GB.271/4/1 |
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QUATRIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR
Date, lieu et ordre du jour
de la 88e session (2000) de la Conférence
Table des matières
1. Mise en valeur des ressources humaines: orientation et formation professionnelles
2. Investissement et emploi
3. Promotion des coopératives
4. Règlement des conflits du travail
5. Prévention du harcèlement sexuel au travail
6. Enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris la révision de la
liste des maladies professionnelles, tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail
et de maladies professionnelles, 1964)
7. Sécurité et santé dans l'agriculture
8. Normes de base en matière de sécurité sociale
9. Emploi des jeunes
1. Conformément aux dispositions adoptées par le Conseil d'administration à sa 254e session (novembre 1992)(1) , il est proposé que la 88e session (2000) de la Conférence internationale du Travail s'ouvre le mardi 6 juin 2000.
2. Il est proposé que la session se tienne à Genève.
3. La Conférence sera saisie des questions inscrites d'office, à savoir:
4. L'ordre du jour de la 87e session (1999) de la Conférence, tel qu'il a été établi par le Conseil d'administration à sa 268e session (mars 1997), comprend les trois questions suivantes: 1) le travail des enfants (seconde discussion); 2) révision de la convention no 103 (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952 (première discussion); et 3) le rôle de l'OIT dans la coopération technique (discussion générale).
5. Le programme et budget pour la période biennale 1998-99 prévoit, à des fins de prévisions budgétaires et sans préjuger de la décision du Conseil d'administration, que trois questions techniques au total pourraient être inscrites à l'ordre du jour de la Conférence en l'an 2000(2) . Etant donné qu'une seconde discussion devrait se tenir en l'an 2000 en vue de la révision de la convention no 103 (révisée) et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, le Conseil d'administration devrait, à sa présente session, n'avoir que deux questions techniques à choisir en vue de compléter l'ordre du jour de la 88e session (2000) de la Conférence.
6. Lors de sa 270e session (novembre 1997), le Conseil d'administration a examiné un document préparé par le Bureau,
contenant un projet de portefeuille de propositions en vue de la première discussion pour la fixation de l'ordre du jour de la
Conférence en l'an 2000(3) . A l'issue de cet examen, le Conseil d'administration a ajouté la question de l'emploi des jeunes
au projet de portefeuille, à la demande du groupe des employeurs. Il a également sélectionné un nombre restreint de
propositions devant faire l'objet d'un examen plus approfondi à sa présente session et a décidé de demander que des
rapports sur la législation et la pratique ou des propositions plus détaillées lui soient soumis sur les neuf questions suivantes:
1) Mise en valeur des ressources humaines: orientation et formation professionnelles.
2) Investissement et emploi.
3) Promotion des coopératives.
4) Règlement des conflits du travail.
5) Prévention du harcèlement sexuel au travail.
6) Enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris la révision de la liste des
maladies professionnelles, tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies
professionnelles, 1964).
7) Sécurité et santé dans l'agriculture.
8) Normes de base en matière de sécurité sociale.
9) Emploi des jeunes.
7. Autres révisions. En outre, le Conseil d'administration pourrait, s'il le souhaite, inscrire directement à l'ordre du jour de la 88e session (2000) de la Conférence la révision d'une ou de plusieurs normes existantes sur la base des recommandations formulées par le Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail dans son rapport soumis à la présente session du Conseil d'administration. Lors de la session de novembre 1997, le Conseil d'administration avait déjà évoqué la possibilité de réviser la convention (no 127) sur le poids maximum, 1967, ou la convention (no 136) sur le benzène, 1971.
8. On rappellera que les questions nos 2, 3, 4 et 6 ont déjà fait l'objet de propositions soumises au Conseil d'administration, notamment à sa 268e session (mars 1997)(4) . Chacune de ces contributions a fait l'objet de modifications en vue d'une mise à jour. Par conséquent, les contributions relatives à l'ensemble des neuf questions énumérées ci-dessus (paragr. 6) sont reproduites dans le présent document.
9. Conformément aux demandes formulées par un certain nombre de mandants au cours des débats, la liste de questions reproduite ci-dessus ne préjuge pas du type d'action dont elles pourraient faire l'objet lors de la 88e session (2000) de la Conférence. Toutefois, les questions nos 3, 5, 6 et 7 sont soumises en vue d'une action normative. Les questions nos 2, 4 et 9, quant à elles, sont présentées en vue d'une discussion générale. Enfin, les questions nos 1 et 8 pourraient donner lieu à une discussion générale, éventuellement en vue d'une action normative ultérieure.
10. Compte tenu des développements qui sont intervenus à la session de novembre 1997 du Conseil d'administration en ce qui concerne tant les recommandations formulées par le Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail que les amendements au Règlement de la Conférence adoptés par le Conseil, un second document est soumis à la présente session du Conseil d'administration. Ce document contient des propositions en vue du retrait de cinq conventions qui ne sont jamais entrées en vigueur. Les propositions formulées dans ce document n'ont pas d'incidence sur le nombre des questions techniques à choisir par le Conseil d'administration pour la fixation de l'ordre du jour de la 88e session (2000) de la Conférence internationale du Travail.
11. Evénement spécial à l'occasion de l'an 2000. Le groupe des employeurs a proposé qu'un sommet spécial soit organisé lors de la session de l'an 2000 de la Conférence internationale du Travail afin de lancer une réflexion sur le rôle de l'OIT au cours du troisième millénaire. Cette proposition a reçu l'appui d'un certain nombre de gouvernements. Le groupe des travailleurs a reconnu l'intérêt d'un tel événement dans la mesure où il ne porterait pas atteinte au déroulement régulier des travaux de la Conférence. Certaines propositions ont été faites quant au thème d'un tel événement, en particulier la question de l'emploi, celle des droits fondamentaux de l'homme au travail et celle de la justice sociale.
12. Développement du portefeuille. Plusieurs mandants ont souhaité mettre l'accent sur un certain nombre de questions non retenues sur la liste restreinte qui doit être examinée à la présente session du Conseil d'administration. En particulier, la question de l'aménagement du temps de travail a reçu l'appui de plusieurs gouvernements. Un gouvernement a demandé officiellement que cette question soit inscrite à l'ordre du jour de la Conférence, y compris l'éventuelle révision de la convention (no 1) sur la durée du travail (industrie), 1919, et de la convention (no 30) sur la durée du travail (commerce et bureaux), 1930. En outre, plusieurs membres du Conseil d'administration ont exprimé le souhait que le Bureau accélère ses travaux de recherche sur un certain nombre de questions incluses dans le projet de portefeuille, telles que la prévention des risques biologiques sur les lieux de travail, le rôle de l'OIT dans la reconstruction de pays sortant d'un conflit armé et l'emploi des femmes.
* * *
1. Mise en valeur des ressources humaines:
orientation et formation professionnelles
Résumé |
Il est proposé d'inscrire à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail, à sa 88e session en 2000, une discussion générale sur le thème de la formation et de la mise en valeur des ressources humaines, en vue de l'éventuelle élaboration d'un nouvel instrument par la Conférence à sa 89e session en 2001. Cette proposition résulte des discussions qui ont eu lieu au Conseil d'administration, des avis exprimés par les Etats Membres au sujet des questions dont on pourrait envisager l'examen aux sessions futures de la Conférence, et des recherches préliminaires entreprises par le Bureau pour évaluer si la convention (no 142) et la recommandation (no 150) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975, traitent comme il convient les questions qui se posent actuellement dans le cadre de la réforme des politiques et des systèmes de formation dans les Etats Membres. Les résultats de ces activités donnent à penser qu'il n'est peut-être pas nécessaire pour le moment de réviser la convention no 142. En revanche, la recommandation est dépassée du fait de l'évolution de la situation économique et sociale au cours des deux décennies écoulées; elle donne une orientation insuffisante aux pays qui cherchent à réformer leur politique et leur système de formation. Le but de la discussion générale proposée pour la Conférence en 2000 est donc d'examiner les nouveaux impératifs pour les politiques de formation et, sur cette base, d'orienter le Bureau pour l'élaboration de nouvelles normes qui pourraient être soumises en vue de leur éventuelle adoption à la 89e session de la Conférence en 2001. |
Formation et mise en valeur des ressources humaines
dans le contexte d'une économie mondiale caractérisée
par une intégration de plus en plus forte
13. La mondialisation ouvre des possibilités nouvelles aux travailleurs, aux entreprises et à l'économie dans son ensemble, mais elle comporte aussi pour eux des risques. Afin de profiter des possibilités et d'atténuer les risques, il convient de prendre un ensemble de mesures comportant, en tant qu'élément fondamental, un volet formation et mise en valeur des ressources humaines.
14. La libéralisation des échanges, des investissements et des mouvements de capitaux ont pour effet d'accroître l'intégration de l'économie mondiale. A mesure que se développent les systèmes de production globaux, on observe une nette augmentation des échanges entre sociétés d'un même groupe établies dans des pays différents pour les produits intermédiaires, la sous-traitance, l'octroi de licences, le franchisage et l'externalisation des approvisionnements. La cadence des innovations technologiques et la rapidité avec laquelle les produits deviennent obsolescents raccourcissent le cycle de vie des produits et incitent les entreprises à adopter des systèmes de production flexibles, comme l'automatisation flexible et la production par petits lots, afin de conserver leur compétitivité sur les marchés nationaux et internationaux. Le volume de 1998-99 de L'emploi dans le monde, qui sera consacré au thème de la formation aux fins de l'emploi, analysera ces tendances et leurs prolongements en ce qui concerne les politiques et les systèmes de formation dans le monde.
15. L'orientation vers des systèmes de production plus flexibles donne lieu à une réorganisation du travail. La responsabilité et le pouvoir de décision sont de plus en plus dévolus aux travailleurs, qui travaillent souvent en équipes. Réduction des niveaux hiérarchiques, collaboration interdépartementale, travail d'équipe et primes d'encouragement à l'innovation sont les consignes à respecter pour s'adapter rapidement à l'évolution de la demande des marchés.
16. Les systèmes de production flexibles et les nouveaux modes d'organisation du travail offrent un avantage aux travailleurs qui ont une bonne formation initiale, qui sont éduquables et qui ont la faculté de s'adapter à des techniques multiples, tout en possédant les aptitudes à la communication et la qualité comportementale nécessaires pour le travail en équipe et tout en étant capables de raisonner logiquement et de résoudre des problèmes.
17. Cela étant, l'innovation technologique a également une incidence sur le travail et les qualifications dans des secteurs aussi importants que celui des industries de transformation, par exemple l'agriculture, l'infrastructure et les services (la banque, les transports, les communications et les services publics). Joints au secteur non structuré dans les pays en développement, ces secteurs continuent d'absorber l'essentiel de la population active occupée. Dans ces secteurs, qui sont liés aux industries manufacturières, la suppression des facteurs de blocage et l'amélioration de l'efficience en faisant appel aux nouvelles technologies peuvent améliorer la productivité tout en offrant des possibilités de création d'emplois. La formation visant à répondre aux nouvelles exigences professionnelles dans ces secteurs occupera donc une place importante dans les efforts déployés par les pays pour profiter des possibilités offertes par la mondialisation.
18. Cependant, la concurrence à l'échelle mondiale peut aussi comporter des risques pour les travailleurs du fait que les entreprises s'efforcent de réduire au minimum les coûts, par exemple en se restructurant, en réduisant leurs effectifs et en sous-traitant, ces initiatives allant de pair avec un développement des formes de travail atypiques, comme le travail à temps partiel et le travail temporaire. Le spectre de l'insécurité et du chômage touche en particulier les femmes, les travailleurs non qualifiés et ceux dont les qualifications deviennent obsolètes à mesure qu'évoluent les technologies.
19. Nombreux sont ceux qui maintiennent que le travail et l'emploi exigent une formation professionnelle de plus en plus poussée, les économies nationales et les entreprises cherchant à accroître leur productivité et leur compétitivité. Les résultats de l'emploi tendent à être de plus en plus déterminés par les qualifications et les connaissances que possèdent les individus. Alors que la mondialisation s'accélère, les pays s'efforcent d'améliorer l'efficacité de la main-d'œuvre tout en assurant l'égalité d'accès à la formation et à la mise en valeur des ressources humaines et en accordant un appui spécial aux groupes défavorisés de la société, comme les chômeurs de longue date et les travailleurs victimes de suppressions d'emploi. Les travailleurs d'un certain âge et les travailleurs peu instruits en particulier peuvent éprouver des difficultés à s'adapter aux nouvelles qualifications plus élevées qui sont demandées sur le marché de l'emploi. Le grand défi à relever consiste à trouver des solutions pour que ces travailleurs puissent maintenir leur aptitude à l'emploi et gagner décemment leur vie, la formation et la reconversion figurant sans doute en l'occurrence au nombre des solutions. Pour atteindre les objectifs d'efficacité et d'équité de la formation, il faudra investir davantage, collectivement et individuellement, dans la formation et la mise en valeur des ressources humaines dans le contexte des réformes des politiques et des systèmes de formation.
Vers une réforme des politiques
et des systèmes de formation
20. Bon nombre de pays s'engagent dans des réformes de grande envergure pour adapter la formation et la mise en valeur des ressources humaines afin de relever plus efficacement et plus équitablement les défis posés par la mondialisation. Les médias, les déclarations de politique générale et l'information font une place de plus en plus grande à la formation des ressources humaines.
21. Les réformes lancées tant dans les pays industriels que dans les pays en développement ont plusieurs fils conducteurs communs. Une tâche primordiale consiste à définir un projet commun à toutes les parties prenantes dans la formation et la mise en valeur des ressources humaines (à savoir l'Etat et les partenaires sociaux, mais aussi d'autres organisations et les individus qui représentent la société civile) pour relever les défis et saisir les occasions qui se présentent. Comme l'Etat n'assume plus comme auparavant son rôle de principal financier et dispensateur de la formation, la difficulté consiste à forger un nouveau partenariat entre l'Etat, le secteur des entreprises, les syndicats et les autres parties prenantes de la formation. Ce partenariat porte sur trois grands thèmes: l'élaboration d'une politique et d'un système de formation; le financement de la formation; la mise en place de programmes de formation. Dans tous ces domaines, c'est par le biais d'un dialogue multipartite que l'on parviendra à un consensus sur la politique nationale de formation et que l'on augmentera les ressources qui lui sont consacrées.
22. Le deuxième grand aspect de la réforme touche à l'élaboration d'une politique et d'un cadre institutionnel pour la formation initiale et continue de la main-d'œuvre en considération de l'évolution économique et sociale. A la suite de réformes de l'enseignement, les jeunes sont maintenant de mieux en mieux formés. En même temps, de nombreux emplois traditionnels peu qualifiés, situés au bas de l'échelle, ont disparu. Les réformes ont donc été centrées sur les programmes visant à lutter contre le chômage des jeunes par le biais de la formation et de l'instauration des conditions et des mécanismes propres à assurer le passage sans encombre des jeunes de l'école au travail. Les pays s'orientent également vers un système de formation continue tout en exploitant les possibilités offertes par le marché de la formation. La formation continue est considérée comme un instrument fondamental pour aider les travailleurs à s'adapter aux nouvelles exigences professionnelles et les entreprises à devenir plus compétitives sur des marchés mondiaux de plus en plus intégrés. De nos jours, les individus comme les entreprises considèrent que la formation est un investissement dans les ressources humaines.
23. Cependant, malgré de grands discours sur la nécessité d'accroître l'investissement tant dans la formation initiale que dans la formation continue, le volume effectif de la formation a souvent été insuffisant pour préparer la main-d'œuvre à relever les défis qui l'attendent. La limitation des dépenses publiques et la restructuration des entreprises ont eu pour effet de réduire les ressources allouées à la formation ou de les cibler de telle sorte que les ressources disponibles ne profitent pas à tous de manière satisfaisante et équitable. Il arrive de plus en plus souvent que les groupes les plus défavorisés se voient barrer l'accès à la formation et aux ressources qui lui sont consacrées, ce qui accélère leur processus d'exclusion. Le défi qui consiste à diversifier et à élargir la base de ressources pour la formation est à la fois politique, économique et social. La flexibilité accrue des marchés du travail et les aléas de la conjoncture économique entraînent aussi pour les pays de nouvelles difficultés s'agissant de la mise en place d'incitations et de la rentabilité de l'investissement dans la formation à tous les niveaux: celui de l'individu, celui de l'entreprise et celui de l'Etat. Il convient d'aborder ce problème en élaborant une nouvelle conception d'un investissement partagé entre l'Etat, l'entreprise et l'individu, chacun avec ses objectifs et ses valeurs complémentaires, afin d'instaurer un meilleur équilibre et d'améliorer l'accès à tous les niveaux au continuum représenté par l'éducation, la formation initiale et la formation continue.
La contribution de la formation
et de la mise en valeur des ressources humaines
à la croissance économique dans l'équité
24. La formation peut jouer un rôle fondamental dans la promotion de la croissance économique dans l'équité; elle profite à la fois aux individus, aux entreprises, à l'économie et à la société dans son ensemble; elle peut aussi contribuer à améliorer le fonctionnement des marchés du travail.
25. La formation aide les individus à développer leurs compétences et à améliorer leurs qualifications et elle est une source déterminante de flexibilité et d'adaptabilité sur les marchés du travail qui évoluent rapidement de nos jours. La formation améliore les perspectives des individus pour ce qui est de trouver et de conserver un emploi; elle améliore leur productivité au travail, leur capacité de gain et leur niveau de vie; enfin, elle élargit leur choix professionnel et leurs perspectives de carrière. En réduisant la vulnérabilité et l'exclusion sociales, la formation contribue à l'équité dans l'accès à l'emploi. Les entreprises en tirent également profit, car la formation améliore la productivité des travailleurs tout en augmentant la compétitivité et les bénéfices des sociétés. L'économie tire profit de la formation, qui la rend plus productive, inventive et compétitive. La formation peut contribuer à éliminer l'inadéquation des qualifications par secteur, par région et par profession. Dans bien des pays, la croissance économique rapide et le progrès social sont invariablement allés de pair avec des investissements importants dans l'éducation et la formation. L'homologation et la reconnaissance des compétences et des qualifications professionnelles acquises à l'issue d'une formation donnent aux employeurs comme aux travailleurs une information précieuse qui permet un meilleur fonctionnement des marchés du travail. Enfin, la formation contribue de manière non négligeable à la moindre pollution de l'environnement en assurant les qualifications recherchées dans l'optique de l'amélioration des normes écologiques régissant la production des biens et des services.
26. La formation et la mise en valeur des ressources humaines peuvent donc contribuer de manière sensible à la croissance économique dans l'équité. Cependant, la mise en valeur des ressources humaines ne peut atteindre cet objectif par elle-même, elle doit faire partie intégrante des politiques économiques et sociales, et notamment des politiques macroéconomiques qui tendent à promouvoir un développement économique et social équitable et fondé sur l'emploi.
Les activités normatives de l'OIT
dans le domaine de la mise en valeur
des ressources humaines
27. Les principaux instruments de l'OIT dans le domaine de la mise en valeur des ressources humaines et de la formation sont la convention no 142 et la recommandation no 150. Ils couvrent en principe tous les aspects de la formation et de l'orientation professionnelles à différents niveaux et ont remplacé la recommandation (no 117) sur la formation professionnelle, 1962, qui avait elle-même remplacé une série de normes spécifiques élaborées depuis 1939, en particulier la recommandation (no 57) sur la formation professionnelle, 1939, la recommandation (no 60) sur l'apprentissage, 1939, et la recommandation (no 88) sur la formation professionnelle (adultes), 1950.
28. Beaucoup d'autres instruments reconnaissent aussi la contribution de la formation et de l'orientation professionnelles à l'emploi, aux conditions de travail et à un traitement équitable, et certains sont étroitement liés, à savoir: la convention (no 140) et la recommandation (no 148) sur le congé-éducation payé, 1974; la recommandation (no 99) sur l'adaptation et la réadaptation professionnelles des invalides, 1955, ainsi que la convention (no 159) et la recommandation (no 168) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983; la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973; la convention (no 111) et la recommandation (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958; la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964; la convention (no 100) et la recommandation (no 90) sur l'égalité de rémunération, 1951.
29. Les récentes discussions qui ont eu lieu au Conseil d'administration au sujet des activités normatives futures donnent à penser que la valorisation des ressources humaines et la formation sont au premier rang des priorités, et que les instruments relatifs à la mise en valeur des ressources humaines, notamment la convention no 150, devraient être modernisés et adaptés compte tenu de l'évolution socio-économique et de la modification des politiques de formation, ainsi que de la réorganisation des systèmes de formation et d'orientation professionnelles et du changement de méthodes dans ces domaines, parallèlement à un renforcement de l'assistance technique destinée à en promouvoir l'application. Plusieurs études nationales achevées au cours de la période biennale précédente (1996-97) ont également tiré cette conclusion, et elles constituent, avec d'autres travaux de recherche exécutés dans le cadre du programme ordinaire, une base solide pour l'élaboration d'un document de synthèse sur ces questions à présenter à la Conférence en 2000 pour une discussion générale sur la mise en valeur des ressources humaines et la formation. Cela a été confirmé lors de la 270e session du Conseil d'administration, en novembre 1997, lorsque le projet de portefeuille a été discuté. La proposition sur la mise en valeur des ressources humaines a été retenue avec l'appui des employeurs, des travailleurs et de 19 gouvernements.
30. Adoptées en 1975, la convention no 142 et la recommandation no 150 reflètent la situation économique et sociale de l'époque. La politique économique, sociale et industrielle était alors planifiée dans la plupart des pays, la révolution de la technologie de l'information en était encore à son début, dans les entreprises le travail était largement organisé selon les principes du taylorisme, et le travail -- salarié -- était assorti de la sécurité de l'emploi. On peut considérer que la convention no 142, qui est assez générale, est encore valable, mais la recommandation no 150 est clairement dépassée.
31. La recommandation no 150 reflète le modèle de planification de l'époque, tout en laissant peu de place aux questions touchant à la demande et au marché de l'emploi. Elle ne donne guère de précisions sur bon nombre de points qui de nos jours sont au cœur des réformes des politiques et des systèmes de formation engagées par les Etats Membres, et notamment la politique de formation, son orientation stratégique et son cadre réglementaire; le rôle respectif des parties prenantes autres que l'Etat -- le secteur privé, les partenaires sociaux et la société civile par exemple -- dans l'élaboration des politiques et la prestation de la formation; les possibilités et les mécanismes de diversification de la formation et la mobilisation d'autres sources de financement; la conception de mécanismes et de méthodes adaptés pour cibler les programmes de formation sur des groupes déterminés; le remplacement progressif de la formation axée sur l'acquisition de «qualifications» par le développement et la reconnaissance de «compétences» comprenant tout un éventail de connaissances, de techniques, de qualités comportementales et d'attitudes liées au travail; enfin, la nécessité croissante d'orienter les activités visant à améliorer les compétences vers la préparation des travailleurs à une activité indépendante et au secteur non structuré.
Points suggérés pour une discussion générale
32. Si le Conseil d'administration décide d'inscrire à l'ordre du jour de la Conférence, en vue d'une discussion générale préliminaire, une question sur la formation et la mise en valeur des ressources humaines, la Conférence souhaitera peut-être aborder les sujets suivants:
33. En conclusion, il est proposé de tenir une discussion générale à la Conférence internationale du Travail en 2000 sur le thème «la formation et la mise en valeur des ressources humaines»; cette discussion guiderait le Bureau pour la préparation d'éventuels nouveaux instruments. S'il en est ainsi décidé, une nouvelle recommandation pourrait être élaborée dans le cadre d'une procédure de simple discussion pour adoption à la 89e session de la Conférence internationale du Travail en 2001. Cela n'empêcherait pas la Conférence de se prononcer sur l'élaboration de nouveaux instruments sous la forme d'une convention, d'une recommandation ou des deux, dans le cadre de la procédure régulière de double discussion. Au cas où la présente proposition serait inscrite à l'ordre du jour de la Conférence en l'an 2000, le Bureau reprogrammerait les activités afin d'entreprendre le travail préparatoire nécessaire pendant la période biennale en cours (1998-99).
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2. Investissement et emploi
Résumé |
Une discussion générale est proposée sur un ensemble de questions découlant des conclusions adoptées par la Conférence en juin 1996 dans lesquelles on a souligné que nombre des préoccupations majeures de l'OIT ont un rapport avec l'investissement. Sans un investissement durable et bien ciblé, les objectifs de politique sociale sont difficiles à atteindre. Il est essentiel de préciser la nature de l'investissement, les facteurs qui motivent la décision d'investir et l'incidence qu'il a sur l'emploi. On trouvera ci-après quelques réflexions concernant l'incidence de l'investissement sur la croissance de la production et de l'emploi, les décisions des entreprises en la matière, l'interaction entre les secteurs publics et privés et l'investissement étranger direct. Cette proposition se termine par une liste de points suggérés pour la discussion. L'investissement des entreprises est un élément essentiel dans la promotion de l'emploi. Pour être des plus efficaces, il a besoin d'un contexte approprié et il doit tenir compte des dotations en facteurs et des marchés du travail locaux. L'investissement étranger peut jouer un rôle essentiel en introduisant des techniques et des méthodes de travail nouvelles et en ouvrant des marchés d'exportation. Les pouvoirs publics peuvent encourager l'investissement de diverses manières, principalement en fournissant des infrastructures et en créant de bonnes conditions fiscales, financières et juridiques. En matière d'investissement étranger, il faut respecter la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale, par laquelle on a demandé aux gouvernements de prendre des mesures pour maximiser la contribution de l'investissement étranger au développement. La coopération entre travailleurs et direction peut également contribuer à ce que les entreprises locales et étrangères prennent la décision de développer leurs activités et de construire de nouvelles installations. A ce sujet, il conviendrait de développer parallèlement les ressources humaines et le capital matériel. Tout risque de suppression d'emplois lié à des investissements dans des équipements plus productifs devrait être identifié dès que possible. L'investissement dans les infrastructures à l'échelle locale, de la part de petites et moyennes entreprises, peut être particulièrement créateur d'emplois, et on devrait encourager encore les moyens de stimuler l'investissement qui vont dans le sens de bonnes pratiques en matière de relations professionnelles. |
Introduction
34. L'investissement est un élément essentiel du processus de croissance de la production. Il constitue donc une condition indispensable à l'amélioration des salaires et de la qualité de l'emploi. Des investissements insuffisants peuvent entraver considérablement la croissance de l'emploi, notamment en période d'ajustement structurel. De fait, la disparité des investissements entre les diverses régions est l'un des principaux facteurs qui expliquent leurs niveaux d'emploi variables. Les économies en transition en particulier ont besoin d'investissements pour se moderniser. En outre, la nature de l'investissement, sa localisation et ses incidences éventuelles sur les besoins de compétences peuvent avoir des conséquences sur le niveau de l'emploi.
35. Par définition, l'investissement exige une épargne. Un niveau élevé d'épargne aussi bien que d'investissement est souhaitable. L'épargne qui finance l'investissement peut provenir de l'étranger par diverses voies, dont l'investissement étranger direct, de sorte qu'un pays peut investir plus qu'il n'épargne. Un grand nombre de pays à croissance lente n'ont pu dégager qu'une faible épargne nationale mais ils ont largement tablé sur l'emprunt à l'étranger, sous la forme d'emprunts commerciaux ou de flux financiers à des conditions de faveur. Le niveau de l'investissement intérieur y est souvent trop faible pour assurer une croissance durable de la production ou pour améliorer la qualité de l'emploi. Cependant, récemment, un grand nombre de pays qui enregistrent une croissance rapide et de bons résultats en matière de création d'emplois ont eu très peu recours à l'épargne étrangère et ont dégagé leurs propres ressources pour financer un niveau élevé d'investissement national. En principe, des flux internationaux de capitaux plus importants devraient accroître l'efficacité globale de la répartition des ressources et de l'investissement.
36. Selon les définitions conventionnelles, l'investissement est une catégorie hétéroclite qui comprend l'équipement et les machines, les bâtiments résidentiels et non résidentiels, l'aménagement du territoire et d'autres formes de développement des infrastructures, telles que les routes et les ports. Certains de ces éléments sont essentiels à la croissance de la production et de l'emploi, tandis que d'autres peuvent apparaître comme un résultat de cette croissance. De même, nombre de facteurs dont on peut estimer, à juste titre, qu'ils jouent un rôle essentiel dans le développement d'un pays ne sont pas considérés comme des investissements au sens des statistiques relatives au revenu national. Il s'agit, par exemple, de la mise en valeur des ressources humaines (c'est-à-dire du processus par lequel des personnes acquièrent des compétences). Bien que ce processus d'acquisition de compétences s'inscrive difficilement dans le cadre normal de la comptabilité nationale, il convient de reconnaître qu'il existe un parallèle entre ce processus et l'investissement matériel. Bien sûr, les dépenses au titre de l'éducation et de la formation peuvent dépasser les dépenses engagées pour de nouveaux équipements productifs.
