86e session
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Rapport de la Commission du travail des enfants |
Présentation, discussion et adoption
Le PRESIDENT -- Nous devons aborder un rapport de commission qui est tout aussi important et qui est d'ailleurs dans la droite ligne de la Déclaration. Il s'agit du rapport de la Commission du travail des enfants.
Je donne la parole à Mme Melkas, rapporteur, qui va présenter le rapport de la commission.
Original anglais: Mme MELKAS (déléguée gouvernementale, Finlande; rapporteur de la Commission du travail des enfants) -- C'est pour moi un honneur et un plaisir de présenter à cette assemblée le rapport de la Commission du travail des enfants et les conclusions proposées contenant les dispositions d'une nouvelle convention et recommandation sur les pires formes du travail des enfants.
La commission avait pour tâche considérable de mettre au point de nouvelles normes internationales sur le travail des enfants, destinées à abolir sans délai les formes extrêmes de ce fléau qui ne devraient être tolérées nulle part dans le monde.
Les délibérations se sont déroulées sous la direction éclairée de M. Achi Atsain, membre gouvernemental et ministre du Travail de la Côte d'Ivoire, assisté par M. Assefa Bequele, représentant du Secrétaire général et de son équipe.
Tous les membres de la commission ont travaillé dans un esprit de coopération et de consensus et j'aimerais, à cet égard, rendre hommage à nos deux vice-présidents, M. Botha et M. Trotman, pour leur attitude constructive, ainsi qu'à de nombreux membres gouvernementaux pour leurs contributions importantes et bien documentées à nos délibérations. Tous ensemble, ils ont contribué à la conclusion heureuse de ce premier débat sur les instruments envisagés. Je suis convaincu que le projet de conclusions adopté par la commission sera une bonne base pour les délibérations de l'année prochaine.
Les membres de la commission étaient parfaitement conscients de l'importance de la question à l'étude, parfaitement conscients de la situation des millions d'enfants qui travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses et très dommageables pour leur santé et leur moralité, voire pour leur existence. Beaucoup d'entre nous ont été profondément émus d'entendre les participants de la Marche mondiale contre le travail des enfants plaider leur cause devant la Conférence internationale du Travail. Les voix de ces enfants ont résonné tout au long des discussions de la commission, et leur image a marqué chacune des décisions que nous avons prises.
Un large consensus s'est dégagé quant à la nécessité de nouvelles normes, de préférence d'une convention assortie d'une recommandation. De nombreux intervenants ont souhaité une convention brève mais précise énonçant des principes de base pouvant être appliqués immédiatement et efficacement dans les pays développés comme dans les pays en développement.
Si les participants ont reconnu que le travail des enfants est imputable d'abord et surtout à la pauvreté, ils ont refusé que l'on utilise celle-ci pour excuser ceux qui font travailler des enfants dans des conditions dangereuses qui portent atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur dignité.
Consciente de l'urgence, la commission a décidé que la première obligation des Etats qui ratifieront la convention consistera à prendre des mesures pour assurer l'abolition immédiate des pires formes du travail des enfants. Un accord s'est dégagé sur le fait que les instruments devraient s'appliquer à toutes les personnes de moins de 18 ans. La définition de l'expression «les pires formes de travail des enfants» a fait l'objet d'un débat passionné mais bien ciblé et empreint de dignité. L'idée qui a dominé, c'est que la convention devait avoir une orientation pratique, être immédiatement applicable et viser les formes extrêmes du travail des enfants.
Tout en reconnaissant que l'éducation est capitale dans cette lutte, il a été décidé de ne pas ranger l'accès à l'éducation dans les critères servant à définir les formes extrêmes du travail des enfants.
La commission a aussi pris en considération la situation des enfants combattants, mais nous avons décidé de surseoir à toute décision jusqu'au prochain débat. La commission a décidé de définir comme suit les pires formes de travail des enfants: a) toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues telles que la vente et la traite des enfants, le travail forcé ou obligatoire, la servitude pour dettes et le servage; b) l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques; c) l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants; d) tout autre type de travail ou d'activités qui, par sa nature ou les conditions dans lesquelles il s'exerce, est susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant.
La commission a décidé que la convention devait appeler à la mise en place de mesures efficaces visant à garantir sa bonne application, par exemple des sanctions pénales ou un système de contrôle.
En outre, les membres qui ratifieront la convention devront prendre des mesures destinées à éliminer à titre prioritaire les pires formes du travail des enfants.
La commission a également décidé de faire figurer dans la convention un appel en vue de la prise de mesures efficaces et délimitées dans le temps pour éliminer les pires formes du travail des enfants: mesures préventives de soustraction, de réadaptation et de réinsertion sociale, éducation de base gratuite, recensement des enfants particulièrement exposés et prise en considération de la situation particulière des filles.
Un des moyens d'assurer la bonne application de la convention à travers le monde consisterait à appeler les Etats Membres à se prêter main forte par la coopération ou l'assistance internationale.
