnaître et payer les émoluments et prestations qu'elle avait cessé de lui verser».

81. La CUT ajoute que l'autorité judiciaire saisie de l'affaire en appel a reconnu que le licenciement était illégal, mais qu'il n'était pas légalement possible de réintégrer ces travailleurs, compte tenu du droit de l'administration de procéder à des restructurations en vertu de la Constitution et des principes d'intérêt général. De même, la cour d'appel a déclaré que la municipalité défenderesse n'était pas dispensée du versement d'indemnités au titre du licenciement, mais que ces indemnités n'ont pas été versées du fait qu'aucune demande en ce sens n'a été présentée.

82. La CUT allègue également que les personnes licenciées auraient présenté un recours auprès de la Cour suprême de justice, qui les aurait déboutées, en faisant observer que «si l'employeur, par ignorance de la loi, procède à la fermeture partielle ou totale d'une entreprise, et que cela entraîne la résiliation de contrats de travail, toute demande de réintégration est irrecevable du point de vue juridique, comme le prévoient la loi, les conventions ou pactes collectifs».

83. La CUT allègue également qu'à plusieurs reprises les autorités judiciaires chargées de statuer sur cette affaire auraient refusé d'accorder aux 14 dirigeants du Syndicat des travailleurs officiels de la municipalité de Neiva (licenciés par la municipalité sans autorisation judiciaire préalable) l'immunité syndicale. Elles auraient également jugé irrecevable le recours judiciaire intenté en appel par dix dirigeants du Syndicat des travailleurs officiels et des employés publics de la municipalité de Pitalito, licenciés le 19 septembre 1994, également sans autorisation judiciaire préalable. En outre, la Chambre civile chargée des questions relatives au travail de la Cour supérieure de Neiva a elle aussi refusé de prendre en compte l'immunité syndicale dans un procès concernant cinq dirigeants du Syndicat national des travailleurs officiels et des employés publics de l'Institut d'hydrologie, de météorologie et d'aménagement des terres (SINALTRAHIMAT, section de Neiva) (les dirigeants en question avaient été licenciés en août 1993 sans que l'autorisation judiciaire préalable, prévue par la législation, n'ait été obtenue).

B. Réponse du gouvernement

84. Le gouvernement déclare dans sa communication de 1999 que le licenciement des 155 travailleurs de l'administration des travaux publics de la municipalité de Neiva, dans le département du Huila, a fait suite à une restructuration de l'administration municipale et à la fermeture de l'administration en question, se soldant par la suppression des postes correspondants. A la suite du licenciement susmentionné, la Direction régionale du travail du Huila a ouvert une enquête administrative pour violation présumée de la convention collective conclue entre le Syndicat des travailleurs officiels de la municipalité de Neiva et la municipalité elle-même, condamnant cette dernière au versement de cinq salaires minimums légaux, en vertu de la décision no 0008 du 15 avril 1996. Les travailleurs officiels licenciés ont épuisé les voies de recours administratives avant d'entamer des poursuites judiciaires contre la municipalité de Neiva pour violation de la convention collective en vigueur à la date des faits, demandant qu'elle soit condamnée à réintégrer ces travailleurs officiels à leurs postes, conformément à ladite convention. La municipalité de Neiva poursuivie en justice, les juges du travail de première instance, qui ont été saisis des affaires, ont rendu leurs sentences respectives. Les travailleurs n'ayant pas obtenu gain de cause, ils ont interjeté appel auprès de la Chambre civile chargée des questions relatives au travail de la Cour supérieure de Neiva, qui a débouté les travailleurs de toutes leurs demandes. La cour s'est appuyée sur une décision du Conseil d'Etat, selon laquelle, en vertu de la Constitution, l'administration est en droit de procéder à des restructurations.

85. Le gouvernement ajoute qu'un groupe des travailleurs licenciés s'est pourvu en cassation (recours judiciaire extraordinaire) auprès de la Cour suprême de justice (la plus haute instance juridictionnelle du pays) et que leurs demandes ont été rejetées par un arrêt prononcé le 29 mai 1997, qui se résume ainsi: «Il ne peut donc pas être fait droit à la demande, néanmoins il n'est pas inutile de rappeler que toute demande de réintégration suppose le licenciement du travailleur et non la liquidation de l'organisme comme dans le présent cas.» Cet arrêt est sans appel et doit être accepté et appliqué par les autres branches des pouvoirs publics.

86. Le gouvernement souligne qu'il n'y a pas eu, dans le cas critiqué, de licenciement injuste, mais qu'il y a eu suppression de postes à la suite de la liquidation de l'administration des travaux publics de la municipalité de Neiva, décision prise conformément à l'article 315, paragraphe 4, de la Constitution qui habilite les entités territoriales à se restructurer et à prendre les mesures nécessaires en la matière, et à son règlement d'application contenu dans le décret no 16 du 31janvier 1993, pris par le maire de la municipalité de Neiva. Les hautes instances juridictionnelles ont pleinement entériné ces décisions par des arrêts prononcés les 23 mai 1996, 28 août 1996, 29 mai 1997, 19 juillet 1997 et 2 décembre 1997. On ne peut pas dire non plus que les conventions internationales de l'OIT, dûment ratifiées par la Colombie, aient été violées, dans la mesure où aucune convention ni recommandation de cette organisation n'oblige un Etat Membre à préserver des entités obsolètes et inefficaces qui ne remplissent plus les objectifs de service qui leur ont été assignés, au motif que des travailleurs syndiqués y sont employés.

87. Par ailleurs, le gouvernement indique que l'Etat colombien ne peut pas accorder de réparations au titre de préjudices présumés, car il n'est pas l'auteur de ces préjudices. Les personnes qui s'estiment lésées dans cette affaire sont des travailleurs de la municipalité de Neiva, et les municipalités sont des entités autonomes et fondamentales de la division politico-administrative de l'Etat. Conformément aux décisions prises par les hautes instances juridictionnelles, il est prouvé qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits acquis. De même, aucune indemnisation n'a été accordée aux intéressés parce qu'il n'y avait pas lieu de le faire, comme l'ont confirmé les décisions susmentionnées, qui ont acquis l'autorité de la chose jugée et ont été déclarées sans appel, les autres branches des pouvoirs publics étant tenues de les respecter.

88. Le gouvernement indique, en ce qui concerne le licenciement, le 19septembre 1994, des dirigeants du Syndicat des travailleurs officiels et des employés publics de la municipalité de Pitalito, qu'un recours a été interjeté auprès du juge unique chargé des questions relatives au travail de la circonscription de Pitalito. Le 21 avril 1995, celui-ci a condamné la municipalité de Pitalito à réintégrer les travailleurs jouissant de l'immunité syndicale, aux mêmes conditions d'emploi, et à leur verser les salaires non perçus pour cause de licenciement. La municipalité de Pitalito a fait appel de cette décision et la Chambre civile chargée des questions relatives au travail de la Cour supérieure de Neiva a été saisie de cette affaire. Elle a annulé le jugement du juge unique chargé des questions relatives au travail de la circonscription de Pitalito et a débouté les dirigeants syndicaux de leur requête concernant l'immunité syndicale.

89. Enfin, le gouvernement fait observer que la municipalité doit accepter et respecter les décisions judiciaires concernant les questions soulevées à l'occasion de la présente affaire et que les différentes branches des pouvoirs publics ont agi conformément au droit interne et aux dispositions des conventions nos 87 et 98 de l'OIT.

C. Conclusions du comité

90. Le comité constate que le cas présent concerne des licenciements de travailleurs ou de dirigeants syndicaux de la municipalité de Neiva, de la municipalité de Pitalito et de l'Institut d'hydrologie, de météorologie et d'aménagement des terres (section de Neiva).

91. En ce qui concerne le licenciement de 155 travailleurs officiels (dont 14dirigeants syndicaux) en janvier 1993, le comité note que l'organisation plaignante met en avant le fait que ce licenciement est contraire à la législation et à la convention collective et conteste les raisons avancées par l'autorité judiciaire pour refuser la réintégration des personnes licenciées. Le comité note que le gouvernement déclare que: 1)les licenciements ont fait suite à une restructuration de l'administration municipale et à la liquidation de l'administration où travaillaient les personnes licenciées, effectuée en vertu d'un décret municipal pris en application de la Constitution de l'Etat; 2)la Direction régionale du travail du Huila a condamné la municipalité à verser cinq salaires minimums mensuels légaux pour violation de la convention collective; 3)les autorités judiciaires (en appel et en cassation) ont rejeté les demandes de réintégration des travailleurs licenciés; et 4)elles ne leur ont pas accordé d'indemnité de licenciement. Le comité conclut que, dans la mesure où les mesures de restructuration ont touché tous les travailleurs de l'administration des travaux publics (qu'ils soient militants ou dirigeants syndicaux), la question de la discrimination antisyndicale, en principe, ne se pose pas; en revanche, se pose celle de savoir si, en cas de restructuration d'un service administratif impliquant la suppression de ce service, le principe de la stabilité d'emploi des travailleurs concernés peut être refusé alors que la convention collective prévoit, de façon générale, cette stabilité. A cet égard, le comité a estimé qu'il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d'entreprises, ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d'ingérence antisyndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr.935.] Néanmoins, le comité a souligné l'importance qu'il attache à ce que les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d'examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l'emploi et les conditions de travail des salariés. [Voir Recueil, op. cit., paragr.937.]

92. Cela étant, le comité note que, selon le gouvernement, la restructuration (liquidation) de l'administration des travaux publics s'est faite en vertu d'un décret, et il constate que ni les plaignants ni le gouvernement n'ont mis en avant le fait que des consultations aient eu lieu entre les parties, ni que celles-ci aient essayé de parvenir à un accord sur les conséquences de la restructuration (en particulier pour tenter, dans la mesure du possible, de replacer les travailleurs licenciés dans d'autres services publics). Par conséquent, le comité appelle l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel il conviendrait que les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d'examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l'emploi et les conditions de travail des salariés.

93. Afin de pouvoir se prononcer sur les allégations relatives à la non-application de la convention collective, le comité demande au gouvernement de communiquer toutes les décisions administratives et judiciaires relatives à cette question.

94. En ce qui concerne l'arrêt (contesté par l'organisation plaignante) rejetant la demande de réintégration des dirigeants du Syndicat des travailleurs officiels et des employés publics de la municipalité de Pitalito qui avaient été licenciés le 19septembre 1994, le comité note que le gouvernement déclare que le syndicat est tenu de respecter les décisions judiciaires. Le comité constate que la Chambre civile chargée des questions relatives au travail de la Cour d'appel du district s'est prononcée, le 30juillet 1996 (arrêt communiqué par l'organisation plaignante), contre la réintégration des travailleurs arguant du fait qu'à cette date le mandat statutaire des dirigeants en question ainsi que le délai de protection de six mois supplémentaires, prévu par la loi, avaient expiré, de sorte que ces personnes n'étaient plus couvertes par l'immunité syndicale depuis le 15mars 1994, sans que soit pertinent le fait que le 19 septembre 1994 le syndicat n'avait encore pas organisé de nouvelles élections de dirigeants. Dans ces conditions, observant que le processus en question se rapporte à des problèmes survenus en 1994 et porte sur une interprétation relativement complexe de la durée légale de la protection des dirigeants syndicaux contre tout licenciement, et compte tenu des circonstances particulières du présent cas, le comité ne poursuivra pas l'examen de cette allégation.

95. Enfin, quant au refus (décision judiciaire contestée par l'organisation plaignante) de réintégrer les dirigeants du Syndicat national des travailleurs officiels et des employés publics de l'Institut d'hydrologie, de météorologie et d'aménagement des terres (section de Neiva), licenciés en août 1993 sans l'autorisation judiciaire préalable prévue par la législation, le comité note que le gouvernement n'a pas communiqué d'observations à ce sujet. Par conséquent, le comité demande au gouvernement de répondre à cette allégation et de communiquer le texte des décisions concernant cette affaire.

Recommandations du comité

96. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1964

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la Colombie
présentée par
le Syndicat des travailleurs de l'industrie du verre
et des matériaux analogues de Colombie
(SINTRAVIDRICOL)

Allégations: ingérence et discrimination antisyndicales,
actes d'intimidation et non-respect de certaines clauses
de convention collective

97. La plainte figure dans les communications du Syndicat des travailleurs de l'industrie du verre et des matériaux analogues de Colombie (SINTRAVIDRICOL) datées des 15avril et 14mai 1998. Le gouvernement a répondu dans une communication datée du 15janvier 1999.

98. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A.Allégations de l'organisation plaignante

99. Le Syndicat des travailleurs de l'industrie du verre et des matériaux analogues de Colombie (SINTRAVIDRICOL) indique, dans ses communications des 15avril et 14mai 1998, qu'il représente des membres travaillant dans trois entreprises (Cristalería Peldar SA, Compañía Nacional de Vidrios SA (CONALVIDRIOS) et Vidrio Técnico de Colombia (VITECO)) et il allègue que, depuis l'année 1994, l'entreprise CONALVIDRIOS SA a mené une série d'agressions juridiques, matérielles et économiques contre ses sections dans les villes de Soacha et de Buga, afin de les affaiblir et de les rendre minoritaires. Les autres entreprises mentionnées respectent le syndicat, dialoguent avec lui et négocient collectivement.

100. L'organisation plaignante allègue notamment les violations suivantes des droits syndicaux:

101. L'entreprise a également déposé des plaintes pénales contre sept dirigeants du comité de direction du syndicat de la section de Soacha, pour des délits présumés d'irrégularités de procédures, de falsification d'identité et falsification de documents. Le syndicat a, pour sa part, déposé une plainte pénale contre quatre administrateurs de l'entreprise pour délit de persécution antisyndicale (art.272 du Code pénal).

102. Enfin, l'organisation plaignante joint en annexe une copie de l'arrêt de la Cour suprême de justice du 21janvier 1997, dans lequel celle-ci reconnaît que l'entreprise CONALVIDRIOS SA a exercé des pressions sur les travailleurs afin de les amener à quitter le syndicat et ordonne à l'entreprise de «s'abstenir à l'avenir de tout acte visant à la préparation ou à l'organisation du renoncement des travailleurs à se syndiquer ou de toute conduite tendant à inciter les travailleurs à quitter le syndicat de l'entreprise...».

B. Réponse du gouvernement

103. Dans sa communication du 15 janvier 1998, le gouvernement déclare que l'organisation plaignante n'a pas porté plainte auprès du ministère du Travail en ce qui concerne les allégations d'actes d'agression juridique, matérielle et économique commis à l'encontre des sections du syndicat plaignant de Soacha et de Buga en vue de les affaiblir et de les rendre minoritaires et de conclure un pacte collectif [lequel ne s'applique pas à l'ensemble des travailleurs mais uniquement aux travailleurs syndiqués], ni en ce qui concerne la politique prétendument menée par l'entreprise dans le but d'inciter les travailleurs syndiqués à rendre leur carte de membre, en offrant des avantages à ceux qui renoncent à leur adhésion, ni à propos du fait que l'entreprise refuse d'accorder les autorisations prévues dans le cadre des activités syndicales, ni au sujet des allégations de violation des droits de l'homme (manœuvres de l'entreprise pour empêcher les travailleurs d'assister à des assemblées ou de discuter avec les dirigeants syndicaux et, à l'occasion, renvoi ou transfert à un autre poste ou dans une autre équipe des travailleurs insoumis), ni en ce qui concerne le manque d'intervention de la part du ministère du Travail. Par ailleurs, le gouvernement met en doute l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle l'Etat colombien serait impliqué dans les actes présumés qu'elle dénonce.

104. Le gouvernement fait observer que le Directeur régional du travail et de la sécurité sociale de Cundinamarca, auquel se réfère la plainte, a occupé ce poste du 8mai1991 au 4 septembre 1994; ce n'est qu'après qu'il a été engagé par l'entreprise CONALVIDRIOS SA. A supposer que cette personne ait exercé simultanément des fonctions au ministère du Travail et dans l'entreprise CONALVIDRIOS SA, ce serait certes illicite, mais il n'apparaît pas dans la plainte un quelconque élément de preuve venant étayer ces allégations ou démontrant que les faits dénoncés ont eu lieu à l'époque où l'intéressé était fonctionnaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. De plus, les plaignants auraient en tout état de cause pu dénoncer la conduite de l'intéressé auprès des organismes de contrôle disciplinaire tels que le procureur général ou, s'agissant d'un avocat, auprès du Conseil supérieur de la magistrature. Il convient de préciser qu'après avoir quitté l'administration publique l'intéressé pouvait légalement prendre des engagements auprès de l'entreprise CONALVIDRIOS SA ou d'une quelconque autre entreprise. Le gouvernement ajoute que la Colombie est un Etat de droit au sein duquel les citoyens disposent de toute une gamme de recours judiciaires qu'ils peuvent exercer pour faire respecter leurs droits; ainsi, les décisions administratives sont soumises au contrôle de la légalité de la part du Conseil d'Etat, l'instance la plus haute chargée des affaires de contentieux administratif, auprès de laquelle les plaignants peuvent recourir en déposant plainte et en intentant une action en nullité visant à rétablir le droit, qui a pour objet de contester la légalité des décisions administratives que prend le gouvernement et accorder des réparations en cas de préjudices. Ayant eu connaissance du fait que le syndicat n'aurait pas été dûment notifié de l'annulation de ces actes, le gouvernement fait savoir qu'il a transmis cette information, de manière officieuse, à l'organisme compétent afin qu'une enquête soit menée concernant les manquements présumés de ces fonctionnaires administratifs et qu'ils soient, s'il y a lieu, sanctionnés pour faute disciplinaire. Cela reflète le contrôle de légalité mentionné antérieurement et auquel sont soumises les décisions administratives.

105. Quant aux allégations de licenciement de dirigeants syndicaux, le gouvernement fait savoir qu'en vertu du droit du travail colombien les travailleurs bénéficiant de l'immunité syndicale ont la possibilité d'intenter une action en vue de réintégrer leur ancien emploi. Pour ce faire, les intéressés doivent déposer plainte auprès du juge chargé des affaires relatives au travail et faire la preuve de leurs allégations. Pour ce qui est de l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle c'est un ancien fonctionnaire de l'administration qui a procédé aux licenciements en question et que, pour cette raison, on peut supposer que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a eu une attitude partiale, le gouvernement précise que ce ministère n'est investi d'aucune fonction juridictionnelle en rapport avec le licenciement de travailleurs jouissant de l'immunité syndicale, de sorte que la façon tendancieuse avec laquelle l'organisation syndicale présente les faits n'est pas pertinente, d'autant plus que la législation colombienne repose sur des normes qui respectent avant tout les garanties des personnes syndiquées, garanties qui sont fondées sur les principes de la légalité, du respect et du bien commun. Ainsi, si comme l'affirme la plainte le licenciement du personnel est l'œuvre d'un ancien fonctionnaire de l'Etat, c'est uniquement et exclusivement en sa qualité de directeur des ressources humaines de l'entreprise CONALVIDRIOS SA que celui-ci a agi.

106. Quant aux allégations de violation des droits de l'homme (manœuvres de l'entreprise visant à empêcher les travailleurs d'assister aux assemblées ou de discuter avec les dirigeants syndicaux et, à l'occasion, renvoi ou transfert à un autre poste ou dans une autre équipe des travailleurs insoumis), le gouvernement fait savoir qu'il a saisi le Bureau interinstitutionnel des droits de l'homme du ministère du Travail de cette affaire afin qu'il mène une enquête et se prononce à ce sujet.

107. En outre, le gouvernement réfute l'allégation d'incompétence et de complicité faite à l'encontre de l'Etat colombien, estimant qu'il appartient à l'organisation syndicale de prendre les mesures nécessaires pour défendre les droits à propos desquels elle s'estime lésée, en portant plainte auprès des autorités juridictionnelles (juridiction ordinaire chargée des questions relatives au travail ou juridiction chargée des questions de contentieux administratif, selon le cas) et en étayant dûment ses allégations.

108. Enfin, le gouvernement rappelle que l'organisation syndicale n'a pas fait appel aux différents organes et mécanismes auxquels elle est en droit de recourir, en vertu de l'ordre juridique interne, pour défendre ses droits, ignorant cette procédure et déposant plainte directement auprès du Comité de la liberté syndicale, faisant ainsi preuve de légèreté. Le gouvernement demande donc que cette plainte soit portée à l'attention du Conseil d'administration du BIT afin que soient adoptées des mesures tendant à faire en sorte que de tels faits ne se reproduisent pas.

C. Conclusions du comité

109. Le comité note qu'en ce qui concerne la présente plainte l'organisation plaignante a formulé une longue série d'allégations concernant des actes d'ingérence et de discrimination antisyndicales (y compris des licenciements de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, des pratiques d'entrave à l'activité syndicale, des actes d'intimidation, des pressions pour que les syndiqués quittent leur organisation syndicale), ainsi que de violation des clauses de la convention collective de la part de l'entreprise CONALVIDRIOS SA.

110. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement qui se trouve au dernier paragraphe de sa réponse, le comité rappelle tout d'abord les règles de sa procédure à cet effet et selon lesquelles:

Lorsque la législation nationale prévoit la possibilité de recourir devant une cour ou un tribunal indépendant, et que cette procédure n'a pas été suivie en ce qui concerne les questions qui font l'objet d'une plainte, le comité a estimé devoir tenir compte de ce fait lorsqu'il examine le bien-fondé de la plainte.

Si le recours à la procédure judiciaire interne, quel qu'en soit le résultat, constitue un élément qui doit, certes, être pris en considération, le comité a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales de recours. [Voir procédure du Comité de la liberté syndicale, paragr. 31 et 33.]

Le comité demande au gouvernement de prendre en considération ces règles à l'avenir.

111. Le comité prend note des déclarations du gouvernement qui fait observer que l'organisation plaignante n'avait pas porté à la connaissance des autorités certaines de ces questions et que la législation prévoit des mécanismes et des recours administratifs et judiciaires en cas de violation de ses dispositions, y compris la possibilité pour les travailleurs licenciés, en dépit de leur imunité syndicale, d'intenter un recours afin d'être réintégrés dans leur ancien emploi. De même, le gouvernement précise que le fait qu'un directeur de l'entreprise mentionnée ait antérieurement occupé une fonction au ministère du Travail n'est ni illégal ni contestable, bien que, après avoir eu connaissance de la plainte, les autorités aient porté ces allégations à l'attention de l'organe compétent. Le gouvernement fait également savoir que la plainte concernant les droits de l'homme fera l'objet d'une enquête de la part du Bureau institutionnel des droits de l'homme du ministère du Travail.

112. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas adressé d'observations précises au sujet des différentes allégations formulées par l'organisation plaignante en avril et en mai 1998, compte tenu surtout de la gravité des faits dénoncés et de l'arrêt prononcé le 21 janvier 1997 par la Cour suprême de justice qui enjoignait l'entreprise CONALVIDRIOS SA de s'abstenir de tous actes visant à inciter les travailleurs à quitter leur syndicat. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de faire en sorte qu'une enquête détaillée soit menée au sujet de chacune des allégations formulées par l'organisation plaignante et de l'en tenir informé sans délai.

Recommandations du comité

113. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1973

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la Colombie
présentée
par l'Association des cadres et techniciens
des entreprises de l'industrie du pétrole de Colombie (ADECO)

Allégations: favoritisme à l'égard d'une organisation syndicale,
violation du droit de négociation collective,
discrimination à l'encontre des membres d'une organisation
et ingérence patronale et pratiques antisyndicales

114. La plainte figure dans une communication présentée en juillet 1998 par l'Association des cadres et techniciens des entreprises de l'industrie du pétrole de Colombie (ADECO). Le gouvernement a répondu par une communication en date du 15 janvier 1999.

115. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

116. Dans sa communication de juillet 1998, l'Association des cadres et techniciens des entreprises de l'industrie du pétrole de Colombie (ADECO), qui opère au sein de l'Entreprise colombienne des pétroles (ECOPETROL), entreprise publique industrielle et commerciale comptant 10 877 travailleurs (dont 4 300 techniciens), explique qu'elle est un syndicat d'industrie et que les travailleurs qui lui sont affiliés relèvent du Code du travail. Toutefois, selon les règles qui régissent l'ADECO, les cadres, les techniciens et le personnel occupant des postes de confiance ont un régime salarial fondé principalement sur le mérite et distinct du système que l'entreprise détermine par voie de conventions collectives; ce régime spécial prévoit expressément que, en tout état de cause, le régime de prestations servies à ces catégories de personnel ne sera en aucun cas inférieur à celui qui est actuellement en vigueur (décret exécutif no 1209 de 1994). Ledit régime salarial spécial est réglementé par l'accord no 01 de 1977 d'ECOPETROL, qui a été mis à jour tous les deux ans (jusqu'à juillet 1997), chaque fois qu'était conclue la convention collective applicable aux autres travailleurs (à laquelle est partie le syndicat dénommé Union syndicale ouvrière (USO)).

117. L'ADECO explique qu'elle s'est fait enregistrer comme syndicat auprès du ministère du Travail le 20 août 1996 et qu'au mois de novembre de la même année elle a demandé aux autorités d'effectuer un recensement syndical aux fins de la négociation collective.

118. L'ADECO ajoute que, le 22 octobre 1996, elle a signé avec l'USO un accord prévoyant que les deux organisations rédigeraient conjointement le cahier de revendications et garantissant qu'un délégué de l'ADECO participerait aux négociations en vue de la conclusion de la prochaine convention collective. En vertu d'une décision de son assemblée, l'USO n'a pas respecté cet accord, qui évitait pourtant de recourir à un recensement syndical (l'ADECO et l'USO étaient des syndicats minoritaires puisqu'aucun des deux ne représentait 50 pour cent des travailleurs) et reconnaissait à l'USO le droit de signer la convention collective. L'ADECO indique que, le 19 novembre 1996, l'USO a passé un accord avec l'entreprise et que, pour des raisons d'opportunité politique, l'ADECO ne s'est vu accorder qu'un rôle de conseiller à la table de négociation (dont elle a été expulsée une fois la négociation commencée). A partir du 17 février 1997, l'ADECO a réitéré sa demande de recensement syndical dans l'entreprise auprès des autorités. ECOPETROL ayant refusé de négocier séparément avec elle, l'ADECO a de nouveau demandé au ministère du Travail un recensement syndical et le recours à un tribunal d'arbitrage, afin que celui-ci se prononce sur les droits revendiqués par l'association en tant que syndicat minoritaire et, plus particulièrement, sur son droit de négocier collectivement en tant que syndicat minoritaire coexistant avec l'USO (syndicat également minoritaire, bien que comptant un effectif plus important) dans le cadre d'une négociation conjointe, ou, sinon, de demander un arbitrage.

119. L'ADECO déclare que, le 27 mai 1997, l'USO et ECOPETROL ont signé une convention collective qui, de façon illégale, s'applique également aux personnels affiliés à l'ADECO et qui empiète sur les droits acquis en matière de salaires et de prestations qui faisaient partie de leurs contrats individuels depuis l'accord no 01 de 1977 conclu par l'entreprise. Le but poursuivi est d'éliminer l'ADECO. C'est pourquoi celle-ci a présenté à l'entreprise le cahier de revendications conjoint USO-ADECO qui avait été approuvé au départ par l'assemblée conjointe de tout le personnel syndiqué de l'entreprise, le 21 octobre 1996. L'ADECO indique également que, avant la signature de la convention collective, l'enregistrement de l'USO en tant que syndicat avait été annulé par décision administrative (no 0040430 du 20 décembre 1996), en vertu d'un accord de fusion de l'USO avec une autre organisation (ASOPETROL) et que, le 16 mai 1997, l'ADECO a proposé sans succès à l'entreprise un accord distinct de la convention collective («accord ECOPETROL-ADECO») qui sauvegardait les droits de ses affiliés. L'ADECO souligne qu'elle n'avait pas autorisé l'USO à signer des accords au nom de ses affiliés.

120. Selon l'ADECO, les autorités n'ont pas jusqu'ici rendu de décision favorable au sujet du recensement syndical; deux recours ont donc été présentés, dont le dernier, qui remonte à septembre 1997, n'a pas abouti du fait de la négligence et de la mauvaise volonté des autorités. Ce recensement servirait à déterminer le champ d'application de la nouvelle convention collective. L'entreprise soutient néanmoins que l'USO assure la représentation de l'ADECO; c'est pourquoi l'USO perçoit - de façon injustifiée - les cotisations syndicales ordinaires et exceptionnelles sur les salaires des affiliés à l'ADECO. L'ADECO souligne que, d'un point de vue juridique, la convention collective en question ne lui est pas applicable. Par ailleurs, selon l'ADECO, l'entreprise, par l'intermédiaire de la vice-présidente responsable des transports, aurait exercé des pressions sur les membres de l'ADECO, peu avant la signature de la convention collective, afin que ceux-ci démissionnent de leur organisation; à cette fin, l'entreprise a fait préparer des lettres de démission par ses représentants et a fait savoir aux intéressés que ceux qui ne démissionneraient pas perdraient leur prime semestrielle (ce qui s'est produit ultérieurement). C'est ainsi que 110 démissions ont été présentées à la fin mai 1997. En outre, en application de la convention collective illégale, les membres de l'ADECO se sont vu imposer le même régime que les travailleurs affiliés à l'USO; ils perçoivent ainsi des augmentations de salaire moins élevées, des indemnités de subsistance calculées selon un tarif unique et des prestations réduites pour l'éducation des enfants de syndiqués, la prime semestrielle qui devait être versée le 30 mai et le 30 novembre de chaque année ne l'a pas été, etc. En outre, l'ADECO se voit dénier ses droits syndicaux, y compris l'immunité syndicale, les congés syndicaux et le droit de participer aux commission paritaires. Quatre-vingt-dix pour cent des membres de l'ADECO ont donc présenté leurs lettres de démission (qui leur avaient été remises par des messagers de l'entreprise); les effectifs de l'ADECO sont ainsi tombés de 300 personnes à 35.

121. Enfin, l'ADECO demande qu'il soit mis fin à toutes les infractions à la législation et que le recensement syndical dans l'entreprise soit effectué, puisqu'il n'est pas démontré que l'USO assure la représentation de plus de 50 pour cent des travailleurs. L'ADECO signale que l'administration du travail n'a pas donné suite aux plaintes en violation du droit d'organisation qu'elle a présentées en décembre 1996 et en janvier et mai 1997 et ne les a pas transmises au Procureur général de la nation.

B. Réponse du gouvernement

122. Dans sa communication du 15 janvier 1999, le gouvernement se réfère aux assertions de l'organisation plaignante, qui peuvent se résumer comme suit: 1)validité de l'accord no 01 de 1977 conclu par l'administration d'ECOPETROL et application de cet accord aux membres de l'ADECO, ainsi qu'aux cadres, techniciens et personnes occupant des postes de confiance non syndiqués; 2) non-discrimination (en ce qui concerne l'égalité de traitement, l'affiliation syndicale et la négociation collective) de la part de l'entreprise à l'égard des travailleurs syndiqués lorsqu'elle signera des conventions collectives ou actualisera l'accord no01 de 1977; 3) cessation de la part d'ECOPETROL des actes attentatoires à la liberté syndicale de l'ADECO, octroi de facilités à cette organisation, y compris sa reconnaissance, et absence de traitement préférentiel en faveur des autres syndicats; 4) paiement des augmentations salariales et de la prime semestrielle ainsi que des autres prestations dans les conditions prévues par l'accord no 01 de 1977; 5)décision au sujet des plaintes présentées par l'ADECO devant l'administration du travail et au sujet du recensement syndical que cette organisation a demandé afin de déterminer le champ d'application de la convention collective du 27 mai 1997.

123. En ce qui concerne les points 1 à 4, le gouvernement déclare que, à la date de la communication que lui a envoyée le Comité de la liberté syndicale de l'Organisation internationale du Travail, aucune plainte à ce sujet n'avait été présentée par l'ADECO au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, à qui il incombe de veiller au respect des dispositions légales et conventionnelles concernant le travail et la sécurité sociale. Sur la base des informations fournies par l'OIT au sujet de cette plainte, qui suppléent à la décision des intéressés eux-mêmes, le fonctionnaire compétent de l'administration a reçu instruction d'ouvrir immédiatement une enquête sur cette affaire, remédiant d'office à l'omission des plaignants, afin de vérifier les faits allégués et de prendre, le cas échéant, les sanctions appropriées. Lorsqu'il sera en possession de la décision définitive statuant sur la plainte que l'ADECO a présentée par l'intermédiaire du Comité de la liberté syndicale, le gouvernement communiquera un rapport.

124. En ce qui concerne le cinquième point, le gouvernement déclare qu'il faut tenir compte du fait que, par décision du 21 octobre 1998, le fonctionnaire chargé de l'affaire a accepté le désistement de l'ADECO en date du 8 octobre 1998, de sorte que le dossier relatif à la demande de recensement syndical a été classé (copie jointe). En conséquence, le gouvernement réfute énergiquement ce point, le demandeur ayant exercé son droit et s'étant désisté sans en informer le Comité de la liberté syndicale en temps opportun, démontrant ainsi clairement son intention malveillante et son irresponsabilité par le fait qu'il a mis en route un mécanisme international après avoir dessaisi les autorités nationales de ce cas.

C. Conclusions du comité

125. Dans le présent cas, l'organisation plaignante (l'ADECO) allègue que, au cours du processus de négociation collective, le syndicat USO et l'entreprise ECOPETROL l'ont exclue et ont conclu une convention collective (dont elle conteste la légalité) qui s'appliquait également à ses affiliés, alors que l'effectif de l'autre syndicat (l'USO) n'était pas supérieur à 50 pour cent des travailleurs de l'entreprise (condition légale pour négocier au nom de tous les travailleurs). Selon l'organisation plaignante, il en est résulté que ses affiliés ont perdu les droits acquis dont ils jouissaient en vertu d'un accord conclu par l'administration d'ECOPETROL en 1997 (accord dont l'ADECO revendique la validité), qu'ils font l'objet d'une discrimination par rapport aux droits et prestations des autres travailleurs, que l'ADECO a perdu des garanties syndicales comme l'immunité syndicale, les congés syndicaux, etc., et que ses affiliés sont obligés de payer des cotisations à l'USO. Par ailleurs, l'organisation plaignante fait observer que le ministère du Travail n'a pas procédé au recensement syndical que l'ADECO demandait afin de déterminer la représentativité des deux syndicats opérant dans l'entreprise et elle souligne que l'USO n'a pas respecté un accord conclu avec l'ADECO qui garantissait à celle-ci non seulement la présentation conjointe d'un cahier de revendications lors des négociations, mais aussi la présence d'un négociateur de l'ADECO lors des négociations. Enfin, l'ADECO allègue qu'à l'époque où la convention collective a été signée, des représentants de l'entreprise ont fait pression sur les travailleurs pour les amener à démissionner de leur organisation, ce qui a entraîné des démissions massives de la part de ses affiliés.

126. Le comité note qu'au dire du gouvernement le fonctionnaire compétent a reçu instruction d'ouvrir immédiatement une enquête au sujet des allégations, car l'organisation plaignante n'avait pas formulé de plainte auprès du ministère du Travail au sujet de plusieurs questions qu'elle soulève dans le présent cas. Le comité note aussi que l'ADECO s'est désistée le 8 octobre 1998 devant l'autorité compétente de sa demande de recensement syndical à ECOPETROL. Le comité prie l'organisation plaignante de fournir des éclaircissements sur ce désistement.

127. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de lui communiquer sans retard les résultats de l'enquête ouverte au sujet des différents aspects de ce cas qui devra couvrir toutes les allégations présentées par l'organisation plaignante.

Recommandations du comité

128. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandation suivantes:

III. Plainte concernant la non-application par la Colombie
de la convention (n
o87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948,
et de la convention (n
o 98) sur le droit d'organisation
et de négociation collective, 1949, présentée par plusieurs
délégués à la 86
e session (1998) delaConférence
au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT

A. Introduction

129. Lors de la 86esession de la Conférence, le Directeur général a reçu une communication datée du 17juin 1998, signée par M.W. Brett, délégué des travailleurs du Royaume-Uni et Président du groupe des travailleurs, présentée en son nom propre et au nom des délégués des travailleurs ci-après désignés: M.C.Agyei (Ghana), M. A. Alvis Fernández (Colombie), M. K. Ahmed (Pakistan), M.L. Basnet (Népal), M. M. Blondel (France), M. U. Edström (Suède), MmeU. Engelen-Kefer (Allemagne), M. R. Falbr (République tchèque), M. S. Ito (Japon), M. Y. Kara (Israël), M. I. Mayaki (Niger), M. J. Miranda de Oliveira (Brésil), M.B. Mpangala (République-Unie de Tanzanie), MmeP.O'Donovan (Irlande), M.J.C. Parrot (Canada), M. W. Peirens (Belgique), M. F. Ramírez León (Venezuela), M. Z. Rampak (Malaisie), M. I. Sahbani (Tunisie), M. A. Sánchez Madariaga (Mexique), M. M. Shmakov (Fédération de Russie), M. G. Sibanda (Zimbabwe), M. L. Trotman (Barbade), M. T. Wojcik (Pologne) et M.J.Zellhoefer (Etats-Unis), par laquelle ils déposaient, au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, une plainte contre le gouvernement de la Colombie pour n'avoir pas adopté les mesures propres à assurer d'une manière satisfaisante l'exécution de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le texte de ladite communication et des documents qui l'accompagnent est reproduit en annexe. A sa 272esession, le Conseil d'administration a été informé par le Directeur général de la réception de cette plainte.

130. L'article 26 de la Constitution de l'OIT dispose que:

1.Chacun des Membres pourra déposer une plainte au Bureau international du Travail contre un autre Membre qui, à son avis, n'assurerait pas d'une manière satisfaisante l'exécution d'une convention que l'un et l'autre auraient ratifiée en vertu des articles précédents.

2.Le Conseil d'administration peut, s'il le juge à propos, et avant de saisir une Commission d'enquête selon la procédure indiquée ci-après, se mettre en rapport avec le gouvernement mis en cause de la manière indiquée à l'article 24.

3.Si le Conseil d'administration ne juge pas nécessaire de communiquer la plainte au gouvernement mis en cause, ou, si cette communication ayant été faite, aucune réponse ayant satisfait le Conseil d'administration n'a été reçue dans un délai raisonnable, le Conseil pourra former une Commission d'enquête qui aura pour mission d'étudier la question soulevée et de déposer un rapport à ce sujet.

4.La même procédure pourra être engagée par le Conseil soit d'office, soit sur la plainte d'un délégué à la Conférence.

5.Lorsqu'une question soulevée par l'application des articles 25 ou 26 viendra devant le Conseil d'administration, le gouvernement mis en cause, s'il n'a pas déjà un représentant au sein du Conseil d'administration, aura le droit de désigner un délégué pour prendre part aux délibérations du Conseil relatives à cette affaire. La date à laquelle ces discussions doivent avoir lieu sera notifiée en temps utile au gouvernement mis en cause.

