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GB.268/6
268e session
Genève, mars 1997


SIXIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

306e rapport du Comité de la liberté syndicale

Table des matières

Introduction

Cas no 1867 (Argentine): Rapport intérimaire

Cas no 1862 (Bangladesh): Rapport où le comité demande à être informé de l'évolution

Cas no 1885 (Bélarus): Rapport où le comité demande à être informé de l'évolution de la situation

Cas no 1831 (Bolivie): Rapport définitif

Cas no 1889 (Brésil): Rapport définitif

Cas no 1859 (Canada): Rapport définitif

Cas nos 1761, 1787 et 1896 (Colombie): Rapport intérimaire

Cas no 1865 (République de Corée): Rapport intérimaire

Cas no 1875 (Costa Rica): Rapport définitif

Cas no 1901 (Costa Rica): Rapport définitif

Cas no 1882 (Danemark): Rapport définitif

Cas no 1908 (Ethiopie): Rapport intérimaire

Cas no 1854 (Inde): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Cas no 1903 (Pakistan): Rapport sur lequel le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Cas no 1796 (Pérou): Rapport sur lequel le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Cas no 1845 (Pérou): Rapport définitif

Cas no 1878 (Pérou): Rapport intérimaire

Cas no 1906 (Pérou): Rapport intérimaire

Cas no 1891 (Roumanie): Rapport où le comité demande à être tenu informé de l'évolution de la situation

Cas no 1904 (Roumanie): Rapport définitif

Cas no 1843 (Soudan): Rapport intérimaire

Cas no 1884 (Swaziland): Rapport intérimaire


1. Le Comité de la liberté syndicale, institué par le Conseil d'administration à sa 117e session (novembre 1951), s'est réuni au Bureau international du Travail à Genève les 6, 7 et 14 mars 1997, sous la présidence de M. le professeur Max Rood.

2. Les membres de nationalité indienne et argentine n'étaient pas présents lors de l'examen des cas relatifs à l'Inde (cas no 1854) et à l'Argentine (cas no 1867), respectivement.

* * *

3. Le comité est actuellement saisi de 73 cas dans lesquels les plaintes ont été transmises aux gouvernements intéressés pour observations. A la présente session, le comité a examiné 24 cas quant au fond et a abouti à des conclusions définitives dans 14 cas et à des conclusions intérimaires dans 10 cas; les autres cas ont été ajournés pour les raisons indiquées aux paragraphes suivants.

Nouveaux cas

4. Le comité a ajourné à sa prochaine session l'examen des cas suivants: nos 1911 (Equateur), 1914 (Philippines), 1915 (Equateur), 1916 (Colombie), 1917 (Comores) et 1918 (Croatie), car il attend les informations et observations des gouvernements concernés. Tous ces cas se réfèrent à des plaintes présentées depuis la dernière session du comité.

Observations attendues des gouvernements

5. Le comité attend encore les observations ou les informations des gouvernements sur les cas suivants: nos 1805 (Cuba), 1876 (Guatemala), 1888 (Ethiopie), 1892 (Guatemala), 1894 (Mauritanie), 1895 (Venezuela), 1897 (Japon), 1898 (Guatemala), 1899 (Argentine), 1902 (Venezuela) et 1907 (Mexique).

Observations attendues des plaignants

6. Dans le cas no 1881 (Argentine), le comité attend encore les commentaires de l'organisation plaignante. Le comité lui demande d'envoyer sans tarder les observations et informations demandées.

Observations partielles reçues des gouvernements

7. Dans les cas nos 1512, 1539, 1595, 1740, 1778, 1786 et 1823 (Guatemala), 1773 (Indonésie), 1835 (République tchèque), 1869 (Lettonie), 1887 (Argentine) et 1900 (Canada/Ontario), le gouvernement a envoyé des informations partielles sur les allégations formulées. Le comité demande à l'ensemble de ces gouvernements de compléter sans tarder leurs observations afin qu'il puisse examiner les cas en question en pleine connaissance de cause.

Observations reçues des gouvernements

8. En ce qui concerne les cas nos 1850 (Congo), 1852 (Royaume-Uni), 1855 (Pérou), 1877 (Maroc), 1880 (Pérou), 1886 (Uruguay), 1890 (Inde), 1905 (Zaïre), 1909 (Zimbabwe), 1910 (Zaïre), 1912 (Royaume-Uni/île de Man) et 1913 (Panama), le comité a reçu tardivement les observations du gouvernement et se propose de l'examiner à sa prochaine réunion.

Appels pressants

9. En ce qui concerne les cas nos 1812 (Venezuela), 1828 (Venezuela), 1851 (Djibouti), 1863 (Guinée), 1864 (Paraguay), 1872 (Argentine) et 1873 (Barbade), le comité observe que, en dépit du temps écoulé depuis le dépôt des plaintes ou le dernier examen de ces cas, il n'a pas reçu les observations des gouvernements. Le comité attire l'attention de tous ces gouvernements sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvée par le Conseil d'administration, il pourra présenter un rapport sur le fond des affaires en instance, même si les informations et observations des gouvernements n'étaient pas reçues à temps. En conséquence, le comité prie instamment les gouvernements de transmettre d'urgence leurs observations et informations.

10. Le comité a pris note de communications d'un cabinet d'avocat envoyées au nom de l'Association des infirmières et auxiliaires de radiologie de l'hôpital du Comté de Glostrup (Danemark) en date des 28 octobre et 13 novembre 1996. Ces communications ont trait exactement à la même affaire que la plainte du Syndicat des infirmières traitée dans le cadre du cas no 1882. Dans ces conditions, le comité décide de ne pas examiner cette plainte quant au fond et se réfère aux conclusions adoptées dans ce cas.

* * *

11. Le comité signale à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations les aspects législatifs des cas suivants: Bangladesh (cas no 1862), Pérou (cas no 1796), Roumanie (cas nos 1891 et 1904), Soudan (cas no 1843), et Swaziland (cas no 1884).

Suites données aux recommandations du comité
et du Conseil d'administration

Cas no 1723 (Argentine)

12. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de mars 1996. [Voir 302e rapport, paragr. 37.] Il concerne les licenciements intervenus entre le 1er janvier 1959 et le 12 décembre 1983 pour des raisons politiques et syndicales de syndicalistes salariés d'organismes bancaires ainsi que la non-application de la loi no 23523 qui protège les employés bancaires licenciés pour causes politiques ou syndicales. Lors de son dernier examen, le comité avait exprimé l'espoir que les parties pourraient aboutir à un accord le plus rapidement possible.

13. Par communication du 8 octobre 1996, l'Association bancaire déclare que, après la réunion tripartite du 23 mai 1995, où les représentations patronales et syndicales fixèrent leur position, et après les sanctions qui ont été imposées aux organismes bancaires qui ont violé la loi no 23523, le gouvernement n'a ni convoqué de nouvelles réunions tripartites ni entrepris des procédures judiciaires tendant à demander la pleine mise en œuvre de la loi no 23523 (l'organisation plaignante ajoute une liste de travailleurs licenciés et les noms des organismes bancaires qui n'ont pas appliqué la loi no 23523).

14. Par communication du 5 février 1997, le gouvernement déclare qu'il va communiquer aux organismes bancaires la liste des travailleurs licenciés envoyée par l'organisation plaignante, en leur demandant des informations sur l'état du réexamen des personnes mentionnées en vue d'une évaluation ultérieure de la situation, conformément aux démarches recommandées par le comité. Le comité prend note de ces informations. Rappelant une nouvelle fois l'importance qui s'attache à ce que la loi no 23523 soit mise en œuvre de manière effective, le comité demande au gouvernement de continuer à s'efforcer de trouver une solution négociée le plus rapidement possible.

Cas no 1777 (Argentine)

15. En examinant ce cas à sa session de novembre 1995, le comité a demandé au gouvernement de prendre les mesures pour que le Congrès des travailleurs argentins CTA soit immédiatement enregistré. [Voir 300e rapport, paragr. 73.] Par des communications des 24 mai et 16 juillet 1996, le Congrès des travailleurs argentins et la Confédération mondiale du travail se réfèrent à nouveau aux démarches effectuées depuis mai 1993 pour obtenir l'inscription du CTA. Ils déclarent que malgré la recommandation du comité le gouvernement n'a pas adopté l'acte administratif d'inscription. Par communication du 14 janvier 1997, le gouvernement déclare que le 9 décembre 1996 le CTA a pris connaissance des mesures administratives prises en vue de résoudre le problème, en prenant en considération une opinion juridique en la matière. Cette position se trouve actuellement à l'étude. En outre, le gouvernement indique que les dirigeants du CTA ont tenu diverses réunions avec le ministère du Travail pour traiter de cette question. Tout en prenant note de ces informations, le comité déplore que l'organisation en question n'a toujours pas été enregistrée bien que trois ans se soient écoulés depuis la demande. Dans ces conditions, le comité, réaffirmant qu'il s'agit d'une grave violation de la convention no 87, prie une fois de plus instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le CTA soit immédiatement enregistré.

Cas no 1837 (Argentine)

16. Le comité a examiné ce cas à sa session de juin 1996 [voir 304e rapport, paragr. 40 à 56] et a demandé à cette occasion au gouvernement de le tenir informé de l'évolution des procédures judiciaires entreprises à la suite des actes de violence commis pendant les manifestations et grèves organisées dans les provinces de la Terre de feu, de Corrientes et de San Juan, en particulier en relation avec la mort de l'ouvrier Víctor Choque, les blessures des syndicalistes Juan Roberto Vera et Alejandro Vásquez, et les agressions et privations de liberté dont ont été victimes les dirigeants syndicaux Eloy Camus et Juan González. Le comité avait également demandé au gouvernement de le tenir informé de la procédure judiciaire intentée par la police contre le dirigeant syndical Juan González.

17. Par communication du 14 janvier 1997, le gouvernement déclare que: i) la procédure judiciaire relative à la détention provisoire de M. Juan González dans la province de Corrientes se trouve actuellement dans la phase d'enquête; ii) dans l'affaire de l'homicide de M. Víctor Choque, un officier de police a été condamné comme auteur de l'homicide à neuf ans de prison, mais ce verdict a fait l'objet d'un recours, et iii) qu'on n'a pu obtenir des informations au sujet de l'enquête judiciaire relative à l'enlèvement de M. Eloy Camus dans la province de San Juan. Le comité prend note de ces informations et demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de ces procédures judiciaires.

18. Le comité demande également au gouvernement de le tenir informé des enquêtes judiciaires en cours au sujet des blessures dont ont été victimes Juan Roberto Vera et Alejandro Vásquez, ainsi que de la procédure judiciaire intentée par la police contre le dirigeant syndical Juan González.

Cas no 1849 (Bélarus)

19. A sa réunion de mars 1996, le comité a demandé au gouvernement: d'abroger les dispositions du décret no 158 du 28 mars 1995 afin qu'il ne s'étende pas à des organisations et entreprises qui ne dispensent pas des services essentiels au sens défini par le comité; d'appliquer entièrement l'arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant inconstitutionnels certains articles du décret no 336; de prendre sans délai les mesures nécessaires pour assurer la réintégration dans leurs postes de travail des travailleurs licenciés pour avoir participé aux grèves de Minsk et de Gomyel en août 1995; de constituer immédiatement une commission d'enquête indépendante en vue d'élucider l'ensemble des faits allégués dans cette affaire et de le tenir informé des conclusions qui seront tirées par le Procureur de la République et par toute commission d'enquête constituée à cet égard. [Voir 302e rapport, paragr. 222.]

20. Dans sa communication du 9 septembre 1996, le gouvernement indique que la Cour constitutionnelle a étudié une requête présentée le 20 juin 1996 par la Commission permanente de la politique sociale et du travail du Conseil suprême de la République du Bélarus, tendant à ce qu'un examen indépendant soit entrepris, avec le concours d'experts du BIT, de la conformité du décret no 158 avec la Constitution et les lois du Bélarus. D'après le gouvernement, la Cour constitutionnelle a décidé de ne pas donner suite à cette requête et demandé au Conseil suprême de supprimer, avant le 15 septembre 1996, la contradiction qui existe entre le paragraphe 1 de l'article 16 de la loi relative aux procédures de règlement des conflits du travail, qui contient une liste des entreprises dans lesquelles les grèves sont interdites, et le paragraphe 2 de l'article 13 de la même loi, qui précise les préavis de grève à observer dans les entreprises énumérées dans l'article 16. La procédure introduite à la Cour concernant ce dossier a été suspendue.

21. S'agissant des travailleurs licenciés pour avoir participé à un mouvement de grève, le gouvernement rappelle que la nature illégale des grèves en cause avait été constatée par le tribunal de première instance de la ville de Minsk. Cela étant, 15 personnes ont été licenciées dans l'entreprise de Gomyel (trolleybus); sur ces 15 personnes, cinq ont été réintégrées dans l'entreprise et la réintégration d'une autre est actuellement à l'étude. Aucun des travailleurs de l'entreprise de construction d'automobiles de Minsk n'a été réintégré, et le Conseil exécutif de la ville de Minsk a pris un certain nombre de mesures pour aider les personnes licenciées dans le métro de Minsk à trouver un emploi. A cet égard, le gouvernement fournit également des renseignements détaillés sur les procédures judiciaires engagées pour obtenir le rétablissement dans leurs fonctions de ces travailleurs, dont le comité avait déjà pris connaissance lors de son premier examen du cas.

22. Le comité prend note de ces informations. En ce qui concerne la recommandation du comité visant la suppression, dans la liste qui figure dans le décret no 158, des entreprises et des branches d'activité qu'il ne considère pas comme des services essentiels, bien qu'il note que la Cour constitutionnelle a demandé au Conseil suprême de supprimer la contradiction qui existe entre deux articles de la loi relative au règlement des conflits du travail, le comité regrette qu'aucune mesure n'ait été prise pour modifier le décret no 158 de sorte que les services de transport, tels que le métro de Minsk, ne soient pas exclus du droit de grève. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier en ce sens le décret no 158 et de le tenir informé de la progression sur ce point.

23. En ce qui concerne le licenciement de travailleurs ayant participé aux grèves d'août 1995 à Minsk et à Gomyel, le comité prend note de l'indication du gouvernement selon laquelle cinq des quinze personnes licenciées dans l'entreprise de Gomyel (trolleybus) ont été réintégrées. Il note cependant avec regret qu'aucun des autres travailleurs licenciés dans le métro de Minsk et dans l'entreprise de construction d'automobiles de Minsk n'a été réintégré et que le gouvernement persiste à affirmer que ces licenciements sont justifiés par le fait que la grève a été déclarée illégale par le tribunal. En conséquence, le comité se voit dans l'obligation de rappeler que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Le comité a également indiqué par le passé que les transports en général ne constituent pas un service essentiel. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 526 et 545.] C'est pourquoi, lors de son dernier examen du cas, le comité avait conclu que le mouvement de grève en cause représentait l'exercice d'une activité syndicale légitime. Rappelant que 58 travailleurs du métro de Minsk (d'après les allégations initiales des organisations plaignantes) sont toujours licenciés, ainsi que dix conducteurs de trolleybus au moins à Gomyel, le comité doit de nouveau insister sur le fait que le licenciement de travailleurs ayant participé à un mouvement de grève légitime constitue une discrimination antisyndicale dans l'emploi et demander au gouvernement de veiller à ce que tous les travailleurs licenciés à l'occasion de ces grèves soient réintégrés dans leurs postes. Le gouvernement est également prié de tenir le comité informé des progrès accomplis à cet égard.

24. Le comité regrette que le gouvernement n'ait fourni aucune information concernant sa recommandation tendant à ce que l'arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant inconstitutionnels certains articles du décret no 336 soit intégralement appliqué. Le comité juge cela d'autant plus regrettable qu'il a été invité à examiner par ailleurs, dans le présent rapport également, une autre plainte [voir le cas no 1885] faisant état de la poursuite de l'application des articles de ce décret au sujet desquels il a déjà conclu précédemment qu'ils enfreignent les droits syndicaux. Le comité renvoie à ses conclusions précédentes relatives au décret présidentiel no 336 qui figurent dans son 302e rapport et demande au gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour abroger les articles de ce décret qui font obstacle au libre exercice des droits syndicaux, à savoir les articles 1, 2 et 3, et de le tenir informé des mesures prises à cet égard.

25. Enfin, le comité regrette que le gouvernement n'ait fourni aucune information relativement à sa recommandation tendant à ce qu'une commission d'enquête indépendante soit constituée en vue d'élucider les faits allégués dans ce cas. Bien qu'il ait noté lors de son précédent examen du cas [voir 302e rapport, paragr. 221] qu'une enquête avait été ouverte par le Procureur de la République au sujet de la légalité des mesures prises par les organes chargés de faire appliquer la loi, le comité avait considéré que les questions soulevées dans ce cas dépassaient le mandat assigné au Procureur. Il se voit donc dans l'obligation de demander encore une fois au gouvernement de prendre des mesures en vue de constituer immédiatement une commission d'enquête, dont la composition devra être acceptable à toutes les parties intéressées, en vue d'élucider l'ensemble des faits allégués dans cette affaire. Il demande au gouvernement de le tenir informé des conclusions qui seront tirées par le Procureur de la République ainsi que par la commission d'enquête.

Cas no 1509 (Brésil)

26. Le comité a examiné ce cas relatif à l'assassinat du dirigeant syndical Valdicio Barbosa dos Santos à sa session de novembre 1996. A cette occasion, il a demandé au gouvernement de continuer à le tenir informé de la procédure judiciaire en cours. [Voir 305e rapport, paragr. 13.] Par communication du 7 janvier 1997, le gouvernement signale que: i) on ne sait pas encore où se trouve M. Marçal da Rocha, auteur présumé de l'assassinat en question; ii) on a présenté la défense de M. Romualdo Eustaquio Luiz Faria, coauteur présumé de l'assassinat; iii) dans la procédure judiciaire, l'audition des témoins de l'accusation est maintenant terminée. Le comité prend note de ces informations et demande au gouvernement de le tenir informé du résultat final de la procédure judiciaire en cours.

Cas no 1806 (Canada/Yukon)

27. Le comité avait estimé, dans son examen du cas en novembre 1995 [voir 300e rapport, paragr. 101 à 129], que la loi de 1994 sur la compression de la rémunération dans le secteur public allait bien au-delà de ce qu'il avait considéré être des mesures acceptables, car elle avait notamment pour conséquences la prorogation pour une période de trois ans des conventions collectives dans le secteur de l'enseignement (jusqu'en juillet 1997) et le gel, pour la même période, de toutes les formes de rémunération. En outre, le comité avait déploré que le gouvernement n'ait pas donné la priorité à la négociation collective comme moyen de déterminer les conditions salariales des travailleurs dans le secteur public de l'enseignement et avait demandé instamment au gouvernement de s'abstenir à l'avenir de recourir à de telles mesures. Dans une communication en date du 10 janvier 1997, le gouvernement indique que, le 11 juillet 1996, il a annoncé son intention d'adopter une nouvelle législation ayant notamment pour effet de limiter à deux ans les effets de la loi de 1994 et de permettre le retour à la pleine négociation collective dans le secteur de l'enseignement dès juillet 1996. Le gouvernement ajoute que cette action s'inscrit dans sa politique en vue de donner la priorité à la négociation collective et souhaite ainsi voir les relations professionnelles dans le secteur de l'enseignement au Yukon revenir à la normale. Le comité prend note avec satisfaction de cette information.

Cas no 1781 (Costa Rica)

28. A sa réunion de novembre 1996, le comité a requis le gouvernement d'indiquer quelles étaient les possibilités, au regard de la législation, d'appliquer l'accord du 16 mai 1996 (notamment la clause 3 relative aux licenciements à la suite du différend collectif à l'entreprise Geest Caribbean Ltd) compte tenu du récent arrêt des activités de l'entreprise en mai 1996. [Voir 305e rapport, paragr. 17-20, approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996).]

29. Dans une communication en date du 6 janvier 1997, le gouvernement indique qu'une vérification menée auprès de représentants légaux de l'entreprise a révélé qu'elle n'existe pas au Costa Rica ou ailleurs. Vu cette absence, toute enquête qui pourrait entraîner des conséquences légales est impossible. Le comité note avec regret cette information.

Cas nos 1594 et 1846 (Côte d'Ivoire)

30. S'agissant du cas no 1594, le comité avait, en novembre 1996, demandé au gouvernement, lors du dernier examen du cas, de le tenir informé des développements relatifs à la réintégration des travailleurs licenciés à Irho Lame en raison de leur activités syndicales. [Voir 305e rapport, paragr. 22 à 25.]

31. Dans une communication en date du 24 janvier 1997, la Confédération mondiale du travail (CMT) indique que les travailleurs visés n'ont toujours pas été réintégrés. Aucune proposition de réintégration progressive n'aurait été faite par le gouvernement. Au contraire, les travailleurs auraient été chassés des terres desquelles ils tirent leur nourriture, certains faisant même l'objet de sévices corporels.

32. En outre, en ce qui concerne le cas no 1846, pour lequel le comité avait, en novembre 1996, exprimé sa très vive préoccupation au sujet du maintien en détention de plusieurs syndicalistes arrêtés et avait demandé que des mesures soient prises pour que soient libérés immédiatement des syndicalistes nommément désignés [voir 305e rapport, ibid.], la CMT indique que MM. Hassan Dabone et Diebre Boukary se trouveraient toujours dans la prison de la Maca.

33. Enfin, la CMT ajoute qu'elle ne peut communiquer librement avec le syndicat Dignité en raison du fait que les lignes téléphoniques sont régulièrement coupées, empêchant tout contact pendant plusieurs jours avec son affilié. Tel a été le cas au début de décembre 1996 au moment où le gouvernement prenait des dispositions pour la tenue des élections sociales au port Autonome d'Abidjan.

34. Dans une communication en date du 24 février 1997, le gouvernement insiste sur le fait que, contrairement aux allégations de l'organisation plaignante, des propositions de réintégration progressive des travailleurs licenciés à Irho Lame, permettant la réintégration d'au moins trois cents travailleurs, ont été formulées par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et par la direction de l'entreprise. En outre, le gouvernement précise que cent soixante-sept travailleurs auraient antérieurement été réintégrés sans condition.

35. Le gouvernement confirme que MM. Hassan Dabone et Diebre Boukary seraient maintenus en détention préventive dans l'attente de leur comparution prochaine devant les tribunaux. Les préjudices tant matériels que corporels subis par les victimes et le parfait état de santé des prévenus justifient une telle mesure. MM. Dabone et Boukary sont accusés aux termes de la loi no 92-464 de délit de violences et de voies de faits suite à une action concertée.

36. Enfin, le gouvernement rappelle que des consultations ont été menées afin que les élections au Port autonome d'Abidjan se déroulent dans le calme et la sérénité. D'un commun accord avec les organisations syndicales, les élections furent fixées au 18 janvier 1997. De l'avis du gouvernement, la grève déclenchée au Port autonome d'Adibjan et le fait que certaines organisations syndicales, tels le GODPAA et le SYLIDOPACI, n'ont pu apporter la preuve de leur création conformément à la loi, ont empêché que les élections soient tenues à cette date. Le gouvernement considère néanmoins que le report permettra à ces organisations de se présenter aux prochaines élections. Le gouvernement conclut en niant toutes allégations de contrôle des communications entre l'organisation plaignante et son affiliée, Dignité.

37. Le comité prend note de ces informations. Il prie instamment le gouvernement, en ce qui concerne les travailleurs licenciés à Irho Lame en raison de leurs activités syndicales, de prendre les mesures nécessaires pour que leur réintégration soit rendue possible dans les plus brefs délais et de le tenir informé à cet égard. En outre, il prie à nouveau le gouvernement de le tenir informé du résultat des élections sociales au port Autonome d'Abidjan. En ce qui concerne le fait que MM. Dabone et Boukary soient maintenus en détention préventive, le comité rappelle que les faits à l'origine de cette mesure datent de janvier 1995. Le comité est d'avis que les mesures de détention préventive ne sont aucunement justifiées par une telle durée et se voit dès lors obligé de prier à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient libérés immédiatement MM. Hassan Dabone et Diebre Boukary. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement à cet égard. Enfin, en ce qui concerne le contrôle des communications entre le syndicat Dignité et la CMT, le comité rappelle que, au regard de l'article 5 de la convention no 87 ratifiée par la Côte d'Ivoire, les organisations de travailleurs ont le droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs et prie dès lors le gouvernement de veiller à ce que des contacts puissent être établis entre elles sans entrave de la part des autorités.

Cas no 1552 (Malaisie)

38. Lors du dernier examen du cas, le comité avait noté avec intérêt les informations du gouvernement selon lesquelles la Cour d'appel avait ordonné la réintégration des 21 travailleurs licenciés de l'entreprise Harris Solid-State-Sdn-Bhd et avait prié le gouvernement de le tenir informé de tout développement dans la mise en œuvre de l'arrêt de la Cour. Dans une communication en date du 31 janvier 1997, le gouvernement confirme que, au 1er octobre 1996, 20 travailleurs ont effectivement été réintégrés au sein de l'entreprise Harris Solid-State-Sdn-Bhd alors qu'un travailleur a requis un congé maladie. En ce qui concerne le paiement des salaires dus, le gouvernement indique que les conseillers légaux de l'employeur et des travailleurs tiennent encore des négociations à cet égard et qu'il tiendra le comité informé de tout développement. Le comité note cette information avec intérêt.

Cas nos 1687 et 1691 (Maroc)

39. S'agissant des cas nos 1687 et 1691 (Maroc), le comité avait notamment demandé au gouvernement, lors de leur dernier examen, de mener des enquêtes sur des allégations de violations de la liberté syndicale, incluant des sévices corporels, aux sociétés BISMA, SINET et FILARSY. [Voir 305e rapport, paragr. 397 à 412.]

40. Dans une communication en date du 2 décembre 1996, le gouvernement affirme que la législation nationale reconnaît aux travailleurs le droit de grève et de négociation collective. Le nombre de grèves lancées par les organisations syndicales, dans les secteurs privé et public, sans qu'aucune mesure ne soit prise contre les personnes exerçant ces droits, en est la preuve. En outre, le gouvernement ajoute qu'en 1996 il s'est entendu avec les partenaires sociaux sur les termes d'une déclaration selon lesquels ils réaffirment leur engagement en vue du libre exercice de la liberté syndicale, de la conclusion de conventions collectives et de la réintégration, dans le cadre d'une commission tripartite d'enquête et de conciliation, des travailleurs licenciés pour cause d'activités syndicales. Le gouvernement précise que la commission, qui a commencé ses travaux, doit être saisie des différends collectifs existants et tenter d'identifier des solutions acceptables pour les parties en cause. Enfin, le gouvernement indique que l'intervention de la police au cours de certains différends était justifiée par l'ordre public et que des poursuites ont été intentées contre les seuls travailleurs qui avaient violé la loi et commis des actes de violence.

41. Le comité prend note de ces informations mais déplore néanmoins que le gouvernement n'ait fourni aucune information précise à la suite des recommandations formulées lors de l'examen antérieur de ces cas. Il prie dès lors à nouveau le gouvernement de mener rapidement une enquête impartiale et indépendante pour établir clairement les faits, déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables, et de lui fournir d'urgence les résultats des investigations concernant: a) Moukbir Mohammed, secrétaire général du syndicat UMT de la société BISMA, qui aurait été arrêté à l'occasion d'une grève de 48 heures le 26 juillet 1994 à Sidi Slimane et aurait fait l'objet de sévices corporels; b) l'arrestation lors de cette même grève, au siège de l'union locale de l'UMT de Sidi Slimane, de 11 travailleurs parmi lesquels se trouvaient le secrétaire général adjoint de l'union locale de l'UMT de Sidi Slimane, M. Khallaf Saïd, le secrétaire général du syndicat UMT de la société BISMA, M. Moukhbir Mohammed, et son adjoint, M. Bouzidi Cherkaoui. Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer des informations sur les recours introduits par les quatre délégués syndicaux de l'entreprise SINET (MM. Bouna Houcine, Mouzoune Hassan, Attor Ahmed et Lachgar Brahim) ainsi que par les sept syndicalistes de l'entreprise FILARSY et de le tenir informé des jugements rendus dans ces affaires. Le comité exprime à nouveau le ferme espoir que, si le tribunal conclut que ces travailleurs ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales, le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour leur permettre d'obtenir leur réintégration dans leurs postes de travail.

Cas no 1712 (Maroc)

42. S'agissant du cas no 1712 (Maroc), le comité avait demandé au gouvernement, lors du dernier examen du cas, de diligenter des enquêtes sur: a) les actes d'intimidation antisyndicale et les pressions dont les travailleurs de l'usine Plastima, à Casablanca, en mai 1993, et de l'hôtel Mansour El Dahbi à Marrakech, en avril 1993, auraient été l'objet; b) les interventions de la police pendant les grèves du personnel dans ces deux entreprises. Enfin, le comité avait demandé instamment au gouvernement de fournir des informations sur la situation de militants de l'UMT, nommément désignés, qui auraient été incarcérés à l'occasion de la grève à l'hôtel Mansour El Dahbi. [Voir 304e rapport, paragr. 365 à 380.]

43. Dans une communication en date du 23 janvier 1997, le gouvernement rappelle que le conflit collectif à l'usine Plastima a eu pour origine le licenciement de 11 travailleurs dont trois représentants syndicaux. Le gouvernement ajoute que les forces de l'ordre ont dû intervenir dans ce conflit pour assurer l'ordre public et la protection de la liberté de travail. Enfin, le gouvernement précise que ce conflit aurait été réglé par la signature d'un protocole entre les parties stipulant la réintégration de cinq travailleurs et le paiement d'indemnités aux autres travailleurs concernés. Ces derniers auraient porté plainte auprès de la Cour de première instance qui aurait rejeté leurs recours. Les plaignants sont toujours dans l'attente du résultat de la procédure d'appel qu'ils ont intentée contre la décision de première instance.

44. Le comité prend note de ces informations et prie le gouvernement de lui transmettre copie du jugement de première instance ainsi que l'arrêt qui sera prononcé par l'instance d'appel. Il déplore néanmoins que le gouvernement n'ait fourni aucune information en ce qui concerne la situation des travailleurs de l'hôtel Mansour El Dahbi à Marrakech. Il le prie dès lors de le tenir informé du résultat des enquêtes diligentées sur les actes d'intimidation antisyndicale et les pressions dont les travailleurs de cet hôtel auraient été l'objet ainsi que sur les interventions de la police au cours de la grève déclenchée dans cet établissement. Enfin, il demande instamment au gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle des militants de l'UMT arrêtés à Marrakech, à savoir Aboul Hanana Abdeljalil, Abou Nouass Latifa, El Hasnaoui Ahmed, Al Korssa Aberahmane, Boukentar Mohamed, Soulal Fatima, Boulal Zohra et Kati Mohammed.

Cas no 1793 (Nigéria)

45. Lors du dernier examen du cas en juin 1996, le comité avait invité instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer la libération immédiate de M. Kokori, secrétaire général du NUPENG, abroger immédiatement les décrets nos 9 et 10 qui dissolvent les conseils exécutifs du NLC, du NUPENG et de la PENGASSAN et permettre aux dirigeants syndicaux librement élus d'exercer à nouveau leurs fonctions syndicales. [Voir 304e rapport, paragr. 13]. Vu l'absence de réponse du gouvernement dans le rapport du comité de novembre 1996, le Conseil d'administration a décidé d'adresser un appel pressant au gouvernement du Nigéria, l'invitant à répondre aussi rapidement que possible à toutes les requêtes transmises depuis novembre 1995 en vue d'autoriser une mission de l'OIT chargée d'examiner les questions traitées dans les diverses plaintes et de visiter sans entrave les syndicalistes détenus, permettant ainsi à la mission de présenter dans les meilleurs délais son rapport au comité. Une communication à cet égard a été envoyée au gouvernement le 26 novembre 1996. Un rappel lui a été adressé le 5 février 1997. Le gouvernement n'a transmis à ce jour aucune réponse.

46. Depuis le dernier examen du cas, de nombreux décrets dont le comité a eu connaissance semblent tendre à la mise en œuvre systématique et généralisée d'une politique en vue de restreindre les droits syndicaux au Nigéria. A cet égard, le comité relève notamment le décret sur les différends syndicaux (déréglementation des services essentiels, prescription et interdiction de participer dans des activités syndicales) et l'ordonnance sur les différends syndicaux (services essentiels) (prescription) du 21 août 1996 qui prescrivent et interdisent la participation dans des activités syndicales des membres du syndicat du personnel non enseignant des institutions de l'éducation et institutions associées, des membres du syndicat des enseignants des universités et membres de l'association du personnel supérieur des universités, des hôpitaux universitaires, des institutions de recherche et instituts associés et dissolvent le conseil national exécutif et les conseils exécutifs au sein de toutes les universités au Nigéria. En outre, le décret sur les syndicats (amendement) no 4 du 5 janvier 1996 réorganise les 41 syndicats enregistrés en 29 syndicats affiliés à l'organisation centrale du travail (nommément désignée dans la loi) en ignorant 25 syndicats déjà enregistrés, reconnaît des syndicats regroupant des employés supérieurs et dix associations d'employeurs en violation du droit des travailleurs et des employeurs de constituer les organisations de leur choix ou de celui de s'y affilier. Enfin, le décret sur les syndicats (amendement) (no 2) daté du 16 octobre 1996 (aussi désigné décret no 26) modifie la loi sur les syndicats en accordant notamment au ministre le pouvoir de révoquer l'enregistrement des syndicats pour raison d'ordre public et substitue le pouvoir exclusif du ministre au droit d'appel à la Haute Cour antérieurement prévu. L'une des conséquences de la révocation administrative du certificat d'enregistrement est la fin du prélèvement à la source des cotisations syndicales. Le décret prévoit en outre une amende de 100 000 naira et/ou un emprisonnement de cinq ans en cas de violation.

47. Le comité note avec une préoccupation croissante la détérioration constante des droits syndicaux au Nigéria. En outre, le comité regrette le manque de coopération de la part du gouvernement à l'égard des recommandations qu'il lui a adressées et des requêtes répétées du Conseil d'administration en vue d'obtenir son autorisation pour l'envoi d'une mission de l'OIT. Le comité se voit obligé de réitérer dans les termes les plus forts la requête du Conseil d'administration adressée au gouvernement afin qu'il accepte qu'une mission de l'OIT se rende dans les plus brefs délais pour examiner les questions soulevées par ce cas.

Cas no 1785 (Pologne)

48. Lors du dernier examen du cas, en novembre 1996, le comité avait demandé au gouvernement de garantir que le partage des biens entre NSZZ Solidarnosc et l'Alliance nationale des syndicats de Pologne (OPZZ) se fasse équitablement et avait requis le gouvernement de le tenir informé de tout progrès intervenu dans la question de la dévolution définitive du patrimoine syndical. Le comité avait également demandé au gouvernement de communiquer le texte de l'arrêté du ministre du Travail aux termes duquel est déterminé, en consultation avec les deux centrales, le partage des biens qui seront la propriété exclusive de l'une ou de l'autre. [Voir 305e rapport, paragr. 57 à 59.]

49. Dans une communication en date du 13 janvier 1997, le gouvernement indique que les arrêtés ministériels sont encore à l'examen et pourraient être terminés après l'adoption de la loi sur le budget de 1997 en février. Cette situation n'a pas empêché l'entrée en vigueur, le 4 août 1996, de la loi amendant la loi concernant la restitution des biens confisqués aux syndicats. La Commission sociale des réclamations a rendu des décisions jusqu'à la fin de 1996, obligeant le Trésor national à verser une indemnisation, sous forme monétaire ou autre, à différentes unités de NSZZ Solidarnosc. Les compensations en argent peuvent immédiatement être versées, alors que les autres formes d'indemnisation ne sont possibles que dans la mesure où le Conseil des ministres a adopté les arrêtés nécessaires. NSZZ Solidarnosc et OPZZ ont été invités à désigner leurs représentants au sein de la commission responsable de dresser la liste des biens, propriété des anciennes associations syndicales. La commission devrait commencer ses travaux dès que la loi sur le budget aura précisé les sommes mises à sa disposition en vue de couvrir ses coûts de fonctionnement. La fin de ses travaux est fixée, dans la loi, au 30 juin 1997. Le gouvernement ajoute néanmoins que NSZZ Solidarnosc a déposé une procédure devant le Tribunal constitutionnel attaquant la constitutionnalité de la loi.

50. Le comité prend note de cette information et exprime l'espoir que la dévolution équitable des biens sera réalisée entre les deux centrales dans un proche avenir. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement en ce qui concerne la mise en œuvre de la loi sur la restitution des biens syndicaux et de tout jugement rendu par le Tribunal constitutionnel concernant la constitutionnalité de cette loi.

Cas no 1857 (Tchad)

51. S'agissant du cas no 1857 (Tchad), le comité avait demandé au gouvernement, pour ce qui est de la participation de la Confédération syndicale du Tchad (CST) à des organismes tripartites ou paritaires, en cas de doute sur la représentativité de la CST, de faire procéder à une détermination objective et impartiale de cette représentativité et de prendre les mesures appropriées au cas où la CST serait représentative. [Voir 305e rapport, paragr. 434 à 450.] Selon les informations fournies par la CST dans une communication en date du 19 décembre 1996, le comité note une amélioration de la situation. En effet, le ministère de la Fonction publique et du Travail a demandé à la CST de désigner ses représentants au Haut Comité pour le travail et la prévoyance sociale et comme assesseurs auprès du tribunal du travail. Tout en prenant note de ces informations avec intérêt, le comité relève par ailleurs que, selon la CST, certains problèmes persistent en ce qui concerne la désignation de ses représentants au sein d'autres organes ou réunions tels que l'Office national pour la promotion de l'emploi. Le comité prie le gouvernement d'examiner cette question afin que la CST puisse désigner également des représentants dans ces organismes. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Cas no 1727 (Turquie)

52. A sa session de novembre 1995, le comité a regretté que le gouvernement n'ait pas communiqué les informations demandées au paragraphe 332 b) de son 295e rapport sur le fonctionnement sans obstacle des sections du syndicat EGITIM-IS, la suspension des procédures judiciaires contre des syndicalistes et l'annulation d'actes de discrimination antisyndicale. Il lui avait demandé de le faire le plus rapidement possible. [Voir 300e rapport, paragr. 35.]

53. Par communications des 10 janvier, 9 avril et 6 décembre 1996, le gouvernement signale que: i) les autorités judiciaires pénales ont décidé de prononcer un non-lieu et de ne pas poursuivre 42 syndicalistes (dont les noms sont cités par le gouvernement) pour des actes commis en violation du Code pénal pendant leurs activités syndicales; ii) un procès est en cours contre le dirigeant syndical, M. Altunya, pour avoir fait des déclarations à la presse en violation de l'article 15 de la loi no 657 qui interdit de telles déclarations aux fonctionnaires publics; iii) le tribunal administratif de la préfecture de Aydin a rejeté la demande d'annulation de suspension de la promotion de M. Hüseyn Mercan; iv) les autorités administratives ont annulé les décisions de fermeture et d'interdiction des sections d'EGITIM-IS dans les provinces de Van et d'Eskisehir ainsi que dans la ville de Caycuna.

54. Le comité prend bonne note de ces informations. Toutefois, il réitère les recommandations qu'il avait formulées dans le premier examen du cas [voir 295e rapport, paragr. 332 b)] et demande instamment au gouvernement de mettre un terme aux procédures judiciaires intentées contre M. Altunya pour avoir exercé des activités syndicales et d'annuler les actes de discrimination dont M. Mercan a fait l'objet (transfert et suspension de promotion).

55. Finalement, en ce qui concerne les cas nos 1581 (Thaïlande), 1618 (Royaume-Uni), 1623 (Bulgarie), 1685 (Venezuela), 1719 (Nicaragua), 1725 (Danemark), 1726 (Pakistan), 1795 (Honduras), 1809 (Kenya), 1819 (Chine), 1824 (El Salvador), 1826 (Philippines), 1834 (Kazakstan), 1847 (Guatemala), 1856 (Uruguay), 1858 (France/Polynésie), 1870 (Congo), 1874 (El Salvador) et 1883 (Kenya), le comité demande aux gouvernements concernés de le tenir informé des développements relatifs aux affaires les concernant. Il espère que ces gouvernements fourniront rapidement les informations demandées. En outre, le comité vient de recevoir des informations concernant les cas nos 1698 (Nouvelle-Zélande), 1818 (Zaïre), 1825 (Maroc), 1833 (Zaïre) qu'il examinera à sa prochaine session.

Cas no 1867

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de l'Argentine
présentée par
l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE)

Allégations: non-réintégration dans son poste de travail
d'un dirigeant syndical suspendu pour cause d'activité syndicale

56. Dans sa communication de décembre 1995, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de l'Argentine. L'ATE a fait parvenir des informations complémentaires par une communication datée du 3 avril 1996.

57. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication du 14 février 1997.

58. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

59. Dans ses communications de décembre 1995 et du 3 avril 1996, l'Association des travailleurs de l'Etat (ATE) allègue que M. Miguel Hugo Rojo (secrétaire général du Conseil exécutif provincial de l'ATE) a fait l'objet des représailles suivantes pour l'action syndicale qu'il a menée au cours d'un conflit collectif au sein de la Direction générale des recettes publiques de la province de Salta en 1992: 1) changement de son lieu de travail (il était inspecteur du Département de la vérification des comptes externes, et il a été transféré au Département de la vérification des comptes internes); 2) suspension de ses fonctions sans traitement pendant 90 jours (car il avait refusé son transfert) à l'issue d'une procédure administrative. Ces deux mesures gênent la liberté de mouvement de l'intéressé et l'empêchent d'exercer ses droits en matière de liberté syndicale. En outre, M. Miguel Hugo Rojo ne perçoit pas son salaire depuis lors car il n'a toujours pas rejoint son poste.

60. En réaction à ces mesures, M. Miguel Hugo Rojo a interjeté plusieurs recours judiciaires successifs qui l'ont mené jusqu'à la Cour suprême; en définitive, il a donc été obligé d'épuiser les recours administratifs pour résoudre ses difficultés puisqu'il s'agissait d'un emploi public provincial et, dans ce cas précis, il a dû saisir de son cas la juridiction administrative. Pourtant, le jugement en première instance avait prescrit la réintégration de l'intéressé dans son poste de travail.

61. L'organisation plaignante estime que l'on a mal interprété et mal appliqué les dispositions constitutionnelles et légales qui régissent la protection contre la discrimination syndicale (notamment l'article 47 de la loi no 23551 sur les associations syndicales, qui n'est pas considéré comme étant applicable aux emplois publics de l'Etat fédéré de Salta par les instances judiciaires et qui prévoit une procédure judiciaire sommaire en cas d'entrave à l'exercice des droits syndicaux).

B. Réponse du gouvernement

62. Dans sa communication du 14 février 1997, le gouvernement déclare que l'acte de suspension de M. Hugo Rojo (décret no 1127/92) n'a pas été remis en cause dans le recours présenté par l'intéressé car il s'agit d'un acte administratif qui jouit de la présomption de légitimité. Selon la jurisprudence nationale, cette présomption entraîne l'interdiction pour les juges de décréter d'office l'invalidité des actes administratifs et la nécessité de prouver leur illégitimité. L'Etat n'a pas besoin dans ce cas de l'autorisation judiciaire pour la suspension de fonctions dans la mesure où le décret no 1127/92 n'est pas mis en cause. En outre, il ne ressort à aucun moment des allégations que M. Hugo Rojo a été écarté de son poste à cause de son affiliation ou de sa participation à des activités syndicales.

C. Conclusions du comité

63. Pour ce qui est de l'allégation concernant la mauvaise interprétation ou l'application incorrecte des dispositions juridiques par l'autorité judiciaire, selon laquelle l'article 47 de la loi no 23551 des associations syndicales (qui prévoit un recours judiciaire sommaire lorsqu'il y a entrave à l'exercice de la liberté syndicale) ne serait pas applicable aux fonctionnaires de la province de Salta et, conformément à la législation provinciale de Salta, il conviendrait d'épuiser les voies administratives afin de porter un recours judiciaire contentieux devant les juridictions administratives, le comité estime qu'il ne lui appartient pas de déterminer quelles sont les règles internes qui, dans les Etats fédérés, régissent la protection contre la discrimination antisyndicale, non plus que de décider si ce sont les règles d'application générale ou celles de la province dont il s'agit qui doivent être applicables.

64. Cependant, le comité rappelle que, indépendamment des lois de procédures ou des lois substantielles qui s'appliquent dans les provinces d'un Etat fédéral aux fonctionnaires ou aux employés publics, il lui incombe d'évaluer si les mesures concrètes de discrimination antisyndicale alléguées sont ou non conformes aux conventions de l'OIT ratifiées et aux principes de la liberté syndicale.