37. Il a été établi qu'il existe une relation assez solide entre certains types d'investissement, tels que l'investissement en équipement et en machines, et la croissance économique. Compte tenu de cette relation, ces types d'investissement semblent devoir être encouragés. Cependant, un cadre politique adéquat est nécessaire pour que l'efficacité de l'investissement et, par conséquent, sa rentabilité soient optimales. Lorsque le cadre politique est inadéquat, l'accès privilégié au crédit et aux possibilités de prêts pour certaines entreprises peut se traduire par un surinvestissement dans un domaine et un sous-investissement dans d'autres, de telle sorte qu'il y a pénurie de capital pour utiliser la main-d'œuvre dans certains secteurs.
38. Les conclusions de la Conférence insistent sur la nécessité de créer un environnement mondial favorisant le plein emploi. La stabilité économique et financière et l'ouverture des politiques économiques et commerciales sont indispensables à l'essor de l'investissement. Par ailleurs, la conclusion selon laquelle la mondialisation croissante des marchés financiers doit engendrer des investissements productifs et non une spéculation financière est de première importance.
Les décisions de l'entreprise
en matière d'investissement
39. La discussion sur les motivations des investisseurs porte le plus souvent sur les décisions prises par l'entreprise quant à la question de savoir si elle doit étendre ou modifier son stock de capital, en laissant d'ordinaire de côté les questions relatives à la réglementation du marché du travail. En général, on suppose que les entreprises du secteur public ainsi que les ménages et les entreprises individuelles se comportent dans les grandes lignes de la même manière que les entreprises du secteur privé constituées en sociétés. Cependant, les premières poursuivent probablement des objectifs quelque peu différents de ceux des entreprises privées en général et elles sont souvent confrontées à d'autres types de contraintes, notamment en ce qui concerne l'emploi. Par le passé, la discussion sur les déterminants de l'investissement ne prenait pas en compte les décisions sur la relocalisation à l'étranger car cette option était rarement envisagée. Manifestement, de nombreuses considérations nouvelles ont commencé à intervenir ces dernières années. L'accent mis sur la mondialisation, y compris la réduction des obstacles aux échanges, l'abaissement des coûts de transports et l'abaissement des coûts relatifs à la surveillance et au contrôle de la qualité ouvrent un choix beaucoup plus vaste aux investisseurs. En particulier pour décider de la localisation de la production, on accorde à présent beaucoup plus d'importance aux coûts relatifs de la main-d'œuvre et, dans de nombreux cas, aux différents niveaux de la protection de l'environnement ainsi que des normes de sécurité et de santé. Beaucoup plus de travailleurs qu'auparavant sont à présent intégrés dans le marché mondialisé.
40. Naguère, il n'était nul besoin d'aborder explicitement la question de la réglementation du marché du travail à propos des décisions relatives à l'investissement dans le secteur privé, notamment dans les pays industrialisés. Cependant, dans les pays en développement, la situation était souvent différente, car la législation du travail y est plus difficile à appliquer et l'ampleur de la pauvreté a souvent entraîné l'apparition d'un éventail des taux de salaire extrêmement large entre les secteurs structuré, non structuré et agricole, les écarts étant beaucoup plus prononcés que ce que pourraient justifier les niveaux de productivité relatifs. La segmentation du marché du travail et, de fait, l'application de la législation du travail peuvent donc avoir une incidence sur les décisions concernant le montant et la localisation de l'investissement ainsi que sur le volume et la qualité de l'emploi qu'il engendre.
41. Il a toujours été reconnu qu'un accroissement de l'investissement ne se traduira par un accroissement de l'emploi dans le processus de production que si le nouvel équipement est moins économe de main-d'œuvre. On part souvent du principe que si des travailleurs perdent leur emploi parce qu'un investissement permet d'économiser de la main-d'œuvre, ils sont automatiquement absorbés ailleurs. Or cela ne va pas de soi. En outre, on suppose souvent que la technologie incorporée dans l'investissement reflète la recherche de nouveaux procédés tenant compte exclusivement des ressources nationales et des disponibilités en matière de compétences, qui sont par conséquent «adaptées» aux niveaux des compétences dans chaque pays.
42. Dans les pays en développement, on sait depuis longtemps que certaines technologies inhérentes à de nouveaux biens d'équipement peuvent être inappropriées compte tenu du potentiel du pays concerné en matière de capital et de compétences. L'investissement n'a alors qu'une incidence faible, voire négative, sur l'emploi. En outre, l'inégalité salariale croissante dans certains pays industrialisés laisse penser qu'une grande partie des nouveaux investissements dans ces pays va de pair avec le recours à une main-d'œuvre plus qualifiée et ne tient pas compte de la disponibilité de main-d'œuvre non qualifiée. Le processus de production fait dès lors de moins en moins appel à la main-d'œuvre non qualifiée.
L'interaction entre le secteur public
et le secteur privé
43. L'interaction de la politique du gouvernement et des décisions du secteur privé en matière d'investissement est fonction des attentes qu'engendre cette politique et de son succès pour ce qui est d'encourager l'investissement, notamment lorsqu'une décision dans ce domaine constitue la condition préalable des suivantes. Cette interaction est également fonction du large éventail de mesures que le gouvernement doit de toute façon prendre pour élargir la base des investissements dans le secteur privé. Diverses études ont été entreprises sur les liens entre l'investissement public et l'investissement privé et elles ont souvent établi qu'il existe entre eux une relation positive. Cependant, il est malaisé d'isoler empiriquement les types particuliers d'investissement public qui semblent de nature à induire l'investissement privé. Certaines des formes utiles des dépenses publiques concernent l'investissement, notamment dans l'infrastructure, là où des goulets d'étranglement dans les ports, les routes et la fourniture d'énergie peuvent faire monter les coûts du secteur privé jusqu'à un niveau prohibitif (voir ci-après le rôle du secteur privé pour desserrer ces goulets d'étranglement).
44. La politique de dépenses de l'Etat peut également décourager l'investissement privé. A cet égard, deux scénarios sont possibles. D'une part, lorsque l'accès du secteur privé au crédit est limité, voire rationné, ce sont les petites et moyennes entreprises et le secteur des ménages et des entreprises individuelles qui souffrent le plus, tandis que les entreprises du secteur structuré jouissant de liens privilégiés avec les banques sont favorisées. Les conséquences qui en découlent pour l'emploi sont une différenciation accrue des conditions d'emploi et de travail entre les entreprises du secteur structuré et celles du secteur non structuré et entre les grandes entreprises et les petites entreprises. Par ailleurs, même lorsque les taux d'intérêt sont fixés par le marché, les conséquences peuvent être identiques. L'épargne courante du secteur public (y compris l'épargne des entreprises du secteur public, dans la mesure où leur dette est garantie par l'Etat) peut devenir de plus en plus insuffisante pour ce qui est de couvrir les dépenses en capital. Le secteur public doit alors emprunter davantage, ce qui propulse les taux d'intérêt à un niveau qui décourage l'investissement privé. En outre, lorsque l'emprunt public atteint un certain niveau, la probabilité pour que l'inflation réduise la valeur réelle des emprunts d'Etat s'accroît, la dévaluation devient inévitable, et elle encourage une fuite des capitaux. Le cercle vicieux de la stagnation s'installe alors, qui exerce des effets très négatifs sur les niveaux de l'emploi.
45. On a évoqué plus haut le rôle que le secteur privé pourrait éventuellement jouer afin de desserrer les goulets d'étranglement de l'infrastructure matérielle. Il existe trois possibilités d'interaction entre le secteur privé et le secteur public: les contrats de gestion des entreprises publiques et des services publics de distribution; la construction et l'exploitation, entre autres, de routes et de ponts par le secteur privé; et le crédit-bail. La première de ces options est d'ordinaire un tremplin vers la privatisation, de sorte que toutes les préoccupations que suscite celle-ci lui sont nécessairement associées, telles que la question de la sécurité de l'emploi pour la main-d'œuvre. A cet égard, il faut rappeler qu'il est souhaitable de compenser toutes diminutions d'emplois par de nouvelles créations d'activités ailleurs, comme le mentionnent les conclusions de la Conférence notamment à l'égard des économies en transition. La seconde option s'applique surtout aux quasi-monopoles, tels que la production d'énergie, et les autoroutes et les tunnels à péage. Ces types de monopoles peuvent avoir une incidence importante sur les coûts dans le reste de l'économie si l'on ne peut envisager de concurrence: dans ce cas, des questions compliquées et délicates de réglementation se posent. La troisième option, à savoir le crédit-bail, est à présent très répandue dans tous les pays où le gouvernement souhaite réduire ses besoins d'emprunt sans renoncer au contrôle des opérations. Les entreprises privées peuvent soit acheter des avoirs publics (le prix d'achat étant alors considéré comme un emprunt négatif du gouvernement), soit se doter de nouveaux avoirs afin de les céder en crédit-bail au gouvernement. Cela impliquera très probablement une participation du secteur privé à leur gestion, ce qui pourrait réduire les coûts d'exploitation. Cependant, l'investisseur privé devra, en général, emprunter à un coût plus élevé que le gouvernement, de sorte que la réduction pourrait bien être illusoire.
46. Il est un domaine où la politique gouvernementale en matière d'investissement a une grande incidence sur l'emploi, notamment dans les pays en développement: il s'agit du choix de la technologie. Par le passé, les gouvernements ont parfois encouragé la mécanisation prématurée de l'agriculture, ce qui a eu des effets négatifs sur l'emploi et les salaires ruraux. Cependant, les dévaluations monétaires en termes réels très répandues dans les années quatre-vingt ont, dans une large mesure, éliminé cette préoccupation. Au cours de la décennie qui a suivi la crise de la dette, dans la plupart des pays en développement l'équipement importé est devenu beaucoup plus cher par rapport aux biens de consommation et aux salaires. Or il n'a pas toujours été possible de tirer parti de ces écarts de coûts croissants en faveur de la main-d'œuvre, soit faute de disposer des compétences en matière d'encadrement nécessaires pour utiliser une main-d'œuvre plus nombreuse équipée de matériel plus simple, soit parce que le secteur des petites et moyennes entreprises et le secteur des ménages et des entreprises individuelles, en général, étaient sous-développés, disposaient de possibilités de financement insuffisantes et n'étaient pas en mesure de soumissionner pour des marchés publics. Cependant, le potentiel de création d'emplois par les méthodes à forte intensité de main-d'œuvre avec une participation locale demeure important, par exemple dans les projets d'aménagement du territoire et du logement en zone urbaine ainsi que dans les travaux publics à petite échelle dans les zones rurales. Ce point est souligné, par exemple, dans la recommandation (no 169) concernant la politique de l'emploi (dispositions complémentaires), 1984. A cet égard, il est essentiel que soient appliquées les normes du travail pertinentes en matière de rémunération et de conditions de travail dans ce type d'activité.
L'investissement étranger direct
47. On a déjà dit que l'effet combiné de divers processus en cours, regroupés sous le terme de «mondialisation», a été d'élargir considérablement les possibilités de relocalisation de la production entre divers pays et régions afin de servir un marché donné. Ce processus a été bénéfique pour l'emploi, même s'il soulève de nombreux problèmes d'ajustement. Le succès d'un pays qui réussit à attirer l'investissement étranger direct, notamment pour servir les marchés étrangers, est souvent vu comme un hommage rendu à ses choix en matière de politique économique et de politique du marché du travail. A cet égard, il est essentiel de déterminer les avantages qu'un pays d'accueil et sa main-d'œuvre peuvent attendre de l'investissement étranger direct. Ces bénéfices seront d'autant plus grands que:
a) l'investissement étranger direct constitue véritablement un apport à l'épargne et à l'investissement nationaux, qu'il ne se
limite pas à des fusions ou à des acquisitions et qu'il n'est pas d'un montant négligeable;
b) on procède à une réforme des politiques qui risquent de perturber le secteur industriel national et de segmenter le marché
du travail;
c) des politiques nationales actives sur le développement de l'entreprise, la promotion des exportations et l'appui à
l'amélioration des produits par la recherche et le développement accroissent l'efficacité de l'investissement étranger direct; il y
aura aussi un bénéfice direct pour le pays qui investira à l'étranger lorsque cet investissement sera pour lui l'occasion
d'exporter des biens de production;
d) l'on veille à assurer que l'investissement étranger direct exerce des effets bénéfiques sur les pratiques en matière de
relations professionnelles dans tous les secteurs, en pleine conformité avec les dispositions de la Déclaration de principes
tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale;
e) l'investissement étranger direct devient un facteur dynamique d'amélioration du produit et du procédé qui favorise le
progrès économique d'un pays.
48. Les politiques visant à tirer le meilleur profit de l'investissement étranger direct ont inclus des éléments tels qu'un niveau minimum de participation locale au capital et des dispositions sur un minimum d'apports locaux. Ce niveau minimum de participation locale au capital vise d'ordinaire à garantir que, de par leurs qualifications, les investisseurs locaux contribueront à la gestion du projet. Les dispositions relatives aux apports locaux ont une raison d'être et un impact sur l'emploi local qui sont évidents. Cependant, elles doivent être assorties d'efforts concrets visant à améliorer les apports locaux potentiels. L'investissement étranger doit aller de pair avec une politique industrielle et une intervention active, et non pas seulement avec les incitations fiscales habituellement mises en œuvre pour l'attirer. La Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale le reconnaît expressément. En ce qui concerne notamment les pays en développement, la Déclaration tripartite appelle les entreprises multinationales à prendre en compte les politiques et les objectifs des gouvernements en matière d'emploi. Pour ce faire, elles devraient adapter leurs technologies aux besoins du pays d'accueil, mettre au point des techniques appropriées et promouvoir l'utilisation des matières premières locales. Elles devraient aussi participer à des programmes de formation officiels pour élargir l'expérience des cadres de direction locaux.
49. Enfin, une discussion nourrie est en cours sur les facteurs qui déterminent la localisation de l'investissement étranger direct. A cet égard, on a toutes les raisons de croire que les facteurs fondamentaux qui attirent l'investissement du secteur privé en général et le stimulent exerceront les mêmes effets sur l'investissement étranger direct. Parmi ces facteurs, on peut citer la stabilité politique et sociale, la stabilité relative des prix et un cadre de politique macroéconomique fiable. Le rôle des politiques et des institutions du marché du travail ainsi que d'autres éléments, comme les normes de sécurité et de santé, prête davantage à controverse. La flexibilité de la main-d'œuvre, qu'il s'agisse de la capacité de l'employeur de modifier le nombre des travailleurs qu'il emploie et leurs heures de travail ou de la capacité des travailleurs de passer d'une tâche à l'autre ou d'accepter une certaine fluctuation de leurs revenus, est considérée comme un important déterminant, plus encore que les coûts unitaires de main-d'œuvre. Cependant, il est indispensable d'avoir une idée de la portée de l'effet de certains de ces facteurs. Partant de l'hypothèse que presque tous les autres coûts sont fixés sur le plan international, la différence entre les coûts unitaires de main-d'œuvre dans certaines industries est si grande que ces industries disparaissent de certains endroits, à moins qu'un nouveau produit ne soit effectivement créé. Cependant, même les différences majeures entre les prix unitaires de main-d'œuvre peuvent peser moins lourd que d'autres éléments de la stratégie des entreprises, sans parler de l'action directe du gouvernement pour attirer ou retenir ces dernières. De même, les entreprises peuvent décider d'une relocalisation pour des raisons fiscales ou à cause de mesures de protection de l'environnement, par exemple, et non pas en fonction des coûts unitaires de main-d'œuvre. De faibles différences en la matière peuvent aisément être contrebalancées par des considérations de politique économique générale, et même par la perspective de travailler avec une main-d'œuvre bien organisée. Quant à la préoccupation relative à la flexibilité du marché du travail, elle ne se manifeste en principe que lorsque les autres différences sont peu importantes, par exemple dans les coûts unitaires de main-d'œuvre et dans les politiques générales. Toutefois, la portée de ces facteurs, et notamment des facteurs relatifs à la sécurité, la santé et la pollution, demeure très difficile à évaluer.
Points suggérés pour une discussion
générale à la Conférence
50. Au cas où le Conseil d'administration déciderait d'inscrire à l'ordre du jour de la Conférence une question sur l'investissement et l'emploi en vue d'une discussion générale, on trouvera ci-après des propositions préliminaires concernant des points que la Conférence voudra sans doute aborder:
* * *
3. Promotion des coopératives
Résumé |
Il est proposé d'élaborer de nouvelles normes concernant les coopératives. La recommandation (no 127) sur les coopératives (pays en voie de développement), 1966, qui porte sur le rôle des coopératives dans le développement économique et social des pays en développement, est l'unique norme de l'OIT qui traite en détail de la question. Or la situation politique, économique et sociale qui prévalait en 1966, lors de l'adoption de cette recommandation,a changé radicalement. Les normes que l'on se propose d'élaborer pourraient refléter ces changements dans leur énoncé des principes et valeurs concernant les coopératives, qui ont eux-mêmes évolué. Ainsi, elles viseraient la promotion de coopératives autonomes, et l'universalisation de la portée des nouveaux instruments, car des normes applicables universellement dans ce domaine permettraient à ces organisations d'auto-assistance de déployer tout leur potentiel, et de contribuer ainsi à l'éradication du chômage et de l'exclusion sociale. La proposition retrace l'évolution du mouvement coopératif dans les pays industrialisés, les anciens pays socialistes et les pays en développement, décrit la portée nouvelle et le contenu universellement applicable que les normes pourraient avoir dans ce domaine, et conclut par un résumé des travaux préparatoires déjà entrepris par le Bureau. |
Aperçu général
51. Le paragraphe 12.1 a) de la recommandation no 127 définit une coopérative comme «... une association de personnes qui se sont volontairement groupées pour atteindre un but commun, par la constitution d'une entreprise dirigée démocratiquement, en fournissant une quote-part équitable du capital nécessaire et en acceptant une juste participation aux risques et aux fruits de cette entreprise, au fonctionnement de laquelle les membres participent activement». Cette définition est universellement acceptée. Les coopératives jouent un rôle important dans le développement économique, social, culturel et politique de la plupart des pays. Elles font un apport considérable à l'économie nationale et au développement de la société. Elles encouragent l'emploi indépendant, et soutiennent indirectement les emplois créés par d'autres entreprises qui achètent ou fournissent des biens et des services aux coopératives. Elles sont actives dans tous les secteurs de l'économie et elles existent dans toutes les professions. Elles se soucient du bien-être social de leurs membres et de leurs non-membres et agissent donc dans les domaines du logement, des soins de santé, des soins aux personnes âgées et de l'éducation, principalement dans l'enseignement primaire. Ces services sont souvent destinés aux organisations d'employeurs et de travailleurs qui partagent leurs préoccupations sociales et économiques, ou dispensés à l'initiative de ces organisations ou encore en étroite collaboration avec elles.
52. Les coopératives comptent environ 800 millions de membres à travers le monde. Elles occupent 100 millions de personnes supplémentaires qui n'ont pas la qualité de membres. Si l'on ajoute à ces chiffres le nombre des individus qui dépendent économiquement des coopératives ou qui participent à leurs opérations, on constate qu'une proportion considérable de la population mondiale dépend, au moins partiellement, des coopératives pour la satisfaction de ses besoins.
53. En dépit de ces faits positifs, on estime que le potentiel d'auto-assistance des coopératives reste sous-utilisé alors que les défis économiques et sociaux que doivent relever de nombreux pays exigeraient la mobilisation de tout le potentiel disponible.
54. Depuis l'adoption de la recommandation no 127, les changements politiques, économiques et sociaux partout dans le monde n'ont pas épargné les coopératives. Il semble qu'elles aient désormais un nouveau rôle à jouer à la fois dans les pays industrialisés et dans les anciens pays socialistes; cependant, la recommandation no 127 est exclusivement centrée sur les pays en développement. De nouvelles normes de portée universelle dans ce domaine permettraient sans doute aux coopératives de mieux développer leur potentiel d'auto-assistance et de résoudre plus facilement un certain nombre de problèmes sociaux et économiques. L'heure est donc venue d'élaborer de nouvelles normes internationales fondées sur les principes et valeurs modernes concernant les coopératives, et ce afin de promouvoir ces dernières.
55. En ce qui concerne les pays en développement, la recommandation no 127 reflétait les préoccupations relatives au développement des années soixante, notamment dans la manière dont elle concevait le rôle des gouvernements et des coopératives dans le processus de développement. Désormais, le développement n'est plus conçu comme un processus visant à imiter les pays déjà industrialisés, et les coopératives ne sont plus considérées comme des instruments aux mains des gouvernements. Conformément aux principes universellement reconnus concernant les coopératives, elles sont à présent perçues comme un moyen pour leurs membres d'atteindre leurs objectifs communs.
56. Dans les anciens pays socialistes, les coopératives faisaient partie intégrante du système politique et servaient à centraliser l'utilisation du sol, à employer la main-d'œuvre agricole et à distribuer les biens de consommation. Le phénomène de privatisation que connaissent actuellement les économies anciennement socialistes va au-delà de la réforme agraire à laquelle fait référence la recommandation no 127: il comprend la privatisation des industries manufacturières et des infrastructures de service, ainsi qu'une vague de rachat d'entreprises par les travailleurs dans tous les secteurs de l'économie. Certaines coopératives de type socialiste ont été transformées en des coopératives authentiques, tandis que d'autres ont été achetées par des particuliers ou, conjointement, par d'anciens membres. L'OIT reçoit un nombre croissant de demandes d'assistance émanant des pays en développement et des pays en transition, relatives à l'organisation, à la formation et à la réforme législative et politique concernant les coopératives, car elles doivent assumer un rôle accru du fait de la libéralisation et de la privatisation du commerce et des services. Le Bureau a besoin de l'orientation qu'il pourrait puiser dans de nouvelles normes pour pouvoir répondre à ces demandes.
57. Dans les pays industrialisés, l'application de nouvelles normes est rendue nécessaire par l'évolution de la structure des coopératives et les formes nouvelles qu'elles adoptent. Leur structure traditionnelle évolue actuellement, car elles tentent de renforcer leur résistance aux pressions qu'exerce sur elles la concurrence d'autres types d'entités commerciales. Par ailleurs, le modèle coopératif de la propriété et de la gestion conjointes est désormais de plus en plus utilisé par les salariés pour racheter leurs propres entreprises dans les secteurs du transport, des services et dans les industries manufacturières, et cela dans le but de protéger les emplois existants et d'en créer de nouveaux dans un contexte de réduction continue, résultant de la mondialisation et de l'évolution technologique. Parallèlement, ces travailleurs prennent une part de plus en plus active à l'économie de la société.
58. Dans de nombreux pays, l'évolution générale dans les domaines politique, économique et social a exercé une pression sur les gouvernements afin qu'ils limitent leur participation aux affaires économiques et sociales. L'idée essentielle des programmes d'ajustement structurel est de faire en sorte que l'initiative, le financement, la gestion et la responsabilité passent du domaine public au domaine privé. Les programmes de stabilisation monétaire et fiscale, le renforcement des institutions, la privatisation et la libéralisation qui s'ensuivent obligent la société civile à assumer un rôle plus actif dans les affaires économiques, sociales et politiques. De plus en plus, l'Etat doit limiter son rôle à la fourniture d'un cadre politique, juridique et administratif favorisant le développement des organisations privées, y compris les coopératives, qui à leur tour renforcent la démocratie. Des Etats Membres ont demandé que soient élaborées de nouvelles normes dans ce domaine.
La législation et la pratiques nationales
59. Dans une série d'ouvrages portant sur les moyens de créer un climat et des conditions favorables au développement des coopératives, le Bureau a étudié la législation et la pratique nationales dans diverses parties du monde en dehors des pays industrialisés(5) .
60. Dans les pays en développement, les coopératives étaient souvent limitées à des zones géographiques coïncidant avec les frontières administratives et municipales. Parfois, le statut de membre était obligatoire si l'on souhaitait exercer des activités économiques, et les gouvernements intervenaient de multiples manières dans l'organisation et la gestion des coopératives: ils convoquaient les assemblées générales et les conseils d'administration, détachaient leurs fonctionnaires auprès de ces organismes, prenaient des décisions à leur nom, contrôlaient les salariés et même les élus, remplaçaient les coopératives par des commissions d'Etat, fixaient leurs objectifs, assignaient les tâches, assujettissaient l'investissement et la répartition des excédents à leur approbation, gelaient les comptes bancaires des coopératives, exerçaient un contrôle et une fonction promotionnelle, créaient et géraient des organisations coopératives dans les secteurs secondaires et tertiaires, les faisaient fusionner, les divisaient et les dissolvaient en réglant les conflits sans autoriser le recours en appel aux tribunaux ordinaires. Par ailleurs, les gouvernements ont parfois octroyé aux coopératives des privilèges fiscaux et un accès facile au crédit. En général, et conformément à l'esprit de la recommandation no 127, les coopératives ont été utilisées en tant qu'agents des bureaux de développement gouvernementaux pour organiser la production, administrer la réforme agraire et gérer les programmes d'irrigation et de crédit.
61. Dans les pays anciennement socialistes, on ne distinguait pas les affaires économiques privées des publiques. C'est pourquoi les coopératives étaient organisées comme une partie de la structure économique et administrative de l'Etat. Instruments d'application de la planification économique, elles participaient à l'effort déployé pour créer une société socialiste.
62. Dans les pays industrialisés, les coopératives authentiques sont encore nombreuses, mais du fait de la croissance économique et de l'intégration régionale elles ont parfois subi ce qu'il convient d'appeler une perte d'identité. En réalité, le mouvement coopératif favorise dans ces pays l'avènement de modèles de gestion, de comportements commerciaux et de structures de capital qui sont communs aux sociétés anonymes. C'est là une réaction à la pression accrue de la concurrence, notamment celle des sociétés anonymes aux niveaux national et international, qui sont à même, du fait de leur structure de capital et de leur gestion, de réagir plus facilement aux défis économiques que ne peuvent le faire les coopératives orientées vers leurs membres. Désormais, ces dernières s'efforcent de devenir plus compétitives, notamment par des fusions et des acquisitions, des modifications apportées à leur structure de capital, et elles octroient de plus en plus de pouvoir à des gestionnaires professionnels non membres: on peut donc se demander si ce sont toujours des entreprises dont la principale caractéristique est d'être démocratique et gérée par leurs membres.
Les normes de l'OIT et la pratique
63. La recommandation no 127 est l'unique norme internationale détaillée sur les coopératives. La convention (no 141) et la recommandation (no 149) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, portent aussi sur ce thème, ainsi que la recommandation (no 169) concernant la politique de l'emploi (dispositions complémentaires), 1984, et la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989. Ces normes illustrent comment des groupes spécifiques peuvent s'organiser, notamment sous la forme d'une coopérative, à quelles fins les coopératives peuvent être utilisées par leurs membres, ou bien elles mettent en lumière le fait que les groupes dont les traits culturels ne sont pas ceux de la majorité devraient être protégés lorsqu'ils tentent de s'organiser en associations autonomes, notamment en coopératives.
64. L'OIT reconnaît l'importance des coopératives dans l'article 12 de sa Constitution, qui prévoit la consultation des coopérateurs -- ainsi que celle des employeurs et des travailleurs -- à travers leurs organisations internationales reconnues. Conformément à cette disposition, l'OIT a favorisé le développement des coopératives, notamment par l'assistance technique et l'information, et elle a conseillé les gouvernements, ainsi que les organisations d'employeurs et de travailleurs sur le rôle qu'ils doivent jouer dans ce domaine. L'Organisation gère le plus vaste programme de coopération technique qui existe au sein du système des Nations Unies en matière de coopératives.
Objectif des nouvelles normes
65. Le principal motif d'une activité normative dans ce domaine serait de satisfaire le besoin de disposer de normes de portée universelle, et de promouvoir les principes des coopératives dans le monde en tant que moyen d'accroître les capacités de la société civile d'atteindre ses objectifs sociaux et économiques par l'auto-assistance. L'évolution du rôle des gouvernements coïncide avec la mondialisation du capital et l'internationalisation croissante des entreprises; il est donc nécessaire de réhabiliter le rôle de l'individu dans la prise de décisions. Les coopératives constituent un modèle d'entreprise centrée sur ses membres, orientée vers leurs besoins et dotée d'un mécanisme spécifique de répartition des excédents. En outre, les nouvelles normes mettraient l'accent sur l'autonomie des coopératives et sur la nécessité de limiter l'intervention de l'Etat.
