GB.276/4 |
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QUATRIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Rapport et conclusions de la quatorzième
Réunion régionale des Amériques
(Lima, 24-27 août 1999)
Table des matières
Discussion générale
Emploi et formation
Protection
sociale
Droit sociaux
Dialogue
social
Coopération technique
Adoption
du rapport et des conclusions de la réunion
Conclusions
Addendum: coopération technique
1. La quatorzième Réunion régionale des Amériques organisée par l'OIT s'est tenue à Lima (Pérou) du 24 au 27 août 1999.
2. La réunion a été suivie par 157 délégués et conseillers venus de 25 pays. Il y avait là 75 représentants de gouvernements, y compris 19 ministres, 38 représentants des employeurs et 44 représentants des travailleurs. Des représentants d'organisations intergouvernementales et internationales y ont également participé.
3. La Conférence a élu à l'unanimité M. Pedro Flores Polo, ministre du Travail et de la Mobilité sociale du Pérou, comme président, et M. Rafael Alburquerque (secrétaire d'Etat au Travail de la République dominicaine), Mme Nivia Castrellón (employeur, Panama) et M. Federico Ramírez León (travailleur, Venezuela) comme vice-présidents.
4. Avant d'ouvrir la discussion, M. Ricardo Márquez Flores, Premier vice-président de la République péruvienne, a souhaité la bienvenue aux participants et a déclaré que c'était un honneur pour lui de représenter le Président Alberto Fujimori pour dire tout l'intérêt que le Pérou porte aux mesures qui sont susceptibles d'améliorer la situation sociale et de l'emploi dans son pays, dans les Amériques et dans le monde, contribuant ainsi au développement social. Dans le rapport du Directeur général intitulé Travail décent et protection pour tous: priorité des Amériques, l'accent est mis plus particulièrement sur le suivi et la gestion des problèmes économiques par les pays d'Amérique latine, des problèmes urgents auxquels il a fallu faire face au début de la décennie et qui sont aujourd'hui résolus, d'une part, parce qu'on a jugulé l'inflation galopante et, d'autre part, parce qu'on a stimulé la croissance et l'investissement économique (aussi bien national qu'étranger). Toutefois, comme le signale le rapport du Directeur général, cela n'a malheureusement pas empêché la montée du chômage (et du sous-emploi) en Amérique latine. Autrement dit, le progrès économique n'a pas apporté d'amélioration significative dans l'emploi et le revenu des travailleurs péruviens. Il ne s'agit pas d'un phénomène purement national. En effet, la mondialisation présuppose que de nombreux facteurs influent sur le développement et la croissance d'un pays, facteurs qui ont empêché récemment d'améliorer vraiment la situation sociale au niveau régional. A l'instar des autres pays, le Pérou considère l'élimination du travail des enfants comme une question fondamentale. On s'accorde pour reconnaître sur le plan international qu'il faut supprimer le travail des enfants, mais cela prendra du temps au niveau mondial car la culture et les traditions de bien des Etats considèrent avec indulgence le travail des enfants et des adolescents, et ce même lorsque, comme cela arrive très souvent, ce travail n'apporte pas grand-chose au revenu familial. Les participants ont demandé à l'unanimité, ce que son gouvernement soutient pleinement, que des mesures immédiates soient prises pour éliminer les pires formes de travail des enfants, celles qui mettent en danger l'éducation, la santé et le développement des enfants.
5. Le Directeur général du BIT a déclaré que, lorsqu'il a été élu par le Conseil d'administration à une forte majorité, il a interprété ce soutien comme une demande de renouvellement et de modernisation de l'Organisation sur la base des valeurs qu'elle défend. Il s'est efforcé depuis d'écouter, de recueillir et d'interpréter les demandes adressées à l'OIT par les gouvernements, les employeurs et les dirigeants syndicaux, mais aussi de comprendre les aspirations des gens. Bien que ces demandes soient nombreuses et variées, on peut les regrouper autour de quatre grandes attentes:
a) Premièrement, on compte que l'Organisation apportera une contribution importante en atténuant le sentiment d'insécurité qui domine en cette fin de siècle.
b) Deuxièmement, on demande à l'OIT d'apporter une contribution plus active aux efforts qui sont faits pour relier le développement économique et le développement social afin d'établir un juste équilibre entre les considérations macroéconomiques et les considérations macrosociales. Le principal message que le Sommet pour le développement social de Copenhague a voulu transmettre est qu'il faut promouvoir en même temps l'efficacité économique et l'efficacité sociale. Etablir des liens plus étroits entre les facteurs économiques et les facteurs sociaux signifie que l'OIT doit établir des liens plus étroits, plus équitables et plus constructifs avec des organismes financiers et commerciaux internationaux tels que l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement; l'OIT pourrait ainsi devenir le pilier social de la mondialisation. Les mandants de l'OIT lui demandent, surtout, de collaborer avec ces organismes et de jouer un rôle plus décisif dans le dialogue multilatéral sur la mondialisation. Un premier pas dans cette direction a été fait avec l'invitation à participer en tant qu'observateur au Comité intérimaire du Fonds monétaire international et au Comité du développement de la Banque mondiale qui a été faite à l'OIT. La dimension sociale de l'intégration économique est un autre aspect spécifique du lien entre facteurs économiques et facteurs sociaux, et qui revêt une importance particulière dans la région. On note avec satisfaction que les pays de la région et leurs institutions ont pris peu à peu des mesures pour incorporer la dimension sociale dans leur processus d'intégration économique et commerciale, et que cela repose très largement sur les conventions de l'OIT relatives aux droits fondamentaux au travail.
c) Troisièmement, l'Organisation doit avoir une vue d'ensemble des problèmes qui se posent aujourd'hui dans le monde du travail et dépasser les réponses sectorielles qui se fondent sur une vue partielle de la réalité.
d) Quatrièmement, on espère que l'OIT encouragera et, le cas échéant, jouera un rôle clé dans les réponses qui seront apportées aux nouvelles préoccupations des individus et de la communauté internationale. La principale préoccupation aujourd'hui est le travail des enfants, qu'il s'agit d'éliminer progressivement en commençant, et de toute urgence, par les pires formes de ce travail, comme prévu par la convention no 182.
6. Les demandes des mandants, et de ceux qui se tournent vers l'OIT avec espoir, ont fait que l'OIT s'est vu confier quatre mandats:
a) Un mandat historique, avec pour mission d'assurer le respect total des droits fondamentaux au travail, comme prévu par les conventions fondamentales de l'OIT, ainsi que par celles qui, sans être fondamentales, n'en constituent pas moins ce qui a été appelé à juste titre le fruit du développement de la conscience sociale de l'humanité.
b) Un mandat politique, avec pour mission d'obtenir la création du plus grand nombre possible d'emplois de qualité, ce qui revient à demander la création de meilleures possibilités d'emplois décents, ceci allant de pair avec la création d'entreprises.
c) Un mandat éthique, avec pour mission de tout faire pour améliorer la couverture sociale. Dans la région, la grande majorité de la population est exclue de tout système de protection contre les risques de chômage, d'accidents du travail, de maladie et de vieillesse. C'est cette absence de protection, en même temps que la progression des formes d'emploi informelles, précaires et souterraines, qui est l'une des principales sources de l'incertitude et de l'insécurité énormes dans lesquelles vivent tant de familles.
d) Un mandat organisationnel, avec pour mission de contribuer au renforcement des institutions sociales, notamment celles des employeurs et des travailleurs, et d'encourager un dialogue constructif entre eux dans le cadre d'un tripartisme créatif et qui rassemble. Il a rappelé la déclaration qu'il a faite aux délégués à la Conférence internationale du Travail lors de la dernière session, à savoir: «Il ne saurait y avoir de dialogue social influant sans organisations d'employeurs et de travailleurs fortes. Il ne saurait non plus y avoir de tripartisme efficace sans des ministères du Travail qui soient également forts et sans structures modernes d'administration du travail. Je crois personnellement qu'il y a beaucoup d'initiatives qui nous attendent pour renforcer les partenaires sociaux. Je suis disposé à faire en sorte que l'OIT s'engage dans cette direction.»
7. Le Directeur général a rappelé qu'à partir de ce quadruple mandat et des revendications sociales qu'il renferme il a proposé au Conseil d'administration et à la Conférence quatre objectifs stratégiques et deux grandes questions comme principes directeurs de l'Organisation. Ces objectifs et ces questions ont été approuvés et constituent le cadre du développement institutionnel. Il faudrait aujourd'hui les examiner à la lumière de la situation particulière des pays de la région des Amériques afin d'établir un ordre du jour régional qui soit axé sur la promotion et l'application des droits et principes fondamentaux au travail, qui vise à donner aux hommes et aux femmes davantage de possibilités d'obtenir un travail et un revenu décents, d'accroître la couverture et l'efficacité du système de protection sociale pour tous, et de renforcer le tripartisme et le dialogue social. A la lecture de ce rapport, on peut voir que chacun de ces objectifs stratégiques a donné naissance à des programmes régionaux qui font partie intégrante des programmes focaux internationaux approuvés par le Conseil d'administration du BIT en mars 1999. Cela constitue les priorités opérationnelles de l'action de l'OIT pour les années à venir, et une partie considérable de ses activités sera de plus en plus axée sur ces programmes. En outre, chacun de ces objectifs stratégiques et des programmes focaux devrait tenir compte de la dimension «développement» et de la dimension «parité entre femmes et hommes». Cela vaut pour la région dans son ensemble, et en particulier pour l'Amérique latine et les Caraïbes, où la plupart des pays sont des pays en développement et où les femmes ont joué un rôle essentiel dans la réussite des stratégies de survie en temps de crise.
8. Tous ces aspects devraient se traduire par des politiques de coopération technique qui tiennent dûment compte de la diversité et de la spécificité des différents mandants et des problèmes auxquels leurs pays sont confrontés, et de la nécessité d'adopter une approche globale, et non sectorielle. Aussi l'OIT devrait-elle consolider et développer une structure technique solide et avoir des ressources extrabudgétaires supplémentaires. En matière de coopération technique, il faudrait s'intéresser plus précisément à certaines mesures générales qui sont particulièrement importantes. Ce sont, premièrement, la promotion de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi; deuxièmement, la promotion d'un dialogue social donnant naissance à une alliance tripartite qui préparerait et appliquerait des mesures qui soient susceptibles de créer des emplois décents; troisièmement, l'engagement d'éliminer progressivement le travail des enfants et de ratifier la nouvelle convention qui vise à éliminer les pires formes de ce travail; et, quatrièmement, le soutien actif à apporter aux initiatives qui ont été prises afin que l'OIT puisse collaborer plus étroitement avec d'autres institutions internationales qui œuvrent dans ce domaine au niveau mondial, en particulier dans la région des Amériques. Il s'est dit certain que ces aspects et d'autres feraient de cette réunion régionale l'occasion de mettre au point des normes sociales minima pour le continent et de promouvoir la pratique démocratique des consultations. Il a invité les participants à s'engager au nom de tous les pays de la région des Amériques à ratifier la convention no 182 avant la prochaine session de la Conférence internationale du Travail, prévue pour le mois de juin de l'an 2000. Bien qu'ambitieux, les principaux objectifs qui ont été fixés pour l'OIT sont tout à fait réalisables. En outre, il faut absolument les atteindre si l'on veut répondre aux demandes qui ont été adressées à l'Organisation et aux mandants.