131. La convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ont été ratifiées par la Colombie le 16novembre 1976 et sont par conséquent entrées en vigueur pour ce pays à partir du 16novembre 1977. A la date du dépôt de leur plainte, tous les plaignants étaient délégués des travailleurs de leur pays respectif à la 86esession de la Conférence. Ils étaient par conséquent habilités, en vertu du paragraphe4 de l'article 26 de la Constitution, à déposer une plainte contre la Colombie si, à leur avis, le gouvernement de ce pays n'avait pas adopté des mesures propres à assurer d'une manière satisfaisante l'exécution desdites conventions.

132. Les plaignants ont demandé que leur plainte soit renvoyée devant une commission d'enquête, conformément aux dispositions du paragraphe3 de l'article26 de la Constitution. Il appartient au Conseil d'administration de se prononcer sur cette demande.

B. Texte de la plainte présentée au titre de l'article 26
delaConstitution de l'OIT

133. On trouvera ci-après le texte de la plainte et des annexes qui en font partie.

(Traduction)

M. Michel Hansenne
Secrétaire général
86e session de la Conférence internationale du Travail
Genève

Genève, le 17 juin 1998

Monsieur le Secrétaire général,

J'ai été habilité par les délégués des travailleurs à la Conférence, ci-après désignés, à déposer, en leur nom, une plainte au titre de l'article26.4 de la Constitution contre le gouvernement de la Colombie pour non-application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, qui toutes deux ont été ratifiées par la Colombie. Les plaignants sont:

Dans les documents joints, la plainte est exposée quant au fond, mais les plaignants se réservent le droit de produire des informations complémentaires, conformément à la procédure établie.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Secrétaire général, l'assurance de ma haute considération.

W. Brett,
Président du groupe des travailleurs,
86e session de la Conférence internationale du Travail.


M. Michel Hansenne
Directeur général du Bureau international du Travail
Genève

Genève, le 12 juin 1998

Monsieur le Directeur général,

Nous, soussignés, délégués des travailleurs à la 86esession de la Conférence internationale du Travail, avons l'honneur de déposer, au titre de l'article26 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, une plainte contre le gouvernement de la Colombie pour ne pas avoir adopté les mesures propres à assurer d'une manière satisfaisante l'exécution de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

La Colombie est Membre de l'OIT depuis 1919 et, partant, a depuis cette date l'obligation de respecter les dispositions de la Constitution de l'Organisation. Elle est en outre partie aux conventions nos87 et 98 qu'elle a ratifiées en 1976.

La plainte repose sur les faits suivants:

PREMIÈREMENT: pour ce qui a trait à la convention no 87 de l'OIT surlaliberté syndicale et la protection du droit syndical

Les cas portés devant le Comité de la liberté syndicale

Depuis 1988 jusqu'à ce jour, le Comité de la liberté syndicale a été saisi de 26cas alléguant des violations de la convention no87. Certains cas comportent également des violations de la convention no98.

Parmi les violations de la liberté syndicale portées à la connaissance du comité, nombreux sont les cas où celles-ci prennent la forme de violences perpétrées à l'encontre de syndicalistes qui ont porté atteinte à leur vie, à leur intégrité, à leur liberté et à leur droit de ne pas être déplacés.

En 1987, le comité a examiné le cas no1343 et, dans ses conclusions, il a fait observer au gouvernement de la Colombie que les droits syndicaux ne pouvaient s'exercer normalement que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme et «...dans un climat exempt de violence, de pressions, de craintes et de menaces de tous ordres»(1).

Des allégations de violences à l'encontre de syndicalistes ont également été formulées dans les cas nos1434, 1477, 1761 et 1787.

En 1989, dans son 265erapport, le comité a signalé que «...sans aucun doute, il se trouvait là devant l'un des cas les plus graves qui lui eût été soumis en ce qui concerne le respect du droit à la vie ... et que la situation dramatique de violence à laquelle était confrontée la Colombie empêchait le plein exercice d'activités syndicales».

La violence en Colombie s'est traduite, pour la seule année 1997, par la mort de 156syndicalistes et dirigeants syndicaux, par la disparition forcée de dix autres, par le déplacement forcé de 342 militants et dirigeants syndicaux, par l'emprisonnement de neuf autres ainsi que par neuf attentats à leur vie. Les premiers mois de l'année 1998 offre un panorama non moins désolant: le 27février, à Medellín, Jesús María Valle Jaramillo, président du Comité des droits de l'homme de cette ville, bien connu pour avoir défendu des militants et des dirigeants syndicaux, a été assassiné dans son étude d'avocat; le 18avril, le juriste Eduardo Umaña Mendoza, qui avait assuré la défense de plusieurs syndicalistes du Syndicat ouvrier actuellement poursuivis par la justice dite sans visage, a été à son tour assassiné à son domicile de Bogota. Deux jours plus tôt, María Arango, ancienne militante, avait elle aussi été assassinée chez elle par des tueurs à gages; au cours des trois derniers mois, plus de dix massacres ont été perpétrés, et dans la plupart des cas, les victimes étaient des travailleurs agricoles.

Le Comité de la liberté syndicale, dans son 309erapport correspondant à la première réunion de l'année en cours, a souligné que le cas de la Colombie (no1787) était, en matière de liberté syndicale, l'un des trois cas les plus graves dans le monde.

Tout ce qui précède démontre que le gouvernement de la Colombie n'a en pratique pris aucune des mesures nécessaires et appropriées pour garantir le libre exercice du droit d'organisation et a laissé se perpétuer en toute impunité les crimes commis contre les syndicalistes et les dirigeants syndicaux, et que les menaces, les déplacement forcés, les assassinats, les disparitions et les autres violations dont ils font l'objet ont continué, rendant impossible le libre exercice du droit d'association. Ce faisant, le gouvernement de la Colombie a failli à son devoir de protéger et de garantir les droits syndicaux.

Les observations de la Commission d'experts pour
l'application des conventions et recommandations

De même, depuis plus de dix ans maintenant, la commission d'experts se préoccupe de l'application de la convention no87 et a formulé à maintes reprises des observations et des demandes directes visant à obtenir du gouvernement colombien qu'il mette la législation nationale de son pays en conformité avec cet instrument.

En 1987, la commission d'experts a fait savoir qu'elle «saurait gré au gouvernement colombien d'indiquer dans son prochain rapport les mesures qu'il pourrait prendre pour mettre sa législation en conformité avec la convention, à la lumière des commentaires formulés».

En 1989, la commission d'experts a estimé que «la législation [colombienne] viole les dispositions de la convention sur de nombreux points».

En 1990, la commission a pris note «des assurances données par le gouvernement dans son dernier rapport concernant la création d'une commission spéciale chargée d'examiner l'ensemble de la législation du travail actuellement dépassée à la lumière de ses commentaires afin d'harmoniser la législation avec les conventions de l'OIT»(2).

En 1991 et 1992, les travailleurs et la commission d'experts se sont félicités de la promulgation de la nouvelle Constitution de la République de Colombie qui prévoit, à son article 53, l'incorporation dans le droit interne des conventions du travail dûment ratifiées et qui établit, à son article 93, la primauté des instruments de droit international -non susceptibles de limitation ou de suspension dans les situations d'exception- sur le droit interne. L'espoir qu'avait fait naître cette nouvelle Constitution s'est évanoui devant la réalité puisque le gouvernement n'a pas pris les mesures nécessaires pour adapter la législation colombienne aux conventions.

L'absence de conformité législative entre le droit national et le droit international se maintient en Colombie en dépit du mandat constitutionnel. Les projets de loi que le gouvernement a élaborés -avec le concours notamment de missions techniques de l'OIT- ont parfois été abandonnés en cours de processus législatif, sans que le gouvernement ait usé des instruments prévus par la Constitution colombienne pour les promouvoir. D'autres projets de loi n'ont pas même été soumis au Congrès, sept ans après l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution; c'est le cas par exemple du projet de loi portant définition des services essentiels en relation avec le droit de grève.

Dans le rapport qu'elle a soumis à la Conférence, à sa 86esession, la commission d'experts prend note de ce qui s'est passé avec le projet de réforme du Code substantif du travail qui avait été préparé par la mission de contacts directs du BIT en 1996 et souligne «... avec insistance la nécessité de modifier ou supprimer, dans les plus brefs délais, les dispositions mentionnées du Code substantif du travail afin de mettre la législation en conformité avec la convention»(3).

Comme on peut le constater, il est facile de conclure à une violation systématique de la convention no87 de l'OIT.

DEUXIÈMEMENT: pour ce qui a trait à la convention no 98
surle droit d'organisation et de négociation collective

Les cas portés devant le Comité de la liberté syndicale

Comme il a été signalé dans la première partie, sur les vingt-six cas examinés depuis 1987 par le comité, nombreux sont ceux qui font état de violations de la convention no87, et c'est la raison pour laquelle nous nous bornerons à faire référence à deux cas parmi les plus récemment traités. Il s'agit du cas no1916 et du cas no1925. Dans le premier d'entre eux, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire réintégrer à leurs postes de travail les 209 travailleurs licenciés pour avoir participé à une grève dans une entreprise publique de caractère municipal, et lui demande aussi de prendre des mesures pour qu'à l'avenir ce soit un organe indépendant et non l'autorité administrative qui se prononce sur la légalité des grèves. Bien qu'il ait eu connaissance de cette décision depuis le début du mois de mars de l'année en cours, le gouvernement s'est néanmoins abstenu de prendre les dispositions nécessaires pour lui donner effet, prenant prétexte de l'autonomie des municipalités.

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement ignore des recommandations de cette nature, ainsi que la commission d'enquête pourra le démontrer aisément.

Dans le cas no1925, le gouvernement a adopté la même attitude: il n'a rien fait pour donner suite aux recommandations du comité. Les «statuts particuliers applicables aux travailleurs non syndiqués» qui offriraient de meilleures conditions aux travailleurs non couverts par une convention collective, sont un des moyens utilisés en Colombie pour détruire de nombreuses organisations syndicales. Il est du devoir du gouvernement de procéder aux modifications légales nécessaires pour empêcher de tels comportements. De même, il se doit de prendre les mesures administratives nécessaires pour sanctionner les employeurs qui portent atteinte au droit de négociation collective.

Les deux cas qui précèdent démontrent clairement que le gouvernement colombien ne s'acquitte nullement de son obligation de protéger et de garantir les droits à la liberté syndicale et à la négociation collective.

Les observations de la commission d'experts

Ainsi qu'il ressort du dernier rapport préparé par la commission d'experts en vue de la 86esession de la Conférence, la commission se préoccupe «depuis plusieurs années» des disparités qui existent entre le droit interne et la convention no98 et insiste sur la nécessité de procéder aux adaptations nécessaires. Les points sur lesquels elle revient le plus fréquemment dans ses observations et ses demandes directes sont le droit à la négociation collective des agents de l'Etat, le droit des fédérations et des confédérations syndicales de négocier collectivement, de décider une grève et le droit de grève dans les services publics qui ne peuvent être qualifiés d'essentiels au sens strict du terme.

En dépit des efforts incessants déployés par la commission d'experts pour obtenir du gouvernement colombien qu'il respecte la convention et procède aux réformes nécessaires, la même situation prévaut aujourd'hui qu'il y a dix ans. Le gouvernement ne s'acquitte en aucune manière de l'obligation qu'il a contractée de respecter la convention no98.

TROISIÈMEMENT: les débats à la Conférence

Sans vouloir s'appesantir trop longuement sur la question, il convient de rappeler de quelle manière, depuis plus de dix ans, la Commission de l'application des normes de la Conférence invite le gouvernement de la Colombie à discuter des difficultés rencontrées dans l'application des conventions nos87 et 98 et lui a consacré un paragraphe spécial à deux reprises, la plus récente remontant à 1990. En dépit de tous leurs efforts, la Conférence et la commission d'experts ne sont pas parvenues à obtenir des gouvernements successifs qu'ils fassent droit aux requêtes de la communauté internationale dans les domaines visés par la présente plainte.

Pour témoigner de la volonté de l'OIT de contribuer à l'amélioration de la situation en matière de liberté syndicale, on notera que trois missions de contacts directs ont été organisées au cours des dix dernières années, lesquelles ont obtenu de la part du gouvernement des engagements qu'il n'a jamais pleinement honorés.

Fondement juridique et objet de la demande

Les soussignés déclarent que la présente plainte se fonde sur le paragraphe4 de l'article26 de la Constitution et qu'ils agissent en qualité de délégués à la 86esession de la Conférence.

Pour ce qui est du gouvernement de la Colombie qui ignore les recommandations du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT et de la commission d'experts, ils demandent que la présente plainte soit étudiée par une commission d'enquête qui rendra son rapport dans les conditions prévues au paragraphe3 de l'article26 de la Constitution de l'OIT. Ils demandent en outre que les questions pendantes devant le Comité de la liberté syndicale et la commission d'experts soient également traitées par la commission d'enquête.

En annexe, figure le rapport présenté par les travailleurs colombiens à la 86esession de la Conférence internationale du Travail qui doit être considéré comme partie intégrante de la plainte.

[Cette annexe est reproduite ci-dessous.]

Rapport des centrales syndicales à la 86e session de la Conférence
internationale du Travail (envoyé en annexe à la plainte
présentée au titre de l'article 26 de la Constitution)

Introduction

La délégation syndicale de la Colombie à la 86e session de la Conférence internationale du Travail, qui se composait de la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) et de la Confédération générale des travailleurs démocrates (CGTD), a décidé de saisir la Conférence internationale du Travail, en cours de session, d'un rapport consacré à l'exercice des droits à la liberté syndicale en Colombie, afin de démontrer l'absence de volonté politique de l'Etat colombien et la démission des gouvernements successifs face aux obligations contractées par la Colombie, en sa qualité de Membre de l'Organisation internationale du Travail et d'Etat partie aux conventions nos87 et98. Depuis de longues années, les organes de contrôle de l'Organisation demandent au gouvernement des mesures concrètes, et les représentants gouvernementaux à la Conférence ont réitéré l'engagement de leur gouvernement d'agir en conséquence, or cet engagement est resté lettre morte.

Une des questions fondamentales abordées dans ce rapport est celle de l'impunité dont jouissent des personnes qui se rendent coupables de violations à l'égard des droits des syndicalistes et des dirigeants syndicaux. Les actes de violence perpétrés à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes doivent sans nul doute être considérés comme le principal obstacle à la liberté syndicale en Colombie, violence aggravée par une impunité de plus en plus flagrante et l'absence de toute volonté politique d'y mettre un terme.

En 1997, le mouvement syndical colombien a commémoré tristement dix années de calvaire. L'année 1987 a marqué le début d'une escalade d'assassinats, de disparitions, de tortures et de persécutions perpétrés à l'encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux. C'est à ces tristes pratiques que la Colombie doit le titre de pays le plus dangereux en ce qui concerne l'exercice des droits fondamentaux à la liberté syndicale et à la négociation collective.

Ce sont des agents de l'Etat, des paramilitaires et la guérilla qui sont responsables des actes de violence commis à l'encontre du syndicalisme. Aujourd'hui, en 1998, on constate que la situation, loin de s'être améliorée, s'est gravement détériorée.

L'intolérance des acteurs d'un long conflit armé porte atteinte à la société dans son ensemble. Le simple exercice du droit de diriger une organisation de travailleurs ou de devenir militant syndical est considéré comme subversif par certains serviteurs de l'Etat ou paramilitaires qui voient dans le syndicalisme un allié de l'insurrection, d'autant plus que certaines forces de la guérilla poursuivent d'anciens sympathisants qui ont opté pour des tendances politiques différentes, parce qu'ils les considèrent comme des «traîtres».

Il en ressort que, pour être complexe, le panorama n'en est pas moins clair. Il ne fait aucun doute, à nos yeux, que si la volonté politique existait, il serait aisé d'identifier les «cerveaux» qui sont à l'origine des crimes dénoncés au cours de ces années devant les organes de contrôle de l'Organisation internationale du Travail et devant la Conférence internationale du Travail, instance suprême de l'Organisation.

Certains des délégués qui se trouvent aujourd'hui dans cette enceinte ont été la cible de menaces pour avoir simplement exercé une activité syndicale. Nous revendiquons notre droit de rendre compte de la situation, en tant que témoins directs de la réalité que vit la Colombie dans ce domaine.

L'autre point sur lequel insiste le rapport concerne la façon dont les gouvernements de la Colombie ont fait la sourde oreille aux demandes formulées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recomman-dations en vue d'adapter le droit interne et la pratique nationale aux grands principes établis par les conventions nos87 et98.


1. Voir 251erapport du Comité de la liberté syndicale, Bulletin officiel, vol.LXX, 1987, sérieB, no2, pp.90-96, paragr.323-333, et 246erapport, Bulletin officiel, vol.LXIX, 1986, sérieB, no3.

2. Voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. RapportIII (Partie4A), Conférence internationale du Travail, 77esession, 1990.

3. Voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie1A), Conférence internationale du Travail, 86esession, 1998, pp.183-184.


La Colombie: sa situation géographique et ses caractéristiques

La Colombie est située à l'extrémité nord-ouest de l'Amérique du Sud: les pays limitrophes sont le Venezuela, le Brésil, le Pérou, l'Equateur et le Panama. Elle est bordée au nord, par l'océan Atlantique et à l'ouest, par l'océan Pacifique. Aux termes de la Constitution adoptée en 1991, la Colombie est un Etat social de droit organisé sous la forme d'une République unitaire(1). Les pouvoirs publics se trouvent répartis en trois branches: le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif.

Avec une superficie de 1141748km2, la Colombie compte une population de près de 35millions d'habitants. Le taux de syndicalisation y est inférieur à 8pour cent de la population active.

Ainsi que nous l'avons déjà fait observer au cours de l'année passée, le fait que le rapport des centrales syndicales se concentre sur la liberté syndicale ne signifie pas que le gouvernement colombien applique pleinement les autres conventions qu'il a ratifiées. Nous avons décidé d'insister sur les violations de la liberté syndicale parce que si l'exercice de ce droit n'est pas garanti, nous sommes convaincus que les autres droits des travailleurs ne peuvent être pleinement défendus par leurs représentants.

Au cours de la dernière décennie, en Colombie, il a été fait usage de la violence pour poursuivre les syndicalistes et les dirigeants syndicaux en raison de leurs activités, comme l'ont déjà constaté les organes de contrôle de l'OIT et d'autres organismes de la communauté internationale. La législation du travail colombienne, adoptée avant la promulgation de la nouvelle Constitution de 1991, est restrictive en ce qui concerne l'exercice des droits accordés à la population, et le système judiciaire n'est pas adapté pour remédier à l'impunité dont jouit quiconque se livre à des actes de violence contre ceux qui exercent leurs droits syndicaux et contre la population en général.

Un rapport différent: la situation des dirigeants syndicaux
et des syndicalistes continue de se dégrader
et le gouvernement reste impassible

Le rapport que nous présentons aujourd'hui diffère de ceux que les centrales syndicales avaient porté à l'attention de la Conférence internationale du Travail, lors de ses dernières sessions, en ce qu'il s'abstient de présenter une description détaillée des événements survenus depuis la dernière session. Il ne nous paraît pas utile de reprendre le récit détaillé des tragiques événements qui, en Colombie, entravent le plein exercice de la liberté syndicale, car une telle démarche n'a plus de sens lorsque l'Etat colombien, par delà le gouvernement en place, ne manifeste aucun désir de surmonter les divergences qui existent entre la pratique et les obligations qu'il a contractées au niveau international dans ce domaine, ni aucune volonté d'adapter le droit interne aux grands principes consacrés par les conventions nos87 et98, en dépit des demandes instantes de l'OIT et de la communauté internationale en général.

Il n'est nullement exagéré d'affirmer que les représentants du gouvernement colombien se sont appliqués pendant plus de dix ans à tromper la communauté internationale, en prenant des engagements qu'ils n'ont ensuite pas honorés et en réitérant année après année leurs promesses jamais tenues.

Cette année, nous souhaitons attirer l'attention de la Conférence internationale du Travail sur les aspects les plus graves de la situation complexe que nous dénonçons en ce qui concerne la violation de la liberté syndicale en Colombie. Il s'agit:

A cet effet, nous nous efforcerons de récapituler les demandes et les initiatives prises par l'OIT au cours des dix dernières années, et nous montrerons en parallèle quelles ont été les mesures prises par le gouvernement colombien.

Colombie: une longue histoire d'impunité et d'outrage à l'OIT

Depuis 1987, plus de 2000syndicalistes et dirigeants syndicaux sont morts assassinés. Au cours de la seule année 1997, 156d'entre eux ont été assassinés, neuf ont été victimes d'attentats, neuf ont été emprisonnés, 342ont fait l'objet de déplacements forcés, dix ont disparu, et des cas de tortures ont été signalés(2).

Pour préparer ce rapport, nous avons procédé à une révision de tous les cas déjà examinés par le Comité de la liberté syndicale ainsi que des observations formulées par la commission d'experts depuis 1987, en nous basant sur les documents officiels de l'OIT.

1987: Le Comité de la liberté syndicale demande
que les criminels soient châtiés

En 1987 déjà, lors de l'examen du cas no1344, le comité avait formulé ses conclusions, en tenant compte des observations du gouvernement selon lesquelles des procédures pénales avaient été engagées et, dans certains cas, «le classement provisoire du dossier avait été ordonné», faute d'avoir pu identifier les coupables. Le comité avait alors exprimé «... l'espoir que les enquêtes permettraient d'identifier les responsables et de châtier les coupables». Il s'était référé aux conclusions générales formulées lors d'un examen antérieur du cas [voir 246erapport, cas no1343, paragr.408] lors duquel il avait estimé qu'il convenait «d'adopter toutes les mesures adéquates pour garantir que ... les droits syndicaux puissent s'exercer normalement, dans le respect des droits fondamentaux de l'homme etdans un climat exempt de violence, de pressions, de craintes et de menaces de tous ordres»(3). Dans son 248erapport, le comité avait également formulé le souhait «que les enquêtes permettraient d'identifier les responsables, de châtier les coupables et de retrouver les disparus» et, lors de l'examen du cas no1376, il avait déploré profondément la mort d'un syndicaliste et la disparition de deux autres, et prié le gouvernement de l'informer de l'évolution des enquêtes en cours.

En Colombie, cela fait longtemps déjà - plus de dix ans en fait - que les conditions nécessaires à l'exercice de la liberté syndicale ne sont pas réunies. Les droits civils et politiques tels que le droit à la vie, à l'intégrité ainsi qu'à la liberté individuelle de la population colombienne et en particulier des syndicalistes et des dirigeants syndicaux sont impunément violés. L'exercice du droit légitime de constituer des syndicats et de participer activement à leurs activités ainsi que le droit à la négociation collective servent de prétexte à de mystérieux tueurs à gages pour s'attaquer à la vie de ceux qui les exercent ou à leur liberté individuelle.

1989: La mission Cahier et le Comité de la liberté syndicale
réclament le démantèlement des groupes paramilitaires

Dans son 259erapport, le comité, dans ses conclusions sur le cas no1434, déclarait:

Le comité doit néanmoins constater que les mesures adoptées par les autorités pour mettre un terme à la violence n'ont pas abouti au résultat espéré et que, au contraire, la situation quant à la protection du droit à la vie s'est nettement dégradée depuis la dernière mission de contacts directs effectuée en 1986 puisque les assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes se sont multipliés.

A cette occasion, le comité, faisant sien le rapport de la mission Cahier, avait insisté sur la nécessité «d'adopter des mesures énergiques pour démanteler les groupes paramilitaires et de renforcer de manière radicale en personnel et en moyens le pouvoir judiciaire»(4). Le rapport Cahier, annexé à l'examen du cas cité, contient les observations suivantes: «le reproche principal adressé au gouvernement réside dans son inaction. Les autorités ont, à plusieurs reprises, indiqué publiquement leur attachement à la paix et leur désir de faire respecter la légalité. Mais cela ne semble pas se traduire dans des actions aboutissant à des résultats convaincants». Par ailleurs, «en ce qui concerne la justice, les syndicats ont souligné à plusieurs reprises que les enquêtes n'aboutissent pas et qu'il n'y a pas de poursuites contre les auteurs des crimes. Toutes les personnes rencontrées ont insisté sur l'impunité dont jouissent les assassins. Cette impunité mène à un surcroît de violence»(5).

On constate en effet que, depuis lors, la violence s'est considérablement développée en Colombie et que le nombre de victimes, syndicalistes ou dirigeants syndicaux, n'a cessé d'augmenter.

Colombie: un des cas les plus graves de violation du droit à la vie.
Le comité exprime sa déception devant l'inaction du gouvernement

Lors de l'examen du cas no1477, le comité faisait observer toujours en 1989, dans son 265erapport, qu'il «...se trouvait là devant l'un des cas les plus graves qui lui eût été soumis en ce qui concerne le respect du droit à la vie ... et que la situation dramatique de violence à laquelle était confrontée la Colombie empêchait le plein exercice d'activités syndicales».

En l'occurrence, le comité exprimait «... sa déception, [réitérait] les conclusions et recommandations qu'il avait formulées à sa réunion de novembre 1988 et se [voyait] obligé de conclure à sa présente session que le gouvernement n'[avait] pas encore adopté toutes les mesures nécessaires et appropriées qui lui avaient été demandées pour garantir aux militants et aux dirigeants syndicaux le droit à la vie qui est la condition première de l'exercice des droits consacrés dans la convention no87»(6).

Dix ans se sont écoulés et aucun des gouvernements qui ont été en charge du pays depuis lors n'a pris les mesures nécessaires pour protéger la vie des syndicalistes, des dirigeants syndicaux et des militants; quant aux groupes paramilitaires dont le comité réclame depuis 1989 la surveillance et le démantèlement, ils ont consolidé leur position et se sont développés, notamment dans les zones qui se caractérisent par la présence d'importantes forces militaires, et ils ont étendu leur occupation territoriale à la plus grande partie du pays.

Nécessité de prendre des mesures en vue de supprimer
l'action des groupes paramilitaires, d'identifier
et de châtier les assassins de syndicalistes
et de prévenir la répétition d'actes de violence
à l'encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux

L'action menée par le Comité de la liberté syndicale contre l'impunité en Colombie a été à la fois pertinente, persévérante, récurrente et énergique. Le gouvernement, fidèle à son attitude traditionnelle, a continué à faire état des mesures qu'il avait prises, mais, en fait, n'a nullement manifesté de volonté politique de mettre un terme à la grave impunité dont jouissent les assassins de syndicalistes et de dirigeants syndicaux et, plutôt que de combattre les groupes paramilitaires, leur a permis de se développer au point qu'aujourd'hui leur projet criminel s'étend à la plus grande partie du territoire national.

Lors de sa troisième réunion de 1990, le comité a repris l'examen de la situation de violence et d'impunité en Colombie sur la base de l'étude qu'il avait faite des cas nos1434 et1477, et dans son 275erapport, il a formulé les recommandations ci-après:

... le comité tient à exprimer sa plus profonde consternation face au nombre élevé de dirigeants syndicaux et de syndicalistes assassinés ou ayant disparu. Il estime que, bien que le nombre d'assassinats et de disparitions par rapport à 1987 et 1988 ait diminué, la situation demeure extrêmement grave et qu'elle est contraire aux exigences des conventions sur la liberté syndicale que la Colombie a ratifiées. Etant donné que les mesures adoptées pour mettre fin à la violence dont fait l'objet le mouvement syndical se sont manifestement révélées insuffisantes, le comité insiste une fois de plus auprès du gouvernement pour qu'il continue à prendre des mesures tendant à éliminer totalement les groupes paramilitaires ou d'autodéfense et à renforcer les effectifs et moyens dont dispose le pouvoir judiciaire...(7).

A cette même occasion, le comité a également constaté avec préoccupation que, selon les informations fournies par le gouvernement colombien lui-même, «les enquêtes judiciaires engagées depuis 1986 ont permis, en de rares exceptions seulement, d'identifier ou de condamner les coupables présumés des assassinats et enlèvements»(8).

Lorsqu'il a examiné les cas nos1434 et 1477 à sa première réunion de 1993, le comité s'est déclaré préoccupé par la situation difficile à laquelle se trouvait confrontée la Colombie et a déploré «profondément, une fois de plus, la gravité des allégations relatives à la mort et à la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes». A cette occasion, il a prié «instamment le gouvernement de lui indiquer si des enquêtes judiciaires [avaient] été ouvertes en vue d'établir les faits, de poursuivre et de condamner les coupables afin d'éviter que de tels faits ne se reproduisent»(9).

En 1994, lors de l'examen du cas no1686 relatif à une plainte déposée contre le gouvernement de la Colombie, le comité, dans son 294erapport (paragr.296), a déclaré «qu'en ce qui concerne les allégations relatives à l'assassinat de dirigeants et de militants syndicaux, le comité exprime sa profonde préoccupation devant la gravité de ces faits, qu'il déplore et désavoue». Il a rappelé que «les droits syndicaux ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l'encontre des syndicalistes, et qu'il appartient au gouvernement d'assurer le respect de ce principe. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1985, troisième édition, paragr.70.]

En 1995, à nouveau, le comité a procédé à l'examen du cas no1761 et du cas no1787 et, ainsi qu'il est indiqué dans son 297erapport, il a prié instamment le gouvernement «de faire procéder immédiatement à des enquêtes judiciaires afin d'éclaircir pleinement les faits allégués [les crimes commis à l'encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux], de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables des assassinats des dirigeants syndicaux...» mentionnés dans le cadre de la plainte(10).

Le comité a rappelé au gouvernement colombien qu'«il appartient aux gouvernements de garantir le respect» du principe selon lequel «les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes».

A cette occasion, le comité a constaté que «dans des cas antérieurs, les enquêtes judiciaires n'avaient pas permis d'identifier les coupables d'actes de violence similaires à ceux qui étaient allégués» et a formulé l'espoir que dans le présent cas «les faits [seraient] éclaircis et les coupables [seraient] sanctionnés»; il a rappelé à cet égard au gouvernement que «l'absence de jugement contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité...» [voir 292erapport, cas nos1434 et1477 (Colombie), paragr.255](11).

Le gouvernement colombien: entre l'indifférence et l'inaction.
L'impunité persiste

Le comité a été saisi à nouveau d'un cas faisant état, en Colombie, de violences perpétrées à l'encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux au cours des années 1997 et 1998. En 1997, au paragraphe294, alinéas b) etc) de son 306erapport, il formulait les recommandations suivantes:

L'indifférence du gouvernement colombien a amené le comité à appeler l'attention du Conseil d'administration du Bureau international du Travail sur le cas de la Colombie (en particulier sur le cas no1787) qu'il considère comme l'un des trois cas les plus graves dans le monde en matière de liberté syndicale, avec ceux du Nigéria et du Soudan(13).

Le comité a pris acte des communications adressées par le gouvernement le 29mai et le 24juillet 1997, et a formulé les conclusions suivantes: «en premier lieu, avant d'analyser les allégations et les observations communiquées par le gouvernement, le comité souhaite à nouveau faire part de sa profonde préoccu-pation concernant les allégations qui se réfèrent en grande partie à des assassinats, disparitions, agressions physiques, arrestations et menaces de mort contre des dirigeants syndicaux, des syndicalistes et leurs proches, ainsi qu'à des perquisitions au siège de syndicats et au domicile de syndicalistes. A cet égard, le comité constate avec une profonde consternation que les organisations plaignantes ont présenté des allégations sur des actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes quasiment tout au long de l'année 1997. Le comité déplore que, malgré la gravité de la situation, le gouvernement ne réponde qu'à un nombre très limité d'allégations. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour remédier à cette situation(14)

Un peu plus loin, aux paragraphes 84, 85 et 86 de son rapport, le comité a insisté à nouveau sur la grave situation d'impunité et a demandé au gouvernement de prendre des mesures concrètes pour y remédier. Il a formulé à cet égard les conclusions suivantes:

84. Le comité déplore que tout paraît indiquer que la violence antisyndicale n'a pas diminué et que l'impunité des auteurs des actes de violence contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes continue. En effet, depuis le dernier examen de ce cas en novembre 1996, le gouvernement n'a fait savoir, dans aucun cas, que les auteurs de ces actes avaient été arrêtés, jugés et condamnés.

85. Compte tenu de la nature des allégations et de ce que dans le dernier rapport de mission de contacts directs il est indiqué que le Défenseur du peuple dans son rapport devant le Congrès de 1996 a déclaré «qu'il y a encore dans la force publique des éléments qui adoptent des comportements illégaux et arbitraires dans le cadre des activités militaires et de la police» et «qu'il y a encore des milliers de Colombiens qui sont terrorisés par l'action de groupes paramilitaires» [voir 306erapport, p.91], le comité observe que la situation ne s'est pas améliorée depuis lors, et il signale que le gouvernement a pour responsabilité d'assurer que les forces de sécurité aient un comportement correct et qu'elles respectent les droits de l'homme, dans tous les cas et à tout moment. Le comité demande au gouvernement de garantir le respect de ces principes.

86. Ainsi, le comité souligne que «l'assassinat, la disparition ou les lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l'ouverture d'enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquels se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d'empêcher que de tels faits se reproduisent»; et que «l'absence de jugement contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, ce qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 51 et 55.]

Des paragraphes ci-dessus reproduits, qui correspondent au dernier examen du cas no1787 par le comité, il ressort que le gouvernement a contribué par son indifférence et son inaction à aggraver le climat d'impunité qui règne en Colombie. Aujourd'hui, dans ce pays, l'exercice de l'activité syndicale est devenu particulièrement dangereux pour la vie et l'intégrité de la personne, en dépit de la Constitution politique en vigueur qui reconnaît et garantit le droit à la liberté syndicale.

Bilan de l'année écoulée: les faits confirment
les conclusions du comité

Pour résumer en quelques mots ce qui s'est passé au cours de la dernière année, il convient d'évoquer tout d'abord un fait récent. Le samedi18 avril dernier, a été assassiné à son domicile l'avocat Eduardo Umaña Mendoza qui ne s'était pas contenté d'être un éminent défenseur des prisonniers politiques, mais avait également dédié sa vie professionnelle à la cause des droits de l'homme et défendait, au moment de son assassinat, des militants du Syndicat ouvrier poursuivis par la justice dite sans visage. Au cours de l'année écoulée, il avait réussi à démontrer que certaines procédures avaient été engagées sur la base de faux témoignages émanant de personnes qui, profitant de la garantie d'anonymat, avaient fait plusieurs dépositions pour donner à croire qu'il s'agissait de personnes différentes. Le caractère particulièrement lâche de cet assassinat démontre l'existence chez les criminels d'un niveau d'organisation et de décisions qui a suscité dans le pays une grande terreur.

Deux jours auparavant l'assassinat de l'avocat Umaña, María Arango, ancienne militante qui s'était retirée depuis plusieurs années de toute activité syndicale, avait été assassinée, chez elle, à Bogotá. Le 27février, Jesús María Valle Jaramillo, président du Comité des droits de l'homme de Medellín et personnalité connue pour avoir défendu les prisonniers politiques et les militants dans sa région, a également été assassiné dans son étude.

Au cours des quatre derniers mois, on recense plus de dix massacres, dont la plupart ont été perpétrés à l'encontre de travailleurs agricoles. Le 16mai dernier, douzepersonnes ont été massacrées dans la zone urbaine de la localité pétrolière de Barrancabermeja et 34autres personnes ont disparu au cours de la même offensive organisée par des groupes paramilitaires. Ces tragiques événements ont été à l'origine de la grève déclenchée par les travailleurs du secteur pétrolier dans le cadre d'une grève civique appuyée par toute la population de Barrancabermeja.

On trouvera au chapitre III du présent rapport un bref résumé des violations des droits de l'homme perpétrées à l'encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux en 1997.

Divergences entre le droit national
et les conventions nos 87 et 98

Le Code substantif du travail a été promulgué en 1950. Sa teneur initiale démontre que ses rédacteurs avaient une conception particulièrement restrictive des droits syndicaux. Par exemple, les dispositions relatives à l'immunité syndicale et le droit de négocier collectivement ne s'appliquent pas aux «employés publics» qui, du seul fait qu'ils sont employés par l'Etat et quel que soit le niveau de leurs responsabilités dans l'administration publique, voient leurs syndicats privés du droit de participer aux activités politiques; les fédérations et confédérations n'ont pas le droit de convoquer ou de déclencher une grève et la grève est interdite dans les «services publics», au sens large du terme. Les rédacteurs du Code ont fait en sorte que cette législation confère aux autorités administratives des pouvoirs d'intervention trop étendus dans la constitution et les activités des syndicats.

Cette conception restrictive qui caractérisait les premiers rédacteurs s'est encore accentuée pendant les années du gouvernement militaire (1953-1957) qui, en application des pouvoirs que lui conférait l'état d'urgence ou l'état exception, a introduit de nombreuses modifications dans la législation syndicale, et notamment l'octroi à l'autorité administrative (ministère du Travail) qui correspondait auparavant aux juges du travail, du pouvoir de se prononcer sur la légalité des grèves. La Colombie a vécu ainsi plus de quarante ans sous l'état de siège ou d'urgence, et les gouvernements civils qui ont succédé à la dictature ont opté pour la méthode qui consistait à introduire dans le Code des modifications permettant l'exercice de pouvoirs exceptionnels. Toute cette réglementation promulguée à des fins transitoires a ensuite été adoptée, sans grand débat démocratique, en tant que législation permanente.

En 1991, la nouvelle Constitution politique avait pour objet de corriger les contradictions entre le droit interne et les conventions internationales du travail. C'est la raison pour laquelle elle dispose, à son article53(15), que les conventions internationales du travail dûment ratifiées font partie du droit interne.

La logique aurait voulu que les dispositions de droit interne qui étaient contraires aux conventions ratifiées par la Colombie soient abrogées ou, mieux encore, subrogées par le mandat constitutionnel précité. Mais ce n'est pas ainsi que l'entendait l'Etat. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a conservé les dispositions du Code comme normes de référence; ce qui explique que les juges de la République appliquent des dispositions contraires aux conventions, et que les employeurs se recommandent de nombreuses lois et décrets contraires à la réglementation internationale.

a) La Commission d'experts pour l'application
des conventions et recommandations

Cela fait maintenant plus de dix ans que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations du Bureau international du Travail a pris connaissance des divergences qui existent entre la législation et la pratique nationales en Colombie, d'une part, et les conventions nos87 et98, d'autre part, et qu'elle formule à l'attention du gouvernement colombien des observations et des demandes directes auxquelles aucun des trois gouvernements qui se sont succédé entre 1987 et 1998 n'a prêté attention.

Les demandes de la commission d'experts en 1987

Pour suivre la même démarche que celle que nous avons adoptée dans la première partie, nous procéderons à une révision des principales observations formulées par la commission d'experts du Bureau international du travail depuis 1987, afin de montrer comment les autorités colombiennes responsables de leur mise en œuvre les ont ignorées.

En 1987, la commission d'experts a formulé des observations qui portaient essentiellement sur les différents aspects du droit national qui se traduisent par une intervention dans l'administration interne des syndicats et qui entravent le droit des syndicats à promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs, en faisant valoir que de telles dispositions sont contraires à la convention no87.

