GB.270/14 |
QUATORZIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Institut international d'études sociales
Rapport de la 39e session du Conseil de l'Institut
1. Le Conseil de l'Institut international d'études sociales a tenu sa 39e session le 14 novembre 1997. La réunion a été présidée, au nom du Directeur général, par M. Tapiola, Directeur général adjoint du BIT. Le Conseil était saisi du rapport du Directeur(1) , du programme et budget pour 1998-99(2) et d'un document concernant l'acceptation de contributions et de dons destinés à soutenir les activités de l'Institut(3) .
Rapport du Directeur
2. Le Directeur a fait remarquer que le rapport sur les activités, comme l'a souhaité le Conseil, est plutôt une évaluation analytique des travaux entrepris en 1997 qu'une simple description.
3. En 1997, des travaux ont été entrepris dans deux domaines fondamentaux: l'interaction entre les systèmes mondiaux de production et les marchés du travail; l'exclusion sociale. S'agissant du premier domaine, les marchés du travail ont été examinés à travers le prisme des nouveaux réseaux mondiaux de production induits par les courants d'échanges internationaux, l'investissement étranger direct et l'intégration régionale. Si les entreprises, en certains points de ces réseaux, fournissent des produits à forte valeur ajoutée tant du point de vue économique que du point de vue social, les marchés du travail montrent des signes de cloisonnement, de dispersion des salaires et d'affaiblissement des mécanismes traditionnels de solidarité sociale. En même temps, les politiques dans le domaine du travail prennent une importance grandissante pour assurer la compétitivité. Le niveau de formation professionnelle, l'apprentissage dans l'entreprise, l'organisation du travail et la qualité des relations professionnelles commencent aussi à déterminer l'investissement étranger direct. Les travaux de l'Institut sur les zones franches d'exportation (ZFE) en Afrique ont dépassé le cadre conventionnel des conditions de travail et de l'emploi. Ils ont placé les ZFE dans la perspective de chaînes mondiales et étudié les choix de mesures propres à valoriser ces zones sur les plans économique et social.
4. S'agissant de l'exclusion sociale, la contribution de l'Institut a consisté à élaborer ce concept en tant que dimension complémentaire des stratégies classiques de lutte contre la pauvreté et à en étendre l'applicabilité aux pays en développement. En 1997, des mesures ont été prises pour relier ces conclusions aux préoccupations de l'OIT à l'égard de la pauvreté, de l'emploi et des institutions du travail; pour jeter les bases d'une conception du développement propre à l'OIT, liant la croissance économique au changement institutionnel, aux droits de l'homme et à la justice sociale; enfin, pour élaborer un nouveau cadre de référence pour toute une série de programmes de l'OIT, notamment ceux portant sur les problèmes propres aux femmes, la pauvreté, l'emploi, la sécurité sociale, le travail des enfants et l'action normative.
5. Les conclusions des recherches portent aussi un message plus large: elles indiquent comment le thème principal de l'Institut -- l'évolution de la relation entre les institutions du travail et la croissance économique -- devrait être traité à l'avenir. En raison de la mondialisation, il est de plus en plus difficile de dissocier les «institutions du travail» des «nouvelles formes d'organisation industrielle». L'interaction entre les institutions du travail et les systèmes de production est maintenant continue, réciproque et effective à tous les niveaux. Les politiques dans le domaine du travail apparaissent maintenant comme le principal facteur qui détermine l'avantage compétitif des nouvelles formes d'organisation industrielle; elles sont aussi importantes dans l'optique de l'efficacité du marché que sur le plan de l'équité sociale. En outre, les marchés du travail et les acteurs sociaux eux-mêmes sont actuellement transformés par l'évolution profonde de la technologie, des marchés des capitaux et de l'organisation industrielle. L'organisation industrielle est de plus en plus souvent définie en fonction des institutions du travail et vice versa. Les acteurs sociaux et les institutions jouent un rôle majeur dans l'insertion et l'emploi. La tendance est nette: le débat est allé au-delà de la promotion de la cohésion sociale pour atteindre les moyens par lesquels elle peut être atteinte. La question déterminante est le rôle des acteurs sociaux et la nature de leur partenariat à la fois dans le cadre du marché et en dehors de ce cadre. Ces considérations ont donc été reflétées dans les propositions de programme pour la prochaine période biennale.