9. Le président de la réunion a fait remarquer que le nouveau contexte dans lequel se trouvent les pays de la région oblige à réaffirmer les principes qui sont à l'origine de l'OIT pour qu'ils puissent mieux s'adapter au nouvel environnement et aux nouvelles structures sociales socio-économiques et politiques, constamment en évolution, car c'est la seule façon d'instaurer une économie mondialisée qui apporte la prospérité dans un climat de respect pour la justice sociale. Il est impératif de promouvoir une culture de la responsabilité sociale et de favoriser les mesures qui visent à promouvoir, parallèlement à la croissance économique, le développement social. Il a ensuite proposé d'aborder les points de l'ordre du jour dans l'ordre suivant: discussion générale, emploi et formation, protection sociale, droits des travailleurs, dialogue social et coopération technique. Il en a été ainsi convenu.
10. Les représentants gouvernementaux de la République dominicaine et de l'Uruguay, de même que les porte-parole des groupes employeurs et travailleurs, ont souligné l'importance de formuler, pour la décennie à venir, un ordre du jour fondé sur les quatre objectifs stratégiques proposés par le Directeur général pour parvenir à une répartition équitable des avantages économiques en tant que condition d'un progrès social durable. Les orateurs ont insisté sur la nécessité pour l'OIT de prendre part au lancement d'un dialogue entre les pays de la région et les institutions de Bretton Woods et de resserrer les liens entre ceux-ci; ils ont aussi proposé d'envisager d'organiser une campagne régionale en faveur d'une ratification rapide de la convention no 182. Ils se sont félicités de la coopération avec l'Organisation des Etats américains, le système des Nations Unies et les banques régionales de développement, ont appuyé le CINTERFOR, ont reconnu l'importance du bureau régional et des équipes consultatives multidisciplinaires et ont salué la coopération technique horizontale en tant que moyen de veiller à ce que les activités visant à améliorer la compétitivité des pays dans la région et à accroître la productivité de leurs entreprises aillent de pair avec un travail décent et une meilleure protection sociale. Les orateurs ont souligné l'importance d'un renforcement du tripartisme et du dialogue social ainsi que celle d'une nouvelle culture de service en direction des employeurs et des travailleurs dans l'administration du travail pour combiner développement économique et justice sociale.
11. Le président et porte-parole du groupe des employeurs, M. Funes de Rioja (Argentine), a noté l'opportunité de la réunion et a déclaré que celle-ci devrait produire des résultats concrets. Il a souligné l'importance des mesures adoptées pour transférer les priorités de l'Organisation vers ses mandants et la nécessité de tenir le siège informé de la situation de certains pays et régions, et ce pour améliorer l'efficacité de l'OIT. L'accent devrait porter sur les possibilités offertes par la mondialisation et pas uniquement sur ses répercussions adverses. Il a reconnu, avec le Directeur général, que l'exclusion sociale allait mal avec la démocratie et a déclaré que les employeurs de la région ne croyaient pas aux mécanismes qui affectent les échanges entre les pays. Il a appelé l'OIT à se concentrer sur la coopération technique, ce qui renforcerait les relations et le dialogue entre les partenaires sociaux. Les employeurs souhaitent que l'OIT offre un soutien concret pour la mise en place d'entreprises efficaces, la création d'un emploi productif et de normes du travail réalistes, la coopération dans l'élaboration d'un réseau de protection des travailleurs efficace et solidement financé, la formation adaptée aux nouvelles techniques et l'assistance aux petites et moyennes entreprises - en particulier pour les aider à sortir du secteur non structuré.
12. Le porte-parole du groupe des employeurs a solennellement confirmé l'engagement de son groupe envers l'objectif prioritaire de la lutte contre les formes les plus intolérables du travail des enfants. L'adoption unanime de la convention no 182 par la Conférence en juin 1999 a été l'aboutissement d'efforts considérables dans le cadre desquels les employeurs, en tant que membres de l'Organisation internationale des employeurs (OIE), ont joué pleinement leur rôle. Préoccupée par le problème du travail des enfants, l'OIE avait déjà adopté une résolution en 1996. L'orateur a exhorté les gouvernements de la région à faire de la ratification et de la mise en œuvre de la convention une priorité absolue; il s'agit d'un impératif moral et d'une étape indispensable dans le développement de leurs peuples. L'orateur a déclaré qu'il considérait comme un honneur d'adopter une telle position publique et s'est dit confiant que leurs efforts conjoints auraient le soutien des gouvernements et des travailleurs des Amériques; le fait qu'une telle action repose sur un large consensus et vise les objectifs prioritaires et universels d'une manière réaliste confirme la validité et la pertinence de la nouvelle stratégie normative de l'OIT. En conclusion, l'orateur a demandé à l'OIT d'intensifier ses activités de coopération technique visant à aider les parties concernées à appliquer la convention, et en particulier les partenaires sociaux qui sont des acteurs déterminants dans ce processus.
13. Le président et porte-parole du groupe des travailleurs, M. De Barros (Brésil), a appelé l'attention sur la nécessité de garantir l'action syndicale dans la région et a rappelé le rôle joué par les travailleurs dans le rétablissement de la démocratie en Amérique latine et dans les Caraïbes. Il a déploré la persécution, voire les assassinats, de dirigeants syndicaux dans leur région et a souligné l'importance de l'état de droit pour participer efficacement à la vie démocratique. Il a également regretté que des décisions économiques et commerciales pouvant aboutir à l'élimination des droits et des emplois des travailleurs soient prises à l'échelon international sans la participation des partenaires sociaux et parfois sans la transparence suffisante. Il a noté l'existence d'une étroite relation entre l'emploi et les questions de la protection sociale et de la promotion des droits et principes fondamentaux des travailleurs; il a aussi déclaré que les questions à l'ordre du jour de la réunion devraient être considérées comme un tout. La situation des travailleurs agricoles et migrants devrait recevoir l'attention qu'elle mérite.
14. Les délégués gouvernementaux de l'Argentine, de la Barbade, du Brésil, du Chili, de la Colombie, de Cuba, d'El Salvador, de l'Equateur, du Guatemala, du Mexique, du Paraguay et du Venezuela ont souscrit à l'analyse présentée par le Directeur général dans son rapport et ont reconnu que la nouvelle situation du marché du travail méritait l'assistance, la réflexion et l'attention spéciale des gouvernements. De nombreux délégués ont noté que le grand défi consistait à promouvoir le développement économique durable, à encourager les cadres à rejoindre les nouveaux domaines productifs et à garantir la protection nécessaire des travailleurs. Ceci devrait se faire dans des conditions garantissant un travail décent, encourageant des relations d'emploi formelles, tendant à éliminer le travail des enfants et d'autres formes de travaux dégradants, et accordant l'attention nécessaire à la sécurité et à la santé au travail. De nombreux orateurs ont insisté sur l'importance de moderniser les relations professionnelles et de renforcer la situation des partenaires sociaux afin que, par l'intermédiaire du dialogue social, ils puissent trouver les moyens de faire face à la crise et d'accélérer les décisions conduisant au développement économique dans la justice sociale. S'agissant de l'emploi rural, certains délégués ont déclaré qu'il importait de rechercher des alternatives au travail sous contrat dans les régions rurales et de lutter contre l'emploi informel afin de donner plus de souplesse aux employeurs et de veiller à consolider les droits des travailleurs. Un certain nombre d'orateurs ont appelé l'attention sur l'importance de la question des différences entre les sexes et sur la nécessité de créer des conditions permettant aux adolescents d'accéder au marché du travail en vue d'une formation.
15. De nombreux orateurs ont mentionné le rôle à jouer par les ministères du Travail dans le nouvel environnement en orchestrant le mouvement vers l'autorégulation par l'intermédiaire de la négociation collective. La réorganisation de ces ministères, dans le cadre de la rationalisation de l'administration, devrait faire de ces derniers les véritables agents du progrès économique dans la justice sociale, en renforçant leur capacité de contrôle et en favorisant le dialogue dans un cadre réglementaire approprié. Plusieurs délégués ont fait ressortir que l'emploi et le travail en Amérique latine doivent être perçus dans le cadre des changements radicaux qui sont en train d'intervenir sur la scène économique mondiale. De nombreux orateurs ont insisté sur l'importance de la stabilité économique, car il n'y a pas pire catastrophe pour les travailleurs que l'inflation. Un certain nombre d'orateurs se sont félicités de voir que l'intégration économique renforçait les domaines sociaux dans lesquels les droits sociaux étaient à la fois reconnus et acceptés. Certains orateurs se sont réjouis que l'OIT aborde les questions du travail dans une perspective multidisciplinaire, cette approche étant impérative pour les comprendre dans un contexte mondial en pleine mutation. Les orateurs ont déclaré que les sept conventions fondamentales avaient été approuvées ou seraient prochainement ratifiées par leurs parlements nationaux, et ont réitéré leur soutien à la ratification urgente de la convention no 182.
16. Pour ce qui est de la même question à l'ordre du jour, un certain nombre de représentants des travailleurs ont évoqué les influences sous-jacentes conduisant à des changements radicaux dans les économies latino-américaines - mondialisation, politiques d'ajustement macroéconomiques et réformes de l'Etat. Il ont appelé l'attention sur les processus économiques ayant conduit à l'emploi précaire, à la pauvreté et à l'exclusion sociale. Ils ont noté que l'ordre du jour de l'OIT pour la décennie à venir reflétait à la fois leur analyse de la situation et le consensus entre les mandants de l'OIT; cependant, selon eux, il faudrait changer les priorités en vue de promouvoir le dialogue social et le développement de sociétés équilibrées capables de répondre aux défis de la production. A titre d'exemple, ils ont déclaré que la création d'emplois en Amérique latine et dans les Caraïbes exigeait des politiques concertées en ce qui concerne les questions monétaires et fiscales, les flux de capitaux et les systèmes conjoints de propriété intellectuelle. Ceci à son tour aiderait à créer les structures aboutissant à une meilleure intégration de l'économie mondiale, plutôt qu'à renforcer la compétitivité externe dans ce domaine en élargissant ainsi le fossé social, en rendant les emplois plus précaires et en introduisant de plus grandes distorsions dans la répartition des revenus. Les orateurs ont souligné l'importance de créer un Etat mieux capable de créer des emplois productifs et décents.