65. A cet égard, le comité observe que, selon le syndicat plaignant, le changement de lieu de travail et les autres mesures qui ont été appliquées à l'encontre du dirigeant syndical, M. Miguel Hugo Rojo, étaient motivés par ses activités syndicales dans un conflit collectif qui a commencé au début du mois de février 1992, lequel, d'après les documents envoyés par le plaignant, a été le théâtre de grèves, ainsi que de la dénonciation d'anomalies financières, de cas de corruption, et d'une résolution administrative qui modifiait le régime de perception du fonds d'encouragement pour les travailleurs. Le comité note que le gouvernement, pour sa part, nie que les mesures prises contre M. Miguel Hugo Rojo ont eu des motifs syndicaux. Le comité observe cependant que dans les résolutions administratives sur lesquelles se fondent le changement de lieu de travail et les sanctions infligées à M. Miguel Hugo Rojo, et qui lui ont été communiquées par le syndicat plaignant, il est dit que:

66. Le comité constate que les versions de l'organisation plaignante et de l'autorité administrative sur le changement de travail et les sanctions imposées au dirigeant syndical, M. Miguel Hugo Rojo, sont contradictoires.

67. Dans les nombreux cas relatifs à des allégations d'actes de discrimination antisyndicale, qu'il a eu à examiner, le comité a toujours souligné que nul ne devrait faire l'objet de discrimination dans l'emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 690.] Cette protection doit couvrir non seulement l'embauche et le licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire qui interviendrait en cours d'emploi et, en particulier, les transferts. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 695.] En outre, la possibilité d'être réintégré dans leur poste de travail devrait être ouverte aux personnes qui ont été l'objet de discrimination antisyndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 755.]

68. Dans le cas présent, le comité n'estime pas avoir en sa possession les éléments d'information suffisants pour déterminer si le transfert de M. Miguel Hugo Rojo a eu pour origine des motifs antisyndicaux. Dans ces conditions, afin de lui permettre de parvenir à des conclusions en toute connaissance de cause, le comité demande à l'organisation plaignante et au gouvernement de fournir des informations complémentaires, notamment sur la base des décisions et actes administratifs et des jugements qui ont été prononcés dans cette affaire.

Recommandation du comité

69. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Cas no 1862

Rapport où le comité demande à être informé de l'évolution

Plainte contre le gouvernement du Bangladesh
présentée par
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et
-- la Fédération internationale des travailleurs du textile,
de l'habillement et du cuir (FITTHC)

Allégations: graves actes de discrimination antisyndicale,
voies de fait sur des travailleurs et des syndicalistes,
attaque contre des locaux syndicaux

70. Le comité a déjà examiné ce cas quant au fond à sa session de mai 1996 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 304e rapport, paragr. 57 à 96, approuvé par le Conseil d'administration à sa 266e session (juin 1996).]

71. Dans des communications en date des 11 juin 1996 et 30 janvier 1997, la Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir (FITTHC) a présenté de nouvelles allégations concernant d'autres violations des droits syndicaux par le gouvernement. Ce dernier a fourni de nouvelles observations sur le cas dans des communications en date des 3 septembre et 30 octobre 1996.

72. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

73. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté des allégations selon lesquelles le gouvernement avait violé les principes de la liberté syndicale en s'abstenant d'offrir une protection à des travailleurs et à des syndicalistes dans plusieurs cas de résistance de la part de l'employeur à la création d'un nouveau syndicat dans l'industrie de l'habillement du Bangladesh ainsi qu'à la conduite d'activités syndicales. La CISL a allégué que le Syndicat des travailleurs indépendants de l'habillement du Bangladesh (BIGU) s'était heurté à une résistance de la part des entreprises de cette branche d'activité dès sa création en décembre 1994. Il y avait eu en particulier des violations systématiques des droits des travailleurs à l'usine de tricot de Palmal à Dhaka. Au nombre des violations répétées qui s'y sont produites, on a relevé des voies de fait, des démissions forcées, des licenciements, des listes noires, des menaces et d'autres manœuvres d'intimidation exercées sur des travailleurs et sur leurs proches ainsi qu'une attaque contre le bureau et le centre d'études du BIGU à Dhaka. Pour défendre les droits des travailleurs, le BIGU avait participé depuis le début de 1995 à un certain nombre d'affaires portées devant les tribunaux du travail impliquant des entreprises de l'habillement.

74. Le gouvernement pour sa part a indiqué qu'il avait mené une enquête approfondie concernant les allégations formulées. A la suite de cette enquête, cependant, il n'a pas été en mesure de déceler une violation quelconque des droits syndicaux. Il a rejeté tous les motifs antisyndicaux attribués à l'employeur en se fondant presque exclusivement sur les informations fournies par l'entreprise elle-même. Par ailleurs, le gouvernement a fait observer que, selon la direction de l'entreprise, les allégations présentées l'ont été à l'instigation d'intervenants extérieurs qui cherchent à démolir l'industrie de l'habillement, une industrie entièrement orientée vers l'exportation.

75. A sa session de juin 1996, au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration a approuvé les recommandations suivantes:

  1. De façon générale, le comité prie instamment le gouvernement de prolonger son enquête pour lever les contradictions entre les éléments d'information fournis jusqu'à présent et parvenir à une vision équilibrée qui tienne compte du point de vue de l'organisation plaignante.
  2. Le comité prie le gouvernement d'indiquer si le BIGU a déposé une demande d'enregistrement et, si tel est le cas, de fournir des informations sur le traitement de cette demande et de communiquer le résultat de la procédure d'enregistrement dès qu'il sera disponible.
  3. Le comité prie le gouvernement de poursuivre son enquête sur les raisons qui ont conduit Palmal à transmettre des photographies de travailleurs à d'autres entreprises et de le tenir informé à cet égard.
  4. Le comité prie le gouvernement de clarifier les circonstances ayant conduit au licenciement: a) de M. M. Rahman et M. N. Ahmed; b) de huit membres du BIGU; et c) de huit travailleuses et de le tenir informé.
  5. Le comité prie le gouvernement de poursuivre son enquête sur l'allégation de tentative de disqualification de 11 membres du BIGU et des menaces de transfert proférées à l'encontre de quatre membres du BIGU. Il prie aussi l'organisation plaignante de fournir des informations plus détaillées et plus précises à l'appui de cette dernière allégation.
  6. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour clarifier la situation de Mme Kalpana en matière d'emploi et pour garantir qu'elle puisse rester à son poste chez Palmal, si elle le souhaite, et qu'elle ne fasse pas l'objet d'une discrimination en raison de ses activités syndicales.
  7. Le comité demande au gouvernement de diligenter immédiatement une enquête judiciaire indépendante sur l'attaque contre les locaux syndicaux et les voies de fait perpétrées sur des syndicalistes le 21 novembre 1995, et de le tenir informé du résultat de cette enquête.
  8. Le comité demande au gouvernement de fournir des copies des décisions des tribunaux du travail sur ce cas dès qu'elles seront rendues.

B. Réponse du gouvernement

76. Dans sa communication en date du 30 octobre 1996, le gouvernement indique qu'une commission d'enquête a été constituée (voir arrêté no POKO/SRAMA-2(17)96/51 en date du 20 juillet 1996 du ministère du Travail et de la Main-d'œuvre) pour examiner plus en profondeur les violations alléguées de la liberté syndicale par l'usine de tricot Palmal Knitwear Factory Ltd. (ci-après dénommée "Palmal"). Le président de la commission d'enquête a notifié au président du BIGU l'ordre de se présenter avec tous les documents pertinents et les témoins, s'il y en a, le 14 septembre 1996 dans le bureau du directeur du travail. Une notification similaire a également été adressée au directeur général de Palmal. Le gouvernement déclare que les deux parties, qui étaient présentes à la date fixée, ainsi que les membres de la commission d'enquête, ont fait leurs déclarations respectives. Les deux parties ont été autorisées à poser des questions sur la déclaration de la partie adverse, de sorte que la commission d'enquête disposerait d'un point de vue juste et équilibré des problèmes soulevés. Enfin, une déclaration conjointe a été enregistrée et collationnée en présence des deux parties qui ont accepté de la signer. Le gouvernement déclare que les conclusions de la commission d'enquête concernant les recommandations du Comité de la liberté syndicale se présentent comme suit.

77. Premièrement, le BIGU a demandé son enregistrement le 18 mai 1995. La demande a été rejetée par le greffier le 14 juin 1995 au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions stipulées à l'article 7(2) de l'ordonnance sur les relations du travail de 1969 (IRO) et en raison de l'absence d'une disposition légale quelconque permettant l'enregistrement d'un syndicat à l'échelon national lorsqu'il y a plus d'un employeur. Le nombre d'employeurs impliqués dans le cas était de 122. Par ailleurs, il y avait eu un jugement refusant l'enregistrement d'un syndicat comprenant des travailleurs issus de différents établissements appartenant à différents employeurs. Le BIGU a fait appel devant le deuxième tribunal du travail contre le rejet du greffier. Le cas est toujours en instance devant le tribunal du travail.

78. En ce qui concerne les motifs de Palmal pour avoir envoyé des photographies de travailleurs à d'autres employeurs, la commission d'enquête a interrogé le directeur général de Palmal, M. Nurul Haque Sikdar, à ce sujet. Le gouvernement déclare que M. Sikdar a rejeté entièrement cette allégation. L'organisation plaignante n'a quant à elle fourni aucune preuve écrite à cet égard. Le gouvernement ajoute que, selon le directeur général, la direction avait disposé d'informations selon lesquelles certains des travailleurs de Palmal absents travaillaient dans d'autres usines. Pour confirmer cette information, la direction avait envoyé une lettre uniquement aux entreprises dans lesquelles la présence des travailleurs absents avait été signalée. Mais il n'a pas été prouvé que le directeur ait envoyé de photographies des travailleurs absents à ces entreprises. Ainsi, selon le gouvernement, le comportement de la direction n'aurait eu d'autre motif que de confirmer l'emploi des travailleurs réputés absents dans d'autres usines afin de prendre à leur encontre des mesures disciplinaires et juridiques qui s'imposaient.

79. S'agissant des circonstances ayant conduit à la cessation d'emploi de M. M. Rahman et de M. N. Ahmed, le gouvernement se réfère à la déclaration du directeur général selon laquelle aucun des deux n'avait été licencié. Ils ont démissionné volontairement. Le directeur général a présenté la photocopie des lettres de démission des deux travailleurs.

80. En ce qui concerne le licenciement allégué de huit membres du BIGU, le gouvernement indique que le directeur général a déclaré que ces travailleurs n'avaient pas été démis de leurs fonctions. Ils s'étaient absentés pour une longue durée sans l'autorisation de la direction. Cette dernière leur avait demandé à tous de reprendre leurs fonctions mais ils n'ont pas réapparu. Les intéressés ont présenté leurs griefs à l'autorité compétente qui leur a répondu. Insatisfaits, ils ont poursuivi la direction devant le tribunal du travail. Ces cas sont toujours en instance devant le tribunal du travail en attendant une décision. Par la suite, deux membres du BIGU ont retiré leurs plaintes et démissionné volontairement.

81. S'agissant de la démission forcée de deux travailleuses, le gouvernement indique que le directeur général a déclaré qu'il a été mis fin à leurs fonctions après épuisement de toutes les procédures prévues par la loi sur l'emploi de la main-d'œuvre de 1965.

82. Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle 11 membres du BIGU avaient été l'objet de tentative de disqualification et que quatre d'entre eux avaient été menacés de transfert, le gouvernement fait observer que le directeur général a nié cette allégation durant l'enquête. Lorsque la plaignante a été interrogée à ce sujet, elle n'a pas été en mesure de fournir de témoin ou de preuve écrite sur cette affaire. En revanche, le directeur général a présenté un document envoyé à l'Organisation de défense des droits de l'homme par 155 travailleurs de Palmal alléguant que les onze travailleurs absents et licenciés de Palmal, de connivence avec des organismes nationaux et internationaux, travaillaient contre les intérêts des travailleurs ainsi que de l'usine. L'organisation plaignante allègue que la direction de Palmal a envoyé une lettre à l'Organisation de défense des droits de l'homme à cet égard, mais elle n'a pu présenter aucun document.

83. S'agissant de la menace de transfert de quatre travailleurs, à savoir M. Badal (mécanicien), M. Nurul Islam (contrôleur), M. Shahidul Islam (emballeur), M. Hashem (emballeur), le gouvernement indique que les plaignants n'ont pas été en mesure de fournir de document à l'appui de cette allégation. Le gouvernement fait observer que le directeur général a indiqué que, dans le cas de travailleurs exerçant des fonctions techniques, il est courant que ce type de travailleurs puissent être transférés d'une usine à l'autre (chez les mêmes employeurs produisant des types de produits similaires) avec leur consentement. Mais qu'à ce jour aucun transfert n'avait eu lieu.

84. Pour ce qui est du licenciement de Mme Kalpana, le gouvernement indique que, selon le directeur général, elle a été démise de ses fonctions après avoir épuisé toutes les procédures légales prévues par la loi de 1965 sur l'emploi de la main-d'œuvre. En réponse, Mme Kalpana a déclaré qu'elle n'avait pas reçu d'avis. Le directeur général a indiqué que l'intéressée avait été avisée par lettre recommandée à l'adresse figurant dans le registre de l'entreprise. Mais qu'elle aurait refusé cet avis qui était revenu à l'entreprise et qui a été présenté à la commission d'enquête. Néanmoins, la direction de l'entreprise consentait encore à la nommer à Palmal en raison de ses qualifications, mais elle voulait imposer des conditions contraires aux lois en vigueur. Mme Kalpana n'est pas au chômage actuellement. Le directeur général de Palmal a déclaré qu'elle avait travaillé à l'entreprise Jamuna Knitting and Dyeing Garments Ltd. à partir du 9 octobre 1995 en tant qu'opératrice de machine et que par la suite elle avait également travaillé dans l'entreprise Southern Services Ltd. à partir du 19 décembre 1995 en tant qu'opératrice stagiaire. Le directeur général a affirmé en outre qu'elle travaillait maintenant au sein de l'entreprise AAFLI avec un salaire mensuel de 3 000 tk. Mais Mme Kalpana a démenti cette information.

85. En ce qui concerne l'attaque alléguée contre des locaux syndicaux, la commission d'enquête a immédiatement ouvert une enquête au 200, Santibag, Dhaka, où le bureau du BIGU (non enregistré) avait été établi. Au moment de l'enquête, la secrétaire de l'organisation, Nazma Sheikh, et une personne étaient présentes, mais aucune de ces deux personnes n'a pu confirmer que l'attaque alléguée avait été perpétrée par les employeurs de l'entreprise Palmal Knitwear Factory Ltd. La présidente du BIGU a déclaré qu'une première plainte avait été déposée au commissariat de Motijheel au sujet de l'attaque alléguée, mais elle n'a produit aucun document à l'appui de sa déclaration.

86. Sur ces diverses questions, les travailleurs, de leur côté, ont déposé les cas IRO nos 48/95, 49/95, 50/95, 51/95, 53/95, 54/95 et 55/95 devant les tribunaux du travail; les cas nos 49/95 et 53/95 ont été retirés par le plaignant. Les cas restants sont en instance devant le tribunal du travail, à l'instar des cas IRO no 74/95. Un autre cas IRO no 95/95 a aussi été retiré par le plaignant. Le gouvernement déclare que les décisions sur les cas en instance seront publiées officiellement une fois que les tribunaux du travail concernés auront rendu leurs décisions respectives.

C. Nouvelle information fournie par l'organisation plaignante

87. Dans sa communication en date du 11 juin 1996, la FITTHC fait savoir que sa dernière plainte a trait à la situation dans l'entreprise Saladin Garments Ltd., où des travailleurs ont subi ces deux derniers mois des manœuvres d'intimidation et de harcèlement et ont été exposés à de très graves menaces. La situation est la suivante: les travailleurs de l'entreprise Saladin Garments Ltd. se préparaient à créer un syndicat à partir de janvier 1996. A cette fin, ils étaient en train de recueillir des formulaires "D", formulaires signés par les travailleurs indiquant qu'ils voulaient constituer un certain syndicat. Ces formulaires sont exigés par les pouvoirs publics pour enregistrer un syndicat. Cette information est parvenue à la direction de l'entreprise Saladin Garments Ltd.

88. Le 9 avril 1996, les travailleurs de l'entreprise Saladin ont déposé une demande d'enregistrement de syndicat auprès du greffier des syndicats. Plusieurs jours auparavant, la direction de l'usine a commencé à menacer les travailleurs cherchant à s'organiser et a exigé qu'ils cessent leurs activités syndicales et qu'ils divulguent les noms de tous les travailleurs ayant signé les formulaires D. Il est allégué que, le 8 avril, le directeur de la production, M. Nannu, le mécanicien en charge, M. Jainal, et le contremaître en charge du finissage, M. Monir, ont emmené un travailleur du nom de Chand Mia au bureau pour faire pression sur lui afin qu'il donne la liste des travailleurs impliqués dans le processus de constitution du syndicat. Le travailleur a été retenu dans le local jusqu'à 18 h 30. Il est allégué que, le 9 avril, le directeur de la production, Nannu, accompagné de ses acolytes, a conduit une nouvelle fois Chand Mia à son bureau et l'a retenu. Ce dernier a été une nouvelle fois interrogé pour connaître les noms des travailleurs qui avaient signé en faveur du syndicat. Durant l'interrogatoire, il a été giflé, on lui a déclaré nous verrons comment vous allez créer un syndicat et le directeur de la production, Nannu, lui a tenu une lame sur la gorge. Une plainte a été déposée au poste de police de Sobuj Bagh sous le numéro 522 du registre en date du 9 avril 1996.

89. Les travailleurs ont envoyé une lettre au directeur général de l'usine, M. Abdus Salam Murshedi, informant la direction qu'ils étaient en train d'exercer leur droit légal de constituer un syndicat. La lettre contenait les noms des travailleurs impliqués dans le processus de constitution du syndicat et demandait la coopération de la direction. (La lettre a été rédigée le 8 avril 1996 et est parvenue à l'usine deux jours après environ.) Il est allégué qu'après avoir reçu ladite lettre, M. Abdus Salam Murshedi a convoqué Mme Asma, présidente du syndicat, dans son bureau. En compagnie d'un certain M. Jibon (un homme de main extérieur de Saladin Garments) et de M. Seraj, responsable administratif, ils ont commencé à interroger Mme Asma sur sa participation aux affaires syndicales. Le directeur général lui a demandé de ne pas constituer de syndicat avec l'aide de l'AAFLI, étant donné que l'AAFLI était en train de détruire l'industrie de l'habillement. Il lui a déclaré que si les travailleurs souhaitaient constituer un syndicat, la direction les y aiderait. Le directeur général a en outre déclaré que si elle n'abandonnait pas ses activités syndicales les travailleurs verraient cinq cadavres après les élections (nationales). Il a ensuite déclaré que l'avocate [du BIGU] a déjà été attaquée, mais n'a pas renoncé à ses activités. Elle sera punie pour cela. (Il se référait apparemment à l'attaque du 21 novembre 1995 contre le bureau du BIGU au cours de laquelle l'avocate a été arrosée d'essence et terrorisée par des hommes de main armés.)

90. Par la suite, la direction a commencé à envoyer des notifications (lettres relatives à leur comportement prétendument répréhensible) ainsi que d'autres lettres d'avertissement aux travailleurs impliqués directement dans le syndicat. La direction a commencé à faire travailler les femmes la nuit de manière régulière. Parfois, une travailleuse a été obligée de travailler seule dans un lieu isolé sans sécurité (le travail de nuit des femmes est interdit par la loi de 1965 sur les fabriques). Des travailleuses ont envoyé des lettres au directeur général protestant contre le travail de nuit, mais la direction a poursuivi cette pratique. Les mesures d'intimidation, les menaces et les humiliations publiques sont maintenant la routine et ont abouti à la démission de la secrétaire générale du syndicat, Mme Shuli, ainsi qu'à celle d'une autre membre du syndicat. La FITTHC affirme que même si ces allégations ne sont que partiellement correctes elles représentent des violations très graves des droits fondamentaux des travailleurs. Elle insiste sur le fait que ces travailleurs devraient bénéficier de la protection des autorités et se voir accorder le droit d'organisation conformément à la législation du Bangladesh et aux conventions pertinentes de l'OIT. Les travailleuses qui ont démissionné à la suite des manœuvres d'intimidation et de harcèlement devraient être réintégrées.

91. Dans sa communication du 30 janvier 1997, la FITTHC fournit des informations complémentaires au sujet des menaces de transferts de quatre membres du BIGU en réponse à la demande du comité lors de l'examen antérieur du cas. [Voir 304e rapport, paragr. 96 e).] La FITTHC indique qu'à la fin juillet 1995 quatre militants actifs du BIGU ont été avertis par le directeur général de l'usine, M. Shamim Reja Pinu, qu'au mois d'août 1995 ils seraient transférés dans une autre usine du groupe Palmal, située à 25 km de leur lieu de travail et de résidence actuel. Le 28 juillet 1995, les travailleurs ont envoyé des lettres à la direction en expliquant les dommages économiques que le transfert causerait. Par la suite, grâce à des pressions extérieures, l'ordre de transfert a été abandonné.

D. Nouvelle réponse du gouvernement

92. Dans sa communication en date du 3 septembre 1996, le gouvernement fait savoir que la plainte de la FITTHC a déjà été examinée par le ministère du Travail. Il fournit un résumé du rapport d'enquête dont la teneur est la suivante.

93. En ce qui concerne la constitution d'un syndicat par les travailleurs de l'entreprise Saladin Garments Ltd., c'est un fait que le processus a commencé en janvier 1996 et la demande d'enregistrement du nouveau syndicat constitué a été effectivement déposée le 3 avril 1996 auprès du greffier des syndicats (RTU), division de Dhaka. Le greffier des syndicats a traité ladite demande conformément aux articles 7 et 9 de l'ordonnance sur les relations du travail (IRO) de 1969 et a rejeté la demande le 3 juin 1996 en application de l'article 10 de l'ordonnance sur les relations du travail de 1969 au motif qu'elle n'était pas conforme aux obligations légales. La plainte alléguée selon laquelle des travailleurs impliqués dans le processus de constitution d'un syndicat auraient été agressés et intimidés par la direction n'a pas été prouvée au cours de l'enquête.

94. S'agissant de l'incident concernant les diverses manières dont M. Chand Mia a été torturé, les 8 et 9 avril 1996, par le directeur de la production, M. Nannu, le mécanicien en charge, M. Jainal, et le contremaître en charge du finissage, M. Monir, ceci non plus n'a pu être prouvé au moment de l'enquête. Même Mme Asma, présidente du syndicat, a reconnu qu'elle n'avait pas vu M. Chand Mia subir de tortures physiques et qu'elle l'avait simplement entendu dire. La police doit pourtant entamer une procédure pour donner suite à la plainte déposée sous le numéro 522 du registre en date du 9 avril 1996.

95. L'allégation selon laquelle la direction a conseillé à Mme Asma, présidente du syndicat proposé, de ne pas constituer un syndicat avec l'aide de personnes extérieures est reconnue par la direction. Mais rien durant l'enquête n'a permis d'établir que Mme Asma ait reçu des notifications en raison de sa participation à la constitution d'un syndicat. Elle-même et d'autres personnes ont reçu de tels documents pour d'autres raisons, en application de la législation en vigueur dans le pays.

96. Au sujet de l'allégation selon laquelle des travailleuses auraient dû travailler régulièrement dans un lieu isolé sans aucune sécurité, le gouvernement indique que la direction nie en partie cette allégation. Elle a déclaré que dans les cas d'urgence les travailleuses doivent parfois travailler la nuit et qu'elles perçoivent une compensation pour le travail supplémentaire. L'allégation selon laquelle une femme aurait dû travailler seule de nuit a été qualifiée de ridicule par la direction, étant donné que dans une usine d'habillement le travail est effectué en équipe par un groupe de travailleurs travaillant ensemble. Enfin, le gouvernement a fait observer que selon la direction, étant donné que les deux travailleuses ont démissionné volontairement, il n'y a pas lieu de les réintégrer.

97. En plus des conclusions susmentionnées, le gouvernement ajoute que dans le secteur de l'habillement au Bangladesh des efforts sont entrepris pour appliquer le plus strictement possible les dispositions légales contenues dans la loi de 1965 sur les fabriques et dans la loi de 1965 sur les magasins et les établissements. Aucun syndicat de travailleurs, ou association d'employeurs, n'est dissuadé de se faire enregistrer conformément à l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail. Le gouvernement veille simplement à ce que le syndicat soit enregistré conformément aux exigences de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail. De plus, tout syndicat lésé par la décision quelconque d'un greffier des syndicats a la possibilité de faire appel devant le tribunal d'appel du travail.

E. Conclusions du comité

98. Le comité note qu'il y a deux séries d'allégations dans le présent cas: premièrement, celles ayant trait à la situation syndicale à l'usine de tricot Palmal Knitwear Factory Ltd., qui ont déjà été examinées par le comité, et, deuxièmement, celles concernant la situation syndicale dans l'entreprise Saladin Garments Ltd. Le comité se propose d'examiner en premier les allégations concernant les violations de la liberté syndicale par l'entreprise Palmal Knitwear Factory Ltd.

La situation syndicale dans
l'entreprise Palmal Knitwear Factory Ltd.

99. Avant d'examiner les affaires en question individuellement, le comité rappelle que compte tenu du nombre et de la gravité des allégations liées à cette plainte il avait demandé au gouvernement, lors de l'examen antérieur du cas, de poursuivre son enquête pour lever les contradictions entre les éléments d'information fournis jusqu'à présent par l'organisation plaignante et la direction. A cet égard, le comité note qu'une commission d'enquête a été créée par le ministère du Travail et de la Main-d'œuvre le 20 juillet 1996 pour examiner plus en profondeur les violations alléguées de la liberté syndicale par l'entreprise Palmal Knitwear Factory Ltd. (ci-après dénommée "Palmal"). Le comité note en outre que, selon le rapport d'enquête fourni par le gouvernement, la présidente du BIGU, Mme Kalpana Akhter, et la militante du BIGU, Mme Hasna Hena, de même que le directeur général de Palmal, M. Nurul Haque Sikdar, ont été respectivement entendus par la commission d'enquête dont la composition était la suivante: M. Mella Golam Sarwar (directeur du travail), M. Khurshid Alam Chawdhury (directeur adjoint du travail) et M. Lokman Hekim Talukder (chef adjoint du travail).

100. Le comité regrette cependant que, bien que les parties aient signé une déclaration conjointe à la suite de cette seconde enquête, cette dernière n'a pas permis de résoudre les déclarations contradictoires faites par les deux parties. Selon ce que comprend le comité, ceci est dû en grande partie au fait que, chaque fois que le directeur général démentait une allégation, l'organisation plaignante n'était pas en mesure de produire de preuve écrite à l'appui de l'allégation en question. Le comité observe le manque de cohérence dans les témoignages avancés par la direction qui affecte la crédibilité des preuves. Le comité rappelle cependant au gouvernement que, dans certains cas, il peut être difficile, voire impossible, pour un travailleur de fournir la preuve d'un acte de discrimination antisyndicale dont il (ou elle) a été victime. Par ailleurs, étant donné que les allégations dans le présent cas se réfèrent à des voies de fait, des démissions forcées, des licenciements, des listes noires, des menaces et d'autres manœuvres d'intimidation des travailleurs et de leurs proches, le comité doit une nouvelle fois appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 47.]

101. Le comité note en outre que plusieurs cas, principalement les cas IRO nos 48/95, 50/95, 51/95, 54/95, 55/95 et 74/95 sont toujours en instance devant les tribunaux du travail et concernent les incidents évoqués par l'organisation plaignante. Le comité demande au gouvernement de fournir des copies des décisions de justice dès qu'elles seront rendues.

Enregistrement du BIGU

102. En ce qui concerne l'enregistrement du BIGU en tant que syndicat, le gouvernement déclare tout d'abord que la demande d'enregistrement du BIGU a été rejetée par le greffier des syndicats le 14 juin 1995 au motif qu'elle ne satisfaisait pas aux conditions énoncées à l'article 7(2) de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail (IRO). Le comité appelle néanmoins l'attention du gouvernement sur le fait que, depuis plusieurs années, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations demande au gouvernement de modifier les articles 7(2) et 11(g) de l'ordonnance sur les relations du travail afin de les rendre conformes à l'article 2 de la convention no 87. Ces deux dispositions imposent respectivement un effectif de 30 pour cent au moins de l'effectif total des travailleurs occupés dans l'établissement ou un groupe d'établissements pour qu'un syndicat puisse être enregistré et permettent la dissolution d'un syndicat dont l'effectif tombe en deçà de cette limite. [Voir observation, rapport III, partie 4A de 1997, p. 161 du texte français.] Le comité, de même que la commission d'experts, demande au gouvernement de modifier sa législation à cet égard.

103. Une autre raison invoquée par le gouvernement pour le refus de l'enregistrement est l'absence de toute disposition légale permettant l'enregistrement d'un syndicat à l'échelon national dont les travailleurs sont employés par plusieurs employeurs et l'existence d'un jugement refusant l'enregistrement à un syndicat comprenant des travailleurs de différents établissements appartenant à différents employeurs. Le comité a néanmoins estimé dans des circonstances antérieures que le libre exercice du droit de constituer des syndicats et de s'y affilier implique la libre détermination de la structure et de la composition des syndicats et que les travailleurs ont le droit, aux termes de l'article 2 de la convention no 87, de constituer les organisations de leur choix, y compris les organisations regroupant des travailleurs de différents lieux de travail et localités. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 275 et 283.]

104. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les amendements législatifs soient adoptés, conformément aux principes exprimés ci-dessus, dans l'ordonnance sur les relations de travail de sorte que les travailleurs aient le droit de constituer des organisations de leur choix sans restrictions et d'y adhérer. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte d'accorder l'enregistrement au BIGU en tant qu'organisation syndicale conformément aux exigences de la convention no 87 qui a été ratifiée par le Bangladesh. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur tous progrès réalisés à cet égard. Il attire l'attention de la commission d'experts sur cet aspect du cas.

Pratique de listes noires à l'encontre
des travailleurs et des syndicalistes

105. Le comité note qu'au cours de la seconde enquête le gouvernement indique que le directeur général de Palmal dément catégoriquement avoir envoyé des photographies de travailleurs à d'autres employeurs. Le gouvernement déclare que la direction n'a voulu que confirmer l'information selon laquelle certains travailleurs absents de Palmal seraient en train de travailler dans d'autres usines. La direction avait donc envoyé des lettres (mais pas de photographies) aux entreprises pour confirmer l'emploi des travailleurs absents dans ces autres usines. Le gouvernement conclut que, vu que l'organisation plaignante n'a produit aucune preuve écrite à l'appui des allégations d'établissement de listes noires par la direction, il n'y avait pas d'autre motif derrière les mesures de la direction. Le comité note cependant que la déclaration de la direction est en contradiction directe avec ce qu'elle avait dit durant la première enquête et le premier examen du cas. A cette époque, la direction de Palmal avait reconnu avoir envoyé des lettres avec les photographies des travailleurs absents, bien qu'elle ait prétendu l'avoir fait uniquement pour confirmer que les travailleurs absents étaient employés dans d'autres usines. [Voir 304e rapport, paragr. 76.] Au vu de cette contradiction, le comité rappelle que les travailleurs se heurtent à de nombreuses difficultés pratiques pour établir la nature réelle de leur licenciement ou du refus d'embaucher qui leur est opposé, surtout dans le contexte de l'établissement de listes noires, pratique dont la force même réside dans le secret dont elle s'entoure. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 710.] Le comité estime que si les allégations sont fondées, elles constituent une violation des principes de la liberté syndicale.

Pressions, voies de fait et démission de
MM. M. Rahman et N. Ahmed

106. S'agissant des circonstances ayant conduit à la cessation d'emploi de MM. M. Rahman et N. Ahmed, le comité note avec préoccupation que le gouvernement se contente de répéter la déclaration du directeur général de Palmal selon laquelle il n'a été mis fin aux fonctions d'aucune des deux personnes et qu'elles avaient démissionné volontairement. Le gouvernement ajoute qu'il a pour preuve la photocopie des lettres de démission des deux travailleurs envoyées au directeur général. Compte tenu de la gravité des allégations selon lesquelles ces deux militants du BIGU auraient été tous deux intimidés, agressés et poussés à démissionner, le comité appelle une nouvelle fois l'attention du gouvernement sur le principe fondamental selon lequel les actes d'intimidation, les atteintes à l'intégrité physique et les démissions forcées constituent une violation grave de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 46, 47 et 702.] Le comité demande au gouvernement d'assurer la réintégration de ces personnes dans leur poste de travail, si elles le souhaitent.

Cessation d'emploi de huit membres du BIGU

107. En ce qui concerne les raisons de la cessation d'emploi de huit membres du BIGU, le comité note que le gouvernement dans son rapport d'enquête se réfère à la déclaration du directeur général selon laquelle ces huit travailleurs n'avaient pas été démis de leurs fonctions, mais s'étaient plutôt absentés de manière prolongée sans autorisation. Le comité note que, bien que le gouvernement ne mentionne pas le point de vue de l'organisation plaignante à cet égard, celle-ci avait allégué, durant l'examen antérieur du cas par le comité, que ces huit membres du BIGU avaient été licenciés pour avoir défendu les droits à compensation des travailleurs, à savoir dans l'exercice de leurs activités syndicales. [Voir 304e rapport, paragr. 64.] Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle six cas en rapport avec cet incident sont maintenant en instance devant le tribunal du travail. Compte tenu des déclarations contradictoires concernant les raisons de la cessation d'emploi des huit membres du BIGU, le comité rappelle une nouvelle fois que nul ne doit être licencié ou faire l'objet d'autres mesures préjudiciables en matière d'emploi en raison de l'exercice d'activités syndicales légitimes et qu'il importe que tous les actes de discrimination en matière d'emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 696.] Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue des décisions de justice devant les tribunaux du travail et de prendre des mesures pour réintégrer les travailleurs concernés si leurs licenciements antisyndicaux sont prouvés.

Tentative de disqualification de 11 membres du BIGU
et menaces de transfert proférées contre quatre membres du BIGU

108. Le comité note qu'il reste encore des déclarations contradictoires sur la question de savoir si l'entreprise en question a tenté de disqualifier 11 membres du BIGU en exerçant des pressions sur 155 travailleurs afin qu'ils signent des feuilles en blanc qui auraient été ensuite attachées à une page de couverture condamnant les activités de ces 11 membres du BIGU qui avaient intenté des actions en justice contre l'entreprise. Compte tenu de l'impossibilité d'éclaircir la question durant la seconde enquête du gouvernement, le comité souhaiterait rappeler que dans ce cas il peut être souvent difficile, sinon impossible, pour un travailleur ou une travailleuse de fournir la preuve d'un acte de discrimination antisyndicale à son encontre.

109. S'agissant de la menace de transfert pour quatre membres du BIGU, à savoir MM. Badal, Nurul Islam, Shahidul Islam et Hashem, le gouvernement indique que l'organisation plaignante n'a pas été en mesure de fournir une preuve quelconque à l'appui de cette allégation durant le cours de l'enquête. L'organisation plaignante affirme cependant que quatre membres du BIGU ont été menacés de transfert à une autre usine du groupe Palmal situé à 25 km environ de leur lieu actuel de travail et de résidence. Par la suite, grâce à des pressions extérieures, l'ordre de transfert a été abandonné. Vu la contradiction des deux déclarations, le comité rappelle que les menaces de transferts peuvent, en fonction des circonstances, constituer une discrimination antisyndicale dans l'emploi (voir Digest, op. cit., paragr. 695).

Démission forcée de deux travailleuses

110. Le comité note que le gouvernement, sur la base de son enquête, indique que les deux travailleuses ont été licenciées après épuisement de toutes les procédures prévues par la loi de 1965 sur l'emploi de la main-d'œuvre et qu'elles n'ont donc pas été forcées à démissionner sous la pression de listes noires en raison de leurs contacts avec le BIGU. Le gouvernement n'explique pas, cependant, pour quelle raison les deux travailleuses ont été démises de leurs fonctions. Le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait qu'il considère que, si l'allégation de démission forcée et de pression au moyen de listes noires était prouvée, elle constituerait selon lui une forme de discrimination antisyndicale grave.

Tentative de démission forcée et de licenciement de Mme Kalpana

111. Au sujet de la tentative de démission forcée et de licenciement de Mme Kalpana, le comité note que Mme Kalpana n'est plus employée à Palmal contrairement à son souhait (ceci a été reconnu par le directeur général qui a déclaré qu'on lui avait envoyé un avis par lettre recommandée, mais qu'elle avait refusé de l'accepter). En outre, le comité note que durant l'enquête le directeur général a insisté sur le fait qu'elle était maintenant employée ailleurs, alors que Mme Kalpana l'a démenti. Le comité regrette que l'enquête n'ait pas permis d'éclaircir cette affaire d'autant que le comité avait antérieurement fait remarquer qu'elle était confrontée à de graves difficultés dans son emploi en raison de ses activités syndicales. [Voir 304e rapport, paragr. 90.] Le comité renouvelle donc sa demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour clarifier la situation de Mme Kalpana en matière d'emploi et pour garantir qu'elle puisse rester à son poste chez Palmal, si elle le souhaite, et qu'elle ne fasse pas l'objet d'une discrimination en raison de ses activités syndicales. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.

Attaque contre des locaux syndicaux et voies de fait
envers des syndicalistes

112. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu à la demande antérieure du comité de diligenter une enquête judiciaire indépendante sur l'attaque contre les locaux syndicaux et sur les voies de fait envers des syndicalistes présents. [Voir 304e rapport, paragr. 96 g).] Par ailleurs, le comité note avec préoccupation que la seconde enquête gouvernementale n'a pas permis d'éclaircir davantage les circonstances de ce grave incident. Déplorant cette grave violation des droits syndicaux, le comité rappelle que toute agression contre des syndicalistes et contre des locaux et biens syndicaux constitue une grave violation des droits syndicaux. Ce type d'activité criminel crée un climat d'intimidation qui est extrêmement préjudiciable à l'exercice des activités syndicales. [Voir 304e rapport, cas no 1862 (Bangladesh), paragr. 94.]

113. Etant donné que les deux enquêtes menées par le gouvernement n'ont pas permis de faire la lumière sur les contradictions dans les preuves fournies par les parties respectives, le comité demande au gouvernement d'instituer une enquête judiciaire indépendante sur les diverses allégations et de le tenir informé de ses résultats. Les travaux de cette enquête pourraient être facilités en appelant comme témoins les membres du BIGU qui auraient, selon les allégations, fait l'objet de divers actes de discrimination antisyndicale.

* * *

La situation syndicale dans l'entreprise Saladin Garments Ltd.

114. En ce qui concerne les allégations de la FITTHC concernant la situation syndicale dans l'entreprise Saladin Garments Ltd., le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle le ministère du Travail a déjà mené une enquête au sujet de la plainte de la FITTHC. Le comité note cependant avec une grave préoccupation que cette enquête gouvernementale, tout comme celles menées sur la situation syndicale dans l'entreprise Palmal, rejette tous motifs antisyndicaux de la part de l'employeur. Le comité déplore que le gouvernement, au cours de l'enquête, se soit fondé presque exclusivement sur les informations fournies par la direction de l'entreprise Saladin Garments Ltd. et n'ait pas pris davantage en compte la position de l'organisation plaignante. Etant donné la gravité des allégations formulées -- graves mesures de harcèlement, menaces de mort, agressions physiques, démissions forcées et autres formes d'intimidation des travailleurs de l'entreprise Saladin Garments Ltd. --, le comité doit une nouvelle fois appeler l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres des syndicats, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 47.] Compte tenu de ce principe, le comité demande au gouvernement d'instituer une véritable enquête judiciaire indépendante sur les diverses allégations formulées et de le tenir informé à cet égard.

Enregistrement d'un nouveau syndicat dans l'entreprise
Saladin Garments Ltd.

115. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle la demande d'enregistrement d'un syndicat nouvellement constitué dans l'entreprise Saladin Garments Ltd., a été rejetée par le greffier des syndicats le 3 juin 1996 pour ne pas avoir satisfait aux exigences des articles 7, 9 et 10 de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail. Le comité doit une nouvelle fois souligner que les dispositions susmentionnées ne sont pas conformes à l'article 2 de la convention no 87 pour les mêmes raisons que celles énumérées dans les paragraphes précédents concernant l'enregistrement du BIGU. Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le syndicat nouvellement constitué dans l'entreprise Saladin Garments Ltd. obtienne l'enregistrement afin qu'il puisse exercer ses légitimes activités syndicales.

Torture de M. Chand Mia

116. Pour ce qui est de l'allégation de torture d'un travailleur, M. Chand Mia, par MM. Nannu, Jainal et Monir les 8 et 9 avril 1996, le comité regrette que le gouvernement se borne à déclarer que cette allégation n'a pu être prouvée au moment de l'enquête et que même la présidente du syndicat n'a pu vu M. Chand Mia subir des tortures physiques mais qu'elle en a eu simplement connaissance par la suite. Le comité déplore, en outre, que la police n'ait pris aucune mesure pour la plainte déposée le 9 avril 1996. Le comité estime qu'une enquête judiciaire indépendante est particulièrement justifiée ici, étant donné qu'il a déjà considéré en plusieurs occasions que, lorsque se sont produites des atteintes à l'intégrité physique ou morale, une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la répétition de telles actions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 53.]

Manœuvres de harcèlement et d'intimidation de la présidente
et de membres du syndicat; démission forcée de deux travailleuses

117. S'agissant des mesures de harcèlement et d'intimidation de la présidente du syndicat, Mme Asma, et d'autres travailleurs pour avoir tenté de constituer un syndicat indépendant, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle au cours de l'enquête la direction a reconnu avoir conseillé à Mme Asma de ne pas constituer un syndicat avec l'assistance de personnes extérieures. Le gouvernement maintient cependant que Mme Asma et d'autres travailleurs ont reçu des notifications (lettres relatives à leur comportement répréhensible) par la suite non en raison de leur participation à la constitution d'un syndicat, mais pour diverses autres raisons au regard de la législation du pays.

118. De même, s'agissant de l'allégation de démission forcée de la secrétaire générale du syndicat, Mme Shuli, et d'une autre membre du syndicat, le comité note que le gouvernement se borne à répéter le point de vue de la direction selon lequel, étant donné que les deux femmes avaient démissionné volontairement, il n'y a pas lieu de les réintégrer.

* * *

119. D'une manière générale, le comité note que le gouvernement, sans nier l'attitude antisyndicale de la direction, n'apporte pas un éclairage supplémentaire sur celle-ci durant le cours de l'enquête. Le comité estime que ces allégations complètent l'image d'une discrimination antisyndicale active de la part de la direction. Il estime en outre que les tentatives d'obtenir la liste des syndicalistes pour disposer d'une base en vue d'activités antisyndicales systématiques comme par exemple des menaces de mort, des lettres relatives à l'inconduite adressées à des dirigeants syndicaux et aux membres et des manœuvres pour obtenir leur démission forcée constituent une grave violation des principes de la liberté syndicale. Le comité demande donc au gouvernement de le tenir informé du résultat de l'enquête judiciaire indépendante sur les allégations susmentionnées.

Recommandations du comité

120. Au vu de ses conclusions antérieures, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

  1. Le comité demande au gouvernement d'assurer l'adoption des amendements législatifs appropriés à la lumière de ses conclusions dans l'ordonnance sur les relations de travail de 1969, de sorte que les travailleurs puissent constituer les organisations de leur choix sans restrictions d'aucune sorte et d'y adhérer.
  2. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat des travailleurs indépendants de l'habillement du Bangladesh (BIGU) obtienne son enregistrement en tant qu'organisation syndicale. Il demande en outre au gouvernement de le tenir informé de toute évolution en la matière.
  3. Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête judiciaire indépendante afin de dissiper les contradictions dans les preuves fournies sur le cas jusqu'à présent par le BIGU et la direction de Palmal. Il demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de l'enquête sur les allégations suivantes: i) pratique de listes noires à l'encontre de travailleurs et de syndicalistes; ii) pressions, voie de fait et démission de MM. M. Rahman et N. Ahmed; iii) cessation d'emploi de huit membres du BIGU; iv) tentative de disqualification de 11 membres du BIGU; v) démission forcée de deux travailleuses; vi) attaque contre les locaux syndicaux du BIGU et voies de fait à l'encontre des syndicalistes du BIGU le 21 novembre 1995. Le comité demande en outre au gouvernement de le tenir informé de l'issue des recours en justice en instance devant les tribunaux du travail qui ont été introduits par six des huit membres du BIGU qui ont été licenciés, et de prendre des mesures pour réintégrer les travailleurs concernés s'il est prouvé que leur licenciement était discriminatoire.
  4. Le comité renouvelle sa demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire la lumière sur la situation de Mme Kalpana en matière d'emploi et pour garantir qu'elle puisse rester à son poste chez Palmal, si elle le souhaite, et qu'elle ne fasse pas l'objet d'une discrimination en raison de ses activités syndicales.
  5. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de plusieurs cas, à savoir les cas IRO nos 48/95, 50/95, 51/95, 54/95, 55/95 et 74/95 qui ont été déposés par divers militants et membres du BIGU et qui sont encore en instance devant les tribunaux du travail.
  6. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures appropriées pour faire en sorte que le syndicat nouvellement constitué dans l'entreprise Saladin Garments Ltd. obtienne l'enregistrement afin qu'il puisse exercer ses activités syndicales légitimes. Il demande au gouvernement de le tenir informé de toute évolution en la matière.
  7. Le comité demande au gouvernement d'instituer une véritable enquête judiciaire indépendante sur les allégations de violation des droits syndicaux dans l'entreprise Saladin Garments Ltd. Il demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de cette enquête, notamment en ce qui concerne les allégations suivantes: i) torture de M. Chand Mia, travailleur de l'entreprise Saladin Garments Ltd., par MM. Nannu, Jainal et Monir les 8 et 9 avril 1996; ii) graves manœuvres de harcèlement et d'intimidation à l'encontre de la présidente du syndicat, Mme Asma, et d'autres membres du syndicat, y compris par des menaces de mort et des lettres relatives à leur comportement prétendument répréhensible; iii) démission forcée de la secrétaire générale du syndicat, Mme Shuli, et d'une autre membre du syndicat.
  8. Le comité attire l'attention de la commission d'experts sur les aspects législatifs de ce cas.