6. Trois autres caractéristiques des activités de l'Institut méritent d'être soulignées: l'interaction avec l'OIT; la diffusion à l'extérieur des recherches de l'Institut; l'appui institutionnel aux mandants de l'OIT.
7. L'interaction avec l'OIT s'est développée tant en profondeur qu'en étendue. Elle va de la Conférence internationale sur l'exclusion sociale qui a été organisée afin de lier les conclusions des travaux de l'Institut aux besoins de l'OIT à la collaboration aux séminaires, aux cours de formation et aux missions sur le terrain, en passant par la contribution de l'Institut au programme d'action de l'OIT sur les ZFE. Les publications de l'Institut sont accessibles au personnel du BIT grâce au réseau informatique interne.
8. Les résultats des recherches ont été diffusés à la faveur de la participation de l'Institut à des initiatives extérieures ainsi que par le biais des publications et des programmes de l'Institut destinés aux universitaires invités et aux stagiaires. On peut citer, dans le cadre de la participation à des initiatives extérieures, la collaboration avec le gouvernement danois à une grande initiative internationale pour la cohésion sociale; un discours important prononcé par le Directeur lors d'une réunion internationale sur les systèmes mondiaux de production et les marchés du travail locaux organisée par le ministre suédois de la Coopération pour le développement; une présentation à venir des recherches de l'Institut sur l'exclusion sociale au personnel de la Banque mondiale; la participation au comité directeur d'un projet de la fondation Ford sur l'exclusion sociale dans la région du MERCOSUR. Les publications restent un puissant moyen de diffusion: quatorze d'entre elles sont parues en 1997 et sept autres sont en cours de préparation. Le nombre de stagiaires a augmenté de façon sensible; ils constituent un moyen important de promouvoir les recherches futures dans les domaines qui intéressent l'OIT. L'interaction avec les milieux universitaires internationaux se fait à travers les cycles de conférences de l'OIT sur la politique sociale internationale, dont le troisième se tiendra à l'Université de Malaya en décembre sur le thème «Gérez le succès économique: l'ordre du jour social».
9. Le stage international annuel est un vecteur déterminant de l'appui institutionnel fourni aux mandants de l'OIT. Un séminaire régional a été planifié pour décembre à Abidjan afin de répondre à la demande des mandants qui souhaitent un plus grand nombre de programmes éducatifs au niveau régional. Ce séminaire est une initiative nouvelle qui est financée par les ressources de la CTBO. De telles ressources ne seront plus disponibles à l'avenir et d'autres fonds devront être trouvés si l'on veut renouveler cette initiative.
10. M. Imoisili (membre employeur) a remercié l'Institut de ses excellents résultats et a estimé qu'il mérite largement la confiance du Conseil d'administration. L'orateur apprécie son attitude volontariste, son jugement pénétrant sur l'environnement dans lequel il opère et l'évaluation lucide de ses propres forces et faiblesses. L'Institut a, à la fois, un projet et une mission claire, et ceci se reflète dans l'importance et la crédibilité croissantes qu'il acquiert à l'extérieur de l'OIT. L'intervenant, qui a participé lui-même à diverses activités de l'Institut, est en mesure d'approuver sans réserve le rapport. S'il apprécie vivement les nouvelles orientations du programme concernant les entreprises et la société et le travail et la société, il est préoccupé par l'absence relative de référence aux pouvoirs publics. L'OIT est une organisation tripartite et l'Etat est un acteur clé. A l'heure où la mondialisation menace la souveraineté et où l'individualisme menace la démocratie institutionnelle, les gouvernements sont de plus en plus vulnérables et ont autant besoin d'attention et d'assistance que les partenaires sociaux.
11. M. Ahmed (membre travailleur) a exprimé la satisfaction du groupe des travailleurs à la lecture du rapport. Les questions traitées ont une grande importance pratique, et l'orateur s'est dit particulièrement satisfait des leçons politiques qu'elles contiennent. La mondialisation a souvent une incidence défavorable sur les travailleurs, en marginalisant encore davantage les plus pauvres. S'il reconnaît que les gouvernements ont été influencés par la nécessité d'attirer des investissements étrangers directs dont le besoin est vital, l'orateur est d'avis que les ZFE ont ajouté à la souffrance des classes laborieuses en dévalorisant les conditions de travail et en ignorant les droits fondamentaux. Il a noté avec satisfaction que les préoccupations des acteurs sociaux ont reçu l'importance qu'ils méritent dans les nouveaux programmes et a émis l'espoir que les organisations d'employeurs et de travailleurs seront étroitement associées à ces travaux. Ces organisations opèrent à la base et pourront contribuer de manière concrète aux programmes en veillant à ce qu'ils reflètent les réalités actuelles.