17. Ils ont également insisté sur la nécessité d'organiser la formation, de mettre un terme à la discrimination sexuelle, de protéger les groupes les plus faibles et d'éliminer le travail des enfants. Ils ont appelé à la ratification non seulement de la convention no 182 mais également de la convention no 138, et ont évoqué la nécessité de constituer des alliances stratégiques avec la société civile au-delà du tripartisme. En ce qui concerne l'intégration dans la région, ce défi présente deux volets: l'intégration au sein de certains pays et l'intégration dans une structure productive plus dynamique capable - mais pas nécessairement automatiquement - de générer plus de bien-être. Les orateurs ont souhaité que des réunions du type de celle-ci soient organisées plus fréquemment. Ils ont insisté sur la nécessité de soutenir la stratégie adoptée par le nouveau Directeur général. Les défis qui guettent le monde du travail appellent des solutions globales qui aideraient à restaurer le tissu social dans la région; la consultation tripartite est nécessaire pour favoriser l'emploi. Ils ont déclaré qu'ils n'étaient pas prêts à échanger les droits et la protection sociale pour des emplois qui ne soient pas suffisamment décents. Ils ont souligné l'importance de veiller à ce que la mondialisation ait lieu dans un climat de démocratie et ont déclaré qu'il fallait adhérer à la «clause sociale». Ils ont proposé que l'OIT participe en tant qu'institution aux négociations en cours pour établir une zone de libre-échange dans les Amériques.
18. Un certain nombre de représentants des employeurs ont fait ressortir que, s'ils reconnaissaient la fonction normative de l'OIT, ils avaient à réitérer leur appel à éviter une réglementation excessive qui ne pourrait qu'avoir un effet restrictif. Ils ne recherchaient pas l'absence de protection, mais un respect juste, approprié et équilibré des normes. Ils ont réitéré leur engagement envers la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, en notant son importance conceptuelle de même que sa dimension pratique. Les orateurs ont fait ressortir que les efforts devraient viser à améliorer l'enseignement et la formation selon les besoins réels de la main-d'œuvre. Il conviendrait de renforcer l'éducation de base pour permettre l'accès à des qualifications supérieures et d'accorder une plus grande attention aux exigences du progrès technique, ce qui permettrait d'élever le niveau d'ensemble des qualifications et des revenus. Ils ont mis en relief l'importance des petites et moyennes entreprises dans la création de l'emploi productif. Ils ont convenu, avec le Directeur général du BIT, que le développement économique a toutes chances d'engendrer des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité et qu'il faut, pour cela, des niveaux d'épargne et d'investissement élevés et constants dans le cadre de la stabilité macroéconomique et d'une répartition adéquate des bénéfices. Ils ont fait remarquer que la protection pour tous, objectif valable, était à la fois une question complexe et un but difficile à atteindre.
19. Bon nombre des délégués des employeurs ont insisté sur la nécessité de renforcer le dialogue social et le tripartisme, ainsi que sur celle d'élaborer une «nouvelle culture du travail», qui, laissant de côté obstacles et confrontations, aboutiraient à une participation et à une coopération accrues. Ils ont souscrit pleinement à la liberté syndicale et à la promotion d'un nouveau mécanisme pour le règlement autonome des différends du travail. Ils ont noté les résultats positifs de la politique de partenariat actif menée par l'OIT et les travaux des équipes consultatives multidisciplinaires. Il importe pour l'OIT d'approfondir la question du chômage et de faire des propositions plus claires et plus directes en ce qui concerne la flexibilité du travail. Ils ont appelé en particulier l'attention sur la mesure à prendre, par l'intermédiaire de l'IPEC, pour éliminer le travail des enfants.
20. Le représentant du gouvernement du Canada a demandé que l'OIT adopte des systèmes cohérents et efficaces pour suivre et évaluer son programme tant au siège que sur le terrain. Ceci permettrait à l'Organisation de s'acquitter de plus d'activités de coopération technique et de démontrer les niveaux élevés de son programme, ce qui aboutirait à une plus grande mobilisation des ressources. Il s'agit d'un élément déterminant si l'Organisation doit être efficace et crédible dans ses efforts visant à parvenir à un travail décent pour les femmes et les hommes dans le monde entier.
21. Un observateur de la Banque interaméricaine de développement (BID) s'est référé aux programmes de la banque destinés à lutter contre la pauvreté dans la région et a fait ressortir leur intérêt dans les activités de coopération technique visant à renforcer les organisations de travailleurs et à aider les ministères du Travail à consolider leurs services et leurs connaissances spécialisées.
22. Le ministre du Travail de Trinité-et-Tobago a déclaré qu'il serait particulièrement utile pour son gouvernement, et peut-être pour les autres pays des Caraïbes, d'obtenir plus de détails sur les programmes focaux, par exemple les pays bénéficiaires, les programmes spécifiques que doivent élaborer les équipes multidisciplinaires et les retombées prévues dans chaque Etat Membre; ces prévisions pourraient être apportées dans un document annexé au rapport à la réunion. L'orateur a expliqué que la sous-région des Caraïbes avait tenté d'entrer dans le marché latino-américain pour collaborer au développement des deux régions. Il a exprimé le vœu d'être étroitement impliqué à la fois dans la conception et la mise en œuvre des projets et programmes. Il jugeait donc nécessaire de renforcer les liens, d'harmoniser les activités de coopération technique et d'éviter la concurrence pour les faibles ressources disponibles.
23. Un certain nombre de délégués gouvernementaux et de délégués des employeurs ont noté que la création d'emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité résultait principalement d'une croissance économique élevée et soutenue. Les délégués gouvernementaux des Etats-Unis et de l'Uruguay ont mis en relief le rôle des politiques dans le maintien du large équilibre macroéconomique nécessaire à la croissance économique et à la création d'emplois. Comme l'a fait ressortir le délégué des employeurs de l'Equateur, il est très difficile de promouvoir l'emploi sans croissance. Les délégués des employeurs de l'Argentine et du Mexique, de leur côté, ont souligné l'importance de l'investissement productif et de la création d'entreprises en tant que moyen fondamental de créer des emplois; ceci présuppose l'existence d'un cadre législatif favorable à l'investissement et à la création d'entreprises.
24. Un délégué gouvernemental de l'Argentine a déclaré que, dans le contexte de la mondialisation, la création d'emplois dépend plus que jamais de la compétitivité des entreprises qui se reflète dans l'abaissement des coûts et l'amélioration de la production.
25. Les délégués gouvernementaux de l'Argentine et du Chili ont fait observer que la mondialisation des économies apportait des avantages, tels que la création d'emplois dans des économies plus compétitives, mais également des aspects non souhaitables, par exemple une plus grande insécurité de l'emploi. Les délégués des travailleurs de l'Argentine, de l'Uruguay et du Venezuela ont fait remarquer que les économies étaient plus exposées qu'autrefois aux effets des crises internationales, notamment financières. Celles-ci donnaient lieu à des politiques d'ajustement fiscales et monétaires qui avaient un impact négatif sur le marché du travail, notamment sous la forme de l'emploi précaire et du chômage qui conduisent à leur tour à la pauvreté et à l'exclusion sociale.
26. Les délégués gouvernementaux de la Barbade et du Guatemala ont fait remarquer que le processus de mondialisation représentait un défi particulier pour les petites entreprises et que des mesures spéciales étaient donc nécessaires.
27. Un délégué gouvernemental de la République dominicaine a noté que, si les coûts de main-d'œuvre sont un facteur déterminant de la compétitivité, le vrai défi consiste à améliorer la productivité. Le délégué gouvernemental de l'Uruguay a déclaré qu'il fallait renforcer la négociation collective pour développer la compétitivité des entreprises sur la base du plein respect des droits fondamentaux des travailleurs.
28. Plusieurs délégués gouvernementaux ont fait remarquer que la croissance économique à elle seule ne suffisait pas à susciter la qualité et la quantité des emplois nécessaires; ils ont insisté sur la nécessité de définir et de mettre en œuvre des politiques actives de l'emploi orientées particulièrement vers les groupes les plus vulnérables tels que les femmes et les jeunes des familles déshéritées. Le délégué des employeurs du Panama a mentionné la nécessité de concevoir et de mettre en œuvre des programmes spéciaux à l'intention des femmes déshéritées. Le délégué des travailleurs de l'Uruguay a souligné que les acteurs sociaux devaient participer plus directement à l'élaboration des politiques actives de l'emploi.
29. Le délégué gouvernemental du Chili a mentionné la nécessité d'introduire une assurance chômage et d'étendre sa couverture de manière à pouvoir répondre aux variations, parfois soudaines, des niveaux de l'emploi. Le porte-parole du groupe des employeurs a fait ressortir que le rôle de l'Etat ne consistait pas seulement à favoriser la prospérité de l'économie mais également à créer un environnement orienté vers la protection des groupes les plus vulnérables.
30. Un délégué gouvernemental du Guatemala a fait remarquer que, dans le contexte de la mondialisation, il fallait rechercher l'équilibre entre la compétitivité des entreprises, la productivité accrue de la main-d'œuvre et les rémunérations. Le délégué gouvernemental du Chili a noté que la croissance économique n'avait pas suffi à renverser la tendance vers une répartition inégale des revenus, en citant en particulier la nécessité d'ajuster plus directement les salaires aux augmentations de productivité.
31. Plusieurs délégués ont évoqué le concept de travail décent mis en relief dans le rapport du Directeur général à la réunion. Le délégué gouvernemental des Etats-Unis a déclaré que le libre-échange dans les Amériques était fondamental pour parvenir à l'emploi décent, à savoir un emploi avec des niveaux convenables de rémunération et de protection. Le délégué gouvernemental du Brésil a appelé l'attention sur la Déclaration sociale et du travail du MERCOSUR en tant que cadre pour la promotion de l'emploi décent.
32. Plusieurs délégués du groupe des employeurs ont attaché un degré élevé de priorité à cet aspect en insistant sur la nécessité d'envisager, à l'intention des travailleurs comme des employeurs, des programmes couvrant aussi bien la question de l'employabilité que le développement de l'esprit d'entreprise et la formation à l'administration et à la gestion des micro et petites entreprises. Le délégué des employeurs du Venezuela a indiqué que le Centre de Turin et le CINTERFOR pourraient être plus actifs dans ce domaine.
