Rapport soumis aux fins de discussion à
la Réunion d'experts
sur l'inspection du travail et le travail des enfants
Note sur les travaux
Genève, 27 septembre - 1 octobre 1999
Bureau International du travail Genève
Table des matières
Introduction
Ordre
du jour de la réunion
Participants
Séance d'ouverture
Election
du président et des vice-présidents
Déclaration
des observateur
Présentation
des instruments pertinents
Discussion
générale sur le rôle de l'inspection du travail dans
la lutte contre le travail des enfants
Discussion
générale sur les meilleures pratiques et approches
Présentation des recommandations
des deux groupes de travail et désignation des membres du groupe
de rédaction
Examen
et adoption du projet de recommandations et du projet de rapport
1. Pour donner suite à une proposition émise lors d'une réunion tripartite informelle au niveau ministériel sur le travail des enfants, qui a eu lieu durant la 83e session de la Conférence internationale du Travail, en juin 1996, le Conseil d'administration du Bureau international du Travail a décidé, à sa 273e session (novembre 1998), qu'une réunion d'experts sur l'inspection du travail et le travail des enfants se tiendrait à Genève du 27 septembre au 1er octobre 1999.
2. Cette réunion devait permettre à des experts de l'inspection du travail et du travail des enfants de confronter leurs opinions et leur expérience sur le rôle des inspecteurs du travail dans la lutte contre le travail des enfants et sur les meilleures pratiques et approches en la matière avant de formuler des recommandations sur les actions nationales et internationales à entreprendre.
3. Quarante-quatre experts ont été invités à la réunion, dont 22 avaient été désignés par les gouvernements, 11 autres après consultation du groupe des employeurs et les 11 restants après consultation du groupe des travailleurs du Conseil d'administration.
4. Plusieurs observateurs ont également assisté à la réunion. Ils représentaient les organisations intergouvernementales suivantes: le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), l'Organisation arabe du travail (OAT); les organisations internationales non gouvernementales suivantes: la Commission internationale catholique pour les migrations (CICM), la Confédération générale des syndicats (GCTU), le Conseil international des infirmières (CII), la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération mondiale du travail (CMT), l'Internationale des services publics (ISP), le Mouvement international d'apostolat des enfants (MIDADE), l'Organisation internationale des employeurs (OIE); le gouvernement de l'Allemagne et le gouvernement des Etats-Unis.
5. La liste des participants figure en annexe au présent rapport.
6. La séance a été ouverte par M. Kari Tapiola, directeur exécutif du secteur des normes et des principes et droits fondamentaux au travail de l'OIT. Celui-ci a souhaité la bienvenue aux participants à la réunion et souligné que la lutte contre le travail des enfants suscite un intérêt accru depuis les différentes réunions nationales, régionales et internationales qui ont été consacrées à la question au cours des dernières années, les discussions qu'a tenues la Commission du travail des enfants lors des Conférences internationales du Travail de 1998 et 1999 et l'adoption universelle de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et de la recommandation (no 190), 1999, dont elle est assortie. La mise au point d'outils efficaces pour mettre fin à l'exploitation des enfants au travail, qui est l'objectif de la présente réunion, est donc une question qui occupe une place importante sur la scène internationale.
7. Rappelant les effets néfastes de certaines activités dangereuses sur la santé des enfants, sur leur accès à l'éducation et sur leur développement, l'orateur a souligné les efforts entrepris par le Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), qui s'applique à renforcer la capacité des pays à faire face au problème du travail des enfants par le biais de programmes de coopération technique pratiques. L'IPEC a mis en place des programmes régionaux de formation spécialisés, qui ont débouché sur des programmes de formation au niveau national dont plusieurs centaines d'inspecteurs du travail ont bénéficié.
8. La convention no 182 et la recommandation no 190 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants, qui viennent d'être adoptées, soulignent qu'il est urgent de mettre en place des mesures d'application efficaces, à effet immédiat, visant à interdire et abolir certaines pratiques, notamment la mise en esclavage, la traite, le travail forcé, le recrutement forcé en vue de la participation à un conflit armé, la prostitution et la participation à des activités pornographiques ou illicites ou à des travaux dangereux quand ce sont des enfants de moins de 18 ans qui sont impliqués. Cependant, le but ultime de l'action de l'OIT dans le domaine du travail des enfants demeure l'abolition définitive de ce fléau sous toutes ses formes. En vertu de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, qui a été adoptée en 1998, tous les Etats Membres sont tenus, entre autres choses, de respecter, promouvoir et réaliser l'abolition effective du travail des enfants. La convention no 138 sur l'âge minimum, qui est de plus en plus largement ratifiée, reste un instrument fondamental pour ce qui touche au travail des enfants. Ces instruments préconisent des interventions globales, qui doivent favoriser la mise en application des lois et renforcer l'inspection du travail. Les inspecteurs du travail ont un rôle clé à jouer en déterminant quelles sont les activités dangereuses, en repérant les lieux de travail dans lesquels elles se déroulent et en s'efforçant d'accéder, problème délicat s'il en est, au secteur non structuré, aux zones rurales, aux domiciles privés et aux petites entreprises installées à la maison, où des enfants sont mis à contribution, et en prenant en compte la situation des filles et des autres groupes vulnérables.
9. Une approche coordonnée impliquant tous les mandants de l'OIT, d'autres organisations internationales, des ONG, des universitaires et la société civile est nécessaire si l'on veut adopter les mesures variées qui s'imposent. Il s'agit en effet tout à la fois de promouvoir le développement économique, l'accès universel à l'éducation et d'autres mesures de prévention, de réadaptation et d'intégration sociale, tout en luttant contre la pauvreté et le manque de ressources, des problèmes sous-jacents qui peuvent nuire à l'efficacité de l'action.
10. Le représentant du Directeur général, M. Werner Blenk, directeur de programme du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), a souhaité la bienvenue aux participants et mis en lumière les grandes questions auxquelles la réunion doit répondre. Il a souligné que l'OIT a produit un appareil normatif solide en matière de lutte contre le travail des enfants et il a présenté les activités de coopération technique pratiques mises sur pied par l'IPEC dans le cadre de cet appareil, non sans rappeler que le problème traité est d'une grande complexité car il fait intervenir des aspects relevant de la politique, de la culture, du développement et des droits de l'homme. Le travail des enfants est un problème qui naît de la pauvreté, mais il contribue aussi à l'entretenir car il empêche les enfants de se développer et de devenir des adultes productifs. L'orateur a rappelé la nature interdisciplinaire du problème et souligné que les inspecteurs du travail doivent travailler avec toutes les parties impliquées. Il a émis le souhait de voir la réunion aboutir à des recommandations pratiques et faciles à appliquer. Les inspecteurs du travail connaissent la réalité sur le terrain; ils sont donc les mieux à même d'améliorer les moyens de lutte contre le travail des enfants là où le problème existe.