Dans le même ordre d'idée, des membres de la commission ont jugé qu'il serait utile de mettre la communauté internationale devant ses responsabilités en lui demandant d'apporter aux intéressés assistance technique et soutien financier dans leur lutte contre les formes extrêmes du travail des enfants. Les participants sont convenus que les partenaires tripartites de l'OIT devaient jouer un rôle essentiel dans la définition des pires formes de travail des enfants, la conception et la mise en œuvre des programmes d'action et la mise au point de mécanismes de suivi destinés à faciliter la mise en œuvre de la convention.
Toutefois, quelques points de désaccord sont apparus sur la place à donner dans la convention à certains groupements intéressés, par exemple les organisations non gouvernementales, les organismes de défense des droits des enfants et divers organismes professionnels. Finalement, ces groupements ne seront mentionnés que dans certains points de la recommandation. Celle-ci précise le contenu des programmes d'action prévus dans la convention. Par ailleurs, la convention donne des indications sur la façon de détourner les travaux ou activités qui, par leur nature ou les circonstances dans lesquelles ils sont effectués, pourraient porter atteinte à la sécurité, à la santé et à la moralité des enfants.
La commission a également conservé une des dispositions du projet de recommandation demandant aux Membres de poursuivre devant les tribunaux leurs ressortissants qui violent les dispositions sur l'abolition des pires formes du travail des enfants, même si le délit est commis dans un autre pays.
Voilà donc en résumé le rapport et les conclusions que vous soumet la commission. Je saisis cette occasion pour adresser une fois encore tous mes remerciements aux membres du bureau de la commission et du BIT pour leur excellent travail et leur dévouement.
J'espère sincèrement que nous avons rempli notre mandat et je soumets à l'adoption de la Conférence le rapport et les conclusions de la commission. Je suis persuadé que vous inscrirez le travail des enfants à l'ordre du jour de la Conférence internationale du Travail de 1999.
Original anglais: M. SEMRAV (délégué des employeurs, Afrique du Sud) -- Je dois vous présenter les excuses de M. Botha, vice-président employeur de la Commission du travail des enfants, qui a dû s'absenter et qui m'a demandé de le remplacer.
Je lui ai dit que je pourrais prononcer son discours, peut-être même avec les émotions qu'il aura voulu y faire passer, mais sans doute pas avec l'accent si intéressant avec lequel il parle la langue anglaise.
Nous ne sommes pas allés aussi loin que les enfants dans leur Marche mondiale. La fin de leur voyage, ici, dans cette salle, a marqué le début de notre marche à nous. Nous avons certainement franchi les premiers pas vers l'élimination des pires formes du travail des enfants. Au nom du groupe des employeurs de la Commission du travail des enfants, j'aimerais vous faire part de notre satisfaction par rapport au résultat des discussions que nous avons tenues lors de cette session de la Conférence internationale du Travail au cours des deux dernières semaines, et dont rend compte le rapport, dont nous sommes saisis pour adoption.
Lorsque nous avons entamé nos travaux, nous nous sommes rendus compte que la communauté internationale portait toute son attention vers nous. Nous savions en particulier que les enfants concentraient toute leur attention sur nous également, et nous ne pouvions nous permettre d'échouer dans notre tâche. A cet égard, nous avons seulement franchi les premières étapes mais nous avons fait des progrès, dans la bonne direction, ce qui est de bon augure pour la deuxième série de discussions qui aura lieu l'année prochaine.
Cela étant dit, j'aimerais mentionner un certain nombre de questions préoccupantes qui se sont fait jour dans la discussion, et auxquelles j'ai fait référence lorsque ce rapport a été adopté en commission. J'aimerais les reprendre dans cette enceinte.
Tout d'abord, les employeurs pensent que tout instrument que nous nous proposons d'adopter devrait être concis, simple, ciblé et réaliste, de sorte qu'il puisse être compris, accepté et appuyé par un public aussi large que possible.
Nous estimons également que, pour que l'OIT soit crédible, il faut que ses conventions puissent être ratifiées par le plus grand nombre possible d'Etats. S'agissant des instruments proposés sur les pires formes du travail des enfants, nous sommes convaincus qu'ils doivent proposer des mesures concrètes, souples, et applicables immédiatement, tant dans les pays en développement que dans les pays développés.
Nous continuerons de promouvoir ces opinions pendant la deuxième série de discussions qui se tiendra l'année prochaine.
Deuxièmement, et là mes remarques concernent plus particulièrement le sujet qui nous occupe, nous pensons qu'une condition préalable fondamentale est que nous devrions reconnaître la distinction entre le concept du travail des enfants au sens large et les pires formes du travail des enfants. En élaborant les instruments, nous ne devrions jamais perdre de vue le fait qu'ils doivent traiter uniquement les pires formes de travail des enfants. Par conséquent, si nous aboutissons à des définitions confuses ou diluées ou si nous avons des exigences irréalisables dans la pratique, nous rendrons la mise en œuvre impossible et la ratification difficile.