Cas no 1885

Rapport où le comité demande à être informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Bélarus
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: expulsion de syndicalistes, violations du droit de réunion
et de la liberté syndicale

121. Dans des communications en date des 15, 21 et 29 mai 1996, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Bélarus.

122. En l'absence de réponse de la part du gouvernement, le comité a dû reporter à deux reprises l'examen du présent cas qui comporte des allégations particulièrement graves. A sa réunion de novembre 1996 [voir 305e rapport, paragr. 9], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en attirant son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration, il pourrait présenter à sa réunion suivante un rapport sur le fond de l'affaire en instance, même si les informations et observations du gouvernement n'étaient pas reçues à temps.

123. Le Bélarus a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la confédération plaignante

124. Dans sa communication datée du 15 mai 1996, la CISL allègue que le gouvernement du Bélarus a pris de nouvelles mesures pour empêcher les syndicats indépendants du pays d'entretenir des relations syndicales normales au niveau international.

125. Selon la CISL, une délégation de l'organisation NSZZ Solidarnosc s'est rendue à Minsk le 13 mai pour rendre une visite amicale au Syndicat libre du Bélarus (SPB).

126. Plusieurs réunions ont été organisées par le SPB avec des travailleurs de diverses entreprises. La délégation avait reçu une autorisation de pénétrer dans le complexe des chaînes de montage de Minsk où elle était attendue le 14 mai au matin. Cette autorisation a ultérieurement été retirée sans explication. La délégation a donc rencontré les travailleurs dans le stade d'une école en dehors des locaux de l'usine pendant leur pause. Par la suite, les membres de la délégation se sont rendus au siège du syndicat et ont déjeuné dans un restaurant voisin. Au moment de quitter le restaurant, ils ont été arrêtés par huit agents de la police présidentielle et conduits au poste de police du quartier des Partisans. L'ambassadeur de Pologne à Minsk est intervenu immédiatement et a été autorisé à rencontrer les membres de la délégation. Ces derniers ont été déclarés persona non grata et sommés de quitter le pays sur le champ. La CISL a indiqué qu'à son avis des mesures de répression risquaient fort d'être prises contre le SPB.

127. Dans sa communication du 21 mai 1996, la CISL ajoute que le 15 mai, immédiatement après l'expulsion de la délégation de NSZZ Solidarnosc, la police s'est rendue au siège du SPB et a signifié une assignation à Gennady Bykov, président, et P. Moyseyevich, vice-président du SPB et président du Syndicat des travailleurs de la métallurgie, en raison de leur participation à un rassemblement illégal. Le rassemblement illégal en question était la réunion tenue au stade d'une école du fait que l'autorisation de se rendre au complexe des chaînes de montage de Minsk avait été refusée.

128. Le vice-ministre de l'Industrie a écrit au syndicat le 14 mai, en faisant référence au décret présidentiel no 336 qui impose une interdiction temporaire aux activités du SPB. En vertu de ce décret, il a demandé que toute réunion avec les travailleurs se tienne en dehors de leur lieu de travail. Etant donné que le syndicat avait reçu du directeur une autorisation écrite de visiter l'usine, la délégation est arrivée à l'usine à l'heure prévue. Dès son arrivée, elle a été accueillie par les forces de police armées et les responsables de la sécurité munis de caméras vidéo. Manifestement contrarié, le directeur a retiré l'autorisation. MM. Bykov et Moyseyevich sont restés en fait dans l'usine pour s'entretenir avec le directeur et des responsables alors que se tenait la réunion dans le stade d'une école. Ils n'ont donc pas participé au rassemblement prétendument illégal. Néanmoins, s'il devait être jugé et condamné, M. Bykov, qui a déjà été détenu pendant dix jours, serait passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins six mois.

129. La CISL fait valoir également que le SPB a été informé par le vice-ministre de la Justice du fait que le ministère avait reçu de la présidence l'ordre d'appliquer le décret no 336. En vertu de ce décret, le ministère devait fermer tous les bureaux du SPB. En outre, les deux syndicats affiliés au SPB, à savoir le Syndicat indépendant du Bélarus (anciennement NPG) et le Syndicat libre des travailleurs des transports, ont été cités à comparaître pour avoir utilisé un insigne illégal à l'occasion des manifestations du 1er mai. Les deux syndicats arboraient des banderoles représentant l'ancien drapeau du Bélarus libre sur lequel étaient imprimés leurs sigles.

130. En conclusion, la CISL a souligné que le gouvernement persiste à avoir recours au décret présidentiel no 336, ce qui est manifestement contraire aux recommandations antérieures du Comité de la liberté syndicale sur le sujet.

B. Conclusions du comité

131. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte et compte tenu de la gravité des faits allégués, le gouvernement n'ait répondu à aucune des allégations formulées par l'organisation plaignante, alors qu'il a été à plusieurs reprises invité à présenter ses commentaires et observations sur le cas, notamment par un appel pressant.

132. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable dans ce cas [voir 127e rapport du comité, paragr. 17, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session], le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de l'affaire, même en l'absence des informations qu'il avait espéré recevoir du gouvernement.

133. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée par l'Organisation internationale du Travail en vue d'examiner des allégations relatives à des violations de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées aux accusations qui pourraient être dirigées contre eux. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]

134. Le comité relève que les allégations qui font l'objet du présent cas ont trait à l'expulsion de syndicalistes étrangers, l'assignation signifiée à des responsables syndicaux en raison de leur participation à un rassemblement syndical et la menace persistante d'interdire les activités du Syndicat libre du Bélarus (SPB) et de le dissoudre. En particulier, le comité note avec inquiétude que bon nombre de ces allégations concernent des violations des principes de la liberté syndicale que le comité a récemment portées à l'attention du gouvernement lors de l'examen d'une autre plainte présentée contre le gouvernement du Bélarus (cas no 1849, 302e rapport, paragr. 161-222).

135. Le comité relève tout d'abord que les membres d'une délégation de NSZZ Solidarnosc, après avoir rencontré les travailleurs du complexe des chaînes de montage de Minsk et s'être rendus au siège du SPB, ont été arrêtés par huit agents de la police présidentielle et conduits au poste de police où l'ambassadeur de Pologne à Minsk a dû intervenir. Les responsables de NSZZ Solidarnosc ont été déclarés persona non grata et sommés de quitter le pays. Le comité note également que, immédiatement après l'expulsion de la délégation de NSZZ Solidarnosc, une assignation a été signifiée à Gennady Bykov et P. Moyseyevich, respectivement président et vice-président du SPB, pour avoir participé à un "rassemblement illégal" (à savoir la réunion du SPB avec la délégation de NSZZ Solidarnosc, tenue dans le stade d'une école du fait que l'autorisation de pénétrer dans le complexe de Minsk, initialement accordée, a été ultérieurement retirée sans explication).

136. Le comité souhaite tout d'abord souligner l'importance du principe, affirmé en 1970 par la Conférence internationale du Travail dans sa résolution sur les droits syndicaux et leur relation avec les libertés civiles, qui reconnaît que le respect des libertés civiles, telles que la liberté syndicale, est fondamental pour l'exercice normal des droits syndicaux. D'après les informations dont il dispose, le comité ne peut que conclure que l'assignation signifiée à G. Bykov et P. Moyseyevich pour avoir participé à une réunion du SPB avec la délégation de SNZZ Solidarnosc est contraire au droit syndical de se réunir librement et à la liberté syndicale. En outre, vu que, selon les allégations, M. Bykov, s'il était jugé, serait passible d'une peine minimale de six mois de prison, le comité tient à souligner, comme il l'a fait lors de l'examen d'un autre cas concernant le Bélarus [voir 302e rapport, paragr. 213], que l'emprisonnement de dirigeants syndicaux pour des activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux est contraire aux principes de la liberté syndicale. En conséquence, le comité lance un appel au gouvernement pour qu'il retire immédiatement toute accusation qui aurait été prononcée à l'encontre de MM. Bykov et Moyseyevich pour leur participation à la réunion du SPB du 14 mai 1996 et qu'il s'abstienne de toute autre ingérence dans le droit des syndicats de tenir librement des réunions syndicales. Il demande au gouvernement de le tenir informé du retrait des accusations qui pèsent contre MM. Bykov et Moyseyevich.

137. Le comité déplore aussi que les membres de la délégation de NSZZ Solidarnosc aient été déclarés persona non grata et expulsés à la suite, et apparemment du fait, de leur participation à la réunion du SPB. Il juge ces faits d'autant plus inquiétants que la délégation avait reçu au départ une autorisation de pénétrer dans le complexe de Minsk et d'y rencontrer les travailleurs, autorisation qui a été ultérieurement retirée sans explication. A cet égard, le comité souhaite appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les formalités exigées des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour entrer dans un pays, ou participer à des activités syndicales, devraient être fondées sur des critères objectifs et être exemptes d'antisyndicalisme. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 639.] Il prie le gouvernement de veiller à ce que, à l'avenir, ce principe soit pleinement respecté dans la pratique.

138. Le comité relève également dans les allégations que le SPB a été informé par le vice-ministre de la Justice du fait que le ministère avait reçu l'ordre de la présidence d'appliquer le décret no 336. Lors de l'examen du cas no 1849, le comité avait constaté avec satisfaction que la Cour constitutionnelle avait déclaré contraires à la Constitution certains articles du décret présidentiel no 336, en particulier ceux qui visaient à suspendre les activités du Syndicat libre du Bélarus, et à y mettre fin, ainsi que la procédure engagée par le ministère public pour dissoudre ce syndicat. [Voir 302e rapport, paragr. 207, 209 et 210.] Le comité exprime néanmoins sa vive préoccupation quant au fait qu'il ne dispose pas d'information sur les suites pratiques qui ont été données à l'arrêt de la Cour constitutionnelle et demande instamment au gouvernement d'appliquer entièrement cet arrêt. [Voir 302e rapport, paragr. 222 d).]

139. Dans ces conditions, le comité ne peut que regretter profondément que le gouvernement n'ait pas pris de mesures pour mettre en application la recommandation précitée qu'il avait formulée concernant le décret no 336 et qu'il semble au contraire menacer de prendre de nouvelles dispositions pour donner effet au décret malgré la décision de la Cour constitutionnelle de le déclarer inconstitutionnel et malgré les conclusions du comité qualifiant les dispositions du décret de contraires aux principes de la liberté syndicale. Le comité demande donc instamment au gouvernement de prendre des mesures immédiates pour abroger les dispositions du décret présidentiel no 336 qui font obstacle au libre exercice des droits syndicaux, à savoir les articles 1, 2 et 3, et de le tenir informé de tout progrès à cet égard.

140. Enfin, en ce qui concerne l'assignation signifiée aux deux syndicats affiliés au SPB (le Syndicat indépendant du Bélarus et le Syndicat libre des travailleurs des transports) pour utilisation d'un insigne illégal à l'occasion des manifestations du 1er mai, le comité tient à rappeler que le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées, de sorte que les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d'opinion et d'expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 152.] Le comité est d'avis que le choix d'un insigne syndical relève de la liberté d'expression dont le respect est fondamental pour l'exercice normal des droits syndicaux et devrait donc, en principe, être uniquement considéré comme une affaire interne du syndicat en question. Le comité veut croire que, si les accusations sont maintenues à l'encontre des syndicats en cause au sujet de l'utilisation de cet insigne, elles seront jugées par un organe judiciaire indépendant qui veillera au respect de la liberté d'expression des syndicalistes quand il examinera les autres aspects qui seront éventuellement invoqués. Le gouvernement est prié de tenir le comité informé de tout élément nouveau concernant les assignations signifiées au Syndicat indépendant du Bélarus et au Syndicat libre des travailleurs des transports pour utilisation d'un insigne que le gouvernement considère comme illégal.

Recommandations du comité

141. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

  1. Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu aux graves allégations présentées par la confédération plaignante, alors qu'il a été invité à le faire à plusieurs reprises.
  2. Rappelant l'importance qu'il attache au principe selon lequel le respect des liberté civiles, telles que la liberté syndicale, est fondamental pour l'exercice normal des droits syndicaux, le comité prie le gouvernement de lever immédiatement toute accusation qui aurait été prononcée contre les président et vice-président du SPB, MM. Bykov et Moyseyevich, pour leur participation à la réunion du SPB du 14 juillet 1996, et de le tenir informé de tout progrès survenu à cet égard.
  3. Le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires dans l'avenir pour que soit pleinement respecté le principe selon lequel les formalités exigées des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour entrer dans un pays ou participer à des activités syndicales devraient être fondées sur des critères objectifs ou être exemptes d'antisyndicalisme.
  4. Regrettant que le gouvernement n'ait apparemment pris aucune disposition pour mettre en application la recommandation qu'il a formulée antérieurement à propos du décret présidentiel no 336 lors de l'examen du cas no 1849, le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures immédiates pour abroger les dispositions de ce décret qui font obstacle au libre exercice des droits syndicaux, à savoir les articles 1, 2 et 3, et de le tenir informé de tout progrès à cet égard.
  5. Rappelant que le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées, de sorte que les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d'opinion et d'expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales, y compris le choix d'un insigne syndical, le comité veut croire que, si les accusations sont maintenues contre le Syndicat indépendant du Bélarus et le Syndicat libre des travailleurs des transports pour utilisation d'un insigne que le gouvernement considère comme illégal à l'occasion des manifestations du 1er mai, elles seront jugées par un organe judiciaire indépendant qui veillera au respect de la liberté d'expression des syndicalistes quand il examinera les autres aspects qui seront éventuellement invoqués. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.

Cas no 1831

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement de la Bolivie
présentée par
-- la Confédération mondiale du travail (CMT) et
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: conséquences pour les droits syndicaux
de la déclaration de l'état de siège

142. Le comité a examiné le présent cas à sa session de novembre 1995 [voir 300e rapport, paragr. 371 à 398, approuvé par le Conseil d'administration à sa 264e session (novembre 1995)], au cours de laquelle il a formulé des conclusions intérimaires.

143. Faute d'informations de la part du gouvernement sur les questions en instance, le comité a dû ajourner l'examen de ce cas à trois reprises. De même, à sa session de novembre 1996, le comité a signalé à l'attention du gouvernement que, conformément à la procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session (novembre 1971), il présenterait un rapport sur le fond de ce cas lors de sa prochaine réunion, même si les informations et les observations demandées n'étaient pas reçues à temps. [Voir 305e rapport approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996), paragr. 9.] A ce jour, les informations du gouvernement n'ont pas été reçues.

144. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

145. Lors de l'examen antérieur du cas par le comité, était restée en instance la question des conséquences de la déclaration de l'état de siège en Bolivie, en avril 1995, par suite des grèves dans des secteurs importants, de mobilisations et de manifestations. Concrètement, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 300e rapport, paragr. 398]:

Le comité souligne que l'état de siège est incompatible avec le plein exercice de la liberté syndicale. Il prie instamment les autorités publiques de ne pas avoir recours à l'avenir à de telles mesures. Le comité demande au gouvernement de confirmer que l'état de siège a été levé. Il demande au gouvernement de fournir des informations sur la manière dont les dispositions constitutionnelles sur l'état de siège ont été appliquées et les conséquences de cette application sur les droits syndicaux. Soulignant que les conséquences de l'état de siège qui ont entraîné des préjudices à l'encontre des syndicalistes devraient faire l'objet de réparation, le comité demande au gouvernement d'assurer que tous ceux qui ont été licenciés soient réintégrés dans leur poste de travail et de garantir le plein exercice des activités syndicales.

B. Conclusions du comité

146. Tout d'abord, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas envoyé les observations demandées sur les questions en instance malgré le délai écoulé depuis le dernier examen du cas et bien qu'il ait été invité à formuler ses commentaires et observations à diverses reprises, y compris par l'intermédiaire d'un appel pressant.

147. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable [voir paragr. 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session (novembre 1971)], le comité se voit dans l'obligation de présenter un rapport sur le fond de l'affaire sans pouvoir prendre en considération les informations qu'il espérait recevoir du gouvernement.

148. Le comité rappelle au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait, et il est convaincu que si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées et portant sur des faits précis qui pourraient être dirigés contre eux. [Voir premier rapport, paragr. 31, approuvé par le Conseil d'administration en mars 1952.]

149. Le comité a pris connaissance du fait que l'état de siège, proclamé par le décret suprême no 23993 du 18 avril 1995 et approuvé par le Conseil national par l'intermédiaire de la résolution du 21 avril 1995, a été prolongé de 90 jours. En vertu de l'article 111 de la Constitution, "le pouvoir exécutif ne pourra prolonger l'état de siège de plus de 90 jours ni en proclamer un autre durant la même année...".

150. En ce qui concerne les conséquences de la proclamation de l'état de siège (avril 1995) sur les droits syndicaux, bien que l'état de siège soit terminé, le gouvernement n'a pas fait parvenir les informations demandées. Le comité demande donc de nouveau instamment au gouvernement de réparer tout préjudice que l'état de siège a pu entraîner à l'encontre des syndicalistes et de s'assurer que tous les syndicalistes qui ont pu être licenciés en raison de leurs activités syndicales soient réintégrés dans leur poste de travail.

Recommandations du comité

151. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

  1. Le comité déplore que le gouvernement n'ait pas fait parvenir ses observations sur les questions restées en instance lors de l'examen antérieur du cas, bien que celui-ci ait été invité à le faire à diverses reprises.
  2. Bien que l'état de siège proclamé en avril 1995 soit terminé, le gouvernement n'a pas fait parvenir les informations sur ses conséquences pour l'exercice des droits syndicaux. Le comité demande donc à nouveau instamment au gouvernement de réparer tout préjudice que l'état de siège a pu entraîner pour les syndicalistes et de s'assurer que tous les syndicalistes qui ont pu être licenciés en raison de leurs activités syndicales soient réintégrés dans leur poste de travail.

Cas no 1889

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Brésil
présentée par
la Centrale unique des travailleurs (CUT)

Allégations: application d'amendes excédant la capacité de paiement
des syndicats en raison du déclenchement de grèves

152. La plainte figure dans des communications de la Centrale unique des travailleurs en date des 28 mai et 21 octobre 1996. Le gouvernement a transmis ses observations par des communications en date des 19 décembre 1996 et 28 janvier 1997.

153. Le Brésil n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

154. Dans ses communications en date des 28 mai et 21 octobre 1996, la Centrale unique des travailleurs (CUT) rappelle que le Tribunal supérieur du travail a déclaré abusive, en mai 1995, la grève déclenchée dans l'entreprise pétrolière PETROBRAS dans le cadre du processus de négociation collective et a imposé les conditions de travail que devraient respecter les parties (cette action a été considérée comme une atteinte au droit de grève par le Comité de la liberté syndicale, compte tenu des circonstances du cas [voir 300e rapport, cas no 1839, paragr. 86]). La CUT ajoute qu'en raison du maintien de la grève le Tribunal supérieur du travail a condamné chaque syndicat affilié à la Fédération unique des travailleurs du pétrole à une amende de 100 000 dollars des Etats-Unis par jour de grève, soit, si l'on tient compte de sa durée, 2 millions de dollars des Etats-Unis. Ce montant dépasse de manière astronomique la capacité de paiement des syndicats intéressés et les empêche de disposer des cotisations de leurs affiliés, de s'acquitter de leurs obligations financières, de payer leurs employés et d'exercer leurs activités syndicales.

155. La CUT ajoute que, bien que le Congrès national ait approuvé une loi d'amnistie afin que les syndicats ne soient pas obligés de payer les amendes mentionnées, le Président de la République a apposé son veto à cette loi le 1er avril 1996.

156. Par ailleurs, la CUT allègue que le gouvernement a envoyé au Congrès national un projet de loi (no 1802/96) portant modification de la loi sur la grève, en particulier en ce qui concerne les activités essentielles. Cette loi limite la négociation collective en autorisant le pouvoir judiciaire à intervenir dans les conflits d'intérêts entre employeurs et syndicats, par l'intermédiaire de l'exercice du pouvoir normatif de la justice du travail, en les soumettant à un règlement obligatoire, et ce projet prévoit expressément que l'autorité judiciaire applique des amendes aux syndicats qui se livrent à des grèves jugées "abusives", réglementant ainsi les amendes que viennent d'appliquer les tribunaux aux syndicats.

157. La CUT réfute en particulier les dispositions suivantes du projet de loi no 1802/96:

Article 11. Paragraphe 2. Lorsque sera soumis au tribunal un conflit collectif ayant donné lieu à une grève, le président dudit tribunal compétent pourra dicter immédiatement une ordonnance judiciaire établissant les conditions et le pourcentage des employés devant rester en activité durant la paralysie, afin de veiller aux dispositions prévues au début du présent article, et qui variera selon la nature du travail dans le secteur productif concerné.

Paragraphe 3. L'ordonnance judiciaire qui répond aux nécessités inéluctables de la communauté, dont le non-respect entraînera pour l'une quelconque des deux parties une amende journalière allant jusqu'à 500 salaires minima, restera en vigueur:

a) jusqu'à la date du jugement relatif au conflit, si la grève a été déclarée abusive;

b) jusqu'à la fin du mouvement de grève, si la grève n'est pas jugée abusive.

Paragraphe 4. En cas d'inexécution de l'ordonnance, le ministère du Travail devra et la partie habilitée pourra demander le paiement de l'amende auprès du tribunal.

Article 16. Si une grève est jugée abusive par un tribunal, ce dernier devra décider le retour immédiat au travail des grévistes en avertissant le syndicat que, si la décision n'est pas respectée, il se verra infliger une amende journalière qui en tout état de cause n'excédera pas 1 000 salaires minima par jour de poursuite de la grève.

Paragraphe 1. Lors de la détermination du montant de l'amende, le tribunal prendra en considération la capacité économico-financière du syndicat et les conséquences sociales et économiques du non-respect de la décision.

Article 17. Le tribunal qui a déclaré le caractère abusif de la grève et qui a décidé de l'amende pourra suspendre son paiement, en totalité ou en partie, pour une durée n'excédant pas cinq ans, sur demande de la partie habilitée ou sur demande du ministère public du Travail dès la constatation du retour à la normalité.

Paragraphe 1. Une fois écoulé le délai mentionné au début du présent article, lorsque le syndicat n'aura pas lancé une grève abusive, le tribunal compétent pourra déclarer l'annulation de l'amende sur demande du syndicat concerné.

Paragraphe 2. En cas de grève abusive durant le délai établi au début du présent article, l'amende sera exigée dans son intégralité.

Article 2. Les syndicats se trouvant dans la phase exécutoire en raison de la condamnation à une amende par décision judiciaire dans le cadre d'un conflit collectif ayant donné lieu à une grève pourront s'adresser au tribunal ayant appliqué la sanction pour obtenir l'adaptation du montant des amendes aux critères et aux limites établis par l'article 16 et la suspension du versement des amendes aux termes de l'article 17...

Article 3. La présente loi entrera en vigueur le jour de sa publication.

158. Enfin, la CUT demande que l'on recommande au gouvernement de retirer le projet de loi no 1802/96 et que l'on supprime le pouvoir normatif accordé aux tribunaux en cas de conflit collectif menant à une grève puisqu'en fait le conflit est soumis à un règlement obligatoire.

B. Réponse du gouvernement

159. Dans ses communications en date du 19 décembre 1996, le gouvernement déclare que le projet de loi no 1802/96 conçu par le pouvoir exécutif résulte de l'engagement pris par le pouvoir exécutif dans ses réformes visant à moderniser l'Etat et ses institutions.

160. Le gouvernement signale que, durant la grève des travailleurs de l'entreprise PETROBRAS qui a eu lieu en mai 1995, le Tribunal supérieur du travail a décidé le retour immédiat des travailleurs à leur poste de travail, en tenant compte du jugement déclarant l'illégalité du mouvement pour inexécution des normes en vigueur en matière de conflits collectifs sous peine d'une amende de 100 000 réals par jour pour chaque unité affiliée à la Fédération unique des travailleurs du pétrole qui représentait les travailleurs. Par l'imposition de cette amende par la justice du travail vu le non-respect de l'ordre de retour au travail, on a cherché à mettre fin à un mouvement qui a duré un mois et qui a exposé la population civile à une pénurie de combustible et de carburant en raison de l'absence d'un minimum de services essentiels.

161. Au moment d'exécuter la sentence imposée par la justice du travail, plusieurs organisations syndicales représentant les travailleurs de l'entreprise ont prétendu que leur situation financière s'était détériorée.

162. Le projet de loi no 600 (présenté par le gouvernement pour donner suite aux recommandations du Comité de la liberté syndicale au sujet du cas no 1839) a été transmis au Congrès national; ce projet accordait une amnistie aux syndicats du pétrole, tenus de payer de multiples amendes infligées par la justice du travail en raison du mouvement de grève de mai 1995. Le Président de la République a apposé son veto à ce projet de loi approuvé par le Congrès national le considérant comme contraire à l'intérêt public en se fondant sur le respect des normes juridiques et des décisions judiciaires. Le précédent qu'aurait établi l'adoption dudit projet de loi aurait eu pour effet de porter atteinte à la légitimité des principes qui régissent l'Etat démocratique et de droit en mettant en question l'harmonisation des pouvoirs de l'Etat consacrée par la Constitution, qui serait compromise par des infirmations de décisions adoptées par le pouvoir judiciaire de manière constante.

163. Le Président de la République, au moment où il a mis son veto au projet en question, a présenté un projet distinct (no 1802/06) qui règle de manière plus précise les conséquences de l'exercice abusif du droit de grève en établissant des paramètres pour déterminer avec une plus grande clarté juridique la responsabilité des auteurs des paralysies considérées comme abusives, notamment dans les activités qui offrent à la population en général des services essentiels, conformément à la loi no 7783/89. Le message du Président laisse entrevoir la reconnaissance du caractère excessif de la sanction imposée par le Tribunal supérieur du travail en soulignant que le pouvoir exécutif n'est pas indifférent au risque que le montant élevé des amendes appliquées présente pour l'activité syndicale des travailleurs du pétrole.

164. Le projet de loi no 1802/96 a introduit la possibilité de régler la question concrète des amendes infligées aux syndicats de travailleurs de la PETROBRAS et aux autres syndicats en établissant les paramètres à respecter par les tribunaux du travail pour la fixation des amendes, leur recouvrement et la possibilité de suspendre l'exécution de ces amendes.

165. Si, d'un côté, le projet a pris en compte la situation d'une catégorie professionnelle qui avant la condamnation à une amende pour cause de grève abusive rendait impossible l'exercice de l'activité syndicale dans le cadre d'un secteur productif déterminé, il permet, d'un autre côté, à tout autre syndicat soumis à ce processus d'exécution de bénéficier aussi de la loi en s'adressant au tribunal qui l'a condamné, afin qu'il adapte les sanctions et/ou la suspension du recouvrement des amendes à la capacité économique des syndicats. Ainsi sont préservées l'indépendance et l'harmonie entre les pouvoirs de la République qui seraient fortement compromises si le Congrès national retirait au Tribunal supérieur du travail l'autorité d'appliquer des amendes infligées à l'occasion du mouvement de grève de mai 1995.

166. Le projet no 1802/96 introduit dans la loi no 7783/89 (loi sur la grève) certaines pratiques qui ont déjà été adoptées par la justice du travail pour la fixation des pourcentages minima de personnel en activité et les conditions dans lesquelles seront fournis les services indispensables pour répondre aux besoins incompressibles de la population en cas de grève dans des services essentiels; il en est de même pour les amendes infligées et leur exécution par le ministère public du Travail. Ainsi, le projet dont est saisi le Congrès national est favorable au rétablissement de la normalité pour ce qui est des relations professionnelles et syndicales dans le secteur pétrolier (possibilité d'application rétroactive des critères du projet de loi) et transcende les objectifs immédiats en réglementant de manière plus précise l'exercice du droit de grève garanti par la Constitution. Le projet offre une solution plus vaste sur le plan normatif pour la question traitée dans le projet de loi écarté par le Président concernant l'amnistie pour les amendes infligées par le Tribunal supérieur du travail à diverses organisations syndicales.

167. Si, d'une part, l'immunité accordée pour les abus perpétrés sous pré-texte du droit de grève est contraire à la Constitution, il convient par ailleurs que la compétence de la justice du travail se limite aux paramètres légaux lors de l'application de sanctions pécuniaires aux organisations syndicales. Le projet permet que ces effets aient une application extensive aux amendes infligées antérieurement à sa publication. Ceci vaudra également en ce qui concerne la limitation de la valeur de l'amende et la suspension de son exécution. Cette innovation permet à la partie objet de l'exécution de se libérer de la sanction pécuniaire une fois effectué le retour à la normalité dans les relations professionnelles.

168. Dans sa communication en date du 28 janvier 1997, le gouvernement estime que l'affirmation de l'organisation syndicale selon laquelle le pouvoir normatif du Tribunal supérieur du travail est un instrument contre les travailleurs est sans fondement. Cette affirmation ne tient pas si l'on prend en considération la nature du conflit collectif soumis à l'appréciation judiciaire, dénommé conflit collectif, auquel peuvent recourir les travailleurs, les employeurs (et le Ministère public en cas de paralysie dans les activités essentielles), et qui requiert l'aide de l'Etat pour régler les conflits collectifs pour lesquels un accord ou la conciliation s'avèrent partiellement ou totalement impossibles. La Constitution fédérale octroie au Tribunal du travail le pouvoir normatif en vue d'établir les règles et conditions de travail dans le jugement sur les conflits collectifs, fixant les nouvelles règles et conditions de travail et respectant les limites imposées par la Constitution et par la loi. Il s'agit d'une conséquence du principe juridictionnel ou de la tutelle qui représente une forme de règlement des conflits impliquant l'intervention de l'Etat par une procédure judiciaire dans laquelle est établi le droit qui s'applique et indique aux parties la solution du différend. Le pouvoir normatif doit s'interpréter conformément aux principes de la démocratie (art. 1), de la séparation des pouvoirs (art. 2 à 49) et de la légalité (art. 5 II), tous prévus dans la Constitution. En cas de grève, c'est-à-dire lorsqu'un conflit collectif de droit est déclaré, ou qu'il est soumis à l'appréciation du pouvoir judiciaire, on doit déterminer si la grève est abusive. Dans le cas où le pouvoir judiciaire déclare la grève illégale, compte tenu de la violation des dispositions de la loi no 7783/89, une amende est prévue si les travailleurs ne retournent pas au travail et ne reprennent pas la négociation.

169. Le gouvernement ajoute que le pouvoir normatif, contrairement aux affirmations de l'organisation plaignante, a ses limites établies dans la Constitution fédérale. Lorsque le Tribunal du travail exerce son pouvoir normatif, il réalise une activité exclusivement judiciaire. En rendant jugement sur les conflits collectifs, le Tribunal doit observer les normes existantes du droit positif. Il exerce un pouvoir juridictionnel étant donné qu'il applique un ordre juridique. Les limites établies par la Constitution empêchent le pouvoir judiciaire d'exercer une activité législative en fonction du principe de la séparation des pouvoirs. En exerçant le pouvoir normatif, il doit assurer la propriété privée, l'égalité des droits, la fonction sociale de la propriété privée, la recherche du plein emploi, la libre entreprise, la valorisation du travail humain et les principes de la justice sociale. Le pouvoir normatif s'exerce dans les limites de la loi étant donné que personne n'est obligé de faire ou de ne pas faire un acte en vertu de la loi (art. 5 II). Le pouvoir normatif ne peut dès lors être exercé sans disposition légale à cet effet. Dans ces circonstances, le pouvoir normatif n'aborde pas de questions qui ne sont pas prévues à la loi. Le pouvoir normatif établit les règles dans une sentence prononcée par une instance compétente, en l'espèce la section des conflits collectifs du Tribunal supérieur du travail, composée de juristes et de représentants de travailleurs et d'employeurs. Egalement, le pouvoir normatif permet d'établir les normes applicables selon lesquelles l'instance compétente se prononcera sur la qualification de la grève, en l'espèce la section des conflits collectifs, composée de représentants de travailleurs et d'employeurs et de juristes.

170. Comme tout projet de loi, le projet no 1802/96 est susceptible de modifications durant son examen par les commissions du Congrès national. C'est à la société, représentée par le Congrès national, qu'il appartient de décider de sa pertinence, de son adéquation et de son opportunité en introduisant les modifications jugées nécessaires pour être approuvé et, par la suite, être sanctionné par le Président.

C. Conclusions du comité

171. Dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue l'imposition d'amendes à des syndicats affiliés à la Fédération unique des travailleurs du pétrole qui ont participé à des grèves dans l'entreprise PETROBRAS en 1995; ces amendes dépassent la capacité de paiement de ces syndicats; le veto du Président de la République à une loi (no 600) adoptée par le Congrès national qui prévoyait une amnistie pour ces amendes; la présentation d'un projet de loi (no 1802/96) qui réglemente l'imposition d'amendes pour des grèves jugées abusives ou illégales. Ce projet contient, selon l'organisation plaignante, des dispositions contraires à la liberté syndicale et maintient la soumission des conflits collectifs d'intérêt à l'autorité judiciaire.

172. En ce qui concerne les amendes imposées par l'autorité judiciaire aux syndicats affiliés à la Fédération unique des travailleurs du pétrole à la suite de grèves dans l'entreprise PETROBRAS, amendes prononcées postérieurement à un règlement judiciaire obligatoire, le comité note que le montant total des amendes est très élevé et que le gouvernement reconnaît qu'avec un montant aussi important l'activité syndicale des travailleurs pourrait être rendue impossible. Le comité souhaite se référer aux conclusions qu'il a formulées dans le cadre du cas no 1839 à sa session de novembre 1995 sur ce conflit collectif et cette grève des travailleurs du pétrole ainsi que sur la soumission des conflits à l'autorité judiciaire dont le texte se lit comme suit [voir 300e rapport, paragr. 86 et 87]:

En ce qui concerne la violation du principe de la négociation collective, le comité observe que, selon la confédération plaignante, la grève a débuté le 27 septembre 1994 par suite du refus de l'entreprise d'accepter les principales revendications syndicales, et que, trois jours plus tard, le 30 septembre 1994, le Tribunal supérieur du travail a fixé, selon les dires du gouvernement, les conditions de travail que devaient respecter les parties (à la suite de quoi, en vertu de la législation en vigueur, les grévistes devaient reprendre immédiatement le travail). De même, le gouvernement a déclaré que, par la suite, le 9 mai 1995, l'entreprise a soumis le conflit collectif au Tribunal supérieur du travail. L'organisation plaignante a également indiqué au sujet de ce conflit que le gouvernement et l'entreprise Petrobrás n'avaient pas appliqué les accords -- dont le texte figure en annexe -- qu'ils avaient conclus respectivement avec la Fédération unique des travailleurs du pétrole les 10 et 25 novembre 1994 (le second ayant été ensuite qualifié par le Tribunal supérieur du travail d'accord d'intentions dépourvu de valeur juridique). Indépendamment de ces instruments, le comité doit souligner que, trois jours après le début de la grève et tandis qu'elle se déroulait, le Tribunal supérieur du travail a fixé les conditions de travail que devaient respecter les parties, rendant ainsi la grève illégale. A ce sujet, le comité doit rappeler le principe selon lequel "une disposition qui permet à l'une des parties au conflit de demander unilatéralement l'intervention de l'autorité du travail pour qu'elle s'occupe de régler ledit conflit présente un risque pour le droit des travailleurs de déclarer la grève et porte atteinte à la négociation collective". [Voir 265e rapport, cas nos 1478 et 1484 (Pérou), paragr. 547, et 295e rapport, cas no 1718 (Philippines), paragr. 296.] Dans ces conditions, le comité estime que le droit de grève a été violé. Il demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation de façon que les conflits collectifs d'intérêt ne puissent être soumis aux autorités judiciaires que si les deux parties en font la demande ou bien s'il s'agit de services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans tout ou partie de la population.

Le comité demande en outre instamment au gouvernement de garantir que les accords collectifs entre entreprises et syndicats soient respectés. Il le prie également d'encourager les partenaires sociaux à résoudre les conflits collectifs par la négociation collective.

173. Puisque, dans le présent cas, le comité a déjà conclu que le gouvernement avait agi en violation des principes de la liberté syndicale en intervenant pour mettre un terme à la grève à l'entreprise PETROBRAS, il estime que la condamnation à des amendes pour exercice du droit de grève dans les circonstances du présent cas n'est pas conforme aux principes de la liberté syndicale, à plus forte raison si l'on tient compte du fait que le gouvernement reconnaît que le montant élevé des amendes peut mettre en péril l'activité syndicale. Le comité souligne qu'aucune amende ou sanction ne devrait être imposée contre les syndicalistes en question. Le comité rappelle également en rapport avec ses recommandations antérieures que le gouvernement a présenté un projet de loi no 600 au Congrès national qui prévoyait l'amnistie pour les amendes (projet auquel, par la suite, le Président de la République a mis son veto en invoquant le respect des décisions du pouvoir judiciaire et la sauvegarde du principe de l'Etat démocratique et de droit). Le comité insiste pour que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour que ces amendes soient annulées. De même, le comité prend note de la déclaration du gouvernement concernant les circonstances dans lesquelles s'exerce le pouvoir normatif du Tribunal du travail. Le comité estime que cette façon de procéder ne contrevient pas aux principes de la liberté syndicale dans la mesure où il s'agit de services essentiels au sens strict du terme. Comme il l'a fait à sa session de novembre 1995, le comité réitère sa demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation nationale de façon à ce que les conflits collectifs d'intérêt ne puissent être soumis aux autorités judiciaires que si les deux parties en font la demande ou bien s'il s'agit de services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans tout ou partie de la population).

174. En ce qui concerne le projet de loi no 1802/96 soumis au Congrès national qui règle et établit les critères pour l'imposition d'amendes en cas de grève abusive ou illégale, le comité note que, selon le gouvernement, le projet de loi prévoit des paramètres pour déterminer avec une plus grande clarté juridique les responsabilités en cas de paralysies abusives des services essentiels mentionnés dans la législation, en tenant compte en particulier du fait que le montant élevé des amendes imposées par l'autorité judiciaire pourrait mettre en péril les activités syndicales. Le comité note de même que le projet de loi postule que les amendes sont adaptées à la capacité économique des syndicats et peuvent être suspendues et annulées au bout de cinq ans si l'organisation syndicale n'a pas lancé d'autres grèves abusives (par exemple lorsqu'elle n'a pas accompli les services minimums).

175. Le comité souhaite signaler que le fait que les partenaires sociaux puissent faire l'objet de sanctions en cas de violation de la législation du travail, y compris par l'intermédiaire d'amendes, n'est pas en soi contestable; néanmoins, ces sanctions doivent rester en rapport avec la gravité de l'infraction commise et dans tous les cas ne doivent pas compromettre la poursuite des activités des personnes sanctionnées. De même, le projet ne devrait pas prévoir d'amendes ou des sanctions en cas de grèves légitimes. A cet égard, le comité considère que les amendes équivalant à un montant maximal de 500 à 1 000 salaires minimums par jour de grève abusive risquent d'avoir un effet d'intimidation sur les syndicats et d'inhiber leurs légitimes actions de revendication syndicale, ce qui se passe aussi -- comme le prévoit le projet de loi -- lorsque l'annulation d'une amende de cette ampleur est subordonnée au non-déclenchement d'une nouvelle grève qui serait considérée comme abusive. C'est pourquoi le comité prie le gouvernement de consulter les partenaires sociaux sur le contenu du projet de loi no 1802/96 et espère que les résultats de ces consultations et les principes mentionnés ci-dessus seront pris en considération dans le texte final de la loi.

Recommandations du comité

176. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

  1. Le comité insiste pour que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour annuler les amendes infligées aux syndicats de la Fédération unique des travailleurs du pétrole pour la participation à des grèves au sein de l'entreprise PETROBRAS en 1995.
  2. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de loi, faisant actuellement l'objet d'un examen par le Congrès national, ne prévoit pas d'amendes ou des sanctions en cas de grèves légitimes. A cet égard, considérant que certaines dispositions du projet de loi no 1802/96 peuvent avoir un effet d'intimidation sur les syndicats et inhiber leurs légitimes actions de revendications syndicales, le comité prie le gouvernement de consulter les partenaires sociaux sur le contenu du projet de loi no 1802/96 et espère que le texte final tiendra compte du résultat de ces consultations et des principes formulés dans les conclusions.
  3. Le comité prie de nouveau le gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation nationale de façon à ce que les conflits collectifs d'intérêt ne puissent être soumis aux autorités judiciaires que si les deux parties en font la demande ou bien s'il s'agit de services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l'interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans tout ou partie de la population.

Cas no 1859

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Canada
présentée par
-- le Congrès du travail du Canada (CTC) et
-- l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC)

Allégations: restrictions au champ de la négociation collective

177. Dans une communication datée du 20 octobre 1995, le Congrès du travail du Canada (CTC) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Canada. Le 23 novembre 1995, le CTC a transmis des informations supplémentaires émanant d'un syndicat qui lui est affilié, l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC).

178. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans des communications des 6 février et 14 avril 1996.

179. A sa réunion de mai-juin 1996, le comité a demandé au gouvernement et aux organisations plaignantes de lui fournir des informations plus détaillées sur les mécanismes servant à régler les questions de sécurité d'emploi, afin d'être à même d'examiner le cas en toute connaissance de cause.

180. Le CTC a présenté un exposé des faits complémentaire dans une communication datée du 19 septembre 1996. En réponse à la requête du comité, le gouvernement et l'Alliance de la fonction publique du Canada ont envoyé une déclaration conjointe en date du 8 octobre 1996. Le CTC s'est associé à cette déclaration dans une communication distincte de la même date. Le 23 octobre 1996, le gouvernement a communiqué ses observations sur l'exposé des faits envoyé par le CTC le 19 septembre.

181. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ni la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des plaignants

182. Dans sa communication du 20 octobre 1995, le CTC allègue que le gouvernement du Canada a enfreint les dispositions des conventions nos 87, 98, 151 et 154 en promulguant le projet de loi C-76 (la loi de finance 1995), qui porte préjudice à quelque 150 000 membres d'un syndicat qui lui est affilié, l'AFPC, et à des milliers d'autres agents de la fonction publique fédérale du Canada.

183. L'organisation plaignante souligne qu'il s'agit de la quatrième intervention législative dans les négociations collectives de la fonction publique fédérale du Canada depuis 1991. Le projet de loi C-76 modifie la loi sur la rémunération du secteur public (ci-après appelée "la Loi") en supprimant délibérément durant une période de trois ans le droit des agents négociateurs de négocier les dispositions relatives à la sécurité de l'emploi. Le CTC affirme que cette loi aura pour conséquence de permettre aux agents négociateurs de reprendre les négociations collectives en 1997-98, mais aussi d'interdire la négociation en matière de sécurité d'emploi et de réaménagement des effectifs.

184. L'organisation plaignante déclare également que le gouvernement canadien n'a mis en œuvre aucune des recommandations faites par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1800 (qui concerne également des restrictions législatives à la négociation collective). Elle se dit préoccupée de ce que le gouvernement n'ait pas cru devoir suivre la recommandation tendant à recourir à la coopération du Bureau international du Travail, en particulier sous forme de mission consultative.

185. Le 23 novembre 1995, le CTC a transmis un document établi par l'AFPC qui expose l'ensemble des allégations présentées dans la présente plainte et indique la manière dont elle s'est conformée aux recommandations du comité dans des cas connexes (cas nos 1616, 1758 et 1800). En particulier, l'AFPC se dit pleinement favorable à la recommandation tendant à organiser une mission consultative, car elle estime qu'une intervention extérieure s'impose pour assurer le retour de la fonction publique fédérale à la négociation collective et faire en sorte que cette négociation soit véritablement libre. L'AFPC estime que le refus du gouvernement d'accepter l'aide offerte par le BIT et sa décision de poursuivre son programme législatif n'ont fait qu'aggraver la crise des relations professionnelles de la fonction publique fédérale.