En ce qui concerne l'intervention dans l'administration interne des syndicats, la commission, dans son observation de 1987, déclarait que «les questions soulevées portent sur les points suivants:». Elle se référait ensuite aux dispositions du Code du travail et autres normes complémentaires qui permettent notamment au ministère du Travail d'approuver ou de désapprouver les modifications proposées aux statuts des syndicats, ainsi qu'aux dispositions qui autorisent le contrôle de la gestion interne des syndicats par des fonctionnaires, la réglementation stricte des réunions syndicales, la présence des fonctionnaires aux assemblées générales réunies pour voter une déclaration de grève, et évoquait les dispositions qui prévoient l'obligation d'être Colombien pour être élu dirigeant syndical, la soumission de l'élection des dirigeants syndicaux à l'approbation du ministère du Travail, la suspension, avec privation de leur droit d'association, des dirigeants qui auraient été à l'origine de la dissolution de leur syndicat, etc.

En guise de conclusion sur ce point et après avoir pris note du rapport du gouvernement qui se concentrait sur la teneur des articles485 et486 du Code du travail, «la commission déclarait «que cet article486 confère aux fonctionnaires publics des pouvoirs d'intervention trop étendus dans les affaires syndicales, contrairement à l'article3, paragraphe2, de la convention, selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits reconnus par cette dernière», et tenait ensuite à renouveler les commentaires qu'elle [avait] émis sur les autres dispositions déjà mentionnées auxquelles le gouvernement ne s'était pas référé».

Pour ce qui est des limitations imposées aux syndicats dans la promotion et la défense des intérêts des travailleurs, la commission a désiré «rappeler les points suivants sur lesquels elle avait formulé des commentaires et que le rapport du gouvernement ne [mentionnait] pas:», avant de signaler à l'attention du gouvernement les points suivants: l'interdiction faite aux syndicats de tenir des réunions sur des questions politiques, l'interdiction de la grève aux fédérations et confédérations, l'interdiction de la grève dans des services publics qui ne sont pas essentiels, le pouvoir conféré au Président de la République de faire cesser une grève qui affecte les intérêts de l'économie nationale et de convoquer un tribunal d'arbitrage, le licenciement automatique des dirigeants syndicaux qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé.

En guise de conclusion, la commission déclarait qu'elle «saurait gré au gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les mesures qu'il pourrait prendre pour mettre sa législation en conformité avec la convention, à la lumière des commentaires»(16) qu'elle venait de formuler.

Comme on peut le constater à la lecture de l'observation qui précède, la commission d'experts s'était déjà penchée sur ces questions avant 1987.

Observations de la commission d'experts entre 1989 et 1991

Compte tenu de la promulgation en 1991 de la nouvelle Constitution politique, nous résumerons les observations de la commission d'experts formulées entre 1989 et 1991, étant entendu qu'en 1988 la commission n'a pas formulé de commentaires à l'égard de la Colombie en ce qui concerne les conventions nos87 et 98.

En 1989, la commission d'experts a pris note non seulement du rapport du gouvernement, mais également des commentaires présentés par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT), de la réponse du gouvernement à ces commentaires ainsi que du 259erapport du Comité de la liberté syndicale.

A cette occasion, la commission d'experts s'est associée au rapport du Comité de la liberté syndicale. En ce qui concerne les assassinats et le climat de violence en Colombie, la commission a déclaré s'en remettre «aux conclusions de ce comité». A l'instar du Comité de la liberté syndicale, elle s'est déclarée «vivement préoccupée par la situation tragique de violence qu'affronte la Colombie et qui, de manière générale, rend impossible les conditions normales d'existence de la population et empêche le plein exercice des activités syndicales»(17).

La seconde partie des observations est présentée sous le titre «Dispositions législatives contestées par la commission dans des commentaires antérieurs»(18), les questions qui y sont soulevées portent sur les deux groupes de normes visées dans l'observation de la commission d'experts de 1987, autant dire qu'ils reprennent les questions évoquées à cette occasion.

En 1989, la commission d'experts concluait ses observations en soulignant que: «la législation viole les dispositions de la convention sur de nombreux points» et priait «le gouvernement d'envisager une réforme en profondeur de la législation syndicale en vigueur, en vue de la mettre en conformité avec les exigences de la convention, et de lui indiquer toute mesure adoptée à cet effet»(19).

Au cours de la même année, la commission d'experts s'est également préoccupée de l'application de la convention no98 et a formulé en substance les observations suivantes: «la commission ... prie le gouvernement de prendre les mesures voulues pour modifier la législation (art. 414 et 416 du Code du travail) afin de conférer aux «agents publics» qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat les garanties prévues par la convention, lesquelles comportent le droit de négocier des conventions collectives et une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale»(20).

En 1990, la commission d'experts a entrepris d'examiner inextenso l'application de la convention no87 en ayant recours à la formule suivante: «... la commission rappelle les divergences existant entre la législation nationale et la convention:». Elle a ensuite rappelé l'ensemble des points évoqués plus haut, y compris l'exigence de 75pour cent de membres colombiens pour former un syndicat qui constitue une violation de la convention no87.

A cette occasion, la commission d'experts a pris note «des assurances données par le gouvernement dans son dernier rapport concernant la création d'une commission spéciale chargée d'examiner l'ensemble de la législation du travail actuellement dépassée à la lumière de ses commentaires afin d'harmoniser la législation avec les conventions de l'OIT», et elle a conclu ses observations en exprimant l'espoir que «la révision législativeannoncée permettrait d'aboutir à des résultats concrets sur l'ensemble des points soulevés»(21).

En 1991(22), la commission d'experts a noté avec satisfaction que la loi no50 de 1990 avait apporté «certaines améliorations par rapport aux dispositions antérieures en matière de liberté syndicale et de négociation collective», et elle en a dressé la liste. La commission regrettait cependant «que la loi no50 ait omis de tenir compte de certains commentaires qui avaient été formulés depuis plusieurs années sur les dispositions de la législation incompatibles avec la convention». Suivait un récapitulatif de toutes les observations formulées lors des années antérieures avec l'adjonction d'un nouveau point qui, aux yeux de la commission, entrait fortement en conflit avec la convention et qui avait été utilisé en Colombie pour réprimer l'action revendicative, à savoir «l'interdiction de la grève lorsqu'elle se propose d'exiger des autorités l'exécution d'un acte qui relève de leur pouvoir de décision».

A cette occasion, la commission a cependant tenu à souligner «qu'il demeurait encore de nombreuses dispositions qui n'étaient pas compatibles avec la convention» et a invité le gouvernement «à prendre dès que possible les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec la convention».

En ce qui concerne la convention no98, la commission d'experts a rappelé l'importance du droit de négociation collective et la nécessité d'assurer une protection aux agents publics.

Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution politique de Colombie
jusqu'en 1997: six années de divergence entre la législation et la pratique
nationales et les conventions relatives à la liberté syndicale

En 1992(23), la commission a pris note du rapport du gouvernement, des débats qui s'étaient déroulés à la Commission de la Conférence en 1991 et du rapport de la mission de contacts directs qui s'était rendue en Colombie du16 au 20septembre 1991. Elle a également pris acte avec intérêt des dispositions de la nouvelle Constitution et de l'abrogation de certaines dispositions légales, qui étaient contraires à la convention no87.

La commission a néanmoins tenu à souligner la persistance de nombreuses dispositions de la législation incompatibles avec la convention. Elle a ensuite dressé la liste habituelle des points qui entravaient l'application de la convention no87 parmi lesquels figuraient: l'obligation selon laquelle un syndicat doit être constitué pour les deux tiers de Colombiens, le contrôle de la gestion interne des syndicats et des réunions syndicales par des fonctionnaires, la présence des autorités dans les assemblées générales réunies pour voter sur le déclenchement d'une grève, l'interdiction de la grève aux fédérations et confédérations, l'interdiction de la grève dans des services qui ne sont pas essentiels, la possibilité de licencier les dirigeants syndicaux qui sont intervenus dans une grève illégale ou qui y ont participé.

Elle a ensuite exhorté le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour mettre sa législation en conformité avec les exigences de la convention.

En ce qui concerne l'application de la convention no98, le point central demeurait en 1992 la négociation collective des agents publics et la protection prévue par le Code du travail contre des actes de discrimination antisyndicale dans le secteur public.

L'année suivante, c'est-à-dire en 1993(24), la commission d'experts a rappelé que, l'année précédente, elle «avait pris note de certains progrès constatés dans la législation» mais avait signalé «la persistance de certaines dispositions non conformes à la convention» et, rappelant les dispositions énumérées au cours des années antérieures qui restent en vigueur en dépit de la Constitution politique adoptée en 1991, elle a réitéré sa demande au gouvernement afin qu'il continue à prendre des mesures propres à aligner sa législation sur la convention.

En 1994(25), la commission d'experts n'a formulé d'observation en matière de liberté syndicale à l'intention de la Colombie que sur l'application de la conventionno98, en insistant sur le droit à la négociation collective des agents publics qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat et sur la nécessité de prendre des mesures de protection contre les actes de persécution. Elle a demandé au gouvernement de la tenir informée dans son prochain rapport «des changements intervenus dans la législation à cet égard».

Au cours des années 1995 et 1996, la commission d'experts a formulé de nouvellesobservations sur les divergences entre la législation et les conventions nos87 et98. En 1995(26), la commission s'est concentrée sur la convention no87 et, rappelant les observations qu'elle avait formulées depuis 1987, a exprimé «à nouveau l'espoir que la Commission tripartite permanente prévue par la Constitution nationale serait constituée dans un proche avenir» et a prié «le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, dans le cadre de la modification de la législation du travail qu'entreprendra la commission susmentionnée, l'ensemble des commentaires [que la commission d'experts] formule depuis de nombreuses années soit pris en considération». En 1996(27), la commission a formulé des observations au sujet de la convention no98 et a insisté à nouveau sur le droit des employés publics de négocier collectivement leurs conditions d'emploi.

L'année dernière, après avoir rappelé ses précédents commentaires(28), la commission d'experts a noté avec intérêt que le gouvernement avait indiqué «qu'un projet de loi a été élaboré, dans lequel il avait été prévu d'abroger ou de modifier plusieurs dispositions du Code substantif du travail critiqué par la commission, et que les représentants du ministère du Travail s'étaient engagés à soumettre ce projet au Congrès de la République pendant l'actuelle session parlementaire».

En ce qui concerne la convention no98, la commission a rappelé le droit à la négociation collective des agents publics qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat. La commission a exprimé l'espoir «que le Congrès [adopterait], dans les meilleurs délais, la loi en question, de manière à mettre la législation en conformité avec la convention».

Comment les projets de loi présentés par le gouvernement
en vue d'adapter la législation aux conventions relatives
à la liberté syndicale ont été abandonnés

Dans le rapport présenté à la 86esession de la Conférence, la commission d'experts a rappelé que, dans sa précédente observation, elle avait noté que le gouvernement avait élaboré un projet de loi avec le concours de la mission du BIT sur la liberté syndicale qui s'était rendue en Colombie en 1996 et a indiqué les dispositions que ce projet de loi se proposait d'abroger ou de modifier. Elle a également rappelé que le gouvernement avait élaboré un projet de loi qui visait à définir la notion de «services publics essentiels» et à réglementer l'exercice du droit de grève dans ces services et comportait d'autres dispositions tendant au règlement pacifique des conflits collectifs du travail en vue d'adapter la législation aux normes internationales.

A cette occasion, elle a formulé l'observation suivante: «La commission note que le gouvernement indique que le Congrès de la République a décidé d'écarter ce projet de loi et qu'en conséquence le ministère du Travail étudie la possibilité de soumettre au Congrès le Statut du travail auquel se réfère l'article53 de la Constitution en incluant dans ce texte les amendements contenus dans le projet qui a été écarté. La commission souligne donc avec insistance la nécessité de modifier ou supprimer, dans les plus brefs délais, les dispositions susmentionnées du Code substantif du travail afin de mettre la législation en conformité avec la convention.(29)»

En ce qui concerne le projet relatif aux «services essentiels», la commission a fait observer «que le gouvernement n'avait pas indiqué dans son rapport si cet avant-projet de loi avait été élaboré pour être soumis au Congrès de la République». On en déduira aisément que le gouvernement a gardé le silence sur ce projet qui, en fait, n'a jamais été réellement présenté au Congrès.

Pour ce qui est de la convention no98, la commission a rappelé «qu'elle insiste depuis plusieurs années sur la nécessité de faire en sorte que les employés du secteur public non commis à l'administration de l'Etat jouissent du droit de négociation collective et qu'elle avait noté, dans son observation antérieure, qu'un projet de loi garantissant ce droit avait été présenté au Congrès de la République», et elle a constaté avec regret que «selon l'information communiquée par le gouvernement, le Congrès de la République avait décidé de classer le projet de loi en question»(30).

La commission a exprimé «l'espoir que le gouvernement prendrait des mesures au plus tôt pour mettre la législation en conformité avec la convention».

Elle a en outre rappelé que, dans le passé, elle avait demandé au gouvernement de lui fournir des informations sur l'obligation faite aux syndicats de secteur ou aux syndicats professionnels de regrouper plus de 50pour cent des travailleurs de l'entreprise pour pouvoir négocier collectivement et sur le droit de négociation collective des fédérations et confédérations. Elle a fait observer que le gouvernement n'avait pas répondu à ses observations et l'a prié de prendre des mesures afin que les organisations ne soient pas tenues de regrouper plus de 50pour cent des travailleurs de l'entreprise pour pouvoir négocier collectivement.

La Conférence internationale du Travail de 1997
Colombie: promesses non tenues

Nous pourrions procéder à nouveau à une récapitulation minutieuse des débats tenus à la Commission de l'application des normes de la Conférence au cours des dix dernières années afin de montrer les défaillances de la Colombie à l'égard de l'application des conventions nos87 et98 relatives à la liberté syndicale. Nous nous bornerons cependant à faire état de la discussion tenue, l'année dernière, lors de la 85esession de la Conférence.

Un représentant gouvernemental, s'exprimant au sujet du projet de loi élaboré avec le concours de la mission qui s'était rendue dans le pays en 1996, avait déclaré: «Ce projet de loi ne constitue pas une proposition isolée de la part du gouvernement et encore moins un artifice par lequel il voudrait se sortir d'un mauvais pas. Au contraire, il s'inscrit dans le cadre d'une politique gouvernementale axée sur la promotion et le respect des droits de l'homme, domaine dans lequel le contenu des conventions internationales du travail auxquelles la Colombie est en train de donner effet revêt une signification particulière(31)

Se référant également à la question de la qualification au pénal de l'action revendicative, l'orateur avait indiqué qu'une commission avait été constituée pour examiner la révision des dispositions pénales et la levée éventuelle du secret de l'instruction dans le cadre des procédures pénales visant des travailleurs. Il avait également évoqué un projet de loi sur la négociation collective et les accords collectifs dans le secteur public, élaboré en concertation avec les partenaires sociaux pour les dix-huit articles du texte.

Tous les projets mentionnés par le représentant gouvernemental de la Colombie ont été classés par le Congrès de la République. Le gouvernement, au lieu de se servir des instruments constitutionnels pour exhorter le Congrès à examiner et approuver les projets, les a simplement abandonnés sans leur accorder l'intérêt qu'il avait prétendu leur porter au cours de la discussion tenue au sein de la Commission de l'application des normes de la Conférence.

Par ailleurs, une année s'est écoulée avant que le Congrès de la République soit saisi du projet de loi relatif aux services essentiels et au droit de grève.

Enfin, on ne saurait nier qu'il existe une commission chargée de la révision des normes qui répriment l'action revendicative. Or dans cette commission, après onze mois de travail, les centrales syndicales et les organisations non gouvernementales chargées de la défense des droits de l'homme ont quitté la table de négociation, en guise de protestation contre les représentants du gouvernement qui tentaient de réduire à néant tous les progrès accomplis et les accords passés. Cela s'est passé au mois de mars, et le gouvernement n'a rien tenté pour reconnaître le travail accompli jusqu'alors ni pour s'expliquer avec le mouvement syndical sur les divergences mentionnées par écrit.

Les multiples efforts déployés par l'OIT

Il convient de signaler qu'en plus des activités menées par les organes de contrôle de l'OIT que nous avons résumées dans le présent rapport, le Bureau international du Travail a déployé d'immenses efforts en vue d'aider les gouvernements successifs de la Colombie à adapter la législation aux conventions internationales du travail et, partant, à s'acquitter du mandat prévu à l'article53 de la Constitution politique.

C'est ainsi que, lors des dix dernières années, plusieurs missions de contacts directs portant sur la liberté syndicale se sont rendues en Colombie:

Les organes de contrôle ont dûment rendu compte des rapports de ces missions.

En outre, le bureau régional de Lima s'est toujours tenu à la disposition du gouvernement colombien pour lui fournir des services consultatifs.

Conclusions

A la lumière de ce qui précède et en guise de conclusion, nous pouvons résumer la situation comme suit:

C. Décisions adoptées par le Conseil d'administration
à sa 273
e session (novembre 1998)

134. A sa 273esession (novembre 1998), le conseil d'administration a estimé qu'il serait incompatible avec le caractère judiciaire de la procédure prévue à l'article26 et aux articles suivants de la Constitution qu'une discussion ait lieu, au Conseil d'administration, sur le fond d'une plainte, alors que le Conseil est saisi d'une demande visant à renvoyer ladite plainte devant une commission d'enquête et qu'il ne dispose ni des observations du gouvernement contre lequel cette plainte est dirigée ni de l'appréciation objective de ces observations par un organisme indépendant.

135. Le Conseil d'administration a observé que le Comité de la liberté syndicale a examiné plusieurs plaintes en violation des droits syndicaux en Colombie qui avaient été présentées par des organisations de travailleurs. Pour certains cas, le Conseil d'administration a déjà approuvé les conclusions intérimaires formulées par le comité. Pour d'autres, le comité a décidé d'ajourner l'examen dans l'attente des observations du gouvernement. Il a également été rappelé que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a récemment formulé à l'intention du gouvernement de la Colombie des commentaires qui ont trait à l'application des conventions visées dans la plainte actuellement déposée au titre de l'article26 de la Constitution et qu'en 1998 la Commission de l'application des normes de la Conférence a discuté de certains aspects de l'application, en droit et en pratique, de la convention no87.

136. Le Conseil d'administration a rappelé qu'il est déjà convenu (154erapport du Comité de la liberté syndicale, paragr.33) que, dans des cas similaires au présent cas, où plusieurs plaignants ont eu recours à des procédures différentes établies par l'Organisation en matière d'application des conventions et de protection de la liberté syndicale, il serait souhaitable de coordonner ces procédures et de tenir compte du mandat confié au comité pour l'examen de plaintes relatives à cette matière. Dans le cas présent, le Conseil d'administration a constaté que la plainte déposée par certains délégués à la Conférence au titre de l'article26 de la Constitution de l'OIT portait pour une grande part sur des questions dont le comité était déjà saisi dans le cadre de la procédure spéciale en matière de liberté syndicale et il a estimé que, afin de pouvoir se prononcer sur les mesures à prendre à l'égard de la plainte présentée en vertu de l'article 26, il serait utile que le Conseil d'administration dispose des recommandations formulées par le comité au sujet des cas en instance et de cette dernière plainte.

137. En conséquence, le Conseil d'administration a décidé, à sa session de novembre1998:

138. Le Conseil d'administration a estimé par ailleurs qu'au cas où une commission d'enquête serait instituée, ses membres devraient être désignés selon les mêmes critères et siéger dans les mêmes conditions que les membres des commissions antérieurement formées en vertu de l'article 26 de la Constitution. Ils siégeraient à titre individuel et personnel, seraient choisis pour leur impartialité, leur intégrité et la considération dont ils jouissent, et ils s'engageraient par une déclaration solennelle à exercer leurs fonctions et attributions «en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité, et en toute conscience». Une déclaration solennelle exprimée en ces termes correspondrait à l'engagement que doivent prendre les juges de la Cour internationale de Justice. Le bureau du Conseil doit présenter en temps opportun des propositions concernant les autres dispositions à prendre en la matière.

D. Réponse du gouvernement

139. Dans sa communication du 15 janvier 1999, signée par Son Excellence Camilo Reyes Rodríguez, Ambassadeur et Représentant permanent de la Colombie auprès de l'Office des Nations Unies et des organisations internationales à Genève, le gouvernement a présenté les observations et les informations demandées par le Conseil d'administration. Ci-dessous, on trouvera reproduites in extenso les observations du gouvernement sur la plainte relative au respect par la Colombie de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, présentée par plusieurs délégués à la 86e session de la Conférence (1998), au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT.

Antécédents

Contenu et portée de la plainte

La plainte présentée par des délégués des travailleurs lors de la 86e session de la Conférence internationale du Travail se fonde, d'une part, sur les cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale et, de l'autre, sur les observations formulées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations «… contre le gouvernement de la Colombie pour ne pas avoir adopté les mesures propres à assurer de manière satisfaisante l'exécution de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949»(32).

La plainte s'articule autour de l'idée que l'Etat colombien persécute le mouvement syndical et cherche à le faire disparaître. Au dire des travailleurs, cette intention de l'Etat se traduit par une politique présentant deux aspects: le premier consiste à persécuter des travailleurs et des dirigeants syndicaux et à les éliminer physiquement en raison de leurs activités: «Au cours de la dernière décennie, en Colombie, - est-il dit dans la plainte - il a été fait usage de la violence pour poursuivre les syndicalistes et les dirigeants syndicaux en raison de leurs activités(33).»Un peu plus loin dans le texte, les travailleurs affirment: «Ce sont des agents de l'Etat, des paramilitaires et la guérilla qui sont responsables des actes de violence commis à l'encontre du syndicalisme(34)

Dans le même esprit, il est dit que l'impunité servirait la continuation de la politique d'extermination physique: «Le gouvernement n'a fait preuve d'aucune volonté politique réelle pour encourager l'identification des criminels, engager des poursuites contre eux, les juger et les châtier(35).» «Les actes de violence perpétrés à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes doivent sans nul doute être considérés comme le principal obstacle à la liberté syndicale en Colombie, violence aggravée par une impunité de plus en plus flagrante et l'absence de toute volonté politique d'y mettre un terme(36)

Le deuxième aspect de la politique macabre qui est imputée au gouvernement correspondrait à un prétendu manque de volonté politique s'agissant d'harmoniser la législation nationale avec le contenu des conventions internationales du travail ratifiées par le pays, notamment des conventions nos 87 et 98: «L'autre point sur lequel insiste le rapport concerne la façon dont les gouvernements de la Colombie ont fait la sourde oreille aux demandes formulées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations en vue d'adapter le droit interne et la pratique nationale aux grands principes consacrés par les conventions nos 87 et 98(37).» «Cette année, nous souhaitons attirer l'attention de la Conférence internationale du Travail sur les aspects les plus graves de la situation complexe que nous dénonçons en ce qui concerne la violation de la liberté syndicale en Colombie. Il s'agit … b) deuxièmement, de l'absence de toute volonté politique d'adapter la législation aux principes énoncés dans les conventions nos 87 et 98(38).» L'attitude politique ne viserait donc plus à la disparition physique des personnes mais à celle du mouvement syndical en général, par l'application de normes qui seraient contraires aux conventions considérées et qui auraient pour effet principal d'empêcher leur action.

Fondement juridique et objet de la demande

« … nous demandons que la présente plainte soit étudiée par une commission d'enquête qui rendra son rapport dans les conditions prévues au paragraphe 3 de l'article 26 de la Constitution de l'OIT…»(39).

Contenu et portée des déclarations du gouvernement
de la République de Colombie

Le gouvernement de la République de Colombie formule tout d'abord la déclaration suivante:

Pour répondre aux allégations relatives à la mort de travailleurs et de dirigeants syndicaux, le gouvernement déclare:

Il n'y a pas en Colombie de politique gouvernementale de persécution visant les travailleurs, les dirigeants syndicaux ou le mouvement syndical. Etant donné la structure de l'Etat colombien, ses institutions et les mécanismes de contrôle de la puissance publique, l'Etat ne peut en aucun cas prononcer ou exécuter des mesures visant la répression des droits syndicaux des citoyens. Les actes de violence contre des travailleurs et des dirigeants syndicaux sont dus au climat de violence complexe qui règne dans le pays. L'Etat a pris des mesures significatives dans les domaines qui sont à l'origine de cette violence. Il ne prétend pas ignorer la violence qui sévit dans le pays. Au contraire, l'ensemble des mesures adoptées par l'Etat, et notamment par le gouvernement actuel, en relation avec le processus de paix visent à élargir les espaces de concertation et de dialogue pour faire régner la paix et permettre la cohabitation pacifique des Colombiens, parmi lesquels il faut bien entendu compter les travailleurs et les dirigeants syndicaux(40).

Le processus de paix dans lequel s'est engagé le gouvernement de la Colombie est une preuve irréfutable de la politique que l'Etat mène sans relâche pour parvenir à la coexistence pacifique, dont l'avènement est très attendu par les Colombiens. La paix, que l'on cherche à construire avec tant d'énergie, permettrait sans aucun doute d'avancer réellement vers le plein respect des droits de l'homme. En effet, elle ferait disparaître l'une des causes des violations de ces droits, l'une d'entre elles seulement mais la principale. La nature de cette politique gouvernementale apparaît clairement dans les différents processus de paix menés dans le passé, qui ont abouti à la réintégration dans la vie civile de nombreux mouvements insurgés. Le gouvernement décrit cet aspect à l'annexe I.

Les plaignants adoptent dans leur demande un point de vue qui ne prend pas en compte tous les éléments nécessaires pour expliquer la complexité du problème. Ils attribuent la responsabilité de la violence à l'Etat colombien et lui demandent de cesser tous les actes de violence affectant la population. Les diagnostics et les solutions proposées par voie de conséquence ne sont pas pertinents. Nous sommes convaincus que le Comité de la liberté syndicale et le Conseil d'administration sauront tenir compte de la complexité du problème de la violence et qu'ils seront sensibles aux déclarations du gouvernement à ce sujet.

S'agissant des divergences entre la législation nationale et les conventions internationales du travail, les conventions nos 87 et 98 notamment, qui sont au cœur de la plainte, le gouvernement déclare que, dans le passé comme dans le présent, il s'applique à respecter la Constitution de l'Organisation internationale du Travail et les conventions internationales ratifiées par le pays. Bien entendu, le gouvernement respecte également les demandes des organes de contrôle, à la condition qu'elles soient compatibles avec le texte des conventions et la structure politique et juridique de l'Etat colombien.

En effet, la Colombie a cherché à œuvrer dans ce sens en tout temps, non parce que les gouvernements successifs l'ont voulu ainsi, mais parce que la structure politique, institutionnelle et juridique du pays oblige l'Etat à promouvoir et à respecter les droits et les libertés des citoyens.

La loi no 50 de 1990 est celle qui a entraîné les progrès les plus significatifs dans la législation colombienne. Dans son étude d'ensemble de 1994, la commission d'experts a reconnu l'importance des résultats obtenus en citant la Colombie à plusieurs reprises comme faisant partie des rares «cas de progrès» dans le monde en ce qui concerne le respect des conventions nos 87 et 98.

Allégations relatives à la mort de travailleurs
et de dirigeants syndicaux

Affirmations des plaignants

Les citations suivantes sont tirées de la plainte. Elles en donnent un résumé fidèle:

«Au cours de la dernière décennie, en Colombie, il a été fait usage de la violence pour poursuivre les syndicalistes et les dirigeants syndicaux en raison de leurs activités…(41)».

«Ce sont des agents de l'Etat, des paramilitaires et la guérilla qui sont responsables des actes de violence commis à l'encontre du syndicalisme(42)

«… une des questions fondamentales abordées dans ce rapport est celle de l'impunité dont jouissent des personnes qui se rendent coupables de violations à l'égard des droits des syndicalistes et des dirigeants syndicaux. Les actes de violence perpétrés à l'encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes doivent sans nul doute être considérés comme le principal obstacle à la liberté syndicale en Colombie, violence aggravée par une impunité de plus en plus flagrante et l'absence de toute volonté politique d'y mettre un terme…(43)».

«... L'intolérance des acteurs d'un long conflit armé porte atteinte à la société dans son ensemble…(44)».

«... Les droits civils et politiques tels que le droit à la vie, à l'intégrité ainsi qu'à la liberté individuelle de la population colombienne et en particulier des syndicalistes sont impunément violés…(45)».

Déclaration du gouvernement

Le gouvernement a rappelé que la violence en Colombie est un problème complexe qui peut s'expliquer par un certain nombre de facteurs exposés dans les conclusions ci-dessous. Il faut analyser et expliquer ces conclusions dans le détail et les replacer dans le contexte politique, social, économique et militaire qui est le leur. Elles reposent sur des données fournies par les statistiques nationales disponibles dans ce domaine.

Pour conclure cette partie, le gouvernement souhaite rappeler les déclarations suivantes extraites du rapport de la mission de contacts directs de l'OIT qui s'est rendue en Colombie en 1996:

«Une violence aussi continue dans le temps et aussi répandue sur le territoire doit avoir des racines profondes et étendues dans la société qui en souffre. Mais une violence aussi fluctuante et aussi diversifiée selon les époques et les zones géographiques doit aussi dépendre de facteurs changeants et différents dans le temps et sur le terrain. La violence colombienne est une et multiple, elle est à la fois une violence et des violences. En fin de compte, les facteurs ou les «causes» de la violence sont à la fois uniques et multiples, tout comme sont uniques et multiples les thérapies nécessaires pour les éliminer.»

Allégations relatives aux divergences juridiques
entre le droit interne et les conventions nos 87 et 98

Affirmations des plaignants

Les citations suivantes sont tirées de la plainte. Elles en donnent un résumé fidèle:

«… les gouvernements de la Colombie ont fait la sourde oreille aux demandes formulées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations en vue d'adapter le droit interne et la pratique nationale aux grands principes consacrés par les conventions nos87 et 98(46)

«... En dépit des efforts incessants déployés par la commission d'experts pour obtenir du gouvernement colombien qu'il respecte la convention et procède aux réformes nécessaires, nous nous trouvons aujourd'hui dans la même situation qu'il y a dix ans ...(47)

Déclaration du gouvernement

En 1976, la Colombie a ratifié les conventions nos 87 et 98, confirmant ainsi son attitude vis-à-vis des normes internationales de l'OIT.

La ratification d'une convention repose sur deux postulats. Le premier est que le processus d'harmonisation législative peut prendre du temps, étant donné que les institutions doivent pouvoir assimiler les modifications apportées, s'adapter en conséquence et garantir de la sorte leur pérennité. Cette règle se vérifie tout particulièrement pour les institutions relatives au travail et aux affaires sociales, qui sont très sensibles au changement.

Le deuxième de ces postulats est que les engagements contractés par la ratification de l'instrument sont contenus dans le texte lui-même.

Avec le premier de ces postulats, l'exécutif et la communauté internationale reconnaissent que le droit se transforme de manière permanente et continue et que ces transformations prennent du temps, non par manque de volonté politique du législateur ou du pouvoir exécutif, une idée qu'il est relativement facile de présenter et de vendre, mais par la nature même du droit en tant que science.

L'article 19, alinéa 5 d), de la Constitution de l'OIT prend en compte ce point de vue, c'est-à-dire le fait que les processus d'adaptation prennent du temps, que les transformations visées ne peuvent pas se produire dans une période de temps limitée, suffisant à la réalisation de la totalité des adaptations nécessaires et débouchant sur la fixation du droit. L'activité des organes de contrôle est significative à ce propos, celle de la commission d'experts notamment. En effet, il apparaît que le nombre de pays faisant l'objet d'un commentaire de la part de la commission à propos de l'application des conventions nos 87 et 98 a connu une augmentation disproportionnée. En effet, cette augmentation est de 260 pour cent pour la convention no 87 et de 755 pour cent pour la convention no 98. Elle ne peut pas s'expliquer par une augmentation équivalente du nombre des ratifications sur la même période, puisque ce chiffre est de 65 pour cent seulement pour la convention no 87 et de 69 pour cent pour la convention no 98.

Il ressort de ces éléments que les divergences entre la législation interne d'un pays et les conventions ne suffisent pas à prouver que l'Etat mène une politique visant à la répression du mouvement syndical, comme le laissent entendre les plaignants. S'il en était ainsi, les soupçons pèseraient sur tous les membres qui sont cités dans la partie III des rapports de la commission d'experts, notamment sur ceux qui font l'objet d'un commentaire au sujet de l'application des conventions nos87 et 98. L'efficacité de la coopération internationale de l'Organisation serait-elle aussi mise en doute. Il est encore plus téméraire de formuler une telle conclusion dans le cas d'un pays comme la Colombie, qui est reconnu par l'Organisation elle-même comme un «cas de progrès» en raison des résultats qu'il a obtenus dans le processus de mise en conformité de sa législation.

Cela dit, la politique colombienne qui consiste à se soumettre à l'autorité de l'OIT apparaît dans les trois aspects suivants: a) progrès réalisés par l'adoption, depuis dix ans, de textes de loi visant à harmoniser le droit national avec les conventions nos 87 et 98; b) efforts déployés par le pouvoir exécutif pour que le législateur approuve les projets de loi élaborés dans le but de favoriser le processus d'harmonisation législative; c) volonté du gouvernement actuel de présenter au Congrès de la République un projet de loi allant dans le même sens.

Progrès réalisés par l'adoption de normes visant à surmonter les divergences
entre la législation nationale et les conventions nos 87 et 98,
et notamment pour l'adoption de la loi no 50 de 1990

Dans son étude d'ensemble sur la liberté syndicale de 1994, la commission d'experts a pris note des progrès réalisés avec la loi no 50 de 1990, et elle cite la Colombie comme l'un des principaux cas de progrès dans le monde pour la décennie 1983-1993 s'agissant de l'application des conventions nos 87 et 98. Les observations de la commission permettent d'affirmer que la Colombie a réalisé des progrès significatifs dans le processus de mise en conformité avec la législation internationale du travail, et que ces résultats sont l'expression tangible d'une politique gouvernementale reposant sur la reconnaissance et le respect des libertés syndicales. En d'autres termes, il est évident que la Colombie a respecté ses engagements en adoptant des mesures tendant à mettre en application les dispositions de ces conventions, comme il apparaît ci-dessous.

A de nombreuses reprises, la commission d'experts a noté les progrès accomplis par la Colombie. Les plaignants semblent ne pas avoir lu les passages suivants avec suffisamment d'attention quand ils ont élaboré et rédigé leur plainte:

1) «la commission a noté avec satisfaction l'abrogation des dispositions exigeant l'approbation ministérielle des modifications aux statuts des syndicats de base et des fédérations et confédérations» (p. 52, paragr. 111); 2) «la commission a noté avec satisfaction que les dispositions qui soumettaient l'élection des dirigeants syndicaux à l'approbation des autorités administratives ont été abrogées» (p.53, paragr. 115); 3) «la commission a noté avec satisfaction l'abrogation des dispositions qui réglementaient de façon trop stricte les réunions syndicales» (p. 59, paragr. 128); 4) «la commission a noté avec satisfaction l'abrogation de l'article 379 a) du Code du travail qui interdisait aux syndicats d'intervenir dans les questions politiques» (p. 60, paragr. 130); 5) «la commission a noté avec satisfaction que l'article 39 de la loi no 50 de 1990 a augmenté le montant des sanctions applicables en cas d'atteinte au droit d'association» (p. 106, paragr. 222); 6) «des progrès significatifs ont également été réalisés dans d'autres domaines: … constitution d'organisations sans autorisation préalable; droit des organisations… d'organiser librement leur gestion et leurs réunions», la Colombie étant citée pour ces deux aspects (p. 130, paragr. 268). Il convient également de souligner cette remarque portant sur la convention no 98: «Ces cas de progrès concernent essentiellement des mesures renforçant la protection contre la discrimination antisyndicale», la Colombie étant citée en exemple sous cet aspect (p. 133, paragr. 278); (les soulignements sont ajoutés).

Le gouvernement de Colombie s'étonne vivement de l'insistance avec laquelle les plaignants mettent en relief la nécessité de réformer la législation interne sur les aspects soulignés dans le paragraphe ci-dessus, qui ont pourtant été modifiés en 1991, comme l'a noté la commission d'experts.

Outre les réformes susmentionnées, d'autres modifications ont été introduites par la loi no 50 de 1990: reconnaissance automatique de la personnalité juridique aux syndicats (art. 364 du Code du travail et art.39 de la Constitution politique) et suppression de la possibilité de la suspendre ou de la retirer par la voie administrative, cette décision ne pouvant résulter que d'une procédure judiciaire (art. 380, no 2 du Code du travail et art. no 39 de la Constitution politique); suppression de la restriction du droit d'organisation pour les cadres des entreprises et extension de la garantie de l'immunité syndicale (art. 406 du Code du travail); possibilité de créer des syndicats mixtes regroupant des agents publics et des travailleurs officiels (art. 414 du Code du travail); abrogation des règles régissant la comptabilité syndicale (ancien article 397 du Code du travail) qui obligeaient les syndicats à remettre des rapports sur la gestion de leurs fonds (ancien article 427 du Code du travail).

De même, et pour garantir la liberté de négociation, d'autres modifications importantes ont été effectuées. Elles ont consisté à annuler l'étape de médiation qui rendait obligatoire l'intervention du ministère du Travail au cours du processus d'autodésignation des représentants parties, à prolonger l'étape des pourparlers directs (art. 414 du Code du travail) et à autoriser la présence, à la table de négociations, de jusqu'à deux conseillers pour les fédérations et les confédérations (art.434, paragr. 2, du Code du travail). Tels sont quelques-uns seulement des aménagements qui montrent que l'Etat colombien a la volonté d'étendre et de garantir la liberté syndicale conformément à l'esprit des conventions.

S'agissant du renforcement du droit de négociation, il est important de souligner la règle qui interdit l'existence d'accords collectifs dans les entreprises où le syndicat regroupe plus d'un tiers des travailleurs (art. 70 de la loi no 50 de 1990).

Il convient de souligner que l'article 39 de la Constitution politique prévoit la protection spéciale de l'immunité syndicale et qu'elle renforce encore le droit de négociation en disposant que les travailleurs qui auraient signé une pétition «… ne pourront pas être licenciés sans juste motif dans la période comprise entre la date où la pétition est présentée et celle où les étapes prévues par la loi pour le règlement du conflit parviennent à leur terme», pour reprendre l'interprétation de l'article 25 du décret no 2351 (1965) formulée par la Chambre du travail de la Haute Cour suprême de justice dans son arrêt du 5 octobre 1998.

Entre autres choses, l'institution juridique de l'immunité syndicale empêche qu'une politique de répression ne soit exercée à l'encontre du mouvement syndical.