33. Un délégué gouvernemental du Chili a déclaré que la formation est un élément essentiel si l'on veut augmenter la productivité. Par ailleurs, un niveau de compétences plus élevé signifie que les travailleurs sont plus à même d'être employés. Il souscrit donc pleinement aux programmes focaux selon les lignes proposées par le Directeur général. A l'instar de son collègue, un délégué gouvernemental de Trinité-et-Tobago a instamment demandé que la coopération technique de l'OIT soit étendue au domaine de la formation aux ressources humaines en vue de promouvoir l'employabilité sur la base des qualifications et de l'expérience. Le représentant des employeurs de l'Equateur a fait ressortir l'importance de la formation plutôt que des mesures perpétuant le manque de mobilité de la main-d'œuvre comme moyen de développer l'employabilité.
34. La déléguée des employeurs du Panama était préoccupée par le paradoxe qui semble exister entre le niveau élevé de chômage, d'une part, et la pénurie de main-d'œuvre qualifiée pour les emplois disponibles, d'autre part. Selon elle, les programmes de formation ont un impact direct et positif sur l'employabilité et garantissent en même temps des emplois de qualité. En tout cas, la formation doit être non seulement spécifique mais globale, encourager le sens des responsabilités, l'esprit de collaboration, le travail d'équipe et d'autres valeurs. Elle a fait valoir l'importance de l'éducation de base pour les travailleurs en tant que mesure initiale dans le développement des programmes de formation et a instamment demandé que l'éducation et la formation fassent partie intégrante de politiques gouvernementales harmonieuses et cohérentes.
35. Le porte-parole du groupe des travailleurs a instamment demandé que l'on garantisse aux travailleurs un degré de participation plus élevé dans la formulation et l'organisation des politiques de formation professionnelle. Il a préconisé, entre autres, leur participation dans les accords nationaux sur l'emploi, les salaires et la productivité, dans l'insertion de dispositions spécifiques dans la négociation collective et dans la gestion des institutions et systèmes nationaux de formation. Il a proposé la mise en œuvre de programmes et de services aux échelons local et sectoriel et a ajouté que la formation devait être liée à l'emploi, aux salaires, à la sécurité et à la santé au travail, aux conditions de travail et à l'environnement, à la sécurité sociale, etc. Enfin, il a estimé que les programmes de formation devaient être considérés comme faisant partie d'un système d'enseignement permanent et a demandé que la coopération technique de l'OIT dans ce domaine soit renforcée en augmentant les ressources d'ACTRAV et du CINTERFOR dans la région.
36. Le délégué des employeurs de l'Argentine a estimé que, compte tenu des nouvelles formes d'organisation du travail, il était nécessaire de créer un environnement favorable à la création d'entreprises et d'emplois tenant compte de certains aspects tels que l'apparition de nouvelles possibilités d'emploi dans la société du savoir, le développement significatif du secteur des services, la sous-traitance, la nécessité de mettre en valeur le secteur non structuré et l'apparition de nouvelles formes d'emplois indépendants. Eu égard à ce nouvel environnement, il conviendrait de réfléchir à un cadre juridique et à un système de négociation collective qui prennent en compte les nouvelles formes d'organisation du travail. L'orateur a également proposé d'accroître la participation des organisations d'employeurs dans la formulation et la mise en œuvre des programmes de formation et dans la conception de certains programmes à l'intention des petites et moyennes entreprises.
37. Une déléguée gouvernementale de l'Uruguay a mis en évidence le rôle de la négociation collective dans la promotion de la coopération entre entreprises, travailleurs et gouvernements sur la question de la reconversion productive et du changement technologique afin d'améliorer la compétitivité internationale. Elle a déclaré que pour être compétitif il fallait investir dans une formation qualifiante davantage orientée vers la polyvalence et moins vers la spécialisation. Elle a préconisé l'alliance entre l'éducation et la formation et a appelé à la formulation et à l'exécution de politiques gouvernementales encourageant les initiatives par les entreprises et à une formation pour les secteurs socialement exclus. L'employabilité de la main-d'œuvre doit être améliorée tout en protégeant les droits des travailleurs. Le soutien du CINTERFOR et du BIT est essentiel à cet égard.
38. Un délégué gouvernemental de la Colombie s'est dit préoccupé par la mauvaise qualité et l'inadéquation partielle des programmes de formation dans certaines institutions de formation professionnelle de la région. Il a soutenu en outre que les programmes n'étaient pas axés sur les besoins de la mondialisation et ne prenaient pas en compte les innovations technologiques, notamment par rapport aux techniques de pointe.
39. Le délégué des travailleurs de l'Uruguay s'est dit préoccupé par la sérieuse régression économique, sociale et culturelle de la région, et ce en dépit des progrès accomplis ces dernières années dans le savoir-faire et le développement technologique. Il a mis en relief la contradiction dans les termes entre progrès et régression. Il a appelé à un système garantissant un accès plus démocratique à la formation tout en insistant sur la nécessité pour les organisations syndicales de participer davantage à la formulation des politiques publiques de l'emploi et de la formation. Sans le respect dû à la démocratie syndicale, il est impossible de renforcer les régimes démocratiques, et aucun progrès ne peut être accompli.
40. Le délégué des travailleurs du Brésil a indiqué qu'il fallait investir beaucoup plus dans l'éducation de base qu'autrefois, tout comme dans la formation. A l'instar d'autres délégués des travailleurs, il a souligné la nécessité de développer la participation des organisations syndicales à l'éducation et à la formation, tout en reconnaissant que ces mesures ne suffisaient pas en soi à répondre au problème du chômage.
41. Un certain nombre de délégués gouvernementaux ont noté que la reprise économique dans les pays de la région n'avait pas généré suffisamment d'emplois protégés pour absorber le développement de la main-d'œuvre et que l'emploi dans le secteur non structuré prévalait de plus en plus. Le sous-emploi est la marque de l'immense secteur informel en constante progression. Plusieurs orateurs se sont dits préoccupés par le nombre important des personnes travaillant en dehors du marché du travail protégé, ce qui signifie qu'elles ne peuvent pas exercer leurs droits et bénéficier de la protection que leur accorde la loi.
42. Un délégué gouvernemental de l'Equateur a longuement parlé de l'emploi et de la formation et, en particulier, du secteur informel et des micro-entreprises. Il a estimé que le véritable défi consistait à répondre efficacement et rapidement à l'augmentation des pressions sociales. Selon lui, le secteur non structuré est une réponse sociale intéressante au problème du chômage des jeunes et des femmes et, moyennant un soutien approprié, pourrait servir à promouvoir le bien-être social et économique. Il est cependant nécessaire d'élaborer des mesures de soutien augmentant la valeur ajoutée de ces activités. Les micro-entreprises en particulier ont besoin d'informations sur les opportunités commerciales, de liens productifs avec les grandes entreprises, d'un soutien financier adéquat et accessible et d'un cadre de régulation souple gouvernant correctement les relations professionnelles et la protection sociale. La formation peut être authentiquement valable dans la mesure où il s'agit d'une véritable formation à la gestion.
43. Plusieurs délégués gouvernementaux ont évoqué les programmes nationaux actuels pour l'emploi et la création de revenus, destinés à aider les micro et petites entreprises urbaines et rurales, et les investissements publics correspondants prévus ou déjà consentis. A titre d'exemple, les fonds publics de promotion de la petite et micro-entreprise avaient été établis et se sont révélés un succès. Au Brésil, une proposition est actuellement examinée pour changer les règles gouvernant les coopératives de main-d'œuvre afin d'encourager les associations de grande taille à créer des emplois et des gains tout en garantissant la protection légale des travailleurs concernés.
44. Un certain nombre de délégués des employeurs sont tombés d'accord avec le rapport du Directeur général pour dire que les entreprises, y compris les micro et petites entreprises, sont un élément déterminant de la croissance et de l'emploi dans les économies ouvertes en raison de leurs initiatives et de leur créativité visant à s'adapter aux changements sociaux. Ils ont insisté sur l'importance de favoriser une culture d'entreprise pour développer l'infrastructure de services à l'intention des petites et moyennes entreprises. Pour les employeurs, la promotion de l'investissement dans la création et le développement de nouvelles - et en particulier petites - entreprises sont un élément déterminant de toute stratégie de soutien. Les PME sont l'expression la plus spontanée de la libre entreprise et constituent un lien entre les secteurs structurés et non structurés de l'économie. Dans la mesure où elles sont un phénomène particulièrement dynamique, en raison de leur grand potentiel de création d'emplois et d'innovation, la multiplication des PME contribue à la revitalisation du corps social. Le porte-parole du groupe des employeurs a invité l'OIT à développer des programmes de soutien technique à l'intention des petites et moyennes entreprises par le biais d'un réseau de production et de commercialisation.
45. Le porte-parole du groupe des travailleurs a mentionné la nécessité que la coopération technique de l'OIT dans la promotion des entreprises et de l'emploi soit axée sur des besoins précis de chaque pays. Il a vivement souhaité que l'écart entre le monde formel et informel ne se creuse pas davantage en créant des poches isolées de travailleurs protégés au sein du secteur non structuré et a proposé que les petites unités productives se voient accorder la possibilité de légaliser leurs activités. Il a en outre fait valoir que le secteur des PME recherchait auprès de l'Etat un soutien approprié, notamment sous forme d'une formation continue à l'intention des travailleurs et des employeurs et d'un accès à la technologie.
46. Le porte-parole du groupe des travailleurs a déclaré que l'accès à une protection sociale suffisante était un droit fondamental pour tous et devrait conduire à la promotion d'un bien-être pour tous. Il a rappelé que l'OIT avait entrepris un certain nombre d'activités en rapport avec les différents systèmes de protection sociale et leur réforme. La privatisation des systèmes de protection sociale a été un échec retentissant. Les travailleurs espèrent que ces systèmes ne seront pas basés sur la capitalisation individuelle et regrettent que les banques nationales des pays qui ont adopté ces systèmes soient tombées dans des mains étrangères. Il a proposé une discussion sur un nouveau modèle qui serait basé sur la consultation et avec la participation de l'OIT. Il a ajouté que les régimes de pensions garantissaient l'accès de tous les travailleurs à la protection sociale.