Dans ce contexte, nous aimerions mettre en garde contre l'introduction dans la convention proposée des articles ou des dispositions de la convention (no 138) sur l'âge minimum d'admission à l'emploi, 1973, qui pourrait dissuader les Etats Membres qui n'ont pas encore ratifié la convention no 138 de ratifier la nouvelle convention.
Nous devons rester résolus à mettre immédiatement fin à ces pires formes de travail des enfants, qu'aucun enfant ne devrait ou n'aurait dû être autorisé à accomplir. Les enfants ne doivent pas être achetés ou vendus, ou obligés de faire un travail où ils risquent d'être blessés, mutilés ou tués. Nous devons nous engager à mettre fin à l'exploitation honteuse de la ressource la plus importante du monde, et ce dans tous les Etats Membres et pas seulement dans les pays très développés.
Même si un seul Etat Membre ne ratifie pas la convention, nous considérerons que nous aurons échoué dans notre tâche.
Nous constatons en particulier avec préoccupation que la définition de l'enfant dans le projet de convention et le paragraphe qui fait référence à l'éducation de base gratuite risque de poser des problèmes à un certain nombre de pays en développement. Les Etats Membres devront examiner les conséquences pratiques, juridiques et économiques qu'auront, pour ces pays, les dispositions de la convention proposée, et nous les encouragerons à le faire, avant de reprendre les débats l'année prochaine.
Le groupe des employeurs s'est clairement prononcé en faveur de la définition des enfants aux fins de cette convention comme étant des personnes âgées de moins de 18 ans. Cet appui était subordonné à l'adoption d'une définition très claire des pires formes de travail des enfants. La définition sur laquelle nous nous sommes mis d'accord est claire. Elle énumère les pires formes de travail des enfants internationalement reconnues et, lorsqu'il faudra procéder à un jugement, nous nous sommes mis d'accord sur un processus tripartite national.
Nous avons eu un débat d'excellente qualité concernant les relations entre les pires formes de travail des enfants et l'éducation. Le groupe des travailleurs est très favorable à l'éducation pour tous. Toutefois, il s'agit là d'une question complexe. Est-ce qu'un travail qui empêche les enfants de bénéficier du système d'éducation peut être défini comme une pire forme de travail des enfants? Et bien, il est tentant de dire oui. Les formulations qui proposent l'accès à l'éducation posent un problème pratique, à savoir que de nombreux pays sont encore trop pauvres pour garantir un accès universel à l'éducation. Si l'accès à l'éducation n'est pas possible pour tous les enfants dans tous les pays, les discussions qui proposent un enseignement de base gratuit, c'est-à-dire huit années d'enseignement, ne seront peut-être pas réalisables dans la pratique. Les Etats Membres doivent établir une distinction entre un objectif tout à fait louable, garantir une éducation de base gratuite et les obligations qui pourraient découler d'une déclaration dans une convention.
Nous avons dit à de nombreuses reprises que le texte du préambule était trop long et contenait trop de références à d'autres conventions de l'OIT, ce qui le rend plus difficile à comprendre pour un profane.
Enfin, le groupe des employeurs examinera toutes les références à une mise en œuvre liée aux délais. Si l'introduction de ce concept pouvait aboutir à un résultat moindre que la suppression immédiate des pires formes de travail des enfants, il faudra alors revoir ce concept.
Outre les questions précises susmentionnées, nous avons attiré l'attention sur d'autres questions pendant les débats en commission.
A cet égard, nous sommes heureux d'avoir de nouveau la possibilité, l'année prochaine, de modifier nos points de vue si cela est justifié. Cela nous rend optimiste. En effet, à la prochaine série de discussions, en juin 1999, nous pourrons lever certains des obstacles susceptibles d'empêcher la ratification universelle.
Malgré ces préoccupations, j'aimerais vous dire que je suis très satisfait de la grande qualité des débats que nous avons eus au cours des deux dernières semaines, ainsi que du bon esprit dans lequel ces discussions ont eu lieu, bien que nous travaillions avec des perceptions différentes qui variaient selon les groupes et les pays. Il était également très encourageant de voir la volonté de parvenir à des compromis sur des questions, dont certaines étaient particulièrement sensibles pour certains pays. Nous sommes maintenant dotés d'une série de conclusions qui formeront la base de l'élaboration d'une convention et d'une recommandation. Je suis également convaincu que nous avons tous -- gouvernements, employeurs et travailleurs -- le désir et la volonté de produire une série d'instruments sur les pires formes de travail des enfants, qui devra être ratifié universellement.