Contenu des nouvelles normes
66. Les nouvelles normes devraient être de portée universelle car les conséquences des changements économiques, politiques et sociaux touchent tous les pays. Ainsi, tous les pays ont une préoccupation commune, à savoir la réduction de leur capacité de créer des emplois salariés et classiques et d'empêcher l'exclusion sociale. Dans les pays en développement, l'ajustement structurel continue d'exercer un effet négatif sur les travailleurs non qualifiés et sur les groupes à faibles revenus. Très souvent, l'exclusion et la pauvreté s'aggravent. Dans les économies en transition, la privatisation associée à l'absence de filets de sécurité sociale est allée de pair avec un chômage croissant, des revenus de plus en plus faibles et des normes sociales de moins en moins élevées. Dans les pays industrialisés, le ralentissement de la croissance économique associé à un déplacement vers les industries des services perfectionnées sur le plan technologique s'est traduit par l'augmentation de l'exclusion sociale et économique, notamment parmi les travailleurs les moins qualifiés des industries traditionnelles.
67. Ces nouvelles normes, qui s'adresseraient aux gouvernements et aux organisations d'employeurs et de travailleurs, pourraient également s'adresser aux coopératives, à leurs syndicats et à leurs fédérations. La référence aux partenaires sociaux devrait mettre en lumière l'intérêt qu'ils ont à promouvoir les coopératives et leur responsabilité en la matière, tandis que la référence aux coopératives et à leurs structures verticales devrait souligner la responsabilité qui incombe à ces organismes eux-mêmes. Cette responsabilité comprend le financement et la gestion de leurs propres services de soutien, y compris le contrôle et la vérification financière, la formation des cadres et l'éducation des membres. Cela permettrait de mieux refléter la véritable nature des coopératives, qui sont des organisations autonomes.
68. Les nouvelles normes devraient épouser les principes suivants concernant les coopératives:
69. Les nouvelles normes devraient également souligner l'absolue nécessité d'une complémentarité entre les principes des coopératives, la législation coopérative et les structures y relatives. Ainsi, le développement des coopératives repose sur une structure adéquate sur les plans judiciaires, administratifs, bancaires, des assurances et sur le soutien des organisations professionnelles. Les nouvelles normes devraient renforcer l'autonomie des coopératives et traiter des problèmes qu'elles ont en commun avec l'Etat. Le rôle des gouvernements devrait être limité à la législation, à l'immatriculation, à la radiation et au contrôle du respect de la loi. Souvent, la gestion, l'autonomie et la viabilité commerciale des coopératives sont entravées, car elles sont contraintes à participer à des programmes généraux de développement, alors qu'elles ne disposent ni des moyens financiers ni des ressources humaines pour ce faire. Elles devraient pouvoir développer leur autosuffisance et contracter des obligations en fonction de la décision de leurs seuls membres. Les nouvelles normes n'incluraient pas d'objectifs plus vastes concernant la politique sociale et la politique économique comme ceux qui figurent dans la recommandation no 127, et elles devraient exclure toutes les formes de discrimination à l'encontre des coopératives. Elles devraient singulariser les divers types de coopératives afin d'inclure les structures organisées régies en fonction des principes coopératifs et exclure toutes les structures non organisées, fondées sur la solidarité.
70. La législation coopérative est essentielle au développement des coopératives, et il faudrait distinguer les questions à inclure dans cette législation de celles qui peuvent être régies par les organes administratifs. Au-delà de toute forme de séparation des pouvoirs sur laquelle on peut fonder un système politique, il est important d'élaborer une législation embrassant les questions fondamentales ayant trait aux coopératives, afin de les protéger des changements politiques fréquents. En outre, la réglementation juridique et administrative devrait permettre aux membres des coopératives d'exprimer leur autonomie en résolvant toutes les questions importantes conformément à leurs règlements administratifs et à leurs statuts.
71. La recommandation no 127 spécifie les questions fondamentales que doit traiter la législation coopérative; cette liste pourrait être modifiée de manière à mettre en relief les caractéristiques particulières des coopératives par rapport à celles d'autres types d'organisations et d'entreprises commerciales. Il s'agit, entre autres, de la gestion et par conséquent des compétences des cadres, de la structure du capital, du rôle du capital, de la prise de décisions démocratique -- indépendamment de la taille de la coopérative, ainsi que des droits et des devoirs des fédérations et des syndicats de coopératives. Ainsi, l'attention du législateur serait attirée sur la nécessité de refléter les spécificités de la législation coopérative dans d'autres formes de législation, telles la législation fiscale, la législation sur la concurrence et la législation du travail.
72. Les nouvelles normes devraient élargir le concept de la valorisation des ressources humaines selon les principes des coopératives et prendre en compte la nécessité pour les mouvements coopératifs de participer davantage à la planification, à l'application et au contrôle des programmes de formation. L'éducation et la formation devraient viser l'efficacité de l'entreprise et l'acquisition de la connaissance et des moyens d'appliquer les principes des coopératives, afin de préserver l'identité de ces dernières.
73. Les nouvelles normes devraient modifier l'approche à l'aide financière du gouvernement, qui a souvent encouragé le contrôle du gouvernement sur les coopératives. Lors de l'adoption de la recommandation no 127, on s'attendait à ce que les gouvernements exercent un rôle prédominant dans l'acheminement du soutien financier national et international vers les coopératives. Aujourd'hui, les programmes d'ajustement structurel ont entraîné une réduction de l'aide et des subventions financières publiques. Par conséquent, les coopératives intensifient leurs efforts pour mobiliser et gérer leurs propres programmes de crédit et d'épargne ainsi que leurs relations commerciales avec d'autres coopératives dans l'économie de marché libre -- sur le plan national et international -- et elles tentent d'instaurer un système favorisant l'échange de coopération technique par la voie de réseaux coopératifs. Le soutien financier devrait être limité à des mesures indirectes telles que la participation aux fonds de garantie des crédits.
74. Les nouvelles normes devraient prendre en considération la capacité d'autovérification des mouvements coopératifs. Elles devraient favoriser et soutenir l'établissement de bonnes pratiques d'audit.
75. Les nouvelles normes devraient encourager les mouvements coopératifs et les institutions universitaires à soutenir la recherche concernant les coopératives et à diffuser ses résultats grâce aux nouvelles technologies de l'information. Le recueil de données statistiques fiables et normalisées est également essentiel.
76. Enfin, l'expérience acquise concernant la recommandation no 127 devrait permettre à l'OIT de mieux contrôler l'application de nouvelles normes. Les experts qui ont participé à la Réunion d'experts sur la législation coopérative en 1995 ont estimé qu'il fallait créer un organe chargé de définir les droits de liberté syndicale que devraient exercer les membres des coopératives(6) .
Nature des nouvelles normes
77. Les experts qui ont assisté aux réunions de l'OIT sur les coopératives en 1993 et 1995 n'étaient pas unanimes sur la question de savoir si l'instrument approprié devrait être une convention ou une recommandation. Ils ont envisagé l'adoption d'une convention. éventuellement complétée par une recommandation, afin de donner une force contraignante aux principes fondamentaux actualisés des coopératives. Cependant, d'aucuns étaient en faveur de l'adoption d'une recommandation. Au cours de la deuxième réunion, il a été proposé d'adopter une recommandation détaillée plutôt que d'opérer une révision partielle de la recommandation no 127. Non seulement une révision partielle sera plus difficile à mener à bien car la logique de la norme existante sera difficile à conserver, mais, ce qui est plus important, les nouvelles normes doivent être le reflet d'un changement dans la logique de base.
Travaux préparatoires
78. L'OIT a tenu une Réunion d'experts en coopératives en 1993 dont l'ordre du jour comprenait une question portant sur l'étude des répercussions de la recommandation no 127 qui avait donné lieu à un document de travail(7) . Cette réunion a été suivie par une Réunion d'experts sur la législation coopérative en 1995, mentionnée ci-dessus, et qui a poursuivi la discussion sur ce thème. Le Bureau a publié un certain nombre de documents de travail concernant ces deux réunions, au nombre desquels figurent une série d'ouvrages sur les moyens de créer un climat favorable au développement des coopératives en Afrique (1993), en Asie (1994), en Amérique latine (1996) et en Europe centrale et orientale (1996); un rapport sur les relations entre l'Etat et les coopératives dans la législation coopérative (1993); les mutations structurelles dans les mouvements coopératifs et leurs conséquences sur la législation coopérative dans les différentes régions du monde (1993); un examen de l'incidence de la recommandation no 127 (1993); un rapport sur l'impact de la législation du travail et des relations professionnelles sur la législation coopérative (1995); un rapport sur la législation coopérative et le rôle régulateur de l'Etat (1995); un rapport sur la structure des coopératives et la législation sur la concurrence (1994); enfin, des études de cas sur la législation du travail et les coopératives (1995).
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4. Règlement des conflits du travail
Résumé |
Les propositions faites précédemment à ce sujet ont été modifiées et actualisées conformément au souhait du Conseil d'administration, en vue d'un examen général(8) . Les conflits du travail font partie de tout système de relations professionnelles et, par conséquent, il est essentiel de les prévenir ou de les régler, avec efficacité, pour disposer d'un bon système et créer un climat propice à la stabilité et l'efficacité économiques dans l'équité. Dans le milieu de travail et l'environnement économique modernes, nombre de changements sont survenus, surtout cette dernière décennie, qui ont trait au type, à la nature et à la fréquence des conflits du travail ainsi qu'à la manière de les prévenir ou de les résoudre. La négociation collective, la conciliation, la médiation et l'arbitrage restent les principaux modes de résolution de conflits. Cependant, dans bien des pays et des milieux de travail, des outils, techniques et approches modernes et innovateurs ont été mis en place pour négocier et résoudre les conflits. Par ailleurs, l'avenir du système existant fait l'objet d'un débat, et les structures et les approches traditionnelles sont sans cesse réévaluées. Actuellement, la tendance est davantage à la prévention des conflits du travail et à l'encouragement d'une collaboration et d'une coopération entre le salariat et le patronat. Les présentes propositions décrivent le concept et les catégories de conflits du travail et développent les diverses tendances, moyens et problèmes liés à la prévention et au règlement de ces différends. Les procédures de règlement et les types de conflits applicables à différents pays, normes internationales du travail comprises, sont exposés. Enfin, les propositions portent également sur certaines des questions ou points d'importance relatifs aux principaux éléments des propositions susceptibles de se trouver au centre de débats sur la prévention et le règlement effectif des conflits du travail. |
Aperçu général
79. Prévenir ou régler effectivement les conflits du travail est fondamental dans tout bon système de relations professionnelles; à cet effet, l'existence de dispositifs appropriés est donc essentielle, qui peuvent aider à instaurer un climat propice à une croissance économique dans l'équité.
80. Le conflit du travail est inhérent à tout système de relations professionnelles et, de toute évidence, il ne peut être totalement évité. Ce qui importe, en fin d'analyse, c'est de comprendre, prévenir et régler le conflit le plus rapidement et équitablement possible.
81. L'incidence des conflits du travail ainsi que la façon de les traiter et de les résoudre varient selon le pays. Il existe divers modèles de procédures, de systèmes et de pratiques pour prévenir ou régler ces différends. Dans le milieu de travail et l'environnement économique modernes en évolution rapide, les effets de ces conflits se font sentir profondément selon leur durée, leur type et leur nature ainsi que la manière dont ils sont traités. Négociation collective, conciliation, médiation, arbitrage et règlement judiciaire continuent d'être les principales méthodes de règlement; toutefois, des outils, techniques et approches modernes et innovateurs sont mis actuellement au point pour négocier ou régler les conflits, et ils sont mis en œuvre et analysés en vue d'une adaptation possible à d'autres circonstances.
82. Parmi les autres évolutions importantes dues aux changements intervenus sur le lieu du travail, il convient de citer la plus grande place faite à la prévention de conflits et l'introduction de techniques tels la négociation à la satisfaction des parties, la négociation fondée sur la réciprocité d'intérêt, la négociation dite «gagnant-gagnant» et le règlement à l'amiable des conflits. L'avenir du système de règlement des conflits est débattu (c'est le cas de l'Australie), tout comme la réévaluation permanente des structures et des approches classiques (c'est le cas, par exemple, des Etats-Unis), une réforme du droit du travail -- dans divers pays --, et la nécessité d'informer, de former et de perfectionner les compétences liées aux services de conciliation, de médiation, d'arbitrage et de règlement judiciaire, eu égard particulièrement à la nature changeante de la force de travail.
83. Il semble donc qu'il est plus que temps de réexaminer et d'évaluer l'ensemble des systèmes, lois et pratiques existants, sans oublier les stratégies et techniques modernes et innovatrices visant à favoriser la prévention et le règlement des conflits du travail, collectifs et individuels. Pour ce faire, un débat général consacré à ce sujet pourrait être fort utile.
Catégories de conflits
84. La plupart des pays ont établi une distinction entre plusieurs types de conflits pour lesquels ils ont instauré des procédures de règlement distinctes. Les distinctions opérées par les pays reflètent l'évolution historique particulière de leur système de relations professionnelles. Procéder à une classification des divers types de conflits du travail d'un point de vue global peut donc ne pas être chose aisée.
85. On peut néanmoins recenser un certain nombre de distinctions largement répandues. Les deux distinctions les plus courantes s'établissent entre les conflits de droits et les conflits d'intérêts, d'une part, et entre les conflits individuels et les conflits collectifs, de l'autre. La distinction entre les conflits de droits et les conflits d'intérêts caractérise le mécanisme de règlement des conflits dans de nombreux pays. Les conflits de droits sont soulevés par l'application ou l'interprétation d'une disposition d'un contrat de travail, d'une convention collective ou d'une loi; les conflits d'intérêts résultent de l'établissement ou de la modification de droits ou d'obligations, principalement dans le cadre de la négociation collective et, de ce fait, de l'incapacité des parties d'atteindre un accord sur les conditions d'emploi ou sur leurs relations mutuelles.
86. En ce qui concerne les conflits de droits, une distinction est souvent établie entre les conflits individuels et les conflits collectifs, alors que les conflits d'intérêts sont, en règle générale, uniquement collectifs. Un conflit individuel porte, par définition, sur l'interprétation d'un contrat individuel de travail ou la législation applicable en matière d'emploi. Des conflits de droits collectifs peuvent notamment être déclenchés par l'interprétation ou la violation alléguée des prescriptions de procédure d'une convention collective (par exemple les clauses d'obligation de paix sociale pendant toute la durée d'existence d'une convention collective) ou d'une loi (par exemple les prescriptions relatives à la constitution d'organes représentatifs des travailleurs dans les entreprises).
87. Dans un grand nombre de pays, la distinction précitée s'applique à la fois aux procédures de règlement des conflits en vigueur et au droit de grève et de lock-out. La distinction établie entre ces différents types de conflits est cependant loin d'être universelle et, même là où elle a cours, elle est souvent floue. Ainsi, cette distinction ne présente guère d'intérêt au Royaume-Uni, où l'élaboration de nouvelles règles est liée de manière si complexe à l'interprétation des règles existantes dans la négociation collective qu'un différend sur des «droits» existants peut facilement dégénérer en un conflit d'intérêts. Nombre de pays en développement d'Asie et d'Afrique, qui ont hérité du Royaume-Uni le vaste concept de «différend du travail» ou de «différend professionnel» qui englobe toutes les formes de conflits du travail, continuent d'avoir recours à des procédures de règlement qui, par principe, s'appliquent aussi bien aux conflits d'intérêts qu'aux conflits de droits, même si certains d'entre eux ont tenté, avec plus ou moins de succès, d'introduire une distinction (par exemple le Bangladesh et le Pakistan en 1969) et si d'autres pays ont élaboré des procédures spécifiquement conçues pour les conflits individuels déclenchés par la cessation de la relation de travail (comme à Sri Lanka depuis 1957 et en Malaisie depuis 1969).
88. Dans certains autres pays, par exemple la France et les pays d'expression française d'Afrique, la distinction fondamentale qui est observée des procédures de règlement des différends oppose les conflits individuels et les conflits collectifs, les premiers étant toujours des conflits de droits, tandis que les seconds, qui sont en général des conflits d'intérêts, peuvent aussi être des conflits de droits.
89. Dans nombre de pays en développement, la distinction entre conflits d'intérêts et conflits de droits est moins marquée en raison des diverses restrictions imposées à l'exercice du droit de grève, car la possibilité de déclencher une action collective constitue en général l'une des principales caractéristiques des procédures relatives aux conflits d'intérêts, par opposition aux procédures applicables aux conflits de droits.
90. Outre les types de conflits susmentionnés, il en existe d'autres qui sont assujettis à des procédures de règlement spéciales dans un grand nombre de pays. C'est le cas notamment des conflits nés de la non-reconnaissance d'un syndicat ou de «pratiques de travail déloyales», c'est-à-dire des conflits liés à l'exercice des droits syndicaux.
Prévention des conflits du travail
91. Traditionnellement, le rôle des institutions et des responsables intéressés au règlement des conflits -- tels les conciliateurs, médiateurs, arbitres et juges du travail -- est essentiellement celui de «pompiers» qui interviennent seulement lorsqu'un incendie -- à savoir un conflit -- s'est déclaré. Toutefois, ces derniers temps, on admet de plus en plus qu'il faut tenter d'encourager une plus grande collaboration sur le lieu de travail et d'améliorer l'ensemble des rapports entre les parties pour leur permettre de trouver des solutions amiables. Des propositions importantes ont été faites dans le sens du passage d'un régime de simple réduction des conflits à un système qui encourage le développement de relations professionnelles caractérisées par la coopération, la flexibilité et l'équité.
92. Aux Etats-Unis, par exemple, les médiateurs prennent aujourd'hui plus fréquemment l'initiative d'aider employeurs et syndicats en offrant une assistance et une formation dans le cadre de séances consacrées à la recherche en commun de solutions satisfaisantes pour les deux parties. C'est ce que l'on appelle depuis des années «la médiation préventive»; toutefois, ce n'est que récemment que cette pratique a reçu plus d'attention en vue de préserver et de promouvoir la paix entre le salariat et le patronat. Le Système fédéral de médiation et de conciliation (FMCS) participe également au règlement amiable des conflits (ADR) ou à d'autres variantes de solutions des différends, particulièrement en offrant des services d'enquête, d'assistance et de médiation aux divers organismes des pouvoirs publics fédéraux, provinciaux ou locaux. Au nombre de ces services, citons la consultation, la conception de systèmes, l'éducation/la formation/le tutorat et l'évaluation. De plus, le FMCS, depuis 1981, met en œuvre activement un programme de collaboration entre le salariat et le patronat, qui soutient et assiste des comités en charge des relations professionnelles aux différents niveaux dans le but d'encourager «des démarches communes et novatrices en vue de permettre une collaboration entre le salariat et le patronat et une innovation dans la recherche de solutions aux problèmes».
93. Au Royaume-Uni, le Service consultatif de conciliation et d'arbitrage (ACAS) s'occupe généralement des questions qui n'en sont pas au stade du différend. Toutefois, même lorsqu'un conflit est résolu, l'ACAS tente d'en savoir plus et de traiter sa cause profonde en offrant des services de conseil. L'activité préventive de l'ACAS s'est développée particulièrement dans le domaine de l'assistance aux petites et moyennes entreprises afin qu'elles bénéficient de méthodes de partenariat exemplaires.
94. Les instances chargées de régler les conflits, instituées récemment dans certains pays, telles l'Irlande et l'Afrique du Sud, insistent sur l'importance de la prévention. Aux Philippines, le programme mené actuellement par le Conseil national de conciliation et de médiation prévoit de recourir plus fréquemment à la médiation préventive et d'encourager la collaboration salariat-patronat. A Singapour, le bureau du ministère du Travail, en charge de la conciliation, favorise également le resserrement des relations entre salariés et patrons et offre aux syndicats et aux employeurs des conseils en matière de relations professionnelles. Au Canada, une formation aux négociations à la satisfaction des parties est proposée, à titre expérimental, comme un des moyens de la médiation préventive. En France, il est admis qu'il faut plus d'expérience de la médiation préventive, particulièrement pour faire face aux conflits répétitifs.
95. D'aucuns font valoir qu'il est probable que la meilleure façon de prévenir et de résoudre les conflits du travail passe par un renforcement des relations bilatérales entre salariés et direction et par l'établissement de relations de collaboration et de coopération. De la sorte, il devient possible aux parties de traiter directement les problèmes et de les éviter par une négociation collective ou bilatérale et de rechercher des solutions en commun.
96. Etudier, chercher et examiner les façons de prévenir les conflits ainsi que les moyens les meilleurs et les plus efficaces pour y parvenir peut se révéler riche d'enseignements.
Procédures de règlement des conflits du travail
97. Les procédures de règlement des conflits du travail sont très diverses. Les conventions et recommandations pertinentes de l'OIT, mentionnées ci-après, laissent à chaque pays une grande latitude pour mettre au point son système de règlement, avec une procédure distincte pour chaque catégorie de conflit.
Conflits d'intérêts
98. Les procédures se fondent sur le principe suivant lequel les parties doivent résoudre elles-mêmes leurs différends par la négociation, en ayant au besoin recours à la menace ou à la mise en œuvre d'une action de revendication, et il arrive que des tiers soient finalement appelés en renfort pour aider les parties à trouver une solution mutuellement acceptable. Ce principe a cependant été sensiblement remanié dans la plupart des pays en développement où les pouvoirs publics jouent un rôle actif dans le règlement des conflits afin de s'assurer que l'issue de la négociation collective ou le règlement intervenu est compatible avec leur politique économique, et de réduire l'incidence des mouvements sociaux, qu'ils jugent en général préjudiciables au développement économique et à la stabilité politique. En période de difficultés économiques, ce principe a parfois été remanié dans le même sens dans certains pays industriels à économie de marché.
a) Conciliation et médiation
99. Pour résoudre les conflits d'intérêts, on a le plus souvent recours à des procédures de conciliation et de médiation, en vertu desquelles une tierce partie aide les parties à la négociation dans la recherche d'une solution. Dans de nombreux pays, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine, des services publics de conciliation ou, plus rarement, les inspecteurs du travail y pourvoient. Dans un certain nombre de pays industriels, des organismes jouissant d'une grande autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics sont chargés de la conciliation et de la médiation, comme le Service consultatif de conciliation et d'arbitrage (Advisory, Conciliation and Arbitration Service -- ACAS) au Royaume-Uni, le Service fédéral de médiation et de conciliation (FMCS) aux Etats-Unis, la Commission australienne des relations professionnelles, le Conseil d'arbitrage au Danemark ou les commissions des relations professionnelles au Japon. Dans la plupart des pays industriels à économie de marché, la conciliation constitue l'unique procédure permettant de résoudre les conflits d'intérêts collectifs et elle s'est révélée très efficace puisque la grande majorité des différends sont résolus à ce stade.
100. Même si, dans beaucoup de pays, les termes «conciliation» et «médiation» sont employés indifféremment, dans certains d'entre eux une distinction est faite selon la part d'initiative prise par la tierce partie. Ainsi, l'ACAS, au Royaume-Uni, mène en général la «conciliation» dans une atmosphère calme et confidentielle et s'efforce de faciliter les négociations entre les parties; il s'abstient le plus souvent de faire des propositions. Toutefois, lorsqu'il paraît utile de recourir à la «médiation» et si les parties y consentent, l'ACAS peut désigner comme médiateurs des personnes indépendantes, qui formulent des recommandations précises en vue d'un règlement possible du conflit. Au Chili et en République dominicaine, la législation du travail établit une distinction entre la conciliation et la médiation. Au Chili, le terme «médiation» vise aussi le recours à un conciliateur habilité à proposer des solutions. En République dominicaine, en revanche, l'utilisation des termes «conciliation» et «médiation» est subordonnée au type de différend plutôt qu'au type de procédure de règlement.
101. La création d'organes indépendants vise généralement à inspirer aux partenaires sociaux une plus grande confiance dans la neutralité du mécanisme de conciliation. La nécessité d'inspirer confiance aux parties a aussi influencé la composition de ces organes dans de nombreux pays. Ainsi, les commissions des relations professionnelles au Japon et le conseil d'administration de l'ACAS au Royaume-Uni réunissent un nombre égal de représentants des employeurs et des syndicats et de membres indépendants. De même, les conciliateurs au Danemark sont, dans la pratique, tous nommés conjointement par les syndicats et les organisations patronales.
102. En Allemagne, employeurs et syndicats jouissent d'une grande autonomie en matière de conciliation, et des procédures de médiation ont été établies dans la plupart des branches d'activité par accord entre les parties aux conventions collectives; les conseils sont composés d'un nombre égal de représentants de l'association patronale et du syndicat intéressés et sont présidés par une personnalité neutre. La Belgique et la Suisse ont mis en place des systèmes de conciliation analogues pour certaines branches d'activité.
103. Un certain nombre de pays en développement et de nouveaux pays industriels ont aussi établi des organes tripartites chargés de la conciliation. Ainsi, dans nombre de pays d'Amérique centrale et d'Amérique latine (Brésil, Mexique, Venezuela, par exemple), ce type d'organe existe depuis longtemps.
104. La conciliation est volontaire lorsque les parties sont libres de décider d'y recourir ou non; elle est obligatoire lorsque les parties sont tenues d'y recourir. Ainsi, en Belgique, aux Etats-Unis, en France, en Hongrie et au Royaume-Uni, les deux parties doivent consentir au recours à la conciliation. En Afrique du Sud, en Australie, au Canada, en Inde, en Malaisie, en Pologne et à Singapour, la conciliation est obligatoire soit parce que la loi dispose que l'on doit y avoir recours en cas de différend, les conciliateurs étant habilités à engager la procédure, soit parce que le droit de grève ou de lock-out est subordonné à une tentative préalable de résoudre le différend par la conciliation. En tout état de cause, que la conciliation soit obligatoire ou volontaire, elle est censée aider les parties à régler leurs différends par voie d'accord, et elle ne permet en aucun cas au conciliateur de leur imposer une quelconque solution.
105. Eu égard aux modifications de la situation et de l'environnement des relations professionnelles, dans quelle mesure les techniques, les principes, la structure et les programmes de formation en matière de conciliation et de médiation ont-ils changé dans de nombreux pays? Quels sont les modifications nécessaires et les moyens pour les réaliser? Que peut-on apprendre ou tirer de l'expérience d'un autre pays?
b) Arbitrage
106. L'arbitrage est une procédure en vertu de laquelle une tierce partie, qui n'agit pas en tant que cour de justice, est habilitée à prendre une décision qui résout le conflit. L'arbitrage est réputé «volontaire» lorsqu'il ne peut être mis en œuvre que si les parties y consentent et «obligatoire» lorsqu'il peut être mis en application à l'initiative de l'une des parties ou des pouvoirs publics.
107. L'arbitrage obligatoire des conflits d'intérêts est rare dans le secteur privé des pays industriels, sauf au Canada (au niveau fédéral et dans certaines provinces), où les conflits d'intérêts concernant la première tentative d'accord collectif doivent être soumis à un arbitrage obligatoire dans certaines circonstances, par exemple lorsque la négociation a été entachée d'antisyndicalisme. L'arbitrage obligatoire est beaucoup plus courant dans la fonction publique des pays industriels (notamment en Irlande, en Norvège et au Royaume-Uni) et parfois dans les services essentiels. Il est également plus répandu dans les secteurs public et privé de nombreux pays en développement ou dans les nouveaux pays industriels. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer aux procédures utilisées dans un certain nombre de pays d'Afrique et d'Asie, comme le Kenya, le Nigéria, Singapour et les Philippines.
108. L'arbitrage obligatoire des conflits d'intérêts a été institué par les pouvoirs publics dans un certain nombre de pays en développement (par exemple au Nigéria, en Ouganda et en Zambie), car ils estiment qu'il protège l'économie nationale et la vie publique des troubles provoqués par l'action revendicative, tout en contribuant au maintien de l'ordre public. Pour de nombreux pays, cette tentative de supprimer l'action revendicative peut engendrer en pratique un mécontentement qui donne parfois lieu à une action perturbatrice.
109. On estime parfois que l'arbitrage obligatoire présente des avantages dans les pays où le déséquilibre des forces entre les employeurs et les syndicats compromet toute perspective de négociation collective efficace. Pourtant, à mesure que le système des relations professionnelles se développe, l'arbitrage obligatoire est souvent considéré comme un obstacle à la libre négociation collective et cède progressivement le pas à la conciliation, qui reprend la première place parmi les procédures de règlement des conflits.