Les plaignants commentent également en ces termes un projet sur les «services essentiels»: «On en déduira aisément que le gouvernement a gardé le silence sur ce projet qui, en fait, n'a jamais été réellement présenté au Congrès(48).» Il est inadmissible que les travailleurs ne connaissent pas l'existence des nombreuses lois qui ont été adoptées pour définir et réglementer les services essentiels, à savoir des lois no 31 de 1992, no 100 de 1993, no 142 de 1994 et no 270 de 1996 notamment. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle coïncide avec la définition retenue par la commission d'experts, comme il apparaît dans la décision du 27 octobre 1994, où il est dit: «un service public a un caractère essentiel quand les activités qu'il implique contribuent de manière directe à la protection des biens, des intérêts et des valeurs nécessaires pour assurer le respect, la protection, l'exercice et l'existence effective des droits et des libertés fondamentales».

Par ailleurs, comme il l'exposera dans un prochain rapport sur la convention no 98, le gouvernement tient à informer le comité de la promulgation du décret no801 de 1998 qui dispose que, dans le cas de syndicat réunissant moins de la moitié des travailleurs de l'entreprise, la décision d'avoir recours à des tribunaux d'arbitrage «sera prise à la majorité absolue des travailleurs de l'entreprise qui sont affiliés à ce syndicat ou à d'autres…» (art. (2)).

Nous rappelons que la nature et l'importance de ces mesures ont été soulignées par la commission d'experts dans son étude de 1994 où elle affirme:

«Ces cas de progrès concernent essentiellement des mesures renforçant la protection contre la discrimination antisyndicale.» Comment peut-on conclure à l'existence d'une politique d'extermination du mouvement syndical et de ses dirigeants alors qu'une telle évolution est constatée? Comment même peut-on affirmer que l'Etat colombien est indifférent aux principes énoncés dans les conventions nos 87 et 98?

Nous nous permettons de souligner les mérites particuliers de la Colombie: dans le cas de la convention no 87, seuls 41 pays sont cités comme des cas de progrès dans l'étude de la commission d'experts. Dans le cas de la convention no98, ce chiffre est encore inférieur: seuls 18 pays sont cités.

Efforts du gouvernement colombien pour faire approuver par le pouvoir
législatif les projets de loi qui lui sont soumis dans le but de favoriser
les processus de mise en conformité de la législation

La volonté de l'Etat de se soumettre aux normes de l'OIT apparaît également dans les efforts menés à bien par le gouvernement pour obtenir du Congrès national l'approbation des projets de loi qu'il lui soumet pour s'acquitter de son engagement. Afin d'éviter des jugements hâtifs, qui pourraient déboucher sur des conclusions erronées, il faut rappeler que ces efforts connaissent certaines limites du fait de la structure de l'Etat, qui se caractérise par la séparation des trois pouvoirs. Le pouvoir législatif peut donc légitimement approuver ou ne pas approuver les projets de loi.

Dans ce domaine, l'engagement du gouvernement consiste à élaborer des projets - avec l'assistance technique que l'OIT prête à la Colombie -, à les soumettre au Congrès de la République, et, pour les ministres, à se rendre aux invitations adressées par les commissions du Congrès et à exposer devant elles, en ces occasions, la portée, la nature et l'importance de ces projets.

Il est donc faux d'utiliser des expressions telles que «sans que le gouvernement ait usé des instruments prévus par la Constitution colombienne pour les promouvoir»(49) et «comme on peut le constater, il est facile de conclure à une violation systématique de la convention no 87 de l'OIT»(50).

Volonté politique du gouvernement actuel de soumettre au Congrès
de la République un projet de loi destiné à faire progresser les processus
de mise en conformité de la législation

Afin de poursuivre la politique gouvernementale de soumission aux normes de l'OIT et à la politique également de l'Etat qui consiste à promouvoir les droits et les libertés syndicales, le gouvernement du Président Andrés Pastrana soumettra au Congrès de la République, dès la première occasion prévue par la Constitution, le projet de loi évoqué ci-dessous.

Le gouvernement tient à souligner à ce propos que la Colombie fait figure d'exception dans le monde depuis que le pays a intégré dans sa Constitution politique, à l'article 53, une disposition aux termes de laquelle «les conventions internationales du travail dûment ratifiées font partie de la législation interne».

Il est donc juridiquement clair, conformément à cet article, que les conventions de l'OIT sont intégrées dans la législation et que les individus peuvent revendiquer leur application immédiate même en l'absence d'une loi ou d'un décret allant dans ce sens. Ils peuvent également faire valoir la nullité juridique de normes qui seraient contraires à ces conventions devant les juges ou les autorités administratives chargés de trancher un litige ou de répondre à une demande qui mettrait ces normes en jeu. Cependant, il est vrai également que le pouvoir exécutif, qui s'efforce de respecter les normes de l'OIT, a tenu compte de la position de la commission d'experts, qui avait recommandé d'harmoniser de manière explicite et formelle la législation nationale avec les conventions, en abrogeant ou en amendant expressément les textes qui leur seraient contraires, afin d'avancer sur le chemin de la justice sociale.

C'est pour cette dernière raison que le gouvernement a élaboré un projet de loi, déjà mentionné plus haut, qui vise à entériner de manière explicite les recommandations de la commission d'experts qui n'auraient pas encore été prises en compte dans les textes du Code du travail.

Conclusions

Le gouvernement de la Colombie ne comprend pas la profonde contradiction qui sous-tend la plainte présentée par les délégués des travailleurs. Les plaignants affirment que la politique consistant à persécuter le mouvement syndical serait apparue puis se serait aggravée au cours des dix dernières années: «Au cours de la dernière décennie, en Colombie, il a été fait usage de la violence pour poursuivre les syndicalistes et les dirigeants syndicaux en raison de leurs activités(51).» Qui lit attentivement le texte de la plainte ne peut que se demander pourquoi c'est précisément au cours des dix dernières années qu'ont été réalisés les progrès les plus considérables en matière d'harmonisation législative, comme le reconnaissent les plaignants, quoique sans enthousiasme, quand ils se réfèrent aux progrès constatés par la commission d'experts à propos de la loi no 50 de 1990.

En effet, en 1990, le Congrès de la République approuvait la loi no 50, dans une période de violences comptant parmi les pires que la Colombie ait jamais connues, et sur l'initiative du pouvoir exécutif. Cette loi a profondément modifié la législation antérieure et elle a tenu compte de plusieurs observations formulées par la commission d'experts.

Etant donné ce qui précède, on ne peut que constater la fausseté des affirmations suivantes qui concluent les paragraphes consacrés par les travailleurs aux prétendues violations des conventions nos 87 et 98: «Comme on peut le constater, il est facile de conclure à une violation systématique de la convention no87 de l'OIT(52).» «En dépit des efforts incessants déployés par la commission d'experts pour obtenir du gouvernement colombien qu'il respecte la convention et procède aux réformes nécessaires, nous nous trouvons aujourd'hui dans la même situation qu'il y a dix ans. Le gouvernement ne s'acquitte en aucune manière de l'obligation qu'il a contractée de respecter la convention no 98(53)

E. Texte des annexes aux observations
faites par le gouvernement

140. On trouvera ci-après le texte des annexes soumises par le gouvernement:


Annexe I

La violence en Colombie: contexte et complexité.
Implications pour les droits fondamentaux
et le droit international humanitaire

Introduction

1.1. Le présent document a pour but d'exposer le contexte de la situation dans laquelle se développe le conflit armé interne qui déchire la Colombie et qui constitue surtout un point de référence indispensable pour comprendre les événements qui ont donné lieu à des actes de violence contre les travailleurs syndiqués du pays et qui sont à l'origine de l'intérêt que le Comité de la liberté syndicale de l'OIT a manifesté, en raison de la relation supposée de ces faits avec les conventions nos87 et 98 de l'OIT, ratifiées par l'Etat colombien. La description et l'analyse du contexte social, politique, économique et militaire qui caractérise l'état actuel du pays cherchent à présenter une vision intégrale et plus objective des problèmes de la violence en Colombie.

1.2. Le propos essentiel du présent document est de mettre en évidence qu'il n'existe pas une politique de l'Etat visant à favoriser la violence contre les organisations et mouvements sociaux en Colombie. A cela s'ajoute la nécessité d'expliquer l'extrême complexité des phénomènes de violence dont souffre la nation colombienne. Il s'agit là d'un préliminaire indispensable pour interpréter la situation dans toute sa dimension, ainsi que les facteurs qui interviennent dans les violations des droits fondamentaux, l'identité et le rôle des auteurs de ces délits, le rôle de l'Etat colombien dans ce scénario et les réponses et actions possibles pour mettre fin à ces infractions, y compris celles qui affectent indirectement les droits d'association et de liberté syndicale des travailleurs colombiens.

1.3. L'explication et l'évaluation du cas colombien dans les termes susvisés permettront, subsidiairement, de parvenir à une série de conclusions sur la nature des actes de violence qui ont attiré l'attention de l'OIT, qui signifient un exercice englobant la genèse de ces phénomènes et qui, enfin, comportent des éléments permettant de porter un jugement sur les responsabilités auxquelles ils peuvent donner lieu. Ces conclusions, dont on trouvera les fondements dans les pages qui suivent, peuvent être résumées ainsi:

Caractéristiques de la violence en Colombie

2.1. Le pays est assailli par diverses sortes de violence, conjuguées simultanément, qui nécessitent de la part de l'Etat la constitution parallèle de divers fronts d'action. Les types de violence existants peuvent être classés comme suit, selon leur nature ou leur envergure: 1)violence résultant de la criminalité de droit commun ordinaire; 2)violence de la vie quotidienne; 3)violence d'ordre politique; 4)violence provenant du trafic de stupéfiants. Il y a donc quatre lignes principales de violence qui affectent la nation colombienne et auxquelles l'Etat doit faire face avec ses maigres ressources financières, matérielles et humaines. De plus, comme on le verra plus loin, il existe des liens entre les différentes formes de violence et les acteurs qui les protègent, lesquelles apparaissent sur des plans différents, rendant plus complexe et plus difficile la tâche de les réduire.

2.2. Dans le cadre d'une vision générale qui englobe les divers types de violence susmentionnés, il convient de considérer que le taux enregistré pour les sept principales villes du pays a été de 2960conflits pour 100000habitants, ainsi que l'a montré l'enquête nationale sur les foyers réalisée en 1997(54). Au nombre des 11,9pour cent de foyers affectés par des conflits, 84,6pour cent étaient de gravité majeure, étant donné qu'il s'agissait de conflits de nature pénale, alors que 3,2pour cent seulement des conflits étaient des conflits du travail(55). Le dernier chiffre illustre assez les caractéristiques de la situation colombienne, car il montre que le niveau des conflits du travail est très bas, au contraire des conflits d'ordre pénal où les indicateurs des conflits sont très élevés. Ce panorama montre un environnement de travail assez tranquille, bien qu'il montre aussi des problèmes sérieux dans la nature des conflits majoritaires (pénaux) et dans la forme de les résoudre (la violence) qui entrent dans le cadre d'un conflit armé interne et d'une situation de criminalité débordante. Il y a peu de doutes maintenant sur la liaison entre les conflits de nature pénale et la violence comme phénomène explicite. Bien qu'une partie des infractions pénales ne nécessite pas le recours à la violence, la catégorie de délits les plus fréquemment commis en Colombie comporte la pratique de la violence(56).

La situation est encore plus grave du point de vue pénal, et non dans le domaine du travail, si l'on considère que les chiffres précédents de l'enquête nationale sur les foyers correspondent à un espace urbain (sept villes principales) et non à l'espace rural, où les conditions de conflits sont principalement liées au champ du droit pénal et à la criminalité, et non aux conflits du travail étant donné l'industrialisation naissante des zones rurales colombiennes(57).

En matière de solution des conflits qui trouvent leur origine dans le domaine du travail, le développement de l'action de tutelle (protection constitutionnelle) occupe une position spéciale en tant que mécanisme souple et efficace pour protéger les droits fondamentaux. Les statistiques de la Cour constitutionnelle en matière de solution des actions de cette nature indiquent que, pour l'année 1997, les citoyens ont eu recours à cet instrument afin de rechercher principalement la protection des droits de pétition (13 746 actions, correspondant à 26,25pour cent du total), d'égalité (6 859actions, correspondant à 13,10pour cent du total), de procès équitable (6227actions, correspondant à 11,89pour cent du total) et du travail (5939actions, correspondant à 11,34pour cent du total). La sécurité sociale et le paiement de pensions et salaires occupent des rangs également détachés (2515et 1080 actions, respectivement, correspondant à 4,8 et à 2,06pour cent du total), alors que l'un des droits les moins invoqués est le droit d'association syndicale (393plaintes équivalant à 0,75pour cent du total durant l'année 1997).

Une légère amélioration a été enregistrée en 1998 en ce qui concerne le problème général de la criminalité par rapport à 1997. C'est ainsi qu'en 1998 on a enregistré 2577 homicides de moins qu'en 1997, chiffres importants en valeur de vies humaines mais insatisfaisants étant donné que le total des homicides en Colombie a été catastrophiquement élevé en 1998 puisqu'il a atteint 26350homicides; les massacres, dont sont en majeure partie responsables les groupes d'autodéfense, ont enregistré une légère diminution de trois événements par rapport à 1997, mais ils restent élevés étant donné qu'on a enregistré 112massacres en 1998; les enlèvements pour l'extorsion de fonds ont été massivement augmentés par la guérilla, puisqu'ils sont passés de 1833en 1997 à 2388 en 1998; les actes de terrorisme avec usage d'explosifs enregistrés en 1998 ont atteint 1680, en progression par rapport à 1997; les atteintes à l'intégrité physique ont été de 37430 en 1998, ce qui représente un nombre de blessés inférieur de 5147 par rapport à 1997(58).

Tous les types de violence énumérés au début de ce chapitre sont représentés dans les homicides et les coups et blessures subis par la population. Les massacres sont commis, dans 70pour cent des cas, par des groupes «d'autodéfense» d'extrême droite et, dans la majeure partie des cas restants, par des groupes de guérilleros. La délinquance de droit commun et les groupes de guérilleros se partagent les enlèvements de personnes et les vols dans les banques. Les actes de terrorisme relèvent des organisations de guérilleros et des groupes de trafiquants de drogue. Les vols ordinaires et les vols de voitures sont commis dans leur majorité par la criminalité ordinaire.

Le bilan total de la criminalité présente des chiffres particulièrement élevés qui indiquent une activité débordante de la délinquance, face à laquelle l'Etat colombien doit reconnaître les grandes difficultés qu'il affronte pour la contrôler, malgré les énormes efforts entrepris, sa volonté politique et ses grands investissements en matière de justice, de sécurité et de défense.

Depuis 1990, les homicides enregistrent une croissance alarmante. Selon les données de 1996, la Colombie détient le second indice d'homicides le plus élevé d'Amérique, très élevé en fait puisqu'il atteint un taux de 67homicides par 100000habitants(59).

La criminalité ordinaire qui couvre un large spectre d'infractions a atteint, au cours des dix dernières années, une moyenne historique, plus ou moins stable, de quelque 200000délits par an(60). A part les problèmes de corruption, attentats à l'environnement, délits sexuels et autres actes punissables qui présentent des facettes et des implications nuisibles nécessitant l'attention des autorités, les délits contre la vie et l'intégrité physique des personnes sont les plus significatifs à côté des attentats contre les biens économiques.

En matière d'homicides, les 40pour cent du total des morts violentes survenues en 1996 avaient une relation avec d'autres activités délictuelles, alors que 30pour cent des homicides semblaient avoir pour motif un règlement de comptes, ce qui engloberait en principe 71pour cent des homicides de la délinquance ordinaire et du trafic de drogue(61). Selon les statistiques de la criminalité apparente, un total de 2 718400délits contre le patrimoine économique ont été commis entre 1958 et 1990(62). Entre 1991 et 1996, un total de 601541délits contre le patrimoine économique ont été enregistrés, avec un coût estimé à 3,4 billions de pesos(63). Entre 1958 et 1990, on a enregistré 1111177 cas de blessures aux personnes(64). Entre 1991 et 1996, on a enregistré 192070lésions communes avec une incapacité supérieure à 30jours pour leurs victimes, qui se sont traduites par des coûts de soins avoisinant 109000millions de pesos(65).

Etant donné que la criminalité ordinaire est dirigée contre divers secteurs de la population civile sans discrimination particulière, des personnes qui occupaient des positions en vue dans diverses activités de la vie politique, sociale, économique ou du travail ont été victimes de cette criminalité. A titre d'exemple, on peut citer le cas de l'assassinat de María Arango Fonnegra (cas no787), qui avait une longue carrière de travail en faveur du mouvement populaire colombien et des droits de l'homme et qui était connue comme militante de la gauche politique. Le cas est singulier car, en raison des liens de longue date qu'entretenait MmeArango avec le Parti communiste, le crime fut interprété comme étant de caractère politique. Toutefois, MmeArango a été assassinée par des délinquants de droit commun qui voulaient éviter de rembourser 85millions de pesos qu'ils avaient escroqués à la dirigeante politique qui avait cessé toute activité politique plusieurs années avant son assassinat(66). Les deux instigateurs, un complice et l'auteur matériel de l'homicide, furent détenus sur ordre du ministère public(67).

On peut citer un autre exemple d'un cas similaire, à savoir l'assassinat d'Alfonso Vargas, qui était à l'époque Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs démocratiques (CGTD), lui aussi victime de la délinquance commune.

La violence de la vie quotidienne, distincte du crime organisé résultant de l'environnement socioculturel où elle est devenue un moyen pour résoudre les litiges, est bien présente dans les statistiques de la criminalité et ne peut être ignorée au moment de concevoir la construction d'un environnement de coexistence. Les manifestations les plus graves de ce type de violence sont les homicides, les blessures aux personnes et les morts résultant de la pratique illégale d'avortements dans des conditions inadaptées(68). Les homicides au cours de rixes, qui peuvent être un produit typique de cette catégorie de violence, ont représenté 21pour cent du total des homicides dans la période 1991-1996(69).

En ce qui concerne la violence à caractère politique, les homicides, les agressions aux personnes, les massacres, les séquestrations et les extorsions de fonds sont les pratiques les plus fréquentes. Entre 1958 et 1990, les victimes de la subversion ont atteint un total de 27304morts, dont 3326 appartenaient à la police nationale et aux forces militaires, alors que 23978 étaient des civils(70). Ainsi, ce sont les civils désarmés qui ont été les principales victimes des actions des groupes armés. Entre 1976 et 1990, quelque 687guérilleros ont trouvé la mort au cours d'affrontements avec la force publique et 2395 guérilleros furent capturés au cours de cette période(71). Dans les années 1985 à 1996, le conflit armé a été assez intense avec 4325confrontations entre la force publique et la guérilla, 2974actes de sabotage et 1126 actions de harcèlement, qui ont fait 16625 morts: 4552civils, 4400membres des forces armées (police et armée) et 7673guérilleros(72).

La guérilla colombienne représente la force insurrectionnelle qui a le plus recouru aux enlèvements dans l'histoire des groupes révolutionnaires dans lemonde entier. La Colombie enregistre d'ailleurs le chiffre le plus élevé d'enlèvementsdans le monde. Entre 1976 et 1990, on a enregistré 4451enlèvements de civils(73). Entre 1985 et 1996, la délinquance politique a été responsable de l'enlèvement de 4853civils, sur un total de 6204enlèvements de civils(74). Selon les chiffres du Programme présidentiel pour la défense de la liberté personnelle, 1443enlèvements pour extorsion de fonds ont été enregistrés en 1997 et 1294 jusqu'au mois de septembre 1998. Sur ces chiffres, 364 enlèvements sur toute l'année 1997 et 370enlèvements jusqu'à septembre 1998 sont imputables à la subversion. En ce qui concerne les enlèvements politiques pour extorsion de fonds, 258actes de cette nature ont été enregistrés entre janvier et septembre 1998, attribués principalement aux forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) (48,84pour cent) et à l'Armée de libération nationale (ELN) (35,66pour cent). Ces chiffres n'incluent pas les membres de la force publique retenus par la subversion et dont le total dépasse 300.

Les chiffres susmentionnés concernant la criminalité n'incluent pas les données relatives au trafic de drogues illicites, qui constitue l'un des fronts supplémentaires où l'Etat colombien, pour des raisons politiques, éthiques, de coexistence interne et de responsabilité face à la communauté internationale, doit agir en utilisant principalement ses ressources humaines, financières et matérielles. Le crime organisé en Colombie est le deuxième producteur de feuilles de coca dans le monde, qui est la matière première utilisée pour la préparation de la cocaïne, bien que la Colombie détienne le record mondial de l'éradication des cultures illicites tant par arrachage manuel que par fumigation aérienne; la délinquance colombienne conserve des cultures et des activités de contrebande de marijuana (cannabis); elle possède des cultures de plus en plus étendues de coquelicot, matière nécessaire à l'élaboration de l'héroïne, le crime organisé colombien étant le principal distributeur de cocaïne au monde. De même dans ce domaine, l'Etat colombien doit consacrer une attention spéciale à la recherche et à la confiscation de l'argent illicite que ce commerce génère en quantités astronomiques, au contrôle des matières chimiques utilisées dans les procédés d'élaboration des drogues et à la criminalité secondaire dérivée de l'offre et de la demande de drogues prohibées. Il convient de signaler également les ressources et les programmes destinés au développement alternatif des zones affectées par les cultures illicites, qui constituent une priorité pour le gouvernement national.

La superficie des cultures de feuilles de coca était de 45 000 hectares (1995), alors que 5000hectares étaient plantés de marijuana (1995)(75). L'industrie illégale de la drogue génère entre 2000 et 5000 millions de dollars par an, et le capital accumulé pourrait avoir atteint 66000millions de dollars au cours des dernières années d'exploitation de la production et du trafic(76). De tels chiffres illustrent le défi gigantesque qu'affronte l'Etat colombien pour combattre un phénomène qui dépasse de plus en plus les ressources dont il dispose pour continuer sa lutte, avec l'assistance limitée de la communauté internationale. Ils portent également témoignage de la grande capacité des bandes du narcotrafic pour générer la criminalité et la violence.

En effet, le trafic de drogue est responsable d'une partie importante des homicides commis dans le pays. «Les départements les plus violents sont concentrés dans des zones reconnues comme étant sous l'influence des narcotrafiquants et dans les nouveaux départements où existent des cultures illicites(77).» Les antécédents des bandes de trafiquants de drogues illicites dans les actes de violence relèvent d'une longue tradition qui atteignit sa plus grande expression dans la guerre narcoterroriste contre l'Etat et les agents de la société civile qui s'étaient opposés à leurs desseins(78).

En plus de sa participation aux actes terroristes commis sans distinction contre la population civile, afin de forcer l'Etat à cesser sa persécution, et en plus des attentats commis contre les fonctionnaires de l'Etat et qui frappèrent à mort les juges, les policiers, les ministres d'Etat, etc., le narcotrafic a lancé une offensive fatale contre des éléments représentatifs de la société civile. C'est ainsi que les bandes de trafiquants de drogues ont commis des assassinats sélectifs de dirigeants politiques (dont quatre candidats à la présidence), de journalistes et de dirigeants syndicaux. Ils se sont également compromis activement dans les séquestrations de fonctionnaires de l'Etat et des membres de leurs familles, de journalistes et de dirigeants politiques. Enfin, les bandes de trafiquants apparaissent également dans l'organisation et le financement de bandes d'autodéfense, responsables de massacres contre des paysans et des travailleurs syndicalistes. En outre, il ne faut pas négliger les liens qu'entretiennent les groupes de trafiquants de drogues avec le conflit armé et la criminalité, car ils ont participé activement aux homicides, aux massacres, au terrorisme et aux séquestrations.

Pour ce qui est des caractéristiques de la population victime des actions criminelles relatées dans les paragraphes précédents, nous avons déjà dit qu'elle ne correspond pas essentiellement à des dirigeants et à des travailleurs syndicalistes, ces derniers n'étant touchés par la violence que dans la mesure où ils se voient mêlés au conflit armé interne ou tombent aux mains de la criminalité ordinaire; mais ils ne font pas l'objet d'une persécution violente en raison de leurs activités syndicales(79).

Au contraire, la violence a affecté la totalité de la population colombienne, dans des proportions correspondant aux caractéristiques du conflit armé interne et aux modalités et types de violence commise. Dans la mesure où ce conflit est essentiellement rural, c'est la population rurale qui a été la plus agressée. Les paysans ont également été les principales victimes des massacres commis par des groupes d'autodéfense d'extrême droite. Dans le cas des massacres de travailleurs syndicalistes, comme on le verra plus loin, ces massacres ont été concentrés dans la zone d'Urabá (département d'Antioquia) où l'activité principale est l'exploitation industrielle de la banane. Les extorsions de fonds ont touché des éleveurs et des paysans qui étaient des petits et moyens propriétaires terriens. Les actes de séquestration ont touché des familles de toutes les classes sociales, spécialement en zone urbaine, et de la haute classe moyenne, ainsi que les propriétaires de grandes et moyennes superficies de terres rurales.

En 1996, 93pour cent des victimes de délits d'homicide étaient des hommes et les 7pour cent restants étaient des femmes; 19pour cent des personnes assassinées avaient entre 21 et 25ans, 18,1pour cent étaient âgées de 26 à 30ans; 59pour cent des homicides ont eu lieu sur la voie publique; 50pour cent des personnes qui sont mortes étaient sous l'effet de substances enivrantes(80).

Les coûts sociaux, économiques et politiques des diverses catégories de violence dans le pays sont difficiles à calculer. A peine est-il possible de calculer les coûts économiques dont les chiffres représentent les énormes sacrifices de l'Etat et de la société pour contenir la violence, tempérer ses effets ou simplement en payer le prix. Dans les dépenses générées par la violence sont inclus les pertes en vies humaines utiles, celles occasionnées par le terrorisme, les émoluments payés en surcoûts de santé et de sécurité privée, les surcroîts de dépenses militaires, les montants perdus du fait des enlèvements et des extorsions de fonds, sans compter les pertes en biens matériels par suite des délits contre le patrimoine économique.

Ainsi, dans la période comprise entre 1991 et 1996, les coûts bruts du conflit armé interne ont représenté 9pour cent du PIB, soit une somme de 6,1billions de pesos, avec une moyenne annuelle de 1,5pour cent du PIB. Dans ce même domaine, et dans la même période de 1991 à 1996, le pays s'est vu obligé de supporter des dépenses militaires dépassant de 3,7billions de pesos la moyenne des dépenses militaires en Amérique latine(81).

En plus des pertes en vies humaines et en biens matériels, la violence issue de la criminalité ordinaire a pour effet de détourner l'attention des forces de sécurité de l'Etat et de ses agences en général qui, sans cela, auraient pu consacrer leurs efforts à lutter contre d'autres formes de violence. Etant donné les dimensions de la criminalité ordinaire, décrites dans les paragraphes précédents, les ressources matérielles, humaines et financières que l'Etat colombien est obligé d'investir ou de détourner pour faire face à ce phénomène sont considérables, comme on peut l'imaginer.

Les coûts du conflit armé, les investissements nécessaires pour freiner les divers phénomènes de la criminalité ainsi que les dépenses nécessaires pour protéger la vie des personnes et des groupes les plus vulnérables vis-à-vis de la violence ont contribué à étrangler les finances publiques. Au cours des dernières années, le pays a investi plus de 1000 millions de dollars par an rien que pour combattre le trafic de la drogue(82).

Face au poids des dépenses que l'Etat et la société ont dû assumer, il convient, pour compléter le tableau, de donner un coup d'œil sur les quelques indicateurs économiques relatifs aux recettes de la nation, et qui doivent servir à financer les coûts générés par la violence. La nation a dû supporter un déficit élevé et permanent de sa balance commerciale, représentant 4100millions de dollars en 1995, 4 756millions de dollars en 1996 et 4790millions de dollars en 1997(83). Dans ce domaine, la situation est loin d'être encourageante, étant donné que les prix internationaux du café, produit traditionnel principal de la Colombie, ont enregistré une cotation très basse en 1998, au-dessous de 1,30dollar par livre, alors que le prix du pétrole, produit sur lequel le pays avait fondé certaines espérances, a atteint un de ses cours internationaux les plus bas de son histoire, soit 10,83dollars par baril. En outre, la croissance de l'industrie en 1998 a été égale à zéro. La dette extérieure s'élève à 31665millions de dollars(84). Le déficit public en 1998 a atteint 6,6pour cent du PIB, ce qui constitue un chiffre à haut risque pour l'ensemble de l'économie.

Les auteurs de la violence

Les auteurs de la violence criminelle en Colombie sont multiples. En plus des bandes et des agents qui sont responsables de la délinquance ordinaire, et en plus des citoyens ordinaires qui sont éventuellement impliqués dans des actes de violence, il existe des groupes structurés disposant d'un grand pouvoir économique et coercitif, qui atteignent un degré élevé de développement au sein du phénomène du crime organisé et de la délinquance politique. Le présent chapitre sera consacré à la description des caractéristiques de ces groupes. A l'intérieur de ces groupes du crime organisé et du crime politique, les organisations de guérilleros, les bandes et les groupes d'autodéfense de l'extrême droite et les groupes et les bandes associés au narcotrafic se détachent en raison de l'envergure et de l'extension des actes de violence qu'ils commettent. Nous commencerons la description par les groupes de guérilleros qui sont les organisations armées les plus anciennes d'Amérique et qui sont, par ailleurs, les seules actives à côté de deux organisations de guérilleros au Pérou et de deux autres au Mexique.

Le principal groupe armé opérant en Colombie, qui se fait appeler Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), a été fondé sous cette dénomination en 1966 bien qu'il y eût des bandes armées qui opéraient depuis le début des années cinquante(85). Le groupe est formé en majorité d'individus d'origine paysanne. Les FARC ont suivi une filiation communiste de type orthodoxe, sympathisante des partis communistes traditionnels qui étaient connus pour leur tendance prosoviétique(86). En général, ils sont le produit de la période historique connue en Colombie sous le nom de «La Violence», comprise entre 1946 et 1964(87).

A l'heure actuelle, les FARC constituent une organisation politico-militaire autonome qu'on ne pourrait pas qualifier de bras armé d'un parti politique(88). Quant à leurs objectifs, «les Forces armées révolutionnaires de Colombie ont été créées afin de lutter pour la prise du pouvoir pour le peuple, avec comme objectif de nous constituer en armée du peuple par opposition à l'armée qui est au service de la bourgeoisie et des classes exploitantes»(89).

Dans leur structure, il existe un «secrétariat» qui constitue le pouvoir exécutif de la guérilla, suivi d'un «état-major central» chargé de la direction générale de l'organisation, qui a à sa tête Manuel Marulanda Vélez (alias «Tirofijo»)(90). Il existe ensuite des «blocs», ayant compétence sur une région territoriale déterminée, qui regroupent divers «fronts», lesquels constituent les unités de base principales qui sont les subdivisions de l'appareil militaire. Les «blocs» sont dirigés par leurs «commandants» respectifs et un «état-major»; le même schéma est reproduit dans les «fronts»(91). Actuellement, les FARC possèdent sept «blocs» et 66 «fronts», avec un effectif total estimé entre 7000 et 8000 hommes en armes. En termes généraux, l'organisation dispose d'une structure hiérarchique rigide et verticale.

A leurs débuts et durant la plus grande partie de leurs trente-trois années d'activités subversives, les guérillas des FARC se trouvaient dans des zones périphériques situées aux frontières agricoles du pays, où elles opéraient comme une force qui prétendait protéger les intérêts des petits propriétaires de terres rurales(92), tandis qu'elles croissaient en force et en puissance. Au cours de cette période, elles ont accumulé les combattants, les armes, les ressources financières et l'expérience militaire. Elles ont démontré qu'elles possédaient une capacité guerrière avancée, de caractère offensif, qui se traduit en une nouvelle étape du conflit armé. Depuis la «Septième Conférence» tenue en 1982, elles ont établi un plan pour s'étendre vers les zones stratégiques, d'importance économique dans le secteur agricole et commercial, en raison des ressources matérielles existantes ou comme base d'accès aux régions d'importance politique, économique ou sociale. Elles ne sont absentes que de huit départements sur les trente-trois qui constituent la division politique territoriale du pays. Leur présence, à divers degrés d'intensité et d'importance, touchait en 1995 un total de 522municipalités sur les 1069 que compte le pays(93).

Dans ces conditions, elles dominent certaines zones qui leur permettent d'établir des corridors de communication avec d'autres régions où elles concentrent des fronts militaires. C'est pourquoi elles disposent d'une capacité considérable pour concentrer des unités militaires importantes (environ 2000 guérilleros), provenant de régions séparées, afin d'attaquer des cibles importantes comme les bases de l'armée nationale ou des agglomérations d'une certaine importance. Elles possèdent un armement typique pour la guerre d'infanterie, renforcé dans quelques-uns de ses fronts avec des mitrailleuses lourdes et des armes d'artillerie légère comme les mortiers.

L'Armée de libération nationale (ELN) a été créée en 1965, à l'instar des autres organisations de guérilla en Amérique latine sous l'inspiration de la révolution cubaine et de la théorie dite du «foyer» révolutionnaire(94). «Dans les principes de son programme, l'Armée de libération nationale affirme: «L'Armée de libération nationale est née de la nécessité pour le peuple colombien de posséder un bras armé combatif et conscient, capable de lui assurer, à travers la lutte frontale contre ses ennemis, la prise du pouvoir et l'établissement d'un système social conforme au développement du pays, qui libère les masses de l'exploitation à laquelle elles ont été soumises durant toute leur histoire(95)

Durant plus d'une décennie, l'ELN a essayé de développer sans aucun succès son modèle d'insurrection, avec une maigre présence sur le territoire national, sans influence politique ou militaire et avec un effectif faible en hommes. Vers le milieu des années soixante-dix, elle avait été réduite à quelques petites bandes, après une offensive de l'armée nationale et suite à la mort de la plus grande partie de ses dirigeants(96). Toutefois, après une période de survie minimale au cours de laquelle elle s'était maintenue comme un phénomène endémique avec une activité très réduite et peu importante, elle renaquit grâce aux ressources économiques obtenues de l'extorsion de fonds à des sociétés multinationales qui réalisaient des exploitations pétrolières ou des travaux de construction d'infrastructure pétrolière. Les capitaux réunis à cette époque lui permirent de financer la création de nouvelles colonnes armées, pour constituer une nouvelle base pour le développement d'activités militaires et de financement économique, qui furent suivies de l'accroissement soutenu de ses actions militaires, du nombre de ses effectifs et de sa présence territoriale.

La majeure partie des ressources nécessaires pour financer les activités militaires de l'ELN provient de l'enlèvement de personnes (nationaux ou étrangers), de l'extorsion de fonds aux entrepreneurs et autres membres de la population civile, des rendements financiers des capitaux accumulés et, dans une moindre mesure, des attaques contre des banques ou d'autres personnes(97). Il n'existe pas de preuve qui permette de conclure que l'ELN a bénéficié de la production ou du trafic de drogues illicites(98). Ses actions les plus nuisibles sont le dynamitage des oléoducs qui transportent le pétrole, occasionnant ainsi de graves dommages à l'économie nationale et à l'environnement(99).

Sa direction est principalement constituée de personnes appartenant à la classe moyenne(100). Elle est organisée en «fronts» ou «colonnes» qui opèrent avec une grande autonomie militaire et politique pour obtenir les ressources de financement, ce qui fait que la dépendance hiérarchique par rapport à son «commandement central» est faible et relative. Elle dispose de 35«fronts» et de près de 3000hommes armés. Après la mort de son principal chef en 1998, le prêtre espagnol défroqué Manuel Pérez, mort de mort naturelle, c'est Nicolás Rodríguez Bautista (alias «Gabino») qui en assume la direction.

Les principales unités de l'ELN sont stationnées dans des zones où existent des ressources naturelles, et spécialement dans des régions d'exploitation pétrolière ou adjacentes aux lignes des oléoducs qui transportent le pétrole brut. Selon des chiffres remontant à 1995, elles étaient présentes dans 280municipalités(101).

L'Armée populaire de libération (EPL) est la troisième organisation de guérilla existant dans le pays. Il s'agit du résidu de l'ancien mouvement de guérilla du même nom fondé en 1967 par le Parti communiste marxiste léniniste (PC/ML)(102). PC/ML s'était séparé du Parti communiste traditionnel qu'il accusait de «révisionnisme», se ralliant à ce que l'argot de la gauche appelle la «ligne prochinoise».

L'EPL regroupait des éléments de la classe moyenne parmi ses dirigeants et des paysans. Sa principale zone d'influence était la région du Nord-Est (zone limitrophe des départements de Córdova et d'Antioquia) et la région voisine d'Urabá (département d'Antioquia). Avec les réformes politiques introduites en Chine après la mort de Mao Tse Tung, le mouvement s'est dirigé vers les orientations d'Enver Hoxa en Albanie. Finalement, en 1980, l'EPL et son bras politique ont abandonné le maoïsme(103) et, en 1984, ils ont commencé un processus de négociation avec l'Etat colombien dont le succès en 1991 se traduisit par la démobilisation des groupes de guérilleros et l'amnistie des membres ralliés au processus de paix. C'est à ce moment-là qu'a été fondé le mouvement politique légal dénommé «Espérance, paix et liberté», qui conserve le sigle EPL, et dont les membres sont en situation grave d'antagonisme avec les FARC, l'organisation qui cherche à s'emparer des anciennes zones d'influence militaire et politique de l'EPL(104). Parallèlement, une dissidence minoritaire du groupe de guérilla reste armée et continue à se faire appeler Armée populaire de libération sous la conduite de Francisco Caraballo(105).

Un quatrième groupe de guérilla est constitué par le Mouvement Jaime Bateman. Il s'agit là aussi d'une dissidence de l'ancien groupe d'insurgés Mouvement du 19avril (M-19) qui a refusé de se rallier au processus de paix conclu avec cette organisation. Le M-19 était apparu en 1970, mais ce n'est qu'en 1974 qu'il a commencé ses opérations. Il regroupait des personnes de la classe moyenne, spécialement des professionnels. Le mouvement Jaime Bateman est un petit groupe opérant dans les départements de Valle et de Tolima, et dont les effectifs sont équivalents à ceux d'un des fronts des FARC. Il participe sporadiquement à des enlèvements et à des affrontements avec la force publique.

Il existe un cinquième groupe d'insurgés. Il s'agit d'une minuscule organisation terroriste qui opère sous les noms d'Organisation révolutionnaire du peuple (ORP) et de Mouvement Jorge Eliecer Gaitán (JEGA), qui a à son actif quelques enlèvements et assassinats sélectifs(106). Il entreprend des actions par intermittence, et son principal chef est Hugo Antonio Toro Restrepo, alias «Comandante Bochica». Il n'a pas de présence dans les zones rurales, ni de «fronts» ou de colonnes armées. Il opère dans les départements de Risaralda et Quindío.

Au total, la guérilla compte environ 10000militants armés. Sa présence territoriale en 1995 couvrait 622municipalités sur les 1069 qui composent la carte de la Colombie.