Ce qui me reste à faire maintenant, c'est une fois de plus remercier tous ceux qui ont contribué à nos travaux en commission et qui nous ont permis d'aboutir à ces bons résultats. Tout d'abord, j'aimerais complimenter et remercier mon homologue dans les rangs des travailleurs, M. Leroy Trotman, qui est un très bon orateur et qui fait preuve d'humour et de sérieux. En outre, il a vraiment fait preuve de bonne volonté et de souplesse pour arriver à un consensus. Nous avons pu débattre de questions difficiles de façon constructive. J'aimerais également remercier les gouvernements qui ont participé activement aux discussions. C'est grâce à leur coopération que nous avons pu aboutir au résultat que vous connaissez. Je sais que cela continuera lorsque nous nous réunirons à nouveau l'année prochaine. J'aimerais remercier tout particulièrement notre président, M. Atsain, qui a admirablement dirigé les travaux et qui a donné à tous les collaborateurs la possibilité d'exposer leur point de vue. C'est un arbitre tout à fait qualifié, qui possède toutes les qualités nécessaires dans le nouveau processus de l'OIT. Enfin, j'aimerais remercier M. Assefa Bequele ainsi que ses collègues, qui ont travaillé inlassablement sur la scène et en coulisse et qui nous ont permis de mener à bien nos discussions grâce aux services de secrétariat qu'ils ont mis à notre disposition. Je suis sûr que l'année prochaine ils nous apporteront une contribution d'aussi bonne qualité.
J'aimerais maintenant conclure mes remarques, en vous recommandant l'adoption de ce rapport.
Original anglais: M. TROTMAN (délégué des travailleurs, Barbade; vice-président de la Commission du travail des enfants) -- M. Botha a de nouveau fait un exposé, qui méritait de faire l'objet d'un long débat, mais je préfère ne pas ouvrir cette discussion, tout d'abord parce qu'il n'est pas là et qu'il n'a pas pu présenter son intervention comme il avait prévu de le faire ce matin. Malheureusement, il n'a pas pu finir ce qui, selon moi, était un excellent travail. Par ailleurs, pour répondre à M. Botha, il faudrait passer le restant de la soirée ici dans cette salle, et je ne crois pas qu'il serait juste de vous imposer cela car vous avez déjà fait preuve d'une grande patience dans la journée.
Le groupe des travailleurs aimerait remercier chacun pour le soutien qui a été apporté jusqu'à présent à un instrument qui permettra d'éliminer les formes les plus intolérables de travail des enfants. C'est en effet l'objectif immédiat que nous nous sommes fixé, ce sera le premier pas dans le cadre d'une nouvelle initiative permettant d'éliminer toutes les formes du travail des enfants.
Le groupe des travailleurs, cependant, souhaiterait demander que l'on ne considère pas notre travail comme une fin mais plutôt comme un moyen qui nous permettra d'arriver à une fin. Si nous ne voulons pas du pain, la liberté et la paix pour tous, et bien nous trahirons les enfants que nous avons accueillis dans cette salle il y a deux jours. Nous trahirons non seulement les enfants que nous avons vus dans cette salle, mais aussi tous les autres enfants comme les vôtres, comme les miens et tous les enfants de toutes les personnes privilégiées qui sont assises dans cette salle de Conférence aujourd'hui. Ces enfants veulent mettre un terme à la tromperie, à l'hypocrisie qui règnent dans ce monde, à l'instrument et à la discrimination dont ils sont victimes chaque jour de leur vie. Ils aimeraient respecter et pouvoir avoir confiance dans les sociétés, où nous, en tant que parents, en tant que dirigeants, leur demandons de grandir et d'être des citoyens bien intégrés.
Par conséquent, le groupe des travailleurs considère que des plans d'action devraient être mis en œuvre sans délai pour montrer à toutes les communautés, mais surtout aux enfants qui sont les victimes, que l'objectif de l'élimination du travail des enfants n'est pas une excuse, un prétexte, mais qu'il s'agit plutôt de mobiliser les efforts de manière efficace et transparente pour atteindre les objectifs fixés dans l'instrument.
Nous avons dans d'autres lieux exprimé de la sympathie pour certains pays qui ont invoqué la pauvreté pour justifier leur échec en ce qui concerne l'élimination du travail des enfants. Cependant, nous aimerions souligner le fait que la pauvreté ne devrait plus servir à justifier l'échec de l'élimination des formes les plus intolérables de travail des enfants. Ce que l'on entend par formes les plus intolérables de travail des enfants est très clairement défini, et cela devrait être défini précisément et définitivement avant de passer à la deuxième lecture de l'instrument l'année prochaine.
Pendant les discussions en commission, de nombreux gouvernements ont sollicité un appui international pour éliminer ce fléau. Le groupe des travailleurs avait quelques idées quant à la mise en œuvre de ce soutien.
En premier lieu, ceux qui recherchent une coopération renforcée au niveau international devraient tout d'abord, avant d'obtenir un tel soutien, prouver qu'ils ont pris et continuent à prendre des mesures sérieuses pour résoudre le problème. Sans cela, nous aurons le spectacle paradoxal de pays relativement riches voyant leurs produits intérieurs bruts croître grâce à certaines activités ésotériques ou à des activités permettant de continuer à améliorer le statut de quelques privilégiés, tout en quémandant un soutien financier international.