110. Afin d'encourager les parties à prendre davantage part au règlement des conflits, tout en préservant les relations professionnelles de toute action de lutte ouverte, un certain nombre de pays en développement se sont efforcés de favoriser l'arbitrage volontaire des conflits de droits et des conflits d'intérêts, en vertu duquel les parties portent délibérément leurs différends devant des arbitres de leur choix au lieu de laisser aux autorités le soin de les soumettre à l'arbitrage obligatoire. Toutefois, en dépit des grands efforts déployés par nombre de pays pour le développer, l'arbitrage volontaire n'est pas encore très courant dans les pays en développement du fait, en partie, de la pénurie d'arbitres capables d'inspirer la confiance aux parties antagonistes et des coûts qu'il comporte. Par ailleurs, le large éventail de possibilités d'arbitrage obligatoire existant dans certains pays en développement est un autre facteur qui nuit à l'arbitrage volontaire.
111. L'arbitrage volontaire des conflits d'intérêts est lui aussi assez peu répandu dans les pays industriels. Cela s'explique principalement par le fait que la procédure de conciliation (et au besoin le recours à l'action de revendication) correspond davantage à la façon de concevoir les relations professionnelles dans ces pays. On peut toutefois tirer des leçons importantes de l'expérience acquise par de nombreux pays, tels le Canada et les Etats-Unis, dans le recours à l'arbitrage volontaire en vue de résoudre les conflits du travail.
Conflits de droits
112. Le principe fondamental sur lequel reposent les procédures de règlement des conflits de droits est que ces différends, s'ils ne sont pas résolus par voie de négociation, doivent l'être par des tribunaux ou par des arbitres et non par une action de revendication, parce qu'ils impliquent la vérification des droits, des devoirs ou des obligations existants. Dans la pratique, cependant, ces procédures recoupent largement les procédures de règlement des conflits d'intérêts dans de nombreux systèmes de relations professionnelles. Le peu d'intérêt que revêt la distinction entre ces deux types de procédures dans le système traditionnel de relations professionnelles du Royaume-Uni et de certains des pays qui ont subi son influence a été souligné plus haut.
113. Un autre facteur qui contribue à estomper cette distinction est le rôle de la conciliation. On y recourt dans bien des pays, et il est probable que leur nombre ne cessera de croître, non seulement pour résoudre les conflits d'intérêts, mais aussi pour trouver une solution, du moins au premier stade, aux conflits de droits. Il existe même des pays, comme la Suède, où un différend opposant les parties à une convention collective ne peut être porté devant le tribunal du travail qu'après que les parties ont négocié, et l'Afrique du Sud, où la conciliation est obligatoire. En France, un collège restreint du tribunal du travail, le Conseil des prud'hommes, dirige les procédures de conciliation obligatoire avant que le cas soit jugé. Comme cela a été mentionné précédemment, les conflits de droits sont parfois réglés par des services de conciliation indépendants. Le grand succès de la conciliation dans le règlement des conflits de droits semble indiquer que les partenaires sociaux reconnaissent aujourd'hui, dans leur ensemble, que ces conflits résultent souvent d'un malentendu ou d'une absence de communication entre les parties, lacune qu'il est plus facile de combler par la discussion que par une action en justice.
114. Les organismes chargés de régler des conflits de droits se répartissent en plusieurs catégories, dont les tribunaux ordinaires, les tribunaux du travail, les organismes administratifs quasi judiciaires et les arbitres ou conseils d'arbitrage.
a) Tribunaux ordinaires
115. La compétence des tribunaux habilités à connaître des conflits de droits varie énormément. Dans un certain nombre de pays, comme l'Italie et les Pays-Bas, tous les conflits de droits, qu'ils soient individuels ou collectifs, sont portés devant les tribunaux ordinaires. Aux Pays-Bas, vu le nombre de cas en instance de jugement, les tribunaux du travail ont pris beaucoup de retard. En Italie, en revanche, les conflits du travail sont soumis à une procédure beaucoup plus rapide que les affaires ordinaires, et les juges qui en sont chargés sont spécialisés dans les conflits sociaux du travail. Dans d'autres pays, telle la Namibie, une chambre des tribunaux ordinaires est chargée de s'occuper des conflits du travail.
b) Tribunaux du travail
116. Les tribunaux du travail se distinguent souvent des tribunaux ordinaires par leur compétence en matière de relations professionnelles, leur composition tripartite, leurs procédures plus souples et leur relative autonomie. Ils ne sont cependant pas tous conformes à ce modèle. Le problème du légalisme et des délais excessifs a été évoqué dans un certain nombre de systèmes de tribunaux du travail. Il apparaît que les tribunaux du travail sont le mécanisme le plus communément utilisé pour le règlement des conflits de droits, notamment en Autriche, au Brésil, en Finlande, et en France -- et dans de nombreux pays africains influencés par le droit français --, en Espagne, en Hongrie, en Turquie et en Uruguay, pour ne citer que quelques exemples. Dans les pays qui disposent de ce genre de tribunaux, la compétence dans le domaine du travail est souvent répartie entre le tribunal du travail et les juridictions de droit commun. Alors que les tribunaux du travail jouissent en Allemagne d'une compétence pour ainsi dire exclusive sur tous les conflits de droits individuels et collectifs et que, dans un certain nombre de pays d'Asie et d'Afrique, leur compétence s'étend à la fois aux conflits de droits et aux conflits d'intérêts, ces cas semblent néanmoins être l'exception plutôt que la règle.
117. Au Danemark et en Suède, les tribunaux du travail ne sont habilités à connaître que des conflits de droits collectifs opposant des parties à une convention collective. En Suède, par exemple, un différend entre un employeur et un salarié qui n'appartient pas à un syndicat est d'abord porté devant un tribunal de droit commun, et il peut éventuellement faire l'objet d'un recours auprès du tribunal du travail. Au Royaume-Uni, les conflits de droits portant sur une législation spécifique, par exemple ceux qui mettent en cause l'égalité de rémunération entre hommes et femmes, la discrimination en fonction du sexe et le licenciement abusif, relèvent de la compétence exclusive des tribunaux du travail, alors que les autres conflits de droits concernant les contrats individuels de travail sont instruits par les tribunaux de droit commun.
118. En France, les tribunaux du travail (conseils des prud'hommes) n'ont qualité que pour statuer sur des conflits individuels qui rejoignent cependant l'interprétation et l'application des clauses des conventions collectives, lesquelles sont souvent reprises dans les contrats individuels de travail. Les allégations de violation de la législation du travail sont, quant à elles, portées devant les tribunaux de droit commun. Les tribunaux du travail à Sri Lanka ne sont compétents que pour instruire les différends portant sur la rupture d'un contrat de travail.
119. Dans un nombre non négligeable de pays (Allemagne, Costa Rica, Philippines, Mexique, Singapour et Suède), les tribunaux du travail sont tripartites; les conseils des prud'hommes en France sont essentiellement des organes bipartites. L'avantage de tribunaux bi ou tripartites réside dans l'expérience des relations professionnelles qu'ont acquise leurs membres employeurs et travailleurs. Les procédures suivies par ces tribunaux sont moins légalistes, en général, que celles des tribunaux de droit commun, ce qui permet de résoudre les conflits dans les meilleurs délais et à peu de frais, mais risque parfois d'encourager une solution plus politique que judiciaire. D'autres pays, comme l'Argentine et le Venezuela, ont instauré un système de juges administratifs qui ne prévoit pas de représentation spécifique des travailleurs ou des employeurs.
120. Le rôle des représentants des employeurs et des travailleurs dans les organismes tripartites peut varier d'un cas à l'autre. Dans certains pays, le rôle de ces représentants est de représenter les intérêts de leurs membres, tandis que, dans la plupart des systèmes, ils sont censés agir en toute indépendance (c'est le cas en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suède). Selon les pays, les membres non juristes prennent part au vote ou ont uniquement voix consultative.
c) Arbitrage
121. Il est courant au Canada et aux Etats-Unis que les conventions collectives établissent des procédures d'arbitrage pour les conflits de droits (que l'on appelle communément les «procédures de règlement des différends»). Aux Etats-Unis, les parties insèrent volontairement une clause d'arbitrage dans la plupart des conventions collectives; au Canada, la législation du travail de la plupart des provinces l'exige et, lorsque cela n'est pas fait expressément, la convention collective est réputée contenir une telle clause. Des arbitres sont parfois désignés selon les besoins pour résoudre un différend précis, mais ils peuvent aussi être nommément désignés dans la convention collective, auquel cas ils sont appelés à régler tous les différends surgissant pendant la durée de validité de la convention. Aux Etats-Unis, l'arbitrage est en principe mené par un seul arbitre, tandis qu'au Canada les différends sont portés devant des conseils tripartites. Un des principaux avantages du système d'arbitrage réside dans son caractère en grande partie volontaire et dans sa souplesse. Il présente cependant certaines lacunes, par exemple le fait que ne peuvent recourir à cette procédure que les instances appelées unités de négociation qui disposent d'un agent négociateur agréé.
122. Le rôle des organes chargés des conflits de droits est au centre de l'attention dans de nombreux pays, particulièrement dans ceux en développement, du fait de la nature changeante de ces conflits provoqués par pressions que subissent le rapport d'emploi, les nouvelles formes de liens contractuels et l'environnement économique fortement compétitif. Les cas de licenciements sont de plus en plus nombreux dans bien des pays, notamment en Asie, du fait en particulier des graves bouleversements financiers récents. Un légalisme excessif, des retards démesurés et une accumulation déraisonnable de cas continuent de poser problèmes. Nombre de pays d'Afrique, d'Asie et d'Europe centrale et de l'est, par exemple, ont des préoccupations communes, dont l'insuffisance ou l'absence de conciliateurs ou d'arbitres qualifiés et l'existence d'un droit du travail et de procédures dépassés et inefficaces. Les demandes communes émanant de ces pays concernent la formation et l'assistance technique nécessaires pour renforcer l'ensemble du dispositif de règlement des conflits.
Conflits de reconnaissance
123. Dans la plupart des pays d'Europe occidentale et dans un certain nombre de pays en développement, la reconnaissance des syndicats ne pose pas de problème majeur, principalement parce que les employeurs reconnaissent d'eux-mêmes le pouvoir négociateur des syndicats ou que la loi les y oblige. Aux Etats-Unis et dans certains autres pays, les demandes de reconnaissance des syndicats se sont heurtées à une très forte résistance des employeurs, ce qui a souvent donné lieu à d'âpres conflits. C'est pourquoi, dans ces pays, des lois ont été adoptées afin de soumettre toute la question de la reconnaissance syndicale à une réglementation beaucoup plus détaillée qu'ailleurs.
124. Le principe fondamental sur lequel repose le système de reconnaissance syndicale aux Etats-Unis et au Canada est que le syndicat choisi par la majorité des travailleurs au sein d'une unité de négociation donnée est le représentant exclusif de tous les travailleurs de l'unité et doit être reconnu comme tel par l'employeur. Ce système a principalement pour objet de résoudre les problèmes de reconnaissance syndicale en évitant les conflits sociaux. Le système en vigueur en Amérique du Nord a influencé les systèmes de divers pays en développement en proie à des difficultés en raison de la multiplicité des syndicats, notamment en Asie et dans la sous-région des Caraïbes.
Pratiques déloyales en matière de travail
125. Un certain nombre de pays ont établi des procédures spéciales pour régler les conflits suscités par des pratiques déloyales en matière de travail. Les définitions de cette expression varient beaucoup d'un pays à l'autre, mais elles se rapportent dans l'ensemble à l'exercice des droits syndicaux. Le plus souvent, il s'agit de différends portant sur des actes allégués de discrimination antisyndicale en matière d'emploi. Dans certains pays, le conflit peut aussi être déclenché par d'autres motifs de discrimination (par exemple en Afrique du Sud) ainsi que par le refus d'un employeur de négocier avec un syndicat, ou par certaines actions entreprises par les syndicats à l'égard des employeurs. L'incapacité d'un syndicat de représenter équitablement les travailleurs est également définie, dans certains pays, comme une pratique déloyale en matière de travail.
126. Aux Etats-Unis, un organisme administratif spécial est chargé de régler ces différends. Ailleurs, comme au Japon et au Canada, des organismes spécialisés parajudiciaires ont qualité pour les examiner.
Actions de revendication
127. Le droit de grève est l'un des principaux moyens dont disposent les travailleurs, et leurs organisations, pour promouvoir et protéger leurs intérêts économiques et sociaux; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels le reconnaît expressément en son article 8. Au niveau régional, la Charte sociale européenne est un des premiers instruments à avoir reconnu ce droit expressément dans le cas d'un conflit d'intérêts, sous réserve des engagements pris au titre des conventions collectives en vigueur. A l'OIT, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration ont reconnu que le droit de grève, bien qu'il ne soit pas expressément mentionné dans la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, découle en fait du principe de la liberté syndicale et constitue un moyen essentiel pour les travailleurs et leurs organisations en vue de promouvoir et de protéger leurs intérêts économiques et sociaux.
128. La grève offre souvent aux travailleurs, par son influence économique, un moyen de faire contrepoids au pouvoir de l'employeur. Toutefois, l'ampleur de certains conflits sociaux peut rendre grèves et lock-out préjudiciables à la vie économique.
129. La législation applicable aux grèves et aux lock-out doit être examinée aux plans de l'étendue de la reconnaissance des droits et de la réglementation de leur exercice. L'étendue de la reconnaissance du droit de grève varie considérablement. A une extrémité de l'échelle se situent les pays où le principe du droit de grève est reconnu par la Constitution, par la législation, par la jurisprudence ou les conventions signées par les fédérations d'employeurs et de travailleurs, sous réserve de restrictions auxquelles certaines catégories de travailleurs peuvent être soumises. Certains de ces pays (la France, l'Italie et le Portugal par exemple) ne garantissent pas de la même manière le droit de lock-out, au motif que les travailleurs sont moins puissants que les employeurs et que le droit de grève vise à redresser l'équilibre. D'autres pays (c'est le cas notamment du Canada, des Etats-Unis, du Mexique et de la Suède) reconnaissent expressément le droit de grève et le droit de lock-out. Au Royaume-Uni, où le droit de grève n'est pas explicitement inscrit dans la loi, il persiste certaines immunités statutaires limitées accordées en cas de grève à ceux dont la responsabilité civile ou pénale pourrait sinon se trouver engagée.
130. Dans certains pays (par exemple en France -- dans le secteur privé -- et en Italie), le droit de grève est considéré comme un droit de chaque travailleur, tandis que, dans d'autres (par exemple en Allemagne et en Suède), il s'agit d'un droit des syndicats. Il en résulte, dans la réalité, que les grèves non officielles ou «sauvages» sont, en principe, légales dans la première catégorie de pays et illégales dans les autres.
131. La plupart des pays qui reconnaissent en principe le droit des travailleurs de se mettre en grève refusent ce droit à certaines catégories de travailleurs (militaires, hauts fonctionnaires, etc.).
132. A l'autre extrême, il existe des pays où l'ensemble des travailleurs ne jouissent pas du droit de grève ou dans lesquels il est sévèrement restreint. Bien que le nombre des pays où la législation interdit expressément la grève de façon permanente soit relativement faible, nombreux sont ceux, en revanche, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine, où l'interdiction des grèves découle, pour les raisons pratiques imaginables, de l'effet cumulatif des dispositions relatives au règlement des différends, selon lesquelles tout différend non résolu doit être soumis à l'arbitrage obligatoire ou à la résolution du ministère du Travail. Dans beaucoup d'autres pays, où le recours à l'arbitrage n'est pas obligatoire, les autorités sont habilitées à soumettre, de leur propre initiative, les conflits à l'arbitrage obligatoire , se ménageant ainsi la possibilité d'interdire ou d'étouffer rapidement, pour ainsi dire, toute tentative de grève. De l'avis des organes de contrôle de l'OIT, de tels pouvoirs entravent sérieusement la capacité des syndicats de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres, ainsi que leur droit d'organisation, et ne sont pas compatibles avec les principes de la liberté syndicale.
133. Même là où le droit de grève ou de lock-out est en principe reconnu, les différentes modalités de leur exercice sont souvent réglementées. La réglementation porte essentiellement sur le moment, l'objet et les modalités de la grève et du lock-out.
134. La réglementation du choix des dates des grèves et des lock-out est consacrée, dans nombre de pays, par l'obligation faite aux parties à une convention collective de ne recourir ni à la grève ni au lock-out pendant la durée de validité de cette convention. Cette obligation, que l'on nomme habituellement «obligation de paix sociale», peut être établie par une disposition législative expresse, comme en Suède, par un accord général entre des centrales syndicales et patronales, comme au Danemark, par une clause expresse de la convention collective liant les parties, comme aux Etats-Unis, ou être considérée comme une des fonctions de la convention collective, conformément à la décision des tribunaux, établissant la paix entre les parties -- comme en Allemagne, en Autriche et en Suisse.
135. Les motivations d'une grève licite sont, elles aussi, soumises à une réglementation dans de nombreux pays. Souvent, une grève n'est réputée licite que si ses objectifs sont liés aux relations professionnelles ou si «elle s'inscrit dans la perspective d'un conflit professionnel ou le prépare» (selon les termes utilisés dans la législation britannique), bien qu'il soit difficile de définir ce que l'on entend par «conflit professionnel» ou par «objectifs liés aux relations professionnelles». Le caractère légal des objectifs poursuivis est souvent mis en cause lorsqu'il s'agit de grèves politiques ou de grèves de solidarité. Bien que, dans certains pays, ces deux types de grèves soient en général tolérés, elles sont interdites ou soumises à des restrictions dans beaucoup d'autres.
136. Le but d'un lock-out détermine aussi son caractère licite dans certains pays. En France et en Italie, par exemple, l'employeur peut en prendre l'initiative uniquement en tant que mesure défensive lorsqu'une grève illégale a été déclenchée, tandis qu'au Chili le lock-out peut être la riposte à toute grève touchant plus de 50 pour cent de la main-d'œuvre. En Espagne, les lock-out sont autorisés dans certaines circonstances, très limitées, par exemple lorsqu'il est nécessaire de protéger les personnes ou les biens contre des actes de violence.
137. En ce qui concerne les modalités de la grève et du lock-out, on s'accorde en général sur un point: ils doivent se dérouler dans un climat pacifique. Autre grand principe, la grève ou le lock-out doivent, dans les conflits du travail, être le dernier recours, et tous les efforts doivent donc être déployés pour régler les différends de manière pacifique. Ce principe a été rendu contraignant par les tribunaux de certains pays, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, où une grève n'est réputée licite que si toutes les possibilités de négociation ont été épuisées. Dans bien des pays, enfin, la loi prévoit que la grève doit faire l'objet d'un préavis ou être votée par les travailleurs syndiqués mais, dans beaucoup d'autres, ce n'est pas exigé. Les systèmes juridiques divergent considérablement pour ce qui est de la réglementation des grèves perlées, des grèves du zèle, des grèves tournantes, des piquets de grève, des grèves de solidarité et de l'occupation des locaux d'une entreprise par son personnel.
138. Récemment, la réglementation des grèves et des lock-out dans les services essentiels est redevenue d'actualité dans quelques pays. Si les grèves et les lock-out dans les services essentiels font, depuis des années, l'objet de restrictions dans un grand nombre de pays, une tendance se dessine actuellement dans certains pays -- où le droit de grève et de lock-out était par tradition largement reconnu -- à introduire certaines restrictions à l'exercice de ces droits dans les services essentiels, par exemple sous la forme d'une obligation d'assurer un service minimum pendant la grève ou d'une interdiction des lock-out.
139. Les organes de contrôle de l'OIT ont estimé que l'interdiction des grèves dans les services essentiels, lorsqu'elle existe, devrait être limitée aux services dont l'interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de la totalité ou d'une partie de la population, et que des garanties adéquates devraient être fournies afin de protéger les travailleurs qui sont ainsi privés d'un des moyens essentiels de défendre leurs intérêts, en mettant en place des procédures de conciliation appropriées, impartiales et rapides et, en dernier recours -- et seulement lorsque celles-ci échouent --, des procédures d'arbitrage auxquelles les parties concernées peuvent participer à toutes les étapes et dans lesquelles les sentences devraient être, dans tous les cas, contraignantes pour les deux parties et appliquées rapidement et intégralement. Les organes de contrôle de l'OIT ont également pris position sur un certain nombre des questions évoquées ci-dessus, notamment sur les grèves politiques, et les périodes de préavis et les scrutins.
Normes internationales du travail
140. Les normes internationales du travail sur le règlement des différends ont un caractère général qui reflète la grande diversité des systèmes de règlement des conflits en vigueur. La recommandation (no 92) sur la conciliation et l'arbitrage volontaires, 1951, invite à établir des organismes de conciliation volontaire, gratuite et expéditive, afin de contribuer à la prévention et au règlement des conflits du travail. Elle invite également à prendre des mesures pour que la procédure puisse être engagée soit sur l'initiative de l'une des parties au conflit, soit d'office par l'organisme de conciliation volontaire. Elle précise que si un conflit a été soumis à une procédure de conciliation ou d'arbitrage avec le consentement de toutes les parties intéressées, celles-ci devraient être encouragées à s'abstenir de grèves et de lock-out pendant que la conciliation ou l'arbitrage est en cours. La recommandation dispose également qu'aucune de ses dispositions ne pourra être interprétée comme limitant, d'une manière quelconque, le droit de grève.
141. Une autre indication quant à la façon dont un mécanisme approprié de règlement des conflits devrait être conçu est fournie par la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, qui prévoit des mesures visant à assurer que les organismes et les procédures de règlement des conflits du travail contribuent à promouvoir la négociation collective. Dans la même veine, la recommandation (no 163) sur la promotion de la négociation collective, 1981, préconise d'instituer des procédures de règlement des conflits du travail qui aident les parties à trouver elles-mêmes une solution au conflit qui les oppose.
142. La recommandation (no 130) concernant l'examen des réclamations, 1967, traite d'une catégorie particulière de conflits du travail, à savoir les réclamations présentées par un ou plusieurs travailleurs concernant des mesures ou des situations qui se rapportent aux relations de travail ou aux conditions d'emploi, lorsque le ou les travailleurs estiment, de bonne foi, que ces mesures ou ces situations sont contraires aux dispositions d'une convention collective en vigueur ou à celles d'un contrat individuel de travail, à un règlement d'entreprise, à la législation nationale, ou encore aux us et coutumes de la profession, de la branche d'activité économique ou du pays. Elle recommande qu'un ou plusieurs travailleurs aient le droit de présenter une ou plusieurs réclamations sans qu'il en résulte un quelconque préjudice, et que cette ou ces réclamations soient examinées selon une procédure appropriée au sein de l'entreprise. Lorsque tous les efforts en vue de régler une réclamation au sein de l'entreprise ont échoué, la recommandation indique qu'il devrait être possible de la régler définitivement par des procédures convenues, par la conciliation, l'arbitrage ou une décision judiciaire, etc. La recommandation établit une distinction entre ce type de réclamations et les revendications collectives tendant à modifier les conditions d'emploi, lesquelles sont exclues de son champ d'application.
143. Concernant les conflits du travail dans la fonction publique, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, prévoit que le règlement des différends concernant les conditions d'emploi doit être recherché par voie de négociation entre les parties ou par une procédure indépendante ou impartiale telle que la médiation, la conciliation ou l'arbitrage. La convention souligne en outre que cette procédure doit être instituée de telle sorte qu'elle inspire la confiance des parties intéressées. Au cours du débat qui a abouti à l'adoption de l'instrument, il y a eu accord sur le fait que cette convention ne traitait en aucune façon du droit de grève.
144. Parmi les autres normes internationales du travail pertinentes, citons la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, et la recommandation (no 159) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. Outre ces conventions et recommandations internationales, ainsi que les autres citées précédemment, le Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations ont formulé différents principes pertinents. La commission d'experts a entrepris une étude générale de l'application des conventions nos 87 et 98, qui a été examinée par la Conférence à sa 81e session en 1994. Le Bureau se fonde sur les principes de la liberté syndicale et du droit de négociation collective lorsqu'il conseille les Etats Membres pour élaborer leur législation du travail.
Perspectives d'un examen général
du règlement des conflits
145. Dans le domaine des relations professionnelles, un consensus vaste semble exister parmi les mandants quant à l'importance de la prévention et du règlement des conflits du travail. Les renseignements présentés ci-dessus décrivent, autant que possible, la situation de nombreux pays dans ce domaine ainsi que les tendances et problèmes rencontrés récemment, particulièrement dans les pays en développement. La nécessité de réformer le droit du travail et les procédures, de former, de partager l'information et de réaliser des études et un complément de recherche sur les pratiques efficaces et novatrices est évoquée. Il vaudrait peut-être mieux réexaminer l'ensemble de la question lors d'un débat général de façon à donner une orientation au Bureau pour ses activités futures dans le domaine de la prévention et du règlement des conflits du travail. Parmi les questions susceptibles d'être examinées, citons les méthodes et approches avancées de conciliation, médiation, arbitrage ou de règlement judiciaire relatif au travail, ainsi que les contraintes et problèmes rencontrés; le droit et la procédure ainsi que les mesures relatives à la prévention et au règlement des conflits; et le rôle des normes internationales du travail aux fins de favoriser la prévention et le règlement effectif des conflits du travail.
* * *
5. Prévention du harcèlement sexuel au travail
Résumé |
La notion de harcèlement sexuel dans l'emploi et la profession a beaucoup évolué ces dernières années; aujourd'hui, ce phénomène est considéré comme un véritable problème qui concerne beaucoup de personnes -- essentiellement des femmes mais parfois aussi des hommes -- dans toutes les régions du monde. Très peu de normes internationales traitent de la question, mais certains pays -- encore peu nombreux mais ils font des émules --ont adopté des lois qui qualifient le harcèlement sexuel de comportement offensant qu'il faut punir et prévenir. Par ailleurs, diverses formes de réglementation -- codes de conduite, règlements d'entreprise, etc. -- sont adoptées tant par ces pays que par beaucoup de ceux qui ne sont pas encore dotés d'une législation dans ce domaine. Il existe plusieurs définitions du harcèlement sexuel, car la notion de comportement inacceptable varie d'une personne à l'autre, de même que les moyens envisagés pour y porter remède. En revanche, tout le monde s'entend sur la nature et l'étendue du problème et sur le fait que le harcèlement sexuel est une forme aggravée de discrimination fondée sur le sexe. Les différences d'approches traduisent pour l'essentiel des distinctions subtiles entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Si le Conseil d'administration décide d'inscrire cette question à l'ordre du jour de la Conférence, ce serait en vue de l'adoption d'une convention et/ou d'une recommandation dont l'objet serait d'établir des principes généraux relatifs à la prévention du harcèlement sexuel dans l'emploi et la profession et qui pourraient être adaptés aux contextes nationaux par voie de législation ou autres mesures. |
Définition
146. Il n'existe pas de définition unique universellement acceptée du harcèlement sexuel. Dans son étude d'ensemble de 1988 relative à la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations donne des exemples de comportement relevant du harcèlement sexuel. Dans l'étude spéciale de 1996 consacrée à la même question, elle reprend ces exemples et les approfondit. Il y est indiqué que par harcèlement sexuel il faut entendre notamment toute insulte, remarque, plaisanterie, insinuation ou tout commentaire déplacé sur les vêtements d'une personne, son physique, son âge ou sa situation de famille; toute attitude condescendante ou paternaliste ayant une implication sexuelle qui porte atteinte à la dignité; toute invitation ou requête importune, qu'elle soit implicite ou explicite, accompagnée ou non de menaces; tout regard concupiscent ou autre geste associé à la sexualité; tout contact physique indésirable comme les attouchements, les caresses, les pincements, les voies de faits. La commission d'experts souligne que, pour être considérés comme des formes de harcèlement sexuel, de tels actes doivent être perçus à juste titre comme une condition de maintien dans l'emploi ou une condition préalable à l'emploi; influer sur les décisions prises dans ce domaine ou nuire au rendement professionnel; humilier, insulter ou intimider la personne qui en est victime. Le harcèlement sexuel peut aussi trouver sa source dans un climat généralement hostile vis-à-vis d'un sexe ou de l'autre(9) .
147. Dans sa Recommandation générale no 19 sur la violence à l'égard des femmes, le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes qualifie le harcèlement sexuel de forme de discrimination fondée sur le sexe et de forme de violence à l'égard des femmes:
Le harcèlement sexuel se manifeste par un comportement inopportun déterminé par des motifs sexuels, consistant notamment à imposer des contacts physiques, à faire des avances et des remarques à connotation sexuelle, à montrer des ouvrages pornographiques et à demander de satisfaire des exigences sexuelles, que ce soit en paroles ou en actes. Une telle conduite peut être humiliante et peut poser un problème sur le plan de la santé et de la sécurité; elle est discriminatoire lorsque la femme est fondée à croire que son refus la désavantagerait dans son emploi, notamment pour le recrutement ou la promotion ou encore lorsque cette conduite crée un climat de travail hostile(10) .