186. De manière générale, l'AFPC souligne que sa capacité et celle du CTC de déposer des plaintes ainsi que la capacité de l'OIT de les examiner n'ont pu suivre le rythme où progresse le programme législatif du gouvernement canadien. Ainsi, tandis que l'Organisation étudiait les cas nos 1758 et 1800, le gouvernement canadien adoptait une loi qui intervenait de nouveau dans la négociation collective.

187. L'AFPC rappelle que, par suite de l'extension du contrôle des salaires résultant des projets de loi C-113 et C-17, qui ont fait l'objet de plaintes antérieures, les conventions collectives des agents de la fonction publique fédérale prorogées par voie législative devaient expirer à différents moments de 1996 et 1997, la majorité d'entre elles devant expirer dans la seconde moitié de 1996. On serait alors entièrement revenu à la négociation. Mais cette situation a été compliquée par l'adoption du projet de loi C-76, qui, sans proroger le contrôle des salaires ni imposer une interdiction générale de la négociation collective une fois qu'il a été mis fin à la prorogation par voie législative des conventions collectives, n'en modifie pas moins par cette voie les clauses des conventions collectives existantes en interdisant la négociation des dispositions relatives à la sécurité de l'emploi au-delà de la date d'expiration des extensions susmentionnées.

188. L'article 7.3(1) du projet de loi C-76 dispose explicitement que, durant une période de trois ans, "les conditions d'emploi pour ce qui est de la sécurité d'emploi ou du réaménagement des effectifs ... ne peuvent faire l'objet de négociations collectives ni être incorporées dans une convention collective ou une décision arbitrale". En conséquence, les groupes de travailleurs qui auraient normalement eu la possibilité de négocier des clauses sur la sécurité d'emploi durant la période de trois ans suivant l'adoption de la Loi en raison de l'expiration des conventions collectives prorogées par voie législative n'auront pas le droit de le faire avant juillet 1998.

189. L'AFPC déclare que le gouvernement, après avoir opéré un contrôle des rémunérations au moyen des projets de loi C-113 et C-17, a décidé de réduire ses coûts d'exploitation par une réduction massive de ses effectifs. A cet effet, il va supprimer 45 000 emplois sur trois ans à partir de 1995. Selon les conventions collectives qui ont été prorogées en vertu de la Loi, telle que modifiée par les projets de loi C-113 et C-17, cette réduction d'effectifs ne peut être effectuée que si un nombre important d'agents acceptent volontairement de percevoir une somme d'argent au lieu de pouvoir continuer à bénéficier de la sécurité d'emploi. Ainsi, pour mettre en œuvre son programme de réduction des effectifs, le gouvernement devait soit s'assurer, comme cela se fait dans le secteur privé, que ce programme était conçu de manière à inciter un nombre suffisant d'agents à quitter volontairement la fonction publique, soit adopter une loi modifiant arbitrairement les clauses des conventions collectives. La décision du gouvernement de choisir cette deuxième solution manifeste son peu d'empressement à négocier en vue d'un accord mutuel avec son personnel et ses agents négociateurs.

190. Lors de l'examen à la Chambre des communes et au Sénat des amendements au projet de loi C-76, l'AFPC a soumis un certain nombre d'amendements visant à faciliter les départs volontaires et à réduire le nombre des départs involontaires. Elle a offert de gérer à ses propres frais un mécanisme permettant à un agent excédentaire de prendre la place d'un agent ayant des qualifications similaires et ayant exprimé le souhait de quitter volontairement la fonction publique. Cependant, toutes ses recommandations et propositions ont été rejetées en bloc par le gouvernement.

191. Les conventions collectives applicables aux agents de la fonction publique fédérale qui ont été prorogées en vertu de la Loi comprennent un ensemble cohérent de garanties relatives au réaménagement de la main-d'œuvre négocié par l'AFPC en 1991. Ces garanties découlaient de la directive sur le réaménagement des effectifs (DRE), accord négocié avec le Conseil national mixte qui fait partie des conventions collectives prorogées en vertu de la Loi. La disposition la plus importante de cette directive était celle qui exigeait que l'on garantisse aux fonctionnaires excédentaires une offre d'emploi raisonnable.

192. L'AFPC rappelle que, dans sa forme initiale, la Loi comprenait une disposition autorisant explicitement la modification des conventions collectives prorogées par voie législative pour y inclure les accords modifiés du CNM qui avaient été approuvés par le Conseil du Trésor. Par ailleurs, la directive modifiée a été incorporée aux conventions collectives. De fait, dans sa défense de la Loi devant l'OIT, le gouvernement a invoqué cette disposition législative pour soutenir que ladite Loi n'interdisait pas la négociation collective. Tout en considérant que l'argument du gouvernement est largement spécieux, l'AFPC reconnaît que la législation ne permettait pas d'incorporer dans les conventions collectives une renégociation de la DRE. Une fois cette nouvelle directive incorporée dans les conventions collectives en 1991, le gouvernement était contraint, pour modifier les règles régissant le réaménagement des effectifs, soit d'obtenir l'accord des syndicats touchés, soit d'adopter une loi tendant à abroger les dispositions applicables des conventions collectives prorogées par voie législative. Certes, le gouvernement a sollicité l'accord des syndicats à la fin de 1994 et au début de 1995, mais n'a pu l'obtenir. L'AFPC n'était pas disposée à accepter des modifications qui affaiblissaient les dispositions en vigueur sur la sécurité de l'emploi et facilitaient au gouvernement le licenciement des travailleurs. C'est pourquoi, dans le budget de février 1995, le gouvernement a annoncé son intention d'opérer par voie législative les modifications qui avaient été rejetées par l'AFPC.

193. Fondamentalement, il s'agit d'offrir aux fonctionnaires excédentaires des départements et organismes "les plus touchés" (expression qui n'est pas définie dans la Loi) une compensation financière pour la perte de leur emploi. S'ils acceptent, ils sont censés avoir quitté cet emploi volontairement. A l'exception du fait que le montant de l'indemnité est supérieur dans le projet de loi C-76 à ce qu'il est dans la DRE, la disposition est identique dans les deux cas. Selon le texte initial de la directive, les fonctionnaires déclarés excédentaires qui n'acceptent pas l'indemnité de départ volontaire doivent se voir offrir une "offre d'emploi raisonnable". Ils ne peuvent être mis en disponibilité que s'ils refusent une offre raisonnable dans un autre service public que le leur. En vertu du projet de loi C-76, les travailleurs qui ont la malchance d'être employés dans des départements ou organismes "les plus touchés" et qui refusent l'indemnité se verront attribuer le statut de "fonctionnaire excédentaire non payé" six mois après avoir été déclarés excédentaires.

194. Par ailleurs, un agent ayant ce statut "est mis en disponibilité si aucune offre d'emploi raisonnable -- au sens de la directive -- ne lui a été faite dans les douze mois suivant la date à laquelle le statut d'excédentaire non payé lui a été donné ou s'il refuse une offre d'emploi raisonnable".

195. En outre, conformément aux dispositions de l'article 7.3(3) du projet de loi C-76, le gouvernement peut modifier arbitrairement la directive sur le réaménagement des effectifs quant aux points suivants: a) la suspension de l'indemnité de cessation d'emploi; b) les restrictions géographiques applicables aux offres de nomination garanties faites dans le cas de privatisation ou de sous-traitance au sens de la directive; c) l'exécution du marché dans les cas de sous-traitance au sens de la directive. Le gouvernement n'a perdu aucun instant pour mettre en œuvre ces dispositions. L'indemnité de cessation d'emploi a été suspendue le 15 juillet 1995.

196. En vertu des dispositions du projet de loi C-76, les travailleurs des ministères et organismes "les plus touchés" ont surtout perdu leur sécurité d'emploi, bien que celle-ci ait été négociée et acceptée par le gouvernement. Le fait que l'offre d'emploi raisonnable ait été suspendue, et non supprimée, ne fait aucune différence pour les personnes dont le poste sera déclaré excédentaire au cours des trois prochaines années. En outre, en vertu de la modification de l'article 7.3(3) de la loi, tous les travailleurs du secteur public fédéral seront affectés par le projet de loi C-76.

197. En conclusion, l'AFPC souligne que la sécurité d'emploi demeurera une question importante, sinon primordiale, lorsqu'elle aura à nouveau le droit de négocier des conventions collectives, en 1997. L'importance de la sécurité d'emploi n'a fait que croître depuis l'adoption du projet de loi C-76. Lors d'une comparution en septembre 1995 devant le Comité permanent du Sénat sur les finances nationales, le président du Conseil du Trésor a déclaré que le programme triennal de réduction des effectifs de 45 000 personnes prévu par ce projet de loi pourrait fort bien être augmenté et prolongé. Sans donner plus de précisions, le ministre a indiqué que le programme de réduction des effectifs s'étendrait au moins sur une quatrième année. En conséquence, cette disposition du projet de loi C-76 et toute prorogation de sa durée proposée par le gouvernement continueront à contrecarrer les aspirations légitimes de l'AFPC. Par ailleurs, celle-ci soutient que l'interdiction par voie législative du droit de négocier des clauses de sécurité d'emploi avant 1998 l'obligera, ainsi que d'autres syndicats de la fonction publique fédérale, à examiner la possibilité de négocier des conventions collectives de courte durée afin de réduire au maximum la période de réglementation et de gel des clauses de sécurité d'emploi.

198. Enfin, l'AFPC ajoute que les négociations au sein de la fonction publique fédérale du Canada sont bel et bien en état de crise. Au cours des derniers mois, des représentants du monde des affaires ont publiquement déclaré que le gel des rémunérations avait un impact négatif sur le moral et le recrutement. Des porte-parole du gouvernement eux-mêmes ont reconnu que le maintien des restrictions salariales nuirait au bon fonctionnement de l'appareil gouvernemental. Malgré ces déclarations de forme, le gouvernement n'a pas encore déclaré qu'il reviendrait à la négociation à l'échéance des conventions collectives prorogées par voie législative, en 1996 et 1997. En outre, ayant opéré le gel salarial le plus long de l'histoire canadienne par l'adoption de la loi sur la rémunération du secteur public (LRSP) et des projets de loi C-113 et C-17, qui la modifient, le gouvernement s'engage maintenant dans une politique qui vise à réduire de 45 000 années-personnes la fonction publique fédérale. Au lieu de négocier avec les agents négociateurs du secteur public fédéral un accord qui faciliterait les départs volontaires, le gouvernement a décidé d'adopter une loi qui modifie catégoriquement les dispositions des conventions collectives. Ayant agi ainsi à quatre reprises depuis 1991, il en est arrivé au stade dangereux où ses interventions législatives dans le domaine de la négociation collective risquent de devenir un trait permanent des négociations de la fonction publique fédérale du Canada.

B. Réponse du gouvernement

199. Dans sa réponse datée du 6 février 1996, le gouvernement rejette les allégations exposées dans la plainte. Plus particulièrement, il soutient ce qui suit:

200. Le gouvernement rappelle son rôle qui est double, celui d'employeur, d'une part, celui de responsable du bien-être de l'ensemble de la population, d'autre part. De nombreux gouvernements ont dû affronter pendant plusieurs années une situation économique de nature à exiger l'adoption de mesures de compression risquant d'avoir des effets négatifs sur les rémunérations et les conditions de travail de leur personnel. Le gouvernement estime qu'il serait opportun d'examiner si la jurisprudence actuelle du BIT en matière de négociation collective (établie essentiellement à partir de cas relatifs au secteur privé) prend suffisamment en considération la mission des gouvernements, laquelle consiste, dans les sociétés démocratiques, à concilier en vue de l'intérêt public des intérêts légitimes mais divergents et des revendications conflictuelles.

Le projet de loi C-76: la loi de finance 1995

201. Le projet de loi C-76 ne proroge pas la loi sur la rémunération du secteur public de 1991 et n'empêche pas non plus le retour à la négociation collective. Il permet au gouvernement d'appliquer les dispositions du budget de 1995, qui exigent l'adoption de mesures ambitieuses tendant à rétablir la santé financière du gouvernement fédéral, essentielle à la vigueur et à la croissance de l'économie. L'objectif visé est de repenser le rôle de l'Etat pour lui permettre de s'acquitter de ses tâches sociales et économiques de manière plus efficace et plus durable. Pour ce faire, il faudra trancher dans les dépenses fédérales, non simplement pour en limiter la croissance, mais pour en obtenir une réduction substantielle.

202. Le projet de loi C-76 fournit le cadre qui permet au gouvernement d'atteindre son objectif provisoire de réduction du déficit -- 3 pour cent du produit intérieur brut pour l'exercice 1996-97 --, l'objectif final étant d'équilibrer le budget. Il permet au gouvernement de mettre en œuvre les résultats de son examen des programmes, qui consiste en une étude exhaustive des dépenses des ministères fédéraux. Grâce à cette réforme, le gouvernement pourra concentrer ses efforts sur l'essentiel et gagner en efficacité. Ce projet procède d'une vision nouvelle du rôle que doit jouer le gouvernement dans l'économie, introduit des modifications importantes dans les transferts sociaux aux provinces et fixe les paramètres financiers dans le cadre desquels s'inscrira la refonte des interventions sur le marché du travail, laquelle vise à stimuler l'emploi.

203. Dans la redéfinition de son rôle dans l'exécution des programmes et la prestation des services, le gouvernement a conclu qu'une fonction publique mieux ciblée, plus efficace et moins dépensière exigeait des effectifs moindres. En conséquence, il s'est lancé dans une vaste opération de réduction de ces effectifs, qui porte sur 45 000 postes pour une période de trois ans allant de 1995 à 1998. Il fallait impérativement atteindre les objectifs de réduction dans les trois ans pour se conformer au plan financier du gouvernement. Pour cela, il a fallu assouplir les dispositions sur la sécurité de l'emploi régissant le réaménagement des effectifs quant aux agents déclarés excédentaires durant cette période de trois ans, et donc modifier la DRE. Pour mettre en œuvre cette modification, il a fallu modifier l'article 7 de la LRSP, comme le fait la Partie I du projet de loi C-76. Ces changements comportaient deux volets. Il a fallu d'abord instaurer des primes de départ très généreuses (jusqu'à 90 semaines de rémunération), auxquelles s'ajoute une allocation d'études et de formation, afin d'inciter un grand nombre d'agents à partir volontairement (ces mesures d'incitation remplacent la prime de départ prévue dans la DRE, qui a été suspendue). Il s'est agi ensuite d'instaurer un nouveau programme de réduction des effectifs pour les agents excédentaires des ministères les plus touchés par cette réduction. Il convient de souligner que les garanties de sécurité d'emploi prévues par la DRE ne sont pas supprimées, mais suspendues pour trois ans, de 1995 à 1998.

La directive sur le réaménagement des effectifs

204. La DRE est l'une des 28 mesures ou directives du Conseil national mixte qui sont réputées faire partie des conventions collectives couvrant les 80 unités de négociation de la fonction publique fédérale qui sont représentées par 16 agents négociateurs. Il est important de saisir les différences qui existent entre le processus de négociation et de consultation qui porte sur les mesures et directives du CNM et le processus de négociation collective qui porte sur la renégociation des conventions collectives. Il s'agit de deux processus distincts. Le premier est volontaire et réunit l'ensemble des syndicats de la fonction publique fédérale, tandis que le second est fixé par la loi et fait intervenir séparément chacun des agents négociateurs.

205. Le CNM est un organisme consultatif qui tient des consultations régulières entre les représentants de l'Etat-patron et les représentants des 16 syndicats de la fonction publique accrédités en tant qu'agents négociateurs des fonctionnaires fédéraux. Le CNM tient des consultations sur les questions qui touchent l'ensemble de la fonction publique comme les voyages, la réinstallation, la santé et la sécurité et le réaménagement des effectifs.

206. Le CNM a été créé en 1944, soit 23 ans avant l'instauration officielle de la négociation collective dans la fonction publique fédérale. Il a son propre règlement, dont une disposition permettant aux syndicats d'accepter ou de refuser l'une ou la totalité des directives et politiques. Bien que celles d'entre ces politiques et directives qui font partie d'une convention collective ne puissent être modifiées unilatéralement, tout changement recommandé par le CNM doit être approuvé par les ministres du Conseil du Trésor. Chaque politique ou directive a sa propre date d'entrée en vigueur et est normalement revue tous les trois ans. Les révisions triennales n'exigent pas la réouverture des conventions collectives. Chaque politique ou directive fait l'objet de consultations distinctes, et les changements convenus peuvent être mis en œuvre à tout moment pendant la période d'application de la convention collective.

207. Le droit à la négociation collective, lui, a été accordé en 1967 par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). La négociation collective portant sur la renégociation des modalités d'une convention collective applicable à une unité de négociation accréditée est réglementée par la LRTFP, qui fixe les règles que doivent suivre les parties à cette convention, et notamment le mécanisme de règlement des différends, à savoir la conciliation, la grève et le lock-out ou l'arbitrage.

208. La DRE a été approuvée par les ministres du Conseil du Trésor le 7 novembre 1991, à la suite de consultations au sein du CNM. Elle est entrée en vigueur le 15 décembre 1991 et a fait l'objet d'une révision triennale le 31 mars 1994. Les consultations sur les changements à lui apporter, menées avec les syndicats sous les auspices du CNM, ont débuté à l'automne de 1993 et se sont poursuivies dans de multiples instances jusqu'au début de 1995. Les syndicats, dont l'AFPC, étaient conscients des difficultés que le renouveau de la fonction publique posait au gouvernement quant à la redéfinition de son rôle dans l'exécution des programmes et la prestation des services à la population canadienne. En effet, le passage d'une fonction publique s'efforçant de tout faire pour tout le monde à une fonction publique offrant à la population canadienne un nombre moindre de services de haute qualité se traduirait inévitablement par une diminution de cette fonction publique et une réduction importante des effectifs du gouvernement fédéral. Le gouvernement était contraint de modifier la DRE pour atteindre son objectif de réduction massive de ses activités.

209. En février 1995, le Conseil exécutif de l'AFPC a rejeté un accord qui avait été négocié avec l'aide d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et avait été provisoirement accepté par la direction des 15 autres syndicats sous réserve de ratification par leurs membres. Les éléments essentiels de cet accord étaient les suivants: primes très généreuses de départ anticipé et de préretraite; engagement d'autoriser un retour anticipé à la négociation collective sur les questions sans implications monétaires et celles n'entraînant pas d'augmentation des coûts; engagement de créer des comités mixtes syndicat-direction dans tout le pays afin de reclasser les agents mis en disponibilité dans d'autres secteurs et dans la fonction publique en échange d'une clause sur la sécurité d'emploi plus souple quant à la garantie d'une offre d'emploi raisonnable pour les fonctionnaires excédentaires des ministères les plus durement touchés.

210. Durant les dix-sept mois qu'ont duré les négociations, l'AFPC a rejeté toute proposition visant à réduire les dispositions sur la sécurité d'emploi prévues par la DRE. Le syndicat a estimé que les réductions d'effectifs devaient se faire par le jeu naturel des départs (retraites anticipées ou primes d'incitation au départ).

211. On prévoyait qu'en raison du très faible taux de départs naturels dans la fonction publique, ainsi que de la garantie d'une offre raisonnable d'emploi avant toute mise en disponibilité, l'objectif de réduction des effectifs ne pourrait être atteint, particulièrement dans les ministères durement touchés, ce qui menacerait gravement le plan budgétaire annoncé.

212. Comme l'AFPC l'a admis dans sa plainte, le gouvernement n'avait d'autre choix, pour modifier la DRE, que d'obtenir l'assentiment des syndicats touchés ou d'adopter des mesures législatives annulant les dispositions applicables de la DRE. Le règlement d'application de la LRTFP ne jouait pas dans ce cas. Le gouvernement ne pouvait fermer ses portes comme l'aurait fait une entreprise privée dans des circonstances semblables. Les dirigeants de l'AFPC n'étaient pas disposés à accepter une réduction des dispositions sur la sécurité d'emploi de la DRE, malgré la compréhension manifestée à ce sujet par les 15 autres dirigeants syndicaux. Par ailleurs, le gouvernement ne pouvait se permettre de payer indéfiniment des gens à ne rien faire. C'est au fond l'échec des négociations et la gravité de la situation budgétaire qui l'ont contraint à légiférer.

213. Le gouvernement déclare que, ce faisant, il a pris soin de s'éloigner le moins possible de l'accord que tous les syndicats sauf l'AFPC avaient jugé acceptable et de n'apporter à la DRE que des changements temporaires, c'est-à-dire applicables à la période de réduction des effectifs sur trois ans, qui se termine au milieu de 1998. En outre, le gouvernement a opté pour des mesures volontaires en instaurant la prime de départ anticipé (PDA) et la prime d'encouragement à la retraite anticipée (PERA), ainsi qu'en donnant aux agents la possibilité de se remplacer mutuellement pour accroître le nombre des départs volontaires et celui des choix offerts à ceux qui souhaitent rester dans la fonction publique. Par ailleurs, pour faire participer les syndicats à la réduction des effectifs, le gouvernement a signé avec eux un accord visant à créer à travers le pays des comités conjoints régionaux d'adaptation pour aider les agents mis en disponibilité à se reclasser.

214. Enfin, les changements apportés à la garantie d'une offre raisonnable d'emploi prévue par la DRE ont été limités aux ministères et organismes dont les activités seront les plus réduites durant la période de 1995 à 1998, ministères et organismes dits "les plus touchés". Quinze ministères et organismes ont été ainsi désignés, la majorité des ministères et organismes ne l'ont pas été, et les clauses sur la sécurité d'emploi de la DRE s'y appliquent toujours intégralement.

215. Tous les agents excédentaires peuvent bénéficier de la prime d'encouragement à la retraite anticipée, qui assure une retraite non réduite à ceux d'entre eux qui ont de 50 à 59 ans. Normalement, les agents qui prennent une retraite anticipée voient leur pension réduite d'un pourcentage pouvant atteindre 50 pour cent. Seuls les fonctionnaires excédentaires des ministères "les plus touchés" peuvent bénéficier de la prime, laquelle comprend une indemnité forfaitaire représentant 52 semaines de rémunération pour les agents comptant plus de cinq ans d'emploi continu et 39 semaines pour ceux qui en comptent moins de cinq, augmentée d'une prime de départ équivalant à deux semaines de rémunération pour la première année d'emploi continu et à une semaine pour chaque année supplémentaire, ainsi que d'une allocation de service représentant jusqu'à six semaines de rémunération selon l'âge et les années de service de l'intéressé, et d'une allocation de formation et d'étude pouvant atteindre 7 000 dollars. Les agents peuvent ainsi percevoir une indemnité représentant jusqu'à 90 semaines de rémunération, à quoi s'ajoute l'allocation de formation et d'étude. L'offre d'emploi raisonnable modifiée ne s'applique que lorsqu'un agent excédentaire d'un ministère classé parmi "les plus touchés" refuse une prime de départ anticipé. Il a alors droit à une offre raisonnable d'emploi dans l'administration fédérale pendant une durée de six mois. Si aucun emploi n'est trouvé durant cette période, l'agent excédentaire peut se voir attribuer le statut de fonctionnaire excédentaire non payé et être mis en disponibilité douze mois plus tard. Il continuera alors à bénéficier des soins de santé et des soins dentaires ainsi que de la pension de retraite.

La négociation collective

216. Le projet de loi C-76 n'empêche pas le retour à la négociation collective à l'expiration de la Loi en 1997. La première unité de négociation devrait cesser d'être régie par elle en février de cette année. A l'été de la même année, le gouvernement devrait être en train de négocier avec des syndicats représentant 165 000 agents fédéraux. Tout comme l'AFPC, l'Etat-patron se prépare à cette série de négociations, ce qui montre l'inexactitude des allégations du plaignant selon lesquelles il ne retournera pas à la table des négociations en 1997.

217. Le projet de loi C-76 renforce la négociation collective à court terme en modifiant l'article 8 de la Loi pour permettre aux parties à une convention collective de négocier l'ensemble des questions, y compris celles ayant des implications monétaires, mais à l'exception des barèmes salariaux et des augmentations d'échelon, à condition que les changements décidés n'entraînent pas d'augmentation des coûts. En vertu du texte modifié de l'article 8, un certain nombre de syndicats ont demandé à renégocier les conventions collectives sur différents points. Ainsi en est-il des cas suivants: discussions avec l'Association du groupe de la navigation aérienne au sujet de l'application de la prime de vol aux simulateurs de vol, des heures supplémentaires et des heures de travail; discussions avec l'Elément de l'environnement de l'AFPC au sujet des postes de 12 heures des responsables de la réglementation du trafic maritime; discussions avec le Syndicat des employés du Solliciteur général de l'AFPC au sujet des heures variables de travail; discussions avec l'Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio au sujet de la modification de l'administration des jours de congé payés.

218. Le nouveau paragraphe 7.3(1) de la Loi (projet de loi C-76, Partie I), qui traite de la DRE et de la négociation collective, n'empêchera pas la renégociation des conventions collectives, mais aura pour effet de garantir que les dispositions de la DRE sont négociées collectivement avec l'ensemble des syndicats de la fonction publique fédérale, selon la procédure d'examen triennal des politiques et directives du CNM. Cependant, le nouveau texte du paragraphe 7.3(2) permettra d'apporter à la DRE les changements décidés par l'Etat-patron et l'ensemble des agents négociateurs de la fonction publique fédérale durant la période de trois ans précédant l'examen triennal normal.

219. Le paragraphe 7.3(1) ne déterminera pas la durée des 80 conventions collectives de la fonction publique fédérale. La durée des conventions est déterminée par de nombreux facteurs, dont principalement les perspectives d'avenir. Les conventions de courte durée présentent parfois de gros avantages. Comme l'inflation est actuellement très faible au Canada, on constate une tendance à la conclusion de conventions de longue durée, jusqu'à six ans, assorties de clauses de renégociation à différents moments de la vie de ces conventions. En fin de compte, c'est aux parties qu'il incombe de décider de la durée qui leur convient le mieux.

220. Enfin, rien ne permet de supposer que d'autres réductions des effectifs intervenant à la suite du programme de trois ans annoncé contraindraient le gouvernement à proroger les dispositions du projet de loi C-76 relatives à la DRE. Le gouvernement n'envisage pas de procéder dans l'avenir à des réductions de cette ampleur.

221. En conclusion, le gouvernement réaffirme:

222. Le gouvernement considère donc qu'il n'a pas enfreint les dispositions des conventions nos 87, 98, 151 et 154.

223. Dans une communication du 14 avril 1996, le gouvernement a fourni des informations générales complémentaires, y compris des communiqués de presse, au sujet des mesures qu'il entend prendre pour réduire les dépenses, inclure dans les offres d'emploi raisonnables les offres d'emploi auprès de nouveaux employeurs et proposer un ensemble d'autres avantages.

C. Informations complémentaires demandées
au gouvernement et aux organisations plaignantes

224. Dans son exposé des faits complémentaire du 19 septembre 1996, le Congrès du travail du Canada a déclaré que la négociation collective dans le secteur public du Canada est un mécanisme complexe régi par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Contrairement aux formules de négociation traditionnelles que l'on trouve au Canada et ailleurs, un certain nombre de questions considérées comme communes à l'ensemble du secteur public fédéral sont abordées en dehors du cadre de négociation normal. Fondamentalement, les différents syndicats et groupes de négociation négocient séparément avec le gouvernement les questions comme les heures de travail et les taux de rémunération, tandis que d'autres questions comme les directives relatives aux voyages et les questions similaires sont négociées conjointement par le gouvernement et l'ensemble des syndicats du secteur public fédéral.

225. Ce processus de négociation se déroule sous les auspices du Conseil national mixte (CNM). Les accords conclus dans le cadre de ce processus font partie de l'ensemble des conventions collectives de la fonction publique fédérale comme s'ils avaient été négociés individuellement par chaque syndicat ou unité de négociation. Pour éviter toute ambiguïté, les conventions collectives conclues par l'AFPC mentionnent explicitement un certain nombre d'accords conclus sous les auspices du CNM, dont la directive sur le réaménagement des effectifs.

226. Dans le passé, le CNM a été l'instrument utilisé par la fonction publique fédérale pour régler les questions liées à la sécurité de l'emploi. Cependant, si ces questions sont normalement réglées sous les auspices du CNM, rien n'interdit aux différents agents négociateurs, dont l'AFPC, de se retirer des négociations pour une question particulière et de négocier un accord distinct pour cette question, comme cela s'est produit en 1991 avec la directive sur le réaménagement des effectifs.

227. Une révision normale de cette directive a été entamée en 1990 par les syndicats participant aux négociations du CNM -- parmi lesquels l'AFPC -- et le gouvernement. Cette révision n'a pas permis de s'entendre sur un ensemble d'amendements acceptables à la fois pour l'AFPC et le gouvernement canadien, représenté par le Conseil du Trésor. En conséquence, l'AFPC a signifié à celui-ci son intention de négocier directement avec le gouvernement les questions liées à la sécurité de l'emploi, et des négociations bipartites se sont déroulées au cours de l'été et au début de l'automne 1991, entraînant la signature d'un accord acceptable à la fois pour l'AFPC et le gouvernement canadien.

228. Par la suite, le gouvernement a soumis l'accord AFPC/Conseil du Trésor au CNM et a obtenu l'accord d'autres unités de négociation. A la suite de l'approbation par le Cabinet, en décembre 1991, de la version modifiée de la directive sur le réaménagement des effectifs, l'accord révisé a été réputé faire partie des conventions du secteur public fédéral, notamment des accords conclus par l'AFPC, qui avaient été prorogés par la loi sur la rémunération du secteur public. Le CTC ajoute que cet accord ne pouvait être modifié arbitrairement par l'une ou l'autre des parties et qu'il devait rester en vigueur jusqu'à ce que celles-ci s'entendent pour le modifier, à la suite d'une révision et d'une négociation normales.

229. S'il est exact qu'un examen a été entamé par le gouvernement et que des discussions ont eu lieu entre celui-ci et les syndicats participant aux négociations du CNM à la fin de 1994 et au début de 1995, aucun accord n'a été conclu, et le gouvernement a pris une mesure sans précédent consistant à modifier par voie législative la directive de 1991 sur le réaménagement des effectifs, modifiant arbitrairement de ce fait les dispositions des conventions collectives signées par l'AFPC.

230. En conclusion, le CTC rappelle que la directive précitée faisait partie des conventions collectives signées par le Conseil du Trésor et l'AFPC qui ont été prorogées en 1991 par la loi sur la rémunération du secteur public et que les modifications adoptées par voie législative et appliquées par le gouvernement fédéral au titre du projet de loi C-76 (la loi de finance 1995) ont modifié arbitrairement les dispositions des conventions collectives signées par l'AFPC.

231. Le Secrétariat du Conseil du trésor et l'Alliance de la fonction publique du Canada ont fait savoir dans une déclaration conjointe du 8 octobre 1996 que les questions liées à la sécurité de l'emploi pouvaient être réglées de deux manières, soit sous les auspices du Conseil national mixte (CNM), soit selon la procédure de négociation collective expressément prévue par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

232. Le CNM est un conseil composé de représentants des employeurs et des agents négociateurs de la fonction publique fédérale chargé d'améliorer l'efficacité de la fonction publique et la situation de ses agents en organisant des consultations régulières entre l'Etat-patron et les agents négociateurs représentant les salariés soumis aux dispositions de la LRTFP. Le CNM peut décider d'organiser des consultations sur tel avantage social ou telle condition de travail touchant l'ensemble de la fonction publique et de faire des recommandations à l'organe compétent du gouvernement. Il peut aussi décider si la question est réputée faire partie des conventions collectives signées entre les parties.

233. Depuis le milieu des années quatre-vingt, les questions liées à la sécurité de l'emploi sont régies par la directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) et sont réglées dans le cadre du CNM. Par ailleurs, la DRE est réputée faire partie de l'ensemble des conventions collectives applicables aux agents de l'administration fédérale dont le Secrétariat du Conseil du Trésor est l'employeur, parmi lesquelles les conventions signées avec l'AFTP.

234. Le CNM est régi par sa propre constitution et par les règlements qui font obligation à son comité exécutif de fixer et d'appliquer un programme de révision périodique des directives, mesures et plans adoptés sous ses auspices. Les révisions, qui ont normalement lieu tous les trois ans, ne coïncident pas avec les dates d'expiration des conventions collectives. Lorsque les agents négociateurs sont avisés d'une révision triennale, ils ont le choix, individuellement ou collectivement, de continuer à participer aux consultations menées dans le cadre du CNM ou de s'en retirer. Les agents négociateurs qui choisissent de poursuivre les consultations s'engagent à ne pas proposer de négociation collective au sujet des questions abordées dans la directive, la mesure ou le plan faisant l'objet d'une révision du CNM durant la période de trois ans séparant deux révisions périodiques. Lorsque les agents négociateurs décident de mettre fin aux consultations sur une question, les unités de négociation intéressées continuent à bénéficier des avantages et droits prévus par la directive, la mesure ou le plan du CNM en vigueur à la date de cette décision jusqu'à la négociation de la prochaine convention collective, conformément à la LRTFP. Cependant, au cas où durant la période de trois ans séparant deux révisions périodiques, un agent négociateur propose de soumettre à la négociation collective une question régie par une directive, une mesure ou un plan du CNM en vigueur, le comité exécutif de celui-ci peut estimer que l'agent en question a choisi de mettre fin aux consultations pour cette question.

235. Enfin, comme l'indique la réponse du gouvernement, la DRE peut être modifiée avant la tenue de la prochaine révision triennale de l'accord conclu entre le Conseil du Trésor (représentant l'Etat-patron) et l'ensemble des agents négociateurs de la fonction publique fédérale.

236. Dans une communication du 23 octobre 1996, le gouvernement a présenté différentes observations sur l'exposé des faits complémentaire du CTC. Tout en considérant que la procédure suivie pour atteindre un accord au sujet de la DRE en 1991 ne concerne pas la plainte, puisque cette directive a expiré en mars 1994, le gouvernement précise les points suivants: en 1991, l'AFPC, agissant de pair avec tous les autres agents négociateurs représentant les agents de la fonction publique fédérale, a décidé de mener des consultations avec le Secrétariat du Conseil du Trésor sur les modifications à apporter à la DRE sous les auspices du CNM; les négociations multilatérales et bilatérales menées avec l'AFPC se sont déroulées à différentes périodes de 1991 et ont abouti à l'élaboration d'une nouvelle DRE modifiée dont le texte a été accepté en décembre 1991 par l'ensemble des agents négociateurs, dont l'AFPC conformément aux règlements du CNM; cette nouvelle directive était réputée faire partie de l'ensemble des conventions collectives. Par la suite, en mars 1994, la DRE a été soumise au cycle normal des révisions, conformément aux règlements du CNM, ce qui a conduit aux faits qui font l'objet de la présente plainte.

D. Conclusions du comité

237. Le comité note que les allégations du présent cas portent sur des restrictions à la négociation collective dans la fonction publique fédérale imposées par voie législative avec l'adoption du projet de loi C-76 (dont les dispositions pertinentes figurent à l'annexe 1). Les amendements en question modifient la loi sur la rémunération du secteur public en suspendant pour trois ans diverses dispositions relatives à la sécurité de l'emploi contenues dans la directive sur le réaménagement des effectifs (DRE), adoptée paritairement, et en interdisant explicitement, pendant la même période, toute négociation des conditions de travail liées à la sécurité de l'emploi.

238. Le comité prend acte tout d'abord de l'indication du gouvernement selon laquelle il a fallu, pour obtenir les réductions nécessaires des effectifs de l'administration par suite du problème posé par le déficit budgétaire, disposer de clauses plus souples en matière de sécurité de l'emploi pour les agents déclarés excédentaires pendant la période triennale 1995-1998. A cet égard, le gouvernement a rappelé sa double qualité d'employeur, d'une part, et de responsable du bien-être de l'ensemble de la population, de l'autre. Le comité a toujours tenu pleinement compte des problèmes budgétaires et financiers graves rencontrés par les gouvernements, particulièrement en cas de stagnation économique prolongée et généralisée. Le comité estime toutefois que les autorités devraient privilégier, dans toute la mesure possible, la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires. Autrement dit, un compromis équitable et raisonnable devrait être recherché entre, d'une part, la nécessité de préserver autant que faire se peut l'autonomie des parties à la négociation et, d'autre part, les mesures que doivent prendre les gouvernements pour surmonter leur difficulté budgétaire. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 899.]

239. S'agissant de la tentative faite par le gouvernement de résoudre ces difficultés par la négociation, le comité prend acte de la déclaration gouvernementale selon laquelle les consultations visant à modifier la DRE sous les auspices du CNM ont débuté en automne 1993 et se sont poursuivies au sein de multiples instances jusqu'au début 1995 -- époque à laquelle le Conseil exécutif de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) a rejeté une solution que les dirigeants des quinze autres syndicats participant à la négociation avaient acceptée provisoirement, sous réserve de son acceptation par leurs adhérents. Selon le gouvernement, l'AFPC a rejeté toute proposition tendant à limiter les dispositions en matière de sécurité de l'emploi contenues dans la DRE, en adoptant pour position que la réduction des effectifs devait se faire par le biais de départs et de démissions volontaires. L'AFPC, de son côté, déclare avoir proposé de nombreux amendements destinés à faciliter les départs volontaires et à limiter le nombre des départs involontaires, mais elle affirme que le gouvernement a rejeté toutes ces propositions en bloc.

240. De l'avis du gouvernement, les propositions de l'AFPC ne suffisaient pas pour réaliser la réduction d'effectifs envisagée, particulièrement dans les ministères les plus concernés, et le comité, compte tenu de l'échec des négociations et de la gravité de la situation budgétaire, prend note de la déclaration gouvernementale selon laquelle il ne restait que la voie législative pour apporter les modifications nécessaires à la DRE.

241. Le comité note que, aux termes de l'article 7.3(1) de la loi C-76, "la directive sur le réaménagement des effectifs, les conditions d'emploi pour ce qui est de la sécurité d'emploi et du réaménagement des effectifs ainsi que toute question dont peut traiter la directive ne peuvent ..., au cours de la période de trois ans ..., faire l'objet de négociations collectives ni être incorporées dans une convention collective ou une décision arbitrale...". Le comité note également que la loi C-76 suspend et modifie unilatéralement jusqu'en juillet 1998 certaines dispositions de la directive sur le réaménagement des effectifs, adoptée conjointement (voir annexe 2).

242. Le comité note que la suspension de la négociation collective pour les questions de sécurité de l'emploi porte dans le cas présent sur des questions très diverses, dont la garantie prévue auparavant d'un emploi de remplacement avant un départ, ainsi que diverses indemnités en cas de départ inévitable. Dans des cas précédents, le comité a déclaré qu'il est certaines questions qui, manifestement, relèvent au premier chef ou essentiellement de la gestion des affaires du gouvernement; ces questions peuvent raisonnablement être considérées comme étrangères au champ de la négociation. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 812.] Le comité estime que les questions concernant le niveau des effectifs ou les ministères concernés par les difficultés financières actuelles peuvent être considérées comme relevant au premier chef ou essentiellement de la gestion et de l'administration des affaires du gouvernement et qu'elles peuvent donc raisonnablement être considérées comme étrangères au champ des négociations; cependant, l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'emploi englobent en général des questions qui se rapportent au premier chef ou essentiellement aux conditions d'emploi (droits acquis avant la cessation de service, indemnités, etc.) et qui ne sauraient être considérées comme étant en dehors du champ de la négociation collective.

243. Tout en notant que, selon les informations fournies conjointement par le gouvernement et les organisations plaignantes, les questions liées à la sécurité de l'emploi peuvent être réglées normalement soit sous les auspices du CNM, soit selon la procédure de négociation collective expressément prévue par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), le comité regrette que la loi C-76 ait pour conséquence de faire que, durant la période stipulée de trois ans, il n'existe aucun mécanisme de consultation des organisations de travailleurs sur les questions qui présentent pour eux une importance essentielle.

244. Cependant, étant donné que, aux termes de la loi, ces restrictions à la négociation collective sur les questions de sécurité de l'emploi expireront dans un an, le comité demande instamment au gouvernement de s'abstenir d'imposer de nouvelles restrictions aux négociations sur ces questions lorsque expirera la version modifiée de la DRE, en juillet 1998.

245. Par ailleurs, notant que, selon le gouvernement, les procédures prévues par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) pour régler les conflits ne s'appliquent pas à la directive sur le réaménagement des effectifs (DRE) et qu'il ne semble toujours pas exister de mécanisme de règlement des différends dans ce domaine, le comité ne peut que regretter que le gouvernement n'ait pas donné suite à la recommandation qu'il a faite dans le cas no 1800, où il l'a invité instamment à envisager d'adopter une procédure qui recueille la confiance des parties et leur permette de régler leurs différends, notamment en ayant recours à la conciliation ou la médiation, puis en faisant volontairement appel à un arbitre indépendant. Comme une telle procédure aurait pu contribuer à éviter le présent conflit et à améliorer l'ensemble du climat des relations professionnelles, le comité invite à nouveau instamment le gouvernement à envisager sérieusement l'adoption de procédures de conciliation, de médiation et d'arbitrage indépendant et volontaire qui jouissent de la confiance des parties intéressées.

246. Le comité rappelle en outre que, dans des cas antérieurs, il avait invité le gouvernement à recourir à la coopération du Bureau international du Travail, en particulier sous forme de mission consultative, afin de faciliter la recherche de solutions aux problèmes posés dans la recherche d'accords dans le secteur public.

Recommandations du comité

247. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

  1. Regrettant que la loi C-76 élimine pour une période de trois ans tout mécanisme de consultation des organisations de travailleurs sur les questions de sécurité de l'emploi, le comité invite instamment le gouvernement à s'abstenir d'imposer de nouvelles restrictions aux négociations sur ces questions lorsque les modifications apportées à la directive sur le réaménagement des effectifs expireront en juillet 1998.
  2. Regrettant que le gouvernement n'ait pas donné suite à la recommandation faite précédemment dans le cas no 1800, le comité l'invite instamment à envisager sérieusement d'adopter une procédure qui recueille la confiance des parties et leur permette de résoudre leurs différends par la conciliation ou la médiation, puis ensuite par le recours volontaire à un arbitre indépendant.


Annexe 1

Dispositions pertinentes de la loi no C-76
(loi budgétaire 1995)

PARTIE I

Rémunération

Loi sur la rémunération du secteur public

2. L'article 7.1 de la loi sur la rémunération du secteur public devient le paragraphe 7.1 51) et est modifié par adjonction de ce qui suit:

2) A compter de la date d'entrée en vigueur de l'article 7.2, les dispositions suivantes s'appliquent:

  1. une somme visée au paragraphe 1) ne peut être offerte ou donnée, dans le cadre du Programme de réduction du personnel civil, à un salarié -- ou pour son compte -- engagé pour une durée indéterminée par le ministère de la Défense nationale ou le Service de la protection civile du Canada que s'il est fonctionnaire excédentaire au sens de la directive sur le réaménagement des effectifs;
  2. le salarié visé à l'alinéa a) et à qui une somme a été offerte dans le cadre du paragraphe 1), avant ou après cette date, mais qui n'a pas perdu sa qualité de fonctionnaire au sens de la loi sur l'emploi dans la fonction publique devient assujetti au programme et à l'article 7.2; le paiement est toutefois effectué selon le montant et les conditions et modalités applicables aux termes du Programme de réduction du personnel civil et aucune somme ne peut lui être offerte ou donnée dans le cadre de l'article 7.2.

3) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 7.2, 7.3 et 7.4.

"administration" publique s'entend des entités visées au paragraphe 3 1);

"directive sur le réaménagement des effectifs" signifie la directive sur le réaménagement des effectifs -- entrée en vigueur le 15 décembre 1991 -- établie sur la recommandation du Conseil national mixte de la fonction publique et approuvée par le Conseil du Trésor, dans sa version éventuellement modifiée conformément aux paragraphes 7.3 2) ou 3);

"programme" signifie le programme découlant du budget du 27 février 1995 concernant les primes de départ anticipé, le statut d'excédentaire non payé, la mise en disponibilité et des questions connexes.