Election du président et des vice-présidents
11. M. András Békés, expert désigné par le gouvernement de Hongrie, a été élu président de la réunion à l'unanimité. M. Majyd Aziz (SITE, Association de l'industrie du Pakistan), expert désigné après consultation du groupe des employeurs, et M. Eliud Shivachi (Organisation centrale des syndicats, Kenya), expert désigné après consultation du groupe des travailleurs, ont été élus vice-présidents à l'unanimité.
12. Le président a souhaité la bienvenue à tous les participants à la réunion. Il a ajouté que celle-ci se déroule à un moment particulièrement bien choisi, car la convention no 182, qui vient juste d'être adoptée, a suscité un mouvement de soutien sans précédent ou presque de la communauté internationale. Il a rappelé aux participants qu'il leur faudrait discuter du rôle des inspecteurs du travail dans la lutte contre le travail des enfants et des meilleures pratiques et approches que l'on pouvait relever en la matière et avant d'émettre des recommandations sur les actions possibles au niveau international et national. Il a enfin invité les participants à relever le défi intellectuel évident que ce programme constituait pour que la réunion aboutisse aux résultats concrets que l'on attendait d'elle.
13. Un observateur de l'Internationale des services publics a rappelé que de nombreux syndicats affiliés à son association comptent des inspecteurs du travail parmi leurs membres. Il s'est déclaré préoccupé des effets néfastes qu'a la diminution des dépenses publiques sur les activités de l'inspection du travail et sur certains services connexes. Ces mesures tendent en effet à démotiver le personnel et à faire fuir les personnes qualifiées, notamment dans les pays en développement où les programmes d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale s'assortissent souvent d'une obligation de réduire les dépenses publiques, ce qui n'est pas sans conséquence sur certains services essentiels destinés aux plus pauvres et aux individus exploités sur leur lieu de travail. L'orateur a rappelé qu'il fallait que les inspecteurs du travail, les représentants des employeurs, les représentants des travailleurs et les fonctionnaires collaborent étroitement et il a évoqué la difficulté qu'il y a à assurer la protection des travailleurs dans les petites entreprises où ceux-ci ne sont pas représentés. Il a également souligné qu'il était nécessaire que les inspecteurs se rendent sur tous les lieux de travail, notamment dans les zones rurales et dans les établissements du secteur non structuré, reconnaissant que, dans ces cas, il faut des ressources et une formation supplémentaires.
14. Une observatrice du Conseil international des infirmières a évoqué le rôle que les infirmières peuvent jouer dans la lutte contre le travail des enfants et pour le bon développement physique et mental de ces derniers, étant donné qu'elles sont spécialistes de la santé des travailleurs. Elle a exprimé le souhait de voir la réunion aboutir à des modèles de stratégies efficaces pour l'avenir, notamment dans le domaine de la collecte de données (enregistrement des naissances tout particulièrement), du renforcement de la législation relative à la protection des travailleurs et de l'élaboration de mécanismes crédibles pour sa mise en application, de l'introduction de réformes rentables, de l'adoption d'approches multidisciplinaires et tripartites, du recours au dialogue social et de l'accès à l'éducation pour tous les enfants, une attention particulière devant être accordée aux besoins des filles.
Présentation des instruments pertinents
15. M. Wolfgang von Richthofen, spécialiste principal de l'inspection du travail pour le Service de l'administration du travail et représentant adjoint du Directeur général, a rappelé les dispositions des normes de l'OIT qui portent sur l'inspection du travail et replacé leur élaboration dans une perspective historique. L'inspection du travail est déjà mentionnée dans la Constitution de l'OIT, qui date de 1919, et la recommandation no 20 de 1923 jette les bases des normes postérieures en la matière, fournissant des modèles pour la coopération et la prévention, deux approches nécessaires à l'efficacité de tout système d'inspection du travail. Avant la deuxième guerre mondiale, plusieurs autres instruments portant sur la question de l'inspection du travail dans des secteurs donnés sont adoptés. En 1947, les normes relatives à l'inspection du travail sont codifiées par la convention no 81 sur l'inspection du travail (industrie et commerce), qui sera suivie, en 1969, de la convention no 129 sur l'inspection du travail (agriculture). Ces deux instruments sont assortis de plusieurs recommandations (nos 81, 82, 85 et 133). Entre l'adoption de ces deux conventions, la question de l'inspection du travail dans les Etats Membres est discutée à plusieurs reprises par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, ce qui donne la mesure de son importance. Le Conseil d'administration de l'OIT a considéré que la convention no 81 faisait partie des dix conventions les plus importantes de l'OIT du point de vue des activités et des stratégies générales de l'Organisation. En septembre 1999, elle avait été ratifiée par 122 Etats Membres. En 1995, un protocole à la convention no 81 est adopté, qui couvre l'inspection du travail dans le secteur non commercial, c'est-à-dire pour la fonction publique. Il a souligné la différence entre les conventions no 81 et no 129, qui est le signe d'une importante évolution dans le temps. En effet, dans le cas de la convention no 129, les dispositions s'appliquent à toutes les catégories de travailleurs et à toutes les sortes de lieux de travail (dans les limites du secteur agricole), notamment aux fermiers, aux métayers, aux individus travaillant dans de petites exploitations familiales, etc. Cette convention prévoit également plusieurs types d'inspections (voir art. 7, paragr. 3, du texte).
16. L'orateur a proposé que la réunion se fonde sur les principes contenus dans la convention no 129 sur l'agriculture pour formuler ses recommandations étant donné que ce texte couvre toute une série de catégories de travailleurs qui ne sont pas pris en compte par la convention no 81. Avec la nouvelle structure adoptée par le Bureau pour l'organisation des programmes, qui privilégiera une approche multidisciplinaire et globale, l'inspection du travail fera bientôt l'objet d'un nouveau programme «InFocus» portant sur le «travail sans risque», qui dépendra du tout nouveau secteur de la protection sociale.