Sur l'autre bord idéologique apparaissent les bandes armées d'extrême droite, aux origines très variées et disposant de différentes formes d'organisation. Les médias ont l'habitude de les appeler «groupes paramilitaires», au sens universel de ce terme, étant donné que les bandes qui se font appeler ainsi en Colombie n'ont aucun lien organique avec l'Etat. En effet, à la différence d'autres pays qui ont combattu les phénomènes d'insurrection, il n'existe pas en Colombie de forces authentiquement paramilitaires pour combattre la guérilla(107). Les groupes d'autodéfense des paysans du Guatemala, les forces de défense civile d'El Salvador et les rondes de paysans du Pérou étaient toutes des structures officialisées ou officielles paramilitaires, armées, entraînées et commandées par les forces militaires de leurs pays respectifs pour lutter, dans le cadre d'une stratégie militaire, contre les forces des guérillas de ces pays. En Colombie, les organisations faussement qualifiées de «paramilitaires» sont des bandes armées d'extrême droite formées en marge de l'ordre légal et, pour cette raison, poursuivies par les autorités de l'Etat colombien.

S'agissant de la formation des bandes en question, on peut signaler deux caractéristiques: a)l'existence de groupes divers, nombre d'entre eux étant intermittents, avec une origine complexe; b)l'influence des trafiquants de drogues, en association avec d'autres secteurs sociaux, dans les cas les plus pertinents.

De nombreuses bandes antisubversives, dites de «propreté sociale»(108), organisées comme milices ou s'adonnant à des activités de tueurs à gages(109) ont opéré en Colombie. La majorité de ces groupes ont eu une existence courte, un bas niveau de structuration, un profil idéologique très faible, des discours et des pratiques d'où l'éthique était totalement absente et un environnement d'action locale assez restreint. Les groupes urbains semblaient dédiés à la lutte contre la délinquance commune, parfois alternativement ou simultanément à la réalisation de leurs propres commerces illicites. Les groupes ruraux étaient engagés, principalement, dans le combat contre la subversion et, subsidiairement, dans la lutte contre certaines formes de délinquance commune, tout en paraissant, en de nombreuses occasions, avoir des connexions avec les trafics illicites, notamment en matière de drogues.

Au nombre des groupes qui ont eu une certaine activité, on peut citer des organisations comme «Alpha 83», «Los Tiznados», «Terminator», «Muerte a Abigeos»-Maos, «El Embrión», «Pro Limpieza del Valle del Magdalena Medio», «Movimiento Anticomunista Colombiano», «Los Grillos», el «Escuadrón Machete», «Falange». Ces groupes se sont tous dissous.

Les groupes plus sophistiqués, qui sont apparus dans la première moitié des années quatre-vingt, étaient issus directement des organisations du narcotrafic dirigées par Gonzalo Rodríguez Gacha et Pablo Escobar(110). Ils s'étaient alors alliés avec les frères Fidel et Carlos Castaño pour développer la constitution des groupes armés privés ou «d'autodéfense»(111).

Les groupes primitifs ont été formés dans la zone du Magdalena Medio (région des départements de Boyacá, Cundinamarca, Antioquia et Santander) et dans la zone nord-orientale du département d'Antioquia, dans la région centrale du pays, où les trafiquants avaient acquis des fermes, pour réagir contre les activités d'extorsion que réalisait la guérilla contre les propriétaires de terres rurales(112).

Les groupes d'autodéfense du Magdalena Medio sont passés par diverses étapes opérationnelles en fonction des objectifs politiques et militaires qu'ils poursuivaient. Dans la première phase, ils ont éradiqué les groupes de guérilleros de la zone du Magdalena Medio. Dans la seconde phase, ils ont mené une campagne d'extermination contre les militants de l'Union patriotique, un front politique légal de gauche fondé par le Parti communiste et les FARC (la participation politique de la guérilla, à travers des rebelles amnistiés, obéissait au processus de paix de 1984) comme représailles contre l'interférence des FARC dans le commerce du narcotrafic, avec lesquelles ils s'étaient alliés provisoirement, pour ensuite avoir avec elles des conflits sans merci(113). Dans une troisième phase, ils ont mené des campagnes de terreur, opérant des massacres, dans les régions d'influence de l'EPL (Urabá) ou des FARC (nord-est du département d'Antioquia)(114). Dans la phase terminale, ils étaient plus liés aux appareils de sécurité des trafiquants de drogues ou aux bandes de tueurs à gages dont ils louaient les services, ils ont participé à de nombreux homicides de personnalités (par exemple l'attentat contre le candidat du parti libéral à la présidence, Luis Carlos Galán) et à des assassinats en série de membres de la police nationale(115). Ces groupes d'autodéfense avec un commandement hiérarchique unifié ont eu une origine régionale déterminée, mais ils ont fini par atteindre une couverture nationale(116).

Le deuxième carré de bandes d'autodéfense, auquel ont participé certains résidus de la bande organisée dans le Magdalena Medio, avait son épicentre dans les zones rurales du département de Córdova, où s'étaient retrouvées les bandes d'autodéfense du nord-est d'Antioquia qui avaient été organisées sous la direction des frères Fidel et Carlos Castaño. Les frères Castaño, recherchés par les autorités de l'Etat colombien sous diverses charges, ont étendu rapidement leur organisation jusqu'à la région d'Urabá, dans le département d'Antioquia. A l'époque, ils ont même eu des confrontations avec la bande de Pablo Escobar contre laquelle ils ont mené une sanglante guerre privée.

Les bandes d'autodéfense poursuivent aussi une stratégie de type territorial, visant à la constitution de pouvoirs locaux, même quand elles combinent l'instrument de la violence avec l'acquisition des terres, ce qui leur donne une influence supplémentaire en termes sociaux, économiques et politiques en plus des bénéfices évidents.

Dans le cadre de l'offensive qu'elles ont menée en 1997, les bandes d'Autodéfense unies de Colombie (AUC) ont étendu leur action à des régions ayant une présence traditionnelle de la guérilla (départements de Bolívar, Chocó, Santander et Meta), livrant des combats aux guérillas de l'ELN et des FARC. Toutefois, leur tactique principale repose sur l'exécution de massacres au sein de la population civile, afin que celle-ci reste la base sociale de la guérilla ou pour l'obliger à livrer combat à cette dernière. De même, elles commettent des assassinats sélectifs d'activistes politiques, qu'elles supposent être associés à la guérilla, au nombre desquels on peut citer des défenseurs des droits de l'homme, des dirigeants et des travailleurs syndicalistes. Elles ont également enlevé des dirigeants de la guérilla et des membres de leurs familles.

Selon les chiffres remontant à 1993, les groupes d'autodéfense étaient présents dans 138municipalités, couverture qui a dû s'élargir depuis le début de leur offensive nationale en 1997(117). Les effectifs estimés des AUC varient entre 4 000 et 5 000hommes(118).

Dans le panorama des groupes armés qui opèrent en Colombie, il convient de mentionner également les escadrons des bandes de narcotrafiquants. Les trafiquants de drogues, en plus de leurs liens avec les organisations d'autodéfense, possèdent leurs propres appareils militaires et de sécurité, qu'ils utilisent pour combattre les forces de sécurité de l'Etat, éliminer les adversaires ou concurrents dans le négoce illicite, et enlever et assassiner des fonctionnaires de l'Etat ou des personnalités de la société civile qui ont adopté des mesures contraires à leurs intérêts ou adressé des critiques à leur encontre(119). La liste est longue des candidats à la présidence, ministres d'Etat, journalistes, dirigeants syndicaux, policiers, activistes des partis politiques, magistrats de la Cour suprême de justice, juges, procureurs, hommes d'affaires, concurrents du trafic de drogues et des membres des familles des personnes susmentionnées, qui ont été assassinés. Les groupes de trafiquants ont également utilisé le terrorisme comme tactique pour arriver à leurs fins, faisant sauter des avions en plein vol, dynamitant les véhicules aux explosifs sur les voies publiques et détruisant à la bombe des bâtiments de l'Etat ou de sociétés privées.

Leurs actions visaient à défendre leurs intérêts économiques, échapper à la justice ou forcer la dérogation ou l'inapplication des mesures qui prévoient l'extradition des nationaux pour être jugés à l'étranger pour des délits de trafic de drogues.

Dans la majorité des cas, les trafiquants, au lieu de créer des groupes armés spéciaux et connus, se sont servis des énormes ressources économiques pour sous-traiter avec des bandes armées ou des escadrons de tueurs à gages dont ils louaient les services.

Une des pratiques les plus fréquentes des groupes de narcotrafiquants a été l'infiltration des institutions de l'Etat ou de la société civile par le biais d'éléments corrompus(120).

En général, ces organisations ont utilisé leur pouvoir armé aussi bien dans la lutte contre tout ce qu'elles estimaient être communiste que pour garantir les conditions appropriées au commerce des drogues illicites(121).

Evolution du conflit armé interne

La stratégie conçue et appliquée par la guérilla, tant en ce qui concerne les FARC que l'ELN, a consisté à augmenter rapidement et à diversifier ses ressources financières, à multiplier le nombre de ses fronts en doublant les fonds existants, et à s'ériger en pouvoirs locaux en s'infiltrant dans la vie quotidienne des hommes d'influence(122).

Dans la poursuite de son objectif d'augmenter et diversifier ses ressources économiques, la guérilla s'est liée à divers commerces illicites qui lui permettaient d'amasser d'énormes capitaux. En général, les moyens utilisés par la guérilla pour se procurer ces ressources ont provoqué sa confrontation avec les bandes du narcotrafic.

C'est ainsi que la confrontation entre trafiquants de drogues et organisations de guérilla, en particulier les FARC, constitue l'un des aspects qui ont le plus contribué à l'intensification, à l'extension et à l'âpreté de la violence en Colombie. La première conséquence du conflit qui a éclaté entre le narcotrafic et la guérilla a été une vague d'assassinats atroces(123). Les bandes de trafiquants commencèrent alors une série d'assassinats sélectifs contre les dirigeants et les militants de la gauche politique, et des dirigeants syndicalistes et sociaux de même filiation, conduisant ainsi le conflit vers les villes et l'étendant à la population civile.

Dans le sud du pays, où se trouvent les principales cultures illicites et où la grande partie des paysans participent à ces cultures, la guérilla des FARC a constitué une large base sociale qui la soutient et apparaît aussi en confrontation avec les forces de sécurité de l'Etat. Précisément, étant donné que les forces armées doivent s'acquitter des tâches d'éradication des cultures illicites et, en même temps, exécuter des opérations militaires contre les colonnes des FARC en vue de les neutraliser, elles rencontrent, dans le cas du dernier objectif, assez d'hostilité au sein de la population civile qui ne voit dans les détachements militaires que des forces qui prétendent les dépouiller de leurs sources de survie. Les «programmes de substitution des cultures» ont été lancés pour contrecarrer les effets négatifs du problème des cultures illicites. Toutefois, le succès de ces programmes s'est trouvé réduit, étant donné que les produits agricoles traditionnels ne bénéficient pas des prix internationaux qui sont payés pour les matières premières de la cocaïne et de l'héroïne.

Les organisations de guérilla recourent fréquemment à l'utilisation de procédés délictuels en vue d'obtenir rapidement les ressources économiques dont elles ont besoin. Bien que pour certains cela implique une perte de leurs objectifs politiques, il est certain que le recours à ces procédés est un moyen pour atteindre leurs objectifs politiques(124).

La guérilla colombienne a rompu avec l'éthique, sous prétexte que la fin justifie les moyens, bien que la principale conséquence ait été un rapide et gigantesque enrichissement dont elle profite. «Ce qui précède a permis à la guérilla de faire progresser ses revenus de 349 000millions en 1991 à plus d'un billion en 1996, c'est-à-dire 0,58pour cent du PIB. Entre 1991-1996, les revenus ont atteint 3,6billions de 1995, soit 5,3pour cent du PIB(125)

«Les enlèvements, les vols et les extorsions de fonds de la part de la guérilla ont généré pour ces groupes, entre 1991 et 1996, des revenus s'élevant à 1,7billion(126).» Par ailleurs, des chiffres similaires illustrent un autre problème, à savoir la difficulté à convaincre les membres de la guérilla à se démobiliser, étant donné que dans les activités délictuelles qu'ils exercent ils trouvent un moyen lucratif de subsistance et un authentique style de vie, parfois le seul, quand il s'agit de personnes qui, depuis leur enfance, ont été liées à la guérilla.

L'extension des fronts des guérillas s'est accélérée depuis 1982. La capacité de feu de la guérilla a été augmentée, multipliant ainsi la violence et augmentant le nombre et la variété des secteurs sociaux civils affectés. De même, la croissance de la subversion a augmenté les exigences de la force publique qui doit se dédoubler pour faire face à un ennemi qui ne projette le combat que quand il est sûr de sa supériorité numérique et qui, en règle générale, attaque en se déplaçant jusqu'aux zones montagneuses et forestières où il est difficile de le poursuivre. Il ne faut pas perdre de vue, par ailleurs, que les forces armées doivent, en plus, assigner une grande partie de leurs troupes à la garde des ouvrages et des ressources d'infrastructure indispensables, tels que les ponts, les centrales hydroélectriques, les barrages, les routes, les pylônes électriques, les antennes de télécommunications, etc., et se voient obligées de placer leurs unités dans des positions statiques.

En ce qui concerne l'objectif stratégique de conserver des pouvoirs locaux effectifs, le recours à la violence contre tous ceux qui ne partagent pas son projet politique n'est pas la seule tactique de la guérilla mais sa tactique préférée. Cette violence, déployée pour les objectifs déjà indiqués, a été utilisée contre des organisations sociales et politiques diverses, y compris celles ayant des affinités avec d'autres organisations de guérilla; contre les autorités municipales représentées par les maires et les conseillers municipaux(127); contre les hommes d'affaires et les travailleurs des sociétés commerciales, industrielles ou de travaux publics; contre les propriétaires et les paysans s'occupant d'agriculture.

Dans le premier cas, les organisations de guérilla ont entrepris des actions contre les dirigeants et les travailleurs syndicalistes, en appliquant la stratégie qui a pour but d'acquérir le contrôle des organisations sociales ou éviter qu'elles ne soient influencées par des tendances politiques adverses. Cela a été patent, surtout, dans la région d'Urabá (département d'Antioquia) où les travailleurs et dirigeants de SINTRAINAGRO (s'occupant de production de bananes) ont été poursuivis systématiquement par la guérilla.

Les agressions des FARC et la dissidence de l'EPL-Caraballo contre le mouvement politique «Espérance, paix et liberté» ont une large trajectoire dans laquelle ont toujours été imbriquées les questions du contrôle territorial armé d'une région, dans ce cas Urabá, et le contrôle des organisations sociales, dans ce cas le syndicat des travailleurs de la banane et les organisations communautaires des agglomérations de la région. Le conflit, ainsi établi, remonte à la lutte entre les FARC et l'Armée populaire de libération (EPL) avant sa démobilisation et son accord politique avec l'Etat colombien en 1991.

Contrairement au cadre susvisé, et démontrant que l'évolution de la problématique dans le cas d'Urabá n'était pas directement liée aux relations entre les travailleurs et les employeurs, il faut signaler que, et c'est à peine logique en raison de la situation de violence qui existait, même quand dans certaines périodes les tensions n'étaient pas absentes, les relations entreprise/travailleurs ont été normales durant la période de trêve entre les guérillas. «En fin de compte, les accords ont été concentrés sur la rédaction et la signature de 229 conventions collectives du travail, au moment où on signalait, pour l'année en cours, un accroissement de la productivité bananière de 30pour cent et une augmentation des exploitations proche de 15pour cent(128)

Dans d'autres cas, la violence de la guérilla s'est déployée contre les travailleurs et les hommes d'affaires exploitant la palme africaine. Dans ce cas, les travailleurs ont été obligés de suspendre la production sous les menaces ou les actions de violence effectives. On peut également citer en exemple les actions terroristes contre la cimenterie Nare (située dans le département d'Antioquia) et qui ont entraîné sa destruction et la perte d'emploi pour des dizaines de travailleurs.

De même, dans certains cas, des travailleurs syndicalistes ou des dirigeants syndicaux ont été détenus sous l'accusation de «rébellion» et de «terrorisme» sur ordre du ministère public de la nation. Celui-ci, comme on l'a déjà indiqué, est un organisme juridictionnel complètement indépendant du pouvoir exécutif. Ses décisions judiciaires, prises en complète autonomie, dans le cadre des garanties des procédures légales, nécessitent l'existence d'une preuve de responsabilité pénale pour délivrer un mandat d'arrêt(129).

Les centrales syndicales ont été claires en déclarant que les organisations syndicales sont neutres face au conflit armé interne et que les activités syndicales qu'elles déploient n'ont pas pour objet de collaborer ni de contribuer aux objectifs politiques de la guérilla, mais qu'elles répondent aux intérêts et objectifs des travailleurs.

L'offensive de la guérilla pour améliorer sa position stratégique dans les provinces a inclus également une plus grande présence et une plus grande activité dans les régions qui produisent une part importante de la richesse nationale(130). Cette offensive s'est accompagnée d'une démonstration de force en vue de se substituer aux autorités locales officielles, comme par exemple lors des dernières élections régionales, lorsque les insurgés ont menacé de mort les candidats de 23municipalités, rien que dans le département de Cundinamarca(131). Entre 1995 et août 1997, la guérilla et dans une moindre mesure les bandes d'autodéfense ont assassiné deux membres du Parlement, un gouverneur, 26maires et 141conseillers municipaux(132). En 1997, quelque 920candidats aux élections ont dû renoncer sous la menace et 121 ont été enlevés(133). Il convient de signaler que, malgré la violence, les élections se sont déroulées avec le plus fort taux de participation de l'histoire de la Colombie.

Quand elle n'a pas l'intention de remplacer lesdites autorités par d'autres schémas de pouvoir, la guérilla utilise sa force pour faire pression sur les décisions des administrations locales. Ainsi, la guérilla, toujours dans le cadre de sa stratégie de construction de bases locales du pouvoir, fait pression sur les autorités municipales des mairies situées dans ces régions pour détourner les ressources du trésor public vers des actions ou des programmes définis par la subversion elle-même. Avec cet archétype d'actions, la guérilla non seulement augmente son influence locale, mais elle apparaît devant les citoyens comme étant la bienfaitrice d'œuvres d'intérêt commun, sans compter qu'elle contribue au fractionnement de l'unité de l'organisation de l'Etat et obtient des ressources économiques supplémentaires.

En ayant à l'esprit l'objectif précis de défendre la population civile et les institutions démocratiques, l'Etat colombien, en accomplissement de ses devoirs constitutionnels et légaux, a entrepris toutes les actions possibles pour freiner la violence. Et malgré quelques succès obtenus, la force publique a dû payer un lourd tribut de sacrifices. C'est ainsi que dans une embuscade à un convoi de l'armée nationale à Puerres (département de Nariño), 31 militaires ont été tués en 1996. Le 21décembre 1997, dans l'attaque à la base militaire de Patascoy (département de Nariño) déclenchée par les FARC, 11 soldats ont été tués et 18 autres enlevés. Dans l'attaque (1998) des FARC contre la ville de Mitú (département de Vaupés), 110policiers et militaires ont été tués, ainsi que 10 civils, sans compter l'enlèvement de 63policiers. Dans l'attaque (1998) des FARC contre la municipalité de Miraflores (département de Guaviare), siège de la principale base de lutte contre les stupéfiants de la police nationale, d'où étaient effectuées la majeure partie des fumigations de cultures illicites, près de 100 personnes ont été tuées, en majorité des membres de la police et de l'armée nationale, 150 ont été blessées et 129ont été enlevées. Dans l'assaut des FARC (1998) contre la base militaire de La Uribe (département de Meta), un grand nombre de membres de la force publique ont été tués ou enlevés. Les FARC (1998) ont détruit la base militaire de Las Delicias (département du Caquetá) avec un grand nombre de pertes militaires. Sur le site d'El Billar (département du Caquetá), une embuscade a été tendue à un bataillon de l'armée nationale avec de grandes pertes de vies humaines. En 1998, plus de 500 agents de la police nationale ont été tués dans l'exercice de leur devoir. Actuellement, 226 militaires et 184agents de police sont encore séquestrés par la guérilla.

La question des droits de l'homme revêt une importance vitale dans l'évolution et les résultats du conflit. Dans un pays qui fait face à un grave conflit armé interne, il peut arriver que des éléments de la force publique se voient impliqués dans des infractions aux droits de l'homme, malgré la réprobation qu'une telle conduite soulève de la part de l'Etat. En outre, il est clair que l'Etat colombien et ses institutions ne peuvent se consolider comme une alternative face aux groupes de guérilleros et à leur recherche de la vie facile au moyen de la criminalité qu'en développant la démocratie, en défendant l'ordre juridique, en stimulant la participation des citoyens et en renforçant les droits fondamentaux, autrement dit en se transformant en gardiens des droits de l'homme tout en poursuivant implacablement ceux qui les transgressent.

C'est pourquoi, lorsque des éléments isolés et individuels des forces de sécurité de l'Etat commettent des infractions aux droits de l'homme, ces pratiques ne sont ni acceptées ni tolérées car elles ne font pas partie de la politique officielle de l'Etat colombien, mais bien au contraire elles sont en contradiction avec ses principes et sa nature. Toutefois, ces idées ne seraient que des coquilles vides si elles ne se traduisaient en politiques claires de prévention et de répression des infractions aux droits de l'homme qui pourraient être commises par les agents de l'Etat; il en va de même pour ce qui est du comportement des effectifs de l'armée. En ce qui concerne le premier aspect, il existe une politique transparente traduite en de nombreuses mesures qui seront décrites et analysées dans les deux prochains chapitres du présent document. Pour ce qui est des fruits de cette politique, il convient de porter à son crédit les résultats obtenus dans la mesure où les infractions aux droits de l'homme de la part de la force publique ont enregistré une baisse notable(134).

Ce qui est paradoxal dans la question des droits de l'homme, c'est le comportement contradictoire des forces de la guérilla face à ce sujet: «les groupes de guérilleros ont une vision très ambiguë de la question. Ils comprennent le respect des droits de l'homme comme une obligation de la part de l'Etat, et leurs violations de la part de la force publique sont des occasions qu'il ne faut pas rater pour les dénoncer devant l'opinion publique nationale et internationale, afin de dénier toute légitimité et tout soutien à l'Etat. Mais, par ailleurs, ils estiment que les violations des droits de l'homme qu'ils commettent eux-mêmes systématiquement et fréquemment sont pleinement justifiées, étant donné qu'ils y ont recours pour atteindre des objectifs supérieurs. C'est-à-dire que les fins nobles justifient les moyens atroces(135)

Dans ce contexte, la déclaration de la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme sur les infractions aux droits de l'homme et au droit international humanitaire commises par les organisations des guérilleros en Colombie revêt une importance capitale(136).

Quant aux bandes d'autodéfense, elles ne constituent pas un ennemi de moindre importance pour l'Etat colombien. Leur stratégie principale consiste à imposer des états de terreur, provoquant des déplacements forcés de la population, à travers le recours aux massacres ou la menace d'y recourir. Etant donné que dans les zones où se trouve la guérilla, la population civile doit, par convenance ou par peur, collaborer avec la guérilla, les Autodéfenses unies de Colombie (AUC), avec la volonté de retirer à la guérilla le soutien de la population, prétendent introduire une peur plus grande ou un intérêt supérieur de survie. Enfin, dans la logique des autodéfenses, toute personne suspecte d'aider les guérilleros doit être assassinée(137). C'est pourquoi, les AUC sont un des principaux auteurs des infractions aux droits de l'homme en Colombie.

Avec ces procédés, les bandes d'autodéfense cherchent: a)à forcer la population civile à se déplacer, privant ainsi la guérilla de sources d'appui logistique et d'information; b)à obliger la guérilla à se présenter en combat ouvert, pour éviter les attaques contre des populations civiles; c)à obtenir l'appui de secteurs de la population civile à leur cause en la confrontant avec la guérilla, sous la menace d'une plus grande violence ou en la séduisant par divers moyens.

Dans le cadre de cette dynamique, les combats militaires entre les bandes d'autodéfense et les FARC se sont généralisés en 1998 dans les départements de Chocó et de Córdova, et entre l'ELN et les bandes d'autodéfense dans le sud du département de Bolívar. Dans tous les cas, c'est la population civile paysanne et indigène qui en a le plus souffert.

Prise entre deux feux, la population civile a opté pour des migrations internes en se déplaçant vers des zones non affectées par le conflit armé ou vers les villes.

Les bandes d'autodéfense ont commis également des attaques ou se sont impliquées dans des combats contre les forces armées et autres autorités de l'Etat, constituant ainsi une autre force de violence qui détourne l'attention et les ressources des unités de la force publique. A cet égard, on peut citer quelques exemples:

Au lieu-dit «La Rochela», les bandes d'autodéfense ont tendu une embuscade à une commission judiciaire, tuant tous ses membres, juges et agents de la police judiciaire. Dans le département du Meta, elles ont tendu une embuscade en octobre 1997 aux membres d'une autre commission d'enquête, assassinant 11personnes dont des procureurs, des personnels chargés d'investigation judiciaire dépendant du ministère public, des agents du service administratif de sécurité et des officiers de l'armée nationale. Dans la municipalité de Villanueva (département de Guajira), les bandes d'autodéfense ont attaqué des effectifs de la police nationale(138). A San Diego (département de Cesar), des combats ont eu lieu entre l'armée et un commandement des bandes d'autodéfense paysannes de Córdova et Urabá (ACCU) au cours desquels un délinquant trouva la mort et deux autres furent capturés(139).

Plusieurs dizaines de membres des bandes d'autodéfense ont été détenus sur mandat délivré par le ministère public de la nation. En outre, l'action répressive de l'Etat contre les bandes d'autodéfense a enregistré des résultats notables, au nombre desquels il convient de citer l'arrestation de 120membres des bandes d'autodéfense en 1998, pour un total de 248membres qui sont toujours en prison(140). De même, des personnes soupçonnées d'être impliquées dans l'organisation et la direction de bandes d'autodéfense, comme Victor Carranza, ont été faites prisonnières et sont actuellement poursuivies devant la justice pénale.

La connexion entre les bandes d'autodéfense et le trafic de drogues, unis dans un processus d'acquisition des terres productives, constitue un problème supplémentaire. «La problématique de ce processus est que le système d'achat et de contrôle des terres est associé à la violence effrénée des bandes de paramilitaires, qui commettent des attentats contre la population civile pour réclamer l'expulsion de la guérilla(141).» Le problème qui en résulte est d'autant plus difficile à résoudre que la capacité économique du narcotrafic pour se doter d'effectifs militaires et de les entretenir est énorme.

L'action des bandes d'autodéfense et des groupes de narcotrafiquants est une menace supplémentaire pour l'autorité de l'Etat et l'ordre juridique national, ainsi que pour les principes essentiels de l'Etat social de droit, étant donné que les pratiques des groupes d'autodéfense constituent la négation même de cet Etat. Les bandes d'autodéfense et les groupes de narcotrafiquants proclament un projet politique qui est aussi un projet de pouvoirs régionaux, non seulement différent du projet que défend l'Etat colombien, mais aussi contraire à ce projet, et c'est pourquoi sa mise en œuvre se fait au détriment de la stabilité et de l'autorité des institutions nationales.

«Les énormes capitaux que la criminalité organisée tire de l'industrie de la drogue sont devenus la principale source de violence, de corruption et de dégradation sociale, et un grand obstacle pour le développement(142)

«La vérité» est l'une des principales victimes du déroulement de ce conflit. Contrôler l'information et la manipuler afin de l'accommoder à des objectifs politiques immédiats est une pratique fréquemment utilisée pour obtenir des avantages, calomnier les adversaires et couvrir ou détourner les responsabilités. Pour conforter ce qui précède, on peut citer, à titre d'exemple, divers cas retentissants:

L'assassinat d'Elsa Alvarado et Mario Calderón, employés d'une organisation non gouvernementale (ONG) qui, au nombre des diverses fonctions qu'elle assume, consacre une partie de ses efforts à veiller sur les droits de l'homme en Colombie. Dans ce cas précis, l'assassinat de MmeAlvarado et de M. Calderón a été présenté à l'opinion publique et aux médias comme un crime contre les défenseurs des droits de l'homme. En réalité, tous les deux travaillaient sur des projets relatifs à la conservation de l'environnement au sein de l'ONG qui les employait.

L'assassinat d'Eduardo Umaña Mendoza, avocat pénaliste, connu dans le pays comme activiste des droits de l'homme et défenseur en matière pénale. Sa mort fut expliquée à l'étranger, de manière concluante et indiscutable, comme étant due à sa participation en qualité d'avocat défenseur de plusieurs travailleurs de l'Union syndicale ouvrière (USO), poursuivis par le ministère public de la nation sous l'accusation d'avoir participé à des attentats terroristes. Néanmoins, aucune preuve n'a été avancée pour étayer une telle conclusion.

L'assassinat de María Arango Fonnegra, déjà évoqué, que l'on a attribué à des forces d'autodéfense de l'extrême droite, en raison des connexions de la victime avec la gauche politique et le mouvement populaire, mais qui, en réalité, était un crime de la délinquance ordinaire.

Dans le massacre de Machuca (département d'Antioquia) survenu le 18 octobre 1998, l'Armée de libération nationale (ELN) a dynamité l'oléoduc qui passe à proximité de cette agglomération, causant la mort de 72 civils ainsi que de graves brûlures à des dizaines d'autres, le combustible s'étant répandu en flammes suite à la déflagration. Le commandement de l'ELN accusa alors l'Armée nationale d'avoir mis le feu au pétrole, pour pouvoir accuser l'ELN de commettre des attentats contre la population civile. Ce n'est que quelques jours plus tard, devant la difficulté de nier sa responsabilité, que la direction de l'ELN reconnut que la déflagration et la mort des civils s'étaient produites par suite d'une «erreur de prévision» des guérilleros qui avaient commis l'attentat terroriste.

Comme cela a déjà été indiqué en plusieurs occasions, les menaces de mort et les violations des droits fondamentaux des membres d'organisations syndicales ne sont pas motivées par leur activité syndicale, mais par leur participation à des activités de militantisme politique. A titre d'exemple, plusieurs dirigeants syndicalistes font l'objet de protection dans le cadre du programme de protection de l'Union patriotique (UP), non en raison de leur qualité de syndicalistes, mais en raison de leur appartenance à l'UP ou à d'autres courants de la gauche politique. Tel est le cas de Wilson Borja, président de FENALTRASE, membre de l'UP, et de Jesús González, en charge du secrétariat des droits de l'homme de la Centrale unique des travailleurs (CUT) (qui n'est pas membre de l'UP). C'est précisément à ce programme, conçu pour protéger les membres de l'UP, et qui a servi à protéger également des partisans d'autres tendances politiques, que les individus menacés peuvent recourir. Ils sont alors escortés par des gardes du corps qui sont entraînés, armés, dotés de véhicules officiels et payés par l'Etat.

La problématique de la violence et l'évolution du conflit armé ont eu également des répercussions sur le fonctionnement des institutions, et en particulier sur l'administration de la justice, occasionnant des retards et, par suite, renforçant les possibilités d'impunité face au crime. Le taux annuel d'enregistrement moyen de nouveaux procès pénaux pour chaque juge pénal est de 442,80procès, alors qu'en 1997 ont été introduits 402 952 procès pénaux(143). Cela implique un rythme supérieur au taux de règlement des procès pénaux, lequel, bien qu'élevé, reste en tout cas insuffisant face à la quantité considérable de procès pénaux qui entrent dans le système, ajoutés au volume des procès accumulés des années précédentes. Il convient d'observer que le taux moyen annuel de règlement de procès terminés était de 385,35 procès par juge(144).

La tâche d'administrer la justice, rapidement et efficacement, confiée à la magistrature a été également affectée par le recours à la violence contre les fonctionnaires judiciaires. Outre les attentats déjà mentionnés des groupes d'autodéfense, les bandes du narcotrafic et la guérilla ont également commis des assassinats contre des fonctionnaires judiciaires. Dans la période 1979 à 1991, untotal de 515fonctionnaires judiciaires ont fait l'objet d'actes de violence, dont 278 homicides(145). En raison de la situation exposée ci-dessus, les enquêtes judiciaires dans les zones d'influence de la guérilla et des bandes d'autodéfense sont extrêmement difficiles.

En outre, dans le cadre des signes positifs qui marquent l'évolution du conflit armé interne, il convient de relever que les municipalités à forte participation aux processus démocratiques électoraux sont celles qui souffrent le moins de la violence, alors que les municipalités où sont présents des groupes armés illégaux (guérilla, autodéfense, narcotrafic) sont celles où sont enregistrés les indices de violence les plus élevés(146). Le diagnostic est clair: on a besoin de davantage de démocratie et de participation citoyenne, et de moins d'interférence de la part de groupes armés qui prétendent s'arroger la représentation et les aspirations de la population.

En conclusion de ce chapitre, il faut signaler que, d'après les caractéristiques de la violence décrites ci-dessus, et plus spécifiquement des formes de violence utilisées par les membres de la force publique qui agissent en marge de la légalité et en association avec des groupes d'autodéfense, et de celles commises par les mêmes groupes d'autodéfense et les organisations de guérilleros, en ce qui concerne les crimes commis contre la population civile, ces formes de violence constituent des infractions au droit international humanitaire et, dans le cadre de la communauté internationale, ce sont les organismes internationaux prévus dans le droit international qui ont compétence pour en connaître. Ainsi, comme cela a déjà été exposé, la Colombie, en tant qu'Etat partie aux principaux instruments internationaux des droits de l'homme et du droit international humanitaire, répond de manière adéquate, dans le cadre de compétence des organismes créés à cet effet, qu'ils soient dérivés de normes conventionnelles ou qu'ils aient une origine non conventionnelle, aux demandes qui lui sont formulées, et présente les rapports qu'elle doit rendre en exécution de ses obligations internationales en la matière.

Activité de l'Etat pour faire face à la violence

La protection des droits de l'homme et du droit international humanitaire occupe une place prioritaire du Programme de l'Etat colombien, dont l'importance et la gravité ne sont pas cachées, et qui ne fait pas l'objet d'une simple préoccupation désarmée et passive. C'est ce que le Président de la République, Andrés Pastrana, a clairement défini dans la présentation du «Programme pour la protection des droits de l'homme» en Colombie: «l'Etat colombien reconnaît la gravité et le sérieux de la situation des droits de l'homme, c'est le Président de la République qui le dit, lui qui personnifie l'Etat et la volonté populaire». Pour cette raison également, le deuxième personnage de l'Etat colombien, le Vice-président de la République, Gustavo Bell, a été chargé de coordonner les efforts des divers organismes de l'Etat en vue de protéger les droits de l'homme, en apportant toute la collaboration nécessaire à l'Unité des droits de l'homme du ministère public de la nation. Pour les mêmes raisons, le gouvernement actuel a poursuivi le processus d'adoption de mesures visant à sauvegarder les droits fondamentaux de la population colombienne, dans le cadre d'une politique d'Etat qui avait déjà des antécédents importants.

La Constitution politique promulguée en 1991 a créé l'Office de défense du peuple, une entité autonome en termes administratifs et financiers, ayant pour fonctions la sauvegarde des droits des citoyens. L'Office de défense du peuple, par le biais de son bureau chargé de la protection des droits de l'homme, maintient une présence permanente dans les zones de conflits les plus critiques, reçoit les plaintes sur les violations des droits fondamentaux et entreprend les vérifications nécessaires en vue d'adopter les mesures politiques ou judiciaires les concernant.

L'un des objectifs principaux de la réforme constitutionnelle de 1991 a été de modifier la structure et le fonctionnement de l'administration de la justice, dans le cadre d'une politique qui avait pour principal objet l'amélioration de l'efficacité et la lutte contre l'impunité. Au nombre des modifications introduites dans la Constitution, on peut citer la création de la Cour constitutionnelle, la naissance du Conseil supérieur de la magistrature et l'organisation du ministère public de la nation, en plus de la reconnaissance de la juridiction indigène. Parallèlement, lescoûts de la justice ont augmenté de 49 pour cent au cours des six années suivantes(147).

La Constitution politique de 1991 a consacré l'action de tutelle (recours constitutionnel de protection) comme un recours judiciaire extraordinaire avec des formalités très rapides, afin de donner aux citoyens un instrument effectif pour la protection de leurs droits fondamentaux.

Un processus profond d'épuration et de restructuration de la police nationale a été entrepris depuis 1990, afin d'en exclure les membres ayant des antécédents de violation des droits de l'homme ou de corruption. C'est ainsi qu'au cours des trois dernières années 8500policiers en uniforme ont été licenciés dans le cadre du programme de restructuration de la police. Ces mesures ont été jugées nécessaires pour rétablir la confiance des citoyens dans la police, condition essentielle pour que les forces de police puissent accomplir leurs missions de protection des droits des citoyens. Le résultat de ce processus, mis en valeur durant plusieurs années, a été très satisfaisant et il se reflète dans divers indicateurs, comme par exemple la très sensible diminution des plaintes pour violations des droits de l'homme commises par des agents de la police, et la reconnaissance internationale réitérée à la police colombienne pour ses succès contre la criminalité. Les effectifs de la police nationale ont été augmentés au cours des trois dernières années et ils atteignent aujourd'hui 103000personnes, ce qui représente une force équivalente à la police des Etats-Unis, dont le nombre d'habitants est bien supérieur à celui de la Colombie.

Une des stratégies conçues pour combattre la violence réside dans l'élimination des sources économiques qui ont servi aux auteurs de ces violences pour financer leurs activités. A cette fin, la loi no333 de 1996 a été promulguée en vue de doter les autorités d'un instrument juridique efficace pour résoudre le problème d'expropriation des biens d'origine illicite(148). Actuellement, le ministère public traite 123recours en déchéance de propriété de biens acquis illicitement, au nombre desquels figurent des biens saisis pour une valeur de 364000 millions de pesos(149).

La nation s'est engagée à fond dans le cadre de la politique conçue pour renforcer la justice afin de combattre l'impunité, de rétablir l'autorité de l'Etat, de protéger la vie, les biens et les droits fondamentaux des citoyens. La Colombie est restée le pays de la région andine ayant le plus grand nombre de magistrats, 4800, suivie dans la région par le Venezuela qui dispose de 1272 magistrats; la Colombie est aussi la nation disposant du nombre le plus élevé d'unités juridictionnelles de la région andine, 3259, distançant ainsi de loin le Venezuela, le second pays, qui ne dispose que de 1270 unités; c'est aussi l'Etat de la région andine ayant la plus grande distribution territoriale de son système judiciaire, avec 33 circonscriptions, par comparaison à 25 au Pérou, le second pays de la zone. C'est également la nation de la région andine qui investit le plus dans son système judiciaire avec 425865029 dollars en 1998, presque le double des investissements du pays le plus proche; c'est enfin l'Etat de la région andine qui a l'indicateur de budget judiciaire le plus élevé par tête d'habitant, à savoir 35,7 assez loin de son suivant immédiat, le Venezuela, qui dispose d'un indicateur de 10,7(150). La Colombie a investi 1,25pour cent du PIB dans le secteur de la justice, l'indice le plus élevé des 27dernières années, avec les exceptions plus récentes de 1994 et 1995(151).