12. Le groupe des travailleurs soutient particulièrement les activités éducatives. Le développement des liens avec les milieux estudiantins est un moyen très important de transmettre le message de l'OIT aux générations futures. Il conviendrait donc de renforcer l'interaction avec les universités. Le groupe des travailleurs continue à appuyer les stages et il note avec satisfaction l'organisation d'une activité similaire à l'échelon régional.
13. Dans le cadre du suivi du Sommet social par l'OIT, M. Ahmed a exprimé l'espoir que l'Institut accordera l'importance voulue aux problèmes du secteur non structuré et du secteur rural ainsi qu'à ceux des groupes vulnérables, notamment les femmes et les enfants qui travaillent et les travailleurs en état de servitude. Il faudrait centrer les efforts sur le renforcement de leurs capacités et la détermination des moyens qui pourraient leur garantir un meilleur accès aux ressources productives et aux organes de décision.
14. La représentante du gouvernement de la Hongrie a estimé que le déséquilibre entre l'attention accordée à l'Etat et celle accordée aux acteurs sociaux est plus apparent que réel. Elle a déclaré apprécier les nouvelles orientations des programmes «Entreprise et société» et «Travail et société», et a présumé qu'ils se rejoindraient en fin de compte pour définir les nouvelles relations entre l'entreprise et le travail ainsi que leurs relations distinctes avec la société civile. Les gouvernements apprendraient beaucoup de cet exercice. Le lien entre les travaux actuels de l'Institut et ses orientations futures pourrait cependant être davantage développé.
15. Le représentant du gouvernement du Brésil a déclaré que son gouvernement est satisfait du rôle stratégique joué par l'Institut dans la détermination et l'étude des questions qui auront plus tard leur place dans les travaux de l'OIT. Cela est particulièrement important dans le contexte actuel de la mondialisation et de la libéralisation des échanges. Tel est le cas, par exemple, du projet sur l'exclusion sociale, qui constitue un élément important du suivi du Sommet social par l'OIT. La série de séminaires et autres manifestations organisées par l'Institut et ses nombreuses publications ont contribué à faire mieux comprendre ce concept complexe et ont engendré des idées constructives pour surmonter l'exclusion. Le programme sur les systèmes mondiaux de production vient également à point nommé; il a offert une nouvelle perspective sur la nature des marchés du travail dans une économie mondiale. L'orateur a exprimé l'espoir que l'Institut continuera à jouer le rôle de cellule de réflexion de l'OIT en fournissant des informations et en stimulant le débat sur des questions qui l'intéresseront à l'avenir.
16. M. Anand (membre employeur) a noté avec satisfaction que les recherches de l'Institut ont établi que l'amélioration des compétences est un aspect déterminant de la politique. Il importe de souligner l'importance de la coopération des acteurs sociaux avec les gouvernements dans ce domaine. Les expériences actuellement menées par les organisations d'employeurs et de travailleurs sont autant de leçons qui méritent d'être documentées et diffusées. La Conférence internationale sur l'exclusion sociale a fourni à l'OIT un concept utile dans sa lutte contre la pauvreté et a déterminé les paramètres d'un programme d'action. Il appartient maintenant à l'OIT d'exploiter la mine d'informations qu'offre l'Institut. Notant que les institutions sociales connaissent elles-mêmes une mutation, M. Anand a relevé avec satisfaction que l'Institut envisage de traiter cette question dans ses programmes futurs. Lorsque les acteurs changent, les institutions et les modalités doivent suivre, et les recherches de l'Institut peuvent offrir des indications précieuses sur la nature et l'orientation du changement et sur les possibilités qui s'offrent aux partenaires sociaux. Le monde du travail et celui de l'entreprise constituent les deux bras vitaux de l'OIT, et les études qui les aideront à faire face à leurs responsabilités sociales futures seront extrêmement précieuses.