17. M. Ricardo Hernandez Pulido, chef de la section des conditions générales de travail, Service de l'application des normes, a relevé les dispositions des conventions de l'OIT relatives au travail des enfants. L'Organisation s'est, dès sa création, occupée de cette question en adoptant en 1919 à sa première session la convention no 5 sur l'âge minimum (industrie). Elle a ensuite adopté une série d'autres conventions concernant le travail des enfants dans des secteurs déterminés puis, en 1973, un instrument de consolidation, la convention no 138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi, qui constitue une norme générale s'appliquant à tous les secteurs: c'est là un instrument unique, souple, qui devrait être facilement ratifiable. Elle dispose que l'âge minimum ne doit pas être inférieur à l'âge auquel cesse la scolarité obligatoire, ni en tout cas à 15 ans. Selon leur niveau de développement, les pays peuvent le fixer à 14 ans. L'âge minimum pour «tout type d'emploi ou de travail qui, par sa nature ou les conditions dans lesquelles il s'exerce, est susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité des adolescents» est porté à 18 ans, et à certaines conditions à 16 ans. Pour les travaux légers, l'âge minimum est 13 ans mais, dans le cas des pays en développement, il peut être de 12 ans. La convention a été ratifiée par 78 pays en septembre 1999. La recommandation no 146 qui l'accompagne donne des orientations sur les critères à appliquer dans la détermination des emplois ou travaux dangereux et sur les mesures de contrôle de l'application, tout en abordant certaines des questions particulières que soulève le travail des enfants en matière d'inspection.
18. Traduisant les préoccupations croissantes au plan international que suscite la question du travail des enfants, la convention no 182 et la recommandation no 190 ont été adoptées à l'unanimité en 1999; la convention fait obligation de prendre des mesures pour assurer l'interdiction et l'élimination immédiate des pires formes de travail des enfants, et ce de toute urgence; la recommandation attribue à l'inspection du travail un rôle important dans ce domaine. Une campagne massive en vue de faire ratifier la convention no 182 est en cours, et bon nombre de pays ont signalé avoir déjà pris des mesures à cet effet.
19. M. Zafar Shaheed, codirecteur, programme «InFocus» sur la promotion de la Déclaration, a présenté la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, adoptée en juin 1998, qui fait obligation à tous les Etats Membres «de respecter, promouvoir et réaliser» les principes et droits fondamentaux de liberté d'association et de négociation collective; l'élimination de toutes formes de travail forcé ou obligatoire; l'abolition effective du travail des enfants; et l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession. Le mécanisme de suivi de la Déclaration est un instrument de promotion, visant à reconnaître les domaines où une coopération technique aiderait les Etats Membres à appliquer les principes et droits fondamentaux et à encourager leurs efforts au plan national. Il ne fait pas double emploi avec les mécanismes de contrôle existants.
20. Selon l'orateur, la structure que vient d'établir l'OIT en vue de promouvoir la Déclaration servira d'introduction aux travaux des autres départements de l'Organisation, se rattachant à l'ensemble de ses activités. Ainsi, concernant le travail forcé et le travail en servitude, elle soulignera le besoin de dépasser le cadre juridique et d'examiner les structures sociales qui autorisent le travail dans des conditions aussi contraignantes; l'application d'autres principes et droits fondamentaux devrait soutenir et compléter les efforts en vue d'éliminer le travail des enfants; et des mesures visant à établir un minimum de protection sociale grâce à la création de filets de sécurité sociale permettraient aux familles de soustraire leurs enfants au travail et de trouver d'autres activités lucratives. En vue de respecter et d'appliquer effectivement les principes et droits fondamentaux au travail, les mécanismes de dialogue social et de coopération tripartite requièrent un soutien qui réclame l'engagement des organisations syndicales et d'employeurs ainsi que du milieu des affaires. Il faudrait encourager l'étude des liens entre normes essentielles du travail et développement ainsi que la rentabilité d'une approche du développement respectueuse des droits. Les efforts du Bureau en ce sens sont essentiels.
Discussion
générale sur le rôle de
l'inspection du travail
dans la lutte contre le travail des enfants
21. Un expert a relevé les questions essentielles qui se posent aux syndicats, à savoir: l'extension du champ d'attribution de l'inspection du travail aux secteurs où se trouvent le plus d'enfants astreints au travail; le manque de ressources allouées aux services de l'inspection du travail; l'importance de la coopération pluri-institutionnelle, de la formation, de la collecte des données et du ciblage, de la clarté des dispositions législatives et réglementaires, le rôle de l'accès à l'éducation de base en matière de prévention et de réadaptation; les mesures prises spontanément par les entreprises; et le recours à une nouvelle technologie à l'appui des tâches des inspecteurs du travail. La convention no 182 donne aux syndicats et au tripartisme un rôle pivot pour combattre le travail des enfants. Ratifier les conventions est certes essentiel, mais il faudrait sans attendre prendre des mesures qui, à leur tour, peuvent inciter à la ratification.
22. Plusieurs experts de pays en développement ont rendu compte des difficultés rencontrées par les inspecteurs concernant le travail des enfants dans leurs pays. Combattre ce phénomène dans le secteur non structuré se heurte à d'énormes difficultés, notamment quant à l'accès des inspecteurs aux lieux de travail dans des domiciles privés. Les employeurs coopèrent avec les services de l'inspection du travail dans le secteur structuré, mais c'est dans le secteur non structuré ou dans les formes non commerciales, comme le travail à domicile ou les services domestiques, que l'on trouve les pires formes de travail des enfants.
23. Un expert s'est demandé pourquoi l'élimination du travail des enfants a si peu progressé à l'échelle mondiale, malgré l'adoption, voilà 80 ans, du premier instrument international à ce sujet. Il ne s'agit pas d'une simple absence de volonté politique: les coûts afférents sont considérables, en particulier en milieu rural. Il a comparé la conception des grandes exploitations commerciales bien structurées à celle du secteur non structuré de petites exploitations où les agriculteurs, souvent illettrés, méconnaissent les dispositions législatives. Il importe donc de déterminer certains secteurs d'intervention, par exemple l'agriculture, certaines cultures particulières et l'environnement rural. Les inspecteurs du travail ne sauraient à eux seuls résoudre le problème: il faut donc absolument enseigner aux employeurs, aux parents et aux inspecteurs eux-mêmes la façon d'aborder le travail des enfants qui soulève des problèmes plus complexes que de simplement faire respecter la loi.
24. Certains experts ont soulevé nombre de problèmes rencontrés dans les zones rurales. Ainsi, dès qu'arrive un inspecteur du travail, les enfants qui travaillent en milieu rural s'enfuient. Les inspecteurs du travail doivent donc intervenir très promptement pour remplir leur mandat. Mais les parents qui travaillent doivent surveiller eux-mêmes leurs enfants, faute de garderies; et comme le travail est rare dans ces régions, ils tirent parti des moindres possibilités qui s'offrent. Certains enfants ne coopèrent pas avec les inspecteurs du travail, qui obtiennent parfois de bons résultats dans une approche pluridisciplinaire en collaborant, par exemple, avec la police des mineurs, les prud'hommes et les bureaux de sécurité sociale.