47. Le débat sur la protection sociale étant extrêmement vaste, le porte-parole du groupe des employeurs a limité son intervention à la sécurité sociale, dans laquelle il voit un réseau de protection sociale couvrant la santé, la vieillesse ou le chômage forcé. Il s'est dit d'accord avec le Directeur général du BIT sur le fait que la question relève du mandat éthique de l'OIT et que des changements profonds se sont produits dans la région à cet égard. Il a déclaré que si les systèmes de protection sociale de la région avaient changé, c'était à cause de l'échec dû aux carences de l'administration et à une bureaucratie trop tatillonne du système fondé sur la répartition et que la société civile avait donc été grugée. Même les normes de sécurité sociale de l'OIT ont besoin d'être revues, car elles sont dépassées aujourd'hui. Cela pose une question sérieuse: le Bureau défend un régime de retraite fondé sur des paramètres classiques, et pourtant les normes internationales du travail n'ont pas empêché l'effondrement du système. Ces questions ont été longuement débattues dans la région, aussi bien à Caracas qu'à Mexico. Selon l'intervenant, les normes existantes devraient être adaptées. Pour les régimes de pensions, ce qu'il faut c'est une administration efficace.
48. Pour ce qui est du chômage, le porte-parole du groupe des employeurs a convenu qu'il fallait, dans la mesure du possible, un réseau de protection contre le chômage, un réseau qui répondrait aux besoins des travailleurs et de leurs familles pendant la période de chômage au lieu d'encourager la persistance de ce phénomène. Ce réseau devrait s'efforcer en même temps de faciliter la réinsertion des travailleurs dans la vie active. Il a appelé l'attention sur les problèmes que ce type de système pourrait poser aux petites économies en développement, et il a ajouté qu'on devait en savoir plus sur l'expérience de certains pays d'Asie du Sud-Est pour voir si elle pouvait être adaptée et transposée dans la région des Amériques. L'OIT pourrait faire une importante contribution dans ce domaine. Pour lui, la meilleure protection pour les chômeurs est l'existence d'un environnement propice à la création d'entreprises et, par voie de conséquence, à la création d'emplois. Pour ce qui est de l'éducation et la formation permanentes des travailleurs, elles sont une garantie d'employabilité. Pour lui, la protection sociale n'est possible que dans une économie qui fonctionne.
49. L'intervenant a ajouté que les conditions de travail et l'environnement au travail devaient être améliorés afin d'éviter les accidents et les maladies. C'est dans l'intérêt des employeurs comme des travailleurs, et ce aussi bien d'un point de vue humain que du point de vue de la productivité, de la distorsion des coûts de production et des relations professionnelles. Les institutions qui sont chargées de promouvoir ou de contrôler la sécurité et l'état de santé sur le lieu de travail devraient modifier leur approche et insister davantage sur l'éducation et la prévention. Il n'est pas opposé aux systèmes qui offrent une indemnisation, mais il faudrait aller vers des systèmes plus globaux. Au lieu de sanctionner, il faudrait encourager la prévention.
50. La sécurité sociale devrait être accessible à tous. Le travail informel doit être découragé; ce qu'il faut, ce n'est pas tant un régime de sécurité sociale pour les travailleurs du secteur informel qu'un cadre juridique qui leur permette de s'intégrer dans le secteur formel, de payer leurs cotisations et d'être couverts convenablement. Il faut absolument que les nouvelles entreprises et leur personnel soient couverts par les systèmes de sécurité sociale, que les formalités soient simplifiées et les obstacles éliminés; il faudrait également promouvoir des mesures qui visent à inclure dans ces systèmes les micro-entreprises et les petites entreprises.
51. L'intervenant s'est dit favorable à une participation du secteur privé, ce qui ne veut pas dire que l'Etat doit cesser d'y participer; il devrait au contraire fournir le cadre juridique nécessaire et s'occuper de la surveillance du système. Il a conclu en disant que les instruments de l'OIT qui concernent la sécurité sociale devraient être révisés et qu'un consensus tripartite est nécessaire si l'on ne veut pas être dépassé par les événements.
52. Le délégué des travailleurs de la Colombie a déclaré que le rapport du Directeur général posait un véritable problème au mouvement syndical eu égard aux programmes d'ajustement structurel appliqués en Amérique latine et dans les Caraïbes. En effet, ces programmes bafouent les droits des travailleurs et violent les conventions de l'OIT. La Colombie prétend réformer sa législation du travail alors qu'elle ignore totalement les droits des travailleurs et rejette toute idée de protection sociale, mettant fin à la stabilité de l'emploi, provoquant une baisse des salaires, facilitant les licenciements et abaissant le coût de la main-d'œuvre. Le Parlement de ce pays est saisi aujourd'hui d'un projet de loi qui vise à éliminer la rétroactivité des pensions pour les fonctionnaires qui ont perdu leur emploi et à limiter les possibilités de négociation des conventions collectives. On ne doit pas oublier que les nouveaux problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés sont nés d'une tentative d'imposer un modèle néolibéral en Amérique latine et dans la région des Caraïbes. En Colombie, les normes du travail ont été assouplies, le régime de sécurité sociale démantelé au détriment de la majorité de la population, et la pauvreté et l'exclusion sociale ne cessent de s'étendre. Dans la partie II du rapport du Directeur général, il est question des activités menées par l'OIT pour soutenir le tripartisme; or le résultat de ces activités n'a pas toujours été très encourageant. Récemment, l'OIT a suggéré à la Colombie de porter à 1 300 le nombre des semaines de cotisation, aujourd'hui de 1 000, qui donne droit à une pension de retraite, d'élever l'âge de la retraite et de fixer un taux de cotisation plus élevé, tout cela sans même se donner la peine d'analyser convenablement l'instabilité du marché du travail, courante dans le pays, qui a rendu les pensions pratiquement inaccessibles. Les contrats de droit civil, qui sont de plus en plus répandus en Colombie, ne prévoient pas de cotisation à la sécurité sociale ou à un régime de pensions. Pour ce qui est de la partie du rapport qui traite de l'avenir de l'OIT dans la région, les travailleurs sont absolument convaincus que l'OIT est l'organe le mieux placé pour promouvoir le tripartisme et obtenir un consensus. Pour conclure, l'intervenant s'est dit préoccupé par l'évolution récente de la situation en Colombie, qui affaiblit la protection des syndicalistes et porte atteinte au droit de manifester. Aujourd'hui, on ne peut pratiquement plus parler de protection sociale en Amérique latine et dans la région des Caraïbes, étant donné la liberté laissée au modèle néolibéral, la violation des droits des travailleurs et la destruction du mouvement syndical. Ce qu'il faut c'est un débat plus ouvert, avec une Amérique latine et une région des Caraïbes totalement différentes, qui profiterait à l'immense majorité de la population de chacun des pays. A moins qu'elles n'aient le soutien de la communauté dans son ensemble, il ne faut rien attendre de ce type de réunion.
53. Le ministre du Travail et de la Sécurité sociale de l'Argentine a déclaré que la protection sociale figurait parmi les grandes questions de l'ordre du jour international. Le concept de développement durable a donné naissance à une nouvelle conception de l'homme qui le place au centre de l'univers. Ce développement devrait se traduire par une augmentation du revenu réel et par le développement social des peuples, y compris dans des domaines comme la sécurité et la santé au travail, l'éducation et les libertés individuelles, qui conduisent toutes à une qualité de vie meilleure. Aucune planification stratégique du développement n'est possible sans la participation et le consensus des secteurs concernés. Il a appelé l'attention sur certains des effets inattendus de la mondialisation sur les groupements régionaux, qu'il s'agisse d'effets positifs comme la création du MERCOSUR ou d'effets négatifs comme les conflits d'Europe orientale. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est combler, grâce à des plans dynamiques et novateurs, l'écart entre la technologie et l'emploi. Quelle que soit l'idée que l'on se fait de la durabilité, l'égalité d'accès aux ressources naturelles et aux biens sociaux et économiques est un facteur important. Le seul objectif du modèle de développement qui domine depuis la deuxième guerre mondiale est le développement économique, qui néglige totalement la dimension sociale. Il a conclu en disant que le processus de développement devrait favoriser la création d'un environnement dans lequel les gens pourraient, aussi bien individuellement que collectivement, exploiter toutes leurs potentialités et bénéficier d'un niveau raisonnable de protection sociale.
54. Le délégué des travailleurs du Pérou a commencé par dire que l'effondrement des modèles de sécurité sociale n'était pas de la faute des travailleurs. Ce qu'il faut c'est un système de sécurité sociale qui soit administré à tour de rôle par les trois acteurs sociaux, avec un partage des responsabilités, afin qu'il puisse mieux répondre aux besoins des gens au lieu de se contenter d'attirer des ressources. Il s'est dit d'accord avec les vues exprimées dans le rapport du Directeur général sur ce sujet. Il a ajouté que des mesures devraient être prises pour mettre en place un régime d'assurance à l'intention des chômeurs afin qu'ils puissent continuer à percevoir une rémunération pendant la période de chômage tout en suivant une formation qui les aide à se réinsérer dans la vie active. Il a insisté sur le principe de solidarité qui va de pair avec tout système d'assurance chômage et a conclu en disant qu'il était temps de prendre des mesures concrètes allant dans ce sens.
55. Le porte-parole du groupe des travailleurs a repris la parole pour dire que les administrations des caisses de pensions n'avaient rien apporté jusqu'ici aux travailleurs et qu'elles n'étaient donc pas une solution au problème de la sécurité sociale.
56. Quant au porte-parole du groupe des employeurs, il a déclaré qu'il y avait accord à la fois sur les objectifs et sur les valeurs de la sécurité sociale, mais ni sur sa forme ou son étendue ni sur ce qu'il fallait faire pour avoir un système efficace. Selon lui, le secteur privé devrait être associé, dans la mesure où la loi le permet, à des systèmes efficaces qui offrent des prestations et une couverture plus importantes. Il a donné comme exemple les 18 années d'expérience du Chili avec un tel système. Il a fait remarquer que la discussion qui avait eu lieu sur ce sujet avait démontré son importance. Les régimes de sécurité sociale doivent être des systèmes viables et pas uniquement des promesses en l'air, et leur viabilité constitue leur meilleure garantie.
57. La déléguée des travailleurs du Chili a déclaré qu'on ne pouvait pas dire qu'il y avait un régime de sécurité sociale dans son pays. Elle a ajouté qu'au Chili les travailleurs n'avaient pas d'autre solution qu'une épargne individuelle et qu'il n'existait aucun dispositif de sécurité sociale, qu'il soit étatique ou patronal. Les cotisations prélevées sur les salaires sont placées dans des comptes individuels qui sont gérés par des entreprises financières étrangères et sur lesquels les travailleurs n'ont pas leur mot à dire. Elle a reconnu que, d'un point de vue économique, ce système était efficace pour les autorités qui administraient les caisses de pensions, mais pas pour leurs membres. On ne pourra évaluer l'efficacité du régime de capitalisation individuelle qu'autour des années 2005 à 2010, lorsque la plupart des travailleurs qui y cotisent aujourd'hui seront partis à la retraite. Le gouvernement devra alors se colleter avec le problème des prestations que ce système ne pourra jamais offrir. Elle a ajouté que les travailleurs avaient déjà informé le Conseil d'administration que s'il voulait se référer au modèle chilien ce sont les personnes qui détiennent les capitaux qu'il devrait consulter et non pas celles qui les administrent sans l'autorisation ni le consentement des travailleurs.