Deuxièmement, l'OIT elle-même et les gouvernements généreux qui ont apporté une assistance ou qui prévoient de le faire devraient prendre note des appels qui leur sont adressés par certains pays demandant une assistance technique pour les aider à vaincre ce fléau contre lequel ils sont sans défense. Le groupe des travailleurs estime que l'assistance dans le cadre de la coopération technique doit être universelle et doit avoir des objectifs clairement définis, qui devraient inclure: 1) l'élimination des formes les plus intolérables de travail des enfants, 2) la réinsertion des victimes, 3) leur éducation et leur formation professionnelle et 4) l'offre d'un emploi aux parents ou aux personnes qui s'en occupent.
Nous avons reconnu que, dans un grand nombre de pays où les enfants travaillent, on constate en même temps un taux de chômage très élevé chez les adultes. Notre demande d'assistance technique vise donc à répondre à ces problèmes de pauvreté en gardant deux éléments à l'esprit. Premièrement, la Recommandation des Nations Unies énonçant clairement que les objectifs de prospérité doivent être poursuivis en assurant le respect de la justice pour tous. Deuxièmement, la conviction de l'OIT selon laquelle la pauvreté constitue partout une menace à la prospérité. Certains membres travailleurs nous feront partager leur expérience en ce qui concerne cette Marche mondiale très réussie, et nous présenterons quelques points de vue sur la valeur et l'importance de l'éducation pour parvenir à une société meilleure, ce qui est l'ambition de la plupart d'entre nous, et nous lancerons un défi.
Nous devons également faire appel à tous ceux qui ont de l'influence et qui ont un pouvoir au sein de leur communauté, pour qu'ils fassent preuve de la volonté politique nécessaire à l'accomplissement des objectifs que nous nous sommes fixés dans la convention que nous envisageons d'adopter. Cet instrument nous donne une excellente occasion de nous racheter et d'améliorer l'image de l'OIT au sein de la communauté internationale. Deux attitudes ou images sont difficiles à accepter. Tout d'abord, lorsqu'on demande ce qu'est l'OIT. Est-ce un acronyme désignant une nouvelle marchandise? Si tel est le cas, non, je ne suis pas intéressé, répondra-t-on. La deuxième image qui nous est renvoyée ne vaut guère mieux que la première: l'OIT? Vous voulez dire cette Organisation inutile où l'on parlotte à Genève, où l'on fait de petites concessions aux travailleurs en échange de leur dévouement inébranlable au capitalisme? Ceux qui font cette dernière observation soulignent que, depuis la fin de la guerre froide, ces concessions, que l'on appelle parfois par euphémisme «droits des travailleurs», sont sérieusement menacées, et que beaucoup ont simplement disparu alors que d'autres sont gravement compromises. Je m'empresse d'ajouter que le groupe des travailleurs ne souscrit à aucune de ces deux opinions. Nous sommes peut-être des idéalistes, mais nous espérons un avenir plus radieux pour le monde. Nous voudrions la liberté pour tous, cette même liberté que nous chérissons pour nous-mêmes, l'accès de tous à la même éducation, que nous souhaitons pour nos propres enfants, et nous souhaitons voir le jour où la richesse du monde servira au bien de tous et non plus à celui de quelques rares privilégiés.
Le groupe des travailleurs m'a demandé de remercier chaleureusement le président de la commission qui nous a permis d'avoir des débats tout à fait fructueux et très ouverts sur les formes les plus intolérables du travail des enfants. M. Botha et le groupe des employeurs nous ont vraiment aidés, les gouvernements se sont montrés très positifs, et certaines contributions ont été très précieuses. Notre groupe des travailleurs a fait de son mieux et était honoré d'apporter sa contribution, et je crois que nous avons vraiment été au meilleur de notre forme.
Les organisations non gouvernementales devraient également être complimentées pour le travail qu'elles ont fait jusqu'à présent et en anticipation évidemment sur le travail de suivi qu'elles feront dans les années à venir.
Enfin, M. le Ministre Atsain de la Côte d'Ivoire, notre président de la commission, doit être remercié ainsi que les membres du bureau, le personnel du BIT qui nous ont apporté tout leur soutien.
Notre tâche a été très difficile, mais nous sommes maintenant récompensés.
Je vous recommande donc l'adoption du rapport. Merci.
M. ATSAIN (ministre de l'Emploi, de la Fonction publique et de la Prévoyance sociale, Côte d'Ivoire; président de la Commission du travail des enfants) -- Je suis très honoré de l'occasion qui m'est aujourd'hui donnée de m'adresser à vous en qualité de président de la Commission du travail des enfants.
C'est pour moi-même et mon pays, la Côte d'Ivoire, un grand privilège que d'avoir été choisi pour diriger les travaux de cette commission qui devraient conduire à l'adoption, l'année prochaine, de nouveaux instruments sur les pires formes de travail des enfants.
En acceptant cette haute mission, j'avais la ferme conviction que la discussion serait particulièrement constructive. Or, à l'issue de ces débats, je dois reconnaître que les résultats auxquels nous sommes parvenus ont largement dépassé mes espérances.
Consciente de la gravité du problème dont elle était saisie, la commission l'a examiné avec sérieux au cours d'un débat digne et de grande qualité, qui témoignait d'une profonde détermination de franchir en cette occasion un cap décisif dans la lutte menée contre le travail des enfants.