17. M. Anand a estimé que les recherches de l'Institut sur les chaînes de production pourraient contribuer à la mise au point d'une nouvelle politique de l'OIT optimisant leur contribution à l'emploi et à l'amélioration des compétences. Il s'agit d'un domaine dans lequel l'Institut pourrait aider l'OIT à ne pas seulement promouvoir la justice sociale mais à l'atteindre.
18. L'orateur a noté avec satisfaction l'organisation d'un séminaire régional à Abidjan et celle d'un cycle de conférences sur la politique sociale internationale de l'OIT à Kuala Lumpur.
19. M. Anand a vivement regretté que la préoccupation exprimée par le Conseil de l'Institut en 1996 à propos des besoins financiers de l'Institut n'ait pas eu d'écho. Il a estimé que, pour que l'Institut continue d'assumer son rôle de pionnier, l'OIT devait lui fournir davantage de ressources et de facilités.
20. Le représentant du gouvernement du Sénégal a déclaré que les activités menées en 1997 ont été particulièrement opportunes pour son pays. Comme de nombreux orateurs avant lui, il a estimé que l'Institut soulève des questions très importantes pour l'OIT et a émis l'espoir que les ressources qui lui sont allouées lui permettront de répondre aux demandes qui lui sont faites. Son programme de visites d'universitaires est irremplaçable pour apporter de nouvelles expertises à l'OIT et pour élargir ses horizons. Les cours et les séminaires de l'Institut contribuent au renforcement de la capacité des Etats Membres, et il devrait y avoir davantage d'initiatives telles que le séminaire sur les micro-entreprises organisé au début de cette année. Les publications contribuent à faire connaître l'OIT, et l'Institut a été particulièrement actif dans ce domaine. L'orateur a exprimé l'espoir que davantage sera fait pour promouvoir les publications de l'Institut et les rendre plus largement accessibles. Il a engagé l'Institut à être plus étroitement en contact avec les chercheurs d'autres organisations du système des Nations Unies, ce qui pourrait s'avérer mutuellement bénéfique.
21. Mme O'Donovan (membre travailleur) a estimé que les remarques liminaires du Directeur soulevaient des points importants qui méritaient un examen plus approfondi et devraient être communiqués au Conseil. S'agissant des systèmes mondiaux de production, les nouvelles stratégies des entreprises ont donné naissance à deux tendances conflictuelles: d'une part, une demande d'amélioration de la qualité et de la productivité et, d'autre part, la sous-traitance qui fait que les investissements dans la mise en valeur des ressources humaines sont limités. Ce point doit être étudié plus à fond. Notant la référence à un réseau entre les entreprises et la société, l'intervenante a espéré qu'un réseau du même type serait mis au point dans le cadre du programme «Travail et société» du fait, notamment, que les réseaux sociaux sont beaucoup moins développés que les réseaux d'entreprise.
22. M. Sombes (membre travailleur) s'est associé aux remarques de M. Ahmed concernant la qualité et l'intérêt des travaux de l'Institut. Celui-ci devrait poursuivre ses études sur les ZFE en s'attachant particulièrement à la question de l'exclusion sociale dans ces zones et à celle de leur incidence sur les relations professionnelles et les conditions de travail. Le programme «Travail et société» présentera beaucoup d'intérêt pour les syndicats et contribuera à la formation de chercheurs syndicaux. L'orateur a appuyé ce programme et émis l'espoir que des ressources suffisantes lui seront affectées. Il a souligné que la démocratie et la saine conduite des affaires publiques sont des conditions indispensables à de bonnes relations professionnelles et au respect des droits fondamentaux de la personne, et a suggéré que ces questions figurent dans le futur programme de travail de l'Institut.