25. Un expert a décrit toute une série de mesures dynamiques et de «meilleures pratiques» destinées à lutter contre le travail des enfants dans l'agriculture aux Etats-Unis. C'est au titre d'une initiative d'exécution du gouvernement et non à la suite de plaintes très improbables des enfants ou de leurs parents que ces mesures ont été prises. La surveillance des cultures récoltées à la main - salades, tomates, ail et oignons -, la menace de confiscation de ces produits qui, récoltés par des enfants, deviennent illicites rendant en général immédiatement les employeurs dociles, des campagnes d'éducation expliquant par exemple aux parents et adolescents (concernant les emplois d'été) les dangers existant sur les lieux de travail en milieu agricole, des brochures rédigées en anglais et espagnol à l'intention des enfants sur la sécurité dans les exploitations agricoles, ainsi que des associations mettant sur pied des campagnes en partenariat avec le milieu des affaires pour aborder la question du travail des enfants dans l'agriculture sont au nombre de ces mesures.
26. Un autre expert, rompu à l'élaboration de mesures contre le travail des enfants en Afrique, a souligné que le véritable problème est souvent la subsistance même des enfants et de leurs familles. Les inspecteurs du travail doivent donc agir avec beaucoup d'attention et de doigté pour que leur intervention n'aille pas à l'encontre du but visé ni n'aggrave la situation. Selon l'orateur, les services d'inspection du travail devraient disposer, pour leurs activités, d'un cadre juridique précis, et stimuler l'attention sur ce problème. Quelques pays ont conçu des programmes spécifiques à l'intention des inspecteurs du travail, estimant que leur mission est simplement de faire respecter la loi. La plupart ne perçoivent pas la complexité du problème.
27. Les pays en développement manquent généralement des ressources humaines et matérielles nécessaires au fonctionnement des services d'inspection du travail. Peut-être existe-il de bonnes intentions d'appliquer la loi, mais qui restent lettre morte. Il existe des postes mais pas d'inspecteurs qualifiés ni de fonds suffisants pour les former et acheter du matériel.
28. Toutefois, pour définir le rôle des inspecteurs du travail dans la lutte contre le travail des enfants, les experts ont à maintes reprises mentionné qu'ils doivent faire de la lutte contre le travail des enfants leur priorité, qu'il convient également d'insérer parmi les multiples autres fonctions des inspecteurs. Le travail des enfants comporte de nombreux aspects, dont les pires embrasseraient un large éventail d'activités. En principe, le travail des enfants, qui n'est qu'une forme d'emploi illégal, relève directement des responsabilités des inspecteurs du travail, mais il se pratique dans des milieux très diversifiés qui posent chacun un surcroît de problèmes particuliers aux inspecteurs, déjà chargés de nombreuses autres tâches. Aborder cette forme inique de travail illégal peut également influer grandement sur d'autres aspects des activités des inspecteurs du travail, et qui plus est, comme un expert l'a signalé, les pires formes de ce travail pourraient n'être que la pointe de l'iceberg que constituent les «moindres» formes de travail des enfants qui se pratiquent en général.
29. L'une des difficultés, dans ce contexte, est de définir le rôle des inspecteurs du travail pour combattre le travail des enfants. Il leur incombe de faire respecter la loi selon un cadre juridique déterminé définissant leurs pouvoirs et, normalement, les lieux de travail où ils peuvent les exercer. Mais, comme nous l'avons répété à maintes reprises, dans la majorité des cas, cette forme de travail se pratique dans le secteur non structuré en milieux urbains et ruraux, dans les activités à domicile accomplies par la famille ou, dans le cas du service domestique, dans les lieux de travail «occultes» tels le foyer de l'enfant ou celui de quelqu'un d'autre, où il est très difficile - voire souvent légalement impossible - pour les inspecteurs de pénétrer.
30. Les inspecteurs du travail ont des difficultés à justifier leur intervention dans des situations aussi marginales, sans parler de la difficulté pratique de toucher les travailleurs ambulants du secteur non structuré (par exemple dans la rue), ou d'accéder aux domiciles privés. Il n'est donc pas surprenant que, pour nombre d'experts, il convient de remanier et d'élargir le champ d'intervention de l'inspection du travail, avant de déterminer effectivement son rôle dans la lutte contre le travail des enfants.
31. Les experts ont évoqué l'antagonisme qui existe entre les fonctions d'injonction et de prévention de l'inspection du travail. Plusieurs d'entre eux ont exprimé l'avis que les activités de lutte contre le travail des enfants tendent à l'accentuer. Il est difficile de faire respecter les réglementations face à une forme de travail qui profite parfois d'un certain vide juridique. En fait, dans certains pays, la récente législation exclut expressément les lieux de travail du secteur non structuré du rayon d'action de l'inspection du travail. Il faut toutefois bien préciser que le travail des enfants ne saurait être toléré même - et surtout - dans des sociétés où il a proliféré sans avoir jamais été sanctionné. Par ailleurs, c'est assurément par toute une série de mesures préventives - grâce à la persuasion et à l'éducation de tous les intéressés (employeurs, parents, enfants) - que l'on parviendra à éliminer plus radicalement le travail des enfants. Imposer des sanctions risque involontairement - tout en visant à faire respecter la loi par les employeurs - d'entraîner les enfants dans des formes de travail plus dangereuses ou dégradantes, et même dans des lieux de travail plus occultes. Cependant, les mesures préventives peuvent, aussi, mieux parvenir à sensibiliser la société à la nécessité d'éliminer une fois pour toutes le travail des enfants. S'agissant de ce travail, il convient d'élaborer une politique claire, réfléchie, cohérente et concertée qui établisse l'équilibre idéal entre les deux grandes catégories de méthodes d'intervention des inspecteurs du travail.
32. Traiter des façons, que peut utiliser l'inspection du travail, pour combattre le travail des enfants conduit aussi aux questions de formation. De par l'étendue des tâches incombant à l'inspection du travail, les experts ont en matière de formation des avis divers. Ils se prononcent grosso modo pour une bonne formation élémentaire et pour une spécialisation dans l'un des aspects du rôle multiforme de l'inspection du travail. Avec ce qu'on exige des services de l'inspection du travail presque toujours démunis et trop sollicités, nombre d'experts préfèrent la bonne formation de base et une coordination et coopération bien établies avec des services étroitement associés.
33. La lutte contre le travail des enfants exigera forcément des inspecteurs qu'ils soient formés dans de nombreux domaines complémentaires, tant le travail des enfants en soi, son incidence, son étendue et l'utilité de son abolition, que les normes internationales et réglementations nationales pertinentes. Face au caractère complexe du travail des enfants, une formation en psychologie est nécessaire pour aborder des enfants intimidés et désorientés, qui ne connaissent que pauvreté, insécurité et souvent violence, qui ignorent tout de leurs droits ou des fonctions de l'inspection du travail. Certains experts ont évoqué le bien-fondé d'employer des inspectrices pour s'occuper des cas d'utilisation de main-d'œuvre enfantine. Elles impressionnent moins les enfants et sont assurément mieux acceptées dans les milieux où ne travaillent que des filles ou quand la religion exige que seules des femmes s'adressent aux jeunes travailleuses et inspectent leurs conditions de travail.