3. La même loi est modifiée par adjonction, après l'article 7.1, de ce qui suit:

7.2 1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi ou à toute autre loi fédérale, à l'exception de la loi canadienne sur les droits de la personne, et aux instructions, lignes directrices, règles, accords, règlements ou directives établis en vertu de ces lois:

  1. le gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du Conseil du Trésor, fixer les conditions et modalités d'un programme découlant du budget du 27 février 1995 et désigner les ministères ou secteurs de l'administration publique -- ou parties de ces ministères ou secteurs -- qui seront régis par celui-ci;
  2. le Conseil du Trésor peut offrir ou donner, dans le cadre du programme, une somme à tout salarié de ces ministères ou secteurs -- ou pour son compte -- qui est fonctionnaire excédentaire au sens de la directive sur le réaménagement des effectifs ou par ailleurs assujetti au programme; en outre, sous réserve des conditions et modalités visées à l'alinéa a):
    1. il peut, au plus tôt six mois après la date de réception de l'offre par le salarié, donner à celui-ci le statut d'excédentaire non payé au sens du programme.
    2. il met le salarié en disponibilité si aucune offre d'emploi raisonnable -- au sens de la directive -- ne lui a été faite dans les douze mois suivant la date où le statut d'excédentaire non payé lui a été donné ou s'il refuse une offre d'emploi raisonnable.

2) Le fonctionnaire, au sens de la loi sur l'emploi dans la fonction publique, mis en disponibilité conformément au sous-alinéa 1) b) ii) perd sa qualité de fonctionnaire; il bénéficie toutefois des droits et avantages auxquels la mise en disponibilité lui donne par ailleurs droit en vertu de cette loi.

3) Le Conseil du Trésor peut, aux conditions et selon les modalités qu'il fixe, déléguer telle des attributions que lui confère le paragraphe 1) à l'administrateur général d'un ministère ou au premier dirigeant d'un secteur de l'administration publique.

7.3 1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi ou à toute autre loi fédérale, à l'exception de la loi canadienne sur les droits de la personne, et aux instructions, lignes directrices, règles, accords, règlements ou directives établis en vertu de ces lois, la directive sur le réaménagement des effectifs, les conditions d'emploi pour ce qui est de la sécurité d'emploi ou du réaménagement des effectifs ainsi que toute question dont peut traiter la directive ne peuvent, pour les secteurs de l'administration publique fédérale figurant à la partie I de l'annexe I de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique, faire l'objet de négociations collectives ni être incorporées dans une convention collective ou une décision arbitrale -- au sens de cette loi -- au cours de la période de trois ans commençant à l'entrée en vigueur du présent article. La présente disposition s'applique indépendamment de la cessation d'effet de la convention collective ou de la décision arbitrale à laquelle la directive est incorporée.

2) Le Conseil du Trésor et des agents négociateurs -- chacun pour la convention collective ou la décision arbitrale qui le régit -- peuvent, par entente écrite, modifier la directive sur le réaménagement des effectifs, indépendamment de la cessation d'effet de la convention ou de la décision.

3) Le gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du Conseil du Trésor, modifier la directive sur le réaménagement des effectifs quant aux points suivants:

  1. la suspension de l'indemnité de cessation d'emploi;
  2. les restrictions géographiques applicables aux offres de nomination garanties faites dans les cas de privatisation ou de sous-traitance au sens de la directive;
  3. l'exécution du marché dans les cas de sous-traitance au sens de la directive.

4) Les modifications de la directive sur le réaménagement des effectifs apportées aux termes du paragraphe 3) cessent d'avoir effet trois après l'entrée en vigueur du présent article.

5) Malgré les autres lois fédérales et les conventions collectives ou décisions arbitrales qui incorporent par renvoi, dans sa version éventuellement modifiée, la directive sur le réaménagement des effectifs, les modifications apportées dans le cadre du paragraphe 3) sont incorporées par envoi à ces conventions ou décisions, sous réserve des adaptations exigées par ces lois, conventions ou décisions.

7.4 1) Le gouverneur en conseil peut apporter aux conditions et modalités d'un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 5 ou 6 ou visé à l'article 11 les modifications que le Conseil du Trésor estime nécessaires pour mettre en œuvre les programmes de congés sans solde facultatifs découlant du budget du 27 février 1995.

2) Les modifications visées au paragraphe 1) cessent d'avoir effet trois ans après l'entrée en vigueur du présent article.

4. L'article 8 de la même loi est remplacé par ce qui suit:

8. 1) Sous réserve du paragraphe 3), les parties à une convention collective, ou les personnes liées par une décision arbitrale, qui comporte un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 5 ou 6 ou visé par l'article II peuvent modifier, par entente écrite, la convention ou la décision, sans toutefois augmenter les taux de salaire ou toute autre forme de rémunération visée au paragraphe 5 1.1).


Annexe 2

Dispositions des directives sur le réaménagement des effectifs
(suspension)

Les articles qui suivent étaient en vigueur avant le 15 juillet 1995 et le seront de nouveau le 23 juin 1998 à moins que des changements ultérieurs soient apportés à la directive.

6.1.1 Les fonctionnaires déclarés excédentaires par suite d'une privatisation se voient garantir qu'une offre leur sera faite en vue d'une nomination pour une période indéterminée à un autre poste de la fonction publique, se trouvant dans leur zone d'affectation, soit à leur niveau actuel ou à un niveau leur donnant droit à la protection salariale.

7.3.1 Quand l'emploi d'un fonctionnaire excédentaire prend fin de quelque façon que ce soit en vertu de la présente directive, le fonctionnaire touche une indemnité de cessation d'emploi équivalant à une semaine de traitement par année de service au ministère ou dans l'organisme pour lequel le Conseil du Trésor est l'employeur (LRTFP I-I), jusqu'à concurrence de quinze semaines, à condition qu'il ait droit à une allocation annuelle ou à une rente immédiate en vertu de la loi sur la pension de la fonction publique, ou encore qu'il ait le droit d'exercer une option en ce sens, sauf:

  1. si l'employeur a trouvé ailleurs un autre emploi pour lequel le fonctionnaire a les qualifications nécessaires et qu'il peut occuper sans interruption d'emploi;
  2. si le fonctionnaire a bénéficié de plus d'un mois de recyclage en conformité avec la présente directive;
  3. si un fonctionnaire non excédentaire s'est porté volontaire pour toucher la rémunération en remplacement de la partie non expirée de la période de priorité d'excédentaire, à la place du fonctionnaire excédentaire; ou
  4. si le fonctionnaire a touché l'équivalent d'un an de traitement en vertu des alinéas 8.6.1 ou 8.8.1.

8.4.1 Les fonctionnaires déclarés excédentaires par suite d'une sous-traitance se voient garantir qu'une offre leur sera faite en vue d'une nomination pour une période indéterminée à un autre poste de la fonction publique se trouvant, dans leur zone d'affectation, à leur niveau actuel ou à un niveau leur donnant droit à la protection salariale.

8.7.3 Sous réserve de l'alinéa 8.7.4, le ministère qui sous-traite le travail de fonctionnaires ne fait pas exécuter le marché avant que tous les fonctionnaires touchés aient:

  1. accepté un autre emploi dans la fonction publique;
  2. accepté une offre d'emploi de l'entrepreneur;
  3. démissionné et reçu une somme équivalant à un an de traitement; ou
  4. dans les cas litigieux, jusqu'à ce que la décision du Comité d'administration ait ou non été rendue dans le délai prévu de trente jours.

8.7.4 Toutefois, lorsque l'exécution du marché se fait par étapes, il est possible de procéder à la mise en œuvre d'une ou de plusieurs étapes sans que la situation de tous les fonctionnaires touchés ait été réglée. Cependant, une étape ne peut être mise en œuvre tant que la situation des fonctionnaires touchés par cette étape n'a pas été réglée.


Cas nos 1761, 1787 et 1896

Rapport intérimaire

Plaintes contre le gouvernement de la Colombie
présentées par
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
-- la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) et
-- la Fédération syndicale mondiale (FSM)

Allégations: assassinats et autres actes de violence
contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes,
actes de discrimination antisyndicale et refus
de reconnaître la représentativité d'une
organisation syndicale

248. Le comité a examiné le cas no 1761 pour la dernière fois à sa session de mars 1995. [Voir 297e rapport, paragr. 451 et 464.] La Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a envoyé des informations complémentaires dans ses communications des 2 et 8 mai et du 31 juillet 1995. Le gouvernement a envoyé des observations partielles par ses communications du 29 août et du 9 octobre 1995.

249. Le comité a examiné le cas no 1787 pour la dernière fois à sa session de juin 1996. [Voir 304e rapport, paragr. 159 à 178.] La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a envoyé des informations complémentaires par ses communications des 20 et 28 mai et du 18 juillet 1996. Le gouvernement a envoyé des observations partielles par des communications de septembre et du 16 décembre 1996.

250. La plainte relative au cas no 1896 figure dans une communication de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) datée du 7 mai 1996.

251. Lors de sa réunion de décembre 1995, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a formulé une observation au sujet de l'application par la Colombie de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et a prié le gouvernement de prendre des mesures pour rendre sa législation conforme à la convention. Au cours de la discussion, au sein de la Commission de l'application des normes de la Conférence en juin 1996, du cas relatif à l'application par la Colombie de cette convention, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, M. Orlando Obregón Sabogal, a invité le BIT à effectuer une mission dans son pays dans le but de promouvoir les droits syndicaux et le dialogue social. Par la suite, le gouvernement a décidé d'inclure dans le mandat de la mission les cas demeurés en instance devant le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration (cas nos 1761, 1987 et 1896).

252. La mission en question a été effectuée du 7 au 11 octobre 1996 par M. Santiago Pérez del Castillo, professeur de droit du travail à l'Université de la République orientale de l'Uruguay, en compagnie de M. Horacio Guido, fonctionnaire du Service de la liberté syndicale du Département des normes internationales du travail, et de M. Luis Zamudio, spécialiste des normes internationales du travail de l'Equipe technique multidisciplinaire basée à Lima, au Pérou. [Voir l'annexe II du rapport de la mission.] Le gouvernement a transmis à la mission des observations sur les trois cas en instance.

253. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

Cas no 1761

Examen antérieur du cas

254. Lors de l'examen antérieur du cas, au cours duquel il a examiné des allégations relatives aux assassinats de dirigeants syndicalistes et aux procédures judiciaires dirigées contre des syndicalistes, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 297e rapport, paragr. 464]:

rappelant que les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et de membres de ces organisations et qu'il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe, le comité prie instamment le gouvernement de faire procéder immédiatement à des enquêtes judiciaires afin d'éclaircir pleinement les faits allégués, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables des assassinats des dirigeants syndicaux Rodrigo Rojas Acosta, Alberto Alvarado, Tina Soto Castellanos et Rosario Moreno, et de l'assassinat de Hugo Zapata Restrepo, ainsi que des graves blessures subies par Carlos Posada lors de l'assaut dirigé contre le siège de la Fédération unitaire des travailleurs d'Antioquía (FUTRAN). Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de chacune des enquêtes qui seront effectuées et de l'issue des enquêtes en cours concernant l'assassinat des dirigeants syndicaux Israel Perea et Miguel Camelo Reinaldo;

Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'issue des procédures judiciaires engagées contre MM. Luna Chaparro et Patiño et de lui communiquer le texte des sentences qui seront rendues.

255. De même, en l'absence d'une réponse du gouvernement au sujet de certaines allégations présentées, le comité a formulé la recommandation suivante:

Le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir au plus tôt les observations complètes sur les allégations suivantes: 1) l'arrestation, le 12 février 1994, à Mesitas, de huit dirigeants syndicaux (Jorge Luis Ortega García, Domingo Rafael Tovar Arrieta, Flavio Triviño, Luis Fernando Orozco Nassam, César Martínez, Evelio Quiceno, Héctor Escobas et Germán Ronancio); 2) l'expulsion, le 12 février 1994, à Cali, de membres du Syndicat de la construction (SINDICONS) du siège du syndicat; 3) l'intrusion d'agents de la sécurité de l'Etat dans des assemblées et locaux de syndicats, comme par exemple au congrès de la Fédération nationale des travailleurs de la construction et du ciment qui a eu lieu à Bogotá du 9 au 12 février 1994; et 4) l'existence, dans la ville de Medellín, de groupes paramilitaires qui empêchent le déroulement normal des activités syndicales.

Informations complémentaires présentées par la CLAT

256. Dans ses communications des 2 et 8 mai 1995, la CLAT allègue que les deux dirigeants syndicaux suivants ont été assassinés: M. Guillermo Alonso Benítez Zapata, conseiller juridique du Syndicat des travailleurs de Olimpo Ltda. (SINTRAOLIMPO), le 26 avril 1995, devant son domicile dans la municipalité de Chigorobo, Antioquía, et M. Marco Julio Martínez Quiceno, membre du comité exécutif du Syndicat des travailleurs de Skanska, le 3 mai 1995, à son domicile dans la municipalité de Tierralta, Córdoba.

257. Dans sa communication du 31 juillet 1995, la CLAT allègue que le dirigeant syndical, M. Fernando Alfonso Davila Girón, président du Syndicat des travailleurs des entreprises publiques de Tuluá, a disparu le 26 novembre 1994 et que ses proches ont porté plainte au sujet de sa disparition auprès du premier service de lutte contre les enlèvements du ministère public de Tuluá.

Réponse du gouvernement

258. Dans ses communications des 29 août et du 9 octobre 1995, le gouvernement déclare que le ministère public général de la Nation enquête sur la disparition de M. Fernando Alfonso Davila Girón, que cette enquête se trouve au stade des vérifications et qu'il communiquera en temps opportun toutes les informations qui pourront être réunies sur ce cas.

259. Le gouvernement a remis à la mission tous les documents dont disposait le ministère public de la Nation au sujet des allégations d'actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. De ces documents, il ressort notamment ce qui suit:

  1. des enquêtes judiciaires sont en cours en ce qui concerne les assassinats des dirigeants syndicaux MM. Rodrigo Rojas Acosta, Alberto Alvarado, Tina Soto Castellanos et Rosario Moreno, Hugo Zapata Restrepo, Guillermo Alonso Benítez Zapata et Marco Julio Martínez Quiceno, ainsi qu'en ce qui concerne les graves blessures infligées à Carlos Posada lors de la perquisition du siège syndical de la Fédération unitaire des travailleurs d'Antioquía (FUTRAN);
  2. au sujet des allégations de détention de dirigeants syndicaux, le gouvernement a fourni les informations suivantes:
    • Ortega García Jorge Luis (une enquête judiciaire est en cours au sujet de menaces proférées contre lui; il est lui-même accusé de délit de rébellion, mais il est en liberté);
    • Tovar Arrieta Domingo Rafael (des enquêtes judiciaires sont en cours au sujet des délits de menaces et d'enlèvement dont il a été victime);
    • Orozco Nassan Luis Fernando (une enquête judiciaire est en cours au sujet du délit d'extorsion commis contre lui), et
    • Martínez César (une enquête judiciaire est en cours au sujet du délit d'extorsion commis contre lui; il est lui-même accusé de délit d'enlèvement).

Cas no 1787

Examen antérieur du cas

260. Lors du dernier examen du cas, au cours duquel il s'est occupé d'allégations relatives à des assassinats, des disparitions et d'autres actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 304e rapport, paragr. 178, a)]:

Exprimant sa profonde préoccupation face à la recrudescence de la violence dans le pays et au grand nombre d'assassinats et d'actes de violence dont sont victimes les dirigeants syndicaux et les syndicalistes, le comité demande instamment au gouvernement, au cas où il ne l'aurait pas encore fait, de prendre les mesures nécessaires afin de diligenter immédiatement une enquête judiciaire pour clarifier l'ensemble des assassinats, menaces et autres actes de violence allégués, déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. De même, le comité demande instamment au gouvernement d'intensifier ses efforts pour assurer une protection efficace à tous les dirigeants syndicaux et aux syndicalistes qui ont été menacés. Il lui demande de lui fournir des informations sur tous les cas mentionnés en annexe (annexe qui est reproduite ci-après):

Allégations demeurées en instance en mars 1995

Assassinats:

  1. Jaime Eliécer Ojeda (président du Syndicat des travailleurs des travaux publics -- SINTRAMINOBRAS) (le gouvernement a fait savoir qu'une enquête judiciaire avait été ouverte);
  2. Alfonso Noguera (président du Syndicat des fonctionnaires municipaux de la municipalité d'Ocaña) (le gouvernement a fait savoir qu'une enquête judiciaire avait été ouverte);
  3. Hernando Cuadros (président de l'Union syndicale ouvrière -- USO -- section de Tibú).

Tentatives d'homicide:

  1. Edgar Riaño, Darío Lotero, Luis Hernández et Monerge Sánchez (syndicalistes).

Menaces de mort:

  1. Bertina Calderón (vice-présidente de la CUT);
  2. Daniel Rico (président de la Fédération des travailleurs de l'industrie pétrolière -- FEDEPETROL);
  3. Domingo Tovar (membre du conseil exécutif national de la CUT);
  4. Víctor Ramírez (président du Syndicat des transports -- SINTRASON);
  5. les membres du conseil exécutif de la Fédération syndicale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO).

Menaces de mort et tentative d'homicide:

  1. Francisco Ramírez Cuéllar (président du Syndicat des travailleurs de l'entreprise Mineralco SA).

Détention et perquisition du domicile:

  1. Luis David Rodríguez Pérez (ancien dirigeant du Syndicat national des travailleurs d'Incora -- SINTRADIN).

Perquisition au siège syndical, mise sur table d'écoutes,
surveillance de syndicalistes:

  1. perquisition au siège de la Fédération syndicale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO), mise sur table d'écoutes du siège syndical et de ses adhérents et surveillance par des personnes armées du président de la fédération, M. Luis Carlos Acero.

Informations complémentaires présentées
par l'organisation plaignante dans
une communication du 20 octobre 1995

Assassinats:

  1. Ernesto Fernández Pezter, dirigeant syndical de l'Association des éducateurs del César, le 20 février 1995;
  2. Manuel Francisco Giraldo, membre du conseil exécutif du Syndicat national des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 22 mars 1995;
  3. Pedro Bermúdez, membre du Comité des travailleurs de la plantation bananière de La Playa (municipalité de Carepa, département d'Urabá, le 6 juin 1995;
  4. Artur Moreno, membre du Comité des travailleurs de la plantation Doña Francia (municipalité d'Apartadó), le 7 juin 1995;
  5. Antonio Moreno, conseiller juridique du Syndicat des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 12 août 1995;
  6. Manuel Ballesta, négociateur du Syndicat des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 12 août 1995;
  7. vingt-trois travailleurs affiliés au Syndicat national des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 29 août 1995;
  8. William Gustavo Jaimes Torres, président de l'Association nationale des usagers agriculteurs (ANUC), le 28 août 1995;
  9. vingt-quatre travailleurs de la plantation bananière Rancho Amelia, membres du Syndicat national des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 20 septembre 1995.

Disparitions:

  1. Rodrigo Rodríguez Sierra, président du Syndicat des travailleurs des huileries (SINTRAPROACEITES), section Copey, le 16 février 1996;
  2. Jairo Navarro, syndicaliste, le 6 juin 1995.

Agressions physiques et répression policière:

  1. répression policière à l'encontre de travailleurs des entreprises publiques de Cartagena au cours d'une manifestation pacifique, le 29 juin 1995;
  2. répression policière à l'encontre des travailleurs des compagnies de l'eau et des téléphones et d'agriculteurs syndiqués de Tolima qui participaient à une manifestation le 14 août 1995. A l'issue de cette répression, une personne, M. Fernando Lombana, membre de l'Association des petits et moyens agriculteurs de Tolima (ASOPEMA), a trouvé la mort, trois ont été gravement blessées et plusieurs (des syndicalistes membres des organisations ayant participé à la manifestation) ont été arrêtées.

Menaces:

  1. Pedro Barón, président de la section de Tolima de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), a reçu des menaces de certains membres des forces de sécurité depuis sa participation à une grève de protestation le 19 juillet 1995;
  2. Domingo Tovar, affilié à l'Association des éducateurs du sucre, a été arrêté par des militaires le 12 février 1994 au motif d'activités subversives et libéré par la suite sur ordre des autorités judiciaires; il a reçu des menaces de mort le 8 août 1995 et a dû quitter le pays pour quelques mois après avoir fait l'objet d'une tentative d'assassinat;
  3. Jorge Ortega García, syndicaliste, a été arrêté par des militaires le 12 février 1994, au motif d'activités subversives, puis libéré sur ordre des autorités judiciaires. Par la suite, il a reçu des menaces de mort; il est suivi dans ses déplacements par des membres des forces de sécurité qui surveillent son bureau.

261. De plus, en examinant les allégations relatives à des actes de discrimination antisyndicale, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 304e rapport, paragr. 178 b), c) et d)]:

rappelant que la protection contre la discrimination antisyndicale doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tout autre moyen, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin qu'une enquête soit immédiatement menée dans l'entreprise ALFAGRES SA, que, au cas où l'on aurait constaté que les actes de discrimination antisyndicale allégués ont été réellement commis, les dirigeants syndicaux licenciés soient réintégrés dans leur poste de travail et que des dispositions soient prises pour que les travailleurs membres du syndicat ne fassent plus l'objet de menaces ou qu'il ne leur soit plus porté préjudice par tout autre moyen. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard;

à propos du Syndicat des travailleurs du ministère des Finances et du Crédit public (SINTRHA), le comité demande au gouvernement de lui envoyer sans retard ses observations relatives aux allégations concernant la suppression de postes de travail de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, l'encouragement par le ministère des Finances d'une campagne antisyndicale destinée à intimider les travailleurs qui veulent s'affilier au syndicat et le licenciement de membres du conseil exécutif du syndicat SINTRHA. Le comité demande à l'organisation plaignante d'envoyer ses commentaires sur la déclaration du gouvernement relative au non-enregistrement des modifications des statuts de SINTRHA; et

rappelant qu'il avait été demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux dirigeants et aux membres du syndicat SINTRATEXTILIA, qui avaient été licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes, d'obtenir leur réintégration dans leur poste de travail, le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures dans ce sens et de le tenir informé à cet égard.

Informations complémentaires présentées par le plaignant

262. Dans ses communications des 20 et 28 mai et du 18 juillet 1996, la CISL affirme que divers dirigeants syndicaux et syndicalistes ont été assassinés. L'organisation plaignante déclare notamment que:

Réponse du gouvernement

263. Dans sa communication de septembre 1996, le gouvernement signale de nouveau qu'il mène des enquêtes au sujet de la mort des syndicalistes Luis Noguera Cano et Eliecer Ojeda Cano. De plus, le gouvernement déclare qu'il a arrêté et inculpé une personne dans le cadre de la mort de Luis Noguera Cano.

264. Le gouvernement a fourni à la mission de nombreuses informations sur les actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux ou des syndicalistes, ou contre des locaux de syndicats. Le gouvernement signale notamment qu'il a ouvert des enquêtes judiciaires sur les assassinats des dirigeants syndicaux ou syndicalistes suivants: 1) Antonio Moreno; 2) Manuel Ballesta; 3) Francisco Mosquera Córdoba; 4) Carlos Arroyo de Arco; 5) Francisco Antonio Usuga; 6) Pedro Luis Bermúdez Jaramillo; 7) Armando Umanes Petro; 8) William Gustavo Jaimes Torres; 9) Ernesto Fernandez Pezter.

265. De plus, le gouvernement déclare qu'une enquête judiciaire a été ouverte sur l'attentat commis avec un engin explosif contre le siège du Syndicat national de l'industrie de la construction (SINDICONS) à Medellín.

266. Quant aux allégations relatives aux assassinats de syndicalistes affiliés à l'organisation syndicale SINTRAINAGRO, MM. Oriol Chaverra, Hernán Correra, Medardo Cuestas, Manuel Márquez, Pedro Barbosa, Omar Casarubio, Fernando Pérez, Amin Palacio, le gouvernement déclare que ces personnes sont en vie et qu'elles n'ont pas porté plainte pour des tentatives de meurtre.

267. Pour ce qui est des allégations relatives à la détention et aux menaces de mort proférées contre les dirigeants syndicaux, MM. Domingo Tovar et Jorge Ortega García, le comité est en train d'analyser les observations du gouvernement dans le cadre du cas no 1761.

268. Au sujet des allégations d'actes de discrimination antisyndicale qui sont demeurées en instance, le gouvernement a fourni les informations suivantes à la mission:

Cas no 1896

Allégations du plaignant

269. Par sa communication datée du 7 mai 1996, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) indique que le 23 février 1996 le ministère du Travail a promulgué la résolution no 00431 relative à un recensement réalisé dans l'Entreprise nationale des télécommunications de Colombie (TELECOM) pour déterminer la représentativité des organisations syndicales qui déploient leurs activités en son sein. L'organisation plaignante fait valoir que la résolution déclare que le Syndicat des travailleurs de l'Entreprise nationale des télécommunications (SITTELECOM) comptait un total de 1 779 membres au 30 novembre 1995; ce syndicat a refusé le résultat du recensement du ministère du Travail, en affirmant qu'il comptait 4 471 membres actifs (l'entreprise confirme ces chiffres en fournissant la liste des décomptes de cotisations syndicales). L'organisation syndicale explique qu'il est nécessaire de tenir compte du fait que l'autre organisation représentant des travailleurs de TELECOM est l'Association des techniciens de TELECOM (ATT), organisation qui réunit uniquement des techniciens. En revanche, SITTELECOM regroupe divers types de travailleurs de l'entreprise. L'ATT figure dans le recensement comme étant l'organisation majoritaire par le nombre de membres (1 804) et que par conséquent elle reste habilitée par la loi à discuter du cahier des revendications et à signer une nouvelle convention collective de travail. Enfin, l'organisation plaignante allègue que les chiffres officiels ont pour conséquence de marginaliser SITTELECOM en le privant du droit légitime d'exercer des prérogatives syndicales.

Réponse du gouvernement

270. Le gouvernement a informé la mission que le 23 février 1996 le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a promulgué la résolution no 00431 par l'intermédiaire de la division du travail; aux termes de cette résolution, le Syndicat des travailleurs de l'Entreprise nationale des télécommunication "SITTELECOM" comptait 1 779 membres au 30 novembre 1995, et le Syndicat de l'industrie des travailleurs de l'industrie des communications "ATT" comptait 1 804 membres, sur les 8 710 travailleurs de l'entreprise dénommée Empresa Nacional de Telecommunicaciones TELECOM. Le gouvernement ajoute que cette détermination de représentativité n'est pas encore définitive, car il faut attendre le résultat du recours interjeté par l'organisation syndicale SITTELECOM. Le gouvernement déclare que le recensement a été réalisé à la demande de l'entreprise TELECOM afin d'établir la représentation syndicale en vue de la négociation collective, conformément au règlement interne, l'article 357 du Code du travail, alinéa 2, stipulant que lorsque dans une même entreprise coexistent un syndicat de base et un syndicat d'industrie la représentation des travailleurs pour tous les effets de conclusion d'une convention collective revient au syndicat qui réunit la majorité (la moitié plus un) des travailleurs de l'entreprise.

271. En outre, le gouvernement indique que le recensement a été réalisé en tenant compte:

272. Le gouvernement relève qu'il convient de préciser que le fait que l'employeur reconnaisse la liste des travailleurs auxquels il retient la cotisation syndicale ne permet pas d'affirmer avec certitude que ces travailleurs cotisants sont affiliés au syndicat. Conformément à l'article 471 du Code du travail, quand un syndicat dont les membres dépassent le tiers du total des travailleurs de l'entreprise est partie à la convention collective, les normes de ladite convention valent pour tous les travailleurs de l'entreprise, qu'ils soient ou non syndiqués; une quote-part doit être retenue aux travailleurs non syndiqués en faveur du syndicat, car ces travailleurs bénéficient de la convention. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a accepté de procéder au recensement et de déterminer le nombre de travailleurs correctement affiliés à chaque organisation syndicale, sans déclarer un droit ultérieur de négociation. Le gouvernement précise que les chiffres du recensement correspondent au nombre des membres en date du 30 novembre 1995, et qu'il n'est pas en mesure de se prononcer au sujet des affiliations ou désaffiliations intervenues ultérieurement dans l'un ou l'autre syndicat.

Conclusions du comité

273. Le comité prend note du rapport du représentant du Directeur général, le Professeur Santiago Pérez del Castillo, sur la mission effectuée en Colombie du 7 au 11 octobre 1996 et souhaite le remercier pour la tâche qu'il a accomplie. Le comité remercie le gouvernement, les autorités publiques ainsi que les interlocuteurs sociaux de l'étroite coopération qui a été fournie au représentant du Directeur général tout au long de la mission. En outre, le comité prend note des informations écrites fournies par le gouvernement sur les divers cas et les divers projets de lois qui ont été soumis au congrès pour mettre la législation en conformité avec les conventions nos 87 et 98 et pour ratifier les conventions nos 151 et 144. Les projets de loi en question ont été transmis à la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

274. En premier lieu, avant d'analyser les allégations et les observations communiquées par le gouvernement au sujet de chaque cas particulier, le comité souhaite faire part de la profonde préoccupation que lui causent les allégations qui se réfèrent en grande partie à la mort violente, à la disparition et à d'autres actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, ainsi que des perquisitions au siège de syndicats et au domicile de syndicalistes. Le comité rappelle que depuis de nombreuses années des cas de graves actes de violence sont commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes en Colombie et déplore de devoir constater que la violence n'a apparemment pas diminué, mais qu'au contraire il semblerait qu'elle ait été en recrudescence ces dernières années et qu'elle ait affecté une nouvelle fois les syndicalistes.

275. Le comité observe que d'après ce qui ressort du rapport de la mission, dans la grave et complexe situation de violence que connaît la Colombie, il y a une série de faits préoccupants reconnus par la majorité des personnes que le représentant du Directeur général a rencontrées: i) la violence frappe tous les secteurs de la société (les chiffres mentionnés pour les assassinats commis en 1995 varient entre 25 000 et 30 000), mais le mouvement syndical a été attaqué agressivement; il s'agit d'un phénomène qui perdure depuis 45 ans en Colombie et qui est favorisé par une présence -- parfois -- laxiste de l'autorité de l'Etat dans quelques régions du pays; ii) les responsables de la violence sont la guérilla, le trafic de stupéfiants, les groupes paramilitaires -- dont certains ont agi avec l'acquiescement ou la participation active des forces de sécurité de l'Etat -- et la délinquance commune; iii) il y a un nombre extrêmement élevé de cas de violence qui ne sont pas tirés au clair, ce qui est une incitation supplémentaire pour la répétition de crimes et de violations des droits de l'homme (il y a peu de tribunaux, les procédures sont lentes, les procureurs ne peuvent pas ou n'osent pas enquêter car leur vie est en péril) et iv) il est pratiquement impossible d'assurer la protection des dirigeants syndicaux et des syndicalistes menacés. Le comité souligne la complète inefficacité du système judiciaire et l'intervention de la justice militaire concurremment à la justice civile.

276. Le comité prend note que d'après ce qui ressort du rapport de la mission le gouvernement déclare qu'il a pris une série de mesures positives pour mettre un terme à l'impunité. Le comité prend note avec intérêt de l'adoption des mesures suivantes: i) le programme de protection des victimes et des témoins du ministère public national; ii) la création de l'Unité nationale des droits de l'homme, dont la compétence s'étend, entre autres, aux délits dont la victime est un dirigeant syndical et dont on présume que la mort est due à son activité syndicale; iii) le projet de créer dans la structure du ministère de l'Intérieur une Unité administrative spéciale des droits de l'homme qui serait dotée d'un service spécial ayant pour but de protéger les personnes menacées; et iv) la création d'un comité ministériel chargé d'examiner les cas de violation des droits de l'homme, de vérifier le bien-fondé des allégations et, dans les cas où la véracité de ces allégations et la responsabilité de l'Etat se confirment, d'ordonner le versement d'indemnisations. Tout en prenant note de ces mesures, le comité souligne que le rapport de la mission indique que le nombre des victimes de la violence est extrêmement élevé et que les échecs des procédures judiciaires pour éclaircir pleinement les faits donnent lieu à un degré extrêmement élevé d'impunité. En outre, le comité déplore profondément que, dans aucun des nombreux cas d'allégations présentées, les coupables n'ont été sanctionnés. Enfin, le comité prend note avec intérêt du climat de concertation sociale que le gouvernement cherche à imposer en mettant l'accent sur l'importance d'une éthique et d'une culture nouvelles qui, sans méconnaître la différence ou le conflit, donnent la priorité au dialogue et à l'entente.

277. Finalement, le comité doit observer avec une extrême préoccupation que le rapport de la mission attire l'attention sur le développement que connaissent actuellement les groupes paramilitaires ou les groupes d'autodéfense dans beaucoup de secteurs du pays, dont les actes de violence s'ajoutent à ceux du trafic de stupéfiants, de la guérilla, de la délinquance commune, et, du point de vue institutionnel, des représentants des forces de sécurité. De même, le comité observe qu'il ressort du rapport de la mission que les agissements de groupes paramilitaires sont dirigés en premier lieu contre les syndicalistes dans de nombreuses régions du pays, et que bien des personnes rencontrées ont mis l'accent sur le fait que les forces de sécurité autorisent les agissements de ces groupes. En outre, le comité observe que les personnes rencontrées ont mentionné l'existence de cas dans lesquels des agents de l'Etat ont commis des actes de violations des droits de l'homme.

278. Dans ce contexte, et au sujet de tous les actes de violence allégués, le comité rappelle au gouvernement que la "liberté syndicale ne peut s'exercer que dans le plein respect et la garantie complète des droits fondamentaux de l'homme, en particulier du droit à la vie et à la sécurité de la personne"; "l'assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l'ouverture d'enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquels se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d'empêcher que de tels faits se reproduisent"; et que "l'absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d'insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l'exercice des activités syndicales". [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 46, 51 et 55.] De plus, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour démanteler les groupes paramilitaires qui empêchent le déroulement normal des activités syndicales dans diverses zones du pays.

Cas no 1761

279. Pour ce qui est des allégations relatives aux assassinats et lésions commis contre des dirigeant syndicaux ou des syndicalistes, le comité prend note du fait que le gouvernement déclare qu'il procède à des enquêtes judiciaires sur les assassinats des dirigeants syndicaux MM. Rodrigo Rojas Acosta, Alberto Alvarado, Tina Soto Castellanos et Rosario Moreno, Hugo Zapata Restrepo, Guillermo Alonso Benítez Zapata et Marco Julio Martínez Quiceno, ainsi que sur les graves blessures subies par Carlos Posada lors de l'assaut dirigé contre le siège de la Fédération unitaire des travailleurs d'Antioquía (FUTRAN). Le comité exprime l'espoir que grâce aux enquêtes judiciaires en cours il sera possible de clarifier les faits, de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces enquêtes. De plus, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'état d'avancement des enquêtes en cours en ce qui concerne les assassinats des dirigeants syndicaux MM. Perea Israel et Miguel Camelo Reinaldo, ainsi que sur l'évolution des procédures judiciaires demeurées en instance contre les syndicalistes MM. Luna, Chaparo et Patiño (le gouvernement avait informé le comité à sa session de mars 1995 que lesdites enquêtes judiciaires venaient d'être entreprises).

280. Quant aux allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux, le comité prend note du fait que le gouvernement lui a transmis les informations suivantes: M. Ortega García Jorge Luis est accusé de délit de rébellion, mais en même temps une enquête judiciaire est en cours au sujet de menaces proférées à son encontre, et l'intéressé est en liberté; M. Tovar Arrieta Domingo Rafael n'est pas détenu, une enquête judiciaire est en cours pour des délits commis contre sa personne (enlèvement et menaces); M. Orozco Nassan Luis Fernando n'est pas détenu, une enquête judiciaire est en cours pour un délit commis contre sa personne (extorsion); et M. Martínez César est accusé de délit d'enlèvement, mais une enquête est également en cours au sujet d'un délit commis contre sa personne (extorsion). Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des procédures judiciaires qui concernent ces dirigeants syndicaux.

281. Pour ce qui est des autres allégations relatives à la détention des dirigeants syndicaux Triviño Flavio Quiceno Evelio, Escobas Héctor et Ronancio Germán le 12 février 1994 à Mesitas, le comité observe que le gouvernement ne lui a pas communiqué ses observations. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de vérifier si ces dirigeant syndicaux sont effectivement détenus et, au cas où il constaterait qu'ils ont été détenus au motif de leurs activités syndicales, de prendre des mesures pour qu'ils soient libérés immédiatement.

282. Enfin, en ce qui concerne les autres allégations en instance: 1) l'expulsion, le 11 février 1994, à Cali, de membres du Syndicat de la construction (SINDICONS) du siège du syndicat; 2) l'intrusion d'agents de la sécurité de l'Etat dans des assemblées et des locaux de syndicats, comme par exemple au congrès de la Fédération nationale des travailleurs de la construction et du ciment, qui a eu lieu à Bogotá du 9 au 12 février 1994; 3) les agissements, dans la ville de Medellín, de groupes paramilitaires qui empêchent le déroulement normal des activités syndicales, le comité constate que le gouvernement n'a pas envoyé ses observations. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les forces de sécurité de l'Etat ne pénètrent pas dans des locaux de syndicats si elles n'ont pas un mandat judiciaire à cet effet.

Cas no 1787

283. Au sujet des nombreux assassinats et actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, le comité prend note de l'information que le gouvernement a fournie à la mission, selon laquelle des enquêtes judiciaires ont été entreprises sur les assassinats des dirigeants syndicaux ou des syndicalistes suivants, ou menaces de meurtre à leur encontre: 1) Antonio Moreno (12.08.1995); 2) Manuel Ballesta (13.08.1995); 3) Francisco Mosquera Córdoba (02.1996); 4) Carlos Arroyo de Arco (02.1996); 5) Francisco Antonio Usuga (22.03.1996); 6) Pedro Luis Bermúdez Jaramillo (6.06.1995); 7) Armando Umanes Petro (23.05.1996); 8) William Gustavo Jaimes Torres (28.08.1995); 9) Ernesto Fernandez Pezter; 10) Jaime Eliacer Ojeda; 11) Alfonso Noguera; 12) Alvaro Hoyos Pabón (12.12.95); 13) Libardo Antonio Acevedo (7.7.96) et 14) Jairo Alfonso Gamboa López (menaces de mort). Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires en cours.

284. De plus, le comité prend note du fait que le gouvernement signale qu'il procède à une enquête judiciaire sur l'attentat perpétré avec un engin explosif contre le siège du Syndicat national de l'industrie de la construction (SINDICONS) à Medellín. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de cette procédure judiciaire.

285. Quant aux allégations relatives aux assassinats des syndicalistes affiliés à l'organisation syndicale SINTRAINAGRO, MM. Oriol Chaverra, Hernán Correra, Medardo Cuestas, Manuel Márquez, Pedro Barbosa, Omar Casarubio, Fernando Pérez et Amin Palacio, le comité prend note du fait que le gouvernement indique que lesdites personnes sont en vie et qu'aucune plainte pour crimes attentatoires à leur vie n'a été déposée.

286. Par ailleurs, le comité observe que le gouvernement n'a pas communiqué ses observations sur un nombre important d'assassinats, tentatives d'homicide, menaces de mort, disparitions et agressions physiques commises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, perquisitions de sièges de syndicats et du domicile de syndicalistes. [Voir à l'annexe I la liste complète des allégations au sujet desquelles le gouvernement n'a pas communiqué ses observations.] Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement qu'il communique aussi rapidement que possible ses observations sur les cas mentionnés à l'annexe I.

287. Au sujet de la demande que le comité a adressée au gouvernement pour qu'il procède à une enquête dans l'entreprise ALFAGRES SA dans le but de vérifier le bien-fondé des allégations de licenciements antisyndicaux, le comité note que le gouvernement signale que la Division d'inspection et de surveillance du ministère du Travail a effectué une enquête et est arrivée à la conclusion que l'entreprise n'a pas commis de violation du droit d'association. En outre, le comité note que le gouvernement déclare que divers syndicalistes ont retiré la plainte introduite auprès des autorités administratives et que d'autres travailleurs fondateurs du syndicat, bien qu'ils aient négocié la cessation de leurs relations de travail avec l'entreprise, ont engagé par la suite des procédures judiciaires pour obtenir leur réintégration. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur le résultat des procédures judiciaires en cours.

288. Quant aux allégations demeurées en instance relatives à la suppression de postes de travail de membres et de dirigeants syndicaux du ministère des Finances, à l'organisation d'une campagne antisyndicale par les autorités de ce ministère visant à intimider les travailleurs qui souhaitaient adhérer au syndicat, et au licenciement de membres du comité exécutif du syndicat, le comité note que le gouvernement déclare: 1) que des postes de travail de membres et de dirigeants du syndicat n'ont pas été supprimés dans le but de détruire le syndicat, mais qu'un processus de restructuration du personnel du ministère est en cours et qu'il touche de nombreux travailleurs; 2) qu'une fonctionnaire du ministère a certes organisé une campagne antisyndicale, mais qu'un terme a été mis à cette situation; et 3) que les trois membres du comité exécutif du syndicat qui ont été licenciés dans le cadre de la restructuration ont engagé des procédures judiciaires.

289. Dans ce contexte, et notamment au sujet de la restructuration du ministère des Finances qui a conduit au licenciement de nombreux travailleurs, le comité rappelle au gouvernement l'importance qu'il attache à ce que "les gouvernements consultent les organisations syndicales en vue d'examiner les conséquences des programmes de restructuration sur l'emploi et les conditions de travail des salariés". [Voir Recueil, op. cit., paragr. 937.] De plus, au sujet de la campagne d'intimidation antisyndicale -- dont le gouvernement reconnaît qu'elle a existé, mais qu'il y a mis un terme --, le comité signale au gouvernement que "nul ne doit être licencié ou faire l'objet d'autres mesures préjudiciables en matière d'emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l'exercice d'activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d'emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique". [Voir Recueil, op. cit., paragr. 696.] Enfin, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires en cours qui ont trait au licenciement des trois membres du comité exécutif du syndicat.

290. Finalement, au sujet de la demande que le comité a adressée au gouvernement afin qu'il prenne les mesures nécessaires pour permettre aux dirigeants et aux membres du syndicat SINTRATEXTILIA, qui avaient été licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes, d'obtenir leur réintégration dans leur poste de travail, le comité note que le gouvernement déclare qu'une plainte a été déposée au pénal contre l'entreprise TEXTILIA Ltd. et que divers syndicalistes ont engagé des procédures judiciaires de droit syndical et une action en vue d'obtenir leur réintégration. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires en cours, tant au pénal que devant les chambres sociales.

Cas no 1896

291. Le comité observe que les allégations présentées dans ce cas ont trait au désaccord de l'organisation plaignante avec un recensement des affiliés réalisé par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. L'organisation plaignante allègue que SITTELECOM comptait 4 471 membres et que le recensement ne lui en a attribué que 1 779, et que ce recensement aurait pour conséquence que SITTELECOM cesserait d'être l'organisation la plus représentative de l'Entreprise nationale des télécommunications de Colombie et perdrait le droit de négocier une nouvelle convention collective de travail, vu que ce droit passerait à ATT.

292. Le comité note que le gouvernement déclare que: 1) le recensement a été réalisé à la demande de l'entreprise TELECOM et au niveau national, dans le but de déterminer laquelle des deux organisations dans l'entreprise -- SITTELECOM et ATT -- était la plus représentative, en vue de la négociation collective (le Code du travail dispose que la représentation des travailleurs pour la négociation collective revient au syndicat qui réunit la majorité -- la moitié plus un -- des travailleurs de l'entreprise); 2) les dispositions statutaires de l'organisation SITTELECOM prévoient que pour devenir membre du syndicat il faut présenter une demande d'adhésion par écrit au comité exécutif, qui décidera de l'approuver ou non; 3) lors du recensement, les autorités administratives n'ont compté comme membres de l'organisation SITTELECOM que les travailleurs qui satisfaisaient à ladite condition prévue par les statuts de présenter une demande d'adhésion par écrit; l'organisation syndicale SITTELECOM et ses diverses sections n'ont pas présenté les registres des membres pour procéder au recensement ou, dans les cas où elles les ont présentés, les autorités administratives ont constaté que la majorité des personnes enregistrées comme membres par SITTELECOM n'avait pas été admise en bonne et due forme par le comité exécutif; 4) le fait que l'employeur procède à une retenue sur salaire au titre de cotisation syndicale ne permet pas d'établir avec certitude que ces cotisants sont affiliés à un syndicat étant donné que, en vertu des dispositions de l'article 471 du Code de travail, la convention collective peut prévoir la retenue de cotisations pour des personnes non affiliées qui bénéficient de la convention collective; et 5) l'organisation syndicale SITTELECOM a fait appel auprès des autorités judiciaires au sujet du recensement.

293. A cet égard, le comité observe que, selon le gouvernement, les autorités administratives ont appliqué strictement les dispositions des statuts de l'organisation syndicale SITTELECOM pour compter les membres dudit syndicat et qu'en raison de diverses irrégularités -- la non-présentation par les travailleurs d'une demande d'adhésion écrite, la non-présentation des registres des membres et la non-approbation des demandes d'adhésion par le comité exécutif -- elles ont compté un total de 1 779 membres, résultat que l'organisation plaignante conteste. Dans ces conditions, tout en observant qu'il ne dispose pas d'éléments lui permettant de conclure que le gouvernement aurait cherché à favoriser une des deux organisations syndicales présentes dans l'entreprise TELECOM en procédant au recensement en question, le comité invite SITTELECOM à prendre des mesures pour que toutes les affiliations à ce syndicat soient mises en conformité avec les dispositions des statuts et, au cas où cette organisation le ferait, prie le gouvernement de procéder à un nouveau recensement pour compter la totalité des travailleurs qui seront effectivement enregistrés comme membres de l'organisation syndicale en question. Enfin, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau intervenant à cet égard et de lui envoyer une copie du jugement relatif au recours interjeté devant les autorités judiciaires par l'organisation syndicale SITTELECOM.