23. Le Directeur a remercié le Conseil de l'intérêt qu'il porte aux travaux de l'Institut et de sa participation à ces travaux. Répondant à M. Imoisili, il a déclaré que les travaux sur l'exclusion sociale et les ZFE, qui étaient les principaux domaines d'activité en 1997, étaient indissociables du rôle des gouvernements. Les travaux relatifs aux entreprises et à la société ainsi qu'au travail et à la société effectués en 1997 avaient un caractère préliminaire. La question du rôle des organisations d'employeurs et de travailleurs dans l'amélioration des compétences posée par M. Anand a été soulevée dans le contexte des travaux sur les ZFE, mais relève du Département de l'emploi et de la formation du BIT. L'orateur a remercié le gouvernement du Brésil de son appui et notamment de sa contribution au programme sur l'exclusion sociale. Le programme de visites d'universitaires évoqué par le représentant du gouvernement du Sénégal est très utile pour apporter des idées et compétences nouvelles à l'Institut, et le Directeur a déploré que l'insuffisance des ressources limite le programme aux universitaires capables de prendre en charge leurs dépenses. Le séminaire sur les micro-entreprises a été organisé en étroite collaboration avec le département ENTREPRISE, et l'Institut est prêt à entreprendre des activités analogues à l'avenir. Notant la demande d'une plus large diffusion des publications, l'orateur a indiqué qu'il transmettrait cette requête au Service des ventes du BIT, qui est chargé de la diffusion des publications payantes. L'opposition entre sous-traitance, d'une part, et garantie de qualité et de compétitivité, d'autre part, soulignée par Mme O'Donovan, sera au centre des travaux de l'Institut sur les stratégies d'entreprise qui font partie du programme «Entreprise et société». La mise au point d'un réseau social relèvera quant à elle du programme «Travail et société».
24. Revenant sur les remarques de M. Anand relatives aux ressources, M. Tapiola a appelé l'attention du Conseil sur le fait que la première consultation relative au programme et budget de l'OIT pour les années 2000-2001 aura lieu lors de la session du Conseil d'administration de mars 1998. Il s'agit d'une étape clé au cours de laquelle les mandants peuvent donner au Bureau des indications pour les travaux futurs. Il est important de déterminer le rôle de l'Institut dans toute la chaîne d'activités de l'Organisation et de voir ce qu'entraînerait pour l'Institut, dans la pratique, une approche plus ciblée des objectifs de l'ensemble de l'Organisation. L'orateur s'est déclaré personnellement convaincu de l'importance de l'Institut non seulement comme entité distincte, mais également comme source d'idées capables d'alimenter les travaux des départements et la structure extérieure. Alors que les ressources sont rares et en stagnation, il est essentiel de faire le point des outils disponibles et de les utiliser au mieux. L'Institut fait partie de ces outils.
25. Le Conseil a pris note du rapport du Directeur.
Programme et budget pour 1998-99
26. Le Directeur a appelé l'attention du Conseil sur le fait que le programme et budget pour 1998-99 reflète un changement d'orientation. Le thème fondamental de l'Institut tel que défini par le Conseil en 1995, à savoir l'évolution des relations entre les institutions du travail, la croissance économique et l'équité sociale, reste inchangé. La mondialisation lui donne encore plus d'actualité. Ce thème a été examiné sous deux angles: les institutions du travail et la nouvelle organisation internationale. Ces questions qui restent la pierre angulaire des travaux de recherche de l'Institut avaient jusqu'à présent fait l'objet de programmes distincts. Du fait de la mondialisation, il est maintenant plus réaliste de les examiner simultanément plutôt que séparément. Il a donc fallu trouver une nouvelle approche synoptique pour aborder le thème originel déterminé par le Conseil.
27. La théorie excessivement optimiste du début des années quatre-vingt-dix selon laquelle le marché trouverait lui-même les solutions aux problèmes sociaux a été tempérée par les réalités politiques, une meilleure compréhension de l'importance des institutions sociales pour les résultats du marché et une plus grande appréciation du pouvoir de transformation des acteurs sociaux. Un nouvel individualisme change les attitudes face aux institutions établies, qu'il s'agisse de partis politiques, de syndicats ou d'associations d'entreprises. Cette évolution, associée aux nouvelles structures industrielles, entraîne une modification des rôles traditionnels des mandants de l'Organisation eux-mêmes. Les valeurs privées sont transformées en signaux sur le marché par le biais de la demande des consommateurs, des boycotts d'entreprise ou des pressions réglementaires. Le débat public a dépassé la question Etat/marché et s'intéresse de plus en plus aux relations marché/société. Cela met en évidence le rôle des acteurs sociaux dans les résultats du marché. Il s'agit de réalités nouvelles que l'Institut et l'OIT doivent saisir et qu'ils doivent refléter dans leurs programmes. Elles soulignent l'importance des acteurs sociaux et de l'évolution des environnements institutionnels. Cette question a déjà été soulevée lors des débats du Conseil en 1996. Les programmes proposés «Travail et société» et «Entreprise et société» répondent à ces préoccupations. Ensemble, ils visent à mettre le tripartisme dans la perspective contemporaine de la mondialisation et du changement social.