148. Aucune convention internationale contraignante ne mentionne donc expressément le harcèlement sexuel, mais les organes de contrôle compétents de l'OIT et des Nations Unies ont jugé qu'il ressortit à une forme de discrimination fondée sur le sexe. La seule convention internationale adoptée à ce jour qui l'interdit expressément est la convention de l'OIT (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 (article 20).
149. La définition la plus souvent citée est celle qui figure dans la recommandation sur la protection de la dignité des femmes et des hommes au travail formulée par la Commission européenne en 1991 et dans le code de pratique qui l'accompagne. Les trois éléments principaux qui définissent le harcèlement sexuel sont les suivants:
a) un comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe qui porte atteinte à la dignité de la
femme ou de l'homme et qui est intempestif, abusif et blessant pour la personne qui en fait l'objet;
b) le fait qu'une personne refuse un tel comportement ou s'y soumette «est utilisé explicitement ou implicitement comme base
d'une décision affectant les droits de cette personne en matière de formation professionnelle, d'emploi, de maintien de
l'emploi, de promotion, de salaire ou toute autre décision relative à l'emploi»;
c) un tel comportement crée un climat d'intimidation, d'hostilité ou d'humiliation à l'égard de la personne qui en fait l'objet.
150. Le code de pratique qui accompagne la recommandation donne des indications supplémentaires:
La caractéristique essentielle du harcèlement sexuel réside dans le fait qu'il est ressenti comme indésirable par celui qui en fait l'objet, qu'il appartient à chaque individu de déterminer quel comportement il peut accepter et quelle conduite il juge offensante. L'intérêt sexuel ne devient harcèlement sexuel qu'après que celui qui en fait l'objet a clairement montré qu'il le considère comme offensant, bien qu'un seul incident de harcèlement puisse constituer à lui seul un harcèlement sexuel s'il est suffisamment grave. C'est la nature indésirable de comportement qui distingue le harcèlement sexuel d'un comportement amical, bien accueilli et mutuel.
151. Les critères utilisés dans le code de pratique de la Commission européenne, tels que le caractère «offensant» d'un type de comportement ou le fait qu'il soit «bien accueilli» par certaines personnes, ne permettent pas de dresser une liste exhaustive des comportements ressortissant au harcèlement, et donc à interdire. Toute norme internationale adoptée dans ce domaine devrait donc être plus descriptive. Cela signifie qu'il faudra fixer des principes généraux susceptibles d'être appliqués de manière adaptée aux différentes situations nationales.
152. Les deux principaux types de harcèlement sexuel au travail cités dans ces définitions sont le chantage sexuel et la création d'un milieu de travail hostile. Toute définition complète doit donc inclure ces deux formes de comportement.
a) Chantage sexuel
153. Le harcèlement sexuel peut être étroitement lié aux conditions de travail, comme c'est le cas dans ce que l'on appelle parfois «le chantage sexuel», pratique qui force une personne à faire un choix entre se soumettre à des avances sexuelles ou subir un préjudice professionnel. Parce que seule une personne qui a le pouvoir d'influer sur la situation d'emploi d'une autre personne peut se livrer à un «chantage sexuel», cette forme de harcèlement ressortit à un abus d'autorité de la part de l'employeur (ou de la part de son représentant auquel il a dévolu une part de son autorité). Ce comportement est généralement considéré comme particulièrement répréhensible car il représente un abus de confiance et un abus de pouvoir. Aux Etats-Unis, le chantage sexuel a été la première forme de harcèlement sexuel qui a été reconnue illégale par les tribunaux, et la législation française en la matière se fonde sur cette notion d'abus d'autorité.
154. Cependant, limiter l'interdiction du harcèlement sexuel au chantage sexuel exercé par un employeur ou son représentant pose deux problèmes fondamentaux. Le premier est que, même en étendant le concept d'employeur au personnel de direction et d'encadrement, cette définition ne couvre pas le chantage exercé entre collègues. Or le harcèlement par un collègue peut avoir, sur l'état physique, émotionnel et psychologique de la personne qui en fait l'objet, des conséquences aussi préjudiciables que le harcèlement par un supérieur, car il crée un climat de travail hostile. Le deuxième problème est que, au lieu de faire du harcèlement sexuel un acte illégal en soi, on ne fait qu'interdire les représailles dont il peut s'assortir. Autrement dit, une action en justice sera intentée parce que le plaignant s'est vu refuser un avancement ou une augmentation de salaire ou a été licencié du fait de sa réaction à un acte de harcèlement. Si aucunes représailles n'ont été exercées, la personne se trouve sans recours, pour offensant qu'ait été le comportement dont elle a eu à souffrir. Cela signifie qu'un travailleur peut être harcelé sexuellement en toute impunité, sous réserve qu'aucune sanction concrète ne soit prise contre lui au cas où il opposerait une résistance(11) .
155. On notera que des victimes de chantage sexuel ont intenté une action et ont obtenu gain de cause dans plusieurs pays dont l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Grèce, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède. Il s'agit dans la plupart des cas d'affaires de licenciement abusif, dans lesquelles le plaignant argue que le refus de répondre aux avances sexuelles d'un supérieur n'est pas une raison valable de licenciement.
b) Milieu de travail hostile
156. Le harcèlement sexuel peut entraîner une dégradation du climat de travail, en le rendant hostile, offensant ou détestable pour les personnes qui en sont les victimes. Reconnaissant cela, un certain nombre de pays ont institué un droit d'action contre le harcèlement sexuel qui crée un milieu de travail hostile pour les personnes qui en font l'objet. Aux Etats-Unis, la Commission de l'égalité des chances en matière d'emploi se réfère, dans ses directives sur le harcèlement sexuel, à un acte qui a pour objet ou pour effet de nuire déraisonnablement au rendement au travail de la personne qui en est victime ou de créer un climat offensant, d'intimidation ou d'hostilité. Comme nous l'avons vu plus haut, la recommandation de la Commission européenne se réfère aussi à un comportement qui «crée un climat d'intimidation, d'hostilité ou d'humiliation à l'égard de la personne qui en fait l'objet», concept que l'on retrouve dans la recommandation générale du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et dans divers commentaires de la commission d'experts de l'OIT.
Etendue du problème
157. Les travaux de plus en plus nombreux consacrés au harcèlement sexuel sur le lieu de travail montrent l'étendue de ce phénomène partout dans le monde. Le Bureau sait par exemple que des enquêtes portant sur plusieurs pays industrialisés ont été menées ces dernières années en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Canada, au Danemark, en Espagne, aux Etats-Unis, en Finlande, en France, aux Pays-Bas, au Portugal, au Royaume-Uni, en Suède et en Tchécoslovaquie. Là où le phénomène n'a pas été étudié, d'autres sources indiquent qu'il est perçu comme un problème d'une réelle gravité. La question du harcèlement sexuel est par exemple régulièrement soulevée par les participants aux séminaires du BIT sur l'égalité. Un très grand nombre de pays jugent aussi dans leurs rapports sur l'application de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes que c'est un obstacle majeur à l'égalité. Beaucoup, dans leurs plans d'action visant à donner effet au programme d'action adopté par la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995), ont pris des mesures à cet égard. Il est donc largement attesté que le problème existe partout dans le monde.
158. Les résultats des enquêtes varient selon le groupe interrogé, sa taille, son degré de conscience du problème et surtout selon les questions posées. Ainsi, il est plus probable que la personne interrogée réponde oui à la question suivante: «Avez-vous déjà fait l'objet d'un comportement intempestif?» qu'à celle-ci: «Avez-vous déjà été victime de harcèlement sexuel?», car cette notion varie d'une personne à l'autre. C'est la raison pour laquelle les pays qui ont réalisé plusieurs enquêtes sur l'incidence du harcèlement sexuel constatent que les résultats diffèrent beaucoup. Par ailleurs, les conclusions des études ne donnent pas de fondement concret pour comparer l'étendue du problème dans les différents pays(12) .
159. Il n'y a pas de profil type de la victime de harcèlement sexuel mais la vulnérabilité et la dépendance financière apparentes semblent, bien plus que l'aspect physique, augmenter la probabilité pour une personne de faire l'objet d'un tel comportement. Les données nationales établissent sans aucune ambiguïté que les femmes risquent beaucoup plus que les hommes de se heurter à ce problème au travail. Toutefois, beaucoup d'enquêtes montrent qu'ils peuvent aussi en être victimes, mais dans une bien moindre proportion. Il est donc justifié que les politiques et directives octroient les mêmes droits à toutes les victimes de harcèlement sexuel, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes(13) .
Action au niveau national
160. La prévention du harcèlement sexuel sur le lieu de travail retient de plus en plus l'attention partout dans le monde depuis vingt ans. Le nombre de pays qui sanctionnent ce comportement, voire le criminalisent, augmente. Le dossier consacré à 23 pays industrialisés que le BIT a publié en 1992(14) montre que sept pays seulement avaient alors des dispositions qui définissent ou mentionnent expressément les termes «harcèlement sexuel». Depuis 1993, plusieurs pays ont adopté des textes spécifiques l'interdisant ou des textes plus généraux concernant la discrimination fondée sur le sexe qui apportent une protection contre le harcèlement. Il s'agit notamment des pays suivants: Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Australie, Belgique, Belize, Brésil, Costa Rica, Finlande, France, Irlande, Japon, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Philippines, Suisse(15) . Il est très probable qu'en approfondissant les recherches on trouvera, en dessous de la législation, d'autres textes prévoyant une réglementation et des recours.
161. Presque tous les pays industrialisés sont désormais dotés d'un dispositif juridique contre certaines formes de harcèlement sexuel au travail. Cependant, il est probable que l'utilisation de ces mécanismes dépend en grande partie de leur place dans le système juridique. A cet égard, il faut distinguer les pays qui ont intégré la notion de harcèlement sexuel dans leur appareil législatif ou judiciaire et les autres. Dans ces derniers, il peut certes y avoir des voies de recours juridique contre le harcèlement sexuel mais seulement pour les affaires qui relèvent de la catégorie des comportements proscrits. Ainsi, le harcèlement sexuel, lorsqu'il prend la forme de contacts physiques imposés pouvant aller jusqu'au viol, à l'attentat à la pudeur et autres agressions sexuelles, peut constituer une violation du droit pénal. Il peut aussi être considéré comme un manquement de l'employeur à son devoir d'assurer la sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail, comme un manquement aux obligations découlant du contrat ou comme une violation des protections prévues par la Constitution (égalité de traitement, respect de l'intégrité). Dans tous ces cas, le harcèlement sexuel est assimilé à une activité interdite par une législation qui régit d'autres domaines, par exemple les lois sur l'égalité des chances, la législation du travail, le droit civil, le droit pénal. La législation relative aux droits de l'homme et la réglementation de la sécurité et de la santé au travail ont aussi été citées comme voies possibles pour engager une action(16) .
162. Toutefois, ces recours peuvent rester essentiellement théoriques pour quatre raisons principales: a) les lois invoquées pour obtenir réparation ne visent pas spécifiquement le harcèlement sexuel; b) leur mise en application dépend souvent d'organismes extérieurs; c) la procédure relative aux preuves peut être source de difficultés; d) les sanctions peuvent être insuffisantes ou inadaptées à la nature spécifique du délit(17) .
163. C'est l'interprétation des lois que font les tribunaux qui peut donner corps à l'interdiction du harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Mais il n'existe pas grand-chose dans ce domaine car la législation est encore trop récente. Les décisions recensées à ce jour sont très peu nombreuses et leur analyse a donné des résultats variables, d'où la difficulté de discerner des tendances précises. En 1993, des décisions importantes ont été prises aux Etats-Unis, dans plusieurs pays européens et au Japon. La position des Etats-Unis qui considèrent le harcèlement sexuel comme une discrimination fondée sur le sexe en matière d'emploi a été confirmée. En France, il continue d'être visé en tant qu'abus d'autorité ou de pouvoir. En Espagne, il est envisagé plutôt comme une atteinte au droit à la sécurité et à la santé au travail. Au Japon, les tribunaux ont rendu des décisions sévères sur le harcèlement exercé sous forme de chantage par des supérieurs hommes à l'encontre de jeunes travailleuses(18) .
164. Droit applicable.Comme indiqué ci-dessus, divers moyens peuvent être mis en œuvre contre le harcèlement sexuel au travail, tant en droit civil qu'en droit pénal. Quelle que soit leur valeur potentielle dans des cas concrets spécifiques, la plupart des dispositifs juridiques comportent de graves défauts en tant que principal recours contre les agissements visés. Les sanctions pénales présentent plusieurs inconvénients. Leur mise en application dépend d'un agent de l'Etat, par exemple d'un inspecteur du travail ou d'un procureur; l'établissement de la preuve et les règles qui la régissent peuvent répondre à des normes plus strictes qu'en procédure civile; il est improbable que l'employeur soit tenu responsable du fait de ses salariés; la sanction consiste habituellement à infliger une amende au coupable et non pas à accorder des dommages-intérêts à la victime.
165. Dans la plupart des pays industrialisés, le harcèlement sexuel peut aussi amener le travailleur à rompre le contrat d'emploi et à réclamer des dommages et intérêts à l'employeur. L'inconvénient de ce recours est que la victime est obligée de renoncer à son emploi pour saisir la justice.
Initiative des partenaires sociaux
166. Les commentateurs soulignent que l'objectif principal de la plupart des victimes de harcèlement sexuel n'est pas de poursuivre leur employeur en dommages-intérêts mais de mettre un terme, dans l'immédiat et à long terme, à un comportement offensant et de se protéger contre toute mesure de rétorsion qui pourrait être prise contre elles du fait qu'elles ont déposé plainte(19) . L'un des moyens utilisés par les organisations pour lutter contre le harcèlement sexuel est de concevoir et d'appliquer une politique de prévention dans l'entreprise.
167. Il est de plus en plus reconnu que le harcèlement sexuel a des conséquences néfastes sur les personnes qui en sont victimes ainsi que sur le milieu de travail, et les partenaires sociaux prennent souvent des mesures avant l'adoption de toute législation ou en complément de celle-ci. Des programmes de formation sont organisés par des administrations, des organisations d'employeurs, des organisations non gouvernementales et des sociétés de consultants indépendantes. Dans certains pays, on recourt à la négociation collective(20) . Considérant désormais que le harcèlement sexuel est un vrai problème de gestion, beaucoup d'employeurs, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, ont adopté des directives et codes de conduite en la matière. Plusieurs organisations d'employeurs mettent leurs affiliés au courant de la législation et leur recommandent de formuler des déclarations de principe, de former le personnel de direction et d'encadrement, d'établir des procédures relatives aux plaintes et d'informer l'ensemble de leur personnel(21) .
168. Dans plusieurs pays, les syndicats ont publié des brochures qui expliquent ce qu'est le harcèlement sexuel et ce qu'on peut faire pour s'en défendre(22) . Certains ont lancé des campagnes de sensibilisation qui appellent leurs membres à dénoncer les actes de harcèlement sexuel au conseil d'entreprise ou au délégué syndical(23) .
169. Les initiatives prises par les partenaires sociaux pour lutter contre le harcèlement sexuel varient beaucoup d'un pays à l'autre et à l'intérieur d'un même pays. Cependant, deux tendances se détachent nettement. En premier lieu, on constate que, lorsque des initiatives sont prises, il se développe généralement un large consensus entre le syndicat et la direction de l'entreprise. La question du harcèlement sexuel est un domaine des relations professionnelles qui pousse à la coopération plutôt qu'au conflit. En deuxième lieu, un consensus solide s'est formé aussi en ce qui concerne les grands principes des politiques et procédures à adopter au niveau de l'entreprise en matière de harcèlement sexuel. Les travaux du Bureau, confirmés par les exemples donnés plus haut, montrent l'importance des quatre éléments suivants: une déclaration de principe, une procédure relative aux plaintes, des règles disciplinaires, une stratégie de formation et de communication(24) . Il va de soi que toute procédure de plainte doit aussi prévoir une protection contre les représailles.
Travaux du BIT
170. Dès 1985, la Conférence internationale du Travail a reconnu que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail nuit aux conditions de travail et aux perspectives d'emploi et d'avancement, et a appelé les Etats Membres à inclure dans leurs politiques de promotion de l'égalité des mesures visant à le combattre et à le prévenir. Dans la résolution concernant l'action de l'OIT en faveur des travailleuses qu'elle a adoptée en 1991, la Conférence demande au Bureau d'organiser des réunions tripartites en vue de l'élaboration de directives pratiques, de matériel pédagogique et de matériel d'information sur les questions qui intéressent particulièrement les travailleuses, notamment le harcèlement sexuel sur les lieux de travail. Dans ses conclusions, la Réunion d'experts sur les mesures spéciales de protection pour les femmes et l'égalité de chances et de traitement (1989) fait de la sécurité personnelle des travailleurs, et notamment de la protection contre le harcèlement sexuel et contre la violence au travail, un problème de sécurité et de santé au travail. En 1990, le Colloque tripartite sur l'égalité de chances et de traitement pour les hommes et les femmes en matière d'emploi dans les pays industrialisés a traité expressément du problème que pose dans ce domaine le harcèlement sexuel(25) .
171. L'intérêt que l'OIT porte à la question s'est surtout concrétisé dans les travaux de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations qui a voulu connaître les mesures prises par les Etats Membres pour éliminer le harcèlement sexuel dans le cadre du suivi de la convention no 111, laquelle n'en traite pas expressément. A cet égard, il faut aussi mentionner l'étude spéciale de 1996 sur l'égalité dans l'emploi et la profession dans laquelle la commission d'experts indique que l'élimination du harcèlement sexuel dans les relations de travail devrait faire partie intégrante d'une politique, législative ou autre, indépendamment des mesures sur la discrimination fondée sur le sexe(26) . On se trouve ici dans le cas typique d'un problème récurrent d'application d'une convention qui fait prendre conscience de la nécessité d'adopter des normes spécifiques en la matière.
Nouvelles normes proposées
172. Vu l'évolution récente de la situation constatée à ce sujet dans beaucoup de pays un peu partout dans le monde et les efforts déployés à différents niveaux, le BIT peut maintenant fournir à ses mandants des conseils sur les façons d'aborder le problème. Comme nous l'avons vu, diverses définitions ont été données du harcèlement sexuel, et celles-ci ont débouché sur des approches variées mais compatibles: mesures législatives, réglementation au niveau de l'entreprise, autres initiatives. L'un des moyens envisageables pour s'attaquer au problème est d'adopter des normes qui viseraient à mieux le faire connaître tout en fournissant des orientations sur la façon de le régler.
173. Une convention pourrait établir des principes généraux sur le modèle de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. Elle commencerait par définir ce qu'est le harcèlement sexuel sur la base des éléments présentés ci-dessus. Elle pourrait ensuite exiger des Etats qui la ratifieront qu'ils adoptent et appliquent une politique nationale visant à faciliter l'identification du harcèlement sexuel sur le lieu de travail et son élimination par des moyens conformes aux conditions et à la pratique nationales. A cette fin, ils auraient à coopérer avec les organisations d'employeurs et de travailleurs et avec d'autres organes compétents. La convention pourrait encourager l'adoption d'une législation allant dans ce sens et de programmes éducatifs propres à faciliter l'acceptation et le respect de cette politique, ainsi que l'abrogation ou l'amendement des dispositions réglementaires et instructions administratives qui n'y seraient pas conformes. Obligation pourrait être faite aux Membres qui ratifieront d'adopter dans un délai très court des mesures visant l'élimination du harcèlement sexuel et prévoyant des recours adaptés sous le contrôle direct d'une autorité nationale, l'adoption rapide de telles mesures par voie de négociation collective et au niveau de l'entreprise étant encouragée, et cela en priorité dans les secteurs comptant un fort pourcentage de travailleuses.
174. La recommandation complétant la convention donnerait des indications plus concrètes sur le contenu des programmes que les entreprises devraient adopter en vue de l'élimination du harcèlement sexuel, sur les dispositions à inclure dans les conventions collectives et sur les recours possibles. Ces indications se fonderaient sur les informations plus détaillées réunies à l'occasion de la consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs. Les plans d'action nationaux établis dans le cadre du suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, 1995) sont une source précieuse d'informations sur les mesures prises par différents pays dans le monde entier.
* * *
6. Enregistrement et déclaration des accidents du travail
et des maladies professionnelles (y compris la révision
de la liste des maladies professionnelles, tableau I
de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents
du travail et de maladies professionnelles, 1964)(27)
Résumé |
L'absence d'informations fiables sur la survenue des accidents et des maladies et de leurs causes gêne considérablement les efforts déployés pour éviter des pertes de vies humaines et des lésions et pour parvenir à des mesures de contrôle efficaces. Cette absence s'est fait sentir dans un grand nombre de pays et donc à l'échelon international. Des données cohérentes et comparables facilitent la production, par les employeurs et les gouvernements, d'analyses comparatives aux échelons de l'entreprise et du pays afin de déterminer des mesures préventives et de fixer les priorités pour leur mise en œuvre ainsi que pour une utilisation économique et rationnelle des ressources. La pratique internationale concernant l'enregistrement et la déclaration des lésions professionnelles est loin d'être uniforme. L'utilisation de définitions différentes, les différences de procédures pour la collecte des données et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et le manque d'experts nationaux conduisent à des situations disparates dans les Etats Membres. Les nouvelles normes internationales permettraient, dans de meilleures conditions que les instruments et les documents existants, d'améliorer et d'harmoniser à la fois la terminologie et les procédures nécessaires, en apportant la base d'une action préventive et de mesures cohérentes aux échelons national, sectoriel et de l'entreprise. Une convention contenant les principes de base complétée par une recommandation pourrait être envisagée. L'instrument international ou les instruments internationaux pourraient prévoir l'obligation pour les autorités compétentes des Etats Membres de mettre sur pied et d'exécuter une politique nationale cohérente ainsi que des systèmes et des programmes et les concepts et la terminologie nécessaires pour l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et la conduite d'enquêtes, ce qui serait compatible avec les accords et les recommandations internationaux. Il serait approprié de mettre à jour la liste actuelle des maladies professionnelles du BIT en même temps que l'élaboration de l'instrument international ou des instruments internationaux. La nouvelle liste pourra avoir deux finalités: elle pourrait devenir le tableau I révisé de la convention no 121 sur les prestations en cas d'accidents du travail, servant ainsi à des fins d'indemnisation, et ce serait aussi une liste de maladies professionnelles pour le nouvel instrument ou les nouveaux instruments, autrement dit une liste qui serait utilisée pour l'enregistrement et la déclaration. |
Aperçu général
175. Malgré les progrès réalisés dans beaucoup de domaines de sécurité, de santé et du bien-être des travailleurs, on a dénombré chaque année depuis dix ans pas moins de 220 000 décès liés au travail et environ 125 millions d'accidents et de cas de maladie d'origine professionnelle. Les recherches en cours effectuées par le Bureau conjointement avec l'Organisation mondiale de la santé montrent que les chiffres des accidents mortels du travail sont supérieurs à ceux estimés précédemment, et seraient d'au moins 335 000 par an (sur la base des informations disponibles pour 1994).
176. L'absence d'informations fiables concernant l'incidence des accidents et des maladies gêne considérablement les efforts déployés pour éviter les pertes de vies humaines et les lésions à cette échelle et pour parvenir à des mesures de contrôle efficaces. Un tiers seulement environ des 120 Etats Membres ayant ratifié la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, incluent des statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles dans leurs rapports annuels comme l'exigent les articles 20 et 21.
177. Les employeurs sont tenus d'enregistrer les informations concernant les accidents et les maladies qui surviennent dans leur entreprise et de mener une enquête à leur sujet. Le registre devrait au moins inclure les faits essentiels nécessaires à la déclaration, l'employeur pouvant ainsi mieux analyser les données enregistrées en vue de déterminer à la fois les causes des accidents et des maladies et les pertes qui en résultent et de mettre au point des programmes et des mesures pour leur prévention et leur contrôle. En outre, les représentants des travailleurs qui disposent de ces informations peuvent apporter une contribution à l'amélioration des conditions de travail.
178. Les informations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles enregistrées et conservées par l'entreprise constituent la base et déterminent la qualité de sa déclaration auprès des autorités compétentes qui sont principalement des organismes de sécurité sociale ou les autorités chargées de faire appliquer la législation relative à la sécurité et à la santé au travail. Les organismes de sécurité sociale exigent des informations pour dédommager les personnes victimes de lésions et leurs ayants droit. Les autorités chargées de faire respecter la législation en ont besoin pour étudier les cas individuels et déterminer quels sont les accidents et les maladies les plus fréquents et, en utilisant les statistiques accumulées, concevoir des stratégies d'application et des directives propres à faciliter l'élaboration de programmes de prévention efficaces aux échelons national, sectoriel et de l'entreprise.
179. Malgré l'existence de résolutions concernant les statistiques des lésions professionnelles adoptées par les dixième et treizième Conférences internationale des statisticiens du travail en 1962 et 1982 (voir paragr. 203), qui recommandent une terminologie, des définitions et des concepts standard et qui prévoient des directives pour la classification et la présentation de statistiques, la pratique internationale est loin d'être uniforme. Les définitions nationales existantes des lésions professionnelles diffèrent souvent des définitions des normes internationales recommandées par ces résolutions. Du fait de différences dans la portée de la législation sur les prestations de sécurité sociale et sur la sécurité et la santé au travail en raison de l'absence d'experts nationaux et du fait que certains pays n'ont pas encore introduit les arrangements nécessaires pour le recueil de données, il existe des variations nationales dans les procédures de recueil et de notification et dans la portée et les sources. Les données incohérentes ou non comparables empêchent les employeurs et les gouvernements de réaliser des analyses comparatives aux échelons de l'entreprise et du pays en vue d'identifier des mesures préventives et de déterminer des priorités dans leur mise en œuvre et l'utilisation économique et rationnelle des ressources. Le phénomène de sous-enregistrement est répandu et le nombre de cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles non déclarés est difficile à quantifier. Dans l'étude intitulée «Accidents at work in the European Union in 1993» (Les accidents du travail dans l'Union européenne en 1993), publiée par EUROSTAT en 1997, quatre Etats membres de l'Union européenne estiment le taux d'absence de déclaration entre 30 (Pays-Bas) et 58 pour cent (Danemark).
180. Plusieurs tentatives ont eu lieu pour améliorer la situation: les participants au Séminaire régional tripartite latino-américain sur l'organisation des services de santé au travail et l'enregistrement et l'analyse des accidents du travail et des maladies professionnelles (Mexico, 23-27 octobre 1989) ont souligné la nécessité d'harmoniser les systèmes d'enregistrement et de déclaration. Dans l'Union européenne, des méthodologies ont été mises au point pour fournir des statistiques harmonisées sur les accidents du travail et des statistiques comparables sur les maladies professionnelles. La 24e Assemblée générale de l'Association internationale de sécurité sociale (AISS) a adopté un rapport en 1992 qui préconise l'adoption d'un système international harmonisé pour la notification et la compilation des statistiques des accidents.
Aperçu des pratiques nationales
181. Les modalités d'enregistrement des accidents au niveau de l'entreprise varient très fortement d'un cas à l'autre. Si les grandes entreprises ont tendance à établir des comptes rendus détaillés des accidents et de leurs causes, ce n'est pas la règle dans les autres. Certaines entreprises, notamment des multinationales, ont établi leur propre système d'enregistrement, parfois pour pouvoir comparer les chiffres entre leurs divers établissements. Divers systèmes d'enregistrement peuvent être utilisés dans certains secteurs de l'économie d'un même pays. Dans beaucoup de pays, l'enregistrement des accidents et des maladies au niveau de l'entreprise n'est régi par aucune disposition législative.
182. En règle générale, seuls les accidents donnant lieu à une indemnisation ou ceux qui répondent à certains critères font l'objet de déclaration auprès des autorités compétentes, tandis que bon nombre d'accidents mineurs, dont la connaissance serait pourtant encore plus importante pour mettre au point des mesures de prévention, ne sont pas pris en compte. Il en résulte que la fréquence relative des accidents déclarés peut varier fortement selon les pays et selon les secteurs de l'économie d'un même pays. On relève aussi des différences considérables en ce qui concerne la déclaration des accidents dans certains secteurs de l'économie. En particulier, dans les secteurs de l'agriculture, de la construction, de la marine et des mines, les critères de déclaration ne sont pas uniformes. Les déclarations peuvent être limitées à certains types de travailleurs ou certains types d'activités économiques et d'entreprises employant plus d'un certain nombre de travailleurs, et elles sont généralement peu nombreuses dans le secteur tertiaire. Les travailleurs indépendants, les travailleurs à temps partiel, les travailleurs occasionnels et les stagiaires ou apprentis peuvent être omis du fait qu'ils n'ont pas recours aux régimes d'assurance publics. En général, les données relatives aux accidents mortels sont plus fiables que celles qui ont trait aux accidents non mortels parce que les premiers sont presque toujours déclarés. Là encore, la pratique n'est cependant pas uniforme en ce qui concerne l'interprétation du terme «mortels» aux fins de déclaration (par exemple les accidents entraînant la mort immédiate ou une lésion mortelle dans les trente jours, entre 31 et 365 jours, ou sans limite de durée).