58. Le porte-parole du groupe des employeurs a déclaré que la réponse se trouvait sans doute quelque part entre les systèmes fondés sur la répartition et gérés par l'Etat, pratiquement en faillite, et le modèle chilien. Il a conclu en disant que le seul moyen de trouver cette réponse était de discuter de toute la question de manière approfondie car tout le monde est d'accord pour dire que la sécurité sociale est nécessaire.
59. Enfin, le porte-parole du groupe des travailleurs a admis qu'il devrait y avoir un débat avec la participation active de toutes les parties concernées.
60. Plusieurs orateurs ont évoqué la question des droits sociaux aussi bien pendant la discussion générale que pendant l'examen point par point de cette question par la réunion à sa quatrième session. Dans son discours d'ouverture, le président a beaucoup insisté sur la nécessité de promouvoir les droits fondamentaux des travailleurs et de veiller à ce qu'ils soient respectés, et il a souligné l'importance du travail à faire par les ministères du Travail à cet égard. Il a déclaré que le respect total des droits fondamentaux des travailleurs constituait l'élément clé du concept de travail décent tel qu'il est présenté dans le rapport du Directeur général.
61. Les porte-parole des groupes employeurs et travailleurs et beaucoup de délégués gouvernementaux ont réitéré leur adhésion à la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa session de 1998. La Déclaration est pour eux une sorte de Charte fondamentale des droits que l'OIT donne à la communauté internationale pour la protéger des effets de la mondialisation économique en cours. Pour le porte-parole du groupe des employeurs, la Déclaration est bien plus qu'un simple texte; c'est aussi une philosophie dans la mesure où elle n'impose pas de lien entre les normes du travail et le commerce international. Loin de protéger les travailleurs, ce type de liens, a t-il dit, ne fait que justifier les mesures protectionnistes. En outre, la Déclaration préconise la liberté syndicale et l'autonomie des partenaires sociaux, deux conditions sine qua non de la liberté politique et de la démocratie, et attribue un rôle fondamental au dialogue social, ce à quoi son groupe souscrit pleinement.
62. Certains intervenants ont parlé de la dimension régionale et sous-régionale des droits fondamentaux et ont fait remarquer que les pays qui composaient le MERCOSUR avaient adopté récemment une déclaration sociale qui donnait une dimension sociale à ce processus d'intégration. A ce sujet, le ministre du Travail de l'Uruguay a estimé qu'il serait bon de compléter la Déclaration adoptée par la Conférence en 1998 par une autre déclaration, de portée régionale celle-là, dont le suivi serait assuré conjointement avec le système de l'Organisation des Etats américains. Plusieurs autres orateurs ont déclaré que les pays devaient se mettre immédiatement à harmoniser leurs politiques sociales car avec l'intégration ils ne peuvent pas échapper à une harmonisation de toutes leurs politiques.
63. Un certain nombre d'orateurs ont fait remarquer que le taux de ratification des sept conventions fondamentales était très élevé dans la région: un certain nombre d'Etats les ont déjà toutes ratifiées, et seuls quelques-uns en ont ratifié moins de cinq. Il a été relevé que plusieurs pays avaient ratifié récemment la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, et que les gouvernements d'autres pays l'avaient déjà soumise aux autorités compétentes pour ratification.
64. Plusieurs orateurs ont reconnu que la ratification formelle d'une convention de l'OIT ne garantissait pas automatiquement le respect des droits fondamentaux au travail. Plusieurs orateurs du groupe des travailleurs ont fait remarquer que la protection de la liberté syndicale, comme celle du droit de négociation collective, laissait beaucoup à désirer dans de nombreux pays de la région, comme en témoigne le grand nombre de plaintes qui sont soumises au Comité de la liberté syndicale, mais aussi le grand nombre d'observations qui sont faites par la commission d'experts du fait de l'incompatibilité de certaines dispositions législatives nationales avec les conventions nos 87 et 98. Tous étaient d'accord pour dire que l'application de ces conventions devait être améliorée et que l'OIT devrait fournir des services de coopération technique à cet effet, que ce soit pour aligner la législation sur les conventions ratifiées ou pour améliorer la capacité des ministères du Travail de veiller au respect de la loi.
65. De nombreux orateurs ont évoqué la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999. Un certain nombre de délégués des travailleurs et des gouvernements ont soutenu l'appel en faveur d'une ratification rapide de cette convention lancé par le porte-parole du groupe des employeurs; plusieurs ministres et délégués gouvernementaux ont fait savoir que leurs gouvernements avaient commencé à prendre des mesures en vue de la ratification de la convention et que certains pays l'avaient déjà soumise à leur Parlement en lui demandant de donner la priorité absolue à l'autorisation de ratification.
66. Plusieurs orateurs ont abordé la question de la flexibilité du travail et ont décrit leurs expériences en la matière. Un certain nombre de membres employeurs ont insisté sur la nécessité d'avoir une législation du travail flexible, la mondialisation impliquant une capacité de concurrence et d'adaptation à des marchés en évolution que ne permet pas une réglementation qui entrave la mobilité et qui accroît les coûts de main-d'œuvre. Une réglementation trop pointilleuse ne peut que décourager la création d'emplois, surtout parmi les petites et moyennes entreprises, qui sont la principale source potentielle de création d'emplois. Au lieu de chercher à protéger les travailleurs en promulguant des lois, il vaut mieux, selon eux, promouvoir la négociation collective, encourageant ainsi les partenaires sociaux à se réglementer eux-mêmes. La création d'emplois décents requiert un cadre réglementaire qui tienne compte des spécificités nationales, ce qui est tout simplement impossible avec une réglementation pointilleuse.
67. Un certain nombre d'employeurs ont ajouté qu'une réglementation pointilleuse ne faisait qu'encourager le développement du travail rattaché au secteur informel. Aussi faut-il une législation réaliste qui aide à intégrer les entreprises du secteur informel dans le secteur formel. Cela s'applique aussi aux normes de l'OIT, qui doivent rester en phase avec la réalité sans qu'il y ait pour autant violation des droits fondamentaux des travailleurs. Il importe également que la législation en vigueur soit toujours respectée, et les Etats doivent tout faire pour qu'elle soit appliquée; la violation de la loi est dans bien des cas un facteur de concurrence déloyale qui profite aux employeurs qui ne respectent pas la loi et qui pénalise ceux qui l'appliquent. Dans une large mesure, cette observation s'applique aussi au commerce international. En effet, certains pays tirent leur compétitivité de la non-application des normes fondamentales du travail, plaçant ainsi en position de faiblesse ceux qui les appliquent.
68. Un certain nombre de délégués des travailleurs ont déclaré que la mondialisation ne devrait pas servir de prétexte pour éliminer les droits des travailleurs ou leurs emplois ou pour rendre leur situation en matière d'emploi plus précaire. Pour les travailleurs, le sujet de l'emploi est directement lié à la protection des droits des travailleurs, mais aussi à la dimension sociale de la mondialisation. Les pays de la région devront notamment s'assurer que le progrès économique qui découle de la libéralisation de l'économie mondiale s'accompagne d'un progrès social durable, l'un des indicateurs de ce progrès étant que les normes du travail sont capables de garantir un emploi décent. Cela n'a pas été le cas pour les réformes de la législation du travail entreprises dans un certain nombre de pays, qui n'ont pas réussi à améliorer leur compétitivité sur le plan international. Les réformes de la législation du travail qui entraînent une précarisation de l'emploi sont probablement le résultat d'un investissement insuffisant dans la formation et les ressources humaines, qui s'explique par le fait que les employeurs ne sont guère tentés d'investir dans la formation des travailleurs qui n'ont pas l'intention de rester, et que les travailleurs n'ont aucune envie de suivre une formation ou une reconversion pour un travail dont ils risquent d'être licenciés à plus ou moins long terme.
69. Un des délégués des travailleurs a déclaré qu'il n'était pas juste de rejeter, comme le font les institutions financières internationales, la faute du manque de compétitivité ou d'investissements étrangers sur les normes du travail. Il a ajouté que, pendant des années, l'exemple des Tigres de l'Asie a servi à montrer que leur succès était dû à l'absence de normes ou à un niveau trop bas de normes dans le domaine du travail. La crise de l'Asie du Sud-Est montre que cet exemple est beaucoup moins probant qu'on ne le dit. Pour ce qui est de l'Amérique latine, la situation dans laquelle elle se trouve actuellement montre que, après vingt années de réforme de la législation du travail, l'effet bénéfique qu'elles sont censées avoir sur la croissance, la compétitivité et l'emploi ne s'est toujours pas fait sentir.
70. Un certain nombre de délégués des travailleurs ont ajouté que la question de l'emploi était étroitement liée à la protection des droits sociaux et à la dimension sociale de la croissance dans le cadre de la mondialisation, et se sont dits prêts à inclure la question de la clause sociale dans les négociations commerciales internationales.
71. Un certain nombre d'orateurs du groupe gouvernemental ont décrit les expériences que leurs pays ont faites dans le domaine de la flexibilité du travail. Le secrétaire d'Etat au Travail de la République dominicaine a déclaré que ce sujet devait être abordé avec prudence, car la flexibilité du travail risque d'abaisser le niveau efficace de protection des droits fondamentaux, et son impact sur les coûts de main-d'œuvre et la compétitivité n'est absolument pas certain et, en tout cas, beaucoup moins important que le résultat que peut donner la productivité plus élevée que l'on obtiendrait en utilisant une main-d'œuvre qualifiée. En 1992, la République dominicaine a adopté un nouveau Code du travail qui maintient et même rehausse les niveaux de protection de la législation antérieure; malgré cela, ce pays enregistre depuis cette date des taux de croissance qui comptent parmi les plus élevés de la région, un taux d'inflation qui reste dans des limites raisonnables, une augmentation des salaires réels, 400 000 emplois de plus et le maintien de la paix sociale.