Recommandations du comité

294. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

  1. Le comité prend note du rapport du représentant du Directeur général, le Professeur Santiago Pérez del Castillo, sur la mission effectuée en Colombie du 7 au 11 octobre 1996 et le remercie pour la tâche qu'il a accomplie. Le comité remercie le gouvernement, les autorités publiques ainsi que les interlocuteurs sociaux de l'étroite coopération qui a été fournie au représentant du Directeur général tout au long de la mission. En outre, le comité prend note avec intérêt des divers projets de loi qui ont été soumis au congrès pour mettre la législation en conformité avec les conventions nos 87 et 98 et en vue de ratifier les conventions nos 151 et 144.
  2. Le comité exprime sa profonde préoccupation face aux allégations qui se réfèrent en grande partie à la mort violente, à la disparition et à d'autres actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, ainsi qu'à des perquisitions au siège de syndicats et au domicile de syndicalistes. Bien qu'il note que le gouvernement a pris une série de mesures pour lutter contre la violence et pour mettre un terme à l'impunité, le comité relève que selon le rapport de la mission le nombre des victimes de la violence est extraordinairement élevé et que les procédures judiciaires pour éclairer pleinement les faits se caractérisent par un degré très élevé d'impunité.
  3. Observant avec une extrême préoccupation le développement que connaissent actuellement les groupes paramilitaires ou les groupes d'autodéfense dans beaucoup de régions du pays, dont les actes de violence affectent en premier lieu les syndicalistes, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour démanteler les groupes paramilitaires qui empêchent le déroulement normal des activités syndicales dans diverses zones du pays.

Cas no 1761

  1. Exprimant l'espoir que les enquêtes judiciaires en cours permettront le plus rapidement possible de clarifier les faits, de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables des assassinats des dirigeants syndicaux MM. Rodrigo Rojas Acosta, Alberto Alvarado, Tina Soto Castellanos et Rosario Moreno, Hugo Zapata Restrepo, Guillermo Alonso Benítez Zapata et Marco Julio Martínez Quiceno, ainsi que des graves blessures subies par Carlos Posada lors de l'assaut dirigé contre le siège de la Fédération unitaire des travailleurs d'Antioquía (FUTRAN), le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de ces procédures judiciaires. En outre, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'état d'avancement des enquêtes en cours en ce qui concerne les assassinats des dirigeants syndicaux MM. Perea Israel et Miguel Camelo Reinaldo, ainsi que sur l'évolution des procédures judiciaires demeurées en instance contre les syndicalistes MM. Luna, Chaparo et Patiño.
  2. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des procédures judiciaires concernant les dirigeants syndicaux suivants: Ortega García Jorge Luis, accusé de délit de rébellion, mais pour lequel une enquête judiciaire est en cours au sujet de menaces proférées à son encontre; Tovar Arrieta Domingo Rafael pour lequel une enquête judiciaire est en cours pour des délits commis contre sa personne (enlèvement et menaces); Orozco Nassan Luis Fernando pour lequel une enquête judiciaire est en cours pour un délit commis contre sa personne (extorsion); et M. Martínez César est accusé de délit d'enlèvement, mais pour lequel une enquête est en cours au sujet d'un délit commis contre sa personne (extorsion). De plus, en ce qui concerne les allégations relatives à la détention des dirigeants syndicaux Triviño Flavio Quiceno Evelio, Escobas Héctor et Ronancio Germán le 12 février 1994 à Mesitas, le comité prie le gouvernement de vérifier si ces dirigeants syndicaux sont effectivement détenus et, au cas où il constaterait que lesdits dirigeants sont détenus pour leurs activités syndicales, de prendre des mesures pour qu'ils soient libérés immédiatement.
  3. En ce qui concerne les allégations relatives à: 1) l'expulsion, le 11 février 1994, à Cali, de membres du Syndicat de la construction (SINDICONS) du siège du syndicat; 2) l'intrusion d'agents de la sécurité de l'Etat dans des assemblées et des locaux de syndicats, comme par exemple au congrès de la Fédération nationale des travailleurs de la construction et du ciment, qui a eu lieu à Bogotá du 9 au 12 février 1994; et 3) les agissements, dans la ville de Medellín, de groupes paramilitaires qui empêchent le déroulement normal des activités syndicales, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les forces de sécurité de l'Etat ne pénètrent pas dans des locaux de syndicats si elles n'ont pas un mandat judiciaire à cet effet.

Cas no 1787

  1. Le comité prie le gouvernement de l'informer sur le résultat des enquêtes judiciaires qui ont été entreprises sur les assassinats des dirigeants syndicaux ou des syndicalistes suivants, et les menaces de mort à leur encontre: 1) Antonio Moreno (12.08.1995); 2) Manuel Ballesta (13.08.1995); 3) Francisco Mosquera Córdoba (02.1996); 4) Carlos Arroyo de Arco (02.1996); 5) Francisco Antonio Usuga (22.03.1996); 6) Pedro Luis Bermúdez Jaramillo (6.06.1995); 7) Armando Umanes Petro (23.05.1996); 8) William Gustavo Jaimes Torres (28.08.1995); 9) Ernesto Fernandez Pezter; 10) Jaime Eliacer Ojeda; 11) Alfonso Noguera; 12) Alvaro Hoyos Pabón (12.12.95); 13) Libardo Antonio Acevedo (7.7.96) et 14) Jairo Alfonso Gamboa López (menaces de mort). En outre, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat de l'enquête judiciaire sur l'attentat perpétré avec un engin explosif contre le siège du Syndicat national de l'industrie de la construction (SINDICONS) à Medellín. Enfin, tout en observant que le gouvernement n'a pas communiqué ses observations sur un nombre important d'assassinats, tentatives d'homicide, menaces de mort, disparitions et agressions physiques commises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, perquisitions de sièges de syndicats et du domicile de syndicalistes [voir à l'annexe I la liste complète des allégations], le comité demande instamment au gouvernement qu'il communique aussi rapidement que possible ses observations sur tous les cas mentionnés dans l'annexe I.
  2. Au sujet des allégations de licenciements antisyndicaux dans l'entreprise ALFAGRES SA, le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur le résultat des procédures judiciaires en cours.
  3. Quant aux allégations relatives aux licenciements de dirigeants syndicaux du ministère des Finances, le comité prie le gouvernement de le tenir informé du résultat des procédures judiciaires en cours qui ont trait au licenciement des trois membres du comité exécutif du syndicat.
  4. Finalement, au sujet du licenciement de dirigeants syndicaux et de travailleurs affiliés au syndicat SINTRATEXTILIA, le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur le résultat des procédures judiciaires en cours, tant au pénal que devant les chambres sociales.

Cas no 1896

  1. Le comité invite l'organisation syndicale SITTELECOM à prendre des mesures pour que toutes les affiliations à ce syndicat soient mises en conformité avec les dispositions des statuts et, au cas où ladite organisation le ferait, prie le gouvernement de procéder à un nouveau recensement en comptant la totalité des travailleurs qui seront effectivement enregistrés comme membres de l'organisation syndicale en question. Enfin, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau intervenant à cet égard et de lui envoyer une copie du jugement relatif au recours interjeté auprès des autorités judiciaires par l'organisation syndicale SITTELECOM.


Annexe I

Allégations au sujet desquelles le gouvernement
n'a pas encore communiqué ses observations
dans le cadre du cas no 1787

Assassinats

  1. Hernando Cuadros (président de l'Union syndicale ouvrière -- USO, section de Tibú);
  2. Manuel Francisco Giraldo, membre du comité exécutif du Syndicat national des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 22 mars 1955;
  3. Artur Moreno, membre du Comité des travailleurs de la plantation Doña Francia, municipalité d'Apartadó, le 7 juin 1995;
  4. vingt-trois travailleurs affiliés au Syndicat national des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 29 août 1995;
  5. vingt-quatre travailleurs de l'exploitation bananière Rancho Amelia, affiliés au Syndicat national des travailleurs de l'industrie agricole (SINTRAINAGRO), le 20 septembre 1995;
  6. José Silvio Gómez (coordinateur des activités de SINTRAINAGRO au sein de Banafinca), le 22 mars 1996;
  7. Alvaro David (membre du Comité des travailleurs de l'exploitation Los Planes, affilié à SINTRAINAGRO), le 22 mars 1996.

Tentatives d'homicide

Les syndicalistes Edgar Riaño, Darío Lotero, Luis Hernández et Monerge Sánchez.

Menaces de mort

  1. Bertina Calderón (vice-présidente de la CUT);
  2. Daniel Rico (président de la Fédération des travailleurs de l'industrie pétrolière -- FEDEPETROL);
  3. Víctor Ramírez (président du Syndicat des transports -- SINTRASON);
  4. les membres du conseil exécutif de la Fédération syndicale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO);
  5. Francisco Ramírez Cuéllar (président du Syndicat des travailleurs de l'entreprise Mineralco SA);
  6. Pedro Barón, président de la section de Tolima de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), menaces proférées par certains membres des forces de sécurité depuis qu'il a participé à une grève de protestation le 19 juillet 1995;
  7. Jairo Alfonso Gamboa López et tous les autres membres du comité exécutif du Syndicat des travailleurs de Titán SA, de la municipalité de Yumbo, ont été menacés de mort par un groupe paramilitaire dénommé Colombia sin guerrilla (COLSINGUE), le 26 octobre 1995 et le 17 mai 1996.

Détention et perquisition du domicile

Luis David Rodríguez Pérez (ancien dirigeant du Syndicat national des travailleurs d'Incora -- SINTRADIN).

Perquisition au siège syndical, mise sur table d'écoutes,
surveillance de syndicalistes

Perquisition au siège de la Fédération syndicale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO), mise sur table d'écoutes du siège syndical et de ses adhérents et surveillance par des personnes armées du président de la Fédération, M. Luis Carlos Acero.

Disparitions

  1. Rodrígo Rodríguez Sierra, président du Syndicat des travailleurs des huileries (SINTRAPROACEITES), section Copey, le 16 février 1996;
  2. Jairo Navarro, syndicaliste, le 6 juin 1995.

Agressions physiques et répression policière

  1. Répression policière à l'encontre de travailleurs des entreprises publiques de Cartagena au cours d'une manifestation pacifique, le 29 juin 1995;
  2. répression policière à l'encontre des travailleurs des compagnies de l'eau et des téléphones et d'agriculteurs syndiqués de Tolima qui participaient à une manifestation le 14 août 1995. A l'issue de cette répression, une personne, M. Fernando Lombana, membre de l'Association des petits et moyens agriculteurs de Tolima (ASOPEMA), a trouvé la mort, trois ont été gravement blessées et plusieurs (des syndicalistes membres des organisations ayant participé à la manifestation) ont été arrêtées.


Annexe II

Rapport de la mission en Colombie
effectuée du 7 au 11 octobre 1996
par le professeur Santiago Pérez del Castillo
(Parties relatives aux cas en instance devant le comité)

Table des matières

I. Introduction

II. Tour d'horizon des relations de travail en Colombie

1. Les partenaires

2. La violence en général

3. La violence antisyndicale

III. Questions soulevées par la commission d'experts

(Ce chapitre n'est pas reproduit)

1. Dispositions de la législation colombienne ayant fait l'objet d'observations par la commission d'experts

2. Position des autorités gouvernementales et des partenaires sociaux

3. Résultats de la mission dans le domaine législatif

IV. Projets de loi pour la ratification de nouvelles conventions sur la liberté syndicale

(Ce chapitre n'est pas reproduit)

V. Cas demeurés en instance devant le Comité de la liberté syndicale

1. Cas en instance

2. Problématique de la violence

3. Informations obtenues

VI. Réflexions et conclusions finales

Appendices: (Les appendices II, III et IV ne sont pas reproduits)

I. Liste des personnes rencontrées

II. Dispositions législatives ayant fait l'objet d'observations par la commission d'experts

III. Textes de projets législatifs

IV. Observations remises à la mission au sujet des cas demeurés en instance devant le Comité de la liberté syndicale

I. Introduction

A sa réunion de décembre 1995, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a formulé une observation sur le respect par la Colombie de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et a prié le gouvernement de prendre des mesures pour mettre sa législation en conformité avec ladite convention.

Lors la discussion de ce cas par la Commission de l'application des normes du travail de la Conférence en juin 1996, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, M. Orlando Obregón Sabogal, a invité le BIT à effectuer une mission dans son pays dans le but de promouvoir les droits syndicaux et le dialogue social. La commission a formulé la conclusion suivante à cet égard:

La commission prend note des informations écrites et orales fournies par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, ainsi que du débat qui a eu lieu par la suite. La commission a rappelé que la commission d'experts avait instamment demandé que le gouvernement prenne des mesures pour qu'il ne soit plus interdit aux employés publics qui travaillent dans l'administration de l'Etat de conclure des conventions collectives. La commission a observé avec préoccupation que de nombreuses plaintes très graves demeuraient toujours en instance devant le Comité de la liberté syndicale. La commission a pris note qu'un projet de loi résultant d'un accord tripartite serait présenté lors de la prochaine session législative. La commission a également pris note que le gouvernement avait invité une mission de l'OIT dans le but de promouvoir les droits syndicaux et le dialogue social. La commission a exprimé l'espoir que, dans ce contexte, le prochain rapport du gouvernement rendrait compte de progrès importants réalisés au niveau de la législation et dans la pratique en ce qui concerne l'application de la convention.

En outre, le gouvernement a décidé d'étendre le mandat de la mission: 1) aux questions soulevées par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans le cadre de l'examen du respect par la Colombie de la convention no 87; et 2) aux plaintes présentées au Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration par diverses organisations syndicales. Le mandat de la mission portait par conséquent tant sur les questions soulevées par la commission d'experts au sujet de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, que sur les cas demeurés en instance devant le Comité de la liberté syndicale (cas nos 1761, 1787 et 1896).

Le Directeur général du BIT m'a désigné comme son représentant pour effectuer cette mission, qui a été réalisée du 7 au 11 octobre 1996. J'ai été accompagné durant cette mission par M. Horacio Guido, fonctionnaire du Service de la liberté syndicale du Département des normes internationales du travail, et par M. Luis Zamudio, spécialiste des normes internationales du travail de l'Equipe technique multidisciplinaire basée à Lima, au Pérou.

Au cours de la mission, nous avons été reçus par M. Orlando Obregón Sabogal, ministre du Travail et de la Sécurité sociale et de hauts fonctionnaires de ce ministère; M. Alfonso Valdivieso, Avocat général de la Nation; Mme Graciela Uribe de Lozano, directrice générale des affaires spéciales du ministère des Relations extérieures; M. Luis Eduardo Montoya Medina, Procureur général de la Nation; M. Carlos Gaviria Díaz, président de la Cour constitutionnelle; les membres de la Chambre sociale de la Cour suprême de justice; M. José Fernando Castro, Défenseur du peuple; l'Unité nationale des droits de l'homme; M. Edgar González Salas, directeur du Département administratif de la fonction publique; M. Carlos Medellín Becerra, ministre de la Justice et du Droit; la Commission permanente de concertation sur les politiques salariales et les politiques de travail; M. Carlos del Castillo, représentant résidant du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD); des représentants de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT); la Confédération générale des travailleurs démocratiques (CGTD); la Centrale des travailleurs de Colombie (CTC); la Fédération nationale des travailleurs au service de l'Etat (FENALTRASE); la Fédération nationale unitaire des travailleurs employés et professionnels au service de l'Etat et des services publics (FUTEC); la Fédération nationale syndicale de l'agriculture (FENSUAGRO); l'Association nationale des industriels (ANDI); la Fédération nationale des commerçants (FENALCO); et l'Association colombienne des petites et moyennes industries (ACOPI). La liste de toutes les personnes rencontrées figure à la fin du présent rapport (appendice I).

Au cours de toutes les entrevues, la mission a tenu tout particulièrement à expliquer le sens de sa présence et les objectifs de la mission dont elle était chargée et qui consistait à expliquer et à clarifier les commentaires de la commission d'experts et à rechercher des solutions aux problèmes qui se posaient, ainsi qu'à recueillir autant d'informations que possible sur les cas demeurés en instance devant le Comité de la liberté syndicale.

Je souhaite relever que la mission a bénéficié d'un haut niveau de collaboration de toutes les autorités dans l'accomplissement de sa tâche, et qu'elle est extrêmement reconnaissante de tous les moyens qui ont ainsi été mis à sa disposition. Je souhaite également exprimer ma gratitude à toutes les personnes rencontrées pour les informations qu'elles nous ont fournies.

II. Tour d'horizon des relations de travail en Colombie

1. Les partenaires

Depuis sa nomination en janvier 1996, le ministre du Travail, M. Orlando Obregón Sabogal, lui-même ancien haut dirigeant syndical, suscite un haut degré de respect et de crédibilité parmi les diverses représentations professionnelles avec lesquelles la mission a pu prendre contact et qui, en général, ont mis l'accent sur sa personnalité sereine et favorable au dialogue et à l'entente.

La politique qu'il s'est tracée se caractérise par les efforts qu'il entend déployer pour rapprocher les partenaires sociaux et par l'importance primordiale accordée à la concertation sociale officielle qui, d'après ce que la mission a pu observer, est considérée dans le contexte du système de relations du travail colombien comme l'instrument adéquat pour la compréhension réciproque entre les employeurs et les travailleurs organisés.

La Constitution de 1991, qui est le résultat d'un effort de pacification du pays avec l'adoption d'un nouveau pacte politique, déclare qu'"une commission permanente formée du gouvernement, de représentants des employeurs et des travailleurs, encouragera l'établissement de bonnes relations du travail, contribuera à la solution des conflits collectifs du travail et élaborera de concert les politiques des salaires et du travail. La loi réglementera sa composition et son fonctionnement" (article 56, troisième sous-alinéa)(1).

L'administration actuelle a approuvé une loi qui énonce cette norme, dont la formulation a été inspirée par un des principaux conseillers du ministre du Travail en exercice.

La "loi sur la concertation en matière de politiques des salaires et du travail", qui définit ce mandat constitutionnel, a été approuvée cette année et porte le numéro 278 de 1996. Le projet "Nouvelle culture des relations du travail"(2) s'inscrit dans cette même orientation politique. Ladite loi est considérée comme un des résultats les plus importants de ce projet, tout comme l'accord tripartite de la loi sur la négociation collective pour le secteur public. Une autre disposition a trait au programme de télévision "Chóquelas", conçu par les autorités pour attirer l'attention sur l'importance d'une éthique et d'une nouvelle culture qui, sans méconnaître la différence ou le conflit, donne la priorité au dialogue et à l'entente. Dans les conditions particulières que connaît la Colombie ces valeurs sont étroitement liées à l'instauration d'une culture pour la paix.

Parmi les autorités de l'Etat, il convient de mentionner notamment le ministère public de la Nation. La mission a eu deux entrevues avec l'Avocat général, M. Alfonso Valdivieso, qui lui a exposé les efforts déployés pour lutter contre l'impunité dont bénéficient des crimes qui contribuent à la grave situation de violence prévalant dans le pays, tout particulièrement ceux qui portent atteinte aux droits fondamentaux de l'homme. Il a estimé que la venue de la mission était particulièrement opportune et s'est déclaré prêt à apporter toute sa collaboration à la réalisation de ses objectifs.

Au sein du ministère public, le Corps technique des enquêtes est une des instances chargées de la police judiciaire; elle compte quelque 4 000 fonctionnaires.

Le Département administratif de la sécurité (DAS) est également chargé des enquêtes sur les délits et de fonctions de police en général; il dépend directement de la Présidence de la République.

Il faut mentionner en outre l'organe de contrôle du Défenseur du peuple qui fait partie du ministère public, et qui, en vertu de l'article 118 de la Constitution, a pour mandat d'assurer le respect et la promotion des droits de l'homme, la protection de l'intérêt public et la surveillance du comportement officiel des personnes qui assument des responsabilités publiques. L'organe constituant et le législateur ont voulu que le Défenseur du peuple soit un organe de contrôle chargé de veiller à la promotion et à l'exercice des droits de l'homme dont les compétences sont limitées aux actions et omissions d'un groupe particulier de Colombiens, à savoir les employés de la fonction publique(3).

Pour ce qui est des organisations de travailleurs, il convient de relever que sur un total de 11 millions de travailleurs le pourcentage de syndicalisation se situe autour de 7 pour cent, selon les informations que nous a fournies une des trois grandes organisations de travailleurs syndiqués; d'autres organisations syndicales ont estimé que ce pourcentage se situait autour de 10 pour cent.

La centrale qui compte le plus grand nombre de membres et qui a le plus souffert d'actes de violence est la CUT. Elle regroupe 53 pour cent des travailleurs de l'Etat (SINALTRASE), au sein de laquelle l'organisation des enseignants joue un rôle considérable. Une partie importante de la CUT est affiliée à la CISL.

Durant la mission, la presse a publié des données sur les élections qui ont eu lieu dans cette centrale et pour lesquelles 21 listes ont été présentées. Selon certains journaux, le nombre des affiliés à cette centrale habilités à voter s'élevait à 287 000(4). Au cours de leur entretien avec la mission, les dirigeants ont affirmé qu'ils comptaient environ 400 000 membres.

Une autre centrale syndicale importante est la CGTD, qui est affiliée au niveau international à la CMT. Elle est issue de la fusion de la Confédération des travailleurs démocratiques, fondée en 1988, avec la CGT. Cette centrale n'a pas signé le Pacte social de 1995 et affirme qu'elle s'est opposée ouvertement au projet néolibéral des Présidents Gaviria et Samper. Elle participe, en revanche, à la concertation sociale de l'article 56 de la Constitution. Elle se considère comme la première centrale du secteur privé, et déclare réunir 380 000 travailleurs affiliés.

Il existe en outre une troisième centrale: la CTC, qui est affiliée à la Confédération internationale des syndicats libres.

Pour ce qui est des organisations d'employeurs, il y a l'Association nationale de l'industrie (ANDI), qui est la plus représentative et qui est affiliée à l'organisation internationale des employeurs, et la Fédération nationale des commerçants (FENALCO). Toutes les deux sont membres de la Commission de concertation sociale. Dans le secteur de l'industrie textile, il y a également une organisation qui organise les petites et moyennes industries: l'Association colombienne des petites et moyennes entreprises (ACOPI).

La FENALCO est une organisation implantée au niveau national dont les membres englobent les plus petits commerçants de village jusqu'aux grandes chaînes de supermarchés. Selon les informations que ses représentants nous ont fournies, parmi les entreprises affiliées il n'y a pratiquement pas de syndicalisation des travailleurs en raison de leur faible nombre ou de leur genre de relations de travail.

2. La violence en général

Un des objectifs de la mission était de recueillir des données sur les divers cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale et qui ont trait à des violations extrêmement graves des droits de l'homme, telles qu'assassinats, massacres, tortures, disparitions forcées, etc. Il s'agit d'exemples qui, selon ce qui a pu être vérifié, ne sont ni des manifestations récentes ni des situations isolées, comme le démontre d'ailleurs un examen sommaire de la jurisprudence de cet organe de contrôle.

La mission s'est efforcée de comprendre les causes et de prendre connaissance de certaines manifestations. Une bonne partie du territoire de la Colombie est peu peuplé. La zone orientale, qui représente 50 pour cent du pays, ne compte qu'1 million d'habitants, contre 35 millions dans l'autre partie du pays.

Dans l'immense étendue du territoire national, la violence est un phénomène qui sévit depuis 45 ans et qui est favorisé par ce qui, d'après ce qu'a déclaré une personne occupant une haute charge dans le gouvernement, est une présence laxiste de l'autorité de l'Etat dans certaines régions du pays. Parallèlement à ces actes de violence -- parfois d'une cruauté inaccoutumée --, il y a un nombre extrêmement élevé de cas qui n'ont pas été éclaircis et, bien que l'on lutte contre cette situation, cela implique que cette impunité est une incitation de plus pour la répétition des crimes et des violations des droits de l'homme. On s'efforce de renforcer les mécanismes d'enquête et on condamne les actes délictueux, mais les efforts ne semblent pas porter de fruits et, selon certaines autorités, il n'est pas certain que le climat de violence s'améliorera dans un proche avenir.

Un rapport des services du Défenseur du peuple publié en 1996(5) cite la Commission colombienne des juristes, selon laquelle le pays "enregistre depuis plus de cinq ans les taux d'homicides les plus élevés du monde: entre 1988 et 1995 la moyenne a été de 76 homicides par 100 000 habitants. Ce taux est réellement scandaleux dans la région de Urabá, où la moyenne est de 256 homicides par 100 000 habitants". Et dans certaines localités de la zone, ce taux donne des frissons: il atteint 578 homicides à Carepa, 487 à Chigorodó, 385 à Apartadó et 354 à Turbo. Peu de villes dans le monde connaissent des records de criminalité aussi déshonorants.

Tous ces chiffres inquiétants -- ajoute l'ancien Défenseur du peuple, Jaime Córdoba Triviño -- montrent qu'en dépit de la nouvelle Constitution en vigueur depuis 1991 il n'existe toujours pas en Colombie un véritable engagement en faveur des principes fondamentaux qu'elle énonce. De même, ces chiffres montrent que l'Etat colombien ne respecte pas, par omission volontaire ou involontaire, les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. La Colombie reste une des démocraties les plus violentes du monde et connaît -- en matière des droits de l'homme et du droit humanitaire -- la situation la plus grave du continent.

"Personne ne peut honnêtement affirmer que l'Etat est totalement étranger à la violence en Colombie. Il y a encore dans la force publique des éléments qui adoptent des comportements illégaux et arbitraires dans le cadre d'activités militaires et de police. Il y a encore des milliers de Colombiens qui sont terrorisés par l'action de groupes paramilitaires qui agissent en pleine liberté dans des zones militairement contrôlées. On continue à assassiner, torturer et à faire disparaître des personnes dans le cadre de la répression et du conflit belliqueux."

"Beaucoup de comportements portant atteinte aux droits de l'homme, ou les menaçant, qu'ont adoptés des agents de l'Etat colombien en 1995 étaient en même temps des infractions du droit international humanitaire. Le Défenseur du peuple se réfère aux actions et aux omissions par lesquelles ceux qui participent directement aux hostilités -- les combattants -- n'assument pas leurs devoirs ou transgressent les interdictions que leur impose l'article 3, qui s'inspire des conventions de Genève et du Protocole additionnel II. Un sujet actif d'une infraction du droit humanitaire international peut être n'importe quelle personne qui, dans le cadre d'un conflit armé, lutte en faveur d'une des parties opposées. Les graves infractions des règles humanitaires sont appelées aujourd'hui, dans la jurisprudence et dans la doctrine internationales, crimes de guerre."

"En 1995, se sont également poursuivies les graves infractions du droit humanitaire international commises par des membres de groupes de guérilleros. De telles infractions ont notamment été perpétrées sous la forme d'enlèvements -- prises d'otages --, d'homicides de personnes accusées d'être des collaborateurs de la force publique et de l'utilisation gratuite de mines casse-pattes auxquelles est exposée la population civile. Le Défenseur du peuple s'est également prononcé sur ces agissements criminels de la guérilla en septembre 1995."

Dans une étude demandée par le Programme des Nations Unies pour le développement on peut lire que: l'intensité et le mélange particulier des violences ont été les mêmes d'une région à une autre ou d'une période à la suivante. Au siècle passé, des caciques se battaient contre des ouvriers agricoles mal armés dans le Cauca, à Santander et tout au long du fleuve Magdalena. La violence des années trente s'est cantonnée sur le haut plateau et "la violence" est descendue dans la plaine pour s'installer facilement dans la moyenne guérilla, le moyen banditisme criminel de la zone des plantations de café. Les FARC ont vu le jour en tant qu'organes d'"autodéfense" paysanne dans le Dur de Tolima et se sont étendues pratiquement à toutes les zones de colonisation; le ELN est passé de Santander au régions pétrolières et le EPL s'est implanté dans les terres de la Côte basse, le Quintín Lame s'est établi dans le Cauca, le M19 s'est posté dans la Valle del Cauca et a essayé de devenir une guérilla urbaine, tout comme une autre série de commandos et autres dissidences des années quatre-vingt. Le paramilitarisme a débuté dans les zones des grandes propriétés et s'est propagé à la vitesse du cancer grave de la "narco-réforme agraire", dans le Magdalena moyen, dans la plaine proche des montagnes dans les plaines côtières. Medellín a souffert de la guerre du trafic de stupéfiants d'Escobar, Cali des pétarades et des escadrons de "nettoyage social", Bogotá a une réputation proverbiale pour ses hauts taux de criminalité des rues et sa criminalité organisée, Boyacás est morte plusieurs fois de la "fièvre verte", le César est champion des enlèvements. Urabá continue à perdre son sang dans un imbroglio multilatéral.

"Une violence aussi continue dans le temps et aussi répandue sur le territoire doit avoir des racines profondes et étendues dans la société qui en souffre. Mais une violence aussi fluctuante et aussi diversifiée selon les époques et les zones géographiques doit aussi dépendre de facteurs changeants et différents dans le temps et sur le terrain. La violence colombienne est une et multiple, elle est à la fois une violence et des violences. En fin de compte, les facteurs ou les "causes" de la violence sont à la fois uniques et multiples, tout comme sont uniques et multiples les thérapies nécessaires pour les éliminer."

Ce texte résume parfaitement ce que nous avons entendu au cours des différentes entrevues au sujet de l'origine de la violence: on a essayé de procéder à diverses classifications, mais ce qui est le plus évident par rapport à d'autres pays est le rôle important des groupes privés organisés, qui agissent souvent sans motifs idéologiques sous-jacents et sans autres mobiles spécifiques que l'argent pouvant être obtenu en réalisant des crimes. Le paramilitarisme n'est pas forcément associé aux forces de sécurité de l'Etat et ce qui semble être revenu à plusieurs reprises dans les entrevues sont les agissements de bandes armées de genre et d'orientation différents(6).

Le représentant d'une organisation d'employeurs a affirmé que la violence frappe de tous les côtés et qu'il est parfois difficile de dire d'où elle vient. Il a ajouté qu'une bonne partie des conflits en Colombie se terminent habituellement par des voies de fait. Le fondement de la justice est cassé. Bien que le gouvernement ait déployé des efforts, la lenteur a pour conséquence que la population n'espère plus et cesse d'être tolérante.

Selon ce dirigeant d'employeurs, la violence libérale conservatrice des années cinquante s'est transformée durant la décennie suivante en violence de philosophie marxiste, et au cours des dernières années elle s'est parfois transformée en violence narco-subversive face à des groupes paramilitaires dont certains sont également liés au trafic de stupéfiants. Dans ce contexte, les employeurs et les chefs des grandes entreprises consacrent d'importantes ressources à une protection de haut niveau: sécurité, renseignements et surveillance.

Au cours des quelques jours pendant lesquels la mission a été réalisée, un dirigeant des employeurs agricoles(7) s'est plaint qu'"en Colombie, ce sont les guérilleros et les trafiquants de stupéfiants qui commandent à la campagne, ils se sont associés les uns aux autres et s'imposent à une bonne partie du pays en faisant régner la terreur. Il a affirmé que rien que de la production de stupéfiants cette association perçoit 7 millions de dollars, plus que ne lui rapportent les enlèvements, les larcins et le vol de bétail. Il a également dit que, en 1996, 491 éleveurs ont été enlevés et 47 producteurs dirigeants de corporation ou de coopérative ont été assassinés. Toujours selon cette personne, au cours des neuf premiers mois de 1996, les ravisseurs ont perçu plus de 242 millions de dollars rien que pour leurs opérations dirigées contre des chefs d'exploitation à la campagne. Il a assuré que les producteurs touchés sont au nombre de 35 000 et déboursent environ 2 millions et demi de dollars par année en "vacunas" -- les versements mensuels que leur extorquent les bandes qui sévissent à la campagne -- et en paiements spéciaux que les propriétaires de terres font à des employés pour qu'ils aillent voir, une fois par mois, dans quel état se trouvent leurs propriétés."

3. La violence antisyndicale

Comme on peut le constater, il y a diverses origines et divers sujets passifs de la violence. Le mouvement syndical a été agressivement attaqué, et la liste des victimes est presque interminable et toujours ouverte. D'aucuns affirment même que derrière ces attaques il y a une machination pour exterminer le mouvement. Quoi qu'il en soit, conformément au mandat de notre mission, il convient de souligner qu'on ne peut être que frappé par la violence existant à l'encontre de personnes qui ont la qualité de dirigeants syndicaux ou qui sont l'objet d'actes attentant à leur intégrité physique et à leur liberté personnelle uniquement parce qu'elles exercent une activité syndicale.

Le problème est encore aggravé par le fait qu'il n'est pas toujours clair si ceux qui ont commis le crime ont tenu compte de la qualité de syndicaliste et de l'activité déployée à ce titre par la victime. Des cas ont été signalés à la mission dans lesquels les auteurs étaient des auxiliaires de la guérilla ou de la violence qui agissaient pour des motifs privés. Quoi qu'il en soit, la situation qui prévaut est devenue un obstacle considérable à l'exercice normal d'activités syndicales et un puissant facteur de découragement qui s'ajoute à la discrimination engendrée, comme nous avons pu l'observer, par le déploiement d'une activité de ce genre.

Pour citer un exemple de plus, le 10 octobre 1996, alors que la mission se trouvait en Colombie, un dirigeant syndical, travailleur de l'industrie pétrolière militant de USO, a été assassiné à Barrancabermeja. Pour manifester leur réprobation, les travailleurs de l'entreprise d'Etat Ecopetrol ont cessé de travailler pendant 36 heures(8).

La mission a suggéré au ministère public de la Nation de demander l'intervention de l'Unité spéciale des droits de l'homme pour faire la lumière sur cet assassinat. Empêcher l'impunité de ce genre de crimes contribuerait à réduire la violence antisyndicale.

La protection des valeurs spécifiques -- le déploiement normal d'activités syndicales et la promotion de la participation aux organisation professionnelles -- serait sensiblement améliorée si l'opinion publique apprenait que le ministère public intervient de manière particulière dans les cas d'attentats ou d'assassinats commis contre des syndicalistes(9). Jusqu'à ce jour, il ne semble pas que l'on ait accordé une attention particulière à la violence dirigée contre le syndicalisme dans le cadre de la lutte contre n'importe quel type de violence.

La mission envoyée par le BIT a rencontré une présence notable d'autres institutions des Nations Unies et d'autres entités internationales qui collaborent pour lutter contre ce problème de violence extrêmement grave en Colombie. Dans ce contexte, en essayant d'apporter une contribution appropriée aux termes du mandat international qui place l'OIT aux côtés des autres institutions spécialisées du système, l'accent a été mis sur cette question dans la perspective des relations du travail et des normes internationales du travail relatives à la liberté syndicale.

III. Questions soulevées par la commission d'experts
(Ce chapitre n'est pas reproduit)

...

IV. Projets de loi pour la ratification
de nouvelles conventions sur la liberté syndicale
(Ce chapitre n'est pas reproduit)

...

V. Cas demeurés en instance devant
le Comité de la liberté syndicale

1. Cas en instance
[voir à l'appendice IV la liste exhaustive des allégations en instance]

2. Problématique de la violence (causes, impunité, groupes
paramilitaires, trafic de stupéfiants, lenteur de
la justice, mesures de protection en cas de menaces
de mort proférées contre des syndicalistes)

Avant de me référer aux informations spécifiques reçues au sujet des diverses allégations des plaintes demeurant en instance devant le comité, il me semble utile de présenter une synthèse des nombreux commentaires faits par des personnes rencontrées par la mission qui concernent les allégations les plus graves et qui donnent une idée des éléments sous-jacents des plaintes. Ces commentaires, qui englobent des données importantes sur la situation générale prévalant dans le pays, et en particulier sur la situation des organisations de travailleurs et d'employeurs dans le contexte de violence actuel, correspondent intégralement aux commentaires des personnes rencontrées et je me suis efforcé d'en rendre compte aussi fidèlement que possible. Les autorités du ministère du Travail ont également mis l'accent sur la menace récente de la guérilla d'organiser une grève armée dans la ville de Bogotá en profitant du fait que les travailleurs du secteur de l'éducation envisageaient d'organiser une grève et une manifestation. Par ailleurs, je pense utile de signaler que la mission a écouté les divers interlocuteurs et pris note des chiffres avancés au sujet des actes de violence commis dans le pays durant l'année 1995; ces chiffres ne correspondent pas dans tous les cas, mais situent le nombre des assassinats entre 25 000 et 30 000, sans tenir compte des autres types d'agressions.

Autorités gouvernementales

Selon le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, un climat d'extrême violence prévaut dans le pays. Certains secteurs de la société estiment que ce climat doit être éliminé par la force et d'autres cherchent une solution par le dialogue et l'entente. La guérilla en Colombie est une des plus fortes et des plus consolidées du monde avec plus de 40 ans d'action. Il y a des groupes qui appuient la guérilla pour des raisons idéologiques et d'autres qui l'aident de diverses façons. Comme réaction à la violence de guérilla sont apparus des groupes paramilitaires, qui sont des organisations privées qui ne combattent pas seulement la guérilla mais aussi ceux qu'elles considèrent comme des auxiliaires de la guérilla. Selon le ministre, il y a en Colombie plus de 30 000 assassinats par année. Quand des allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux sont présentées, des rapports demandant la priorité sont envoyés au ministère public et il y a la possibilité de demander la présence du Procureur et du Défenseur du peuple pour avoir la garantie de procédures claires. S'il ressort de l'enquête que les dirigeants syndicaux sont des guérilleros, ces faits seront déterminés par la justice sans ingérence du ministère du Travail. Il y a des réunions entre le ministère du Travail et le ministère de la Défense afin d'établir clairement que le militant social ne peut pas être comparé à un guérillero. L'armée est dotée d'une commission des droits de l'homme qui invite les dirigeants syndicaux à exposer leur point de vue sur la violence. Confronté à une perquisition au siège syndical par l'armée à Tolima, le ministère a demandé des informations et on lui a répondu que cette perquisition avait été faite en raison d'activités subversives. On insiste sur la nécessité de tenir compte du caractère de militant social du syndicaliste. Il y a des cas de dirigeants syndicaux qui sont détenus non pas pour leur activité syndicale mais parce qu'ils étaient impliqués dans des activités illicites. La violence n'a pas entraîné une diminution du taux de syndicalisation. Le ministère s'efforce d'obtenir une reconnaissance de l'importance du dirigeant syndical et un relèvement du statut du mouvement syndical.

Selon l'Avocat général de la Nation, la violence généralisée dans le pays est due aux agissements de la guérilla depuis plus de 40 ans, au trafic de stupéfiants, aux paramilitaires et à la délinquance commune. Les syndicalistes qui ont une orientation politique de droite se font assassiner par la guérilla et ceux qui sont de gauche se font tuer par les groupes paramilitaires. A la question de savoir s'il existe une violence dirigée contre des syndicalistes en raison de leurs activités ou de leur caractère syndicaux, il a répondu que oui, que ce type de violence existe et qu'elle correspond à une hypothèse très probable, car les associations syndicales ont été politisées. A Urabá, les forces politiques se mêlent aux membres des organisations syndicales. Nous lui avons demandé si des dirigeants syndicaux sont détenus en raison de leur condition, et il nous a répondu qu'ils n'étaient pas détenus spécifiquement à cause de leur condition, mais en raison de leurs activités militantes subversives. Il nous a signalé, par exemple, que des syndicalistes de l'organisation USO avaient été détenus car ils étaient impliqués dans des délits d'enlèvement, etc. Nous lui avons demandé s'il était possible d'assurer la protection des syndicalistes menacés, et il nous a déclaré que cela était presque impossible, mais qu'il existe un programme de protection des victimes et des témoins. Il a déclaré qu'il y a certes une lenteur des procédures en raison du très grand nombre de cas et des mécanismes anachroniques. Il a relevé en outre que la délinquance va en s'accroissant et que l'impunité est totale, ce qui encourage encore les délinquants. Enfin, l'Avocat général de la Nation a indiqué qu'une meilleure liaison sera établie avec le ministère du Travail afin de rendre possible un suivi plus direct de tous les cas de dirigeants syndicaux et de syndicalistes assassinés ou agressés.

La mission a rendu visite à l'Unité nationale des droits de l'homme (créée en 1996). Elle a été reçue par un Procureur régional ("sans visage", c'est-à-dire que sa condition de procureur ne doit pas être connue). Il a expliqué que l'objectif principal de cette unité était de lutter contre l'impunité. Ce procureur nous a expliqué que cette unité s'occupe de tous les cas difficiles à gérer sur le terrain, et notamment d'actes de violence commis contre les représentants du ministère public. En vertu de son mandat, l'unité est compétente, entre autres, pour les cas dans lesquels des agents de l'Etat (membres des forces de sécurité) sont impliqués, ou des cas d'agissements de paramilitaires commis avec l'acquiescement des forces de sécurité, ou de cas dans lesquels les auteurs des actes violents sont des groupes subversifs. Pour ce qui est de la violence à l'encontre de syndicalistes, il y a une multiplicité d'actes violents qui ont généré divers types de violence dans chaque région, ayant une caractéristique spéciale. Dans une région, des agents de l'Etat (forces de sécurité) collaborent avec des propriétaires fonciers et mènent une politique pour liquider la subversion. La compétence des procureurs "sans visage" s'étend aux délits liés au terrorisme, au trafic de stupéfiants important, à la rébellion ou aux enlèvements. Ils agissent également en tenant compte de la condition de dirigeant syndical du sujet passif du délit: par exemple les homicides sont de la compétence des procureurs de section, mais s'il résulte des éléments de preuve que la victime est un dirigeant syndical et si l'on présume que la cause de sa mort est son activité syndicale, le cas est transmis au Procureur régional ("sans visage"). Selon le Procureur "sans visage" que nous avons rencontré, il y a deux théories de la violence dirigée contre des syndicalistes: 1) la violence contre les syndicalistes est l'œuvre de paramilitaires et dirigée contre leur condition, avec une dynamique générale de destruction des organisations syndicales; et 2) les actes de violence commis contre des syndicalistes sont des cas isolés et non pas des cas de répression généralisée. L'Unité connaît aussi l'existence d'actes commis par des agents de l'Etat (forces de sécurité) qui violent les droits de l'homme. Il a relevé que dans certaines situations, qui ne sont pas rares, il y a un problème de conflit de compétences entre la justice ordinaire et la justice pénale militaire.

Selon les autorités du ministère des Relations extérieures et un des conseillers présidentiels pour les droits de l'homme, les causes de la violence en Colombie sont très difficiles à déterminer et il est très difficile d'en connaître l'origine en raison du nombre de sujets actifs (paramilitaires, délinquants de droit commun, trafic de stupéfiants, guérilla). Ces instances ont déclaré que la volonté d'aller de l'avant et de résoudre les problèmes existe, mais qu'il est difficile de mettre un terme à l'impunité et qu'une solution n'a pas pu être trouvée pour résoudre les problèmes de la guérilla et du trafic de stupéfiants. Au sujet des syndicalistes qui sont victimes d'actes de violence, ils ont notamment déclaré que les conseillers présidentiels reçoivent des plaintes mais que des problèmes se posent à cause des informations précaires du plaignant, et que lorsqu'ils demandent des informations plus précises n'importe quel retard peut avoir pour conséquence que la preuve ne peut plus être établie. Dans les cas de détentions de syndicalistes, les conseillers présidentiels s'efforcent de faire respecter les garanties de procédures. Nombre de plaignants sont accusés de rébellion ou d'actes terroristes. Nous avons été informés que les conseillers présidentiels déploient diverses activités pour que toute la lumière soit faite sur les cas dont les victimes ont été des membres du mouvement syndical. Nos interlocuteurs ont notamment mentionné: 1) l'inclusion dans le projet de réseau national de communications des droits de l'homme des cas qui concernent le secteur syndicalisé des travailleurs. L'objectif principal de ce projet de réseau de communications est d'établir un système national de données qui permettra d'avoir une étude complète des dynamiques de la violence qui apparaissent dans le pays, de leur évolution, des secteurs touchés, etc. Ils ont ajouté qu'il y a aussi le problème de la détermination de la qualité de syndicaliste de la victime, ainsi que de la détermination de la relation entre le délit et cette qualité, car les sources du secteur possèdent dans beaucoup de cas un minimum d'informations, ce qui implique un long processus de comparaisons avec des faits similaires afin d'établir s'il existe ou non une enquête sur les faits; 2) le mécanisme d'impulsion des cas, qui compte deux types d'activités: a) les demandes de mise à jour adressées aux autorités pour qu'elles fassent avancer les enquêtes en question ou pour qu'elles ouvrent une enquête dans les cas dans lesquels les faits n'ont pas été dénoncés auprès de l'autorité compétente; et b) la sélection, après la concertation préalable avec les centrales syndicales, d'un groupe minimal de cas, afin qu'ils soient portés à la connaissance de l'Unité nationale des droits de l'homme. Par ailleurs, la mission a appris que le 5 juillet 1996 a été promulguée la loi no 288 en vertu de laquelle des indemnisations seront versées pour les violations des droits de l'homme, comme l'ont décidé la Commission interaméricaine des droits de l'homme et le Comité des droits de l'homme du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. De plus, les conseillers présidentiels pour les droits de l'homme ont déclaré au sujet des menaces et de la protection des personnes menacées que ce thème est un point central de la problématique de tous les secteurs touchés par la situation de violence dans le pays et que les attentes dans ce sens dépassent la capacité de l'Etat. Un appui est apporté aux actions humanitaires de caractère urgent, pour ce qui est du transfert à des zones différentes du pays ou dans d'autres pays des personnes sur lesquelles pèse une menace imminente pour leur intégrité physique. En outre, on demande que les plaintes relatives à des menaces soient transmises plus rapidement aux organismes compétents et que le Département administratif de la sécurité et de la police nationale prenne les dispositions nécessaires, qu'il évalue le degré de danger encouru par la personne et la possibilité que cette entité offre des services de sécurité personnelle; néanmoins, la demande de protection dans le pays est tellement énorme que cette entité songe à la création d'autres mécanismes pour augmenter l'offre de tels services. Ainsi, quand il s'agit de victimes et de témoins de faits criminels, ce programme de protection incombe au ministère public de la Nation et parmi les nouvelles activités qui ont commencé à être mises en œuvre il y a la création, dans la structure du ministère de l'Intérieur, d'une Unité administrative spéciale des droits de l'homme qui aura une compétence spéciale pour la protection des personnes menacées. On espère qu'au début de 1997 ladite unité aura commencé à fonctionner.