183. Un problème important, lorsque l'on compare les chiffres relatifs aux accidents du travail, est celui des différences dans les principales catégories d'accidents soumis à déclaration dans chaque pays, qui vont des accidents entraînant une incapacité de travail d'un nombre de jours déterminé aux accidents de toute nature, avec ou sans interruption de travail. Dans la plupart des pays, des indications doivent être fournies sur l'heure, le jour et le lieu de l'accident, le type d'accident et sa cause principale, ainsi que sur la nature et le siège de la lésion. Dans certains pays, des précisions doivent être fournies sur ce que faisait la personne au moment de l'accident. Seuls quelques pays demandent que l'on indique la profession, les qualifications et la formation de la personne victime de l'accident, depuis combien de temps cette personne occupe sa fonction et quels sont les dispositifs de sécurité ou l'équipement de protection individuelle prévus. Les critères pour la déclaration des accidents diffèrent pour les accidents de trajet et les accidents de la circulation survenus pendant le travail.
184. L'enregistrement et la déclaration des maladies professionnelles sont encore plus compliqués. La plupart des pays ont une définition légale des maladies professionnelles qui revêt la forme d'une liste officielle de ces maladies. Dans bien des cas, la liste officielle est liée aux critères d'indemnisation. Toutefois, il y a des différences entre les méthodes de définition choisies. Certains pays ont une liste de maladies officielles, qui est parfois similaire, mais pas nécessairement identique au tableau I annexé à la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964 [Tableau I modifié en 1980]. D'autres Etats Membres utilisent un système dit mixte (maladies figurant sur la liste et autres maladies). Il en résulte que les statistiques nationales sur les maladies professionnelles diffèrent en ce qui concerne les maladies visées, leur définition, les critères pour reconnaître ces maladies et les catégories de travailleurs couvertes. Les maladies ayant des causes multiples et celles qui ont de longues périodes de latence posent des problèmes particuliers.
185. Les procédures de déclaration des maladies professionnelles diffèrent considérablement de celles des accidents du travail, en ce qui concerne aussi bien les personnes chargées de faire les déclarations que les personnes qui les reçoivent. C'est l'employeur ou le médecin qui doit faire la déclaration à l'inspection du travail, ou au service compétent, ou bien le rapport doit être reçu en premier lieu par l'organisme d'assurance. Dans certains pays, il existe plusieurs méthodes d'information facultatives. Les déclarations vont toujours à l'organisme d'assurance chargé de verser les indemnités, mais il arrive que l'organisme de contrôle ne soit pas informé des cas de maladies professionnelles. D'après les études faites dans de nombreux pays, il n'y a pas de doute que ce nombre est considérable. Beaucoup de pays en développement ne sont pas en mesure de recueillir et de publier des données nationales sur les maladies professionnelles. Dans ces pays, il arrive souvent que les maladies résultant d'une exposition professionnelle soient souvent diagnostiquées comme maladies non professionnelles parce que le pays ne dispose pas de spécialistes et/ou d'équipements (absence de listes nationales ou de références internationales) permettant d'établir un diagnostic suffisamment précis à cette fin.
Rôle des nouveaux instruments internationaux
186. Des systèmes nationaux uniformes de déclaration, d'enregistrement et d'évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles sont essentiels pour le rassemblement de données cohérentes et leur utilisation pour la suite pour l'identification et la mise en œuvre de mesures préventives. Les normes internationales du travail n'abordent guère l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles sous l'angle de la prévention efficace et ne sont pas suffisamment directives (voir paragr. 202). Les nouvelles normes internationales sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pourraient instaurer des obligations plus contraignantes pour les gouvernements, et donc être plus efficaces pour les impératifs existants qui sont notamment les résolutions adoptées par la Conférence internationale des statisticiens du travail (voir paragr. 214) et les dispositions générales de certaines conventions et recommandations (voir paragr. 201 et 202). En dépit de l'existence du Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles(28) (voir paragr. 216), il est évident que des normes internationales du travail pourraient aider à améliorer et à mieux harmoniser tant la terminologie que les procédures, en préparant le terrain à des politiques, des mesures préventives et des efforts cohérents tant à l'échelle de la nation qu'à celle du secteur et de l'entreprise. Tout en étant plus détaillé que le ou les instruments envisagés, le Code pourrait toutefois servir de point de départ pour les élaborer.
187. L'instrument international ou les instruments internationaux pourraient prévoir:
Une convention contenant les principes de base, complétée par une recommandation, pourrait être envisagée.
188. Il pourrait s'avérer approprié de mettre à jour la liste des maladies professionnelles du BIT simultanément avec l'élaboration du nouvel instrument ou des nouveaux instruments; la nouvelle liste, qui pourrait comprendre deux parties, aurait une double fonction:
189. La révision proposée de la liste actuelle des maladies professionnelles du BIT, qui date de 1980, et la révision envisagée des systèmes actuels de classification des accidents qui remontent à 1962 pourraient se révéler essentielles à la mise en œuvre du nouvel instrument international ou des nouveaux instruments internationaux.
Teneur du nouvel instrument
ou des nouveaux instruments
190. Le nouvel instrument ou les nouveaux instruments pourraient viser à renforcer et à coordonner les diverses activités au sein de systèmes cohérents de rassemblement d'informations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles dans les Etats Membres. Ces systèmes pourraient englober les méthodes de déclaration et d'enregistrement au sein de l'entreprise et de déclaration à l'autorité nationale. Des systèmes d'enregistrement et de déclaration cohérents pourraient faciliter l'étude et l'analyse des causes des accidents du travail et des maladies professionnelles, ce qui pourrait favoriser la mise en œuvre et l'amélioration continue des politiques de sécurité et de santé au sein de l'entreprise et à l'échelon national, en particulier en vue de mettre au point des programmes cohérents et efficaces d'actions préventives.
191. Les aspects suivants de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pourraient être abordés.
a) Dispositions générales
192. Les dispositions pourraient spécifier que l'autorité compétente devrait définir, mettre en œuvre et réexaminer périodiquement une politique nationale et des principes directeurs cohérents sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et qu'elle devrait instaurer et appliquer progressivement des procédures nationales et mettre en place les modalités juridiques, institutionnelles et administratives nécessaires. Les dispositions concernant la déclaration au niveau national pourraient couvrir tous les accidents du travail mortels, tous les accidents du travail entraînant une incapacité de travail pendant une période à déterminer par l'autorité compétente et toutes les maladies professionnelles figurant sur une liste nationale ou répondant à la définition des maladies prescrites par l'autorité compétente et diagnostiquées au cours d'une période donnée. Les dispositions concernant l'enregistrement au niveau de l'entreprise pourraient être élargies de manière à couvrir également les accidents, les maladies et les événements auxquels ne s'appliquent pas les prescriptions en matière de déclaration (accidents de trajet, maladies liées au travail, événements et incidents dangereux).
b) Mesures au niveau de l'entreprise
i) Mesures à prendre pour l'enregistrement
193. Ces mesures pourraient concerner l'établissement de procédures adéquates et la répartition des responsabilités au sein de l'entreprise: le travailleur ayant à déclarer l'événement et l'employeur étant tenu d'enregistrer les accidents du travail et les cas de maladies professionnelles. Les dispositions pourraient préciser la teneur et le format des registres, le délai imparti aux employeurs pour établir les registres, la confidentialité des données médicales et personnelles et les mesures à prendre pour s'assurer la coopération des travailleurs et veiller à leur formation en matière de déclaration et d'enregistrement. Les indications à consigner dans les registres devraient comprendre au moins les renseignements qui doivent être déclarés au service compétent chargé de faire respecter la législation, à l'organisme approprié servant les prestations au titre de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ou à tout autre organisme désigné. Des dispositions pourraient prévoir l'enregistrement d'informations complémentaires ou progressivement plus détaillées.
ii) Utilisation des informations enregistrées
194. Des renseignements précis sur les causes les plus fréquentes des accidents du travail et des maladies professionnelles et sur l'ampleur des lésions permettraient d'établir plus facilement un ordre de priorité dans les mesures de prévention nécessaires. Ils faciliteraient aussi l'évaluation de l'efficacité des mesures législatives et autres. Des dispositions pourraient ainsi préciser les mesures à prendre pour favoriser l'identification et l'évaluation uniformes des causes des accidents du travail et des maladies professionnelles dans chaque entreprise et, par suite, dans toutes les branches de l'activité économique ainsi qu'à l'échelle nationale, par l'utilisation des informations enregistrées.
c) Déclaration au niveau national
i) Dispositions générales
195. Ces dispositions pourraient indiquer aux Etats Membres comment ils devraient établir et mettre en œuvre des procédures uniformes pour la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et notamment les organismes auxquels la déclaration devrait être faite; elles préciseraient également les responsabilités des employeurs et des travailleurs quant au respect des procédures prévues. Les instruments envisagés pourraient également porter sur les mesures d'application.
ii) Prescriptions en matière de déclaration
196. Les dispositions pourraient préciser le type et la portée des informations à fournir à l'organe compétent chargé de faire respecter la législation, à l'organisme approprié servant les prestations au titre de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ou à tout autre organisme désigné, le délai dans lequel la déclaration devra être soumise en fonction du type de lésion et les dispositions que l'entreprise devra prendre en matière de déclaration. La déclaration des accidents du travail pourrait comprendre des données sur l'entreprise où a eu lieu l'accident et sur son employeur, sur la victime de l'accident, sur l'ampleur, la nature et le siège des lésions provoquées, sur le déroulement de l'accident, sur l'enquête en cours et les mesures prises pour empêcher qu'un tel accident se reproduise. La déclaration des maladies professionnelles pourrait comprendre des données sur l'entreprise et l'employeur, sur la personne atteinte de maladie professionnelle, sur la maladie professionnelle et les agents, procédés ou expositions qui, par leur nocivité, peuvent avoir causé cette maladie. Des dispositions pourraient prévoir que des informations progressivement plus détaillées figurent dans la déclaration.
iii) Procédures pour l'utilisation
des résultats de la déclaration
197. L'instrument ou les instruments envisagés pourraient également proposer des moyens de promouvoir l'utilisation des données déclarées au niveau national, notamment par la création de bases de données nationales et l'établissement de statistiques fiables sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, dont on puisse s'inspirer pour établir un ordre de priorité et élaborer une politique et des programmes nationaux d'action préventive. Les instruments pourraient tenir compte du rôle qui incombe aux organismes de sécurité sociale et aux institutions responsables au niveau sectoriel selon la législation et la pratique nationales.
Révision de la liste des maladies professionnelles
198. Sur la base d'une étude des maladies qui pourraient être incorporées à bon escient dans une liste révisée des maladies professionnelles destinée à remplacer celle du tableau I annexé à la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, et compte tenu des pratiques actuelles et des tendances observées dans le diagnostic et l'évaluation des maladies professionnelles à des fins de réparation, la nouvelle liste envisagée pourrait inclure les rubriques supplémentaires ci-après:
199. La liste révisée contribuera à améliorer la circulation de l'information sur la fréquence des maladies liées au travail dans un but de prévention. Cette liste fournira aussi une aide précieuse pour la surveillance de la santé des travailleurs exposés à des risques professionnels spécifiques et aura l'avantage de favoriser une coopération étroite entre les organismes d'assurance et les services chargés de faire respecter la législation.
Origine de la proposition
200. La question de l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles a été proposée à l'ordre du jour de la Conférence par le Conseil d'administration pour examen en 1991, 1996, 1997 et 1999(29) . La question de la révision de la liste des maladies professionnelles annexée à la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, a été proposée à l'ordre du jour de la Conférence de 1994(30) .
Relation avec des instruments existants
201. Quelque vingt conventions et recommandations encouragent la compilation de statistiques sur les lésions et les maladies professionnelles, mais quelques-unes d'entre elles seulement renvoient à l'enregistrement et à la déclaration. En application de la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, le rapport annuel publié par l'autorité centrale d'inspection doit porter sur les statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles. En vertu de la recommandation (no 97) sur la protection de la santé des travailleurs, 1953, la législation ou la réglementation nationales devrait exiger la déclaration des cas de maladie professionnelle reconnus ou suspectés. La convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, prévoit que l'autorité compétente devra progressivement assurer l'établissement et l'application de procédures visant la déclaration des accidents du travail et des cas de maladie professionnelle en vue de l'établissement de statistiques annuelles. La recommandation (no 164) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, dispose que les employeurs devraient être tenus d'enregistrer les données relatives à la sécurité, à la santé des travailleurs et au milieu de travail et qui pourraient inclure les données concernant tous les accidents du travail et tous les cas d'atteintes à la santé donnant lieu à déclaration. La convention (no 160) sur les statistiques du travail, 1985, et la recommandation no 170 qui l'accompagne exigent la compilation de statistiques sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il n'y a cependant ni directive concernant leur structure ni référence à la résolution concernant les statistiques sur les lésions professionnelles qui prévoient de telles directives.
202. La convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, dispose que la législation doit à la fois prescrire une définition de l'accident du travail et établir une liste des maladies qui seront reconnues comme maladies professionnelles dans les conditions précises. La législation nationale devra inclure une définition générale des maladies professionnelles qui soit suffisamment large pour couvrir au moins les maladies énumérées dans la version la plus récente du tableau I de ladite convention. L'actuelle version a été amendée en 1980 et nécessite une révision. En 1991, une liste révisée a été préparée et mise à jour lors d'une consultation informelle sur la révision du tableau I, organisée par le BIT. Cette liste n'a pas été approuvée officiellement. La résolution concernant les statistiques sur les lésions professionnelles, adoptée par la dixième Conférence internationale des statisticiens du travail (1962), a défini à des fins statistiques les notions de décès (accidents mortels), d'incapacité permanente et d'incapacité temporaire, et a proposé quatre classifications des accidents selon la forme de l'accident, l'agent matériel, la nature de la lésion et le siège de la lésion. Ces classifications doivent être mises à jour pour satisfaire aux besoins modernes et futurs et être développées pour répondre aux besoins croissants d'informations analytiques sur les causes des lésions et des maladies. Compte tenu de ces développements, une réunion d'experts sur les statistiques du travail se tiendra à Genève du 30 mars au 3 avril 1998, avec l'objectif de discuter des principales questions liées à la mesure et à la classification des lésions professionnelles. Ses conclusions seront prises en considération lorsque le Bureau de statistique préparera un projet de résolution sur les statistiques des lésions professionnelles à examiner par la seizième Conférence internationale des statisticiens du travail qui se tiendra à Genève en octobre 1998. Il est probable que la réunion aboutira, entre autres, à des classifications révisées des accidents du travail selon la forme de l'accident et le mode de lésion, le siège de la lésion, le type d'incapacité, le milieu de travail et l'activité de la personne victime de la lésion ainsi que des accidents de trajet.
203. Bien que le Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ne soit pas un document légalement contraignant, il fournit des directives aux autorités compétentes qui leur permettent de mettre au point des systèmes nationaux pour le recueil d'informations comparables et la prévention globale des lésions et des maladies professionnelles. Durant son adoption par une réunion d'experts en octobre 1994, les experts ont souligné que la collecte, l'enregistrement et la déclaration des données relatives aux accidents et aux maladies professionnelles sont indispensables pour l'identification et l'étude des causes des accidents et des maladies. En outre, les experts ont reconnu à la fois l'intérêt des listes de maladies professionnelles et la nécessité de prodiguer des conseils par leur truchement, notamment dans les pays où il n'existe aucune liste de ce type, de même que les difficultés inhérentes à l'identification des maladies professionnelles. Ils se sont déclarés préoccupés par la liste actuelle des maladies professionnelles données au tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964, amendée pour la dernière fois en 1980, et ont recommandé la mise à jour de cette liste.
Etat d'avancement des recherches
et travaux préparatoires
204. Le Recueil de directives pratiques susmentionné a été distribué par le Bureau à l'ensemble des Etats Membres en 1997 dans le cadre d'un effort particulier visant à passer en revue l'établissement de politiques et de programmes nationaux et à obtenir des statistiques sur les accidents du travail, et en particulier sur les décès liés au travail qui soient plus détaillées et comparables sur le plan international. Tous les Etats Membres ont été priés de fournir des données disponibles et de réfléchir aux difficultés ou aux spécificités qui les empêchent de recueillir des données nationales. Les réponses en provenance de 95 institutions et de 84 pays sont en cours d'évaluation.
205. Sur la base de l'expérience acquise par les travaux antérieurs concernant les listes des maladies professionnelles du BIT, de la mise en œuvre pratique continue du Recueil de directives pratiques sur l'enregistrement et de la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et des recherches déjà entreprises, le Bureau est prêt à fournir les travaux préparatoires nécessaires pour une question à l'ordre du jour de la Conférence.
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7. Sécurité et santé dans l'agriculture
Résumé |
Une nécessité s'impose: adopter une législation protectrice des travailleurs agricoles. Dans le monde entier, l'agriculture est l'un des secteurs les plus dangereux, avec les mines et le bâtiment. C'est aussi un secteur extrêmement complexe et hétérogène recouvrant des méthodes spécifiques qui diffèrent selon les pays et leur degré de développement et englobant des techniques aussi différentes que l'agriculture hautement mécanisée des plantations et les méthodes traditionnelles de la petite agriculture de subsistance. Dans de nombreux pays, cependant, exception faite des quelques-uns qui ont adopté une législation agricole en la matière, l'agriculture échappe fréquemment à la réglementation relative à la sécurité et à la santé professionnelles. L'essentiel de cette législation concerne la sécurité des machines et du matériel ainsi que les pesticides. Il n'existe pratiquement pas de législation d'ensemble. En outre, de nombreux travailleurs agricoles sont exclus de la sécurité sociale. Des normes énonçant les principes fondamentaux de la sécurité et de la santé dans l'agriculture fourniraient le cadre dans lequel pourraient s'inscrire les législations nationales adoptées dans ce domaine. A la différence des mines et du bâtiment, aucune convention ne traite de l'ensemble des questions liées à la sécurité et à la santé des travailleurs agricoles. Ces questions sont abordées de manière partielle par une multitude de normes existantes, en particulier la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, qui s'applique à l'ensemble des secteurs de l'économie. |
Aperçu général
206. L'agriculture est un secteur extrêmement complexe et hétérogène. Il recouvre des situations qui diffèrent selon les pays et leur degré de développement et englobent des techniques aussi différentes que l'agriculture hautement mécanisée des plantations et les méthodes traditionnelles de la petite agriculture de subsistance. L'une des caractéristiques du travail agricole est qu'il se fait dans un environnement essentiellement rural où les conditions de travail et les conditions de vie sont étroitement imbriquées. Par ailleurs, l'«agriculture» ne comprend pas seulement la culture, mais aussi de nombreuses autres activités comme la transformation et le conditionnement des cultures, l'irrigation, l'action phytosanitaire, le stockage des céréales, l'élevage de volaille, l'élevage porcin, la pêche, la fumure et les autres travaux domestiques (corvée d'eau ou ramassage du bois, etc.). Il importe également de prendre en considération les implications environnementales liées à la détérioration des ressources naturelles et aux changements environnementaux locaux et mondiaux. L'agriculture est donc à la fois un domaine spécialisé et un secteur qui comprend de nombreux sous-secteurs exigeant le concours d'experts.
207. C'est également un secteur qui a toujours été négligé du fait de l'importance accordée au développement industriel et aux multiples problèmes qu'il pose. Les principales contraintes auxquelles fait face le secteur agricole sont, d'une part, le fait que les travailleurs agricoles assurent dans l'ensemble des pays des tâches extrêmement variées, particulièrement dans la petite agriculture, et que, d'autre part, l'essentiel de ces tâches s'effectue en plein air et que les travailleurs agricoles dépendent donc des conditions atmosphériques, ce qui nuit à l'efficacité des activités et peut modifier entièrement les conditions de travail, les rendant difficiles et dangereuses (exemple: une forte averse durant la moisson ou des bourrasques de vent soudaines durant l'épandage de pesticides). Les facteurs socio-économiques, culturels et environnementaux influencent également les conditions de vie et de travail des agriculteurs et des travailleurs agricoles. Comme les travaux agricoles s'effectuent à la campagne, ils sont soumis aux risques sanitaires inhérents à un environnement rural en même temps qu'à ceux propres à l'opération effectuée (exemple: exposition aux produits agrochimiques). La pollution de l'environnement cause des risques de santé publique et professionnelle qui menacent les travailleurs, leurs familles et les communautés, ainsi que le bétail et les autres animaux domestiques, et plus généralement l'écosystème. Dans les pays en développement, un grand nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté sont des ruraux(31) . La plupart des travailleurs agricoles des pays en développement sont mal logés et mal nourris et sont exposés à la fois aux maladies endémiques et aux maladies professionnelles. Ils vivent souvent dans des conditions extrêmement rudimentaires et sont éparpillés dans des zones isolées où les routes sont inexistantes ou insuffisantes et où les communications sont difficiles. Les travailleurs agricoles dépendent de la qualité générale des services de santé publique dans les zones rurales, où la fourniture des soins de santé, l'approvisionnement en eau et les services sanitaires sont généralement insuffisants. Dans les communautés rurales, l'éducation et l'information relative aux risques sanitaires sont souvent déficientes. Les institutions sanitaires traditionnelles sont mal équipées pour atteindre les communautés rurales. L'environnement dans lequel vivent et travaillent les ruraux, leur niveau de vie et la manière dont ils se nourrissent sont aussi importants pour leur santé que les services dont ils disposent.
208. L'agriculture emploie la moitié de la main-d'œuvre mondiale, et, d'après les estimations, 1,3 milliard de travailleurs seraient occupés dans la production agricole mondiale. Si la proportion de la main-d'œuvre qui est occupée dans l'agriculture est inférieure à 10 pour cent dans les pays les plus avancés (et inférieure à 3 pour cent aux Etats-Unis), elle est, en revanche, supérieure à 50 pour cent dans les pays les moins avancés. Dans ces derniers, près de la moitié de cette main-d'œuvre est constituée de salariés agricoles(32) . Les travailleurs les plus vulnérables sont ceux qui exercent leur activité dans l'agriculture familiale de subsistance et dans les plantations en tant que journaliers, que travailleurs saisonniers ou que migrants sans terre, ainsi que les enfants. Ce phénomène se vérifie particulièrement dans le cas des travailleurs temporaires et des petites collectivités isolées. Le travail temporaire dans l'agriculture se caractérise par sa nature occasionnelle, par sa précarité et par une protection sociale faible, voire inexistante. Les travailleurs temporaires sont davantage exposés aux risques professionnels que les autres travailleurs agricoles et sont moins bien payés. Les travailleurs migrants ont également parfois des problèmes de langue et de culture dans leur travail et dans la vie quotidienne. Les travailleurs saisonniers accumulent parfois des expositions physiques et chimiques multiples en passant d'un lieu de travail à l'autre. La proportion des femmes et des enfants qui sont occupés à un emploi agricole est en augmentation. Les femmes représentent aujourd'hui 20 à 30 pour cent de l'emploi salarié agricole total. Le travail des enfants est largement répandu et représente dans certains pays jusqu'à 30 pour cent de la main-d'œuvre agricole totale(33) .
209. L'agriculture fait partie des métiers les plus risqués du monde. D'après les estimations du BIT, quelque 170 000 des 330 000 accidents du travail mortels qui se produisent dans le monde chaque année touchent des travailleurs agricoles(34) . L'utilisation accrue de machines et de pesticides et autres substances agrochimiques a aggravé les risques. Cela est particulièrement évident dans les pays en développement, où les systèmes d'enseignement, de formation et de sécurité sont nettement insuffisants. L'agriculture est un métier à risques, même dans les pays industriels: aux Etats-Unis, le Conseil national de la sécurité a placé l'agriculture parmi les trois métiers les plus dangereux, avec les mines et le bâtiment(35) . Dans différents pays, le taux d'accidents mortels dans l'agriculture est double de la moyenne de l'ensemble des autres secteurs. Les taux d'accidents les plus élevés reviennent aux machines telles que les tracteurs et les moissonneuses. L'exposition aux pesticides et autres substances agrochimiques constitue l'un des principaux risques du travail: elle provoque des empoisonnements, cause la mort et est à l'origine de certains cancers et troubles des fonctions de procréation d'origine professionnelle. On estime que les pays en développement consomment plus de 20 pour cent de la production mondiale et enregistrent quelque 70 pour cent du nombre total des cas d'intoxication aigus qui se produisent dans le monde, soit plus de 1,1 million de cas(36) .
210. Les données officielles sur la fréquence des accidents du travail et des maladies professionnelles dans l'ensemble des secteurs sont imprécises et manifestement inférieures à la réalité, en raison des insuffisances et de l'hétérogénéité des systèmes d'enregistrement et de déclaration. Le sous-enregistrement est particulièrement marqué dans le secteur agricole. Les mécanismes administratifs de collecte des données relatives aux accidents et les incitations à signaler ceux-ci laissent à désirer. Les difficultés de diagnostic entraînent aussi un sous-enregistrement dans la plupart des pays. Certains risques chroniques comme ceux qui sont dus aux bruits, aux vibrations ou à une faible exposition aux poussières organiques ou aux pesticides sont plus difficiles à évaluer en raison de leurs effets à long terme et du caractère incertain des symptômes. Par exemple, il est difficile d'obtenir des données fiables sur les empoisonnements aux pesticides: seuls les empoisonnements aigus sont signalés, parce qu'ils sont de nature à laisser des traces visibles et immédiates, qu'ils nécessitent une hospitalisation et peuvent entraîner la mort. A l'opposé, les expositions cumulatives faibles aux pesticides sont rarement enregistrées parce que les symptômes sont imprécis et que les effets peuvent ne se faire sentir qu'après une longue période de temps. Par ailleurs, ce phénomène de sous-enregistrement s'explique en partie par le fait que la situation dans l'emploi des travailleurs agricoles peut difficilement être déterminée, certains travaillant à la pièce, d'autres à plein temps ou à temps partiel, et d'autres encore en tant que saisonniers et migrants, etc. Les taux d'accidents mortels ou non mortels des travailleurs agricoles sont nettement supérieurs à ceux des travailleurs des autres secteurs, et les ressources affectées à l'indemnisation sont extrêmement limitées. Dans beaucoup de pays, les travailleurs agricoles sont exclus de tout système de réparation ou d'assurance des accidents du travail. Les agriculteurs indépendants sont rarement couverts par un quelconque système d'enregistrement et de déclaration et ne bénéficient des prestations de sécurité sociale qu'à titre volontaire et en fonction de leurs propres cotisations. Moins de 20 pour cent des salariés agricoles du monde entier bénéficient d'un ou de plusieurs des neuf avantages prévus dans la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, à savoir: les soins médicaux, les indemnités de maladie et les prestations de maternité, les prestations aux familles, les prestations de chômage, les prestations d'accidents du travail, les prestations d'invalidité, les prestations de survivants et les prestations de vieillesse(37) .
Législation nationale
211. Dans de nombreux pays, l'agriculture échappe à la réglementation relative à la sécurité et à la santé professionnelles. Selon les informations disponibles, il n'existe de législation d'ensemble en ce domaine que dans quelques pays(38) . Par ailleurs, le droit du travail général n'est pas toujours applicable intégralement au secteur agricole. Dans certains cas, les lois générales comme celles qui portent sur la sécurité et la santé professionnelles ne font que très peu référence à ce secteur; dans d'autres, il n'existe que peu de règlements particuliers. La plupart d'entre eux concernent les domaines suivants: la sécurité des machines et du matériel (essentiellement les tracteurs et les moissonneuses); les substances et agents utilisés en agriculture (en particulier les pesticides); les interdictions relatives à l'emploi de certaines catégories de travailleurs; les interdictions relatives à la conduite de certains types de machines par les personnes de moins de 18 ans. D'autres règlements concernant l'agriculture portent sur les mesures de sécurité sociale et les conditions de travail (salaires, heures de travail, etc.).