Un très large accord s'est dégagé sur la plupart des points proposés à la discussion, toutes les parties étant animées du même désir de parvenir à un consensus.
Il y a quinze jours, nous avons reçu dans cette même salle tous ceux qui avaient pris part à la Marche mondiale contre le travail des enfants. Ils ont été salués par une ovation. La plupart d'entre nous n'oublierons sans doute jamais l'émotion qu'ils ont ressentie en écoutant le vibrant appel que les enfants du monde entier étaient venus nous adresser et qui résonne à jamais dans nos cœurs: «Faites cesser le travail des enfants», nous demandaient-ils.
Notre commission vient, j'en suis convaincu, d'apporter une contribution importante à la réalisation de cet objectif en adoptant les conclusions proposées en vue d'une convention accompagnée d'une recommandation sur les pires formes de travail des enfants. Mme Melkas, notre rapporteur, vous a rendu compte dans le détail du résultat de nos délibérations et de la teneur des nouveaux instruments proposés. Je ne voudrais en aucun cas répéter ce qu'elle vous a déjà exposé avec tant de compétence.
Toutefois, j'aimerais faire trois observations qui me paraissent fondamentales et importantes. Premièrement, les conclusions que vous avez devant vous sont concises et établissent des principes fondamentaux qui devraient susciter une large ratification. Deuxièmement, en mettant l'accent sur l'interdiction et l'élimination immédiate des pires formes de travail des enfants, ces instruments complètent la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, qui demeure la norme fondamentale pour ce qui est de l'abolition du travail des enfants. Enfin, les nouveaux instruments soulignent l'importance de la coopération internationale pour l'élimination du travail des enfants.
Ce n'est qu'en unissant nos forces et en œuvrant de concert que nous parviendrons à libérer définitivement le monde de ce fléau. Je ne doute pas que vous adopterez les conclusions proposées en vue d'une convention et d'une recommandation. Cette adoption marquera une étape importante dans l'effort déployé à l'échelle du monde entier pour éliminer les pires formes de travail des enfants.
En ma qualité de président, j'aimerais enfin adresser mes remerciements aux membres du secrétariat, et notamment aux traducteurs et aux interprètes, au vice-président et aux membres de notre commission, au Directeur général du BIT et au Président de la Conférence. Cette commission restera gravée dans nos mémoires; ses travaux nous aideront à bien préparer la prochaine session de la Conférence qui, en adoptant ces instruments, répondra à l'espoir que nos enfants ont placé en elle.
Le PRESIDENT -- Je vais maintenant ouvrir la discussion générale sur le rapport de la Commission du travail des enfants.
Original anglais: M. AHMED (délégué des travailleurs, Pakistan) -- Au nom de la délégation des travailleurs du Pakistan, j'ai le privilège d'accueillir avec satisfaction le rapport de la Commission du travail des enfants sur les formes les plus intolérables de travail des enfants. Ce rapport comporte un projet de convention et de recommandation, qui a été adopté par la commission. Nous sommes très reconnaissants du travail fourni par le président et les deux vice-présidents, ainsi que par le rapporteur. Nous rendons particulièrement hommage à M. Trotman, notre président et porte-parole du groupe des travailleurs, ainsi qu'aux membres de ce groupe. Nous exprimons aussi notre gratitude au représentant du Directeur général, M. Ali Taqi, Sous-directeur général, et à M. Bequele, directeur du Département des conditions et du milieu de travail, épaulé par son équipe compétente.
Les enfants sont notre avenir. Ils ont le droit d'exiger, non seulement de leur famille, de la société, mais de l'humanité tout entière, l'égalité des chances pour leur développement mental, physique et spirituel. Or nous constatons que 250 millions d'enfants sont toujours astreints à travailler. Les enfants, pourtant, sont notre avenir. Il faut donc que le travail des enfants, particulièrement les formes les plus intolérables de travail des enfants, que la commission a traitées, soit aboli au plus tôt.