L'évaluation empirique de l'action de la justice contre le crime organisé fait ressortir des progrès notables. Ainsi, entre 1992 et 1995, une étude des procès judiciaires intentés a montré le démantèlement de 120bandes s'adonnant au crime organisé, avec l'arrestation de tous leurs membres. Dans ce chiffre figurent des bandes de délinquants de droit commun, ainsi qu'un grand nombre de groupes d'autodéfense, de milices et de bandes de tueurs à gage(152).

Les principales bandes du pays spécialisées dans le trafic de drogues, dont certaines étaient impliquées dans le soutien et l'organisation de groupes d'autodéfense, ont été démantelées avec l'arrestation ou la mort de leurs leaders et cadres principaux. Il convient de mentionner, entre autres, les bandes de Pablo Escobar (mort), Carlos Ledher (condamné à la prison), Gonzalo Rodríguez Gacha (mort), les frères Rodríguez Orejuela (condamnés à la prison), José Santacruz (mort), Nelson Urrego (arrêté) et Reinaldo Murcia (arrêté).

Les efforts énormes déployés pour améliorer le fonctionnement de l'administration de la justice ont permis de réaliser un progrès notable dans les principaux indicateurs de gestion. En 1998, la Colombie disposait d'un juge pour 12305 habitants(153). Entre 1992 et 1995, 7012sentences ont été prononcées dans des cas de terrorisme, d'homicide, de massacre, de narcotrafic, de rébellion et d'autres infractions graves commises par le crime organisé(154). De son côté, en 1997, la justice pénale militaire a prononcé 822sentences à l'encontre de membres des forces armées pour infractions diverses(155). En 1998, d'autres mesures ont été prises, comme la condamnation, par la justice pénale militaire, de deux officiers et de deux sous-officiers qui avaient participé à des actions qui avaient abouti à la mort de 13 personnes à Riofrío (département de la Valle). En outre, le gouvernement national a décidé la création du «Comité spécial de renforcement des enquêtes sur les droits de l'homme», en tant que mécanisme supplémentaire d'action contre le crime, et dont les membres appartiennent au niveau le plus élevé de l'administration publique(156).

Le ministère public de la nation a créé l'Unité des droits de l'homme, en tant que corps spécialisé d'investigateurs ayant les qualifications les plus élevées, et dotée de toutes les ressources économiques indispensables pour son fonctionnement, dans le but de traiter des cas les plus problématiques de violence. Actuellement, l'Unité des droits de l'homme s'occupe de 864procès et elle a obtenu l'arrestation de 259 accusés. Au nombre des personnes arrêtées et traduites en justice par le ministère public figurent 120 membres d'organisations d'autodéfense et 90guérilleros (1998)(157). Le nombre total des personnes détenues présumées membres d'organisations d'autodéfense s'élève à 248(158). Au nombre des succès du ministère public, on peut citer l'arrestation et les procédures entamées contre les chefs présumés des bande d'autodéfense. Entre septembre 1997 et février 1998, les agents de la force publique ont tué 29membres des groupes d'auto-défense(159).

En 1998, et dans le cadre de l'ordre juridique colombien, la peine d'extradition a été rétablie, selon laquelle les auteurs de délits commis à l'étranger ne pourraient plus trouver refuge à l'intérieur des frontières nationales. Cette mesure touche les chefs des bandes de trafiquants de drogues qui figurent parmi les principaux acteurs de la violence qui secoue le pays.

Les enquêtes sur les crimes commis contre les défenseurs des droits de l'homme ont bénéficié d'une priorité spéciale de la part des autorités colombiennes. C'est ainsi que le ministère public de la nation a enregistré des résultats tangibles dans les enquêtes sur tous les cas, qui ont abouti à l'arrestation des coauteurs principaux des cinq délits, au nombre desquels il convient de citer les assassinats d'Eduardo Umaña Mendoza (détenus) et de Jesús María Valle Jaramillo (cinq détenus) auxquels il convient d'ajouter les assassinats, déjà mentionnés, de María Arango Fonegra (quatre détenus), d'Elsa Alvarado et de Mario Calderón (cinq détenus).

Des résultats importants ont été obtenus en 1998 dans le cadre de la lutte contre le crime. Un total de 6298 personnes ont été arrêtées sous l'inculpation d'homicide, 14281personnes ont été appréhendées par la Commission des délits de lésions personnelles; 217personnes séquestrées ont été libérées par la police nationale, ce qui représente le nombre le plus élevé de libérations de personnes séquestrées de l'histoire du pays; 386séquestrateurs ont été arrêtés; des biens volés ont été récupérés pour une valeur de 555000 millions de pesos(160). Dans le cadre des actions entreprises contre la production et le commerce de drogues illicites, source principale de la violence dans le pays, on peut citer l'éradication d'un total de 63140hectares de cultures illicites de coca et de coquelicots; la saisie de 55tonnes de cocaïne, de 39tonnes de marihuana et de 350kg d'héroïne et de morphine; la destruction de 190 laboratoires pour la transformation des drogues; l'arrestation de 1364 personnes accusées de trafic de drogues; la confiscation de 1127tonnes de facteurs de production chimique solides et de 1866257 galons liquides pour la transformation des drogues(161).

Le gouvernement national a décidé de démembrer et de dissoudre la brigadeXX d'intelligence militaire de l'armée nationale, sur laquelle pesaient des soupçons pour la participation de certains de ses membres à des violations des droits de l'homme et à des activités subversives contre le gouvernement légitime(162). Bien qu'il n'existe pas de preuves judiciaires concluantes sur les activités délictueuses des membres de la brigade susmentionnée, le gouvernement national a agi de façon drastique car il n'est pas disposé à tolérer des soupçons à l'encontre des unités des forces armées.

Pour ce qui est de la relation supposée de certains membres de la force publique avec des groupes illégaux d'autodéfense ou de «justice» privée, le gouvernement a été clair et transparent en reconnaissant qu'il s'agit là de cas isolés qui ne constituent aucune expression d'une politique de l'Etat, sans compter que les responsables sont poursuivis avec toute la rigueur de la loi. Sur cette question, qui revêt un caractère fondamental pour l'Etat colombien et pour la communauté internationale, il est essentiel de se référer au rapport de la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme. L'importance du jugement de l'Organisation des Nations Unies sur cette affaire réside précisément dans le fait que cette organisation internationale est compétente pour connaître des infractions aux droits de l'homme et au droit international humanitaire. Dans son chapitre de conclusion, le rapport susmentionné précise le caractère occasionnel de la conduite conjointe ou de l'implication de membres de la force publique avec des groupes de justice privée(163).

Parallèlement, le Bureau des droits de l'homme au ministère de la Défense nationale a été créé avec mission de s'occuper de la politique de prévention dans ce domaine et de la formation d'une culture de respect des droits de l'homme au sein de l'institution militaire. Le Manuel des droits de l'homme est un texte d'étude obligatoire dans les académies militaires pour les membres des forces armées.

Le gouvernement national a décidé d'introduire une réforme du Code pénal militaire afin de donner à la justice ordinaire mandat de connaître des infractions au droit international humanitaire ou aux droits de l'homme dans lesquelles auraient pu être impliqués des militaires ou des policiers, qui seraient ainsi exclus de la compétence de la justice pénale militaire. Bien que les violations des droits de l'homme commises par des membres de la force publique n'occupent qu'un rang secondaire dans les statistiques générales(164), la réforme de la justice pénale militaire vise à établir une transparence totale des procès pénaux intentés aux membres des forces armées, afin d'éliminer toute méfiance vis-à-vis d'un favoritisme qu'ils pourraient recevoir de la part d'autorités, elles aussi militaires(165). C'est ainsi que la réforme promulguée sera, en grande partie, une reconnaissance au niveau des textes de loi, de la jurisprudence et des décisions judiciaires qui ont déjà été prononcées par les tribunaux en une saine interprétation de la loi et de la Constitution(166). Dans ces arrêts, il a été indiqué que les crimes de lèse-humanité ne peuvent pas être considérés comme ayant été exécutés en tant qu'actes commis en service ou en application des attributions inhérentes à la fonction militaire afin d'être protégés par l'immunité militaire.

Outre les amendements législatifs susmentionnés, des mesures ont été prises pour modifier la législation pénale ordinaire, en vue de renforcer les instruments juridiques existants et d'incorporer pleinement les normes des droits de l'homme et du droit international humanitaire dans le système juridique pénal interne(167). En ce sens, et sur l'initiative du ministère public de la nation, un projet intégral de code pénal a été présenté au Congrès de la République, dont la révision et l'examen avancent rapidement au Parlement.

La législation pénale en vigueur permet de sanctionner nombre d'attentats aux droits de l'homme ou au droit international humanitaire, sous diverses incriminations pénales, avec une dénomination différente dans le Code pénal(168). Le projet introduit maintenant des délits spécifiques en vue de sanctionner spécialement et avec des peines plus élevées ces infractions ou de nouvelles infractions, organisant systématiquement les formes relatives à ce sujet et, surtout, reconnaissant expressément la pertinence des droits de l'homme et du droit international humanitaire pour le système pénal colombien. Cette primauté avait déjà été établie par la Cour constitutionnelle, quand elle a déclaré que les droits de l'homme consignés dans les traités internationaux ratifiés par l'Etat colombien étaient la règle suprême pour l'interprétation constitutionnelle de l'ordre juridique(169).

Au nombre des réformes introduites dans le projet de Code pénal, de nouveaux délits sont prévus, comme la «disparition forcée» (article 161)(170), le «génocide» (article100), «l'apologie du génocide» (article101), «l'homicide sur personne protégée» (article135)(171), les «lésions sur personnes protégées» (article 136), la «torture sur personne protégée» (article137), «l'utilisation de moyens et méthodes de guerre illicites» (article138), la «perfidie» (article 139)(172), les «actes de terrorisme» (article 140), les «actes de barbarie» (article141), les «traitements inhumains et dégradants et les expérimentations biologiques sur personne protégée» (article 142), les «actes de discrimination raciale» (article 143), la «prise d'otages» (article 144), la «détention illégale et la privation d'un procès équitable» (article145), la «contrainte à fournir un appui guerrier» (article 146), le «dépouillement sur le champ de bataille» (article 147), la «négligence des moyens de secours et d'assistance humanitaire» (article148), les «entraves aux tâches sanitaires et humanitaires» (article 149), la «destruction et l'appropriation de biens protégés» (article 150), la «destruction de biens et installations à caractère sanitaire» (article 151), la «destruction ou l'utilisation illicite de biens culturels et de lieux de culte» (article152), les «attaques contre les œuvres et installations qui contiennent des forces dangereuses (article153), les «représailles» (article154)(173), la «déportation, l'expulsion, le transfert ou le déplacement forcé de populations civiles» (article 155), les «attentats à la subsistance et la dévastation» (article 156), le «défaut de moyens de protection de la population civile» (article 157)(174), le «recrutement illicite» (article 158), l'«exaction ou les contributions arbitraires» (article 159), la «destruction de l'environnement» (article160), sans compter l'aggravation de la peine prévue pour le délit de «torture» (article 173)(175).

En accord avec ce qui précède, le gouvernement national a accepté le 10décembre 1998 la compétence du tribunal pénal international.

Comme on peut le constater à la lecture de ce document, le droit international humanitaire aussi bien que le droit international des droits de l'homme, leurs principes et leurs conceptions, ont orienté toute la stratégie de réduction immédiate de la violence en Colombie, comme étape préliminaire de l'humanisation du conflit, antichambre indispensable pour parvenir à des accords plus avancés qui visent à éliminer complètement le conflit armé interne. L'inclusion de normes du droit international humanitaire dans le Code pénal colombien s'inscrit dans cette orientation, et l'introduction de ce sujet s'est faite parallèlement dans l'ordre du jour des conversations avec divers groupes armés qui participent au conflit interne.

L'Etat colombien a prévu un système de protection des personnes menacées qui implique divers départements de l'Etat. La question de la protection de la vie, de l'intégrité et de la liberté des personnes en situation de risque d'infraction aux droits de l'homme constitue aussi une question cruciale pour que les droits de la population civile ne soient pas nominaux ou formels, mais garantis de manière efficace. La protection de la population et, dans son sein, des personnes ou groupes sociaux en situation de risque est exercée par divers départements de l'Etat.

En particulier, le Département administratif de sécurité (DAS) apporte une protection personnelle aux individus menacés ou qui constituent des cibles potentielles d'actions terroristes. Toutefois, l'affaire a été assez difficile à traiter, étant donné le grand nombre de personnes et groupes vulnérables qui ont été directement menacés de mort ou d'autres représailles par des bandes armées(176), situation qui vient s'ajouter à la limitation des ressources économiques et du personnel des entités de l'Etat chargé d'assurer les services de sécurité. Cette situation a conduit à renforcer les projets spéciaux en donnant la priorité aux groupes les plus vulnérables, comme ce fut le cas pour le programme de protection des défenseurs des droits de l'homme dans le pays, pour lequel des attributions spéciales ont été accordées à l'Unité administrative spéciale des droits de l'homme au ministère de l'Intérieur, étant donné que les personnes qui se prévalent de cette qualité constituent l'un des groupes qui encourt les risques les plus élevés en Colombie(177). Le programme de protection des diverses personnes menacées comprend, selon les études de sécurité y afférentes, la fourniture d'escortes, de véhicules, de gilets pare-balles, de cours de formation en matière de sécurité, de caméras de télévision, des coûts de déménagement vers d'autres villes, des équipements de communication, d'armes, d'aides économiques pour le soutien personnel, de l'installation d'alarmes et de portes de sécurité, etc.(178).

L'Unité des droits de l'homme au ministère de l'Intérieur applique également un programme de protection des dirigeants politiques, au nombre desquels figurent aussi des dirigeants syndicaux. Dans ce cadre, on peut citer les programmes de protection spéciale de Nelson Berrío, dirigeant de l'Union syndicale ouvrière (USO); d'Héctor Fajardo, dirigeant de la CUT; de Tarcisio Mora, dirigeant de la Fédération colombienne des éducateurs (FECODE); de Jesús Bernal, dirigeant de SINTRACREDITARIO; de Wilson Borja, dirigeant de FENALTRASE, et de Domingo Tovar, dirigeant de la CUT(179).

Toutefois, les mesures prises pour protéger les personnes menacées restent vaines sans la collaboration desdites personnes. Cela a été démontré de la manière la plus claire et la plus déplorable avec l'assassinat du vice-président de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), Jorge Ortega, qui, quelques jours avant sa mort, avait refusé les services de protection personnelle que l'Etat lui avait offerts(180).

La Commission interinstitutionnelle des droits de l'homme des travailleurs, créée par les décrets nos 1413 de 1997 et 465 de 1998, constitue un autre mécanisme mis en place par l'Etat colombien pour veiller aux droits de l'homme et faire face aux phénomènes de violence. La commission regroupe des départements de l'Etat et des représentants des organisations de la société civile choisis selon des critères de participation. Sont membres de la commission: le ministre du Travail, le ministre de l'Intérieur, le ministre de la Justice, le ministre de la Défense, le Conseiller du Président de la République pour la politique sociale, le Conseiller du Président de la République pour les droits de l'homme, le Conseiller du Président de la République pour les personnes déplacées, ainsi que des représentants des organisations non gouvernementales (ONG): cinq représentants des centrales ouvrières, le président de la Conférence épiscopale, le président du Collectif d'avocats «José Alvear Restrepo», le directeur de la Commission colombienne de justice, le Procureur général de la nation et le Défenseur du peuple(181). La commission dispose en outre d'un plan de travail conçu et exécuté conjointement par les départements de l'Etat, les organisations syndicales et les organismes non gouvernementaux des droits de l'homme qui composent la commission.

La recherche d'une sortie négociée
du conflit armé interne

Pour toutes les forces sociales et politiques de la nation, représentées au sein de l'Etat et de la société civile, l'option d'un accord politique avec les acteurs de la violence, en particulier avec les forces de la guérilla, constitue une alternative prioritaire dans la recherche de la paix. La possibilité d'arriver à un accord de paix durable, autour d'une table de négociations avec les groupes armés, signifierait la fin du conflit armé interne qui ensanglante le pays.

La fin du conflit armé interne aurait de multiples implications favorables pour un nouveau projet constructif de nation: les énormes ressources qui doivent être actuellement investies dans la sécurité et dans d'autres tâches relatives à la défense de la société et des institutions pourraient être employées à la création d'emplois et de bien-être social; une multitude de droits essentiels, qui sont une condition nécessaire pour le développement de la société, pourraient être pleinement rétablis après avoir été affectés par la dynamique du conflit interne.

La fin du conflit armé interne par la voie de la négociation politique aurait pour répercussion immédiate la réalisation d'une série de fonctions de contrôle et de fonctions de promotions, directes et indirectes, toutes positives. Dans le cadre des fonctions de contrôle, de caractère direct comme il convient de regarder cette relation avec l'éclatement et la genèse du conflit, il faut citer la cessation des actes de violence qui ont touché les droits à la vie, à la liberté personnelle, à l'intégrité physique, au libre choix du lieu de résidence de la population, etc. Dans le cadre des fonctions de contrôle, de nature indirecte car elles conservent ce lien avec le conflit armé en ce qui concerne leur déclenchement, des droits comme la liberté d'association et la liberté syndicale, la liberté d'entreprendre, etc., recouvreraient leur étendue. Au nombre des fonctions de promotions, il convient de mentionner la création d'un environnement de tranquillité et de sécurité qui attirera des investissements et générera le travail et la richesse.

Dans les domaines spécifiques liés aux droits sociaux, tels que la liberté d'association et la liberté syndicale, qui ont suscité l'intérêt de l'Organisation internationale du Travail (OIT), et qui ont été affectés indirectement par le conflit armé interne, cela veut dire que les négociations politiques avec les acteurs de la violence devront éliminer efficacement les facteurs authentiques et originaux qui ont provoqué ces effets de la violence.

La paix est donc un moyen de créer des conditions appropriées pour que la population puisse exercer entièrement la totalité de ses droits sociaux, économiques et politiques et, partant, la réalisation de ces droits constitue l'objectif fondamental poursuivi par l'Etat et la société civile. Même dans sa recherche des conditions de paix comprises comme un moyen de consolidation des droits des citoyens, l'Etat n'a pas renoncé au monopole de la force, ni aux devoirs de protection qu'il doit assurer, il trouve dans la voie de la négociation politique avec les groupes armés un instrument non seulement approprié pour la gestion de ces conditions, mais aussi un mécanisme qui peut épargner des vies, des souffrances, des biens, des ressources financières et du temps dans la solution du conflit.

La négociation politique avec les groupes armés qui se sont placés en marge de la loi n'est pas une option inconnue dans l'histoire du pays, ni irréelle en termes idéologiques ou politiques. Dans le passé le plus récent de la Colombie, l'Etat s'est engagé dans divers processus de négociation politique avec des groupes de la guérilla, qui ont eu pour effet principal une diminution de la violence et de ses conséquences négatives, parallèlement à la création de conditions de vie positives pour la population. Au nombre de ces processus de paix, des groupes de guérilleros ont été démobilisés comme le Mouvement du 19avril (M-19) et l'Armée populaire de libération (EPL), dont quelques factions dissidentes assez minoritaires sont seules restées armées; le Courant de rénovation socialiste (CRS), le Parti révolutionnaire des travailleurs (PRT) et le groupe «Quintín Lame», dont les membres se sont incorporés intégralement dans la légalité.

Le Président de la République, Andrés Pastrana Arango, a établi et conduit personnellement une politique de paix que le pays soutient clairement, ainsi que la stratégie établie pour la mettre en vigueur. Cette politique prévoit un processus de solution politique du conflit armé fondée sur la négociation avec les mouvements insurgés, de même que l'adoption de réformes d'ordre politique, économique et social.

Au cours de la campagne présidentielle, le Président a déclaré: «Je pars du principe que la guérilla cherche une transformation des structures politiques et économiques du pays, dont les grandes lignes ont été tracées dans les programmes de réconciliation que les groupes d'insurgés ont fait connaître depuis un certain temps déjà. Ces programmes portent sur des aspects positifs que le gouvernement peut et doit aborder dans une négociation, ce qui justifie d'autant moins la guerre. La négociation non seulement mettra fin à la confrontation, mais encore elle garantira qu'à travers la concertation autour d'un nouveau projet de pays seront jetées les bases de la vraie réconciliation entre tous les Colombiens(182)

A cette même occasion, l'actuel Président de la République a déclaré emphatiquement que «la paix doit être le produit de la rencontre de la totalité de la société colombienne, parce que son programme définitif doit être le produit de sa participation active. En fait, la société ne réclame pas seulement la fin de la confrontation, mais elle exprime également ses points de vue sur le nouveau pays que veulent les Colombiens. Les deux expressions doivent représenter un mandat inéluctable pour les parties au conflit. Ces exigences de la société civile imposent un nouveau modèle de négociation qui ne se limite pas à l'examen des thèmes définis par les parties, mais qui implique l'élargissement d'un grand espace représentatif et pluriel afin que le programme de la paix et sa négociation soient le résultat de critères démocratiques. Dans cette perspective, les participants doivent être le gouvernement national et l'ensemble des mouvements de guérilla, disposant d'un mandat unifié et de la participation active de la société civile.»

La politique de paix du présent gouvernement est fondée sur ces convictions, et toutes les décisions qui sont adoptées, aussi bien sur le fond que sur la forme, n'ont d'autre objectif que d'aplanir ce chemin.

Pour le gouvernement national, le processus de paix qui commence et qui transcende la négociation politique avec l'insurrection, et ensuite s'élève au-dessus des conditions objectives qui sont à son origine et qui continuent à le nourrir, est un devoir inéluctable et inconditionnel de l'Etat dans son ensemble.

Pour cette raison, l'élimination de la pauvreté, l'établissement de la justice sociale et la promotion des droits de l'homme sont les composantes essentielles de la politique de paix actuelle. C'est pourquoi le Président de la République a décidé que le «plan national de développement» serait un plan pour la paix et il a entrepris de concevoir le «Plan Colombie» annoncé lors de son entrée en fonctions en tant que Président. Dans le cadre du «Plan Colombie» seront exécutés des programmes et des projets visant à la renaissance économique et sociale des zones les plus défavorisées du pays(183).

Le «Plan Colombie» est conçu de telle manière que dans les décisions relatives aux investissements tous les Colombiens puissent participer, y compris les membres de l'insurrection, en accord avec les décisions prises par le Président de la République lorsqu'il a annoncé: «J'assume avec réalisme le fait que je vais négocier avec des forces insurgées qui ont exprimé leur volonté d'être les coprotagonistes de la reconstruction nationale.» Le «Plan Colombie» est coordonné par le Haut Commissaire pour la paix, Víctor G. Ricardo.

Le gouvernement a travaillé avec ténacité pour l'obtention des ressources qui permettront de financer le «Plan Colombie». Outre les crédits prévus dans le budget national, on a créé ce qu'on a appelé les «bons de paix», une contribution fiscale des membres de la société disposant de la plus grande capacité économique, et on est en train de mettre en place les mécanismes nécessaires pour obtenir d'autres contributions volontaires du secteur privé. En outre, une action extérieure d'envergure a été lancée par le gouvernement dans le cadre de la diplomatie pour la paix afin d'obtenir des ressources de la coopération internationale. Dans ce sens, des pays amis et la Banque multilatérale ont pris des engagements clairs et encourageants.

L'action du gouvernement a été également orientée vers l'établissement du scénario de la négociation politique avec l'insurrection. Ainsi que le Président l'a déclaré, «l'heure est venue de prendre au sérieux le programme de la guérilla, comme condition pour trancher le nœud gordien de la méfiance mutuelle». Auparavant, le chef de l'Etat avait affirmé que «lorsque l'on analyse les programmes pour la réconciliation qui ont été présentés par les mouvements insurgés, spécialement la plate-forme pour la réconciliation en dix points des FARC et celle en 12points de l'ELN, il est facile de constater que tous les sujets qui y sont consignés sont susceptibles de négociation».

Le Président a également affirmé que «le processus doit concilier la nécessité urgente de mettre fin à la confrontation armée, avec la nécessité d'épuiser un large ordre du jour pour une paix durable, que l'ensemble de la nation, y compris les organisations d'insurgés, doit s'engager à mettre en œuvre. Dans ce sens, le premier pas doit être de vaincre les difficultés de procédure, qui sont les seules à empêcher le début du dialogue.»

Dans les conditions susvisées, l'engagement du chef de l'Etat colombien, le Président Andrés Pastrana, pour la politique de paix et de réconciliation a été total, et cette volonté a été largement reconnue par l'opinion publique(184). De même, sa politique de paix est soutenue sans aucune restriction par toutes les forces politiques et sociales du pays, y compris les partis politiques d'opposition, les associations patronales de l'industrie et du commerce, les centrales syndicales et les organisations non gouvernementales (ONG).

Déjà quand il était candidat à la magistrature suprême, le Président Andrés Pastrana, dans un geste qui représentait son engagement ouvert et public pour la paix, a rencontré personnellement Manuel Marulanda Vélez et des membres de l'état-major des FARC pour établir les termes des dialogues de paix(185).

Depuis août 1998, date d'entrée en fonctions du Président de la République, le gouvernement d'Andrés Pastrana, dans son désir de manifester expressément cette volonté de recherche d'un accord de paix négocié, a autorisé le dégagement de cinq municipalités du pays, avec une superficie totale de 43000 km2, afin de constituer une «zone de détente». Cette «zone de détente», en vigueur du 7novembre 1998 au 7 février 1999, a été créée en vue d'assurer un scénario approprié pour commencer les négociations et offrir des garanties de sécurité au chef des FARC, et elle implique le retrait de toutes les forces militaires et de la police nationale de la zone convenue.

Outre la création de la «zone de détente», le caractère politique des FARC et de l'ELN a été reconnu. De même, le Président Andrés Pastrana a approuvé la réunion de membres de la société civile et de certaines agences de l'Etat non gouvernementales avec des délégués de l'Armée de libération nationale (ELN), à Mayence (Allemagne), afin de commencer les conversations avec cette organisation de guérilleros. Il a ensuite autorisé, avec l'assentiment du Procureur général de la nation, la sortie provisoire de prison des dirigeants de l'ELN afin de tenir une réunion avec ce groupe de guérilleros, en un lieu choisi par la direction de l'organisation subversive, en vue de faire avancer le processus des dialogues(186). Le gouvernement du Président Andrés Pastrana a même soutenu la réunion d'«une Convention nationale» en territoire colombien, organisée par l'ELN, avec la participation de représentants de l'Etat et de membres de la société civile, ces derniers ayant été choisis par l'ELN, au cours de laquelle ont eu lieu des conversations de paix. Le gouvernement a également reconnu à trois membres des FARC la qualité de représentants de cette organisation dans les dialogues de paix, après avoir obtenu la suspension des mandats d'arrêt lancés à leur encontre.

Dans le cadre de la politique de paix établie par l'Etat colombien, il est nécessaire de souligner que le gouvernement national a accepté que les dialogues de paix avec les FARC et l'ELN se déroulent sous deux conditions difficiles et généreuses qui démontrent les efforts réalisés pour avancer dans cette voie: i)la tenue des entretiens de paix sans aucune condition préalable; ii)le déroulement des dialogues de paix en plein conflit, c'est-à-dire sans que les organisations de guérilleros décrètent un cessez-le-feu ni qu'elles mettent fin aux séquestrations et autres actes délictuels.

En même temps, l'Etat colombien et les membres de la société civile qui participent aux dialogues avec les groupes de guérilleros ont recherché des formules qui diminuent les impacts du conflit armé interne en attendant que le processus de paix aboutisse à des accords permanents et stables pour conclure le processus. Le gouvernement a invité les groupes subversifs à ordonner un «cessez-le-feu» durant les festivités de Noël, initiative qui a été bien accueillie par la dissidence de l'Armée populaire de libération (EPL), Caraballo et les Autodéfenses unies de Colombie (AUC). L'Armée de libération nationale (ELN) s'est engagée à ne pas séquestrer de personnes âgées de plus 65ans ou des personnes mineures, mais cette offre n'a été mise en œuvre que sous une forme limitée. Le gouvernement national a pu convaincre la guérilla de discuter sur la possibilité de ne pas recruter des mineurs dans les groupes armés. Le gouvernement a commencé à discuter avec les forces des guérilleros sur la non-installation de mines antipersonnel, qui font le plus grand nombre de victimes dans les rangs de la population civile. Le gouvernement a obtenu du Congrès de la République l'approbation des premières modifications législatives afin de disposer des pouvoirs légaux nécessaires pour mener à bien la négociation avec les groupes armés. Le gouvernement, conformément à l'ordre juridique, a étudié la possibilité de prendre des mesures juridiques pour négocier l'échange des policiers et des militaires enlevés par la guérilla contre la libération de guérilleros détenus, selon la demande des insurgés. De même, avec la participation de membres de la société civile, les groupes de guérilleros ont été invités à libérer les personnes qu'ils avaient enlevées; cette demande n'a pas reçu de suite de la part des guérillas, mais elle a enregistré des succès partiels, comme dans le cas de la jeune fille de 16 ans séquestrée par les FARC lorsqu'elle était venue en compagnie de sa mère payer la rançon pour la libération de son père(187).

Etant donné la dynamique que le gouvernement national a impulsée au processus de paix, les bandes d'autodéfense elles-mêmes n'ont pas pu s'y soustraire. C'est ainsi que les Autodéfenses unies de Colombie (AUC) ont signé avec des représentants du Conseil de paix ce qu'il a été convenu d'appeler «l'accord du Nudo de Paramillo», par lequel elles ont accepté de discuter les bases d'une convention d'humanisation du conflit, tout en se déclarant disposées à tenir une «assemblée nationale de la paix»(188). Et bien que le gouvernement national ait été circonspect et prudent par rapport aux bandes d'autodéfense ou groupes de «justice» privée, considérant que le dialogue avec eux devra s'effectuer séparément une fois que les conditions nécessaires auront été réunies, il n'y a pas de doute que ces premiers indices de l'attitude des AUC sont positifs pour l'avenir du processus de paix.

Dans l'exemple que nous venons d'exposer, le gouvernement a cherché et obtenu aussi la compréhension et le soutien internationaux, dans la perspective de doter le processus de paix de nouveaux instruments pour la construction progressive de la confiance mutuelle et de rechercher son concours public et financier pour la réalisation des objectifs définis par les parties.

La participation de la communauté internationale suppose que le processus de paix ne dépende pas uniquement et exclusivement de la volonté et des actions du gouvernement colombien, mais qu'il inclut la société civile et les groupes d'insurgés qui sont, eux aussi, maîtres de leur volonté et de leurs actions propres. Il s'agit là, en fait, d'un processus complexe qui n'est ni contrôlé ni monopolisé par le gouvernement national. En conséquence, la coopération de la communauté internationale, telle que l'a indiqué le Président de la République, doit respecter les négociations des parties au conflit, car ce sont elles qui peuvent faire de la paix une réalité, et non la communauté internationale. Les tâches concrètes de la communauté internationale, selon le progrès et la dynamique du processus de paix, sont donc multiples. Elle peut œuvrer à faciliter les rencontres et les conditions susceptibles de favoriser la négociation, dans son rôle de témoin des engagements acquis, ainsi que comme instance de vérification et de suivi de la mise en œuvre des accords conclus.

Dans ce contexte, le gouvernement national a formulé et mis en pratique la diplomatie pour la paix. Une politique étrangère fondée sur l'invitation faite à la communauté internationale pour qu'elle soutienne, sur tous les fronts, la sortie politique négociée du conflit colombien.

Le gouvernement du Président Andrés Pastrana a reçu des offres de coopération dans le processus de paix, développées avec prudence et pondération en dehors de leurs implications politiques, de la part des gouvernements, des Etats-Unis(189), du Costa Rica(190), de Cuba(191), de l'Espagne(192), du Venezuela(193), de membres du Parlement de l'Union européenne(194), etc., qui ont voulu que leurs démarches en faveur du processus de paix soient soumises à l'initiative du gouvernement colombien, auquel il revient de donner l'impulsion nécessaire au processus. C'est ainsi que le bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies a effectué un suivi des démarches de paix nationales, collaborant à la politique développée par le gouvernement national.

La violence engendre la violence. Le gouvernement national tient largement compte de cette leçon tirée de l'expérience en faisant face à l'existence des bandes d'autodéfense et des groupes de justice privée. Le Président a affirmé que leur existence «est une des expressions les plus perverses de la dégradation du conflit», ajoutant d'une manière tranchée et sévère: «Ces groupes vont essentiellement à l'encontre du principe du monopole des armes aux mains de l'Etat et sont un facteur gravissime de la guerre. C'est pourquoi on ne peut concevoir la paix sans que leurs armes se taisent, ce qui devra être fait selon un scénario distinct de la négociation de paix avec la guérilla, et comme une responsabilité exclusive de l'Etat.» Le Président a ajouté qu'il s'engageait à prévenir, avec tous les pouvoirs qui sont les siens et avec sa plus claire volonté politique, l'association délictueuse qui pourrait exister entre certains agents de l'Etat et les groupes paramilitaires; de même, il s'est engagé à faire procéder le plus efficacement possible à des enquêtes sur les plaintes qui seraient reçues et à faire appliquer les sanctions nécessaires contre les conduites illicites.

Le gouvernement national respecte et exige l'application stricte des normes du droit international humanitaire dans le cadre de la confrontation. Dans ce domaine, il a été et restera inflexible, dénonçant sur le plan national ainsi que sur le plan international les attaques contre les personnes qui ne participent pas aux hostilités et contre les biens civils, de même que le recours à des moyens et des méthodes de combat proscrits par l'humanité. L'Etat colombien est disposé à conclure avec les acteurs armés un accord spécial sur ce point, qui établira les mécanismes susceptibles d'assurer le contrôle du comportement et du respect des combattants face à la population civile et à ses biens.

Le respect de ces principes d'humanité sera le paramètre pour les décisions en matière de pardon et de justice; c'est dans ces principes que les peuples civilisés ont placé les limites morales des amnisties et des remises de peines. La Colombie n'agira pas différemment.

La plus grande manifestation de la politique de paix de l'Etat colombien s'est traduite par la rencontre avec les FARC le 7 janvier 1999, afin d'ouvrir les négociations avec cette organisation de guérilleros. C'est là, en présence du Président de la République, et malgré l'absence de dernière heure de Manuel Marulanda Vélez, qu'ont été installées les tables de négociation, avec la participation des FARC, en présence de représentants de la communauté internationale et de plus de 300journalistes nationaux et internationaux.

Au cours de la réunion des négociateurs qui s'est tenue le 11 janvier 1999, ont été présentés les ordres du jour de conciliation des parties en présence, et qui ont beaucoup de points communs.

Le gouvernement national a remis un ordre du jour, qui comprend notamment les dispositions suivantes:

L'ordre du jour de réconciliation des FARC inclut les dix points suivants:

Il convient de souligner que les ordres du jour des négociations présentés ne sont que le premier point pour construire un ordre du jour conjoint de négocations, de changement et de transformations de la vie politique, sociale et économique du pays. Les conversations de paix ne sont ni une promesse ni une expectative, elles se déroulent déjà selon l'ordre du jour conjoint susmentionné.

De même, il est important de souligner que le rôle de la communauté internationale dans le processus de paix fait partie de l'ordre du jour des négociations proposé.

Le processus de paix a commencé, avec ses premiers pas, fermes et sérieux, qui dénotent la volonté illimitée de l'Etat colombien, exprimée dans l'attitude généreuse et conciliatrice du gouvernement national, sous la direction du Président Andrés Pastrana.


Bibliographie

Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie, rapport E/CN.4/1998/16.

Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme; Commission andine de juristes. Justice en chiffres, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et Commission andine de juristes, 1998.

Amnesty International. «Programme en 14 points pour prévenir les disparitions forcées», 1992.

Arango Z., Carlos. FARC vingt ans, Bogotá, Aurora, 2e édition, 1984.

Arenas, Jacobo. Journal de la résistance à Marquetalia, Abejón Mono, 2e édition, 1972.

Arenas, Jacobo. Cessez le feu, Bogotá, Oveja Negra, 2e édition, 1985.

Bejarano, Jesús Antonio y otros. Colombie: insécurité, violence et réalisation économique dans les zones rurales, Bogotá, FONADE et Université externe de Colombie, 1997.

Bell Lemus, Gustavo. Intervention du Vice-président de la République, Gustavo Bell Lemus, lors de la célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, 1998.

Calvo, Fabiola. Dix hommes. Une armée. Une histoire. Bogotá, Ecoe, 1985.

Casas, Ulises. Origine et développement du mouvement révolutionnaire colombien, Bogotá, 1980.

CEPAL. Bilan économique de l'Amérique latine et des Caraïbes, CEPAL, 1997.

Conseil supérieur de la magistrature, République de Colombie. Indicateurs de la justice, Santafé de Bogotá, Conseil supérieur de la magistrature, Chambre administrative, 1998.

Conseil supérieur de la magistrature, République de Colombie. Rapport au Congrès de la République 1997-1998, Santafé de Bogotá, Conseil supérieur de la magistrature, 1998.

Conseil supérieur de la magistratiure; DANE. Droit d'accès à la justice, Santafé de Bogotá, Conseil supérieur de la magistrature et DANE, 1998.

Département national de la planification. La paix: le défi du développement, Santafé de Bogotá, Tiers monde et Département national de la planification, 1998.

Guevara, Ernesto «Che». Œuvres complètes, Buenos Aires, CEPE, 2e édition, 1973.

Guzmán, Germán Mons.; Fals Borda, Orlando. La violence en Colombie, Bogotá, Tiers monde, tome I, 2e édition, 4e réimpression, 1963.

Hernández Mondragón, Mauricio. «Mesures nationales d'application et de diffusion du droit international humanitaire. Prévention, répression et sanction des infractions du DIHSS», dans Conflit armé et droit humanitaire, Bogotá, Tiers monde, IEPRI et Comité international de la Croix-Rouge, 2e édition, 1997.

Nations Unies: Programme international de lutte contre la drogue. World drug report, Oxford, Oxford University, 1997.

Krauthausen, Ciro; Sarmiento, Luis Fernando. Cocaïne et co., Santafé de Bogotá, Tiers monde et Institut d'études politiques et relations internationales, 1reréimpression, 1993.

Landazabal Reyes, Fernando. Facteurs de violence, Bogotá, Tiers monde, 2eédition, 1981.

Landazabal Reyes, Fernando. Conflit social, Medellín, Bedout, 1982.

Ministère de la Justice et du Droit, République de Colombie. Crime organisé et justice, Santafé de Bogotá, Ministère de la Justice et du Droit, 1995.

Ministère de la Justice et du Droit, République de Colombie. Extinction de la propriété des biens, Santafé de Bogotá, Imprimerie nationale, 1996.

Múnera Ruiz, Leopoldo. Ruptures et continuités. Pouvoir et mouvement populaire en Colombie, Santafé de Bogotá, IEPRI, Université nationale de Colombie, CEREC, 1998.

Ortega Torres, Jorge (Compilador). Constitution politique de Colombie, Santafé de Bogotá, 1991.

Police nationale, République de Colombie. Criminalité 1990, Imprimerie de la police nationale, s.f.