72. Un délégué gouvernemental de l'Argentine a déclaré que beaucoup de pays de la région attendaient de l'OIT qu'elle entreprenne une évaluation objective des réformes des législations du travail qui ont déjà été faites afin d'établir si elles ont réellement servi à améliorer la compétitivité et à créer des emplois, comme certains l'affirment, ou si au contraire elles ont entraîné une précarisation des emplois sans apporter d'avantage particulier en termes de compétitivité, comme d'autres le prétendent. Cette évaluation a déjà été faite dans son pays, et la législation du travail de 1998 a été révisée de nouveau à la suite de cette évaluation afin de supprimer certaines formes de précarité de l'emploi qui étaient autorisées avec les réformes précédentes, qui n'avaient abouti à aucune création d'emplois. Il faudrait également promouvoir la régularisation de l'emploi du secteur formel, car c'est dans les entreprises de ce secteur que cette régularisation est la plus facile à réaliser. Il a ajouté que l'Organisation de coopération et de développement économiques était parvenue à la conclusion qu'il n'y avait aucun lien entre l'emploi et la flexibilité du travail. Il serait bon d'entreprendre des études du même genre en Amérique latine afin d'examiner la question en toute objectivité.
73. Le ministre du Travail de l'Uruguay a déclaré que les droits fondamentaux des travailleurs devraient toujours être garantis, car c'est la seule façon de s'y prendre si l'on veut que la mondialisation profite à tous. Il faudrait par ailleurs harmoniser les mesures de protection sociale et renforcer la négociation collective, car elle permet aux travailleurs et aux employeurs de se rencontrer.
74. Au cours de la discussion générale sur le rapport du Directeur général, beaucoup d'orateurs ont souligné le rôle essentiel que le tripartisme - et le dialogue social qu'il entraîne - peuvent jouer dans l'édification et le renforcement d'un Etat démocratique, et dans la formulation de réponses nationales appropriées aux défis lancés par la mondialisation et l'ajustement économique. L'Etat doit pouvoir offrir une garantie crédible de l'existence de conditions et de préconditions fondamentales, à savoir la liberté syndicale et le respect total de la négociation collective. On a recommandé l'organisation d'un vaste dialogue social sur la création d'emplois, la sécurité et la santé au travail, la formation professionnelle, la sécurité sociale et les questions économiques et autres. Il a été reconnu que l'Organisation doit jouer un rôle pour soutenir tous ces secteurs, et l'OIT s'est donc vu investir de la responsabilité particulière de la formation des travailleurs et des employeurs et du renforcement de leurs organisations. Plusieurs orateurs ont en outre proposé que le mécanisme du dialogue social soit étendu à d'autres secteurs de la société civile, tels que les institutions universitaires, les associations de micro-entreprises et même les partis politiques. L'intérêt potentiel pour l'Amérique latine d'organes tels que les conseils économiques et sociaux qui ont été créés en Europe pourrait également être étudié.
75. Au cours de la discussion de l'ordre du jour, le porte-parole du groupe des employeurs a souligné que tant le renforcement de la démocratie que le processus rapide du changement économique et commercial doivent être mieux compris et mieux acceptés par l'ensemble de la société. Le dialogue social est un moyen idéal de concrétiser cet objectif mais, pour être véritablement utile, il doit traiter de questions concrètes et chercher à établir un équilibre entre les perspectives et les intérêts qui sont parfois en conflit, et tenter de les réconcilier. Les réunions de l'OIT constituent d'excellents exemples de dialogue social dans l'arène internationale et elles devraient être reproduites au niveau national. Ceci étant, la qualité du dialogue social dépend de la qualité des personnes qui y participent; ces personnes doivent représenter des organisations libres, reconnues, autonomes et compétentes. Pour conclure, l'orateur a souligné que le concept d'autonomie est particulièrement important car c'est à la société qu'il revient de choisir ses porte-parole sans aucune ingérence de l'Etat. L'OIT exerce une responsabilité particulière en matière de formation et s'agissant d'appuyer les participants au dialogue social.
76. Beaucoup d'orateurs ont dit que le dialogue social étaye le processus du changement et de l'ajustement car il aide les gouvernements à prendre leurs décisions; la législation qui en découle en est plus cohérente, plus légitime et plus durable. Le dialogue social facilite le progrès des ministres du Travail dans des domaines tels que l'application du droit du travail et la solution des conflits. La prise de décisions en matière de questions sociales et socio-économiques au niveau national devrait s'inspirer de l'approche de l'OIT qui repose sur le consensus tripartite, et c'est là un thème tout à fait approprié pour une convention internationale du travail.
77. D'autres orateurs du groupe des employeurs ont fait observer que le principe et le processus du dialogue social ne sont pas pertinents uniquement dans le contexte national; ainsi le MERCOSUR s'est déjà doté d'un organe consultatif en matière de questions sociales et du travail. Un orateur a mentionné qu'il serait utile de créer et de renforcer le dialogue social aux niveaux communautaire et municipal. Les organes tripartites établis légalement et déjà existants ne devraient pas être remplacés par un nouveau mécanisme du dialogue social. Ce dernier devrait au contraire compléter les travaux de ces organes en favorisant la participation d'autres acteurs sociaux tels que les associations de consommateurs et les institutions universitaires. Ceci étant, la question de l'élargissement de la participation au dialogue social devrait être traitée avec prudence, car les objectifs parfois controversés et vagues de nombreuses organisations non gouvernementales, combinés à leur capacité de gestion et d'administration quelque peu limitée, font parfois obstacle au développement d'un processus légitime et productif de dialogue social fondé sur le concept du tripartisme, plutôt qu'ils ne le favorisent.
78. Le porte-parole du groupe des travailleurs a dit que le dialogue social est essentiel si les pays souhaitent surmonter la crise déclenchée par l'ajustement économique et la mondialisation du commerce. Cependant, il a ajouté que ces nouveaux défis exigent la participation d'autres composantes de la société civile telles que la communauté scientifique, universitaire et écologique, et les institutions de bien-être, notamment celles qui s'occupent des enfants. Le dialogue social ne portera des fruits que si les négociations et les accords auxquels il donne lieu sont transparents et menés de bonne foi, et si les ministres du Travail sont véritablement capables d'influencer les décisions gouvernementales.
79. D'autres orateurs du groupe des travailleurs ont fait référence aux divergences considérables qui existent dans leur pays entre la théorie du dialogue social et sa réalité. Bien que les institutions et le mécanisme aient été créés dans le cadre de lois et de politiques gouvernementales, dans bien des cas ils ont échoué, à moins qu'ils n'aient laissé les travailleurs en marge; il est donc important que l'OIT joue un rôle prééminent si l'on procède à une réforme approfondie de ces processus nationaux. Dans un pays particulier, il semblerait que la «nouvelle culture du travail» ait insufflé une vie nouvelle dans le dialogue social, et que de grands pas aient été faits en matière de conciliation et de solution des conflits. Un orateur a souligné que les conventions nos 87 et 98 sont fondamentales, et qu'à moins que ces instruments de l'OIT ne soient scrupuleusement observées partout dans le monde le concept tout entier de dialogue social demeurera une illusion. Enfin, on a souligné que la protection de la liberté syndicale reste la tâche la plus importante incombant à un ministère du Travail, à quelque pays qu'il appartienne.
80. Avant de clore la session de l'après-midi, le porte-parole du groupe gouvernemental a fait référence à l'accord qui a été conclu avec le groupe des travailleurs et le groupe des employeurs sur une proposition conjointe portant sur la coopération technique; cet accord résume les priorités des trois groupes et se fonde sur trois propositions spécifiques que l'orateur a décrites. Il a ajouté que les trois groupes ont exprimé le désir de voir leur proposition conjointe pleinement intégrée dans les conclusions de la réunion. Le porte-parole du groupe des travailleurs a demandé que soit ajoutée une référence au renforcement du soutien complémentaire d'ACTRAV et d'ACT/EMP dans la partie des conclusions qui traite de la coopération technique, indépendamment des points mentionnés dans la proposition conjointe. Le porte-parole du groupe des employeurs s'est chaleureusement associé à cette motion.
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Adoption du rapport et des conclusions de la réunion
81. La quatorzième Réunion régionale des Amériques a adopté ses conclusions et son rapport par consensus et a noté la réserve suivante exprimée par le gouvernement de Cuba en ce qui concerne le paragraphe 23 des conclusions.
82. Le gouvernement de Cuba a estimé qu'il conviendrait de prévoir, conformément aux procédures et structures existantes de l'OIT, la possibilité d'analyser conjointement la mise en œuvre des conclusions adoptées à la quatorzième Réunion régionale des Amériques afin de permettre une consultation tripartite, y compris des mécanismes de consultation avec les gouvernements de tous les Etats Membres. Vu le fait que l'Organisation des Etats américains ne comprend pas tous les pays de la région, l'OIT ne devrait pas, de l'avis du gouvernement de Cuba, subordonner ses procédures à celles d'une organisation dont la composition n'est pas conforme à la sienne. A cet effet, la délégation gouvernementale de Cuba estime que la réunion des ministres du Travail de la région des Amériques qui a eu lieu au cours des sessions de la Conférence internationale du Travail devrait devenir un mécanisme approprié permettant d'analyser la mise en œuvre des conclusions de la quatorzième Réunion régionale des Amériques.
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83. Le Conseil d'administration voudra sans doute prier le Directeur général:
a) d'appeler l'attention des gouvernements des Etats Membres des Amériques et, par leur intermédiaire, celle des organisations nationales d'employeurs et de travailleurs, sur les conclusions adoptées par la réunion;
b) de garder ces conclusions à l'esprit lors de l'exécution de programmes en cours et de la préparation des futures propositions de programme et de budget;
c) de communiquer le texte des conclusions:
i) aux gouvernements de tous les Etats Membres et, par leur intermédiaire, aux organisations nationales d'employeurs et de travailleurs;
ii) aux organisations internationales concernées, y compris les organisations internationales non gouvernementales dotées d'un statut consultatif.
Genève, le 27 septembre 1999.
Point appelant une décision: paragraphe 83.
1. Les participants à cette réunion appuient fermement les quatre objectifs stratégiques proposés dans le rapport du Directeur général du BIT: promouvoir et mettre en œuvre les principes et droits fondamentaux au travail, promouvoir des politiques et des programmes visant à créer des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité pour les femmes et pour les hommes, accroître l'étendue et l'efficacité de la protection sociale pour tous, et renforcer le tripartisme et le dialogue social. Nous appuyons également les huit programmes focaux décrits dans le programme et budget pour 2000-01, approuvé par la Conférence internationale du Travail en juin 1999. Il est aussi pour nous particulièrement important que soient pris en compte, dans toutes les activités de l'OIT, les spécificités de chaque sexe et les problèmes de développement.
2. Nous attachons une grande importance au respect et à la promotion de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, adoptée par la Conférence en 1998. Nous appuyons sans réserve la proposition concernant l'adoption de mesures concrètes pour créer des emplois décents dans notre région. Obtenir un travail décent est l'une des priorités les plus immédiates pour les peuples des Amériques.