Nous nous trouvons au seuil du XXIe siècle. La paix, la prospérité, la liberté, la justice sociale devront pouvoir régner dans toutes les régions du monde. Or nous constatons que les enfants restent soumis à l'esclavage, à la servitude pour dettes et à des travaux dangereux, et cela en raison de la pauvreté dans laquelle ils vivent et d'un manque de protection de la part de la société. C'est pourquoi le projet de convention et de recommandation souligne à juste titre la nécessité de prendre des mesures immédiates pour abolir le travail des enfants non seulement au moyen de lois efficaces, mais par le respect effectif de ces lois, en coopération avec les organisations d'employeurs et de travailleurs. Il s'agit de fournir à ces enfants un enseignement de base et de permettre leur réinsertion dans la société. Cela exige une action à l'échelle nationale et une volonté politique de la part des gouvernements, qui doivent allouer davantage de ressources à l'enseignement de base car la pauvreté, où qu'elle se trouve, constitue un danger pour la prospérité. Les enfants ne doivent pas être exposés au fléau qu'est le travail des enfants, qui est un crime contre l'humanité. Que les enfants soient pauvres ou riches, ils sont égaux. Or cette égalité de chances leur est déniée par la société. Les enfants pauvres sont comme des fleurs dans une forêt: ils s'épanouissent, mais personne ne voit ni n'apprécie leur beauté. Ainsi, les enfants pauvres vivent dans la crainte de la société. C'est pourquoi il convient d'affecter davantage de ressources, d'entreprendre une action internationale et de mettre en œuvre des programmes de coopération technique, ce qui a été mis en exergue dans le projet de recommandation. Ce genre de projet a d'ailleurs été très utile dans de nombreux pays en développement. Dans mon pays, nous avons exécuté un excellent projet dans ce domaine avec la coopération du gouvernement, des organisations d'employeurs et de travailleurs, projet qui concerne la fabrication de ballons de football. Nous inviterons sans nul doute l'OIT à développer ces activités et engageons la communauté internationale, et en particulier le FMI et la Banque mondiale, à adopter des politiques prévoyant qu'un surcroît de ressources soit alloué aux pays en développement.
Nous avons vu, dans le Sud-Est asiatique, combien l'absence de contrôle financier international a eu des conséquences graves de même que les mesures commerciales et autres. D'après le rapport de la Banque mondiale de 1994, les pays les plus lourdement endettés consacrent presque 80 pour cent de leur PNB, et 220 pour cent de leurs exportations au service de la dette. Les nations riches sont invitées à redéployer leurs ressources nettes au profit des pays en développement, afin que ces pays puissent affecter davantage de fonds à l'éducation de leurs enfants.
Nous, dans cette Organisation, devons manifester notre attachement à la cause des enfants de nos pays, qui sont notre avenir. Pour les enfants des pays en développement, il faut appuyer sans réserves le projet de convention et de recommandation qui figure dans ce rapport.
Je remercie le président ainsi que ses collègues, le Directeur général et ses représentants. Je souhaite à tous les délégués un bon voyage de retour et plein succès dans leurs activités futures dans leur pays, pour le plus grand bien des enfants, ainsi que des hommes et des femmes au travail.
Original anglais: Mme NOONAN (déléguée des travailleurs, Nouvelle-Zélande) -- Je me présente ici pour recommander l'adoption du rapport de la Commission du travail des enfants. Ce faisant, je rends hommage aux enfants et aux jeunes de la Marche mondiale.
Leur résolution à faire sortir le monde de son apathie et de son ignorance quant au fléau haïssable qu'est le travail des enfants a été sans aucun doute le facteur essentiel des progrès considérables qu'ont pu réaliser cette année les gouvernements, les employeurs et les travailleurs dans l'élaboration d'une nouvelle convention et d'une nouvelle recommandation visant à éliminer les pires formes de travail des enfants.
Comme l'a dit avec tant d'éloquence notre rapporteur, ces enfants ont réussi à nous motiver et à nous mobiliser tous. Leur visage, leur voix, leurs histoires étaient présents à chaque instant de nos délibérations. Grâce à eux, nous nous trouvons devant quelque chose d'extrêmement rare, un texte adopté entièrement par consensus. Il n'a été procédé à aucun vote par appel nominal, et pourtant le texte est plus ferme et plus efficace que le projet initial du Bureau. En tant que Néo-Zélandaise, je suis particulièrement fière de rappeler que c'est un texte que mon gouvernement a appuyé et qu'il ratifiera, je l'espère.
Les qualités de dirigeant et la compétence de notre dirigeant, M. Atsain, ministre de l'Emploi de la Côte d'Ivoire, sont remarquables. Il nous a beaucoup appris à tous sur l'art de la négociation, et certaines régions difficiles pourraient bénéficier de son expérience. Il a été remarquablement épaulé par les vice-présidents employeur et travailleur, et je les remercie tous trois de même que le bureau, M. Bequele et son équipe, ainsi que, chez les travailleurs, la CISL et ACTRAV, dont l'appui nous a été précieux.
Le slogan de la Marche mondiale était simple et percutant à la fois: de l'exploitation à l'éducation. Dans le nouveau projet de convention sur l'élimination des pires formes de travail des enfants, nous avons fait des progrès en restant fidèles à cet objectif. Toutefois, comme il est ressorti des interventions du rapporteur et du vice-président employeur, la place de l'éducation dans la nouvelle convention n'a pas encore été bien définie.
Deux problèmes distincts se posent. Premièrement, la définition des pires formes de travail des enfants doit-elle inclure tous types de travail et d'activités susceptibles de compromettre non seulement la santé, la sécurité et la moralité des enfants, mais aussi l'accès à l'instruction de base? Deuxièmement, faut-il faire mention de l'importance que revêt l'accès à une instruction de base gratuite dans la section traitant des programmes d'action?
Deux questions clés se posent. L'inclusion de «l'accès à l'éducation de base» dans la définition élargira-t-elle de façon excessive le champ d'application de la convention? La mention de «l'accès à l'éducation de base» gratuite au titre des programmes d'action imposera-t-elle une charge trop lourde aux Etats Membres qui ratifieront la convention? A ces deux questions, le groupe des travailleurs à la commission a donné une réponse catégorique: non!
