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L’élimination de toute forme
de travail forcé ou obligatoire

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Etats-Unis

Moyens d’appréciation de la situation

Evaluation du cadre institutionnel

Le principe de l’élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire est clairement reconnu aux Etats-Unis.

Au XIXe siècle, les Etats-Unis ont connu une guerre civile extrêmement sanglante dont l’un des enjeux était le maintien ou la suppression de l’esclavage. A l’issue de cette guerre, les Etats-Unis ont modifié leur Constitution pour y inclure le treizième amendement.

Cet amendement est la principale disposition constitutionnelle concernant le travail forcé ou obligatoire aux Etats-Unis. Il prohibe expressément l’esclavage et la servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment convaincu. Cet amendement se lit comme suit:

Section 1: Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment convaincu, n’existeront aux Etats-Unis ou dans aucun endroit soumis à leur juridiction.

Section 2: Le Congrès aura pouvoir pour donner effet au présent article par une législation appropriée.

Le treizième amendement est d’application immédiate; il n’est donc pas nécessaire, pour abolir l’esclavage, de le compléter par des dispositions législatives. Voir affaires relatives aux droits civils, 109 U.S. 3, 20 (1883). Toutefois, conformément aux pouvoirs que lui confère la section 2 du treizième amendement, le Congrès a adopté une législation visant à faciliter l’application de cet amendement. Les dispositions de l’article 1994 de l’U.S.C. (titre 42) (United States Code, Recueil des lois) abolissent le péonage et interdisent de réduire une personne en péonage ou de la maintenir dans cet état ou d’aider à réduire une personne en péonage ou à la maintenir dans cet état [voir Clyatt c. Etats-Unis, 197 U.S. 207 (1905); Etats-Unis c. Gaskin, 320 U.S. 527 (1944)]. Les articles 1581 à 1588 de l’U.S.C. (titre 2) établissent les peines encourues par les auteurs de ces pratiques et des pratiques connexes.

En interdisant l’esclavage et la servitude involontaire "aux Etats-Unis et dans tout endroit soumis à leur juridiction", le treizième amendement interdit donc au gouvernement fédéral, aux gouvernements des Etats et aux territoires soumis à la juridiction des Etats-Unis de se livrer à ces pratiques. En outre, contrairement à la plupart des autres dispositions de la Constitution qui délimitent les pouvoirs du gouvernement fédéral et des gouvernements des Etats, le treizième amendement s’applique directement aux actes des individus. Evidemment, dans la mesure où l’article IV de la Constitution dispose que la Constitution et la législation fédérale constituent la loi suprême du pays, les interdictions énoncées dans le treizième amendement valent aussi pour l’Etat, qu’il s’agisse du pouvoir judiciaire, du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif.

Les droits énoncés dans le treizième amendement sont d’autant mieux protégés contre les abus des Etats que le quatorzième amendement interdit à ceux-ci de refuser à quiconque relève de leur juridiction l’égale protection des lois. Par conséquent, aucune agence d’Etat ni aucun des agents par lesquels elle exerce ses pouvoirs ne peut refuser la protection du treizième amendement à une personne relevant de sa juridiction, pour des raisons liées à la race, à la couleur ou à la nationalité de cette personne [Yick Wo c. Hopkins, 118 U.S. 356, 369 (1886); Levy c. Louisiana, 391 U.S. 68, 70 (1968); Graham c. Richardson, 403 U.S. 365, 371 (1971)].

Outre les garanties constitutionnelles décrites plus haut, les Etats-Unis disposent d'une loi fédérale qui fait obligation à "chaque employeur" de verser "à chacun de ses employés" un salaire minimum (29 U.S.C., § 216). Le gouvernement fédéral veille scrupuleusement au respect de cette disposition. L’article 216 de l’U.S.C. (titre 19) établit les peines encourues par quiconque viole les obligations en la matière énoncées dans la législation fédérale: paiement de dommages et intérêts, amendes ou emprisonnement. Ces normes relatives au salaire minimum contribuent pour beaucoup, tout autant que n’importe quelle autre disposition constitutionnelle, à la mise en place aux Etats-Unis d’un système où le travail est une activité totalement volontaire et rémunérée. Il existe également aux Etats-Unis des dispositions législatives fédérales exigeant le paiement des heures supplémentaires (29 U.S.C., § 207) et interdisant le travail des enfants (29 U.S.C., § 212) et la discrimination en matière d’emploi (42 U.S.C., § 2000). Ces dispositions contribuent elles aussi à la mise en place et au maintien d’un système où le travail est une activité volontaire et rémunérée.