28. Revenant sur les déclarations précédentes du représentant du gouvernement de la Hongrie et de M. Imoisili, le Directeur est convenu qu'un débat sur la société civile ne saurait être complet sans un examen du rôle de l'Etat. En fait, le débat ne fait que commencer et devrait se développer au cours des prochaines années. Toutefois, le rôle de l'Etat en relation avec la politique sociale sera conditionné par l'évolution des syndicats et des organisations d'employeurs. Leurs réactions à l'évolution des structures industrielles, les niveaux auxquels ils interagissent et la nature des nouvelles relations professionnelles sont des éléments essentiels pour définir le rôle de l'Etat lui-même. De même, toute initiative prise par les entreprises et les travailleurs pour explorer leurs propres mécanismes d'ajustement préparera le terrain pour les futures négociations tripartites et en améliorera le climat. C'est pourquoi l'Institut a lancé des activités dans ce domaine. Le rôle de l'Etat sera examiné dans le cadre du programme des activités intersectorielles afin de jeter les bases d'un examen détaillé au cours de la période biennale 2000-2001. Ces programmes dans leur ensemble visent à répondre aux besoins ressentis par les mandants de l'OIT en leur fournissant un cadre analytique et conceptuel propre à développer de nouvelles perspectives de croissance future. Ils amélioreront également l'image publique des acteurs sociaux. Les relations entre société civile et marché vont faire l'objet d'un débat au niveau international au cours de la prochaine décennie. Il est essentiel que l'OIT participe à ce débat, et les programmes visent à la mettre en situation de faire mieux connaître le rôle de ses mandants au grand public.
29. Le programme des activités éducatives et intersectorielles a été renforcé pour préparer la voie aux futurs programmes de l'Institut, augmenter les échanges entre universitaires extérieurs, mandants de l'OIT et membres du personnel, et contribuer au suivi par l'OIT de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes.
30. L'Institut aura au total neuf fonctionnaires appartenant aux services organiques, y compris le Directeur, au cours de la prochaine période biennale. C'est là la masse critique minimale nécessaire pour lancer de nouveaux programmes. L'Institut s'engageant dans de nouveaux domaines, il est proposé d'utiliser avec souplesse les ressources en personnel pour attirer des universitaires de haut niveau pendant de brèves périodes afin qu'ils lancent de nouvelles activités, d'assurer un équilibre global entre les deux programmes de fond et d'utiliser au mieux les compétences en matière de recherche des différents membres du personnel. L'Institut cherchera des ressources extrabudgétaires chaque fois que possible, et il faut espérer que le Conseil l'aidera à mettre en place des réseaux de recherche et à avoir accès à un financement par des tiers.
31. M. Anand a exprimé des réserves quant au financement extrabudgétaire des programmes de recherche. Il a fait valoir que les nouveaux programmes portent sur des questions très délicates et qu'il importe que les activités de recherche apparaissent comme totalement objectives. C'est la seule manière de garantir qu'elles soient acceptées par les mandants de l'Organisation. Par conséquent, la recherche devrait être financée par le budget ordinaire de l'OIT afin d'éviter toute influence externe ou contrôle indus. A cette fin, l'OIT devrait accroître sa contribution à l'Institut au cours des prochains exercices. L'orateur a noté que les consultations préliminaires concernant le budget pour 2000-01 auront lieu en mars 1998. Il importe que les groupes et le Bureau prennent les mesures nécessaires à ce moment-là.