Actions menées au niveau international
212. En novembre 1976, le Conseil des Communautés européennes a adopté une résolution(39) concernant les mesures à prendre pour simplifier la législation agricole des membres afin de mettre en œuvre une politique agricole commune. Il était demandé à la commission d'améliorer la coordination entre tous les organes participant à l'élaboration et à l'application de la législation agricole. Cette initiative concernait principalement les relations du marché et les conditions économiques essentielles nécessaires à l'application des mécanismes de la politique agricole commune. Mettant particulièrement l'accent sur les directives concernant la sécurité et la santé professionnelles, les débats relatifs au programme de la Commission européenne sur la sécurité, la santé et l'hygiène, qui se sont déroulés de 1987 à 1992, ont contribué au déclenchement d'une dynamique qui a permis d'adopter un certain nombre de directives portant spécifiquement sur la sécurité et la santé professionnelles. Par ailleurs, la Commission européenne a inclus l'agriculture dans les secteurs à hauts risques visés par le programme d'action sur la sécurité, l'hygiène et la santé qu'elle a adopté en 1988. La convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985, ont constitué un précédent important pour les réformes législatives proposées durant cette période et ont permis d'élargir le champ d'application des législations nationales. La Directive du Conseil de 1989 sur la sécurité et la santé au travail(40) constitue à cet égard le meilleur exemple. Il s'applique à l'ensemble des secteurs de l'activité économique, dont l'agriculture, sans préjudice des normes plus strictes de l'Union européenne qui seront adoptées dans l'avenir. Un certain nombre de directives relatives à la sécurité et à la santé fondées sur cette directive générale ont été adoptées depuis lors. Cependant, les directives du Conseil relatives à la sécurité et à la santé professionnelles qui visent spécifiquement l'agriculture traitent essentiellement des pesticides, de la sécurité des machines et des normes ergonomiques à respecter dans la conception des machines agricoles et forestières. La nécessité d'adopter une directive sur la protection des travailleurs de l'agriculture a été examinée au sein de la Commission européenne en différentes occasions, mais aucune proposition officielle n'a encore été faite(41) .
Relations avec des instruments existants
213. Il existe toute une série de conventions et de recommandations de l'OIT qui concernent les questions de sécurité et de santé des travailleurs agricoles ou des aspects spécifiques de l'agriculture qui touchent à la sécurité et à la santé des travailleurs. Il s'agit notamment des instruments suivants:
214. Il est admis dans le monde entier que l'agriculture est l'un des secteurs les plus dangereux, avec les mines et le bâtiment. Il existe déjà des normes internationales et des recueils de directives pratiques modernes pour ces derniers secteurs. Certes, le BIT a également élaboré, pour préparer le terrain, toute une série de recueils de directives pratiques et de guides qui intéressent directement la sécurité et la santé des travailleurs dans l'agriculture et autres questions similaires(42) , mais ces documents doivent être remaniés et révisés. Malgré toute cette multitude de normes liées entre elles et bien que l'agriculture soit comprise avec tous les autres secteurs de l'économie dans la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, il n'existe pas de convention qui traite de manière approfondie des problèmes de sécurité et de santé des travailleurs agricoles. Une approche plus globale des normes de sécurité et de santé des travailleurs serait nécessaire. Les problèmes de sécurité et de santé des travailleurs dans l'agriculture appellent une stratégie bien définie et doivent être intégrés dans une politique de développement rural qui s'applique aussi bien aux plantations commerciales qu'à la petite agriculture.
Etat d'avancement des recherches
et travaux préparatoires
215. Sur la base des principes de la convention no 155, on a mis au point et testé une stratégie type dans le cadre d'un projet de coopération technique sur l'Amérique centrale concernant la sécurité et la santé au travail dans l'agriculture, de 1993 à 1997, afin d'améliorer la sécurité et la santé professionnelles dans l'agriculture. Cette stratégie était orientée vers l'application d'une politique nationale d'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs ruraux, de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans l'agriculture et de protection de la santé des travailleurs et de l'environnement. L'expérience acquise grâce à ce projet a montré qu'il était nécessaire d'adopter une approche globale qui englobe aussi bien la santé au travail que la santé publique et la protection de l'environnement et qui soit conforme à l'évolution présente aux niveaux national et international. Selon les évaluations techniques actuelles, ce modèle fonctionne bien et il y a lieu de l'appliquer à d'autres pays et régions.
216. Une large gamme de questions relatives aux conditions d'emploi et de travail des ouvriers agricoles ont été discutées à une réunion sectorielle organisée par l'OIT à Genève en 1996. Les résolutions adoptées à cette réunion insistent sur la nécessité d'entreprendre d'autres études et travaux de recherche et d'autres activités d'assistance technique dans le domaine de l'agriculture(43) . Même si les activités de coopération technique menées au cours de la dernière période biennale ont permis de mieux mesurer l'amplitude du problème, les recherches doivent se poursuivre, notamment sous la forme d'une analyse de la loi et de la pratique et d'une évaluation des recueils de directives pratiques en vigueur et des autres directives internationales, afin de permettre au Bureau de préciser dans une perspective internationale plus large le contenu et le champ d'application des normes internationales relatives à la sécurité et à la santé professionnelles dans l'agriculture.
217. Bien que l'agriculture emploie la moitié de la population active mondiale et soit reconnue, tant dans les pays en développement que dans les pays industriels, comme l'un des trois secteurs d'activité les plus dangereux, les travailleurs agricoles sont moins protégés que les travailleurs des autres secteurs. Par ailleurs, en raison du sous-emploi rural et de l'exode des hommes vers les grandes villes, les femmes et les enfants effectuent une part croissante des tâches agricoles.
218. Afin de garantir une croissance agricole durable, il faudrait augmenter la productivité de la main-d'œuvre en lui donnant les moyens de satisfaire ses besoins fondamentaux, en offrant aux travailleurs agricoles et à leurs familles des conditions de vie et de travail satisfaisantes, en garantissant leur santé et leur bien-être et en protégeant l'environnement. L'amélioration des conditions de travail devrait s'accompagner de l'adoption de normes de qualité des produits. Les investissements portant sur la sécurité et la santé professionnelles permettent d'améliorer les conditions de travail, d'accroître la productivité du travail et d'améliorer les relations professionnelles. L'adoption de mesures relatives à la sécurité et à la santé permet d'améliorer notablement les conditions de travail dans l'agriculture d'une manière durable et rentable. L'adoption d'une législation du travail et de mesures de protection sociale satisfaisantes constitue une condition préalable à cette amélioration.
219. On pourrait envisager des normes nouvelles, éventuellement précédées d'un recueil de directives pratiques, qui établiraient des principes généraux s'appliquant aux méthodes et pratiques de travail à suivre dans le secteur agricole et qui s'intéresseraient principalement au cadre législatif, à la coordination entre toutes les institutions concernées au niveau national, à la mise en place d'une structure nationale (comité ou conseil tripartite) chargée de l'application d'une politique nationale de la sécurité et de la santé des travailleurs dans l'agriculture, à l'élaboration d'un système de classification et de prévention des cas d'exposition aux substances chimiques, à l'élaboration d'un système de surveillance de la santé pour les accidents du travail et les maladies professionnelles au niveau de l'entreprise, y compris en ce qui concerne la déclaration et l'enregistrement, aux mesures de protection de l'environnement et au renforcement des capacités nationales par l'information et la formation. Les normes pourraient aborder des questions telles que les objectifs, le champ d'application, les définitions, l'application à certaines formes d'activité économique et les exceptions, les moyens d'évaluer les risques d'exposition, le rôle des autorités compétentes, les responsabilités des employeurs, les droits et obligations des travailleurs, ainsi que l'information et la formation.
220. Les travaux entrepris durant la période biennale en cours accorderont une place spéciale à l'agriculture, considérée comme un secteur particulièrement dangereux. Elle constituera aussi l'un des axes de l'assistance technique fournie aux Etats Membres dans le cadre du Programme mondial de l'OIT sur la sécurité et la santé au travail et l'environnement(44) .
Conclusion
221. Pour répondre au défi que constituent l'amélioration des conditions de travail et le bien-être des travailleurs agricoles, il est essentiel d'adopter une législation protectrice. Une convention énonçant les principes fondamentaux de la sécurité et de la santé dans l'agriculture, complétée par une recommandation, fournirait le cadre dans lequel pourraient s'inscrire les mesures législatives prises ensuite au niveau national. Ces normes pourraient être précédées utilement de l'élaboration d'un recueil de directives pratiques, à moins que le Conseil d'administration donne instruction au Bureau d'accélérer les travaux préparatoires et de les orienter directement vers l'élaboration de normes.
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8. Normes de base en matière de sécurité sociale
Résumé |
Dans cette proposition, il est suggéré de considérer d'un regard neuf l'évolution de la sécurité sociale et d'évoquer, lors d'une discussion générale à la Conférence internationale du Travail en l'an 2000, certaines des questions ayant trait à la réforme de la sécurité sociale qui, ces dernières années, a lieu dans de nombreux pays. Cette discussion pourrait permettre d'apporter des éclaircissements et des orientations sur les politiques en matière de sécurité sociale que les mandants souhaiteraient mener, et d'appeler l'attention sur les incidences que cette évolution peut avoir sur les activités normatives de l'OIT dans ce domaine. En l'an 2000, il pourrait être demandé à la Conférence internationale du Travail de réaffirmer et d'élaborer une conception de la sécurité sociale qui devrait rester ancrée dans les valeurs fondamentales de l'OIT, tout en tenant compte des nouveaux problèmes et impératifs en matière de sécurité sociale. Cette contribution vise à fournir quelques éléments essentiels, notamment des informations d'ordre général sur les questions qui pourraient faire l'objet d'une discussion générale, laquelle pourrait, dans un deuxième temps, conduire à l'élaboration de nouveaux instruments ou à l'éventuelle actualisation ou révision des normes existantes. |
Aperçu général
222. Les diverses normes que l'OIT a adoptées en matière de sécurité sociale tiennent compte du fait que, depuis le début du siècle, la façon d'envisager le fonctionnement de la sécurité sociale a profondément évolué. Avant la seconde guerre mondiale, les normes en matière de sécurité sociale s'inscrivaient dans la notion d'assurance sociale qui s'imposait à l'époque. C'est alors qu'ont été progressivement établis des régimes d'assurance obligatoire qui visaient les principaux risques et couvraient la plupart des catégories de travailleurs. Après la guerre, on était optimiste quant aux possibilités d'étendre la protection de la sécurité sociale à l'ensemble de la population de tous les pays. Cet optimisme tenait à la conviction que, grâce au développement, tous les travailleurs, tôt ou tard, rejoindraient de grandes entreprises ou, du moins, le secteur formel. Cet enthousiasme apparaît dans le rapport Beveridge au Royaume-Uni et dans la Déclaration de Philadelphie, en 1944, dans laquelle la Conférence internationale du Travail se réfère à son obligation solennelle de seconder la mise en œuvre, parmi les différentes nations du monde, de programmes propres à réaliser «... l'extension des mesures de sécurité sociale en vue d'assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin d'une telle protection, ainsi que des soins médicaux complets». La même année, l'OIT a adopté la recommandation (no 67) sur la garantie des moyens d'existence, 1944, y compris l'assurance sociale (fondée sur des cotisations) et l'assistance sociale (fondée sur le revenu général) ainsi que la recommandation (no 69) sur les soins médicaux, 1944.
223. Par la suite, lorsque la notion de sécurité sociale s'est imposée, des normes ont été élaborées afin d'unifier et de coordonner les différents régimes d'assurance sociale dans le cadre d'un système global de sécurité sociale couvrant tous les travailleurs et leurs familles, y compris les travailleurs indépendants. L'adoption en 1952 de la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum) a fait date dans l'histoire de la sécurité sociale à l'échelle internationale. Cette convention rassemble dans un instrument unique les principes directeurs auxquels les Etats Membres d'alors étaient disposés à souscrire, et définit la gamme des prestations qui forment le noyau de la sécurité sociale. Elle fixe des normes minimales en ce qui concerne le champ d'application (personnes protégées) et le contenu et le niveau des prestations, y compris la protection des droits des cotisants et des bénéficiaires, ainsi que des questions administratives connexes(45) . Cette convention a fixé l'objectif d'un niveau minimum de sécurité sociale à atteindre pour tous, quel que soit le degré de développement économique, sous réserve de certaines exceptions provisoires.
224. Les conventions qui ont suivi ont fixé des normes plus élevées et plus élaborées qui visaient des catégories plus amples de la population, et on s'accorde à dire qu'elles appartiennent à la troisième génération d'instruments de l'OIT en matière de sécurité sociale. Elles recouvrent, dans le système général de sécurité sociale, quatre domaines bien définis: le premier regroupe les prestations à long terme (prestations d'invalidité, de vieillesse et de réversion); le deuxième, qui a trait aux prestations à court terme (soins médicaux et indemnités de maladie), est assorti de deux autres ensembles de normes portant sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles et les allocations de chômage. Les deux autres domaines, qui sont couverts par la convention no 102 (protection de la maternité et prestations familiales) ne relèvent pas de ce processus. Ces normes devraient être considérées à la lumière des nouvelles notions de responsabilités familiales, de congé parental et de soins apportés aux enfants. De fait, les normes de l'OIT relatives à la protection de la maternité sont en cours de révision(46) .
225. Comme l'a souligné la commission d'experts en 1996, actuellement, la principale préoccupation de nombreux mandants semble être la gestion et la rationalisation des ressources de sécurité sociale. Les divers éléments de la sécurité sociale ont progressivement fait l'objet d'une réforme qui a visé principalement à préserver la viabilité financière des systèmes en place. Parallèlement à ces réformes, certaines mesures ont été prises dans le sens de la privatisation(47) . On s'inquiète de plus en plus des effets de cette évolution sur le niveau de la protection offerte aux travailleurs et à la population en général.
226. Dans les pays industrialisés, le vieillissement de la population fait qu'il est nécessaire de revoir les mécanismes qui permettent de financer les régimes de pension, et la maîtrise des coûts devient un problème essentiel pour l'assurance santé. En ce qui concerne les allocations de chômage et les prestations d'assistance sociale, le principal problème aujourd'hui est l'intégration de la sécurité sociale dans le cadre de politiques actives de marché du travail(48) . Nombre de pays en développement connaissent des difficultés liées à la gestion et à l'administration des systèmes de sécurité sociale qui s'accompagnent d'une perte de confiance de la part des cotisants dans la viabilité de ces systèmes. En outre, les mesures d'ajustement structurel et autres se sont souvent traduites par une réduction des salaires, dans le secteur public et dans le secteur privé, et par une diminution des ressources publiques consacrées aux services sociaux, en particulier à la santé. En conséquence, il semble que, de plus en plus, les dépenses de services sociaux soient à la charge des particuliers.
227. Dans une large mesure, les normes de l'OIT en matière de sécurité sociale ont contribué à ce que la population des pays développés et de quelques pays en développement bénéficie d'un niveau élevé de couverture. Toutefois, la plupart des pays en développement sont loin d'avoir atteint cet objectif. Même dans les pays à la croissance économique élevée, de plus en plus de travailleurs, notamment les travailleurs indépendants, occasionnels et ceux qui travaillent à domicile, sont confrontés à des types d'emploi moins sûrs et plus informels.
228. Il semblerait nécessaire, afin d'orienter la discussion générale sur les réformes en matière de sécurité sociale, d'examiner en premier lieu les nouvelles difficultés importantes qui se posent en matière de sécurité sociale, notamment le niveau élevé de pauvreté et de chômage, les changements démographiques, l'évolution de la structure de l'emploi, en particulier le développement de formes d'emplois non traditionnelles, la manière différente dont le rôle de l'Etat est perçu et l'évolution des structures familiales (familles nucléaires, familles ayant deux sources de revenus, familles monoparentales). En outre, il serait utile de définir un certain nombre de principes, de concepts et de bonnes pratiques susceptibles d'orienter les parties intéressées dans le processus de réforme. Cette discussion devrait tenir compte des valeurs fondamentales de l'OIT, telles que la protection, la solidarité et l'égalité.
Points essentiels pour une discussion générale
229. En tenant compte des profondes mutations et des aléas auxquels sont confrontés de nombreux systèmes de sécurité sociale, le Bureau a proposé un éventuel réexamen des principes fondamentaux de la sécurité sociale, dans le cadre d'une discussion générale à la Conférence. Cette proposition figure dans le projet de portefeuille examiné par le Conseil d'administration en novembre 1997(49) .
230. Il est ressorti également des discussions qui ont eu lieu au sein du Conseil d'administration en novembre 1997 que d'autres questions devraient être examinées dans le cadre d'une discussion générale à la Conférence. Ces questions portent d'abord sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale. De plus, l'examen des conventions relatives à la sécurité sociale par le Groupe de travail sur la politique de révision des normes a permis de conclure qu'il serait prématuré de réviser les principaux instruments concernant la sécurité sociale et que le Bureau devrait entreprendre une étude technique approfondie sur les principes contenus dans la convention no 102(50) . En outre, l'une des principales difficultés des systèmes actuels de sécurité sociale réside dans le fait que leur portée se limite aux travailleurs du secteur formel et qu'elle exclut, en droit et dans les faits, le secteur informel. Cette question pourrait également être examinée dans le cadre d'une discussion générale. Ainsi, la discussion générale sur la sécurité sociale pourrait porter sur les points suivants:
Le Conseil d'administration est invité à décider de retenir ces questions, en totalité ou en partie, en vue d'une discussion générale.
231. Il convient de rappeler que, dans un deuxième temps, les trois derniers points pourraient donner lieu à une action normative si la Conférence en décide ainsi. L'égalité de traitement entre les hommes et les femmes pourrait faire l'objet de nouvelles normes, sous la forme d'un nouvel instrument ou, éventuellement, d'un protocole. L'extension de la protection de base de la sécurité sociale pourrait conduire à l'élaboration de nouvelles normes. En outre, la décision de réexaminer les normes existantes en matière de sécurité sociale pourrait aboutir à une éventuelle actualisation ou révision de certaines de ces normes.
a) Réexamen des principes et concepts de base
en matière de sécurité sociale
232. Un projet de recherche sur les principes de la sécurité sociale figure dans le programme et budget pour 1998-99. Alors que ce projet fournira ultérieurement des orientations supplémentaires dans ce domaine, on envisage d'inclure dans le réexamen des principes de base en matière de sécurité sociale un débat sur les points suivants:
233. En outre, il serait utile de débattre de certains des concepts fondamentaux et des approches qui suivent:
b) Egalité de traitement en matière de sécurité sociale,
en particulier entre les hommes et les femmes
234. Cette question est devenue de plus en plus importante en raison des changements profonds intervenus dans les structures familiales et de l'évolution du rôle des femmes dans le marché du travail. Les femmes occupent la plupart des emplois à temps partiel, faiblement rémunérés, intermittents et précaires, qui le plus souvent ne sont pas couverts par le régime de sécurité sociale. De plus, la plupart des femmes assument souvent la plus grande part de la responsabilité parentale et disposent donc de moins de temps pour constituer leurs droits en matière de sécurité sociale. Qui plus est, dans la plupart des sociétés, l'âge de la retraite pour les femmes est fixé à un niveau moins élevé et, très souvent, il leur est difficile de remplir les conditions requises pour bénéficier de prestations complètes. Par ailleurs, les hommes font également l'objet d'une inégalité de traitement car, dans la plupart des pays, seules les veuves peuvent recevoir les prestations de réversion(51) .
235. Pour ces raisons, la Conférence internationale du Travail pourrait centrer la discussion générale sur la promotion de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Les points suivants pourraient être examinés et conduire éventuellement à l'élaboration ou à l'actualisation des normes existantes:
236. Selon les résultats de cette discussion générale, on pourrait envisager une action normative dans ce domaine.
c) Extension de la protection de base
en matière de sécurité sociale
237. Encore qu'il existe de grandes différences entre les régions en ce qui concerne la couverture officielle de la sécurité sociale, l'un des principaux problèmes actuels est que plus de la moitié de la main-d'œuvre dans le monde (et les personnes à leur charge) n'est pas couverte par des systèmes de sécurité sociale. En outre, le plus souvent, les travailleurs du secteur informel n'ont pas accès au système officiel de sécurité sociale en raison de multiples restrictions, explicites ou implicites, qui ont trait à la profession, à la taille de l'entreprise, aux niveaux de salaire et aux contrats d'emploi. De plus, l'expérience montre que, même si ces restrictions étaient éliminées, les travailleurs de ce secteur ne s'inscriraient pas volontairement à ces régimes. L'une des principales raisons semble être que les pensions de vieillesse ne figurent pas parmi les priorités des travailleurs du secteur informel. Or ces pensions souvent constituent une prestation importante des régimes officiels de sécurité sociale. Par ailleurs, les travailleurs du secteur informel sont souvent exposés à des risques (décès, incapacité, etc.) ou peuvent avoir à payer de lourds frais médicaux et, ainsi, être en permanence endettés. Par conséquent, leurs priorités en matière de sécurité sociale vont habituellement à des prestations vitales, notamment des prestations de santé, de réversion et d'incapacité.
238. Les handicapés et les personnes âgées qui ne peuvent pas compter sur l'aide de leur famille figurent parmi les groupes les plus vulnérables en dehors de la population active. Ils n'ont pas accès à d'autres formes de prestations sociales et n'ont pas été en mesure de se constituer leur propre pension. Il faut donc élaborer de nouvelles institutions et de nouvelles formes d'assistance sociale, financées par l'Etat ou par des ressources extérieures, afin de répondre aux besoins spécifiques de ces groupes en matière de sécurité sociale.
239. On pourrait examiner la question de savoir si les normes tendant à l'extension de la protection de base en matière de sécurité sociale pourraient recouvrir, entre autres, les points suivants: la réaffirmation du droit à la sécurité sociale, comme le prévoient les instruments pertinents de l'OIT, ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels(52) ; l'engagement, de la part des Etats Membres, de formuler et de mettre en œuvre une stratégie en vue de l'extension de la protection de base de la sécurité sociale et l'éventuelle adoption d'indicateurs statistiques pour évaluer la couverture personnelle et le niveau de base de protection de la sécurité sociale, ce qui permettrait aux mandants d'apprécier les progrès accomplis dans ce domaine.
240. On pourrait se demander également si ces normes devraient prévoir: des principes directeurs sur la conception, la gestion et l'administration des régimes de sécurité sociale (y compris l'assurance sociale et l'assistance sociale) ou l'élaboration de politiques et de stratégies, à l'échelle nationale et internationale; des dispositions visant à accroître la couverture personnelle; un modèle de régimes d'assistance sociale appropriés qui fassent pendant à d'autres programmes de lutte contre la pauvreté ou des dispositions destinées à encourager l'élaboration de systèmes autofinancés de protection sociale qui soient adaptés à des groupes particuliers de travailleurs du secteur informel.
d) Eventuelle actualisation ou révision
des normes existantes
241. La discussion générale à la Conférence pourrait également porter sur les éventuelles incidences qu'aura cette évolution pour l'OIT, sous la forme de l'élaboration de normes, que ce soit en actualisant ou en révisant les normes existantes.
242. L'importance de la convention no 102 a été soulignée à maintes occasions, notamment lors d'études d'ensemble effectuées par le passé(53) . Il s'agit d'un instrument complet et souple qui énonce les principes fondamentaux de la sécurité sociale, ainsi que des normes minimums dans les neuf principales composantes de la sécurité sociale. Dans certaines conditions, il permet également aux Etats Membres de ne ratifier que trois composantes au minimum. Malgré la souplesse et l'importance de la convention no 102, seuls 40 Etats Membres l'ont ratifiée(54) . La plupart de ces ratifications ont eu lieu au cours des dix premières années qui ont suivi l'adoption. Depuis lors, le rythme des ratifications a été plus faible mais relativement constant. La dernière ratification remonte à 1994 (Portugal)(55) . Les deux principaux obstacles qui semblent entraver la ratification sont la nature technique et la complexité considérable de la convention. En outre, dans un certain nombre de pays, on constate que certaines tendances qui sous-tendent la réforme de la sécurité sociale vont dans un sens qui n'est pas conforme aux principes et aux concepts contenus dans la convention no 102.
243. Il est suggéré que l'éventuel réexamen des normes de sécurité sociale existantes devrait tenir compte de certains objectifs essentiels qui viseraient, entre autres, à améliorer le taux de ratification des conventions, à tenir compte des principes fondamentaux en matière de sécurité sociale et des nouvelles valeurs en matière de sécurité sociale, à énoncer des principes directeurs en vue de la réforme et de l'élaboration de systèmes de sécurité sociale et à veiller à ce qu'il soit pleinement tenu compte des intérêts des personnes protégées et, en particulier, du niveau de protection sociale.
244. En conclusion, une discussion générale est proposée lors de la Conférence internationale du Travail, en l'an 2000, afin de réaffirmer et d'élaborer une conception de l'OIT en ce qui concerne les normes de base en matière de sécurité sociale. L'issue de cette discussion pourrait contribuer grandement à définir les grandes lignes d'une éventuelle réforme dans ce domaine, à l'échelle nationale et internationale, et à déterminer le besoin de mener à l'avenir des activités normatives, y compris de procéder à une révision, dans le domaine de la sécurité sociale.
* * *
9. Emploi des jeunes
Résumé |
Il est souvent difficile pour les jeunes d'accéder à un emploi productif, et le chômage des jeunes est chronique dans un grand nombre d'Etats Membres. A quelques exceptions notables près, le taux de chômage des jeunes est de par le monde bien plus élevé que celui des adultes. On trouvera ci-après un exposé du problème, suivi d'un résumé des travaux sur la question récemment menés par l'OIT. L'Organisation a en effet défini un certain nombre d'éléments qui pourraient aider à trouver des solutions efficaces: il convient de considérer la situation économique dans son ensemble ainsi que la situation de l'emploi; les politiques relatives à l'emploi des jeunes doivent s'inscrire dans un cadre intégré, qui prenne également en compte les politiques en matière d'éducation; il faut tenir compte des attentes et des aspirations des jeunes; les programmes doivent être soigneusement ciblés et il faut prêter davantage attention à la situation des jeunes dont le niveau d'instruction et de compétence est faible. Dans de nombreux pays, en outre, on manque d'informations pertinentes et récentes concernant le marché du travail. Ces données seraient utiles pour l'élaboration des politiques et permettraient aux jeunes d'avoir une meilleure connaissance des offres disponibles. De même, la réalisation d'un programme ne s'accompagne que rarement de mécanismes de suivi et d'évaluation, bien que cela soit très important pour déterminer quels sont les programmes qui fonctionnent et à quoi cela est dû. Des études ont démontré que, lorsque les organisations d'employeurs et de travailleurs participent à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques et programmes, ils sont plus efficaces. Diverses questions sont suggérées en vue de la discussion: quels types de programmes sont appropriés et dans quels cas; le rôle de la scolarité obligatoire; peut-on prévoir un salaire minimum réduit pour les jeunes ou leur verser des allocations de formation réduites en échange d'une formation de haut niveau dispensée par l'employeur; les programmes de formation doivent-ils être obligatoires; et quels sont les mécanismes propres à encourager la participation des partenaires sociaux. |
Aperçu général
245. Il est souvent difficile pour les jeunes d'accéder à un emploi productif, et le chômage des jeunes est chronique dans un grand nombre d'Etats Membres. A quelques exceptions notables près, le taux de chômage des jeunes est de par le monde bien plus élevé que celui des adultes. En 1993, dans l'ensemble des pays industrialisés, le taux de chômage du groupe des 15-24 ans était de 17 pour cent pour les jeunes femmes et de 16 pour cent pour les jeunes hommes, alors que pour les femmes et les hommes plus âgés il était de 8,2 pour cent et 7 pour cent, respectivement.
246. Pour ce qui est des pays en développement, on ne dispose pas de chiffres aussi complets. Toutefois, les données existantes laissent entrevoir un écart encore plus grand entre le taux de chômage des jeunes et celui des adultes que dans les pays industrialisés. En Indonésie, par exemple, le taux de chômage des jeunes femmes était de 12,5 pour cent en 1994, contre 2,2 pour cent pour les adultes. Les chiffres correspondants pour les hommes étaient de 11,9 pour cent et de 1,6 pour cent, respectivement. Au Zimbabwe, en 1993, le taux de chômage se situait aux environs de 21 pour cent pour les jeunes hommes et de 11 pour cent pour les jeunes femmes, alors que, toutes tranches d'âge confondues, il était de 9,5 pour cent pour les hommes et de 4,5 pour cent pour les femmes. En Jamaïque, en 1995, le taux de chômage des jeunes femmes atteignait 43,9 pour cent et celui des jeunes hommes 25,0 pour cent. En comparaison, le taux de chômage des femmes adultes était de 14,7 pour cent et celui des hommes de 5,5 pour cent. En outre, dans les pays en développement, au problème du chômage déclaré des jeunes viennent s'ajouter un niveau élevé de sous-emploi et la médiocre qualité des emplois dans le secteur informel. Le fait que ces deux phénomènes sont largement répandus donne à penser que le problème de l'accès des jeunes au marché du travail dans les pays en développement est encore plus grave que ne le laisse supposer l'examen des taux de chômage déclaré.