Ramírez Tobón, Wilson. Etat, violence et démocratie, Bogotá, Tiers monde et Université nationale, 1990.

Ramírez Tobón, Wilson. Urabá. Les limites incertaines d'une crise, Santafé de Bogotá, Planeta, 1997.

Rangel Suárez, Alfredo. Colombie: guerre à la fin du siècle, Santafé de Bogotá, Tiers monde et Faculté des sciences sociales, Université des Andes, 1reréimpression, 1998.

République de Colombie. Gaceta del Congreso, Santafé de Bogotá, no 139, Imprimerie nationale, 6 août 1998.

Salazar, Alonso y otros. La genèse des invisibles, Santafé de Bogotá, Programme pour la paix de la compagnie de Jésus, 1996.

Salazar, Alonso. La queue du lézard, Medellín, groupe de liaison du ministère des Communications et Corporation régionales, 1998.

Sánchez, Gonzalo; Meertens, Donny. Bandits, caciques et paysans, Bogotá, El Ancora, 3e édition, 1985.

Silva García, Germán. Le processus de paix, FESIP et CSPP, 1985.

Silva García, Germán. La justice passera-t-elle? Criminalité et justice pénale en Colombie, Santafé de Bogotá, Université externe de Colombie, 1997.

Silva García, Germán. «Délit politique et narcotrafic» dans La problématique des drogues. Mythes et réalités, Bogotá, Université externe de Colombie et groupe de liaison du ministère des Communications, 1998.

Thoumi, Franciso. Economie politique et narcotrafic, Santafé de Bogotá, Tiers monde, 1reréimpression, 1996.

Uprimny, Rodrigo. «Signification et applicabilité du droit international humanitaire en Colombie», dans Conflit armé et droit humanitaire, Bogotá, Tiers monde, IEPRI et Comité international de la Croix-Rouge, 2e édition, 1997.

Valencia Villa, Hernando. «Responsabilité des fonctionnaires publics à la lumière du droit international des droits de l'homme et du droit humanitaire en Colombie», dans Conflit armé et droit humanitaire, Bogotá, Tiers monde, IEPRI et Comité international de la Croix-Rouge, 2e édition, 1997.

Zamudio, Lucero. «L'avortement en Colombie: dynamique sociodémographique et tensions socioculturelles», dans La justice de notre temps, Université externe de Colombie.

Sources d'origine journalistique

«La violence s'acharne contre les politiques», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 10 août 1997.

«Chiffres de la violence politique dans le pays», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 14septembre 1997.

«La gauche n'est pas un objectif militaire», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 29septembre 1997.

«Les FARC interdisent les élections dans 23 municipalités», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 23 octobre 1997.

«Le gouvernement avalise les rencontres entre l'ELN et la société civile», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 7 octobre 1998.

Juan Carlos Irragorri. «Fidel Castro, prêt pour faciliter la paix», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 18 octobre 1998.

«Ce furent nous», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 20 octobre 1998.

«Deuil; les débrayages sont lancés», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 21octobre 1998.

«Suspension des négociations des débrayages», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 21octobre 1998.

«Ce fut un crime calculé», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 21 octobre 1998.

«Jorge Ortega a refusé les escortes, a assuré le ministre de l'Intérieur, dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 22 octobre 1998.

«Négociation des débrayages en suspens», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 22octobre 1998.

«Rapprochement pour mettre fin aux débrayages», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 26octobre 1998.

«A partir d'aujourd'hui, tous au travail», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 28octobre 1998.

«Machuca fut une terrible erreur», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 12novembre 1998.

«Nouveau cap sur les droits de l'homme en Colombie», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 11 décembre 1998.

«Mea culpa pour les droits de l'homme», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 11décembre 1998.

«Limites à l'immunité militaire», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 11 décembre 1998.

Olga V. González Reyes. «Aujourd'hui, la paix est conclue à Ariari», dans ElTiempo, Santafé de Bogotá, 11 décembre 1998.

«AUC convoqueront une assemblée nationale de paix», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 11 décembre 1998.

«Peur des paramilitaires à Media Luna», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 14décembre 1998.

«Lina María libérée hier soir», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 19 décembre 1998.

«Chávez envoie un message de paix aux FARC», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 19décembre 1998.

«Pastrana a lancé ‹Plan Colombie›», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 20décembre 1998.

Glemis Mogollón. «Les indigènes de Chamí reviennent en dansant», dans ElTiempo, Santafé de Bogotá, 20 décembre 1998.

Sergio Ocampo Madrid. «Pastrana ou l'audace pour la paix», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 27 décembre 1998.

«Pastrana demande à Cuba d'être garante», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 28décembre 1998.

«Ils n'ont plus d'autre option que la paix», dans El Tiempo, Santafé de Bogotá, 28décembre 1998.

Autres sources

Consultante chargée des droits de l'homme et des déplacements (CODHES).

Cour constitutionnelle.

Procureur général de la nation.

Ministère des Finances et du Crédit public.

Ministère de l'Intérieur.

Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme.

Police nationale de Colombie.


Annexe II

Les institutions politiques en Colombie

La Colombie est un Etat de droit. Le présent chapitre a pour objet d'expliquer le fonctionnement de la Constitution politique de la Colombie et son rôle d'axe essentiel autour duquel gravite l'Etat et dont découlent ses institutions. Pour ce faire, il convient d'apporter des précisions d'ordre juridique, politique et culturel quant à la structure de l'Etat et à la pluralité des éléments sociaux qui le composent et le définissent, ce qui permettra de brosser, de façon non exhaustive, un tableau plus précis de l'Etat colombien.

Historique

Dans le contexte de l'histoire complexe et mouvementée du monde occidental, il n'y a que 188 ans que la Colombie est débarrassée du joug de l'impérialisme colonial. Dès sa naissance en tant qu'Etat indépendant et souverain, le pays a souffert du choc de forces contraires et de dissensions intestines profondes propres à la formation de toute identité nationale. A ces bouleversements le peuple colombien a constamment opposé son souhait d'instaurer une nation démocratique où se retrouvent, sous forme condensée, les plus grands acquis culturels issus des traditions politiques occidentales et intégrés avec succès aux caractéristiques socioculturelles du pays.

C'est ainsi qu'après une longue série d'essais constitutionnels qui ont servi à façonner les aspirations démocratiques du peuple et à renforcer la souveraineté de l'Etat la nation s'est consolidée en tant qu'entité politique juridiquement organisée à travers la Constitution de 1886. Les nouvelles institutions se sont fondées en pratique sur la reconnaissance et l'instauration de l'Etat de droit en tant qu'orientation dynamique du pays, qui constituait son axiome fondamental et la seule manière de concrétiser l'idéal de démocratie. De même, la séparation des pouvoirs a garanti un équilibre entre les branches des pouvoirs publics, ce qui a permis de supporter et d'assimiler les changements radicaux enregistrés au cours des cent cinq années d'existence de la Constitution, tandis que la carte politique du XIXesiècle s'assouplissait et s'adaptait aux exigences de sa modernisation.

Au nombre des caractéristiques juridiques de la Constitution, il convient de souligner les points suivants:

La Constitution de 1991

Indépendamment des qualités de la Constitution de 1886, tous les éléments constitutifs du tissu social ont compris que, pour arriver à une société plus juste, tolérante et pluraliste qui rassemble tous les secteurs de la population et permette un dialogue légitime entre les forces les plus diverses, il fallait opérer un changement de direction radical dans la Constitution politique. C'est ainsi qu'est née la Constitution de 1991, fruit de cette dialectique multilatérale.

L'avènement de la Constitution actuelle n'a aucun précédent dans l'histoire du pays. Jusqu'en 1990, les initiatives politiques issues des diverses couches de la société devaient être soumises à une formule bipartite rigide qui, dans la majorité des cas, ne satisfaisait pas aux exigences de mobilité d'une société aux multiples facettes. Ainsi, l'énergie vitale du processus constituant s'est concrétisée grâce à des protagonistes jusqu'alors effacés dans les processus constitutifs du pouvoir, de sorte que le mandat de l'Assemblée constituante a eu pour origine la participation essentielle du mouvement estudiantin, des organisations syndicales, des intellectuels indépendants de diverses idéologies, des mouvements politiques minoritaires et des factions armées dissidentes qui retrouvaient le chemin de la participation institutionnelle(195), entre autres. Cette réalité politique nouvelle et vigoureuse qui s'est jointe aux partis classiques ainsi que le soutien direct de l'Etat ont ouvert une nouvelle voie vers un système constitutionnel, à la légitimation populaire illimitée, où la pierre angulaire du discours juridique - comme on le verra - est constituée, entre autres, par un Etat social de droit, une solide charte des garanties et droits fondamentaux, l'élargissement et le perfectionnement de la démocratie participative ainsi qu'une variété d'actions civiques précises et contraignantes destinées à défendre les droits fondamentaux.

Principes fondamentaux de l'Etat

La nature de l'Etat colombien exige impérativement que ses éléments agissent de façon harmonieuse et légitime en vue d'atteindre les objectifs sociétaux sanctionnés par la Constitution. Dès le préambule(196), le peuple de Colombie, exerçant son pouvoir souverain, affirme que le but essentiel de la Constitution est d'«assurer à ses membres la vie, la convivialité, le travail…» ainsi que les autres valeurs fondamentales qui définissent le cadre dans lequel doit s'inscrire la politique de l'Etat.

L'Etat de droit social

L'article premier de la Constitution dispose que «la Colombie est un Etat de droit social» où, dans un dispositif constitutionnel moderne s'inspirant de la révision du modèle de l'Etat libéral, l'élément social de la production étatique est fondamental pour l'axiome de l'Etat de droit. En d'autres termes, l'Etat colombien est non seulement tenu d'agir de manière strictement conforme au droit de la nation dans chacune des manifestations de son pouvoir, mais également d'orienter son action vers la résolution des problèmes issus des réalités sociales et économiques du pays. L'Etat de droit éclaire donc l'agencement constitutionnel et consacre la primauté de l'égalité, de la démocratie participative, de la liberté et du bien-être social en tant que guides de l'intérêt collectif, en plaçant toujours son action sous le respect de la légalité.

La souveraineté

La souveraineté nationale a toujours été la clé de voûte de l'Etat colombien, mais les modifications importantes et spectaculaires du concept de l'Etat nation ont été comprises par le pouvoir politique colombien, conscient que ce concept n'est ni rigide ni immuable mais que, au contraire, pour embrasser les idéaux universels d'internationalisation, il fallait assouplir la notion de souveraineté afin de permettre l'entrée de la Colombie sur la scène mondiale, étant entendu que cet assouplissement ne saurait signifier une dégradation ou une érosion du principe d'autonomie des peuples et de liberté inscrit dans l'essence même de la liberté de l'Etat en tant qu'axe directeur de relations internationales réciproques et équitables. La Constitution permet d'harmoniser le for intérieur de la nation avec les règles de l'internationalisation, comme le montrent les quelques exemples ci-après:

L'égalité transnationale est essentielle à la constitution de la communauté internationale. Cette prémisse suppose, comme l'accepte l'Etat colombien, que l'assouplissement de la souveraineté en faveur de l'internationalisation a pour condition déterminante que l'affectation de compétences aux divers instruments internationaux est explicite, rigoureuse et exclusive et, point essentiel du contrat, elle a pour conséquence que chaque pays, comme l'affirment unanimement les spécialistes des traités internationaux, «en ratifiant une convention n'accepte d'obligations que dans la limite de ce qu'expriment objectivement les dispositions contenues dans ladite convention»(197). Cela signifie que l'instrument international comporte la totalité des obligations exigibles de l'Etat et qu'on ne peut en dériver des éléments qui lui sont étrangers.

Décentralisation et autonomie territoriale

La Colombie est organisée sous la forme d'une république unie, ce qui ne signifie pas que son ordre politique interne soit monolithique, ou qu'il existe un monopole du pouvoir central. La tendance et la réalité consacrées par la Constitution dès l'article premier vont dans le sens d'une affirmation de l'autonomie territoriale conçue comme assise essentielle de l'évolution de la société, conformément à ses besoins et aux particularités régionales. Même si cette autonomie ne s'étend pas aux questions législatives et juridictionnelles, elle comporte les éléments indispensables à l'autogouvernement des régions et des municipalités tels que:

Garanties et droits fondamentaux

La Constitution colombienne peut donc être considérée comme le réceptacle des immenses efforts accomplis par la culture occidentale pour élaborer des chartes de droit solides et efficaces face au pouvoir jusque-là absolu de l'Etat. La Charte politique colombienne condense les droits de première, deuxième et troisième génération leur donnant ainsi un caractère impératif qui doit être défendu et promu par l'Etat. Toutefois, l'importance de ce large éventail de droits ne réside pas dans son simple énoncé mais dans les mécanismes pratiques et directs dont disposent l'individu et la collectivité pour les rendre effectifs et dans l'obligation pour l'Etat colombien de promouvoir et diffuser la culture des droits fondamentaux par le biais de toutes ses instances. A titre d'information, nous exposerons brièvement ci-après quelques-uns des droits et des libertés universels ainsi que le mécanisme de protection dont ils jouissent au plan national.

Droits. Article 11, droit à la vie. Il s'agit sans conteste du noyau essentiel autour duquel gravitent les autres droits. Article 12, droit à l'intégrité de la personne. Article 13, droit à l'égalité qui impose à l'Etat le devoir de rendre cette égalité réelle et effective et de défendre ceux qui, de fait, se trouvent dans un état d'inégalité manifeste. Article 15, droit à la protection de la vie privée (habeas data). Article 16, droit au libre développement de la personnalité sans autre limitation que les droits d'autrui. Article 21, droit à l'honneur. Article 25, droit au travail dans des conditions dignes et justes. Article 29, droit à une procédure judiciaire et administrative régulière. Article 39, droit d'association syndicale. Article 40, droit à élire et à être élu. Article 48, droit à la sécurité sociale. Article49, droit à la santé. Article 51, droit à un logement digne. Article 55, droit à la négociation collective. Article 56, droit de grève sauf dans les services publics essentiels. Article 67, droit à l'éducation. Article 79, droit à un milieu ambiant sain.

Libertés. Article 18, liberté de conscience. Article 19, liberté de culte. Article20, liberté d'expression, d'enseignement, d'apprentissage et d'enseigner. Article 38, liberté d'association.

Dispositif de protection des droits

Indépendamment des actions judiciaires consacrées par la législation commune des différents codes et statuts, il existe des actions ou des recours judiciaires conçus expressément pour protéger les droits fondamentaux notamment:

Action de tutelle (protection constitutionnelle) (amparo): consacrée par l'article 86 de la Constitution, c'est par excellence le point névralgique du droit de l'individu face aux violations de ses droits fondamentaux par les pouvoirs publics. La vertu majeure de l'action de tutelle réside dans l'immense champ d'application que lui confère le système juridique, étant donné que quiconque peut réclamer devant la justice, en quelque moment et lieu que ce soit, la protection immédiate de ses droits fondamentaux lorsqu'ils sont lésés ou menacés par une action ou une omission d'une quelconque autorité publique; la décision judiciaire est immédiatement exécutoire car il s'agit d'une procédure prioritaire et sommaire (dixjours en première instance et vingt en seconde). Au sommet du contrôle de l'action de tutelle se trouve la Cour constitutionnelle qui, en tant qu'organe suprême de défense judiciaire de la Constitution, confère à cette tutelle suffisamment de pouvoirs pour faire obstacle à d'éventuels actes irresponsables de l'Etat. La résultante de la défense des droits par le biais de cette instance transcende le domaine des cas particuliers, puisqu'il s'agit du recours judiciaire le plus définitif et du principal outil pédagogique en matière de droit fondamental en Colombie. Grâce à l'amparo constitutionnel, le simple citoyen s'est familiarisé avec la teneur des droits fondamentaux, rendant ainsi plus puissant son pouvoir dans le domaine politique.

Droit de pétition. Consacré par l'article 23 de la Constitution, ce mécanisme permet à quiconque de communiquer avec l'un des organes de l'Etat de manière transparente et sanctionne l'obligation corrélative de l'Etat de satisfaire aux prescriptions, sans exception aucune, par une rapide résolution de la pétition. Ce droit est vital pour la démocratie et fait de la personne un élément de contrôle fondamental et primordial des actes de l'administration, pouvoir auquel il est expressément interdit à l'Etat de se soustraire.

Action en exécution. Il s'agit de l'action publique qui permet à toute personne d'obtenir l'exécution d'une loi ou d'un acte administratif par le biais d'une décision judiciaire pour les normes juridiques qui n'ont pas été appliquées par l'administration. C'est la prolongation du pouvoir civique d'intercéder devant l'Etat en tant que force vive et dynamique dans la sphère politique; c'est la concrétisation des idéaux classiques de la démocratie, où l'étendue du pouvoir des organes publics est déterminée par le pouvoir du citoyen.

Les actions populaires de l'article 88 de la Constitution étaient déjà pleinement en vigueur depuis l'adoption du Code civil colombien (1873); toutefois, étant donné leur importance, elles ont été consacrées de façon constitutionnelle à partir de 1991. Les actions populaires permettent de défendre les droits et intérêts collectifs «liés au patrimoine, à l'espace, à la sécurité et à la salubrité publics, à l'éthique administrative, à l'environnement, à la libre concurrence économique et à d'autres éléments analogues».

La démocratie

Pour donner une réalité aux dispositions constitutionnelles dans la vie quotidienne de la société et agir ainsi de manière décidée sur la Constitution, il importe que chaque citoyen puisse s'exprimer librement face aux institutions démocratiques et influer de façon directe sur la configuration du pouvoir et sur la prise de décisions.

Formes de démocratie participative

La Constitution de 1991 établit divers mécanismes de participation démocratique dont:

Démocratie représentative

En Colombie, les autorités ci-après sont élues au suffrage universel direct: Président de la République, Vice-président de la République, sénateurs, membres de la Chambre des représentants, gouverneurs, maires, conseillers municipaux et de district, députés des assemblées départementales, membres des conseils d'administration locaux et, le cas échéant, membres de l'Assemblée constituante.

Structure fondamentale de l'Etat et séparation des pouvoirs

L'article 113 de la Constitution décrit dans ses grandes lignes la structure fondamentale de l'Etat colombien. «Les trois branches des pouvoirs publics sont le législatif, l'exécutif, le judiciaire. En sus des organes qui les composent, il en existe d'autres, autonomes et indépendants, chargés de mettre en œuvre les autres fonctions d'Etat. Les différents organes de l'Etat ont des fonctions distinctes mais collaborent de façon harmonieuse à la réalisation de ses fins.»

Depuis son énoncé en tant que théorie politique par John Locke et son développement ultérieur par le baron de Montesquieu, une maxime de l'Etat de droit est restée inchangée jusqu'à nos jours: «la séparation des pouvoirs a permis aux systèmes politiques de maintenir leur vigueur et leur cohérence philosophique ainsi que politique avec suffisamment de force pour comprendre et dynamiser de façon rationnelle l'évolution démocratique des sociétés».

S'il serait fastidieux de décrire dans le détail les fonctions conférées aux branches des pouvoirs publics et des organes de contrôle en Colombie, il n'en est pas moins nécessaire de connaître les caractéristiques principales qui permettent à notre système d'intégrer les principes universels de séparation et d'autonomie des pouvoirs; il est ainsi possible d'avoir une connaissance empirique de ses assises pratiques au lieu de se fonder sur des a priori spéculatifs dénués d'information suffisante.

Le bastion de la culture politique est le maintien et le respect le plus ferme des compétences conférées par la Constitution aux diverses branches du pouvoir, qui ont permis d'instaurer un équilibre de différentes manières, à savoir:

Relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Même si le système politique n'admet pas entre ses pouvoirs de relations aussi étroites que dans un système parlementaire, il ouvre suffisamment de voies de communication pour permettre entre eux une interaction harmonieuse et respectueuse de l'Etat de droit. Ainsi, la structure bicamérale du Congrès permet aussi bien une représentation pluraliste et ouverte sur les besoins des minorités et des régions qu'une réflexion interne du législateur. En tant que dépositaire direct de la volonté souveraine du peuple colombien et tribune essentielle du débat démocratique, le Congrès, de manière autonome, promulgue les lois qui, d'une façon générale, alimentent la structure juridique de l'Etat - son rôle de législateur ne pouvant être délégué ni transféré. Les relations entre le législatif et l'exécutif sont expressément décrites dans la Constitution et s'inscrivent dans le respect absolu de la séparation des pouvoirs. S'agissant de la promulgation des lois, il convient de tenir compte des points suivants: i) conformément à la séparation des pouvoirs, le gouvernement national peut présenter des projets de loi au Congrès (art. 154, 189, 200), les exposer, les promouvoir et les défendre par l'entremise des ministres dans la compétence desquels entre la question, mais il ne peut jamais, par quelque moyen institutionnel que ce soit, exiger l'approbation d'un projet ou s'arroger une quelconque faculté législative car cela porterait un coup fatal à l'équilibre des pouvoirs publics inscrit dans l'organisation politique; ii) le Président de la République, en tant que «chef de l'Etat, chef du gouvernement et autorité administrative suprême» (art. 115), a l'obligation constitutionnelle de sanctionner (art. 157 NI 4), promulguer, obéir et veiller à la stricte mise en œuvre des lois adoptées par le Congrès (art. 189, no 10). Dès lors que l'on reconnaît la dialectique par le biais de laquelle les fonctions de l'exécutif et du législatif s'imbriquent pour ce qui est du processus législatif, il est élémentaire de conclure que ces branches n'ont aucune faculté de s'arroger une quelconque fonction fixée expressément par la Constitution qui, à son tour, recueille les évolutions les plus importantes de l'Etat de droit.

Relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. L'article 230 de la Constitution est catégorique lorsqu'il dispose que «Les juges, dans leurs décisions, ne sont soumis qu'au seul empire de la loi». Il est patent que l'équilibre le plus délicat des branches des pouvoirs publics consiste à respecter les décisions judiciaires comme il se doit dans toute démocratie. Après le parcours tortueux qu'ont connu les tribunaux judiciaires dans le monde, il ressort clairement aujourd'hui que l'évolution culturelle d'un peuple se mesure au respect et à l'autonomie dont jouissent les juges de la nation en question. Dans le cadre de cet axiome fondamental de l'Etat, on peut facilement déduire que la volonté d'instaurer une juridiction exempte des avatars politiques et administratifs des autres branches des pouvoirs publics trouve sa concrétisation dans l'article 228 de la Constitution aux termes duquel «L'administration de la justice est une fonction publique. Ses décisions sont indépendantes…Son fonctionnement sera décentralisé et autonome».

Par rapport au pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif doit , outre le respect et l'application de ses décisions au titre de la séparation des pouvoirs, «pour ce qui a trait aux lois, prêter l'assistance nécessaire aux représentants du pouvoir judiciaire afin que leurs décisions soient rendues effectives» (art. 201, no 1). Il est donc impossible de parvenir à la conclusion exotique que le gouvernement national peut obliger les juges de la République à déformer leurs décisions judiciaires.

Relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Suivant la cohérence du discours constitutionnel, le pouvoir judiciaire et le législateur agissent de manière autonome sans que leurs fonctions soient susceptibles de s'entrecroiser ou de se confondre. L'expression suprême de ce qui précède constitue un prolongement ontologique de leurs fonctions naturelles, à savoir l'application de la loi aux cas soumis au pouvoir judiciaire. Dans le cadre de ce phénomène axiologique, la Cour constitutionnelle en tant que «gardienne de l'intégrité et de la suprématie de la Constitution» doit, aux termes mêmes de la Constitution, se prononcer sur l'inconstitutionnalité éventuelle des lois promulguées par le Congrès.

Organes de contrôle

Outre les branches des pouvoirs publics, il existe d'autres organes autonomes et indépendants chargés de contrôler de l'activité de l'Etat et son incidence sur la société; les organes sont conçus de façon que le fonctionnement de l'Etat reflète fidèlement les objectifs suprêmes consacrés par la Constitution et les lois.

Le ministère public. Composé du bureau du Procureur général de la nation et du Défenseur du peuple. Il appartient au bureau du Procureur général de veiller, dans l'ensemble, à la mise en œuvre de la Constitution, des lois, des décisions de justice et des décisions administratives; de protéger les droits de la personne et d'assurer leur mise en œuvre; de défendre les intérêts de la société et des collectivités; d'exercer un contrôle suprême sur les agents qui s'acquittent de fonctions publiques et d'exercer un pouvoir disciplinaire sur tous les fonctionnaires de l'Etat. Il s'agit donc d'un élément complémentaire de l'équilibre des pouvoirs, qui concerne essentiellement la façon dont les fonctionnaires s'acquittent de leurs tâches et la défense des institutions. Les outils dont est doté cet organisme et sa complète autonomie sont garants de son efficacité et de sa place prépondérante dans le contrôle des activités de l'Etat. Quant au Défenseur du peuple, inspiré par le concept de l'Ombudsman, il a pour fonction vitale de favoriser et de faire connaître le libre exercice des droits de l'homme, ce qui consolide son pouvoir en tant que médiateur entre les instances de l'Etat et la société en vue de permettre la pleine jouissance de ces droits.

La Cour des comptes est chargée de veiller à la bonne gestion comptable de l'administration et, en général, au respect des prescriptions de la Constitution en la matière et des lois régissant la gestion des biens de la nation.

Le gouvernement espère qu'une lecture critique et attentive de la présente description des caractéristiques institutionnelles de la Colombie permettra une vision plus claire du pays.


Annexe III

Position des employeurs colombiens vis-à-vis de la plainte
présentée par les travailleurs du pays devant l'OIT
et sur la possibilité de nommer une commission d'enquête en Colombie

Présentation

Lors de la 86e réunion de la Conférence internationale du Travail qui a eu lieu à Genève (Suisse) en juin 1998, les travailleurs de la Colombie avec l'appui des délégués travailleurs de 26 pays Membres de l'OIT se fondant sur l'article 26 de la Constitution de l'Organisation ont présenté une plainte contre le gouvernement de la Colombie dans laquelle ils allèguent une prétendue non-observance de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

Notamment, les aspects fondamentaux de la plainte peuvent être résumés ainsi:

Compte tenu de ce qui précède, les employeurs et les entrepreneurs colombiens souhaitent que les réalités du pays soient mieux comprises et ont voulu présenter leur position vis-à-vis des allégations présentées par les travailleurs.

Considérations générales sur la violence en Colombie

Dans peu de pays, comme en Colombie, on peut constater une plus grande complexité en ce qui concerne le phénomène de la violence. En effet, les racines de celle-ci, ses acteurs et ses manifestations sont aussi hétérogènes que connexes. Il est extraordinairement difficile de la décrire et presque impossible de trouver la cause ultime vis-à-vis d'un fait particulier de violence.

Les commentaires suivants - plus qu'un examen exhaustif ou intégral de ce phénomène qui abonde dans notre pays - cherchent à mettre en relief une triste réalité dont la solution a besoin de l'effort et de la compréhension de tous, notamment des organisations internationales.

Depuis le moment même de son indépendance du royaume de l'Espagne, il y a presque 180 ans, la Colombie a eu à faire face à un nombre élevé et presque permanent de conflits internes. Il suffit de dire que jusqu'à la moitié de ce siècle ils ont obéi dans une large mesure à des divergences politiques et à des phénomènes de «caudillismos» typiques d'une république jeune.

Dans ce sens, on peut affirmer que la violence dans le pays a eu une origine surtout politique, mais cela n'est pas si certain dans les moments actuels, car à cette composante politique il faut ajouter d'autres composantes ou éléments comme la corruption, le narcotrafic, la contrebande, la délinquance de droit commun.

L'action simultanée de tant d'adversaires si puissants affaiblit sans doute la capacité de réponse des organismes, des autorités étatiques, mais cela a eu des conséquences graves dans tous les segments de la société. Pour cette raison, en Colombie, nous avons tous été victimes de la violence même si ceci semble paradoxal. Pour donner une idée brève du niveau auquel est arrivée la violence dans notre pays, on doit mentionner que dans les années quatre-vingt les meurtres commis en Colombie ont commencé à croître à un rythme de 8 ou 9 pour cent annuel, ce qui a élevé le chiffre des meurtres de 9 000 en 1980 à 28 000 en 1991.

Cette spirale de la violence s'étend tant dans le tissu social que dans les institutions, y compris les institutions étatiques. Le cas de l'administration de la justice est une bonne illustration à cet égard telle qu'on peut l'apprécier dans le diagnostic réalisé par la Corporacíon Excelencia en la Justicia en juin 1997 (il s'agit d'une organisation non gouvernementale de caractère privé) et duquel on peut extraire les paragraphes suivants:

Dans ce contexte, ignorer la condition de victimes des entités et des autorités étatiques dans notre pays est une attitude insuffisante;cette condition, bien qu'elle ne justifie pas beaucoup des omissions des uns et des autres, les explique. Il est inadmissible de prétendre que ces excès constituent une politique ou une raison d'Etat de la Colombie car, même s'ils sont généraux, un observateur impartial pourra constater qu'ils sont contraires aux normes constitutionnelles et à la pensée et aux directives des autorités les plus hautes dans les domaines exécutif, législatif et juridictionnel.

Si une politique d'Etat, pour qu'elle puisse être qualifiée comme telle, a besoin du concours actif des instances les plus hautes de cet Etat, force est de conclure que l'inexistence de ce concours actif conduit à ce qu'il n'y a pas de politique d'Etat.

Le fait que, en Colombie, le respect des droits et garanties constitutionnels ne soit pas complet est une circonstance qui ne dépend pas de la volonté des instances les plus hautes et des autorités publiques, mais justement qui va contre leur volonté. Ceci est la conséquence d'une entrave à la capacité d'action de ces instances.

Réfutation de l'affirmation d'après laquelle, en Colombie,
existe une politique étatique contre la liberté syndicale

En conséquence, les employeurs et les entrepreneurs colombiens ne partagent en aucune façon les appréciations contenues dans la plainte présentée par les travailleurs colombiens selon lesquelles l'Etat conduit une politique de persécution contre le mouvement syndical; il s'agit d'une affirmation partielle et simpliste puisqu'elle méconnaît la réalité des violences en Colombie et, également, il s'agit d'une affirmation inexacte puisqu'elle n'est pas en conformité avec les déclarations de la Constitution nationale ni avec les directives et la volonté des instances les plus hautes et les autorités publiques du pays.

Par ailleurs, nous ne sommes pas non plus d'accord avec l'affirmation que le nombre élevé de morts de dirigeants syndicaux et des actes de violence contre eux (faits que nous rejetons, que nous condamnons et dont nous nous lamentons) constitue une preuve évidente d'une politique étatique contre le droit d'association des travailleurs.

Les différents facteurs qui sont à l'origine
de la violence en Colombie

Notre désaccord s'explique en premier lieu par le fait que les acteurs de la violence en Colombie sont très nombreux et que les morts et les agressions peuvent provenir de n'importe quel acteur. Si ces faits ont été commis par des militaires ou des fonctionnaires publics, ceci s'explique, comme on l'a indiqué auparavant, non pas par l'existence d'une politique étatique mais par des motifs qu'on doit attribuer uniquement et exclusivement aux auteurs de la violence.

En Colombie, les faits violents et délictueux ne proviennent pas que des militaires et/ou des fonctionnaires publics qui agissent de façon isolée, ceci est reconnu par les personnes qui ont étudié en profondeur les conflits en Colombie, de même que par les organisations internationales de défense des droits de l'homme, comme on peut le constater dans les paragraphes que nous allons transcrire de l'exposé sur «Le conflit armé et la détérioration de la liberté en Colombie» du docteur Alfredo Rangel et des rapports que Human Rights Watch a publiés dans les années 1998 et 1999:

Tous les secteurs sociaux sont frappés par la violence

La seconde raison pour laquelle nous ne sommes pas d'accord avec les affirmations des travailleurs colombiens concernant la relation qu'ils font entre le nombre d'attentats syndicaux et l'existence d'une politique étatique à leur encontre découle d'une réalité qui, bien que macabre, ne peut pas être ignorée, à savoir que tous les segments, toutes les couches de la société présentent un nombre élevé de victimes.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon les délits rapportés à la DIJIN, Police nationale, le nombre de meurtres simples et aggravés entre les années 1994 et 1998 a été de:


MOIS

1994

1995

1996

1997

1998


JANVIER

2134

2312

2087

2224

2021

FEVRIER

1997

1943

2002

1999

1833

MARS

1906

2105

2085

2192

1920

AVRIL

2082

1915

2056

2098

1807

MAI

2335

2091

2267

2262

1851

JUIN

2285

2128

2300

2096

1679

JUILLET

2116

2193

2196

2077

1921

AOUT

2191

2131

2279

2205

1971

SEPTEMBRE

2331

1993

2232

1961

1788

OCTOBRE

2252

2089

2155

1888

1971

NOVEMBRE

2269

1875

2368

2023

1948

DECEMBRE

2535

2439

2435

2188

2423

TOTAL

26433

25214

26462

25213

23133


Selon la plainte présentée par les travailleurs, les actes de violence contre les syndicalistes et les dirigeants enregistrés par l'OIT dans le cas no 1787 représentent un total de 192, ces actes couvrent des assassinats, des disparitions, des menaces de mort et des détentions. Ces actes lamentables, qui ont des causes multiples et que nous condamnons et rejetons, ne dépassent pas dans les statistiques le 1 pour cent des actes de violence qui se produisent annuellement en Colombie. Les attentats que nous autres Colombiens subissons et dont nous souffrons chaque jour à cause de la violence généralisée qui existe dans le pays sont tout aussi condamnables.

En effet, en ce qui concerne les cas d'enlèvement, une organisation non gouvernementale sans but lucratif, la Fondation País Libre, qui conduit en Colombie une politique contre ces terribles crimes présente les chiffres suivants d'enlèvements, faisant une distinction entre les différents secteurs professionnels, et qui couvrent la période entre janvier et décembre 1998:


Catégories sociales

Total

Catégories sociales

Total


Indéterminées

5576

Géologues

4

Politiques

394

Photographes

3

Commerçants

296

Industriels

3

Mineurs

131

Entrepreneurs

3

Eleveurs de bétail

110

Actionnaires

2

Ingénieurs

105

Maçons

2

Chauffeurs

63

Paysans

2

Employés

58

Charpentiers

2

Agriculteurs

52

Comptables

2

Etudiants

45

Economistes

2

Etrangers

42

Infirmières

2

Forces publiques

41

Publicistes

2

Ménagères

30

Superviseurs

2

Médecins

23

Assistantes sociales

2

Administrateurs

19

Zootechniciens

2

Enseignants

18

Indigènes

2

Journalistes

16

Professionnels

2

Gérants

15

Dentiste

1

Avocats

15

Analyste

1

Propriétaires

12

Artisan

1

Sous-traitants

10

Agent d'assurances

1

Techniciens

10

Auxiliaire

1

Transporteurs

8

Aviculteur

1

Fonctionnaires publics

8

Bactériologiste

1

Retraités

7

Biologiste

1

Musiciens

7

Gardien d'immeuble

1

Taxis

7

Contrôleur

1

Architectes

7

Courtier

1

Secrétaires

7

Ecrivain

1

Pilotes

6

Ex-maire

1

Vétérinaires

6

Chef de chantiers

1

Travailleurs du café

4

Radiologue

1

Mécaniciens

4

Prêtre

1

Constructeurs

4

TOTAL

2216


Des chiffres susmentionnés, par exemple, il convient de souligner qu'ils font référence aux «politiques» qui ne sont que les autorités élues par le peuple, en particulier les maires.

Evidemment, il est en soi condamnable de commettre des actes délictueux contre un syndicaliste, mais, sur l'autel de l'équité, il convient également d'étendre la censure aux autres classes de la population qui sont affectées. En d'autres termes, sans méconnaître ou atténuer la gravité des faits qui ont eu lieu contre les syndicalistes en Colombie, nous estimons que ces faits ne doivent pas être utilisés pour donner une idée inexacte et partielle de la situation dans le pays. Les actes délictueux sont aussi répréhensibles que l'est le fait de tergiverser sur ces actes.

Enfin, il est utile de mettre en avant l'incidence grave de la violence sur le développement économique de la Colombie, ce qui affecte directement la totalité du pays. Selon le document «Les coûts économiques de la criminalité et de la violence en Colombie: 1991-1996» d'Edgar Trujillo Ciro et Martha Elena Badel Rueda, publié par le Département national de la planification:

Dans ce contexte colombien complexe où tous les secteurs souffrent de manière égale, il n'est pas admissible que l'un des secteurs s'arroge la condition exclusive de victimes et moins encore qu'il l'attribue à une politique d'Etat qui lui serait contraire.

En Colombie, il existe une politique d'Etat
en faveur des droits de l'homme

Au contraire de ce qu'affirment les travailleurs dans leur plainte, en Colombie il existe une politique d'Etat en faveur des droits de l'homme. Cette politique comporte des manifestations multiples et variées de sorte qu'elle ne peut pas échapper à un observateur impartial et de bonne foi.

La manifestation la plus palpable de la politique d'Etat colombienne en faveur des droits de l'homme est constituée par l'effort et l'engagement décidés de toutes les hautes autorités et des entités publiques à cet égard. A titre d'exemple, il convient de mentionner que depuis 1987 le Conseil de la présidence pour les droits de l'homme a été mis en place et dépend du Président de la République. Il a pour mission de réduire au minimum les violations des droits fondamentaux de la personne, et notamment les violations des droits à la vie, à l'intégrité de la personne, à la liberté en relation avec le conflit armé intérieur et la violence politique dont souffre le pays. Cette institution a une telle importance que le gouvernement actuel a désigné le Vice-président de la République pour la diriger en personne et directement.

Au sein du ministère de la Défense, il existe un secrétariat aux Droits de l'homme et aux Affaires politiques qui dépend directement du Bureau du ministre. En outre, des bureaux des droits de l'homme et du droit international humanitaire ont été mis en place dans les garnisons militaires et dans les unités de la police. Le rôle du secrétariat et des bureaux susmentionnés comprend, entre autres aspects, l'augmentation des normes en matière de respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire de la part des forces armées et de la police, le renforcement et l'accroissement de l'efficacité des systèmes internes de contrôle et les sanctions pour conduite attentatoires aux droits de l'homme ainsi que la consécration du respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire en tant qu'élément fondamental de la stratégie des forces armées et de la police nationale dans leur lutte contre la subversion et le narticotrafic et la délinquance.

Le bureau du Procureur général de la nation, entité chargée de l'accusation dans le système judiciaire, comporte une unité nationale des droits de l'homme et un bureau chargé des affaires internationales qui d'office ou en réponse aux dénonciations et aux plaintes sont chargés de diligenter des enquêtes sur les délits et d'accuser les prévenus d'infractions à la loi pénale devant les juges et les tribunaux compétents. Il convient de ne pas oublier que le bureau du Procureur général est une institution en Colombie qui dépend de la branche judiciaire des pouvoirs publics et non de la branche exécutive.