Le Procureur général de la Nation a relevé qu'il existe des vestiges d'une époque où les conflits du travail étaient réprimés à coups de feu. Il a signalé que ses services prennent des mesures contre les actes de violence auxquels ont participé des forces de sécurité, et qu'il est possible que des forces de sécurité soient impliquées dans des actions contre des syndicalistes, car par le passé le syndicaliste était considéré comme une personne ayant des activités subversives. Il a rappelé qu'en tout cas cette attitude était en train de changer.

Selon le Défenseur du peuple, les causes de la violence en général sont les suivantes: l'injustice sociale, la marginalisation (il y a dix millions de personnes de la strate 1), les promesses non tenues par les responsables politiques en matière de santé, d'études ou de travail; la guérilla qui dure depuis plus de 40 ans et qui, si elle ne peut pas gagner la guerre, s'est emparée de municipalités; le trafic de stupéfiants sous diverses formes (polices de sécurité pour la protection des caïds; certains secteurs de la guérilla s'associent au trafic de stupéfiants pour obtenir des sources de financement); les paramilitaires qui imposent une justice privée depuis des années; et les forces de sécurité qui outrepassent parfois leurs attributions. Pour ce qui est de la violence contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, il ne pense pas que cette violence soit organisée contre eux, pas plus qu'il existe une politique de l'Etat contre les syndicalistes; les assassinats de syndicalistes sont pratiquement des cas isolés. Il y a de plus en plus de violence, et la guérilla est de plus en plus forte et elle occupe des municipalités. En outre, la délinquance commune s'est accrue dans les villes. Dans certains secteurs, on parle de liens entre le mouvement syndical et la guérilla, d'une part, et les militaires et les paramilitaires, d'autre part. Une évolution est intervenue à l'égard des activités syndicales et il y a une certaine tolérance envers les syndicats.

Le ministre de la Justice et du Droit a déclaré qu'un gros effort est déployé pour faire connaître le travail des organisations internationales et l'importance du respect des droits de l'homme. Il a ajouté qu'un comité ministériel a été créé pour examiner des cas anciens de violations des droits de l'homme; ce comité examine la véracité des allégations et si celle-ci ainsi que la responsabilité de l'Etat sont confirmées, l'Etat devra verser une indemnisation. Ce comité s'est déjà réuni, et dans 15 des 17 cas examinés le gouvernement a ordonné le versement d'indemnisations. Le ministre a également mis l'accent sur le fait que ce comité ne résoudra pas le problème de la violation des droits de l'homme, parce qu'il implique la reconnaissance que dans certains cas les forces de sécurité de l'Etat ont été coupables de violations des droits de l'homme, le respect des organismes internationaux et l'apparition d'un changement de comportement et de sensibilité. Au sujet de la question des actes de violence commis contre des syndicalistes et de l'impunité qui prévaut parce que les faits ne sont pas tirés au clair, le ministre a indiqué que le problème est dû en grande partie à la nécessité de résoudre le conflit de compétences entre la justice civile et la justice militaire. Selon le ministre, la "tendance existante est que si l'enquête passe à la justice militaire la décision est généralement favorable aux militaires", ce qui accroît l'impunité. A cet égard, il a signalé qu'une modification du code de procédure pénale est actuellement à l'examen en vue de l'adoption de règles de procédure claires. Il a déclaré que le problème consiste à déterminer quand des membres des forces de sécurité violent les droits de l'homme, et quand elles ont agi en dehors du service ou quand elles étaient en service. Il a affirmé qu'au niveau de son ministère une très grande impulsion a été donnée à la lutte contre l'impunité. Il a déclaré que dans le taux de criminalité la criminalité occulte est étroitement liée à l'impunité, car beaucoup de délits ne sont pas dénoncés. Il a expliqué que dans les années 1993-94 on en est venu à parler d'un taux d'impunité de 97 pour cent, mais que les chiffres établis par les divers instituts varient en raison de la méthodologie de mesure utilisée. Un programme d'information est actuellement en train d'être élaboré dans le secteur de la justice. Quant aux actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, il a indiqué qu'après le processus de réconciliation au cours duquel certains groupes de guérilleros ont décidé de renoncer à la lutte armée les FARC et le ELN ont décidé de poursuivre le combat. Selon le ministre, ces groupes de guérilleros sont incontestablement en relation avec le trafic de stupéfiants. Toujours selon le ministre, le groupe de guérilleros ELN a une influence directe sur quelques organisations syndicales et également sur les FARC. Il a ajouté que la relation n'est pas totale, mais que beaucoup dépend de la région du pays. Il y a quelques régions où il y a une lutte très violente entre l'armée et l'ELN (par exemple à Santander, où se trouvent les raffineries de pétrole). Quand une action politique est menée au sein de syndicat et si l'on décèle l'existence parmi les membres de partisans ou d'activistes des FARC ou de l'ELN, la situation devient très difficile, car les acteurs du conflit agissent contre les syndicalistes. Cette situation a conduit à la création de groupes paramilitaires ou de groupes d'autodéfense qui se livrent à une sale guerre, qui va plus loin que le conflit traditionnel armée-guérilla. Il existe de nombreux cas d'enlèvements organisés par l'ELN qui génèrent la haine et ensuite, comme l'Etat ne peut pas résoudre ces situations, les éleveurs ou les propriétaires fonciers recourent à des groupes paramilitaires. Enfin, le ministre a signalé que lorsqu'un syndicaliste est l'objet d'actes de persécution parce qu'on le considère comme un guérillero l'Etat essaie de le protéger, mais il ne peut pas éviter que dans certains cas des assassinats ou des actes de violence soient commis parce que le syndicat est soupçonné d'avoir des contacts avec la guérilla.

Partenaires sociaux

Les représentants de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) ont déclaré au sujet de la violence qu'ils souhaitaient mettre l'accent sur l'impunité. Ils ont notamment fait remarquer que: 1) certains actes de violence sont tirés au clair, mais pas quand des dirigeants syndicaux sont victimes de ces actes; et 2) ils souffrent du problème de la pénalisation de la lutte sociale, car toute action sociale est considérée comme une action de guérilla. Selon ces représentants, les groupes paramilitaires sont ceux qui attaquent le plus la CUT et ces groupes sont dirigés par l'armée, les trafiquants de stupéfiants ou les employeurs. Les régions dans lesquelles le plus grand nombre d'actes de violence sont commis contre les dirigeants et les affiliés de la CUT sont Urabá, Sur del Cesar, Barrancabermeja, Sucre et les régions de Magdalena, où des actes de violence sont commis à cause de problèmes de propriété foncière ou à cause d'actions sociales menées par les travailleurs. Ils ont indiqué que dans el Valle on cherche à se débarrasser des syndicats depuis 1989. L'armée arrête des syndicalistes et les accuse d'être des guérilleros et d'avoir déployé des activités subversives. On menace des dirigeants pour qu'ils quittent leur poste de travail. Dans beaucoup de cas, les menaces sont proférées par l'armée.

Selon les représentants de la Confédération générale des travailleurs de Colombie (CGTD), les membres et les dirigeants de la CUT sont ceux qui ont le plus souffert des actes de violence commis contre le mouvement syndical, et ils estiment que cela est dû à leur affiliation ou à leur sympathie politique ou simplement au fait qu'ils déploient des activités syndicales. Selon ces représentants, la violence qui frappe le mouvement syndical provient surtout de deux secteurs: la guérilla ou les groupes paramilitaires. Ils ont indiqué que ces derniers sont soutenus dans les diverses régions par les militaires, la police ou les employeurs.

Les représentants de la Centrale des travailleurs de Colombie (CTC) ont déclaré que la violence est généralisée et que les secteurs sociaux et le mouvement syndical sont victimes du processus de violence, parce qu'ils ont assumé une fonction de défense du secteur des travailleurs. Ils ont également signalé que les dirigeants et affiliés de la CTC ont été victimes de la violence, mais qu'ils ne peuvent pas déterminer de quel secteur proviennent les agressions en raison de l'impunité qui existe dans le pays. Ils ont indiqué que, à Urabá, cela fait environ 15 ans que la CTC est la seule centrale organisée mais qu'en raison de la violence sa présence a considérablement diminué. Ils ont dit que des dirigeants syndicaux et des syndicalistes continuent à être assassinés, et que notamment dans la région de plantations de café de Caldas il y a peu de syndicats, par crainte de la violence et d'être catalogué comme guérillero si l'on déploie des activités syndicales.

Selon le représentant de la Fédération nationale syndicale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO) (une des organisations qui, avec SINTRAINAGRO, sont les plus frappées par la violence en Colombie), il demande au gouvernement d'être bien clair en matière de désarticulation des groupes paramilitaires. Il estime qu'il n'y a pas de volonté politique pour désarticuler les groupes paramilitaires qui opèrent dans des régions comme Urabá, Córdoba, Chocó, Meta ou le Magdalena moyen. Le représentant a relevé que l'on cherche à légaliser les groupes paramilitaires en proposant de créer des coopératives de sécurité. Il a indiqué que dans la région de Urabá les groupes paramilitaires acceptent de ne réunir que du personnel n'ayant pas de lien avec l'armée, mais que la formation de ces groupes est assurée par l'armée. Enfin, il a déclaré que la violence est dirigée contre le mouvement syndical, qu'il faut vivre dans la clandestinité pour constituer un syndicat et que l'on accuse toutes les organisations des droits de l'homme -- et non pas seulement les syndicalistes -- d'être subversives. (Le représentant de l'organisation a remis à la mission une documentation volumineuse qui a trait aux actes de violence dont ont souffert les syndicalistes et les travailleurs des diverses zones du pays, mais surtout la zone bananière de Urabá.)

Les représentants de l'Association nationale des industriels (ANDI) ont indiqué que la violence existe dans tous les secteurs de la société et que les conflits sont normalement réglés par les faits, car l'Etat ne peut pas répondre aux besoins de sécurité de la population. Ils ont relevé que la lenteur des procédures judiciaires a pour conséquence que les gens n'espèrent pas que les autorités leur apportent une solution, et ne tolèrent pas non plus la situation de violence. Ils ont indiqué que la violence provient de mouvements subversifs de la gauche, qui se sont transformés par la suite en guérilleros-trafiquants de stupéfiants, avec une orientation altérée, et que les forces paramilitaires s'opposent à eux (ils ont également mentionné l'existence de bandes organisées de délinquants communs). Enfin, pour ce qui est de l'impact de la violence dans le secteur des employeurs, ils ont déclaré que les employeurs disposent certes de meilleurs moyens de protection personnelle, mais qu'ils doivent consacrer des ressources très importantes à leur défense. Les chefs d'entreprises sont également l'objet de beaucoup de menaces et d'attaques, mais ils ont indiqué qu'il est très difficile d'en connaître la provenance.

3. Informations obtenues [voir dans l'appendice IV
les observations que le gouvernement a communiquées
à la mission au sujet de chaque cas]

En ce qui concerne les allégations sur des actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes (cas nos 1761 et 1787), le ministère public de la Nation et l'Unité nationale des droits de l'homme ont fourni un grand nombre de documents. Ces instances ont déclaré qu'il était extrêmement difficile d'obtenir des informations sur les cas qui sont à l'origine des plaintes. Elles ont signalé que dans beaucoup de régions du pays les procureurs ne peuvent pas procéder à des enquêtes à cause des actes de violence dont ils sont l'objet ou à cause de la situation de guerre qui existe entre l'armée nationale et la guérilla. Il convient de relever que les autorités se sont engagées à poursuivre les enquêtes afin de pouvoir fournir un maximum d'informations au Comité de la liberté syndicale.

Quant aux allégations relatives à des actes de discrimination antisyndicale qui étaient demeurées en instance dans le cadre des cas nos 1787 et 1896, les autorités du ministère du Travail ont fourni des informations (voir appendice IV).

VI. Réflexions et conclusions finales

Diverses formes de concertation de genre différent existent habituellement dans les pays de l'Amérique du Sud, mais cela vaut tout particulièrement pour la République de Colombie dans les circonstances particulières qu'elle connaît. La concertation sociale est un apport que l'on n'a peut-être pas assez mis en évidence. Le rapprochement entre le capital et le travail pourrait améliorer sensiblement le climat de coexistence et pourrait contribuer de manière significative à l'instauration d'une culture de paix qui remplacerait la culture de guerre. Dans cette perspective, il semble logique de mettre l'accent sur la nécessité d'arriver à des résultats tangibles afin que ce précieux instrument ne soit pas discrédité, surtout si l'on tient compte qu'au cours de ses entrevues avec certains partenaires sociaux la mission a entendu que des initiatives visant à formuler de concert des normes ont pris plusieurs mois et n'ont pas abouti.

Un autre élément qu'il semble nécessaire de renforcer est la fonction judiciaire. Tout comme dans d'autres pays d'Amérique du Sud, une justice autonome, rapide et accessible joue un rôle très important en tant qu'instrument dans lequel la population peut avoir confiance non seulement à cause de son indépendance, mais aussi à cause de son efficacité et de sa capacité technique. Si la population est déçue de la justice, on peut présumer que cela sera une incitation de plus pour recourir à des actions violentes pour résoudre des conflits, y compris des conflits de nature individuelle. Dans le domaine du travail, la mission n'a pas manqué d'observer que, conformément aux informations qu'elle a reçues, il n'y a qu'un tout petit nombre de tribunaux du travail, du moins dans la ville de Bogotá, qui ne comptent que 16 tribunaux du travail de première instance pour plus de 7 millions d'habitants.

En tant qu'une des thérapies nécessaires, il est clair qu'il faut mettre un terme à l'identification entre syndicalisme, d'une part, et communisme ou extrême gauche, d'autre part, surtout dans un contexte dans lequel différentes sources affirment que des groupes de guérilleros de gauche participent au trafic de stupéfiants, bien qu'il ne soit pas possible de parler d'un seule entité de trafic de stupéfiants mais plutôt de certains fronts ou de certaines sections du trafic de stupéfiants(10).

En dépit de la crise de violence et de la crise politique, la structure institutionnelle se maintient. Cela est probablement dû à un système d'équilibre de poids et contrepoids entre les divers pouvoirs de l'Etat. C'est ainsi que le pouvoir exécutif bénéficie de l'appui de la majorité parlementaire, mais il y a aussi d'autres centres de pouvoir, dont plusieurs sont de nature juridictionnelle, comme la Cour constitutionnelle, le ministère public, la Cour suprême de justice, le bureau du Procureur général, etc., qui s'accommodent d'une structure d'institutions réciproquement indépendantes qui semblent contribuer efficacement à la stabilité politique. On peut donc affirmer qu'il s'agit d'un pays qui a une légalité démocratique et qui n'a pas connu de gouvernements militaires depuis des décennies -- le dernier coup d'Etat ayant eu lieu en 1953 --, ce qui est une exception dans le contexte de l'Amérique latine(11).

Tout comme on peut dire que la Colombie est un pays en guerre qui vit dans un environnement démocratique, l'Avocat général de la Nation a dit que la vigueur encourageante d'un panorama démocratique ne saurait cacher les faiblesses des institutions démocratiques et les difficultés qui empêchent son renforcement. Il a ajouté que "l'environnement institutionnel et normatif présente des déficiences qui limitent l'efficacité des institutions étatiques, réduisent la participation des citoyens et détériorent la crédibilité des institutions démocratiques. Pour cette raison, au cours des dernières années on a observé un renforcement du consensus quant à l'importance de la gouvernabilité pour établir une pratique solide de développement continu et équitable. Un phénomène simultané qui a contribué à cette évolution a été le processus de renforcement de l'autonomie de la société civile qui est allé de pair avec un plus grand sens de responsabilité et un activisme des différentes organisations sociales et politiques et des citoyens, dans les activités individuelles ou collectives déployées dans les domaines social, économique et politique. Le plus grand défi que doit relever l'option démocratique pour rester en permanence la norme de conduite et d'action de nos Etats est d'arriver à une croissance économique qui soit équitable et à une pratique de la démocratie qui résulte de la pleine participation de l'ensemble des citoyens."

C'est précisément au sujet du lien entre le bien-être économique et la coexistence démocratique que l'ancien Défenseur du peuple a relevé que "la croissance de l'économie colombienne, comparée à la majorité des économies latino-américaines, n'a pas apporté d'avantages à sa population; que la "dette sociale" de l'Etat colombien s'est accrue envers ses citoyens; que l'on a assisté à une détérioration de la situation des droits de l'homme, tout comme des droits économiques, sociaux et culturels." Il a déclaré que la distribution du revenu n'est pas bonne et que la croissance non seulement n'a pas contribué à améliorer la situation de pauvreté, mais a été accompagnée d'une plus grande concentration des richesses.

Dans le discours qu'il a prononcé lorsque l'Université de Boston l'a nommé docteur honoris causa le 2 octobre 1996, l'Avocat général Valdivieso a affirmé que "la relation entre la justice et le développement est une des plus grandes urgences du moment dans notre Amérique latine. Cela vaut également pour le bon exercice de la fonction judiciaire qui s'est avéré d'une utilité notable dans la consolidation de la cause démocratique. L'apparition d'organisations criminelles disposant de ressources illimitées a atteint d'une façon disproportionnée un appareil étatique incapable de parer à l'ampleur du problème. Si à ce problème s'ajoutent les formes caduques de réaction aux problèmes publics, les modalités insuffisantes de la gestion étatique, les erreurs de conception des politiques publiques, l'affaiblissement des ordonnances légales et des pouvoirs judiciaires, cela suffirait pour sombrer dans le scepticisme. Mais ce qui est pire est que l'absence d'une institutionnalité dans l'exercice de la fonction étatique a ouvert la porte à des pratiques irrégulières sous les auspices du crime organisé, qui ont érodé la crédibilité de la conduite politique. Combien nous regrettons aujourd'hui nous autres Colombiens de n'avoir pas réagi avec détermination lors des premières manifestations du phénomène. La tolérance, la permissivité et une méconnaissance irresponsable du rôle qui nous incombait de nous opposer à ce phénomène sont les causes de cette tragédie que nous commençons maintenant à surmonter."

Au sujet de ces dernières paroles, il convient de souligner une fois de plus l'importance qui doit être accordée au bon fonctionnement du système judiciaire. Au cours des entrevues, nous avons constaté qu'il existait un consensus en faveur de la solution pacifique des conflits, du dialogue entre personnes ayant des intérêts opposés et, d'une façon générale, en faveur de ce qui contribuera à l'instauration d'une culture de paix et qui sera aussi basé sur l'apport d'un système judiciaire rapide et efficace qui parviendra à être toujours considéré comme une voie sûre par les particuliers en conflit.

Il est urgent, comme le démontrent les commentaires de diverses autorités de l'Etat, de trouver des formes civilisées de gestion du conflit et de les faire fonctionner au service de l'intérêt général. S'il n'est pas possible de surmonter le conflit, on pourra au moins créer des conditions pour éviter que ce conflit conduise à des situations de fait qui se transforment en obstacles redoutables pour une coexistence pacifique dans les circonstances que connaît actuellement la Colombie. "Le dialogue est avant tout une pédagogie permanente qui ne contribue pas seulement à surmonter le conflit, mais qui contribue également à une meilleure gestion des entreprises et de la société dans son ensemble(12)."

* * *

A la fin de ce rapport je souhaite remercier tout particulièrement M. Horacio Guido pour l'aide qu'il m'a apportée durant la mission. M. Horacio Guido a préparé cette mission et connaît en outre parfaitement bien tous les dossiers des cas colombiens soumis au Comité de la liberté syndicale ainsi que les questions législatives qui se posent. Je tiens également à remercier M. Luis Zamudio dont l'aide m'a été extrêmement précieuse pour m'orienter dans le pays et mieux organiser les diverses entrevues.

Par ailleurs, je voudrais mettre l'accent sur le très haut niveau de collaboration que nous ont apportée les autorités et les partenaires sociaux que nous avons rencontrés, et je souhaite exprimer ma reconnaissance pour tous les services dont nous avons bénéficié.

On ne peut douter de l'intérêt et de la volonté du ministre du Travail et de la Sécurité sociale de résoudre tous les problèmes abordés par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations dans le cadre de l'application des conventions nos 87 et 98. Il convient notamment de relever que dans le contexte de la mission (avant, durant et immédiatement après la mission) deux importants projets de lois ont été élaborés (dont un sur la négociation collective dans le secteur public, qui a déjà été présenté au Congrès de la République) avec l'engagement de les examiner en profondeur au congrès. Si ces projets étaient adoptés en l'état, ils permettraient de résoudre les problèmes signalés par la commission d'experts, exception faite des questions relatives au droit de grève dans les services essentiels, qui sont traitées dans un avant-projet de loi; ce dernier fait actuellement l'objet de discussions et de consultations.

Par ailleurs, le désir de promouvoir les droits syndicaux a conduit les autorités du ministère à soumettre au Congrès de la République, durant la mission, des projets de lois en vue de la ratification des conventions nos 144 et 151; ces services se sont également engagés à soumettre au congrès un projet de loi relatif à la ratification de la convention no 135.

En ce qui concerne les cas demeurés en instance devant le Comité de la liberté syndicale, il y a lieu d'être très préoccupé par le climat de violence qui prévaut dans le pays et qui touche tous les secteurs, mais qui a des répercussions graves pour les dirigeants syndicaux et les syndicalistes. Les causes de ce phénomène de violence, qui atteint également les chefs d'entreprises, les fonctionnaires du pouvoir judiciaire, les journalistes, les politiques et les citoyens en général, sont extrêmement complexes. Bien que le gouvernement et le congrès aient pris et continuent à prendre des mesures pour parer à la violence (programmes du ministère public visant à protéger les témoins et les personnes menacées ou création de l'Unité nationale des droits de l'homme, etc.), le nombre de victimes reste extraordinairement élevé et les procédures judiciaires pour faire la lumière sur les faits se caractérisent par un degré extrêmement élevé d'impunité. Une autre évolution qui retient également l'attention est le développement actuel des groupes paramilitaires ou d'autodéfense dans beaucoup de secteurs du pays, dont les actes de violence s'ajoutent à ceux du trafic de stupéfiants, de la guérilla, de la délinquance commune et, du point de vue institutionnel, à ceux des représentants des forces de sécurité.

Les autorités et les partenaires sociaux sont conscients de ces graves problèmes, mais il est évident que le problème de la violence, à côté de nouvelles mesures et de nouvelles aides financières, ne pourra être abordé efficacement que dans un contexte plus large: celui de l'instauration de la paix sociale, qui ne peut être basée que sur la justice sociale et l'élimination progressive des conditions sociales qui impliquent l'injustice, la misère et des privations. Les idées exprimées dans la Constitution de l'OIT de 1919 continuent à garder toute leur valeur.

Novembre 1996.

Santiago Pérez del Castillo


Appendice I

Liste des personnes rencontrées

Ministère du Travail et de la Sécurité sociale

M. Orlando Obregón Sabogal, ministre du Travail et de la Sécurité sociale
M. Angelio Garzón, conseiller du ministre du Travail et de la Sécurité sociale
M. Orlando Rodríguez, directeur technique du travail
M. Gabriel Mesa Cárdenas, chef du Département des affaires internationales
M. Jorge Quiroz Aleman, chef du Département de justice
M. Rafael Ángel Celis, directeur régional/Cundinamarca
M. Oscar Moreno López, chef de la Division du travail/Cundinamarca
Mme María Teresa Lozada, assistante du chef du Département des affaires internationales

Ministère public de la Nation

M. Alfonso Valdivieso, Avocat général de la Nation
M. Gonzalo Gómez, conseiller du Département des affaires internationales

Unité nationale des droits de l'homme

La mission a été reçue par un Procureur régional ("denominados sin rostro" = sans visage) dont le nom ne peut pas être révélé en raison des tâches qu'il assume (dévoiler son nom pourrait entraîner des représailles contre lui)

Ministère des Relations extérieures

Mme Gloria Elsa León, Département des droits de l'homme
M. Germán Grisales, Section thématique

Conseils présidentiels pour les droits de l'homme

M. Gustavo Fernández, conseiller de la Section de l'étude des cas

Cour constitutionnelle

M. Carlos Gaviria Díaz, président
M. Alejandro Martínez Caballero, vice-président

Cour suprême de justice, instance des recours du travail

MM. Iván Palacio, Escobar Enríquez, Méndez et Vásquez Valdez

Défenseur du peuple

M. José Fernando Castro, Défenseur du peuple

Ministère de la Justice et du Droit

M. Carlos Medellín Becerra, ministre de la Justice et du Droit
Mme Sandra Alzate, directrice générale des affaires internationales
Mme Alicia María Londoño, conseillère du Département de l'assistance

Commission permanente de concertation des politiques salariales et sociales
Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)

M. Carlos del Castillo, représentant résidant

Organisations de travailleurs

Centrale unitaire des travailleurs (CUT)

M. Luis Garzón, secrétaire général
Mme Bertina Calderón, vice-présidente
M. Héctor José López, conseiller juridique
M. William Arlez Escobar, président de SINTRASIDELPA
Mme Castro, conseillère juridique de la Fédération nationale des travailleurs au service
de l'Etat (FENALTRASE)

Confédération générale des travailleurs démocratiques de Colombie (CGTD)

M. Mario Valderrama, président
M. Carlos Bedoya Tavarez, vice-président
M. Julio Roberto Gómez Esguerra, secrétaire général
M. José Trujillo, affaires politiques
M. Mario Fernández, secrétaire général adjoint
M. Bautista, conseiller juridique
M. Nelson Caballero Herrera, secrétaire des questions relatives à la sécurité sociale
et à la caisse de compensation familiale

Centrale des travailleurs de Colombie (CTC)

M. Apecides Alviz, président
M. Miguel Morantes, secrétaire général
Mme Luz Mary González, secrétariat de la femme

Fédération nationale unitaire de l'industrie agricole (FENSUAGRO)

M. Víctor Julio Garzón, secrétaire général

Fédération nationale unitaire des travailleurs employés et professionnels au service de l'Etat et des services publics (FUTEC)

M. Ricardo Díaz, président
M. Fernando Dávila Villamizar, conseiller juridique national

Organisations d'employeurs

Association nationale des industriels (ANDI)

M. Alberto Echevarría Saldarriaga; vice-président des affaires juridiques et sociales
Mme Carmen Ramírez Vanegas, chef de la Section du droit du travail

Fédération nationale des commerçants (FENACLCO)

Mme Jimena Peñafort, dirigeante et conseillère juridique

Association colombienne des petites et moyennes industries (ACOPI)

M. José Miguel Carrilo Méndez, vice-président national

(Les appendices II, III et IV ne sont pas reproduits)


Cas no 1865

Rapport intérimaire

Plaintes contre le gouvernement de la République de Corée
présentées par
-- la Confédération coréenne des syndicats (KCTU)
-- la Fédération des travailleurs de l'industrie
automobile de Corée (KAWF) et
-- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: arrestation et détention de dirigeants syndicaux;
refus du gouvernement d'enregistrer des organisations nouvellement créées;
modifications à la législation du travail contraires à la liberté syndicale

295. Le comité a déjà examiné ce cas à sa réunion de mai 1996 et a soumis à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 304e rapport, paragr. 221-254, approuvé par le Conseil d'administration à sa 266e session (juin 1996).]

296. Dans des communications datées des 28 décembre 1996 et 28 janvier 1997, la Confédération internationale des syndicats libres a présenté de nouvelles allégations relatives à d'autres violations des droits syndicaux par le gouvernement. Le gouvernement a fourni des observations complémentaires sur le cas dans des communications des 4 novembre 1996 et 31 janvier 1997.

297. La République de Corée n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen précédent du cas

298. La Confédération coréenne des syndicats (KCTU) avait présenté des allégations selon lesquelles la législation du travail coréenne permettait au gouvernement d'enfreindre gravement le droit des travailleurs de créer les organisations de leur choix et de s'y affilier sans autorisation préalable, comme le prouvait clairement le fait que, après qu'elle eut déposé une demande d'enregistrement, le 23 novembre 1995, à la suite de son Congrès inaugural, le ministère du Travail lui ait retourné le jour suivant le rapport faisant état de sa création. La KCTU affirmait en outre que ce n'était pas une coïncidence si son président, M. Young-kil Kwon, avait été arrêté par la police le jour même du dépôt de la demande d'enregistrement. M. Kwon avait été accusé d'avoir violé les dispositions de l'article 12(2) de la loi sur les syndicats (TUA) et des articles 13(2) et 45(2) de la loi sur le règlement des conflits du travail (LDAA) interdisant "l'intervention d'une tierce partie dans le règlement des différends" en faisant des déclarations lors de la grève des cheminots et des travailleurs du métro en juin 1994. Selon la KCTU, l'interdiction légale de toute "intervention d'une tierce partie" constituait une violation flagrante de la liberté syndicale. La KCTU affirmait que M. Kwon est toujours en détention. La Fédération des travailleurs de l'industrie automobile de Corée (KAWF) avait formulé des allégations similaires à l'encontre du gouvernement, l'accusant d'avoir également refusé de l'enregistrer.

299. Dans sa réponse, le gouvernement avait indiqué que son refus d'enregistrer la KCTU se fondait sur différentes dispositions de la loi sur les syndicats. Au sujet de l'arrestation de M. Young-kil Kwon, le gouvernement avait souligné qu'il était recherché par la police depuis le 28 juin 1994, date à laquelle un tribunal avait délivré un mandat d'arrêt à son encontre pour violation des dispositions interdisant l'intervention d'une tierce partie (articles 13(2) et 45(2) de la LDAA). Par ailleurs, M. Kwon avait enfreint d'autres dispositions législatives en commettant des infractions comme l'entrave à la circulation (art. 185 du Code pénal), l'intrusion dans des locaux privés (art. 319(1) du Code pénal) et la collecte illégale de cotisations (art. 3 et 11 de la loi sur l'interdiction de percevoir des contributions en espèces ou en nature). Ces charges avaient motivé son arrestation par la police le 23 novembre 1995 et son inculpation le 15 décembre suivant. Cependant, il avait été libéré sous caution le 13 mars 1996, aussitôt après qu'une décision à cet effet eut été prise par le tribunal. Enfin, le gouvernement avait admis la nécessité de modifier la législation du travail. A cette fin, il avait mis en place le 9 mai 1996 la Commission présidentielle de la réforme des relations professionnelles (PCIR), composée de 30 membres représentant les travailleurs, les employeurs, les universitaires, la presse et d'autres éléments de la société civile. La PCIR devait rester en fonctions jusqu'en février 1998 (après même que la révision de la législation du travail aura été achevée) afin de faire comprendre et accepter par l'opinion publique les pratiques et attitudes nouvelles en matière de relations professionnelles. La commission poursuivra ses efforts pour ancrer profondément dans la société coréenne ce nouveau type de relations patronat-salariat.

300. A sa session de juin 1996, le Conseil d'administration avait approuvé les recommandations ci-après au vu des conclusions intérimaires du comité:

  1. Le comité invite instamment le gouvernement à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les charges contre M. Kwon soient abandonnées. Il demande en outre instamment au gouvernement de faire en sorte qu'à l'avenir des dirigeants syndicaux ne soient pas arrêtés et détenus pour des activités liées à l'exercice de leur droit d'organisation.
  2. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour assurer que la KCTU soit enregistrée en tant que confédération syndicale afin de lui permettre d'exercer ses activités syndicales légitimes, et notamment le droit de participer à des négociations collectives et à des consultations nationales tripartites. Le comité prie en outre le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour assurer que la Fédération des travailleurs de l'industrie automobile de Corée, le Conseil national du Syndicat des travailleurs du métro et la Fédération des syndicats du groupe Hyundai soient enregistrés afin de pouvoir exercer leurs activités syndicales légitimes. Le comité invite le gouvernement à fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
  3. Réaffirmant que la création du Syndicat d'enseignants et de travailleurs de l'éducation de Corée (CHUNKYOJO) résulte de l'exercice légitime du droit de s'organiser des enseignants, le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux enseignants des établissements privés et publics, et notamment aux enseignants membres du CHUNKYOJO, d'exercer librement leur droit de s'organiser.
  4. En ce qui concerne les aspects juridiques de ce cas, le comité attire l'attention du gouvernement sur les points suivants:
    • rappelant une fois de plus au gouvernement que le fait d'interdire l'intervention d'une tierce partie dans le règlement des conflits du travail constitue une grave restriction au libre fonctionnement des syndicats, le comité invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour abroger les dispositions prévoyant cette interdiction (à savoir les articles 13(2) et 45(2) de la loi sur le règlement des conflits du travail);
    • rappelant le principe selon lequel les dispositions régissant les opérations financières des organisations de travailleurs ne devraient pas avoir un caractère tel qu'elles puissent conférer aux autorités publiques un pouvoir discrétionnaire à leur égard, le comité invite le gouvernement à prendre les mesures appropriées pour abroger l'article 3 de la loi sur l'interdiction de percevoir des contributions en espèces ou en nature afin d'assurer aux syndicats leur indépendance financière;
    • le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender l'article 3(5) de la loi sur les syndicats (TUA) afin de permettre aux travailleurs de créer les organisations de leur choix sans restriction aucune et de s'y affilier;
    • le comité invite le gouvernement à prendre des mesures en vue de modifier l'article 23(1) de la TUA de manière à permettre aux organisations de travailleurs d'élire leurs représentants, y compris d'anciens salariés, en toute liberté.
  1. Le comité demande instamment au gouvernement de faire en sorte que les amendements proposés à la législation du travail ne soient plus ajournés. Il espère fermement que ces amendements seront conformes aux principes de la liberté syndicale, et notamment à ceux qu'il vient de formuler dans ses conclusions. Il rappelle au gouvernement que le Bureau est à sa disposition pour fournir son assistance technique afin de donner effet à cette recommandation.

B. Réponse du gouvernement

301. Dans sa communication du 4 novembre 1996, le gouvernement rappelle les recommandations précitées du comité, dont il estime qu'elles ont un rapport direct avec la révision de la législation du travail coréenne. Tout en reconnaissant de nouveau la nécessité de modifier cette législation, le gouvernement rappelle qu'il ne peut qu'appliquer la législation en vigueur tant que la révision n'a pas eu lieu.

302. A cet égard, le gouvernement évoque la Commission présidentielle de la réforme des relations professionnelles (PCIR) qui a été mise en place le 9 mai 1996 et dont il a exposé en détail la composition et le mandat lors de l'examen précédent du cas par le comité. La mission essentielle de la PCIR est d'élaborer la réforme des relations professionnelles et de présenter au gouvernement un rapport sur la manière d'améliorer la législation du travail en vigueur. Le gouvernement indique que la commission, qui est composée de représentants du salariat, du patronat et des principaux groupes d'intérêts, a non seulement mené depuis sa mise en place des consultations intensives sur la réforme des relations professionnelles, mais a aussi travaillé sans relâche à l'élaboration d'une réforme d'ensemble. Deux mois ont été consacrés à rassembler l'avis des divers secteurs de l'opinion publique à cet égard. Différents débats, dont trois auditions publiques, quatre ateliers, deux visites en entreprise et sept séries de discussions ouvertes, ont été menés dans les trois mois suivants. En outre, la PCIR a tenu dix assemblées générales, 30 réunions de sous-groupes, 13 réunions de son comité directeur et 21 réunions par petits groupes sur la révision de la loi.

303. Le gouvernement déclare que la PCIR, saisie de 148 questions, avait décidé à sa douzième assemblée générale du 25 octobre 1996 de réviser ou d'élaborer 107 dispositions, dont la suppression de l'interdiction des activités politiques par les syndicats. Cependant, elle n'a pu s'entendre sur 41 dispositions, parmi lesquelles des questions controversées comme la reconnaissance du pluralisme syndical et le droit des fonctionnaires et des enseignants de se syndiquer. C'est pourquoi, conformément à sa décision prise à la douzième assemblée générale, elle débat actuellement de son projet définitif de réforme, qu'elle devrait soumettre au gouvernement le 9 novembre 1996 au plus tard.

304. En conclusion, le gouvernement déclare qu'il entend procéder rapidement à la révision de la législation du travail, dès que la PCIR lui aura soumis l'intégralité de son projet de réforme. Il communiquera alors au comité des informations détaillées sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de cette réforme. Enfin, au sujet de la recommandation du comité relative à la détention de M. Young-kil Kwon [304e rapport, paragr. 254 a)], il indique que l'intéressé a été libéré sous caution le 13 mars 1996.

C. Informations complémentaires communiquées par les plaignants

305. Dans sa communication du 28 décembre 1996, la CISL soutient que les modifications apportées à la législation du travail, loin de rendre cette législation conforme aux normes internationales du travail, limitent davantage encore la liberté syndicale. Elle déclare qu'elle a suivi avec un grand intérêt les travaux de la Commission présidentielle de la réforme des relations professionnelles (PCIR), mise en place au début de mai 1996 pour faire des recommandations sur la réforme de la législation relative à la liberté syndicale et à la flexibilité du marché du travail. Durant ses cinq mois d'existence, la PCIR a obtenu certains résultats dans le second de ces domaines, alors que dans le premier les revendications essentielles de la Fédération des syndicats coréens (FKTU), affiliée à la CISL, et de la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) se sont heurtées à l'opposition systématique des représentants des employeurs et des intérêts publics (universitaires, experts juridiques, etc.). Le 11 octobre 1996, alors que la République de Corée accédait à l'OCDE, le gouvernement a réaffirmé son "engagement solennel" de réformer la législation et la réglementation en vigueur et de les rendre conformes aux normes du travail universellement acceptées. Cependant, après des semaines de négociations laborieuses, la PCIR a annoncé sa dissolution le 9 novembre 1996. Dans différents messages au gouvernement et au président de l'Assemblée nationale, la CISL a fait part des préoccupations extrêmes que lui inspirait cette situation, en particulier le fait que la PCIR avait échoué à s'entendre sur les modifications à apporter à la législation coréenne du travail afin de la rendre conforme aux normes internationalement acceptées. Dans une lettre au gouvernement, la CISL a déclaré que les conventions de l'OIT nos 87 et 98, qui constituent les bases de toute réforme acceptable, n'avaient pas même été examinées sérieusement. Or, rappelle la CISL, c'est en raison de cet engagement que le pays avait obtenu récemment d'accéder à l'OCDE. Pourtant, malgré toutes les assurances données précédemment, parmi lesquels des engagements solennels auprès de l'OIT et de l'OCDE, le gouvernement, agissant par surprise, avait fait adopter à la hâte par l'Assemblée nationale le 26 décembre 1996 ses modifications répressives à la législation du travail.

306. La CISL déclare que les principales restrictions apportées par la nouvelle loi sur les syndicats et le règlement des conflits du travail, qui fond en un texte unique la loi sur les syndicats et la loi sur le règlement des conflits du travail, sont les suivantes: a) les restrictions au pluralisme syndical resteront en vigueur jusqu'en l'an 2000 au niveau sectoriel, fédéral et central, et jusqu'en 2002 au niveau des entreprises, ce qui revient fondamentalement à maintenir l'interdiction légale de la KCTU et à mettre gravement en danger ses dirigeants; b) l'interdiction de toute "intervention d'une tierce partie" a été considérablement assouplie, et les syndicats sont autorisés à recevoir une aide des fédérations ou confédérations auxquelles ils sont affiliés, mais la loi exige maintenant d'eux et des employeurs qu'ils enregistrent auprès du ministère du Travail les autres personnes dont ils sollicitent l'assistance; c) les grévistes peuvent être désormais remplacés par des travailleurs extérieurs à l'entreprise, et les entreprises touchées par un conflit du travail sont autorisées à recourir à la sous-traitance; d) la liste des services essentiels, pour lesquels l'arbitrage est obligatoire (et l'action revendicative est donc interdite), dépasse encore de loin les normes généralement acceptées par le Comité de la liberté syndicale. L'approvisionnement en pétrole et la monnaie ont été ajoutés à la liste, qui comprenait déjà les secteurs suivants: trains et autobus; eau, gaz et électricité; raffinage du pétrole; installations de santé et d'hygiène publique; banques; radio et communications; e) les travailleurs licenciés seront privés de l'appartenance syndicale, étant toutefois entendu que, si un licenciement est en cours d'examen par la Commission centrale des relations professionnelles, la mesure restera suspensive jusqu'à ce que le licenciement ait été confirmé par la commission; f) durant les conflits du travail, l'occupation des chaînes de production est interdite; g) il est interdit de payer les grévistes; h) il est interdit aux entreprises de payer les dirigeants syndicaux exerçant leurs fonctions à plein temps ou de leur accorder une indemnité quelconque; i) l'interdiction de la syndicalisation du secteur public et des professions enseignantes est maintenue.

307. La CISL observe que, le 26 décembre 1996, en réaction contre ces mesures et à la suite d'avertissements répétés selon lesquels l'imposition unilatérale par le gouvernement de dispositions restrictives en matière de législation du travail se heurterait à l'opposition de leurs organisations respectives, la FKTU et la KCTU ont déclaré aussitôt une grève générale. La KCTU a appelé à une grève sans limitation de durée, tandis que, le 27 décembre, la FKTU a prolongé jusqu'à la fin de l'année son appel initial à une action d'un jour, le 26 décembre. Le 27 décembre, la KCTU a fait savoir que plus de 200 000 travailleurs appartenant à 163 syndicats affiliés s'était mis en grève, et la FKTU a déclaré que 1,2 million de travailleurs appartenant à 5 500 syndicats affiliés avaient été appelés à faire grève. On apprenait ensuite que les installations des principaux constructeurs automobiles et des principaux chantiers navals étaient paralysées, de même que le métro de Séoul et que nombre d'autres entreprises à travers le pays. A la mi-journée, on indiquait que plus de 350 000 travailleurs avaient cessé le travail. Plus tard dans la journée, 12 000 manifestants se rassemblaient près du Parlement de Séoul, immédiatement encerclés par des milliers de policiers anti-émeute.

308. En conclusion, la CISL considère que le gouvernement, en faisant adopter à la hâte par le Parlement des modifications à la législation du travail qui violent les recommandations précises du comité, a délibérément enfreint ses engagements répétés de rendre cette législation conforme aux normes internationales.

309. Dans sa communication du 28 janvier 1997, la CISL reprend les points de la législation qui font l'objet d'allégations de sa part:

310. En outre, selon la CISL, d'autres mesures prises après l'adoption de la nouvelle législation, constituent des violations supplémentaires des droits syndicaux. Après la présentation de mandats d'amener à l'égard de 200 dirigeants et militants syndicaux, des mandats d'arrêt ont été lancés le 10 janvier 1997 contre des dirigeants de la KCTU (voir annexe I ci-jointe). Dans 17 de ces cas, les charges retenues se réfèrent à des entraves aux affaires (art. 314 du Code pénal). La grève générale entreprise par la FKTU et la KCTU pour le retrait de la législation du 26 décembre 1996 a été déclarée illégale car les grèves légales sont limitées en République de Corée à celles dirigées contre l'employeur pour des questions de termes et conditions de travail. Les dirigeants syndicaux risquent ainsi sept ans et demi d'emprisonnement.