247. Dans les économies en transition, on retrouve les mêmes tendances. En raison des réductions massives de la production qu'ont connues un grand nombre d'économies en transition, le problème est sans conteste encore plus grave que dans les pays industrialisés. En Pologne, par exemple, le chômage des jeunes femmes était de 34,5 pour cent en 1994, contre 14,5 pour cent pour les femmes adultes. Les chiffres correspondants pour les hommes étaient de 27,3 pour cent et 11,3 pour cent, respectivement. De même, en Roumanie, en 1994, le taux de chômage des jeunes femmes atteignait 25,8 pour cent alors que celui des femmes adultes était de 7,3 pour cent. Pour les hommes, les chiffres correspondants étaient de 20,2 pour cent et 6,1 pour cent. Ces dernières années, par suite du processus de transition rapide vers l'économie de marché qui a eu lieu dans ces pays, un groupe important de jeunes s'est ainsi détaché du grand courant de la vie économique.
248. Le chômage et le sous-emploi des jeunes est un problème grave. Le chômage des jeunes est en général de plus courte durée que celui des adultes, mais les modes de comportement qui s'établissent tôt dans la vie sont susceptibles de perdurer tout au long de la vie «professionnelle». Les personnes confrontées au chômage en début de carrière sont plus exposées au risque d'être ultérieurement à nouveau sans emploi et pendant des périodes plus longues, ce qui compromet définitivement leur employabilité. De même, le sous-emploi et les emplois de qualité médiocre offerts par le secteur informel sont des cercles vicieux, qui condamnent les jeunes à une vie d'emplois précaires et marginaux. En outre, le manque d'emplois productifs et librement choisis, au départ, ouvre la voie à d'autres problèmes sociaux tels que la délinquance et la toxicomanie, qui peuvent être très difficiles à résoudre par la suite.
249. Il faut également savoir quels groupes de jeunes requièrent une attention particulière. La définition officielle de l'ONU vise les jeunes de 15 à 24 ans. Pourtant, si cette définition est relativement simple, les jeunes qui composent ce groupe ne rencontrent pas du tout les mêmes problèmes. Il faut tout d'abord distinguer les adolescents (15-19 ans) des jeunes adultes (20-24 ans). Ces deux groupes rencontrent des problèmes tout à fait différents lorsqu'ils recherchent un emploi de qualité.
250. Il y a en outre un certain nombre de sous-groupes dans la catégorie des jeunes, qui pourraient peut-être retenir l'attention. En général, par exemple, soit le taux de chômage des jeunes femmes est plus élevé que celui des jeunes hommes, soit leur taux d'activité est plus faible. De même, les minorités ethniques ont souvent plus de difficultés à accéder à un emploi productif, tout comme les personnes ayant un faible niveau d'instruction et de qualification. Dans de nombreux pays en développement se pose le problème des «chômeurs instruits», bien que, quantitativement, ceux-ci ne représentent qu'un groupe relativement réduit. Eu égard aux niveaux de sous-emploi et d'emplois de qualité médiocre du secteur informel, le problème le plus grave concerne les jeunes insuffisamment qualifiés pour accéder à un emploi productif, notamment ceux qui ont un faible niveau d'instruction et de qualification.
Le contexte international
251. Un grand nombre d'Etats Membres de l'OIT se préoccupent de l'intégration des jeunes dans la vie active et de la qualité de leur emploi. Dès le départ, l'OIT a adopté des conventions et des recommandations en vue d'améliorer la condition des jeunes. La convention (no 4) sur le travail de nuit (femmes), 1919, la convention (no 5) sur l'âge minimum (industrie), 1919, et la convention (no 6) sur le travail de nuit des enfants (industrie), 1919, contiennent des dispositions visant à protéger les jeunes travailleurs. Plus récemment, l'attention s'est portée sur la question de l'intégration effective des jeunes dans la vie active. A cet égard, il convient de citer le rapport présenté à la 72e session de la Conférence internationale du Travail, en 1986, et la résolution concernant les jeunes adoptée cette année-là par la Conférence(56) . En 1996, la Conférence internationale du Travail, à sa 83e session, a adopté les Conclusions concernant la poursuite du plein emploi dans une économie mondialisée: responsabilité des gouvernements, des employeurs et des syndicats(57) . Il est dit dans ces conclusions que les pays devraient élaborer et appliquer des mesures spéciales pour renforcer l'employabilité des groupes particulièrement exposés tels que les jeunes travailleurs.
252. Plusieurs initiatives présentant un intérêt particulier pour les travaux de l'OIT sur les jeunes et l'emploi ont récemment été lancées, à commencer par le Programme d'action mondial pour la jeunesse à l'horizon 2000 et au-delà, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1995. De nombreux secteurs de l'ONU et des institutions spécialisées, dont l'OIT, participent à la mise en œuvre de ce programme. Au Forum mondial de la jeunesse, qui s'est tenu à Vienne en novembre 1996, le groupe de travail sur les jeunes et l'emploi, conjointement présidé par un représentant de l'OIT, a présenté un certain nombre de recommandations de politique générale et de conclusions. Il a approuvé des propositions visant à développer les possibilités de travail indépendant en créant des débouchés possibles pour des groupes de jeunes bien précis et en favorisant les services à la collectivité auxquels les jeunes peuvent prendre part. Il a également recommandé que des programmes appropriés concernant le marché du travail soient mis en place à l'intention des jeunes. Une réunion ministérielle sur le thème de la jeunesse, organisée sous les auspices du gouvernement portugais, devrait avoir lieu à Lisbonne en août 1998.
253. L'Engagement 3 de la déclaration adoptée par le Sommet mondial pour le développement social en mars 1995 fait également référence de manière explicite aux problèmes des jeunes, affirmant qu'une «attention particulière» devrait être accordée au «chômage structurel de longue durée et au sous-emploi des jeunes».
254. A la conférence sur l'emploi qui s'est tenue à Kbe en novembre 1997, la présidence a déclaré dans ses conclusions qu'il était essentiel de promouvoir l'emploi des jeunes en s'appuyant sur des politiques appropriées et que la clé du problème de l'emploi des jeunes résidait dans une transition sans heurts de l'école au travail. Elle a suggéré que les mesures devraient notamment prévoir une initiation à la vie professionnelle dans les programmes tant scolaires qu'extra-scolaires, l'accès à des services d'informations sur les carrières, des services de conseils en orientation professionnelle [...] des services de placement et de formation professionnelle efficaces.
255. En novembre 1997 également, la Commission européenne a adopté les lignes directrices pour l'emploi en 1998, où il est déclaré que «les Etats membres feront en sorte d'offrir un nouveau départ à tout jeune avant qu'il n'atteigne six mois de chômage, sous forme de formation, de reconversion, d'expérience professionnelle, d'emploi ou de toute autre mesure propre à favoriser son insertion professionnelle».
256. L'OCDE a également lancé plusieurs initiatives relatives à la question des jeunes et de l'emploi. Le secrétariat de l'OCDE est actuellement en passe d'achever la première étape d'un «examen thématique sur la transition de la formation initiale à la vie active» qui servira de base à une réunion de haut niveau sur le problème des jeunes et de l'emploi, prévue au second semestre de 1998.
Programme d'action sur le chômage des jeunes
257. Au cours de la période biennale 1996-97, l'OIT a entrepris un programme d'action sur le chômage des jeunes, qui avait comme objectifs principaux de: i) faire mieux sentir aux mandants de l'OIT les problèmes liés à la première entrée en activité; ii) leur faire mieux comprendre les avantages et les inconvénients des principaux programmes et actions envisageables en matière de lutte contre le chômage des jeunes; et partant iii) améliorer l'aptitude des Etats Membres à élaborer et mettre en œuvre des politiques et des programmes favorisant l'emploi des jeunes au niveau tant macroéconomique que micro-économique.
258. Ce programme d'action a comporté une série d'études de cas par pays ainsi que des analyses de problèmes spécifiques dans le but principalement de traiter les questions ci-après à propos des pays industrialisés, en transition ou en développement:
Programme d'action sur les stratégies de lutte
contre la marginalisation et le chômage des jeunes
259. L'objectif de ce programme d'action, prévu pour la période biennale 1998-99, est de mettre au point une méthode d'intervention cohérente et systématique à l'intention des pays en développement, qui puisse être adaptée à la situation de chaque pays et intégrée dans les politiques de l'emploi afin de combattre l'exclusion et le chômage des jeunes.
Les causes du chômage des jeunes
260. Le chômage des jeunes est étroitement lié au niveau de chômage des adultes et, plus généralement, à la situation économique des pays. Des études(58) ont montré que, dans la plupart des cas, l'évolution du chômage des jeunes est plus ou moins proportionnelle aux variations du chômage des adultes. Toutefois, le chômage des jeunes est presque partout sensiblement plus élevé que celui des adultes, de sorte que, en termes absolus, il augmente plus rapidement en période de récession, mais il diminue aussi plus vite en cas de reprise économique.
261. Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi le chômage des jeunes est plus important et plus fluctuant que celui des adultes. Lorsqu'une entreprise est confrontée à la récession, les jeunes travailleurs sont souvent les premiers à être licenciés parce que se séparer d'eux coûte moins cher. Par ailleurs, on compte un nombre proportionnellement très élevé de primo-demandeurs d'emploi parmi les jeunes. Très souvent, la première réaction des entreprises face à la crise est de suspendre ou de réduire le recrutement. Or, pour des raisons évidentes, toute interruption de recrutement va davantage toucher les jeunes que les adultes.
262. Le poids relatif des différents facteurs responsables du chômage est une question importante. Quel rôle joue le contexte économique et a-t-il plus d'importance que d'autres facteurs tels que la taille de la population jeune ou le niveau des salaires que ces jeunes reçoivent par rapport à ceux des adultes? Une étude(59) récente de l'OIT a montré que le chômage des jeunes est essentiellement lié au niveau et au taux de croissance de la demande globale, qui ont une influence plus déterminante que la taille relative de la population jeune. Cela est particulièrement important pour un grand nombre de pays en développement, d'Afrique subsaharienne notamment, où, selon toute probabilité, le nombre des jeunes devrait continuer à augmenter rapidement tant en termes absolus qu'en termes relatifs. Toutefois, le niveau du chômage des jeunes étant davantage tributaire de la demande globale que la taille de la population jeune, un taux suffisant de croissance économique à forte intensité d'emploi devrait permettre d'atténuer les problèmes liés à la croissance démographique.
263. Cette étude a également révélé que le rapport entre les salaires des jeunes et ceux des adultes n'avait que peu ou pas d'incidence sur le niveau du chômage des jeunes. En dehors des prévisions économétriques plus formelles, cela est mis en évidence par le fait que, dans les années quatre-vingt-dix, le chômage des jeunes a continué de croître dans la plupart des pays de l'OCDE, bien que les salaires des jeunes aient baissé par rapport à ceux des adultes.
Eléments d'une réponse efficace
Situation économique
264. La conclusion générale à tirer de l'analyse des causes du chômage des jeunes est que toute politique visant à promouvoir l'emploi des jeunes devrait tenir compte de la situation économique du moment. L'utilité relative de différents types de mesures, comme les subventions à l'emploi et les programmes de formation, variera selon la tenue générale de l'économie. Les programmes de formation professionnelle ne créent pas nécessairement des possibilités d'emplois. Les subventions à l'emploi et les programmes de travaux publics peuvent être tout aussi utiles pour permettre aux participants de rester en contact avec le marché du travail, et ces mesures risquent moins de créer des attentes irréalistes dans l'esprit des participants quant aux possibilités d'emplois de longue durée. En revanche, il peut être intéressant pour les entreprises de mettre à profit les périodes où la demande est faible pour former et perfectionner la main d'œuvre en place et se préparer ainsi à répondre à une augmentation de la production lorsque l'économie redémarrera. Une aide de l'Etat visant à soutenir de telles actions de formation permettrait d'éviter des licenciements en période de récession.
265. Deuxièmement, promouvoir l'emploi des jeunes devrait faire partie d'une stratégie globale de création d'emplois fondée sur une croissance économique à forte intensité d'emploi. De récents rapports de l'OIT ont suggéré qu'une stratégie s'appuyant sur les investissements reste une option viable(60) .
Une approche intégrée
266. Les programmes et les politiques d'emploi peuvent être plus efficaces s'ils sont intégrés aux politiques en matière d'éducation. Certains Etats Membres ont déjà pris des initiatives en ce sens, comme le Royaume-Uni, en réunissant le ministère de l'Emploi et celui de l'Education et des Sciences au sein d'un nouveau ministère, le ministère de l'Emploi et de l'Education. Cette approche peut permettre d'éviter que les politiques de l'éducation et de l'emploi, dans les faits, ne se fassent mutuellement concurrence. En outre, les programmes scolaires devraient, au moins dans une certaine mesure, prendre en compte les besoins des jeunes dans le domaine professionnel. Il a été dit à propos de plusieurs pays que les politiques en matière d'éducation sont trop axées sur la théorie. Les programmes scolaires devraient dans une certaine mesure refléter les besoins des jeunes au moment de leur arrivée sur le marché du travail.
267. De plus, l'efficacité des politiques d'emploi des jeunes peut être accrue si différents programmes sont intégrés les uns aux autres. Dans nombre de pays en développement, il existe de nombreux programmes à petite échelle, destinés à promouvoir l'emploi des jeunes. Ces programmes demandent toutefois à être soigneusement coordonnés car ils n'ont aucun lien réel entre eux. Il a par exemple été suggéré qu'il conviendrait de créer un lien entre les programmes de formation préprofessionnelle axés sur un enseignement de base et les programmes de formation professionnelle de niveau plus avancé. Cela garantirait un usage efficace des ressources et rendrait les programmes plus complémentaires.
Attentes
268. Il faudrait également se préoccuper des attentes des jeunes. Dans de nombreux pays, il semble y avoir un important décalage entre le type d'emploi auquel ils aspirent et celui qu'ils peuvent raisonnablement s'attendre à trouver. Le phénomène des «chômeurs instruits» en est un exemple. Il est particulièrement marqué dans nombre de pays en développement où les jeunes qui possèdent une formation d'assez haut niveau pensent pouvoir obtenir des emplois dans le secteur public ou le secteur formel. Compte tenu du recul de ces formes d'emploi dans le cadre des programmes d'ajustement structurel, ces attentes sont irréalistes pour la plupart des jeunes. Rassembler des informations récentes sur le marché du travail et les diffuser à l'intention des jeunes pourrait aider ceux-ci à avoir des attentes plus conformes à la réalité.
Ciblage
269. Il convient de cibler les programmes avec soin pour deux raisons. Premièrement, pour des raisons d'efficacité: de nombreuses études ont montré que les programmes plus étroitement ciblés donnent de meilleurs résultats. Deuxièmement, pour des raisons d'équité: notamment, lorsqu'il y a de toute évidence un excédent de main-d'œuvre, la justice sociale commande d'aider les jeunes qui en ont le plus besoin. L'expérience de la plupart des pays montre que les programmes en faveur de l'emploi des jeunes ont très souvent essentiellement profité à ceux qui étaient déjà en mesure de s'en sortir par eux-mêmes sans l'aide de ces programmes. On pourrait accorder plus d'attention aux jeunes qui ont le moins de chances d'accéder au marché du travail sans intervention extérieure.
Informations sur le marché du travail
270. Un grand nombre de pays en développement ont également en commun un manque d'informations récentes et précises sur le marché du travail. Disposer de meilleures informations sur la situation du marché pour différentes catégories de personnes permettrait de mieux cibler les actions et les programmes. De même, disposer de meilleures informations sur les besoins des employeurs faciliterait l'élaboration de programmes de formation professionnelle et autres. Comme on l'a vu plus haut, de bonnes informations sur le marché du travail peuvent également aider les jeunes à orienter leur vie professionnelle en connaissance de cause.
Rôle des partenaires sociaux
271. De nombreuses études ont montré qu'une politique d'emploi des jeunes peut être plus efficace lorsque les organisations d'employeurs et de travailleurs participent de façon constructive à son élaboration et à sa mise en œuvre. Cela permet de mieux définir les formes appropriées de programmes de formation et d'emploi en fonction des débouchés. En outre, ces organisations, étant partie prenante à la totalité du processus, seront attachées à sa réussite. L'Allemagne, par exemple, a réussi à maintenir le niveau du chômage des jeunes, et en particulier des adolescents, en dessous de celui des adultes car tant les organisations des employeurs que celles des travailleurs ont pris part à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique d'emploi des jeunes.
Suivi et évaluation
272. Le suivi et l'évaluation des actions et des programmes visant à promouvoir l'emploi des jeunes sont indispensables à leur réussite. Il s'agit de pratiques assez courantes dans les pays industrialisés, mais qui ne retiennent guère l'attention dans les économies en transition et surtout dans les économies en développement. Le suivi a fondamentalement pour objet de s'assurer que les programmes sont effectivement mis en œuvre comme prévu. L'évaluation associée au suivi peut être utile pour affiner les programmes et déterminer les raisons de leur réussite ou de leur échec. On peut faire valoir que le suivi et l'évaluation devraient être prévus dès l'étape d'élaboration du programme.
Points pour la discussion
273. Si ce thème est retenu pour une discussion générale, la Conférence voudra peut-être examiner certains des points ci-après:
* * *
274. Compte tenu des propositions qui précèdent et de celles qui figurent dans le document GB.270/2 au sujet des questions ci-après, le Conseil d'administration est invité à fixer l'ordre du jour de la 88e session (2000) de la Conférence internationale du Travail:
1) Mise en valeur des ressources humaines: orientation et formation professionnelles.
2) Investissement et emploi.
3) Promotion des coopératives.
4) Règlement des conflits du travail.
5) Prévention du harcèlement sexuel au travail.
6) Enregistrement et déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (y compris la révision
de la liste des maladies professionnelles, tableau I de la convention (no 121) sur les prestations en cas
d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964).
7) Sécurité et santé dans l'agriculture.
8) Normes de base en matière de sécurité sociale.
9) Emploi des jeunes.
En outre, le Conseil d'administration pourrait, s'il le souhaite, inscrire directement à l'ordre du jour de la 88e session (2000) de la Conférence la révision d'une ou de plusieurs normes existantes sur la base des recommandations formulées par le Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des questions juridiques et des normes internationales du travail dans son rapport soumis à la présente session du Conseil d'administration.
Genève, le 11 février 1998.
Points appelant une décision:
paragraphe 1;
paragraphe 2;
paragraphe 274.
1. Document GB.254/16/19, paragr. 5.
2. Paragraphe 10.5.
5. Creating a favourable climate and conditions for cooperative development in ... Africa (1993), Asia (1994), Latin America (1996), et Central and Eastern Europe (1996).
6. Document GB.264/10.
7. Document GB.256/6/7; document de travail en annexe.
8. Des propositions relatives à cette question ont été présentées au Conseil d'administration à ses 261e, 262e, 267e et 268e sessions.
9. BIT: Egalité dans l'emploi et la profession, étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 75e session, 1988, rapport III (partie 4B), Genève, 1988, paragr. 45; Egalité dans l'emploi et la profession, étude spéciale de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 83e session, 1996, rapport III (partie 4B), Genève, 1996, paragr. 39 et 40.
10. ONU: Rapport du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, 11e session, Assemblée générale, documents officiels, quarante-septième session, supplément no 38 (A/47/38), New York, 1992, Recommandation générale no 19, paragr. 18.
11. M. Rubenstein: «Dealing with Sexual Harassment at Work: The Experience of Industrialized Countries», Combating Sexual Harassment at Work: Conditions of Work Digest, vol. 11, 1/1992, BIT, Genève, pp. 13-14.
12. M. Rubenstein, op. cit., p. 8.
13. Il ressort d'une analyse réalisée en 1992 que, dans la plupart des cas, les textes des conventions collectives et des déclarations de principes et directives des employeurs ne font pas de différence entre les hommes et les femmes. Voir Conditions of Work Digest, op. cit., p. 177.
14. Conditions of Work Digest, op. cit.
15. J. Aeberhard-Hodges: «Le harcèlement sexuel sur les lieux de travail: jurisprudence récente», Revue internationale du Travail, vol. 135, no 5 (BIT, Genève, 1996), pp. 545-546, et autres informations disponibles au Bureau.
16. Voir «Legal Approaches to Sexuel Harassment at Work», Combating Sexual Harassment at Work: Conditions of Work Digest, op. cit., pp. 49-173.
17. M. Rubenstein, op. cit., p. 13.
18. J. Aeberhard-Hodges, op. cit., pp. 549-550.
19. M. Rubenstein, op. cit., p. 14.
20. Par exemple, au Canada, au Danemark, en Espagne, aux Etats-Unis, en Italie, en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas.
21. Par exemple, la Fédération des employeurs irlandais et la Fédération des employeurs de Nouvelle-Zélande.
22. Par exemple, le Syndicat des employés de bureau du Danemark.
23. Par exemple, la Section féminine de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (Espagne).
24. Voir «Research, Awareness Raising, Training and Advisory Services to Combat Sexual Harassment at Work», Conditions of Work Digest, op. cit., pp. 285-300.
25. BIT: Rapport du Colloque tripartite sur l'égalité de chances et de traitement pour les hommes et les femmes en matière d'emploi dans les pays industrialisés, SEEIC/1990/2, Genève, 1990, paragr. 24 et 25.
26. Paragraphe 179.
27. Des contributions antérieures sur ce thème ont été soumises au Conseil d'administration en mars et en novembre 1997. Voir documents GB.268/2, paragr. 9-41, et GB.270/2, paragr. 210-226.
28. Documents GB.261/STM/4/14 et GB.261/26, paragr. 14.
29. Documents GB.244/2/2, paragr. 96-116; GB.259/2/2, paragr. 226-248; GB.262/2, paragr. 69-94; GB.268/2, paragr. 9-41.
30. Document GB.254/2/1, paragr. 53-64.
31. Atlas de la Banque mondiale, Banque mondiale, Washington, DC, 1997.
32. BIT: Annuaire des statistiques du travail, 1996; Coombs, W.M.: Agricultural health-Quo Vadis, OccHSA, vol. no 4, juillet-août 1995. Situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, FAO, Rome, 1996.
33. Source: BIT, document non publié, oct. 1997. Les ouvriers agricoles: conditions d'emploi et de travail, rapport soumis aux fins de discussion à la Réunion tripartite sur l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des ouvriers agricoles dans le contexte de la restructuration économique, BIT, Genève, 1996 (TMAWW/1996).
34. BIT: Annuaire des statistiques du travail, Genève, 1996. International Accident Facts, National Safety Council, Illinois, Etats-Unis, 1995. The Global Burden of Disease, Global burden of disease and injury series, sous la direction de Murray, Christopher J.L. & Lopez, Alan D., OMS, Banque mondiale, Harvard School of Public Health, Washington, DC, 1997. Situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, FAO, Rome, 1996.
35. Accident Facts, National Safety Council, Illinois, Etats-Unis, 1991, 1995.
36. «Les produits chimiques dans le milieu de travail», Le travail dans le monde, BIT, Genève, 1994. International Accident Facts, National Safety Council, Illinois, Etats-Unis, 1995. BIT: Les ouvriers agricoles: conditions d'emploi et de travail. Rapport soumis aux fins de discussion à la Réunion tripartite sur l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des ouvriers agricoles dans le contexte de la restructuration économique, BIT, Genève, 1996 (TMAWW/1996).
37. Les ouvriers agricoles: conditions d'emploi et de travail. Rapport soumis aux fins de discussion à la Réunion tripartite sur l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des ouvriers agricoles dans le contexte de la restructuration économique, BIT, Genève, 1996 (TMAWW/1996).
38. Tels que l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Australie, l'Autriche, la Finlande, la France, la Hongrie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, l'ex-Tchécoslovaquie et le Royaume-Uni. Certaines de ces législations sont plus complètes que d'autres. Par exemple, l'Argentine a adopté en 1997 une loi sur la sécurité et la santé professionnelles dans l'agriculture (Reglamento de Higiene y Seguridad para la Actividad Agraria); entre autres réglementations, la France a dressé une liste des maladies professionnelles propres à l'agriculture et a adopté un règlement sur les services médicaux professionnels destinés aux exploitations agricoles.
39. Journal officiel des Communautés européennes, vol. 19, no C 287, 4 déc. 1976.
40. Directive du Conseil 89/392/CEE, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Journal officiel des Communautés européennes, no L183, vol. 12, 29 juin 1989.
41. «L'observatoire du BTS sur l'application des directives européennes: un premier bilan». L'environnement du travail dans l'Union européenne: le difficile passage du droit à la pratique. Laurent Vogel, Bureau technique syndical européen pour la santé et la sécurité. Conférence du Bureau technique syndical, Bruxelles, 1-2 déc. 1997.
42. Recueils de directives pratiques: Safe design and use of chain saws (1978); Sécurité et santé dans les travaux forestiers (révisé); Sécurité dans la construction et l'utilisation des tracteurs (1976); Guides: Guide pour la sécurité dans les travaux agricoles (1969); Guide to health and hygiene in agricultural work (1979); Safety and health in the use of agrochemicals: a guide (1987). De plus, des travaux sont en cours sur un guide pour l'extension des services de santé au travail à l'agriculture et sur des directives concernant les mesures ergonomiques à prendre pour améliorer les méthodes du travail et réduire les accidents du travail. Ces recueils de directives pratiques sont traduits dans différentes langues et sont également utilisés pour des activités de coopération technique.
43. Réunion tripartite sur l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des ouvriers agricoles dans le contexte de la restructuration économique, BIT, Genève, 23-27 sept. 1996, Note sur les travaux, résolutions adoptées par la réunion, pp. 33-36 (TMAWW/14/1996).
44. Programme et budget pour 1998-99, paragr. 90.2.
45. Voir BIT: Introduction à la sécurité sociale, 3e édition, Genève, 1986, pp. 1-10.
46. La révision de la convention (no 103) sur la protection de la maternité (révisée), 1952, et de la recommandation (no 95) sur la protection de la maternité, 1952, est à l'ordre du jour pour examen, en première discussion, de la 87e session (1999) de la Conférence internationale du Travail.
47. BIT: Rapport de la Commission d'expert pour l'application des conventions et des recommandations, rapport III (Partie 4A), Conférence internationale du Travail, 83e session, 1996, paragr. 58-59.
48. La portée et le financement de la protection sociale: contraintes et principaux problèmes, rapport du Directeur général à la cinquième Conférence régionale européenne (Partie II), Genève, 1995.
49. Document GB.270/2, paragr. 262-285.
50. Document GB.270/LILS/3(Rev.1), paragr. 56, joint au document GB.270/9/2.
51. BIT: Sécurité sociale et protection sociale: égalité de traitement des hommes et des femmes, TMESSE/1994, préparé par la Réunion tripartite d'experts sur la sécurité sociale et la protection sociale: égalité de traitement des hommes et des femmes, Genève, 21-25 novembre 1994, et rapport de la réunion: TMESSE/1994/D.1, annexe au document GB.262/ESP/3.
52. Recueil des Traités des Nations Unies, vol. 993, I-14531.
53. BIT: La norme minimum de la sécurité sociale, étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 45e session, 1961, rapport III, chap. III; BIT: Les perspectives de ratification après cinquante ans, étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 53e session, 1969, rapport III, chap. III; BIT: Protection de la vieillesse par la sécurité sociale, étude d'ensemble des rapports sur la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, la convention (no 128) et la recommandation (no 131) concernant les presta-tions d'invalidité, de vieillesse et de survivants, 1967, en ce qu'elles concernent les prestations de vieillesse, Conférence internationale du Travail, 76e session, 1989.
54. Au 31 décembre 1997.
55. Pour prendre connaissance d'un examen récent de la convention no 102, voir le document GB.270/LILS/WP/PRS/2, paragr. 13, et le document GB.270/LILS/9/2, paragr. 47-56.
56. Conférence internationale du Travail, 72e session, 1986, rapport V, et Compte rendu des travaux, pp. 37/23-32.
57. La résolution et les conclusions figurent en annexe du document GB.267/ESP/3/2; http://www.ilo.org/public/english/20gb/docs/gb267/esp-3-2.htm.
58. J. Gaude: L'insertion des jeunes et les politiques d'emploi-formation, Cahiers de l'emploi et de la formation, no 1 (Genève, BIT, 1997).
59. N. O'Higgins: The challenge of Youth Unemployment, Cahiers de l'emploi et de la formation, no 7 (Genève, BIT, 1997).
60. BIT: L'emploi dans le monde 1996/97 (Genève, 1996). BIT: Des emplois pour l'Afrique (Genève, 1997).
61. R. Anker: «Ségrégation professionnelle hommes-femmes: les théories en présence», Revue internationale du Travail, vol. 136, no 3, 1997. R. Anker: Gender and Jobs: Sex Segregation of Occupations in the World (BIT, Genève, 1998).