En ce qui concerne le bureau de l'Avocat général de la nation, l'organe de contrôle de l'administration publique, un bureau chargé des droits de l'homme a été institué dont la fonction est de rechercher les solutions et d'apporter sa médiation dans les conflits occasionnés par les violations des droits de l'homme, spécialement pour les actes de génocide, de torture, de disparition de personnes, que les membres du ministère de la Défense nationale, des forces armées et militaires et de la police, ainsi que des fonctionnaires du personnel des organismes liés à ces institutions et autres fonctionnaires et employés publics peuvent avoir provoqué dans l'exercice de leurs fonctions. Au sein de l'organe de défense du peuple, organe qui fait partie du ministère public, se trouve une direction de promotion et de divulgation des droits de l'homme qui a, entre autres fonctions, celle de faire des recommandations et des observations aux autorités et aux particuliers en cas de menaces ou de violations des droits de l'homme et de faire connaître le contenu de la Constitution politique de la Colombie, spécialement en ce qui concerne les droits fondamentaux, sociaux, économiques, culturels, collectifs et autres.

La multitude des instruments législatifs et réglementaires qui règlent les différents aspects en relation avec la paix, du droit international humanitaire avec la sanction des violations des droits de l'homme, constitue l'autre manifestation de l'existence en Colombie d'une politique d'Etat bien différente de ce que les travailleurs suggèrent dans la plainte présentée à l'OIT. A titre purement illustratif, il convient d'indiquer les instruments législatifs et réglementaires suivants:

D'autres marques de la bonne volonté des autorités publiques en la matière sont le fait que le gouvernement colombien a souscrit à l'instrument créant la Cour pénale internationale qui a été approuvé à Rome en juillet 1998, ainsi que la demande faite par le gouvernement colombien d'étendre le mandat d'une année du bureau de la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie.

Maintenant, en ce qui concerne les cas concrets de violation des droits de l'homme soulevés par les travailleurs, le décret 1413 du 27 mai 1997 a institué la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l'homme des travailleurs. La composition de cette commission qui est mentionnée ci-dessous montre de manière patente l'engagement des hautes autorités gouvernementales en cette matière importante:

Les déclarations publiques et réitérées des hautes autorités publiques en faveur des droits de l'homme sont les suivantes en particulier:

A la suite de la réunion tenue le 16 février 1999, le Président de la République, le Vice-président, le ministre de l'Intérieur et dix délégués des ONG qui travaillent en Colombie, le vice-président, le Dr Gustavo Bell Lemus, ont annoncé que le gouvernement avait progressé dans la protection des vies des défenseurs des droits de l'homme et offert une sécurité accrue aux sièges des organisations en question. De même, ils ont signalé que, afin de renforcer le travail social accompli par les ONG et de mettre en relief l'importance que celles-ci ont dans la consolidation de la démocratie, les autorités gouvernementales leur offraient des espaces de diffusion dont elles disposaient pour une campagne en faveur du développement du respect de la vie et de la tolérance. Le ministre de l'Intérieur, de son côté, a annoncé la création d'un groupe d'élite créé immédiatement et composé de 25spécialistes des droits de l'homme.

Le 19 janvier 1999, le Haut Commissaire pour la paix, le Dr Victor G.Ricardo, a présenté une déclaration qui contient la position du gouvernement national face aux groupes d'autodéfense de Colombie (AUC). Cette déclaration contient le paragraphe suivant:

Le 15 décembre 1998, le Président de la République, le Dr Andrés Pastrana Arango, a indiqué avec force que les autorités légitimes du pays «ne peuvent répondre à la barbarie avec la barbarie», et il a ajouté que:

Le 10 décembre 1998, lors de la cérémonie du 50e Anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Président de la République, après avoir expliqué que certains dans l'Etat ont trouvé le bouc émissaire qui leur permet de lancer des pierres et d'avoir à cause de lui la possibilité de se sentir innocents, a soutenu que, si l'Etat accepte de se compromettre, tous et chacun de nous en tant qu'individu, groupe syndical, communauté, collectivité, association, sommes coupables de la même manière.

Nous les employeurs et les entrepreneurs de Colombie reprenons ces dernières paroles du chef de l'Etat pour signaler que les affirmations et les plaintes légères qui, en matière de droits de l'homme, ont été lancées contre l'Etat, imprécises et inexactes qu'elles soient, ne contribuent en rien à apporter une solution à un problème extrêmement complexe. En conséquence, nous rejetons et condamnons les actes de violence dont les syndicalistes ont souffert, mais nous estimons que ces actes, en aucune manière, ne peuvent être attribués à une politique de l'Etat. La violence dont sont victimes les syndicalistes n'est pas distincte de celle dont souffrent les employeurs et les entrepreneurs et, en général, tous les Colombiens.

La législation nationale en relation
avec les conventions nos 87 et 98 de l'OIT

En ce qui concerne le second motif de la plainte présentée par les travailleurs de Colombie contre le gouvernement, à savoir qu'il y aurait un manque de volonté de sa part d'introduire les réformes nécessaires pour harmoniser la législation interne avec les conventions nos 87 et 98 de l'OIT, les employeurs et les entrepreneurs de Colombie estiment également qu'ils ne sont pas d'accord car ils pensent qu'il s'agit d'une affirmation qui méconnaît complètement les efforts accomplis au cours des dernières dix années pour obtenir cette harmonisation. Ces efforts ont été salués par la Commission d'experts de l'OIT qui les a mentionnés avec satisfaction.

Ces efforts méritent une mention particulière en ce qui concerne l'adoption de la loi 50 de 1990 par laquelle ont été introduites plusieurs modifications à la partie du droit collectif du Code substantif du travail, précisément visant à renforcer la protection contre la discrimination antisyndicale et en faveur du droit d'association, droit qui est protégé par l'article 39 de la Constitution dans les termes suivants:

La Constitution dispose également que les conventions internationales du travail dûment ratifiées font partie de la législation interne.

Ainsi, l'affirmation selon laquelle en Colombie il existe une politique de l'Etat de répression du mouvement syndical et de désir explicite d'empêcher l'harmonisation de la législation interne avec les conventions respectives de l'OIT manque de toute justification, surtout quand, au-delà des normes constitutionnelles susmentionnées, les lois 26 de 1976 et 27 de la même année respectivement ont incorporé dans la législation interne les conventions nos 87 et 98.

Ce qui est advenu, et cela non à cause d'une politique d'Etat antisyndicale mais à cause d'un développement naturel et propre à tout processus d'harmonisation législative, c'est un déphasage dans la mesure où les changements ne s'opèrent pas de manière automatique, et ce, surtout, si les changement en question ne dépendent pas d'une seule entité étatique.

En Colombie, la structure de l'Etat comporte les trois branches des pouvoirs publics, à savoir le législatif, l'exécutif et le judiciaire, chacun ayant des attributions et une autonomie propres. En conséquence, les changements aux dispositions de la législation du travail ayant force de loi doivent être adoptées par le Congrès de la République, et ne sont pas imposées par le pouvoir exécutif, dont les attributions ne sont que de présenter et de défendre les projets de lois.

Après l'adoption de la loi no 50 de 1990, le gouvernement a élaboré et soumis au Congrès les projets de loi visant à mettre la législation interne en pleine conformité avec les conventions nos 87 et 98. Le fait que les projets n'aient finalement pas été approuvés obéit à ce que l'activité du Congrès était tournée vers d'autres sujets qui, dans les circonstances actuelles de désordre public, devaient être traitées avec un e plus grande urgence.

En somme, il convient de ne pas imputer au gouvernement le manque de diligence dans la mise en œuvre des modifications attendues pour une complète adéquation de la législation interne colombienne avec les conventions nos 87 et 98 de l'OIT.

Par ailleurs, la volonté réelle de l'Etat en ce qui concerne les relations de travail et syndicales est également reflétée dans l'article56 de la Constitution nationale qui prévoit la création d'une commission permanente composée du gouvernement, de représentants des employeurs et de représentants des travailleurs chargée du développement des bonnes relations professionnelles et de contribuer à la solution des conflits collectifs du travail ainsi que de la concertation en matière de politiques salariales et professionnelles. Cette commission qui a été constituée en application de la loi no 278 de 1996 a siégé à plusieurs reprises, délibérant sur plusieurs questions, dont l'accord sur le salaire minimum légal de 1998.

L'Organisation internationale du Travail peut porter témoignage des activités du pays en faveur de la promotion d'une nouvelle culture des relations professionnelles fondée sur la concertation et le dialogue entre les actions sociales et le sens de la justice dans un esprit de coordination économique et d'équilibre social, étant donné que plusieurs de ces activités ont bénéficié des auspices de l'OIT.

En conclusion, comme on l'a dit en ce qui concerne la violence en Colombie, on ne peut juger d'une situation générale en regardant des faits isolés et hors de contexte.

F. Recommandations du Comité de la liberté syndicale
au Conseil d'administration concernant la plainte
présentée au titre de l'article 26 de la Constitution

141. Le comité a pris note du contenu de la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT et de la réponse que le gouvernement a fournie à cet égard. Il estime qu'il appartient maintenant au Conseil d'administration sur la base du présent rapport ainsi que de ses conclusions adoptées dans les cas en instance concernant la Colombie de se prononcer sur l'opportunité d'instituer une commission d'enquête.

Genève, le 17 mars 1999.

Max Rood,
Président.

Points appelant une décision:


1. Constitution politique: «Article 1.La Colombie est un Etat social de droit organisé sous la forme d'une République unitaire, décentralisée, démocratique, composée d'entités territoriales autonomes, attachée aux principes de la participation et du pluralisme, fondée sur le respect de la dignité humaine, sur le travail et sur la solidarité des personnes ainsi que sur la primauté de l'intérêt général».

2. Source: Escuela Nacional Sindical. «Los derechos humanos de los trabajadores en 1997». Cuaderno de Derechos Humanos, núm.5, ENS, Medellín, 1998. Voir l'encadré no2, p.27. Selon la même source, entre 1991, date à laquelle a été promulguée la nouvelle Constitution politique de la République de Colombie, et 1997, 1083travailleurs ont été assassinés dont 865étaient des dirigeants syndicaux.

3. Pour le 251erapport, voir Bulletin officiel, vol.LXX, 1987, série B, no2, pp.90-96, paragr.323-333. Pour le 246erapport, voir Bulletin officiel, vol.LXIX, 1986, série B, no3.

4. Voir Bulletin officiel, vol.LXXI, 1988, série B, no3, pp.258 et suiv., paragr.653 à655.

5. Voir le rapport du Professeur Philippe Cahier sur la mission effectuée en Colombie du 31août au 7septembre 1988, Bulletin officiel, vol.LXXI, 1988, série B, no3, pp.270 et suiv., annexé au 259e rapport du Comité de la liberté syndicale.

6. Voir 265e rapport, Bulletin officiel, vol.LXXII, 1989, série B, no2, pp.159-160, paragr.491 et 493.

7. Voir 275e rapport, Bulletin officiel, vol.LXXIII, 1990, série B, no3, paragr.203.

8. Voir 275e rapport, Bulletin officiel, vol.LXXIII, 1990, série B, no3, paragr.203.

9. Voir le 286e rapport, Bulletin officiel, vol.LXXVII, 1993, série B, no1, paragr. 359.

10. Voir le 297e rapport, Bulletin officiel, vol.LXXVIII, 1995, série B, no1, paragr.464 et 483.

11. Voir le 297e rapport, Bulletin officiel, vol.LXXVIII, 1995, série B, no1, paragr.477 et 478.

12. Voir 306e rapport, Bulletin officiel, vol.LXXX, 1997, série B, no1, paragr.294.

13. Voir le paragraphe9 du 309e rapport, approuvé par le Conseil d'administration en mars 1998.

14. Voir le paragraphe82 du 309erapport.

15. Constitution politique, art.53, paragr.4: «Les conventions internationales du travail dûment ratifiées font partie de la législation interne».

16. Voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. Rapport général et observations concernant certains pays. RapportIII (Partie4A), Conférence internationale du Travail, 73esession, 1987. Toutes les citations dans ce chapitre sont extraites de l'ouvrage mentionné, pp.172 à174.

17. Voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. Rapport général et observations concernant certains pays. RapportIII (Partie4A), Conférence internationale du Travail, 76esession, 1989, p.155.

18. Op. cit., p.157.

19. Op. cit., p.158.

20. Op. cit., p.280.

21. Pour les observations formulées en 1990, voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 4A), Conférence internationale du Travail, 77esession, 1990.

22. Pour les observations formulées en 1991, voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 4A), Conférence internationale du Travail, 78esession, 1991.

23. Pour les observations formulées en 1992, voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 4A), Conférence internationale du Travail, 79esession, 1992.

24. Pour les observations formulées en 1993, voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 4A), Conférence internationale du Travail, 80esession, 1993.

25. Pour les observations formulées en 1994, voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 4A), Conférence internationale du Travail, 81esession, 1994.

26. Pour les observations formulées en 1995, voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 4A), Conférence internationale du Travail, 82esession, 1995.

27. Pour les observations formulées en 1996, voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 4A), Conférence internationale du Travail, 83esession, 1996.

28. Pour les observations formulées en 1997, voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 1A), Conférence internationale du Travail, 85esession, 1997.

29. Voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 1A), Conférence internationale du Travail, 86esession, 1998, pp.183 et 184.

30. Voir le rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, rapport général et observations concernant certains pays. Rapport III (Partie 1A), Conférence internationale du Travail, 86esession, 1998, pp.245 et 246.

31. Voir Conférence internationale du Travail, 85esession, Compte rendu provisoire, p.19/87.

32. Document GB.273/15/2, 273e session, Genève, nov. 1998.

33. Op. cit., p. 16.

34. Op. cit., p. 14.

35. Op. cit., p. 45.

36. Op. cit., p. 14.

37. Op. cit., p. 15.

38. Op. cit., pp. 17-18.

39. Op. cit., p. 13.

40. Le document figurant en annexe «La violence en Colombie: contexte et complexité, implications pour les droits fondamentaux et le droit international humanitaire» (dorénavant cité comme annexe I), expose les caractéristiques du phénomène de la violence en Colombie.

41. Op. cit., p. 16.

42. Op. cit., p. 14.

43. Op. cit., p. 14.

44. Op. cit., p. 14.

45. Op. cit., p. 19.

46. Op. cit., p. 15.

47. Op. cit., p. 12.

48. Op. cit., p. 40.

49. Op. cit., p. 9.

50. Op. cit., p. 10.

51. Op. cit., p. 16.

52. Op. cit., p. 10.

53. Op. cit., p. 12.

54. République de Colombie, Conseil supérieur de la magistrature, Indicateurs de la justice, Santafé de Bogotá, Conseil supérieur de la magistrature, Chambre administrative, 1998, p. 96.

55. Sur ce total, 2,9pour cent étaient des conflits administratifs et 8,8pour cent étaient des conflits interfamiliaux. Voir, à ce sujet, République de Colombie, Conseil supérieur de la magistrature. Indicateurs..., op. cit., p. 97.

56. Ces délits sont l'homicide, les coups et blessures, la séquestration et le vol aggravé. Source: police nationale.

57. L'agro-industrie est assez limitée et comprend l'exploitation de la banane, du palmier à huile africain, des fleurs et de la canne à sucre.

58. Source: police nationale.

59. Service national de planification, La paix: le défi du développement, Santafé de Bogotá, Tiers monde et Service national de planification, 1998, p. 50.

60. Source: police nationale.

61. Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 51.

62. République de Colombie, police nationale, La criminalité..., op. cit., p.387.

63. Service national de planification, La paix..., op. cit., pp. 70 et 71. En outre, il convient de signaler que le taux de change du dollar des Etats-Unis était de 1542,11pesos pour 1dollar à la fin de 1998.

64. République de Colombie, police nationale, La criminalité..., op. cit., p.386. On ne tient pas compte ici des blessures personnelles coupables.

65. Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 72.

66. Comme nous l'avons déjà signalé, le taux de change de 1 dollar des Etats-Unis était de 1542,11pesos colombiens au 31 décembre 1998.

67. Rapport du ministère public de la nation du 10décembre 1998.

68. Il est à signaler que 23 pour cent des décès de mères en Colombie sont causés par des avortements mal pratiqués. Voir, à ce sujet, Lucero Zamudio «L'avortement en Colombie; dynamique sociodémographique et tensions socioculturelles», La justice de notre temps, Bogotá, Université externe de Colombie (sous presse), pp.13 et 14.

69. Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 51.

70. République de Colombie, police nationale, La criminalité..., op. cit., p.391.

71. République de Colombie, police nationale, La criminalité..., op. cit.,p.393.

72. Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 75.

73. République de Colombie, police nationale, La criminalité..., op. cit., p.394.

74. Service national de planification, La paix..., op. cit., pp.69 et 75.

75. Nations Unies, Programme international de lutte contre la drogue, World drug report, Oxford, Oxford University, 1997, pp. 264 et 265.

76. Francisco Thoumi, Economie politique et narcotrafic, Santafé de Bogotá, Tiers monde, première réédition, 1996, pp. 204 et 207.

77. Service national de planification, La paix..., op. cit., pp. 52 et 53.

78. On trouvera une relation analytique de la violence dérivée du narcotrafic dans le livre de Germán Silva García, La justice passera-t-elle? La criminalité et la justice pénale en Colombie, Santafé de Bogotá, Université externe de Colombie, 1997, pp. 319 et suiv.

79. L'exception reste le cas d'Urabá, où les affrontements, en tout cas politiques, entre les FARC et l'EPL avaient à l'origine un caractère syndical.

80. Service national de planification, La paix..., op. cit., pp. 50 à 52.

81. Service national de planification, La paix..., op. cit., pp. 7, 82 et 83.

82. Alonso Salazar. La queue du lézard, Medellín, Groupe de liaison du ministère des Communications, 1998, p. 118.

83. CEPAL, Bilan économique de l'Amérique latine et des Caraïbes, 1997.

84. CEPAL, Bilan..., op. cit.

85. Sur les antécédents susmentionnés, voir Mgr Germán Guzmán; Orlando Fals Borda; Eduardo Umaña Luna. La violence en Colombie, Bogotá, Tiers monde, tome 1, 2e édition, 4e réimpression, 1963, pp.46 et 48. Voir également Carlos Arango Z., FARC vingt ans, Bogotá, Aurora, 2e édition, 1984, pp.61 et suiv.

86. Au sujet de ces liens, voir par exemple Jacobo Arenas, Journal de la résistance de Marquetalia, Abejón Mono, 2e édition, 1972, p. 81, et Jacobo Arenas, Cessez-le-feu, Bogotá, Oveja Negra, 2e édition, 1985, p. 75, ainsi que Fernando Landazabal Reyes, Conflit social, Medellín, Bedout, 1982, pp. 262 et 263.

87. «La Violence» trouve son origine dans les conflits politiques qui ont eu lieu entre les deux partis politiques traditionnels (le parti libéral et le parti conservateur) et qui ont laissé un solde estimé à 300000morts au cours de l'époque susvisée. Le conflit s'est acheminé vers une solution avec un accord politique de réconciliation réalisé en 1958, et connu sous le nom de «Front National» qui comportait l'amnistie pour les divers groupes qui avaient pris les armes. Toutefois, certaines bandes ont continué leurs activités jusqu'aux alentours de 1964; après cette date, seules quelques factions communistes ont continué à opérer, repoussant l'option qui leur était offerte de réintégrer la légalité. Sur la phase finale de la période de la violence, on peut consulter: Gonzalo Sánchez; Donny Meertens, Bandits, caciques et paysans, Bogotá, El Ancora, troisième édition, 1985, pp.42, 47 et 48.

88. Pendant des décennies, on a prêché la doctrine de la «combinaison de toutes les formes de lutte», ce qui incluait les actions réalisées dans le cadre de la légalité aussi bien que celles à caractère subversif. Toutefois, alors que les FARC représentent un pouvoir réel fondé sur les armes, les partis politiques de gauche, y compris le Parti communiste, ont obtenu au cours des dernières élections des résultats dérisoires, même s'ils leur ont permis de gagner des sièges au Parlement. Cela explique la prédominance politique des FARC et de leur modèle de révolution au moyen de la violence.

89. Déclarations de Manuel Marulanda Vélez, dans Carlos Arango Z., FARC..., op. cit., p.95.

90. C'est le leader historique des FARC, qui a pris les armes depuis l'époque de «La Violence». Son principal idéologue, Jacobo Arenas, est mort de mort naturelle il y a quelques années.

91. L'organisation de base est décrite dans Jacobo Arenas, Cessez-le-feu, op. cit., p.95.

92. William Ramírez Tobón, Etat, violence et démocratie, Bogotá, Tiers monde et Université nationale, 1990, pp. 59 et suiv.

93. Jesús Antonio Bejarano et al., Colombie: insécurité, violence et réalisation économique dans les zones rurales, Bogotá, FONADE et Université externe de Colombie, 1997, p. 132.

94. Selon cette théorie, l'Amérique latine utilise les conditions objectives appropriées pour le développement de la révolution, qui trouvaient leurs origines dans les conditions de pauvreté et de marginalisation de la population de ses pays, bien qu'elle manquait des conditions subjectives indispensables, c'est-à-dire de la formation de groupes de guérilleros qui devaient constituer les noyaux organisés, politiquement conscients, capables de promouvoir et de diriger le processus révolutionnaire. Par conséquent, il suffisait de créer un «foyer» de la guérilla pour servir de détonateur à la révolution. Dans ce sens, on peut consulter Ernesto «Che» Guevara, Œuvres complètes, Buenos Aires, Cepe, deuxième édition, 1973, p. 27. Toutefois, la recherche sociale a démontré que la subversion politique ou la criminalité en général ne se développent pas mieux ou avec une plus grande intensité dans les pays où règnent des conditions socio-économiques difficiles; au contraire, elles prospèrent dans les nations, les régions ou les localités où existe une plus grande richesse relative. Par ailleurs, l'évolution des mouvements insurrectionnels en Amérique latine a démontré l'échec de la stratégie du foyer révolutionnaire.

95. Ulises Casas, Origine et développement du mouvement révolutionnaire colombien, Bogotá, 1980, p.124.

96. Au cours de l'«opération Anorí» (1974), l'armée colombienne lui fit subir de sérieuses pertes et détruisit sa structure militaire. La disparition de ses leaders eut pour cause, en partie, des purges internes au cours desquelles ses dirigeants furent exécutés (Víctor Medina Morón, Ricardo Lara Parada, Jaime Arenas), expulsés ou exilés (Fabio Vásquez Castaño); elle fut, en partie, le résultat d'affrontements armés avec les forces de l'Etat (Camilo Torres, Domingo Laín, Manuel et Antonio Vásquez Castaño).

97. Pour la période 1991-1996, les revenus de l'ELN ont été estimés à 1314999millions de pesos. Voir à ce sujet Service national de planification, La paix..., op. cit., p.78.

98. Germán Silva García, Délit..., op. cit., p. 75.

99. Entre 1986 et 1996, les réparations des dommages aux oléoducs du pays ont coûté à l'entreprise nationale de pétrole 592 000 millions de pesos, chiffre supérieur au budget de la justice de 1998. Voir, à ce sujet, Service national de planification, La paix..., op. cit., pp.7 et 8.

100. Fernando Landazabal Reyes, Facteurs de violence, Bogotá, Tiers monde, édition, 1981, p.113.

101. Jesús Antonio Bejarano et al., Colombie: insécurité..., op. cit., p.132.

102. Fabiola Calvo O, Dix hommes. Une armée. Une histoire, Bogotá, ECOE, 1985, p.37.

103. Fabiola Calvo O., ibid., p. 121.

104. Ont été notamment assassinés des dirigeants et des travailleurs de SINTRAINAGRO, organisation syndicale de la région productrice de bananes à Urabá.

105. Francisco Caraballo a été arrêté par la suite et il purge actuellement une peine de prison.

106. Ce groupe s'est fait connaître avec la séquestration de Juan Carlos Gaviria, frère du Secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA) et l'attentat contre l'avocat Antonio José Cancino.

107. La législation qui les autorisait a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour il y a déjà plusieurs années.

108. Les groupes de «propreté sociale», fréquemment présents dans les espaces urbains, s'étaient spécialisés dans l'assassinat des indigents, des jeunes soupçonnés d'avoir des liens avec la criminalité et des personnes ayant des antécédents pénaux. Ces groupes n'ont pas eu de présence continue, surgissant et disparaissant rapidement, sans qu'apparemment ils aient eu une structure majeure.

109. Les milices sont un phénomène urbain, favorisées d'abord par le M-19 et ensuite par l'ELN, dans certaines villes comme partie de leur projet révolutionnaire, notamment à Medellín, vers le milieu des années quatre-vingt. Elles étaient constituées en bandes d'autodéfense contre la délinquance dans certains quartiers, en bandes de jeunes dont la principale occupation était la criminalité, ou en groupes de tueurs à gages. Les bandes de tueurs à gages, en partie issues des milices, se sont souvent converties dans les appareils militaires ou de sécurité des trafiquants de drogues. Leur activité principale consistait à commettre des assassinats contre le paiement d'une certaine somme d'argent. Leurs victimes étaient en général des juges ou des procureurs, des policiers ou des hommes politiques ennemis des trafiquants de drogues. Sur cette question, on peut consulter: Alonso SalazarJ. et al., La genèse des invisibles, Santafé de Bogotá, Programme pour la paix de la Compagnie de Jésus, 1996, pp. 142 à 145.

110. Pablo Escobar et Gonzalo Rodríguez Gacha ont été tués par la police nationale. On suppose que Fidel Castaño est mort, bien que son décès n'ait pu être confirmé.

111. Ciro Krauthausen, Luis Fernando Sarmiento, Cocaïne..., op. cit., p. 97.

112. On estime à plus d'un million d'hectares des meilleures terres du pays acquises par les trafiquants de drogues. Bon nombre de ces propriétés sont actuellement occupées et soumises à des procédures légales pour obtenir l'annulation des titres de propriété étant donné leur origine illicite.

113. La guerre menée par les groupes d'autodéfense du Magdalena Medio a eu pour résultat l'assassinat de plus de 1 000 militants de l'Union patriotique, dont son candidat à la présidence Jaime Leal, qui avait été vice-président de FENALTRASE et président d'ASONAL JUDICIAL, organisation syndicale des travailleurs de l'Etat. Parmi les personnes assassinées, il y avait un nombre élevé de dirigeants et de travailleurs syndicalistes.

114. Notamment dans la région d'Urabá, ils ont assassiné massivement des travailleurs de SINTRAINAGRO, qui travaillaient à la production de bananes.

115. A cette époque a commencé le processus de dissolution des groupes d'autodéfense, touchés non seulement par la guerre sans merci que livraient les trafiquants de drogues contre l'Etat colombien, mais aussi par les fractures internes entre les trafiquants de drogues. Les principaux dirigeants des groupes d'autodéfense de l'époque furent assassinés lors de conflits internes ou portés disparus par la police nationale. Au sujet des assassinats de policiers, Pablo Escobar avait offert de payer une somme d'argent pour chaque agent de police assassiné et un montant supérieur pour chaque officier de police assassiné, ce qui a provoqué une vague d'exécutions.

116. Víctor et Henry Pérez, les principaux chefs de l'appareil militaire des groupes d'autodéfense du Magdalena Medio, ont été tués dans des actions distinctes.

117. Jesús Antonio Bejarano et al., Colombie: insécurité..., op. cit., p.131.

118. Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 79.

119. Voir, à ce sujet, Germán Silva García, La justice passera-t-elle? op. cit., pp.323 et suiv.

120. Cela a conduit à l'ouverture de nombreux procès pénaux et à la condamnation de dirigeants politiques et sociaux, ainsi que d'anciens fonctionnaires de l'Etat, sous l'accusation d'enrichissement illicite et d'autres infractions associées au commerce de la drogue.

121. Ciro Krauthausen, Luis Fernando Sarmiento, Cocaïne..., op. cit., p. 96.

122. Jesús Antonio Bejarano et al., Colombie: insécurité..., op. cit., p.118. Sur la diversification et l'expansion économique et la constitution de pouvoirs locaux, voir le Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 74.

123. Ciro Krauthausen, Luis Fernando Sarmiento, Cocaïne..., op. cit., pp.95 et 204.

124. Sur le banditisme comme moyen et la révolution politique comme objectif, voir Germán Silva García, Délit..., op. cit., pp. 75 et 76. Egalement Alfredo Rangel Suárez, Colombie: Guerre..., op. cit., pp. 148 et suiv.

125. Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 81.

126. Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 81.

127. Le maire est le chef politique d'une municipalité, élu au suffrage populaire. Les membres du conseil municipal ou assemblée municipales sont élus au suffrage populaire.

128. William Ramírez Tobón, Urabá..., op. cit., p. 58.

129. Le Code de procédure pénale dispose que, pour imposer la détention préventive d'un citoyen, il faut qu'il y ait une déclaration d'un témoin ou au moins un indice grave de responsabilité.

130. Jesús Antonio Bejarano et al., Colombie: insécurité..., op. cit., p.136.

131. «FARC: elles interdisent les élections dans 23 municipalités», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 23oct. 1997.

132. «La violence s'acharne contre les politiques», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 10août 1997.

133. «Chiffres de la violence politique dans le pays», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 14sept. 1997.

134. Source: rapports du ministère public de la nation.

135. Service national de planification, La paix..., op. cit., p. 19.

136. Rapport de la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie. E/CN.4/1998/16, paragr. 10 et 11.

137. A cet égard, voir les déclarations de Carlos Castaño, chef des AUC, dans lesquelles il fait la distinction entre les militants de la gauche démocratique et les militants de la gauche «qui rend service à la guerre», dans «La gauche n'est pas un objectif militaire», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 29sept. 1997.

138. A cet effet, voir «Nouveau cap des droits de l'homme en Colombie», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 11 déc. 1998.

139. «Peur des paramilitaires à Media Luna», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 14 déc. 1998.

140. Sources: ministère public de la nation et bureau du Haut Commissaire pour la paix.

141. Alonso Salazar. La queue du lézard, op. cit., p. 111.

142. Alonso Salazar. La queue du lézard, op. cit., p. 118.

143. République de Colombie, Conseil supérieur de la magistrature, Indicateurs..., op. cit., pp.114 et 116.

144. République de Colombie, Conseil supérieur de la magistrature, Indicateurs..., op.cit., p.127.

145. République de Colombie, ministère de la Justice et du Droit, Crime organisé et justice, Santafé de Bogotá, ministère de la Justice et du Droit, 1995, p. 32.

146. Service national de planification, La paix..., op. cit., pp. 42 et 43.

147. Source: ministère des Finances et du Crédit public.

148. République de Colombie, ministère de la Justice et du Droit, Extinction de la propriété des biens, Santafé de Bogotá, imprimerie nationale, 1996, pp. 8 et suiv.

149. Source: ministère public de la nation.

150. Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme; Commission andine de juristes, La justice en chiffres, Lima, Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme et Commission andine de juristes, 1998, pp. 111, 112, 115, 116 et 117.

151. République de Colombie, Conseil supérieur de la magistrature, Indicateurs..., op.cit., p. 16.

152. République de Colombie, ministère de la Justice et du Droit, Le crime..., op. cit., p. 276.

153. République de Colombie, Conseil supérieur de la magistrature, Indicateurs..., op.cit., p. 67.

154. République de Colombie, ministère de la Justice et du Droit, Le crime..., op. cit., p. 207.

155. Source: ministère de la Défense.

156. Intervention de M. le Vice-président de la République, Gustavo Bell Lemus, à l'occasion de la célébration du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, 1998, p. 6. Voir également le décret no 2429 de 1998.

157. Source: ministère public de la nation.

158. Source: bureau du Haut Commissaire pour la paix.

159. Source: document remis par le vice-ministre des Affaires étrangères à la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations Unies, 19 mars 1998, p.11.

160. Source: police nationale.

161. Source: police nationale.

162. Un mandat d'arrêt a été lancé contre un officier du grade de colonel, pour ses liens supposés avec l'assassinat du politicien conservateur Alvaro Gómez Hurtado.

163. Rapport de la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie, rapport E/CN.4/1998/16, paragr. 175 et 178.

164. Selon des sources non gouvernementales, avalisées par la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, en Colombie, les actes de violence sociopolitique étaient imputables dans une proportion de 76 pour cent à des «groupes paramilitaires», ou plutôt des groupes d'autodéfense, 18,6pour cent à la guérilla et 4,4 pour cent à la force publique. Voir à ce sujet le rapport de la Haute Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, en Colombie, rapport E/CN.4/1998/16, p. 8.

165. «Limites à l'immunité militaire», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 11 déc. 1998.

166. Dans ce sens, on peut citer l'arrêt C-358 de la Cour constitutionnelle du 5 août 1997.

167. L'article 214 de la Constitution dispose que: «En tout cas, les normes du droit pénal humanitaire seront respectées». Voir à ce sujet Jorge Ortega Torres (Compilador). La Constitution politique de la Colombie, Santafé de Bogotá, Temis, 1991, p. 99. En outre, la Cour constitutionnelle a conclu: «Les règles du droit international humanitaire sont aujourd'hui -par la volonté expresse des Constituants - des normes obligatoires en elles-mêmes sans besoin d'aucune ratification préalable et promulgation de normes réglementaires. Et elles le sont 'en tout cas' comme le précise la Charte elle-même»; voir à ce sujet la Cour constitutionnelle, arrêt 574, de 1994.

168. Par exemple, l'incrimination pénale de «torture» existait déjà, mais la notion de génocide est sanctionnée sous la dénomination d'«homicide», la disparition forcée est sanctionnée comme «séquestration», etc.

169. Arrêt de la Cour constitutionnelle C-225, 18 mai 1995.

170. Sa criminalisation avait été suggérée il y a déjà quelque temps par différents organes et experts internationaux, et plus récemment par le président de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies dans sa déclaration sur la Colombie (6 avril 1998).

171. Les concepts de personnes et biens protégés du droit international humanitaire sont largement développés dans cette disposition et dans celles qui sont citées à sa suite. L'acte punissable prévoit: «Le combattant qui, au cours d'un conflit armé, cause la mort d'une personne protégée selon les conventions internationales sur le droit humanitaire ratifiées par la Colombie encourt une peine d'emprisonnement de(...). Voir République de Colombie. Gaceta del Congreso, Santafé de Bogotá, no139, imprimerie nationale, 6 août 1998, p. 29.

172. «Le combattant qui, au cours d'un conflit armé et en vue de nuire à son adversaire ou de l'attaquer, simule la condition de personne protégée ou utilise indûment les signes de protection comme la Croix-Rouge ou le Croissant-Rouge (...) encourt pour cette conduite uniquement une peine d'emprisonnement de (...). Voir, à ce sujet, République de Colombie. Gaceta..., op.cit., p. 29.

173. «Le combattant qui, au cours d'un conflit armé, procède à des représailles ou à des actes d'hostilité sur des personnes ou des biens protégés encourt une peine d'emprisonnement (...). République de Colombie. Gaceta..., op. cit., p. 30.

174. «Quiconque au cours d'un conflit armé, et ayant l'obligation de le faire, omet l'adoption de moyens pour la protection de la population civile encourt une peine d'emprisonnement de (...). République de Colombie. Gaceta..., op. cit., p. 30.

175. Pour les détails sur les articles du projet, voir République de Colombie, Gaceta..., op. cit., pp. 27, 29, 30, 31 et 32.

176. A ce sujet, on peut mentionner les déclarations fréquentes de chefs de la guérilla dans lesquelles ils déclarent «objectifs militaires» les personnes de la population civile ou des fonctionnaires de l'Etat, comme les maires élus au suffrage universel ou les employés du Registre national de l'état civil chargés de diriger et de superviser les processus électoraux démocratiques. En outre, les bandes d'autodéfense ou les bandes armées d'extrême droite établissent et publient régulièrement de longues «listes noires» de personnes menacéesd'assassinat. A cela il convient d'ajouter le grand nombre de personnes qui doivent être protégées contre de possibles attentats de la part de groupes de narcotrafiquants qui, tout au long de l'histoire récente de la Colombie, ont démontré que l'assassinat individuel et même les massacres sont une de leurs tactiques favorites pour faire face à l'action de l'Etat et de la société civile.

177. «Mea culpa...», op. cit., El Tiempo, 11 déc. 1998.

178. Source: ministère de l'Intérieur.

179. Source: ministère de l'Intérieur.

180. «Jorge Ortega a refusé les escortes», a assuré le ministre de l'Intérieur, dans ElTiempo, Santafé de Bogotá, 22 oct. 1998. En effet, le 6 octobre 1998, deux agents du Département administratif de sécurité (DAS) avaient été proposés au dirigeant syndical pour le protéger, après étude de ses risques de sécurité, mais ils furent refusés par Ortega qui désirait désigner son escorte parmi les personnes bénéficiant de sa confiance. La position adoptée par Ortega fait partie du programme de protection du ministère de l'Intérieur, mais elle supposait le temps nécessaire pour entraîner les escortes qu'il avait choisies, sans compter les crédits nécessaires pour les armer et les doter de véhicules.

181. Décret no 1413 de 1997, art. 12.

182. Les citations des interventions du Président de la République, Andrés Pastrana, ont été fournies par le bureau du Haut Commissaire pour la paix.

183. «Pastrana a lancé le 'Plan Colombie'», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 20 déc. 1998.

184. Voir, par exemple, Sergio Ocampo Madrid, «Pastrana ou l'audace pour la paix», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 27 déc. 1998.

185. Un acte sans précédent dans l'histoire de la Colombie.

186. «Le gouvernement avalise des rencontres entre l'ELN et la société civile», ElTiempo, Santafé de Bogotá, 7 oct. 1998.

187. «Lina María libérée hier soir», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 19 déc. 1998.

188. «Les AUC convoqueront une assemblée nationale de la paix», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 11déc. 1998.

189. Les Etats-Unis ont assumé la coopération dans le processus de paix comme une de leurs priorités, étant donné que la solution du conflit armé en Colombie a des implications importantes dans divers domaines, comme par exemple le trafic des stupéfiants.

190. A facilité l'organisation, sur son territoire, de réunions avec la guérilla.

191. Juan Carlos Iragorri, «Fidel Castro, prêt pour faciliter la paix», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 18oct. 1998. Voir aussi «Pastrana demandera à Cuba d'être garant», ElTiempo, Santafé de Bogotá, 28déc. 1998.

192. «Soutien ibéro-américain général au processus de paix», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 16 oct. 1998.

193. «Chávez envoie un message de paix aux FARC», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 19déc. 1998.

194. «Ils n'ont plus d'autre option que la paix», El Tiempo, Santafé de Bogotá, 28 déc. 1998.

195. Des soixante-dix délégués élus démocratiquement à l'Assemblée constituante, 19appartenaient au mouvement politique M-19 qui a reçu le plus fort appui électoral lors du scrutin.

196. Il convient de signaler qu'à la différence du préambule de diverses Constitutions celui de la Colombie est juridiquement contraignant et n'exprime pas simplement un ensemble de bonnes intentions de la Charte politique.

197. Barroso Figueroa, José: «Derecho Internacional del Trabajo» (ed. Porrúa, Mexico, 1987)


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.