Comme les Etats-Unis l’ont déjà indiqué dans leurs précédents rapports à l’OIT, il arrive fréquemment que les tribunaux définissent des termes législatifs ou constitutionnels dans leurs décisions. Ils donnent depuis longtemps à l’expression "servitude involontaire" un sens beaucoup plus large qu’au mot "esclavage". Dans l’affaire Plessey c. Ferguson [163 U.S. 537 (1896)], la Cour suprême a défini la servitude involontaire comme le fait, pour une personne, d’effectuer un travail et des services au profit d’un tiers sous l’empire d’une contrainte extérieure et d’être privée du droit légitime de disposer d’elle-même, de ses propres biens ou de ses propres services. En outre, la Cour suprême a estimé que l’interdiction de la "servitude involontaire" par le treizième amendement s’applique à la pratique du péonage, qu’elle a définie de manière très large comme étant "un service obligatoire effectué en paiement d’une dette" [voir Baily c. Alabama, 219 U.S. 219, 242 (1911) ainsi que les affaires concernant le péonage, 123 F.671 (D.C. Ala. 1903)].

Le treizième amendement a une portée très large. La Cour suprême a fait observer qu’il avait pour but non seulement de mettre fin à l’esclavage après la guerre civile américaine, mais aussi de maintenir un système de travail totalement volontaire [Pollock c. Williams, 322 U.S. 4, 17 (1944)]. En outre, la Cour suprême a très tôt fait observer, dans l’une de ses décisions, que le treizième amendement interdit toute forme d’esclavage et pas seulement l’esclavage concernant les Noirs [Slaughter House Cases, 83 U.S. 36, 69-72 (1872)].

Le treizième amendement a été interprété dans un sens si large qu'il interdit en fait "toutes les pratiques" qui mettent en jeu une forme quelconque de sujétion ayant les mêmes effets que l’esclavage, "soit directement lorsqu’un Etat use de son pouvoir pour renvoyer un serviteur auprès de son maître …, soit indirectement lorsqu’une personne qui a quitté le service de son employeur se voit infliger une sanction pénale" [Etats-Unis c. Shackney, 333 F.2d 475, 485 (2d Cir. 1964)].

L’OIT s’est déclarée préoccupée par la tendance qu’ont certains pays industriels tels que les Etats-Unis à privatiser l’administration pénitentiaire et à faire travailler les prisonniers pour des entreprises privées. C’est pourquoi l’OIT a prié tous les gouvernements d’indiquer quelles étaient leur législation et leur pratique actuelles en la matière. Les Etats-Unis continueront d’envoyer à l’OIT des informations complémentaires sur leur législation et leur pratique et s’efforcent d’évaluer l’évolution actuelle de la situation dans ces domaines.

Evaluation de la situation dans la pratique

Aux Etats-Unis, de nombreuses unités administratives ont créé des prisons privées et ont permis aux autorités pénitentiaires de faire travailler les prisonniers pour des entreprises privées. Au cours des deux dernières décennies, aux Etats-Unis comme dans plusieurs pays développés, le nombre de prisons privées a augmenté et la pratique consistant à faire travailler les prisonniers pour des entreprises privées s’est étendue. Par exemple, environ 70 000 personnes, soit environ 4 pour cent de la population carcérale totale des Etats-Unis, sont incarcérées dans des prisons des Etats ou des prisons locales qui appartiennent à des sociétés à but lucratif ou sont gérés par ces sociétés. Les Etats-Unis ont joint à leurs précédents rapports la dixième édition du recensement de la population carcérale adulte détenue dans les prisons privées. Ce recensement est préparé par le Private Corrections Project du Centre d’études criminologiques et légales de l’Université de Floride. Le recensement décrit de façon très détaillée la situation des établissements carcéraux privés pour adultes aux Etats-Unis et ailleurs. Il donne également des informations sur l’augmentation du nombre des prisons privées, en particulier au cours de la dernière décennie.

Les prisons des Etats et les prisons locales adoptent de plus en plus souvent la pratique consistant à faire travailler les détenus pour des entreprises privées. D’après le ministère de la Justice, 30 Etats ont légalisé cette pratique depuis 1990.