32. Les nouvelles orientations du programme sont à la fois appropriées et opportunes. Les organisations d'employeurs et les syndicats se sont développés dans un contexte de relations professionnelles antagonistes. Or les réalités actuelles dans le monde remettent sérieusement en question cette situation et, avec elle, la structure, les fonctions et le caractère approprié de ces organismes et de leurs méthodes d'interaction. La survie de la société et la promotion de la justice sociale appellent désormais la coopération. Cela exige un changement radical dans le comportement des acteurs sociaux et une expansion de leurs domaines d'action et de leurs compétences au-delà des relations professionnelles, vers la mise en valeur des ressources humaines, la promotion de l'emploi et la cohésion sociale. A cette fin, il leur faudra forger des partenariats et des alliances stratégiques avec d'autres organismes qui partagent leurs idées. M. Anand a fait remarquer que, pour créer des réseaux, il importe de s'adresser, au-delà des organisations d'employeurs, aux associations économiques telles que la Chambre de commerce internationale (CCI). L'Organisation internationale des employeurs entretient de bonnes relations de travail avec la CCI, et il conviendrait de mettre à profit ses ressources et son expérience. En lançant ses nouveaux programmes, l'Institut a assumé un rôle de premier plan dans la recherche des paramètres de la politique sociale de demain. Les syndicats et les organisations d'employeurs sont des éléments stables dans un contexte politique qui évolue rapidement, et toute action susceptible de les aider à remplir ce rôle sera d'une utilité estimable. L'orateur a donc insisté une fois encore sur le fait qu'il fallait mettre à la disposition de l'Institut des ressources suffisantes pour lui permettre de mener à bien les programmes proposés.
33. S'associant aux remarques de M. Anand, M. Imoisili a déclaré que les programmes proposés revêtent une importance considérable pour les mandants tripartites de l'OIT. Le groupe des employeurs a noté, non sans préoccupation, le déclin de la contribution de l'OIT. L'Institut a fait preuve d'une discipline budgétaire remarquable, et le groupe des employeurs approuve la répartition des ressources parmi les divers programmes. A l'instar de M. Anand, l'orateur estime que le financement par des tiers doit être envisagé avec précaution et il espère que, compte tenu du fait que les gouvernements sont la principale source de financement, l'utilité des travaux de l'Institut pour les partenaires sociaux sera reconnue. Il a émis quelques réserves sur l'utilisation de l'expression «travailleurs organisés» (paragr. 21) qui doit être définie avec précision. Les relations individuelles entre employeur et salarié se développent de plus en plus ainsi qu'un modèle de relations professionnelles fondé sur la gestion des ressources humaines. Cette évolution et ses implications pour les travailleurs organisés ne devraient pas être négligées dans les études qu'on se propose d'entreprendre. Le groupe des employeurs approuve le programme et budget.
34. M. Ahmed a déclaré que le groupe des travailleurs appuie les nouvelles orientations du programme qui sont à la fois pertinentes et opportunes. Cependant, il a noté un déséquilibre entre les allocations en personnel pour chacun des deux programmes, et il espère que ce déséquilibre sera corrigé. Le groupe des travailleurs est particulièrement satisfait de la manière dont le programme «Travail et société» a été formulé. Ils espèrent qu'il y sera dûment tenu compte des questions d'égalité entre les sexes et que le programme aidera les syndicats à développer leur capacité d'analyse et de recherche. L'intention manifestée par l'Institut d'étudier la possibilité de forger des alliances stratégiques entre les acteurs du secteur structuré et leurs homologues du secteur non structuré est certainement la bienvenue pour les syndicats. L'opinion de M. Imoisili concernant le modèle de relations professionnelles fondé sur la gestion des ressources humaines est certes respectable, mais l'orateur estime qu'un cadre institutionnel est nécessaire pour que les travailleurs puissent exercer une réelle influence, non pas seulement au niveau de l'entreprise, mais aussi au niveau national, en matière de politique industrielle et sociale. En tant qu'individus, ils sont vulnérables à l'exploitation; en tant que membres d'une organisation, ils sont protégés par la négociation collective et donc plus enclins à souscrire aux idéaux de la paix et de l'harmonie sociales. Cela va dans le sens des intérêts des employeurs. Il faut espérer que le programme «Travail et société» permettra de renforcer la capacité des syndicats de négocier, non seulement au nom de leurs membres, mais aussi au nom des travailleurs du secteur non organisé. De même, l'orateur espère que le programme «Entreprise et société» mettra en lumière la responsabilité sociale de l'entreprise et son rôle dans la promotion du dialogue social, de bonnes conditions de travail et de relations saines entre les employeurs et les travailleurs, fondées sur le respect des droits de l'homme fondamentaux.
35. Le représentant du gouvernement du Brésil a dit qu'il avait apprécié l'exposé du Directeur relatif au changement d'orientation du programme. Son gouvernement appuie les propositions de programme et de budget.