34. Les participants ont mentionné à plusieurs reprises que les inspecteurs du travail, dans l'accomplissement de leur mission, ne sont pas insensibles; ils peuvent éprouver beaucoup de sympathie pour les enfants qui travaillent et leurs familles, ce qui leur pose un véritable dilemme: nombre de parents, en particulier les mères seules et les familles extrêmement pauvres et démunies, n'ont pas le choix. Le travail des enfants assure souvent leur subsistance, qui est leur seul projet immédiat. C'est par la formation que les inspecteurs peuvent apprendre à se comporter dans des situations aussi dramatiques; de nouveau, cette question appelle l'élaboration d'une politique claire.
35. Plusieurs experts se sont intéressés au regard que les enfants concernés et leurs parents portent sur le travail des enfants. Parfois, ceux-ci n'associent pas immédiatement de connotations négatives au travail des enfants, qui leur assure un revenu, même modeste, et peut permettre aux enfants d'acquérir une formation minimum. Cette perspective est parfois plus attirante que la seule autre solution possible à leurs yeux, soit une scolarisation inadaptée conduisant au chômage. Ainsi, ils ne voient pas nécessairement d'un bon œil l'intervention des inspecteurs du travail. Pour les inspecteurs, il est difficile de réagir face à des personnes qui risquent d'être hostiles. En outre, ils doivent souvent avoir recours à des mesures de contrainte légales, voire physiques, pour remplir leurs obligations. Ce comportement difficile à défendre du point de vue professionnel pose aussi un grave problème de sécurité pour les intéressés. La question renvoie par ailleurs au problème, plus vaste, de savoir quelle doit être la conduite des inspecteurs dans les cas où ils sont confrontés à la violence et à un environnement dangereux. Ce problème montre combien il est nécessaire d'améliorer, de manière générale, le statut et les conditions de travail des inspecteurs du travail (voir ci-dessous).
36. Un large consensus s'est dessiné sur la nécessité, pour les inspecteurs du travail, de coordonner davantage leur travail avec celui des autres spécialistes ou acteurs concernés. Ce principe, qui vaut pour l'ensemble de l'inspection du travail et qui est notamment évoqué à l'article 9 de la convention no 81, est tout particulièrement vérifié dans le cas du travail des enfants, car certains aspects du problème concernent d'autres spécialistes plus directement encore (prostitution enfantine ou participation à des activités illicites par exemple). Cette approche coordonnée a également été désignée sous le terme d'approche intégrée, multidisciplinaire ou globale, ce qui revient pour finir à la même notion: il s'agit de maximiser l'effet des efforts menés par les inspecteurs du travail afin d'éviter les chevauchements, de mieux utiliser des ressources déjà rares et de faire gagner du temps aux intéressés. De nombreux experts ont rapporté des expériences réussies dans ce domaine, en mentionnant des exemples de réformes menées au sein des systèmes d'inspection du travail eux-mêmes et en évoquant notamment des cas de collaboration avec la police, les services sociaux et les tribunaux pour enfants. Le recours à des intermédiaires s'est également révélé très fructueux pour traiter certains aspects sensibles du travail des enfants.
37. Une grande partie de la discussion a porté sur les aspects pratiques des différentes approches adoptées, mais la question de la volonté politique, qui est un élément nécessaire à la lutte contre le travail des enfants, et des moyens de la susciter est également revenue à plusieurs reprises. Le problème central est le suivant: si l'on considère qu'il existe dans ce domaine un appareil normatif international et que les conventions pertinentes ont été ratifiées par de nombreux pays, comment expliquer que les textes en question sont si peu appliqués? Les inspecteurs du travail sont de toute évidence appelés à intervenir au moment où la législation de leur pays est modifiée pour permettre l'application des instruments ratifiés. C'est à ce stade-là qu'ils peuvent transformer les directives en règlements nationaux adaptés, à force exécutoire, et en pratiques exemplaires.
38. La question de l'organisation de l'inspection du travail est également revenue tout au long de la discussion. L'article 4 de la convention no 81 dispose clairement que l'inspection du travail doit être placée sous la surveillance et le contrôle d'une autorité centrale, pour autant que cela est compatible avec la pratique administrative du Membre. Cependant, selon les pays, l'inspection du travail dépend à différents degrés d'un organe central, régional ou local. Plus l'inspection du travail échappe à l'autorité centrale, plus grand est le risque que des intérêts matériels restreignent son indépendance. Les pressions visant à modifier l'organisation de l'inspection du travail répondent souvent à la volonté de limiter le coût de son fonctionnement, sans qu'il soit tenu compte des avantages également économiques qui en découlent. Cette question est particulièrement préoccupante dans les pays en développement parce que, habituellement, les programmes d'ajustement structurel comprennent l'obligation de diminuer les dépenses publiques et de réduire les services publics dans une proportion parfois considérable. Ceci a des effets tout à fait néfastes sur l'indépendance de l'inspection du travail et sur son fonctionnement, avec des retombées évidentes sur la capacité des inspecteurs à lutter véritablement contre le travail des enfants.
39. Le tripartisme a manifestement un rôle essentiel dans tous les efforts visant à établir les moyens qui permettront aux inspecteurs du travail à contribuer à la lutte contre le travail des enfants. La participation des gouvernements, des organisations d'employeurs et de travailleurs dans ce contexte est réitérée. Certains experts ont cité des pratiques exemplaires conçues par les employeurs, qui servent de modèle type et font pendant aux exemples d'exploitation et d'emploi illicites d'enfants. Les organisations de travailleurs ont un rôle patent à jouer pour détecter les cas d'utilisation de main-d'œuvre infantile, notamment dans les lieux de travail non structurés ou «invisibles»; rendre compte des risques et des conditions de travail inacceptables et participer activement aux comités de santé et de sécurité ou autres institutions analogues. Les principes de liberté d'association et de sécurité au travail sont des éléments clés, car leur violation entrave la tâche des inspecteurs qui se heurtent à la crainte de la part des travailleurs de représailles ou de licenciements. Il existe une complémentarité entre la liberté d'association et l'aptitude des adultes à être décemment rémunérés pour subvenir aux besoins de leur famille sans avoir à compter sur le supplément de revenus de leurs enfants. La mission incombant aux inspecteurs dans la lutte contre le travail des enfants ne doit absolument pas se traduire par une réduction des services d'inspection dans les lieux de travail du secteur structuré, tout amoindrissement de leur intervention dans ce secteur risquant de l'affaiblir partout ailleurs.