Actuellement, le système pénitentiaire fédéral ne permet ni la création de prisons privées ni le travail des détenus pour des entreprises privées. Les prisons fédérales gèrent toutefois, dans leur enceinte, des locaux où sont produits des biens pour le gouvernement fédéral (voir 28 C.F.R., §§ 345.10-345.84).

Il convient en outre de donner des explications sur certains aspects généraux des prisons privées aux Etats-Unis. Premièrement, la décision d’autoriser la création de prisons privées dans un Etat ou une localité est prise par les élus de cet Etat ou de cette localité. Deuxièmement, l’Etat continue de contrôler le fonctionnement de l’institution privée. Généralement, il exerce ce contrôle en imposant aux prisons et aux établissements correctionnels privés diverses normes minimales. Celles-ci figurent soit dans les lois soit dans le contrat que la compagnie privée signe avec l’Etat en vue de construire ou de gérer une prison.

De même, le gouvernement exerce, au moyen de la législation et d’arrangements contractuels, un contrôle très important sur la pratique consistant à faire travailler les détenus pour des sociétés privées. Si l’on recourt à cette pratique, c’est généralement pour abaisser les coûts qu’entraîne une population carcérale en rapide augmentation. On considère par ailleurs qu’en travaillant les prisonniers acquerront les compétences et les habitudes nécessaires pour accroître leurs chances de travailler après leur mise en liberté et de ne pas récidiver.

Comme on l’a vu plus haut, le treizième amendement vise à doter les Etats-Unis d’un système où le travail est une activité totalement volontaire [Pollack c. Williams, 322 U.S. 4 (1944)]. Le treizième amendement s'applique sans aucune exception à toutes les catégories d’emplois et à tous les secteurs de l’économie.

Les efforts déployés ou envisagés en vue
du respect, de la promotion et de la réalisation
de ces principes et droits

Toutefois, comme on l’a indiqué plus haut, le treizième amendement est d’application immédiate; conformément aux pouvoirs que la section 2 du treizième amendement confère au Congrès, celui-ci a adopté une législation visant à faciliter l’application de cet amendement. Par exemple, les dispositions de l’article 241 de l’U.S.C. (titre 18), qui s’appliquent à la fois aux personnes travaillant dans le secteur privé et aux agents de l’Etat, et les dispositions de l’article 242 de l’U.S.C.(titre 18), qui s’appliquent uniquement aux agents de l’Etat, établissent les peines encourues par les personnes qui se livrent à la pratique du travail forcé en violation du treizième amendement. Les articles 241 et 242 susmentionnés interdisent de priver quiconque des droits garantis par la Constitution des Etats-Unis et disposent notamment ce qui suit:

Si deux personnes ou plus se mettent d’accord pour léser, opprimer, menacer ou intimider un habitant quelconque d’un Etat, d’un territoire ou d’un district quel qu’il soit afin de l’empêcher d’exercer librement tout droit ou privilège qui lui est garanti par la Constitution ou les lois des Etats-Unis ou parce qu’il exerçait ces droits ou privilèges; ou

Si deux personnes ou plus se trouvent déguisées sur la voie publique ou sur la propriété d’une autre personne dans l’intention de l’empêcher d’exercer librement l’un quelconque des droits ou privilèges qui lui est garanti,

Elles seront punies d’une amende d’un montant maximum de 10 000 dollars ou d’une peine de prison d’une durée maximum de dix ans, ou de ces deux peines; et, si la mort s’en est suivie, la peine sera celle de la réclusion criminelle à temps ou à perpétuité.

L’individu qui, sous le couvert d’une loi, d’un décret, d’un règlement ou d’une coutume quel qu’il soit, aura délibérément privé un habitant d’un Etat, d’un territoire ou d’un district quel qu’il soit de l’un quelconque des droits, privilèges et immunités protégés par la Constitution ou la législation des Etats-Unis … sera puni d’une amende d’un montant maximum de 1 000 dollars ou d’une peine de prison d’une durée maximum de dix ans, ou de ces deux peines; si la mort s’en est suivie, la peine sera celle de la réclusion criminelle à temps ou à perpétuité (18 U.S.C., §§ 241-2).