36. Le Directeur a assuré les membres du Conseil qu'il avait dûment pris note de tous leurs commentaires, et il les a remerciés de leur soutien et de leurs encouragements, non pas seulement pendant les réunions du Conseil, mais aussi tout au long de l'année. Il sera tenu compte de la suggestion de M. Anand selon laquelle l'Institut pourrait se tourner, au-delà des organisations d'employeurs et des syndicats, vers des organismes intermédiaires tels que la CCI. Le Directeur a également pris note de la remarque concernant l'importance qu'il y a à ce que les travaux de recherche proposés soient menés dans un esprit d'indépendance reconnu.
37. Le Conseil a adopté le programme et budget pour 1998-99 et, en conséquence, il transmet au Conseil d'administration du BIT le programme pour qu'il l'entérine et le budget pour approbation définitive, conformément aux dispositions de l'article II, paragraphe 6, du Règlement de l'Institut(4) .
Acceptation de contributions et de dons
38. Le président a noté que cette question de l'ordre du jour recouvrait deux points, à savoir le legs d'Edward Phelan et la contribution des confédérations des employeurs du Danemark, de la Finlande, de la Norvège et de la Suède au cours de stagiaires.
39. Le Directeur général a fait savoir que l'Institut a reçu un legs aux termes des testaments de M. Edward Phelan, ancien Directeur général du BIT, et de sa femme, Mme Ferdinande Phelan. Edward Phelan, l'un des premiers fonctionnaires nommés au BIT lorsque l'Organisation a été créée en 1919, est devenu Sous-directeur général en 1933 et Directeur général adjoint en 1938. Nommé Directeur général en 1941, il a assumé ces fonctions jusqu'en 1946. Sa contribution à la croissance et au développement de l'Organisation a été exceptionnelle dans l'entre-deux-guerres, et c'est à lui surtout que l'Organisation doit d'avoir survécu à la seconde guerre mondiale. Conformément au testament de M. Phelan, l'Institut doit recevoir 10 pour cent de sa fortune, étant entendu que ce legs sera utilisé pour financer des bourses portant le nom de Phelan. Mme Phelan a légué quant à elle à l'Institut 25 pour cent de sa fortune. A ce jour, l'Institut a reçu environ 470 000 francs suisses au titre de ces legs. Leur montant définitif dépendra du produit de la vente des biens des Phelan. L'Institut a l'intention d'investir cette somme dans un compte séparé et d'utiliser les intérêts pour financer des bourses.
40. Le Directeur a remercié les confédérations d'employeurs du Danemark, de la Finlande, de la Norvège et de la Suède pour leur contribution de 5 000 dollars au cours de stagiaires.
41. M. Ahmed a souhaité que l'expression de la gratitude du groupe des travailleurs à l'égard du legs Phelan soit consignée dans le rapport. Il a également remercié les confédérations d'employeurs des pays nordiques de leur contribution au cours de stagiaires.
42. M. Imoisili a demandé que la reconnaissance du groupe des employeurs à l'égard du legs Phelan soit également consignée dans le rapport, et il a proposé que ce don généreux soit porté à l'attention des anciens Directeurs généraux. Les bourses pourraient servir à réunir des membres d'organisations d'employeurs et de travailleurs à Genève afin qu'ils travaillent sur des questions présentant un intérêt commun pour l'OIT et pour leurs organisations nationales. L'orateur a également remercié les confédérations d'employeurs des pays nordiques de la part du groupe des employeurs.
43. Le Conseil a recommandé à la Commission du programme, du budget de l'administration du Conseil d'administration du BIT d'accepter avec reconnaissance le legs Phelan ainsi que la contribution des confédérations d'employeurs au cours de stagiaires.
Genève, le 17 novembre 1997.
Point appelant une décision: paragraphe 37.
1. Document INS.B.XXXIX/2, annexé.
2. Document INS.B.XXXIX/3, annexé au document GB.270/PFA/3/1.
3. Document INS.B.XXXIX/4, annexé au document GB.270/PFA/3/2.
4. Les propositions ont été examinées par la Commission du programme, du budget et de l'administration, telles qu'elles figurent dans le document GB.270/PFA/3/1.
5. Document INS.B.XXXIX/3.