40. La réflexion sur le rôle des inspecteurs du travail dans la lutte contre le travail des enfants a conduit les participants à s'intéresser à plusieurs reprises au statut des intéressés et aux conditions dans lesquelles ils travaillent, un aspect qui revêt une grande importance dans la perspective adoptée. De manière générale, il a été dit qu'il fallait renforcer le statut des inspecteurs et améliorer leurs conditions de travail pour que l'inspection du travail soit le plus efficace possible. Les inspecteurs du travail subissent souvent des pressions considérables et indues visant à les empêcher d'effectuer leurs tâches comme ils le devraient parce qu'ils pourraient, ce faisant, faire peser une menace sur des intérêts économiques parfois considérables pour l'entreprise concernée ou pour la collectivité locale. Il faut donc que les inspecteurs bénéficient de la reconnaissance, du respect et du soutien des autorités politiques et de la communauté, ce qui est difficile lorsque leur indépendance est menacée, leur statut modeste, leur rémunération insuffisante et leurs conditions de travail mauvaises. C'est malheureusement la situation qui prévaut souvent et, dans ces conditions, il faut s'attendre à une motivation limitée et à des performances insuffisantes, voire à des actes de corruption et à une érosion supplémentaire du statut des intéressés. Plusieurs experts ont évoqué la difficulté des services d'inspection de leur pays à recruter des jeunes, ce qui reflète le même problème. Parmi les solutions possibles évoquées, il a été question de l'augmentation des rémunérations et de l'amélioration des conditions de travail, qui doit revêtir plusieurs formes et non pas se limiter à une simple augmentation des effectifs. L'inspection du travail n'a pas pour simple mission de se rendre sur la totalité des lieux de travail, un objectif qui serait par ailleurs irréalisable. S'il est important d'étoffer et d'améliorer la formation et de fournir des équipements techniques modernes, il faut avant tout garantir que l'inspection du travail est responsable devant une autorité centrale et parvenir à inciter la direction à imaginer des modalités plus efficaces pour la réalisation des tâches revenant à l'inspection du travail.
Discussion
générale sur les meilleures pratiques
et approches
41. La discussion générale a été truffée d'exemples de pratiques et approches adoptées dans les systèmes en vigueur dans les pays des experts présents. Nombre d'entre eux ont exposé les systèmes d'inspection du travail de leur pays en détaillant les solutions fructueuses et les meilleures pratiques conçues dans chaque cas, allant d'une organisation centrale à d'autres systèmes régionaux ou locaux. Nombre d'experts ont évoqué le besoin d'établir des systèmes de collecte de données fiables sur tous les aspects du travail des enfants susceptibles d'intéresser l'inspection, notamment l'enregistrement des naissances et les registres de fréquentation scolaire.
42. Certains éléments se détachent des exemples cités. Ainsi, la nécessité de concevoir soigneusement une coordination avec les autres organismes concernés ou avec les partenaires sociaux, les organisations non gouvernementales, les écoles, les services de protection de la jeunesse, les chefs religieux ou communautaires, etc. De telles démarches conjointes contribuent grandement, entre autres, à sensibiliser le public au travail des enfants. Autre conception, fixer des stratégies, avec les efforts, par exemple, sur le secteur non structuré, certaines branches d'activité (industrie houillère, agriculture, sylviculture), les risques associés à l'emploi de produits chimiques, de pesticides et autres. Des experts ont invité à s'attacher aux besoins de développement des enfants: scolarité, soins de santé, autres formes d'activités lucratives, etc. A titre d'exemple, est citée la création d'une équipe spéciale nationale chargée de soustraire les enfants à des conditions de travail dangereuses, et ce en recourant à la coordination et en organisant des visites inopinées dont la presse s'est fait l'écho pour sensibiliser le public. Dans un autre cas, un modèle des ressources a été établi. Il permet d'enregistrer le nombre des enfants employés, le nom des entreprises impliquées et le nombre d'inspecteurs disponibles, et de déterminer par quels moyens il peut être possible d'améliorer le respect du droit en vigueur. Dans un autre projet, l'inspection a passé un contrat avec les forces de police pour s'initier aux méthodes d'investigation et aux droits constitutionnels de la personne.
43. Les besoins des inspecteurs du travail en matière de formation ont été évoqués à de multiples reprises, par tous les experts ou presque. Mention a été faite notamment des disciplines nouvelles fort nombreuses pour lesquelles ceux-ci ont besoin de formations et de conseils, ce qui rend nécessaire la mise au point et l'utilisation de manuels de formation spécifiques.
44. La question du suivi a suscité beaucoup d'intérêt et a constitué le sujet d'étude d'un groupe de travail. Plusieurs exemples dans lesquels cette approche avait été adoptée avec succès ont été présentés à cette occasion: il s'agit du projet de l'OIT/UNICEF/BGMEA dans l'industrie du vêtement au Bangladesh; des projets menés à Sialkot, Pakistan, dans une fabrique de ballons de football et une fabrique d'instruments chirurgicaux; ainsi que d'un projet à Lahore, Pakistan, dans une manufacture de tapis. Tous comportent deux volets: surveillance et vérification, d'une part, et, de l'autre, réadaptation des enfants concernés.
Présentation
des recommandations
des deux groupes de travail et désignation
des membres du groupe de rédaction
45. M. F. Nolla Fernandez, rapporteur du groupe de travail 1, a présenté les recommandations de son groupe, de même que Mme Corlis Sellers, rapporteur de l'autre groupe de travail.
46. M. Steyne a déploré l'absence d'interprétation durant les réunions du groupe informel. Les débats en ont été ralentis ainsi que l'ensemble des travaux. M. Aziz a exprimé également des regrets.
47. La réunion a désigné les experts suivants en qualité de membres du groupe de rédaction chargé de rédiger les recommandations en vue d'une action future: MM. Majyd Aziz, A. Echavarría Saldarriaga, J. Kleynhans, A. Lodwick, F. Nolla Fernandez, Mme Birgitta Normann, Mme Corlis Sellers, MM. Eliud Shivachi, Seenithamby Sivagnanam, Simon Steyne, J.G. Tobar Anouch.
Examen et adoption
du projet de recommandations
et du projet de rapport
48. A sa dernière séance, le groupe de rédaction a présenté son projet de recommandations à la réunion. Plusieurs amendements ont été proposés dont certains ont été approuvés par la réunion.