3. Les politiques économiques doivent être pondérées par des politiques de justice sociale, car la croissance économique est une condition préalable indispensable à la création d'emplois décents - mais cette condition n'est pas suffisante. En outre, il convient de mettre en œuvre des politiques économiques qui favorisent l'accroissement de la productivité et garantissent la stabilité macroéconomique nécessaire pour stimuler les investissements et l'épargne.
4. Le développement des entreprises est nécessaire pour que des emplois soient créés, dans le respect des droits sociaux et syndicaux. Il est indispensable que l'Etat crée un environnement favorable aux investissements et à la création de nouvelles entreprises, en particulier de PME, qu'il facilite l'accès au crédit et qu'il encourage un accroissement de la productivité.
5. Nous convenons qu'il faut accorder la priorité à l'élimination progressive du travail des enfants dans le cadre de la convention no 138 et, en particulier, à l'adoption de mesures immédiates pour en abolir les pires formes. A cette fin, nous nous engageons à promouvoir la ratification de la convention no 182 le plus tôt possible, de préférence avant la première session du nouveau millénaire de la Conférence internationale du Travail (juin 2000) et à exécuter, avec l'aide du Bureau international du Travail, des programmes visant à atteindre les objectifs énoncés dans cette convention. Nous appuyons sans réserve l'IPEC et insistons pour que ce programme continue à lancer des initiatives tripartites et à mobiliser des ressources extrabudgétaires.
6. Nous notons avec satisfaction que les conventions de l'OIT relatives aux droits fondamentaux au travail recueillent de plus en plus de ratifications. Il faut, cependant, s'attacher sans relâche à assurer l'application effective de ces conventions. En conséquence, l'OIT devrait fournir toute l'aide nécessaire aux gouvernements afin d'encourager ceux qui ne l'ont pas encore fait à ratifier sans délai les conventions fondamentales, et ceux qui les ont ratifiées à en assurer l'application. Tout doit être mis en œuvre pour que ces conventions soient largement acceptées dans tous les secteurs de la société, en recourant au dialogue et à la participation par analogie avec la convention no 144.
7. Nous sommes convaincus de l'importance d'un véritable dialogue social. Il convient de renforcer les partenaires sociaux afin qu'ils trouvent ensemble des solutions qui donneront une plus grande légitimité aux politiques et favoriseront une répartition équitable des bénéfices de la croissance.
8. Les gouvernements devraient établir des mécanismes tripartites adaptés et éliminer les obstacles éventuels au droit d'organisation des travailleurs et des employeurs.
9. L'OIT devrait renforcer l'assistance technique qu'elle fournit pour assurer la modernisation et la revalorisation des ministères du Travail et pour les activités de formation destinées aux organisations d'employeurs et de travailleurs.
10. Pour promouvoir une répartition équitable des bénéfices de la croissance, les politiques doivent être l'aboutissement d'un vaste dialogue social tripartite. Ce dialogue devrait déboucher sur des programmes tendant à favoriser la création d'emplois décents et la sécurité pour tous, auxquels les partenaires sociaux sont attachés. A la demande de ses mandants, l'OIT devrait faciliter les initiatives de dialogue social aux niveaux national et régional.
11. Nous estimons qu'il faut lier l'économique et le social dans les politiques et les programmes nationaux et internationaux afin de promouvoir les objectifs économiques et sociaux. A cette fin, l'OIT devrait établir des relations constructives avec des institutions financières et organisations économiques internationales telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement. Nous demandons que le Directeur général du BIT œuvre avec ces organisations à la mise sur pied d'initiatives concrètes tendant vers une approche intégrée des aspects monétaires, financiers, sociaux et du travail de l'économie mondiale.
12. Il est impératif de donner aux partenaires sociaux les moyens de participer activement au dialogue avec les autorités nationales compétentes et avec les institutions financières régionales et internationales pour ce qui touche la politique économique et sociale. Nous demandons pour ce faire l'appui technique de l'OIT. Dans ce contexte, l'OIT devrait envisager avec les institutions multilatérales pertinentes des projets communs tenant compte des priorités des gouvernements et des organisations d'employeurs et de travailleurs.
13. Nous avons pris note des objectifs approuvés par les chefs d'Etat dans le cadre des processus d'intégration dans notre région, au nombre desquels devrait à notre avis figurer en bonne place la création d'emplois décents. C'est pourquoi nous espérons que l'OIT appuiera les travaux de la Conférence interaméricaine des ministres du Travail et participera activement, en collaboration avec l'Organisation des Etats américains et la Banque interaméricaine de développement, à l'élaboration et à la mise en place de mécanismes qui facilitent la prise en compte des aspects sociaux et du travail dans les processus d'intégration.
14. Des systèmes d'enseignement et de formation adoptés sont nécessaires pour faciliter l'insertion de la main-d'œuvre. Nous devons veiller à ce que le niveau de qualification continue de s'améliorer afin que les travailleurs et les entreprises puissent relever les nouveaux défis de la mondialisation de l'économie. L'OIT devrait fournir un appui technique à la modernisation et à l'extension des systèmes d'enseignement et de formation professionnelle, et développer les activités du Centre de Turin et du CINTERFOR.
15. Des relations professionnelles harmonieuses contribuent au succès des entreprises; la négociation collective et le respect des accords qui en résultent contribuent aussi à ce succès, qui se traduit par un accroissement de la productivité, une répartition équitable des bénéfices et l'amélioration des conditions de travail. L'OIT devrait continuer à fournir une assistance dans ce domaine. Elle devrait également faire connaître les bonnes pratiques et les expériences réussies et fournir des renseignements sur les entreprises prospères.
16. Il convient d'élaborer des politiques et des programmes favorables à l'emploi ciblés en priorité sur les groupes sociaux les plus vulnérables, à savoir les jeunes, les femmes, les handicapés et les chômeurs. L'aide de l'OIT dans ce domaine devrait consister à fournir des informations sur les expériences passées et sur la conception, l'exécution et la promotion de tels programmes.
17. La structuration des activités des travailleurs du secteur informel devrait être une priorité pour l'OIT.
18. Un travail décent, cela ne signifie pas simplement des emplois ayant un niveau de productivité et offrant un salaire adéquats, cela signifie aussi que les travailleurs sont protégés contre le risque d'accidents. Une telle prévention est un investissement social et est fondée du point de vue économique. L'OIT devrait continuer à fournir un appui dans ce domaine.
19. Pour améliorer le climat actuel d'insécurité, il est indispensable de préserver les régimes de sécurité sociale, d'accroître l'efficience et la transparence de la gestion de leurs ressources et d'élargir leur couverture. Il devrait y avoir un suivi tripartite des résultats des régimes actuels et de leurs perspectives à moyen et à long terme. Ce devrait être une priorité de l'OIT.
20. Concevoir des filets de sécurité sociale comportant des mesures particulières pour les chômeurs est un objectif souhaitable. Il est nécessaire de rechercher les moyens de rendre ces systèmes économiquement viables et d'inclure des activités de formation visant à faciliter l'insertion professionnelle. L'OIT devrait encourager la mise en place de systèmes satisfaisants et fournir des informations sur leur coût potentiel et leur viabilité sur le plan administratif.
21. Il convient d'améliorer l'aptitude de nos pays à réagir rapidement aux crises et aux situations d'urgence. L'OIT devrait fournir en temps opportun une aide à la conception et à la mise en œuvre de mesures et de programmes tendant à atténuer les répercussions sociales des crises et des situations d'urgence.
22. Il importe que l'OIT améliore sa capacité de générer des informations, des analyses du marché du travail et des prévisions des conséquences sur le plan du travail des politiques économiques mises en œuvre.
23. Les représentants des gouvernements, des travailleurs et des employeurs présents à cette réunion s'engagent à se réunir de nouveau au cours des mois à venir, dans le cadre des institutions en place dans chaque pays, pour examiner conjointement la mise en œuvre des conclusions de la quatorzième Réunion régionale des Amériques. Il sera ainsi possible de faire rapport sur la suite donnée à ces conclusions à la prochaine réunion des ministres du Travail de l'hémisphère, qui doit se tenir au début de l'an 2000 dans la République dominicaine.
Addendum:
coopération technique
1. Nous tenons à insister sur le fait qu'il est indispensable de présenter sans cesse aux organisations internationales la perspective de l'OIT. Cette perspective facilitera la prise en compte des conséquences sociales et dans le domaine du travail des programmes et politiques d'ajustement prônés par ces organisations, qui sont souvent négligées. Nous sommes encouragés par la mention dans le rapport du Directeur général, du fait que l'OIT est associée aux travaux des organes permanents du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. On ne peut que se féliciter de cet exploit, qu'il faut valider et élargir à d'autres institutions financières et à leurs différents organes afin d'assurer une meilleure coordination entre elles et l'OIT.
2. L'OIT devrait faire sentir sa présence dans ces institutions en s'appuyant sur les rapports par pays sur les conséquences sociales et sur le travail de ces programmes d'ajustement, et sur les indicateurs sociaux de plus longue durée. Il est indispensable que le Bureau participe à l'établissement de ces rapports. Les ressources nécessaires à cette activité complexe mais des plus utile devraient être inscrites au budget de la coopération technique de l'OIT pour la région. Ces rapports devraient être utilisés et complétés par les autres acteurs qui se soucient des conséquences, du point de vue social et du travail, à en tirer du point de vue des processus d'intégration en cours dans la région.
3. En ce qui concerne les programmes focaux décrits dans le rapport du Directeur général, il y a lieu d'accorder la priorité et des ressources suffisantes à ceux qui ont trait à la promotion de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, au développement des petites entreprises et des micro-entreprises et à leur environnement institutionnel et économique, et au renforcement des partenaires sociaux. L'assistance et les conseils d'ACTRAV et d'ACT/EMP aux employeurs et aux travailleurs sont particulièrement nécessaires.
4. En tout état de cause, il convient de souligner que bon nombre des objectifs énoncés dans le rapport du Directeur général correspondent aux responsabilités traditionnelles des ministères du Travail: respect des normes internationales du travail, intégration du secteur informel dans le secteur moderne de l'économie, problème de l'emploi précaire, promotion d'une nouvelle culture de la surveillance du respect de la législation du travail, nécessité d'évaluer les conséquences des réformes du travail et de la sécurité sociale. La modernisation des ministères du Travail est citée comme un objectif dans les derniers paragraphes des parties I et III du rapport du Directeur général. Néanmoins, aucun des programmes focaux n'a trait à cet objectif. Pour remédier à cette carence, le groupe gouvernemental, le groupe des employeurs et le groupe des travailleurs conviennent de la nécessité d'élaborer un programme supplémentaire destiné à renforcer et à moderniser les ministères du Travail, en tant que moyen essentiel d'aider les gouvernements dans les trois activités stratégiques, prioritaires et permanentes susmentionnées.