En outre, les dispositions de l’article 1994 de l’U.S.C. (titre 42), qui s’appliquent à la fois au secteur privé et au secteur public, abolissent le péonage, qui est une forme de servitude involontaire fondée sur un endettement réel ou supposé. Les personnes qui se livrent à cette pratique et à des pratiques connexes sont punies des peines prévues par les articles 1581 à 1588 de l’U.S.C. (titre 18). L’article 1581 se lit comme suit:

a) Quiconque réduit une personne en péonage ou la ramène dans cet état, ou arrête une personne dans l’intention de la réduire en péonage ou de la ramener dans cet état, sera puni d’une amende d’un montant maximum de 5 000 dollars ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximum de cinq années, ou de ces deux peines.

b) Quiconque empêche ou entrave ou cherche à empêcher ou à entraver, de quelque manière que ce soit, l’application du présent article sera puni des peines prévues à l’alinéa a).

Les articles 1983 et 1985 de l’U.S.C. (titre 42) prévoient également d’autres mesures visant à prévenir la privation des droits garantis par la Constitution ou les lois des Etats-Unis. L’article 1983 de l’U.S.C. (titre 42) autorise généralement un droit de recours contre les personnes qui, sous le couvert d’une loi de l’Etat, privent d’autres individus des droits que leur confèrent la Constitution ou d’autres lois des Etats-Unis. Les dispositions de l’article 1985 de l’U.S.C. (titre 42) autorisent un droit de recours contre les personnes qui se mettent d’accord pour priver d’autres personnes de leurs droits civils, notamment de leur droit à une protection égale.

Il convient de faire observer qu’aux Etats-Unis l’application de l’interdiction du travail forcé prévue par le treizième amendement ne se fait généralement pas par des inspections régulières du gouvernement. Les personnes lésées ont le droit, en vertu du treizième amendement, de saisir un tribunal de district fédéral pour violation de leurs droits civils, notamment la pratique illégale du travail forcé.

En outre, les fonctionnaires qui ont violé le treizième amendement ou les individus qui ont violé les lois relatives au péonage peuvent être poursuivis en vertu des dispositions susmentionnées relatives à l’application du treizième amendement [voir articles 241, 242 et 1581 de l’U.S.C. (titre 18)].

Comme on l’a indiqué plus haut, les Etats-Unis maintiennent un système d’emploi dans lequel chaque travailleur doit recevoir au moins un salaire minimum, une rémunération pour les heures supplémentaires effectuées et d’où le travail des enfants est banni. C’est le ministre du Travail des Etats-Unis qui veille à l’application de ces dispositions.

Les organisations représentatives d’employeurs
et de travailleurs auxquelles copie du rapport
a été communiquée

Le Conseil des Etats-Unis pour les entreprises internationales et la Fédération américaine du travail et le Congrès des organisations industrielles (AFL-CIO) ont reçu une copie du présent rapport. En outre, le projet de rapport a été examiné par des membres du Conseil consultatif tripartite sur les normes internationales du travail, qui est un sous-groupe du Comité national présidentiel pour l’OIT, où siègent des représentants du Conseil des Etats-Unis et de l’AFL-CIO.

Observations reçues des organisations
d’employeurs et de travailleurs

Aucune observation n’a encore été reçue à ce sujet.

Annexes (non reproduites)

Cas:

Slaughter-House Cases, 83 U.S. 36 (1872)

Civil Rights Cases, 109 U.S. 3 (1883)

Yick Wo c. Hopkins, 118 U.S. 356 (1886)

Plessy c. Ferguson, 163 U.S. 537 (1896)

Clyatt c. United States, 197 U.S. 207 (1905)

Bailey c. State, 219 U.S. 219 (1911)

United States c. Gaskin, 320 U.S. 527 (1944)

Pollock c. Williams, 322 U.S. 4 (1944)

Levy c. Louisiana, 392 U.S. 68 (1968)

Graham c. Richardson, 403 U.S. 365 (1971)

Peonage Cases, 123 F. 671 (D.C. Ala. 1903)

United States c. Shackney, 333 F. 2d 475 (2d Cir. 1964)

Statuts:

18 U.S.C. § 241

18 U.S.C. § 242

18 U.S.C. §§ 1581-1588

29 U.S.C. § 206

29 U.S.C. § 207

29 U.S.C. § 212

29 U.S.C. § 216

42 U.S.C. § 1983

42 U.S.C. § 1985

42 U.S.C. § 1994

42 U.S.C. § 2000e

Réglementations:

28 C.F.R. §§ 345.10-345.84

 

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Mise à jour par CG. Approuvée par NdW. Dernière modification: 5 Mai 0.