49. A la même séance, la réunion a adopté à l'unanimité les recommandations telles qu'amendées et le présent rapport. Il a été convenu que des changements rédactionnels mineurs pourraient, le cas échéant, être apportés au texte du rapport.
Genève, le 1er octobre 1999.
(Signé) András Békés,
Président.
A. Dans le contexte des politiques nationales en matière de travail et de protection sociale, les gouvernements, en étroite collaboration avec les organisations d'employeurs et de travailleurs, devraient créer, promouvoir et garantir un cadre politique et directeur qui souligne pleinement l'importance que revêt l'abolition du travail des enfants. Les ministères du Travail ont à cet égard une responsabilité particulière. C'est seulement avec une forte volonté politique que l'inspection du travail d'un Etat Membre peut jouer un rôle de tout premier plan dans l'éradication du travail des enfants, et en particulier de ses pires formes. Par conséquent:
1. Les Membres devraient observer la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, 1998, qui fait obligation à tous les Etats Membres, du seul fait de leur appartenance à l'Organisation, de respecter, promouvoir et réaliser les principes contenus dans toutes les normes essentielles du travail, dont l'abolition effective du travail des enfants.
2. Les Membres devraient ratifier les conventions de l'OIT relatives au travail des enfants, en particulier la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, et la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, ainsi que sur l'inspection du travail, notamment la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, le Protocole de 1995 à la convention sur l'inspection du travail, 1947, la convention (no 129) sur l'inspection du travail (agriculture), 1969, et la convention (no 150) sur l'administration du travail, 1978. En outre, ils devraient tenir compte des recommandations complémentaires de l'OIT (nos 20, 81, 82, 133, 146, 158 et 190) pour formuler leur cadre directeur.
3. Les Membres devraient établir une politique nationale globale sur l'inspection du travail, ainsi que des mesures d'application cohérentes et systématiques qui devraient comprendre une politique claire en matière d'inspection du travail des enfants et des questions connexes.
4. Les Membres devraient établir des corpus législatifs clairs et exhaustifs en matière de travail des enfants et d'inspection du travail pour donner sa pleine expression au cadre directeur, renforcer les prérogatives de l'inspection du travail chargée de vérifier l'application de la législation relative au travail des enfants. La législation sur le travail des enfants et la législation sur l'inspection du travail devraient porter sur tous les types de formules d'emploi ou de travail, formels ou informels.
5. Tout engagement politique devrait prévoir l'allocation de crédits suffisants nécessaires à l'entretien et au fonctionnement d'un véritable service d'inspection du travail pour faire en sorte qu'il contribue à améliorer les conditions de travail et à éradiquer le travail des enfants. En outre, il conviendrait d'allouer des ressources suffisantes pour la réadaptation et l'intégration sociale des enfants soustraits au travail.
B. L'inspection du travail devrait, si possible, dépasser les normes minimales figurant à l'article 3 de la convention no 81 (et à l'article 6 de la convention no 129) et jouer un rôle plus dynamique visant la prévention. Lors d'une inspection, les inspecteurs du travail devraient non seulement découvrir les enfants travaillant illégalement, les soustraire du lieu de travail, le cas échéant, et interdire à l'employeur de continuer à les employer, mais aussi servir de conseil et contribuer à élaborer des mesures destinées à compléter toute action de surveillance.
C. L'inspection du travail devrait jouer un rôle actif dans la détermination au plan national, visée à l'article 4 de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, de la liste exacte des activités dangereuses qu'il faut interdire pour les enfants de moins de 18 ans et éliminer de toute urgence.
D. Les services d'inspection du travail devraient être techniques, professionnels et efficaces, fonctionner au sein de structures compétentes et comprendre un effectif suffisant d'inspecteurs dûment formés, préparés et motivés. Tout service spécialisé de l'inspection du travail devrait utiliser les ressources existantes de façon économique et systématique, notamment en classant, aménageant et programmant convenablement toutes les activités qu'il doit accomplir selon la loi. Un tel service devrait s'inscrire dans un système administratif du travail plus large, dirigé par des cadres compétents et soutenu par les autorités politiques responsables.
E. Les inspecteurs devraient être bien renseignés, indépendants et rompus également aux questions relatives au travail des enfants. Maîtriser ces questions et se soucier de la situation des enfants qui travaillent, en particulier dans des activités dangereuses, sont essentiels pour qu'ils contribuent efficacement à l'abolition du travail des enfants.
F. Pour remédier au travail des enfants, l'inspection du travail devrait aménager et prévoir ses activités de sorte que tout établissement passible d'inspection, connu pour employer des enfants ou soupçonné de le faire, soit inspecté à intervalles réguliers et devrait réagir promptement aux plaintes.
1. Les inspections devraient contribuer à collecter des renseignements sur la nature et l'étendue du travail des enfants, en les ventilant, si possible, comme le suggère l'alinéa 2 du paragraphe 5 de la recommandation (no 190) sur les pires formes de travail des enfants.
2. Ces renseignements devraient être stockés dans une base de données qui reflète la situation à l'échelon de l'entreprise, ainsi que dans un système de gestion de l'information sur le lieu de travail et être rendus accessibles aux fins d'aménagement, de suivi, de recherche, etc.
3. Les renseignements devraient servir d'instrument de gestion à l'administration du travail pour qu'elle se consacre au travail des enfants, en particulier à ses pires formes.
4. Les renseignements devraient contribuer à constituer une base nationale de données sur le travail des enfants et servir à élaborer des publications sur le travail des enfants, par exemple sur sa situation actuelle à l'échelon national; le ministère du Travail pourrait les utiliser pour élaborer les politiques ou à des fins de mobilisation et de sensibilisation.
5. Les renseignements collectés devraient être communiqués au Bureau international du Travail dans une forme appropriée, par exemple dans le cadre de rapports aux termes de l'article 22 de la Constitution.
G. Pour mettre fin au travail des enfants, il convient d'adopter un vaste ensemble de mesures qui rendent nécessaire la collaboration avec d'autres acteurs. Il faudra ainsi s'assurer que les inspecteurs du travail œuvrent en étroite collaboration avec d'autres services de l'administration du travail. En outre, les services de l'administration du travail doivent travailler en étroite coopération avec les services chargés de la santé, de l'éducation, de la formation professionnelle, de l'aide sociale et de l'orientation des enfants et des jeunes.
H. Il conviendra de chercher à créer une relation de travail dynamique et satisfaisante avec les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs à tous les niveaux et avec d'autres groupes concernés comme les ONG, ces acteurs étant souvent bien placés pour détecter les cas d'exploitation et aider les enfants qui ont été soustraits au travail.