311. La CISL ajoute que des dirigeants du syndicat de l'industrie lourde Halla ont été arrêtés dans le port de Mokpo. Le Président Kim Byung-Soo, qui figurait sur la liste des mandats d'arrêt, a été arrêté le 14 janvier alors que Oh Hyung-Kun, Choo In-Sang et Joo Ki-Seung ont été arrêtés le 16 janvier sans qu'ils aient figuré sur la liste, alors qu'ils sortaient du local du syndicat, pour entraves aux affaires et violences. Ils encourent cinq ans de prison, augmentés de la moitié en cas de délit collectif. Un syndicaliste de l'usine automobile Manda de Taejun a été arrêté le 11 janvier. Dans la ville d'Ulsan, six syndicalistes de l'usine Hyundai sont recherchés par la police. Des récompenses sont offertes pour leur capture. Des douzaines de syndicalistes, craignant d'être arrêtés, se sont cachés à travers le pays.

312. Par la suite, autour du 23 janvier, les syndicalistes arrêtés à l'occasion de grèves ont été libérés. Le gouvernement a indiqué que les mandats d'arrêt étaient suspendus et, par la suite, il a été indiqué qu'ils étaient retirés comme non valides après diverses demandes de tribunaux de première instance à propos de leur constitutionnalité. Cependant, selon la CISL, au 28 janvier, aucun retrait n'a été formellement publié. La CISL remarque également que quelque 30 syndicalistes arrêtés antérieurement aux grèves sont toujours détenus, purgeant leur peine, ou apparaissent comme recherchés (voir annexe II)

313. La CISL allègue en outre qu'à plusieurs occasions, et notamment à Séoul les 11 et 15 janvier, la police est intervenue pour disperser des marches syndicales pacifiques et autorisées.

314. La CISL ajoute qu'elle a envoyé deux délégations en Corée. La première qui a séjourné à Séoul du 11 au 16 janvier a fait l'objet d'un harcèlement constant de la part des autorités. Elle a notamment été suivie par le personnel de sécurité mais son programme d'activités s'est déroulé normalement. Les membres de la mission furent menacés d'expulsion, pour violation de la loi sur l'immigration. A leur départ, ils furent informés par écrit qu'à l'avenir les examens approfondis d'autorisation seront effectués préalablement à leur entrée dans le pays. Le visa à multiple entrée d'un des membres de la mission, M. Takeshi Izuni, lui a été retiré.

315. Enfin, la CISL signale que le 28 janvier la KCTU a annoncé la suspension des grèves convoquées chaque mercredi jusqu'au 18 février 1997, en partie à cause de la crise économique et politique provoquée par la faillite, liée à une corruption de haut niveau, du deuxième producteur d'acier du pays.

D. Nouvelle réponse du gouvernement

316. Dans sa communication du 31 janvier 1997, le gouvernement confirme que la Commission présidentielle de la réforme des relations professionnelles a abouti à un accord sur un nombre substantiel de points, en se fondant sur un consensus selon lequel il était nécessaire de réformer le système existant et les pratiques des relations professionnelles en vue d'améliorer le niveau de vie des travailleurs ainsi que la flexibilité du marché du travail. Toutefois, les représentants des travailleurs et des employeurs n'ont pas réussi à s'entendre sur des problèmes conflictuels clés. La commission a donc clos ses discussions sans que ces problèmes soient résolus. Elle a fait rapport au Président des résultats de ses travaux le 12 novembre 1996.

317. Le gouvernement a estimé qu'une résolution rapide de cet important problème d'intérêt national était impérative. Il a donc décidé de formuler sa propre proposition fondée sur le rapport de la commission et de la soumettre sans retard à l'Assemblée nationale. La Commission gouvernementale de promotion de la réforme des relations professionnelles présidée par le Premier ministre avec la participation de 14 ministres, dont le ministre du Travail, a été constituée et a préparé les propositions gouvernementales. Après une période de notification de promulgation de la législation (du 3 au 9 décembre), le gouvernement a soumis les projets de révision à l'Assemblée nationale le 10 décembre 1996.

318. Après des modifications partielles, les projets de lois ont été adoptés le 26 décembre 1996 et la nouvelle législation promulguée le 31 décembre 1996. Le gouvernement estime que ces nouvelles dispositions constituent un pas considérable vers le respect des normes de l'OIT, tout en reflétant en même temps les besoins économiques de la Corée et ses particularités sociopolitiques. Le principal objectif des nouvelles lois est de rendre la législation plus conforme aux normes internationales ainsi que d'améliorer la flexibilité du marché du travail. A cette fin, plusieurs mesures ont été incorporées et plus particulièrement:

319. Toutefois, comme des fortes revendications ont été présentées par les organisations syndicales et d'autres secteurs de la société en vue de réexaminer certains aspects des nouvelles lois, les chefs des partis de la majorité et de l'opposition se sont rencontrés au Palais présidentiel le 21 janvier 1997 et ont convenu de rouvrir les débats sur les lois du travail à l'Assemblée nationale. En conséquence, les discussions de l'Assemblée sur les éléments clés des nouvelles lois, y compris la liberté syndicale, sont programmées pour reprendre prochainement. Dans ces conditions, le gouvernement espère que l'examen du cas directement lié aux délibérations sur la révision des lois du travail sera ajourné jusqu'à la session suivante du Conseil d'administration. Le gouvernement donne l'assurance que le comité sera tenu informé des progrès réalisés dans le processus de révision. Le gouvernement joint à sa communication le résumé des principales dispositions de la nouvelle législation.

E. Conclusions du comité

320. Avant d'examiner le cas quant au fond, le comité a pris note de la demande d'ajournement du gouvernement. Le comité a également pris note que le gouvernement a indiqué qu'une entente a été conclue sur la réouverture des débats concernant la législation du travail à l'Assemblée nationale. Le comité considère cette information comme une importante avancée et espère qu'elle entraînera des modifications additionnelles conformes aux recommandations qu'il a déjà formulées.

321. En outre, le comité note que le gouvernement n'a pas totalement répondu aux plaintes qui ont été transmises les 28 décembre 1996 et 28 janvier 1997. Il le prie dès lors d'y répondre sans délai. A cet égard, le comité prie instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les modifications dont la législation a été l'objet le 26 décembre et sur les motifs les justifiant. Le comité a l'intention d'examiner les modifications portées à l'ancienne législation ainsi que les nouvelles dispositions, tout en prenant en considération les derniers événements et, si nécessaire, en l'absence des informations détaillées du gouvernement.

Allégations de droit

322. Certes, à la suite des travaux de la Commission présidentielle de la réforme des relations professionnelles, le gouvernement a soumis des projets de lois à l'Assemblée nationale qui les a adoptés. Toutefois, le comité doit constater que les principaux problèmes législatifs qu'il avait évoqués dans le cas no 1629 [voir 286e rapport, paragr. 558-575; 291e rapport, paragr. 416-426, 294e rapport, paragr. 259-274], puis dans le présent cas no 1865 [voir 304e rapport, paragr. 242-254] n'ont pas été entièrement résolus.

323. A cet égard, le comité rappelle que des dispositions concernant l'interdiction du pluralisme syndical, la non-reconnaissance du droit de se syndiquer des enseignants privés et publics et des fonctionnaires, les atteintes au droit des organisations de travailleurs d'élaborer leurs statuts, le droit des organisations d'élire leurs représentants en toute liberté, l'interdiction de l'intervention de tiers dans le règlement des différends, les entraves à l'indépendance financière des syndicats, l'intervention de l'autorité administrative dans la négociation collective, le recours à des mesures d'urgence pour mettre fin à des grèves, la liste trop extensive des services essentiels où la grève est interdite ont fait l'objet de commentaires de sa part dans les rapports précités.

324. Le comité note avec regret qu'un certain nombre de dispositions contraires aux principes de la liberté syndicale ne semblent pas avoir été amendées par la nouvelle législation. Dans le cas présent, certaines de ces dispositions ont fait l'objet d'allégations de la part des organisations plaignantes: il s'agit de l'interdiction du droit syndical des enseignants privés et publics et des fonctionnaires et des atteintes à l'indépendance financière des organisations syndicales.

325. Sur le premier point, le comité insiste sur l'importance qu'il attache à la reconnaissance du droit syndical aux travailleurs sans distinction d'aucune sorte, y compris donc les fonctionnaires et les enseignants. Il demande donc une nouvelle fois instamment au gouvernement de prendre sans tarder les mesures nécessaires afin que ces catégories de travailleurs puissent constituer les organisations de leur choix et s'y affilier. Le corollaire de la mise en œuvre de ce principe est que le Syndicat des enseignants et des travailleurs de l'éducation de Corée (CHUNKYOJO) devrait sans tarder être enregistré pour pouvoir mener à bien légalement des activités de défense et de promotion des intérêts de ses membres.

326. Au sujet des atteintes à l'indépendance financière des organisations syndicales, le comité rappelle que l'article 3 de la loi sur l'interdiction de percevoir des contributions en espèces ou en nature exige l'autorisation préalable des autorités publiques pour qu'une organisation puisse percevoir des contributions en espèces ou en nature des non-membres. En l'absence de toute information sur une modification de cet article, le comité souligne une nouvelle fois que les dispositions régissant les opérations financières des organisations de travailleurs ne devraient pas avoir un caractère tel qu'elles puissent conférer aux autorités un pouvoir discrétionnaire sur ces opérations. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 430.] Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures appropriées pour abroger cet article afin d'assurer aux syndicats leur indépendance financière.

327. D'autres dispositions, que le comité avait commentées, ont fait l'objet de modifications. Il en est ainsi de l'interdiction de la multiplicité syndicale, de l'interdiction des activités politiques des syndicats, de l'interdiction de l'intervention d'une tierce partie dans le règlement des conflits collectifs, de la liste des services essentiels où l'arbitrage est obligatoire, de l'impossibilité de garder son affiliation syndicale en cas de licenciement.

328. En ce qui concerne l'interdiction de la multiplicité syndicale, le comité constate que cette interdiction ne sera levée qu'en l'an 2000 au niveau sectoriel et national et qu'en 2002 au niveau des entreprises. La conséquence directe du maintien de ces interdictions jusqu'à ces dates est que la KCTU ne peut être enregistrée avant un délai de trois ans. Elle sera donc maintenue ainsi dans une situation d'illégalité qui risque d'entraîner l'imposition de sanctions envers ses dirigeants qui, au nom de l'organisation, mèneraient des activités syndicales légitimes. Pour le comité, il s'agit d'une situation manifestement contraire au principe fondamental de la liberté syndicale selon lequel les travailleurs doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s'y affilier. Le comité constate en outre que cette impossibilité d'enregistrement s'appliquera également aux organisations qui étaient mentionnées dans la plainte initiale de la KCTU, à savoir la Fédération des travailleurs de l'industrie automobile de Corée, le Conseil national du Syndicat des travailleurs du métro et la Fédération des syndicats du groupe Hyundai.

329. Bien qu'en adoptant la disposition en question le gouvernement s'engage à établir la possibilité d'un pluralisme syndical à l'avenir, le comité ne peut considérer la teneur de cet article comme satisfaisant. En effet, l'importance du libre choix des travailleurs pour créer leurs organisations et s'y affilier est telle pour le respect de la liberté syndicale dans son ensemble que ce principe ne saurait souffrir de retard. Il demande donc instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour rendre possible légalement la multiplicité syndicale sans tarder. L'adoption de ce principe devrait entraîner l'enregistrement de la KCTU ainsi que des organisations syndicales mentionnées au paragraphe précédent.

330. Le comité relève que les nouvelles dispositions lèvent l'interdiction générale des activités politiques des syndicats. Selon les textes des principales dispositions transmises par le gouvernement, il apparaît cependant qu'un syndicat sera disqualifié si son objectif primordial réside dans les activités politiques et sociales. Le comité estime que la suppression de l'interdiction générale constitue sans aucun doute un progrès dans l'application des principes de la liberté syndicale. Néanmoins, pour qu'il puisse se prononcer pleinement sur cette disposition, le comité devrait disposer d'informations supplémentaires sur la portée des "activités sociales" qui y sont mentionnées. Le comité considère en effet que, si ce vocable devait recouvrir toutes les activités des organisations tendant à promouvoir le bien-être des travailleurs, la disposition en question constituerait une atteinte au droit des syndicats d'organiser librement leurs activités. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la portée des termes activités sociales.

331. En ce qui concerne l'interdiction de l'intervention d'une tierce partie dans le règlement des différends collectifs, le comité note que l'interdiction en question a été supprimée. Il apparaît cependant que les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent notifier au ministère du Travail les noms des personnes qui pourraient intervenir comme tierce partie. Le comité estime que cette disposition ne serait conforme aux principes de la liberté syndicale que pour autant que le ministère ne possède pas un pouvoir discrétionnaire pour refuser les noms proposés. Le comité considère en effet que les organisations d'employeurs et de travailleurs devraient avoir le droit de choisir sans entrave les personnes qu'elles souhaitent pour les assister pendant les négociations collectives et les procédures de règlement des conflits. Le comité prie donc le gouvernement d'assurer que tel est bien le cas dans le cadre des nouvelles dispositions.

332. Pour ce qui est de la liste des services essentiels dressée dans la nouvelle législation, le comité note que les plaignants font état de divers secteurs dont certains auraient été ajoutés à la liste sur laquelle le comité avait déjà fait des commentaires estimant que la loi mentionnait une catégorie assez large de services publics qui ne constituaient pas des services essentiels au sens strict du terme. [Voir 294e rapport, paragr. 264.] Le comité constate que le gouvernement n'a pas dans sa dernière réponse traité des allégations formulées sur ce point par les plaignants. Le comité rappelle à cet égard que l'interdiction du droit de grève devrait être limité aux services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 516.] Sur la base de cette définition, le comité estime que la monnaie, les transports, les installations pétrolières, les banques, la radio et les communications ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme. Il prie donc le gouvernement de fournir des informations complémentaires et de prendre les mesures nécessaires pour que soit modifiée la liste des services essentiels.

333. Concernant la possibilité d'appartenance syndicale des travailleurs licenciés, le comité comprend que tout travailleur dans cette situation qui présente un recours devant la Commission des relations de travail ne sera privé de son appartenance syndicale que lorsque la Commission centrale des relations de travail aura rendu un jugement final. Le comité doit souligner qu'une disposition de cette nature est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, car elle prive l'intéressé de s'affilier à l'organisation de son choix. En outre, le comité estime qu'elle pourrait même inciter à l'accomplissement d'actes de discrimination antisyndicale dans la mesure où le licenciement d'un travailleur militant syndical l'empêcherait de continuer à exercer des activités au sein de son organisation. Le comité demande donc instamment au gouvernement de réexaminer la disposition en question en vue de respecter le principe de libre affiliation.

334. Enfin, la CISL a fait mention de nouvelles dispositions qui, selon elle, constituent des restrictions importantes à la liberté syndicale. Elle se réfère à cet égard au remplacement des grévistes par d'autres travailleurs, à l'interdiction d'occupation des lieux de travail pendant les grèves, à l'interdiction de rémunération des heures de grève, à l'interdiction de rémunération des permanents syndicaux par les employeurs.

335. Pour ce qui est du remplacement des grévistes, le comité relève qu'aux termes de la nouvelle législation les employeurs sont autorisés à remplacer des grévistes par d'autres travailleurs de la firme concernée, pendant la grève. Dans le cas où une clause de sécurité syndicale (union shop) existe et une main-d'œuvre de remplacement ne peut être trouvée dans la firme, et où on s'attend à ce que la grève entraîne une perte significative pour l'entreprise, les employeurs sont autorisés à engager des travailleurs à l'extérieur pendant une période déterminée avec l'autorisation de la Commission des relations de travail.

336. Le comité a déjà examiné à maintes occasions des cas relatifs à l'embauche de travailleurs pendant des mouvements de grève. Il a estimé à ce propos que l'embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme, où la grève pourrait être interdite, constitue une violation grave de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 570.] Le comité a aussi estimé que, si une grève est légale, l'utilisation d'une main-d'œuvre étrangère à l'entreprise afin de remplacer les grévistes pour une durée indéterminée comporte un risque d'atteinte au droit de grève qui peut affecter le libre exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 571.] En outre, la législation nationale sur les droits syndicaux et, en l'espèce, sur le droit de grève devrait être en conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité note que la législation accorde un certain nombre de garanties puisque l'embauche se fait pour une durée déterminée, après autorisation de la Commission des relations de travail. Néanmoins, le comité souligne que cette disposition ne pourrait être acceptable, du point de vue des principes de la liberté syndicale, que dans les services essentiels au sens strict du terme.

337. En ce qui concerne l'interdiction de l'occupation des lieux de travail pendant les grèves, le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées dans sa réponse. Toutefois, le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe qu'il a adopté dans plusieurs cas selon lesquels, pour ce qui concerne les modalités du droit de grève refusées aux travailleurs (grèves des bras croisés, grèves du zèle, occupation de l'entreprise ou du lieu de travail, grève sur le tas), le comité a considéré que ces limitations ne se justifieraient que si la grève perdait son caractère pacifique. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 496.] Le comité a aussi décidé que le seul fait de participer à un piquet de grève et d'inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s'accompagne de violences ou d'entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, actes qui, dans beaucoup de pays, sont punis par la loi pénale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 586.]

338. Le comité relève qu'aux termes de la nouvelle législation il est interdit de rémunérer les jours de grève. A cet égard, le comité prie le gouvernement de fournir des informations en réponse à cette allégation afin qu'il puisse l'examiner en toute connaissance de cause.

339. En ce qui concerne l'interdiction du paiement des permanents syndicaux par l'employeur, le comité note que cette nouvelle disposition sera appliquée à partir de 2002. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations à ce sujet afin qu'il puisse examiner cette allégation en toute connaissance de cause.

340. Ayant examiné ainsi les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en décembre 1996, le comité ne peut que constater qu'un pas important reste à franchir pour que la législation soit pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale. A cet égard, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, après un accord entre majorité et opposition, le débat sur les lois du travail doit être rouvert devant l'Assemblée nationale. Dans ces conditions, le comité exprime le ferme espoir que le nouvel examen par l'Assemblée nationale de la législation permettra la mise en œuvre complète des principes de la liberté syndicale. Il demande au gouvernement de lui fournir des informations sur l'évolution de la situation à cet égard.

Allégations de fait

341. Dans son rapport précédent sur le présent cas, le comité avait invité instamment le gouvernement à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les charges contre M. Kwon Young-Kil, président de la KCTU, soit abandonnées. Dans sa réponse de novembre 1996, le gouvernement ne fait que reprendre les informations déjà communiquées antérieurement, à savoir que M. Kwon a été libéré sous caution. En outre, loin d'abandonner les charges qui avaient été retenues à son encontre (à savoir la violation des dispositions sur "l'intervention d'une tierce partie"), les autorités ont, à l'occasion du mouvement de grève protestant contre l'adoption de la nouvelle législation, lancé un nouveau mandat d'arrêt à son encontre pour "entraves aux affaires", comme elles l'ont fait également contre 19 autres dirigeants syndicaux. Cinq dirigeants ont été finalement arrêtés.

342. Le gouvernement n'a pas encore fourni d'observations à propos de ces allégations mais, selon les dires mêmes de la CISL, les dirigeants syndicaux arrêtés lors des dernières grèves ont maintenant été libérés. Il semble également que ces mandats aient été retirés bien qu'aucun retrait n'ait été formellement publié. Toutefois, la CISL fournit une liste de syndicalistes encore détenus ou recherchés pour des faits antérieurs aux grèves les plus récentes.

343. Le comité doit exprimer sa profonde préoccupation quant à cette situation. Il estime que, si le gouvernement a la volonté de construire un nouveau système de relations professionnelles fondé sur les principes de la liberté syndicale, il doit en premier lieu, pour établir un climat de confiance indispensable, abandonner les poursuites qui sont exercées à l'encontre des syndicalistes pour des faits liés à leurs activités syndicales légitimes, et notamment à des mouvements de grève, et relâcher ceux qui sont encore détenus. Le comité demande donc instamment au gouvernement de prendre sans tarder des mesures nécessaires à cet effet et de le tenir informé des progrès réalisés en ce sens et il lui demande en particulier de fournir des informations détaillées sur les personnes mentionnées dans les annexes I et II du présent rapport.

344. Le comité a pris note des dernières allégations présentées par la CISL au sujet de l'intervention de la police à l'occasion des marches syndicales et des tracasseries dont a été victime une mission syndicale internationale envoyée sur place. Il prie le gouvernement de fournir ses observations à cet égard.

* * *

345. Compte tenu de l'importance des principes qui sont en jeu tant pour les allégations de droit que pour celles de fait, le comité considère qu'il serait certainement de la plus haute utilité qu'une mission de haut niveau se rende sur place le plus rapidement possible afin que le gouvernement puisse tenir pleinement compte de ses points de vue dans une perspective de mise en œuvre complète des principes de la liberté syndicale. Dans les circonstances particulières de ce cas, le comité estime qu'il serait utile que cette mission soit de nature tripartite. Le comité exprime l'espoir que le gouvernement répondra positivement à cette suggestion qui est formulée dans un esprit constructif afin de l'assister dans la recherche de solution aux problèmes actuels.

* * *

Recommandations du comité

346. Vu les conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

  1. Au sujet de l'aspect législatif du cas, le comité demande instamment au gouvernement:
    1. de prendre sans tarder les mesures nécessaires afin que les fonctionnaires et les enseignants puissent constituer les organisations de leur choix et s'y affilier;
    2. d'enregistrer sans tarder le Syndicat des enseignants et des travailleurs de l'éducation de la République de Corée (CHUNKYOJO) pour qu'il puisse mener à bien légalement ses activités de défense et de promotion des intérêts de ses membres;
    3. d'abroger l'article 3 de la loi sur l'interdiction de percevoir des contributions en espèces ou en nature afin d'assurer aux syndicats leur indépendance financière;
    4. de prendre les mesures nécessaires pour rendre possible légalement la multiplicité syndicale sans tarder;
    5. de procéder à l'enregistrement de la KCTU ainsi que de la Fédération des travailleurs de l'industrie automobile de la République de Corée, du Conseil national du Syndicat des travailleurs du métro et de la Fédération des syndicats du groupe Hyundai;
    6. de fournir des informations sur la portée des termes activités sociales qui peuvent justifier la disqualification d'un syndicat;
    7. d'assurer que les organisations d'employeurs et de travailleurs doivent avoir le droit de choisir sans entraves les personnes qu'elles souhaitent pour les assister pendant les négociations collectives et les procédures de règlement des conflits;
    8. de fournir des informations complémentaires sur la liste des services essentiels où la grève est interdite et de prendre les mesures nécessaires pour qu'elle soit modifiée;
    9. de réexaminer la disposition relative à l'appartenance syndicale des travailleurs licenciés afin que soit respecté le principe de libre affiliation des travailleurs au syndicat de leur choix;
    10. de limiter le recrutement de main-d'œuvre extérieure pour remplacer les grévistes aux services essentiels au sens strict du terme;
    11. de fournir des informations détaillées en réponse à l'allégation concernant l'interdiction de l'occupation des lieux de travail pendant la grève;
    12. de fournir des informations en réponse à l'allégation selon laquelle la rémunération des travailleurs pendant la grève est interdite;
    13. de fournir des informations au sujet de l'allégation concernant l'interdiction de la rémunération par les employeurs des permanents syndicaux;
    14. de lui fournir des informations sur l'évolution de la situation au sujet du nouvel examen de la législation par l'Assemblée nationale.
  1. Au sujet des allégations de fait:
    1. le comité exprime sa préoccupation quant au nombre important de syndicalistes encore détenus;
    2. le comité demande au gouvernement d'abandonner les poursuites exercées à l'encontre de syndicalistes pour des faits liés à leurs activités syndicales légitimes, et notamment à des mouvements de grève, et de relâcher ceux qui sont encore détenus;
    3. le comité demande instamment au gouvernement de prendre sans tarder les mesures nécessaires à cet effet et de le tenir informé des progrès réalisés en ce sens;
    4. le comité demande en particulier au gouvernement de fournir des informations détaillées sur les personnes mentionnées dans les annexes I et II du présent rapport;
    5. le comité prie le gouvernement de fournir ses observations au sujet des allégations relatives à l'intervention de la police à l'occasion de marches syndicales et aux tracasseries dont a été victime une mission syndicale internationale.
  1. Le comité demande au gouvernement d'examiner la possibilité qu'une mission tripartite de haut niveau se rende sur place le plus rapidement possible afin que le gouvernement puisse tenir pleinement compte de ses points de vue dans une perspective de mise en œuvre complète des principes de la liberté syndicale.

Annexe I

Mandats d'arrêt contre les syndicalistes suivants

Kwon, Young-kil

Président

KCTU

Bae, Suk-bum

Vice-président

KCTU

Heo, Young-ku

Vice-président

KCTU

Kim, Young-dae

Vice-président

KCTU

Dan, Byung-ho

Vice-président

  

Président de la Fédération des travailleurs de la métallurgie de la Corée-KFMU.

Park, Moon-jin

Vice-président

KCTU

Président de la Fédération des syndicats du milieu hospitalier de la Corée.

Bae, Bum-sik

Vice-président

KCTU

Président de la Fédération des travailleurs de l'industrie automobile.

Lee, Young-hee

Vice-président

KCTU

Président de la Fédération des syndicats-Hyundai.

Kwak, Dae-cheun

Président

KCTU

Syndicat du chantier naval Mipo-Hyundai-KFMU.

Kim, Im-shik

Président

 

Syndicat de l'industrie lourde-KFMU.

Oh, Hyung keun

Directeur de recherche

 

Syndicat de l'industrie lourde-Halla.

Yoon, Bok-jung

Secrétaire général

 

Sud-Province.

Lee, Seung-kwan

Président

 

Syndicat Kyuggi-do, Syndicat Deakbn Jinheung-KFMU.

Jeun, jae-hwan

Président

 

Syndicat de l'industrie lourde Daewoo-KFMU.

Joo, Ki-seung

Directeur, organisation

 

Syndicat de l'industrie lourde- Halla.

Cheun, Suhk-bok

Travailleur licencié

 

Industrie lourde-Hyundai.

Choo, in-sang

Directeur, organisation

 

Syndicat de l'industrie lourde Halla-KFMU.

Sohn, Bong-hyun

Président

 

Syndicat de l'industrie de pointe-Hyundai.

Heung, Kahp-deuk

Président

 

Syndicat des engins-Hyundai.


Annexe II

Situation des travailleurs détenus et recherchés en République de Corée

Nom

Position/organisation

Date/arrestation

Charge

Condamnation/état du procès en cours

Oh, Jong-ryul

Ancien président
Syndicat des enseignants Kwangju

1995

Violation de la loi sur la sécurité nationale

 

Lee, Seung-pil*

Vice-président
Féd. des syndicats de la métallurgie lourde de Corée

4 mai 1996

Intervention d'un tiers grève à Hyundai engins en 1994

10 mois, en attente décision Cour d'appel

Hwang, Young-ho

Président Société du textile de la Corée

22 mai 1996

Ingérence dans les affaires

2 ans, en attente Cour d'appel

Im, Je-young

Secrétaire/Assistance sociale
Société coréenne de textile

22 mai 1996

Ingérence dans les affaires

En attente, Cour d'appel

Lee, Jeung-hoon

Secrétaire publicité
Société coréenne de textile

22 mai 1996

Ingérence dans les affaires

En attente, Cour d'appel

Moon, Soon-deuk

Président
Société Sureproducture

8 juin 1995

Loi sur la sécurité nationale

 

Cho, Myung-lae

Secrétaire général
Conseil régional Kumi
Féd. des travailleurs de la métallurgie de Corée

19 juin 1996

Intervention d'un tiers

1 1/2 an, juridiction d'appel

Lee, Jeung-young

Préposé à l'atelier
Société métal Shin-il

2 juillet 1995

Loi sur les mécanismes de règlement des conflits. Ingérence avec travail, grève en 1994.

 

Hong, Yuh-po

Président,
Conseil régional des syndicats Changwon

5 juillet 1996

Ingérence dans les affaires, violence, ingérence, mise en uvre de la loi/ordre

10 mois; juridiction d'appel

Park, Seung-ho

Travailleur licencié de l'industrie lourde de Hanjin

août 1996

Ingérence dans les affaires.
Loi sur les mécanismes des conflits du travail.

Premier jugement

Lee, Kyung-su

Président,
Société automobile Daerin

8 août 1996

Ingérence dans les affaires (recherché)

Premier jugement

Kim, Pyong-ki

Secrétaire/différends
Société automobile Daerin

8 août 1996

Ingérence dans les affaires (recherché)

Premier jugement

Ahn, Seung-oh

Préposé à l'atelier
Société automobile Daerin

8 août 1996

Ingérence dans les affaires (recherché)

Premier jugement

Kim, Ki-young

Secrétaire général Société des machines Doosan Changwon Branch

19 septembre 1996

Ingérence dans les affaires, violence, procédure de la convention collective (CBA)

Changwon Pol.

Kim, Ki-deuk

Ex-membre de la société des machines Doosan, Changwon Branch

19 septembre 1996

Ingérence dans les affaires, violence, procédure de la convention collective (CBA)

Changimwon Pol.

Im, Young-tae

Président
Expiaworld TU

23 septembre 1996

Ingérence dans les affaires, procédure de la CBA

 

Kim, Sang-bum

Préposé à l'atelier

23 septembre 1996

Ingérence dans les affaires, procédure de la CBA

 

Lee, Seung-hwan

Chef éditeur
Korea Fukoku TU

octobre 1996

Violence

 

Lee, Jae-hyung

Directeur du département et publicité de Korea Fukoku TU

octobre 1996

Violence

 

Im, Jin-yong

Travailleur licencié
LG Chimique

8 octobre 1996

Contestation contre le licenciement

 

Lee, Kang-chil

Travailleur licencié

8 octobre
1996

Ingérence dans les affaires,
protestation contre le licenciement

mandat d'arrêt

mandat d'arrêt

Oh, Hyun-shik*

Travailleur licencié
LG chimique co.

8 octobre
1996

Ingérence dans les affaires,
protestation contre le licenciement

mandat d'arrêt

mandat d'arrêt

Lee, Chul-eui

Président, Comité de la démocratisation des chemins de fer

9 octobre
1996

Violation de la loi sur la sécurité nationale

 

Song, Ho-jun

Membre du Comité de la démocratisation des chemins de fer

9 octobre
1996

Violation de la loi sur la sécurité nationale

 

Kim, Woon-chul

Président Pusan Comité de la démocratisation des chemins de fer

9 octobre
1996

Violation de la loi sur la sécurité nationale

 

Shim, Jong-seug

Vice-président,
Industrie lourde, Halla

9 octobre
1996

Violation de la loi sur la sécurité nationale

 

Ahn, Ki-ho

Président,
Industrie métallurgique,
Hyoseung

9 octobre
1996

Violation de la loi sur la sécurité nationale

 

Won, Dae-seup

Préposé à l'atelier,
Industrie lourde Hyundai

9 octobre 1996

Violation de la loi sur la sécurité nationale

 

* Relâché après avoir accompli la peine de prison.


Cas no 1875

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Costa Rica
présentée par
la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT)

Allégations: discrimination antisyndicale dans le cadre
d'un processus de restructuration

347. Le comité a examiné le présent cas lors de sa réunion de novembre 1996 et a présente un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 305e rapport du comité, paragr. 165 à 182, approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996).] Le gouvernement a envoyé de nouvelles observations dans une communication datée du 6 janvier 1997. L'Union nationale des employés de l'Institut de développement agraire (ONEIDA), organisation sur laquelle portent les allégations dans le présent cas, a envoyé des informations dans une communication du 24 janvier 1997. Enfin, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) a aussi transmis des informations en date du 13 février 1997.

348. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

349. Dans le présent cas, l'organisation plaignante avait dénoncé le licenciement ou le transfert de dirigeants et de membres de l'Union des employés de l'Institut de développement agraire dans le dessein de porter préjudice à ce syndicat et de l'empêcher d'intervenir dans le processus de restructuration de l'Institut de développement agraire (IDA).

350. Lors de sa réunion de novembre 1996, le comité a formulé les conclusions et recommandations suivantes [voir 305e rapport, paragr. 179 à 181]:

Le comité constate que le gouvernement fait valoir que: 1) les cessations de la relation de travail n'ont pas été décidées sur la base du statut syndical des personnes touchées, mais que ces mesures découlent d'un processus de restructuration et de modernisation structurelle et fonctionnelle de l'IDA reposant sur des critères techniques, dûment reconnus par le ministère de la Planification nationale et de la Politique économique; 2) la médiation du ministère du Travail et de la sécurité sociale n'a pas abouti à une annulation des licenciements par les instances dirigeantes de l'IDA; 3) l'organe juridictionnel suprême, la Chambre constitutionnelle, statuant sur le fond, a rejeté les recours en "amparo" pour persécution antisyndicale formés par les fonctionnaires en question, cette chambre ayant en outre confirmé que la décision de l'administration était conforme au droit.

Dans des cas antérieurs, le comité a estimé "qu'il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d'entreprises ou de services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d'ingérence antisyndicaux." [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 935.] Tout en observant que la Chambre constitutionnelle a rejeté les allégations de persécution antisyndicale formulées par les dirigeants et membres du syndicat, le comité doit constater que, selon les allégations de l'organisation plaignante -- non contestées par le gouvernement --, la restructuration a eu pour résultat le licenciement de neuf dirigeants appartenant au comité exécutif de l'UNEIDA et de divers autres représentants. Le comité note que l'organisation plaignante et le gouvernement divergent sur la question de savoir si ces licenciements avaient un caractère antisyndical. Le comité a souligné par ailleurs "l'importance qu'il attache à la priorité à accorder au maintien dans l'emploi des représentants des travailleurs en cas de réduction du personnel afin de garantir la protection effective de ses dirigeants." [Recueil, op. cit., paragr. 961.]

Dans ces conditions, avant de se prononcer de manière définitive, le comité prie l'organisation plaignante et le gouvernement d'indiquer le nombre total de travailleurs de l'Institut de développement agraire avant et après le processus de restructuration, le nombre de dirigeants et de représentants syndicaux licenciés et le nombre de dirigeants et de représentants syndicaux avant le processus de restructuration. D'ores et déjà, le comité prie le gouvernement de respecter les principes mentionnés et d'enquêter afin de déterminer si les licenciements de dirigeants et de représentants syndicaux de l'UNEIDA dans le cadre du processus de restructuration sont dus à leurs activités syndicales. Si c'est le cas, ils doivent être réintégrés dans leurs postes de travail. En outre, le comité prie le gouvernement de réexaminer la question des transferts affectant M. Mario Moya Benavides et Mme Iriabel Zumbado. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.

B. Réponse du gouvernement

351. Dans sa communication du 6 janvier 1997, le gouvernement déclare, en réponse à la demande d'information du comité, que les fonctionnaires de l'Institut de développement agraire (IDA), avant le processus de restructuration, étaient au nombre de 976; que les fonctionnaires de l'institut, après le processus de restructuration, étaient au nombre de 476; que les dirigeants syndicaux, avant le processus de restructuration, étaient au nombre de 31 (qui, selon la documentation envoyée par le gouvernement, étaient membres des comités exécutifs de l'UNEIDA et de deux autres syndicats) et que huit dirigeants syndicaux ont été licenciés dans le cadre du processus de restructuration (Alexis Cyrman Sánchez, Marcos Aguilar Vargas, Walter Quesada Fernández, Lorena Chacón Tellini, Walter Porras Campos, Francisco Molina Rojas, Elieth Rodríguez Cerdas et Jeanette Mc Quiddy Artavia)

352. Le gouvernement ajoute qu'en vertu de la directive ministérielle du 6 janvier 1997 le ministère du Travail a demandé une nouvelle fois à la Direction nationale de l'Inspection du travail de veiller au respect des lois relatives aux conditions de travail eu égard aux recommandations du comité, particulièrement en ce qui concerne l'enquête sur le licenciement de dirigeants et de représentants syndicaux. Sans préjudice de ce qui précède, le gouvernement réaffirme que le licenciement des fonctionnaires mentionnés dans la plainte découle du projet de modernisation, reposant sur des critères techniques dûment reconnus par le ministère de la Planification et de la Politique économique ainsi que par le Tribunal administratif, en conformité avec la réglementation en vigueur et dans le respect constant du droit à une bonne administration de la justice et du droit à la défense. Les décisions prises par l'administration de l'institut ont été non seulement approuvées par les autorités compétentes du ministère de la Planification nationale et de la Politique économique, mais leur légalité a été reconnue par la Chambre constitutionnelle de la République, qui a rejeté les allégations de persécution antisyndicale formulées par le syndicat de l'IDA. En conséquence, il ne fait aucun doute que la démarche suivie par l'administration était conforme au droit.

353. Le gouvernement souligne que le licenciement des dirigeants syndicaux à l'IDA était fondé sur des critères techniques de compression forcée du personnel et n'a jamais tenu au statut de dirigeant syndical, conformément aux procédures énoncées à l'article 192 de la Constitution politique qui "autorise le licenciement de fonctionnaires en cas de réduction forcée du personnel de certains services, que ce soit la raison d'un manque de fonds ou pour assurer une meilleure organisation de ces services". Le gouvernement réitère les observations qu'il a présentées lors du premier examen du cas et demande que la plainte soit rejetée dans son intégralité, étant donné qu'il a été amplement démontré que, dans le cas considéré, aucun acte de discrimination antisyndicale n'a été commis.

354. En ce qui concerne le transfert de deux dirigeants syndicaux, M. Mario Moya Benavides et Mme Iriabel Zumbado, le gouvernement indique que, compte tenu des recommandations du Comité de la liberté syndicale, le ministère du Travail a demandé au président de l'IDA d'analyser le contenu de la recommandation du comité. Le gouvernement ajoute qu'eu égard à la médiation du ministère du Travail, conformément à la demande du Comité de la liberté syndicale et à l'effet d'améliorer le climat des relations professionnelles, les instances dirigeantes de l'IDA ont demandé l'approbation du comité exécutif dudit institut concernant l'annulation du transfert de Mme Iriabel Zumbado et de M. Mario Moya. Cette demande a été accueillie favorablement, de sorte que le transfert desdits fonctionnaires a été annulé, conformément à la recommandation du comité.

C. Informations fournies par l'UNEIDA
et par la CLAT

355. L'Union des employés de l'Institut de développement agraire (UNEIDA) et la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) signalent, dans leurs communications des 24 janvier et 13 février l997, qu'au cours du processus de restructuration l4 dirigeants et représentants syndicaux ont été licenciés sur un total de 21 (neuf de ces licenciés étaient dirigeants syndicaux du comité exécutif de l'UNEIDA. L'UNEIDA et la CLAT ont fourni en outre la liste des 13 membres). Selon les données de l'UNEIDA et de la CLAT, le nombre de travailleurs était de 809 avant la restructuration et de 413 après. Ses affiliés représentaient et représentent plus de 50 pour cent des travailleurs de l'IDA.

D. Conclusions du comité

356. En ce qui concerne le licenciement de dirigeants et de représentants syndicaux de l'Union des employés de l'Institut de développement agraire, le comité relève que le gouvernement réaffirme que: 1) les cessations de la relation de travail n'ont pas été décidées sur la base du statut syndical des personnes touchées, mais que ces mesures découlent d'un processus de restructuration et de modernisation structurelle de l'IDA et reposent sur des critères techniques, dûment approuvés par le ministère de la Planification nationale et de la Politique économique; 2) la Chambre constitutionnelle, organe juridictionnel suprême, a rejeté quant au fond le recours en "amparo" interjeté par les fonctionnaires en question qui dénonçaient des actes de persécution antisyndicale, et a estimé que la démarche de l'administration était légale. Le comité observe également que, d'après les informations du gouvernement, 500 fonctionnaires ont été licenciés (dont huit étaient des dirigeants syndicaux) sur un total de 976 fonctionnaires (dont 31 étaient des dirigeants syndicaux qui appartenaient aux comités exécutifs de l'UNEIDA et de deux autres syndicats).

357. Le comité observe en revanche que, selon l'UNEIDA et la CLAT, le nombre de travailleurs avant et après la restructuration (sans tenir compte -- comme le fait le gouvernement -- des fonctionnaires sur des postes de journaliers ou sur des postes de services spéciaux) est respectivement de 809 à 413. Selon l'UNEIDA et la CLAT, qui se réfèrent seulement à l'UNEIDA et non aux deux autres syndicats existants à l'IDA, le nombre de dirigeants et représentants syndicaux licenciés est de 14 sur un total de 21; de ces 14 dirigeants et représentants, neuf appartenaient au comité exécutif qui comptait un nombre total de 13 membres.

358. Compte tenu de toutes les informations ainsi obtenues et de ce qu'il existe trois organisations syndicales dans l'Institut de développement agraire, le comité considère que la proportion globale de dirigeants syndicaux, membres des comités exécutifs, n'est pas démesurée d'un point de vue numérique, vu le nombre total de travailleurs affectés par le processus de restructuration. Néanmoins, en comparant la liste des 13 membres du comité exécutif fournie par l'UNEIDA avec le nom des huit dirigeants syndicaux qui, selon le gouvernement, ont été licenciés, il apparaît que sept des huit dirigeants en question appartenaient au comité exécutif de l'UNEIDA. De l'avis du comité, l'analyse des faits tend à démontrer que les dirigeants syndicaux de l'UNEIDA n'ont pas bénéficié d'une protection suffisante à titre de représentants syndicaux.

359. En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour favoriser la réintégration dans leur poste de travail du plus grand nombre possible de membres du comité exécutif de l'UNEIDA qui ont été licenciés.

360. Pour ce qui est du transfert de deux dirigeants syndicaux, M. Mario Moya Benavides et Mme Iriabel Zumbado, le comité prend note avec intérêt des déclarations du gouvernement et, en particulier, du fait que les autorités, conformément à la demande du comité et pour améliorer le climat des relations professionnelles, ont annulé le transfert des dirigeants susmentionnés.

Recommandation du comité

361. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Cas no 1901

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Costa Rica
présentée par
le Syndicat national des médecins (UMN)

Allégations: tentatives d'annuler le congé syndical
d'un dirigeant syndical

362. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des médecins (UMN) datée du 2 septembre 1996. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 7 janvier 1997.

363. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

364. Dans sa communication du 2 septembre 1996, le Syndicat national des médecins (UMN) allègue que le docteur Rafael Rojas Rímolo, membre du comité directeur de l'UMN, a été victime de mesures de représailles et de persécution antisyndicale. Concrètement, l'organisation plaignante fait valoir que la direction de la Caisse d'assurances sociales du Costa Rica a ordonné l'ouverture d'une enquête en vue d'annuler le congé syndical dont bénéficiait le docteur Rojas Rímolo depuis 1993 en vertu de l'article 32 de l'arrangement de conciliation conclu entre le Syndicat national des médecins et la Caisse d'assurances sociales du Costa Rica. Le docteur Rojas Rímolo est invité à restituer le salaire qu'il avait perçu pendant la période du congé que la caisse lui avait accordé.

B. Réponse du gouvernement

365. Dans sa communication du 7 janvier 1997, le gouvernement nie catégoriquement que des mesures de représailles aient été prises à l'encontre du docteur Rafael Rojas Rímolo. Le gouvernement explique que le service de vérification interne des comptes de la Caisse d'assurances sociales du Costa Rica, qui dépend du Bureau général de vérification des comptes de la République, a décelé l'octroi irrégulier au docteur Rojas Rímolo d'un congé avec solde (ce point est lié à l'interprétation d'un jugement de la Chambre constitutionnelle relatif aux sentences arbitrales dans le secteur public) et a formulé des recommandations à l'effet d'éclaircir la situation présentée. L'enquête administrative a abouti à une décision favorable au docteur Rojas Rímolo, ce qui témoigne, une fois encore, de la transparence absolue des procédures et du respect le plus strict des règles et de l'ordre juridique du pays. En vertu de la décision du 24 octobre 1996, adoptée par la direction de la Caisse d'assurances sociales du Costa Rica, le dossier administratif qui avait été ouvert concernant le docteur Rojas Rímolo a été classé, et il a été conclu que ce fonctionnaire n'avait pas agi de mauvaise foi. Comme il a été amplement démontré, aucune persécution de caractère syndical n'est ou n'a été exercée à l'encontre du docteur Rojas Rímolo, son congé ne lui a pas été retiré, et il n'a pas été entamé de procédure en vue de la restitution des montants perçus pendant la durée du congé précité.

366. Le gouvernement déplore que l'organisation plaignante ait fait appel au Comité de la liberté syndicale avant même l'achèvement de la procédure administrative et avant d'en connaître le résultat.

C. Conclusions du comité

367. Le comité relève que le dossier administratif concernant le docteur Rafael Rojas Rímolo, dirigeant syndical, a été classé, que son congé syndical n'a pas été supprimé et qu'il n'a pas été entamé de procédure en vue de la restitution des montants perçus pendant la durée du congé précité.

Recommandation du comité

368. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que ce cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 21 février 2000.