I. En outre, les inspecteurs du travail chargés du problème du travail des enfants devraient disposer des compétences nécessaires et être conseillés par des spécialistes afin de pouvoir garantir que les dispositions relatives aux activités professionnelles dangereuses sont bien appliquées. Il convient pour cela d'apprendre aux inspecteurs du travail à reconnaître les substances, méthodes ou conditions de travail qui présentent un danger.
J. Pour lutter contre les pires formes du travail des enfants, les inspecteurs du travail doivent pouvoir émettre des avis ordonnant l'amélioration, l'arrêt ou l'interdiction d'activités données en sus de leurs activités d'inspection et de poursuite. Il faut prévoir des sanctions efficaces et adopter toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la police et le système judiciaire soutiennent véritablement l'autorité de l'inspection du travail.
K. Les inspecteurs du travail devraient être protégés, en leur qualité d'agents du gouvernement, et ils devraient bénéficier d'une protection policière dans les situations qui présentent un risque ou un danger évident pour leur intégrité physique. En outre, ils devraient être indemnisés dans le cas où des poursuites en justice seraient intentées à leur encontre en raison d'actes dûment effectués dans le cadre de leurs fonctions.
L. Les services de l'administration du travail doivent également mettre au point des activités innovatrices pour toucher le secteur non structuré. Ces activités peuvent consister, par exemple, à sensibiliser la communauté au problème, à contribuer à l'information des employeurs, des coopératives, des organisations de producteurs et des syndicats, ou à établir des relations de travail avec des organisations d'employeurs ou de travailleurs, des ONG, des organisations confessionnelles et des organisations de femmes. Leur stratégie devra également comprendre des méthodes destinées à sensibiliser parents et enfants aux dangers et aux risques professionnels du travail des enfants. Il conviendra de mettre au point des mécanismes novateurs pour toucher les populations analphabètes.
M. L'inspection du travail devrait être dotée de structures internes propres à garantir un contrôle et une prévention efficaces du travail des enfants.
N. Il conviendra de renforcer les services d'inspection en s'assurant que les inspecteurs jouissent de conditions de travail convenables, équivalant au moins aux normes établies par les instruments pertinents de l'OIT, notamment dans l'alinéa 1, article 6 de la convention no 81, et dans l'alinéa 1, article 8 de la convention no 129. Tous les efforts nécessaires seront entrepris pour assurer, au sein des services de l'inspection, un équilibre du point de vue de la race, du sexe, de l'origine ethnique, de la religion et de la distribution géographique et pour assurer l'existence d'un système de formation interne.
O. Toute politique nationale portant sur le fonctionnement de l'inspection du travail devra, pour être complète, comprendre des instructions précises sur l'inspection du travail et le travail des enfants qui devraient:
1. souligner que la prévention est une priorité et mettre au point des méthodes d'intervention favorisant cette approche;
2. s'attacher à établir un équilibre entre les activités de conseil et les activités de contrôle, les visites à l'improviste et l'utilisation de sanctions motivées;
3. prévoir l'utilisation de méthodes complémentaires sous la forme d'enregistrement des naissances, de registres de fréquentation scolaire, de services d'information, d'apparitions dans les médias, de programmes d'application de la loi et de codes de conduite volontaires, de protocoles d'entente et de systèmes de surveillance fiables, en collaboration avec d'autres acteurs si cela s'avère nécessaire.
P. Cette politique devrait comprendre des méthodes propres à inciter, encourager et persuader ceux qui emploient des enfants de respecter la loi de manière durable.
Pour donner suite aux principes et aux droits contenus dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, 1998, l'OIT, qui est l'organisation internationale mandatée par sa Constitution, ainsi que l'organe compétent pour établir les normes internationales du travail et s'en occuper et pour promouvoir les droits fondamentaux au travail, devrait:
1. Promouvoir avec énergie la ratification et la pleine application des conventions de l'OIT portant sur l'inspection du travail et sur le travail des enfants et l'acceptation des recommandations qui les accompagnent, notamment la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, le Protocole de 1995 à la convention sur l'inspection du travail, 1947, la convention (no 129) sur l'inspection du travail (agriculture), 1969, la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, la convention (no 150) sur l'administration du travail, 1978, et la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.
2. Soutenir, dans le plein respect du tripartisme, les activités entreprises par les Etats Membres en vue de mettre fin au travail des enfants par le biais des programmes de coopération technique de son Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), et soutenir en permanence les projets durables et les systèmes de surveillance et de vérification fiables.
3. Développer et renforcer encore l'administration du travail de chacun des Etats Membres, leur système d'inspection du travail notamment, en multipliant ses services consultatifs et ses programmes de coopération technique qui devront viser, entre autres choses, à renforcer l'autorité des inspecteurs, leur statut, leur liberté d'action et leurs droits en matière d'emploi.
4. Soutenir la coopération interinstitutions en matière d'application et de contrôle et renforcer la coopération entre les différents services de l'OIT, à la fois au siège et sur le terrain, en veillant notamment à ce que les équipes multidisciplinaires (EMD) acquièrent de nouvelles compétences dans le domaine de l'administration du travail.
5. Fournir une assistance technique aux inspections du travail des Etats Membres afin qu'ils soient en mesure de lutter contre le travail des enfants; il s'agira notamment de:
a) fournir un soutien technique au plan régional et national pour l'élaboration de mesures adaptées et, si cela s'avère nécessaire, pour la mise au point de réformes législatives et structurelles;
b) dispenser des formations sur les conventions de l'OIT, notamment sur la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, sur la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et sur les recommandations qui leur sont assorties, en rappelant les éléments caractéristiques des pires formes du travail des enfants et des travaux dangereux tels qu'ils sont définis par la convention no 182 et la recommandation no 190;
c) dispenser des formations sur l'application de la législation relative au travail des enfants, qui devront montrer comment s'attaquer en priorité aux pires formes de travail des enfants;
d) mettre au point des modules de formation portant sur l'inspection du travail en général et sur le travail des enfants en particulier, qui seront accompagnés des instructions correspondantes.
6. Continuer, par le biais de l'IPEC et en collaboration avec les gouvernements, les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs, les ONG et les organisations internationales comme l'UNICEF, à élaborer des programmes sectoriels et à les mettre à exécution, en prévoyant à la fois des activités de contrôle sur la situation du travail des enfants et des programmes de réadaptation qui devront comprendre la diffusion, par le biais des publications du BIT, des pratiques exemplaires en matière de systèmes de surveillance et de vérification.
7. Continuer, sur la base de la Déclaration, d'approfondir la relation de coopération qui l'unit au reste du système des Nations Unies et aux agences multilatérales, en tenant compte qu'il faut des stratégies internationales visant à l'élimination effective du travail des enfants et au renforcement des services d'inspection du travail.
1. Adopté à l'unanimité.
2. Adoptées à l'unanimité.