A ce stade de l'évolution de la convention, nous avons obtenu le mention de l'«accès à l'éducation de base gratuite» à l'article 14, qui traite des mesures nécessaires pour veiller à la mise en œuvre et au respect de cette convention. Il s'agit là d'un point vital. Bien que ces instruments portent sur les pires formes de travail des enfants, domaine prioritaire de l'action nationale, on ne peut aujourd'hui nier l'évidence: alors que le seul accès à l'éducation ne suffit pas à éliminer le travail des enfants -- pas même ses pires formes -- , il ne saurait y avoir d'élimination véritable sans cet accès. Sans une approche globale de la prévention, de la réinsertion et de la réintégration sociale, nous ne ferons que déplacer les enfants entre différentes formes de travail.
En ce qui concerne la question de l'insuffisance des ressources, les faits sont également concluants: le prix à payer, si nous ne fournissons pas une éducation de base gratuite et de qualité, universelle et obligatoire, sera beaucoup plus élevé que le coût de cette éducation. Il est temps de faire nos comptes. Les conséquences néfastes de notre inaction affecteront non seulement les enfants privés d'éducation, mais aussi leurs familles, leurs collectivités et le développement économique de leurs nations.
Sur le plan national et international, nous devons trouver les ressources nous permettant de veiller à ce que chaque enfant ait accès à l'éducation de base. Cependant, la convention vise seulement les enfants victimes des pires formes de travail. Aussi les ressources nécessaires sont-elles relativement limitées. Le Programme d'action d'Oslo de novembre 1997 peut nous servir d'orientation pratique, pour l'action nationale et la coopération internationale à la fois.
Cette année, nous n'avons pas réussi à obtenir la mention de «l'accès à l'éducation de base» dans la définition de ce que sont les pires formes de travail des enfants. Le fait d'inclure une telle référence dans ces définitions n'aurait pas pour but d'imposer l'obligation aux Etats de garantir cet accès. Il s'agirait plutôt d'ajouter un nouveau critère pouvant être utilisé dans les mécanismes nationaux mis en place en vertu de l'article 11 du projet de convention pour contribuer à identifier les pires formes de travail des enfants.
Je vous engage à lire les observations du membre gouvernemental de la Suède à la commission au paragraphe 162 du rapport. Par souci de concision, je ne le ferai pas. Mais je citerai le membre gouvernemental de l'Uruguay, qui a également préconisé l'inclusion de l'éducation. Elle a posé la question suivante: lorsque l'éducation de base existe, sommes-nous en train de dire qu'un travail qui empêche un enfant d'aller à l'école -- une école qui existe -- n'est pas une des pires formes de travail? Nier systématiquement aux enfants l'accès à l'éducation condamne ces enfants à une vie de pauvreté, un avenir sans espoir, sans perspectives. Il est difficile d'imaginer pire. Avec la mondialisation croissante de l'économie et l'évolution constante des technologies, la formation permanente n'est plus seulement souhaitable, mais essentielle.
En guise de conclusion, je voudrais évoquer une fois encore les enfants de la Marche mondiale, qui ont été notre source d'inspiration tout au long de ces trois semaines. Grâce à eux, pour la première fois depuis bien des années, des hommes, des femmes, des jeunes du monde entier ont pris conscience de l'existence de l'OIT et de l'importance de ses normes internationales du travail.
Cette convention pourrait être un instrument facile à ratifier, mais purement symbolique, ou alors, comme nous avons commencé à le faire cette année, un instrument solide et efficace, qui pourrait servir de catalyseur pour une action mondiale en faveur de l'élimination du travail des enfants.
Si nous nous fixons cet objectif, nous aurons montré pour la première fois que les forces de la mondialisation peuvent être maîtrisées et, comme l'a dit le vice-président travailleur, non seulement dans l'intérêt de quelques privilégiés, mais de l'humanité tout entière -- surtout pour les plus pauvres, surtout pour nos enfants. En agissant de la sorte, nous donnerons à l'OIT un rôle solide, utile et estimable à l'aube du XXIe siècle.
Original anglais: M. STEYNE (délégué des travailleurs, Royaume-Uni) -- C'est pour moi un honneur et un plaisir au nom du conseil général du Congrès des syndicats, qui représente 7 millions de syndicalistes en Grande-Bretagne, de recommander l'adoption du rapport de la Commission du travail des enfants à la Conférence.
J'en suis fier, car le TUC, plus ancienne centrale syndicale dans le monde, mène une campagne contre le travail des enfants depuis sa création en 1868.
Nous avons récemment publié un rapport sur le travail des enfants en âge scolaire au Royaume-Uni, travail en grande partie illégal.
Tout d'abord, quelques remerciements. Notre commission a travaillé avec beaucoup de bonne volonté et dans la bonne humeur, ce qui était dû, en grande partie, à l'excellent travail du Bureau, en particulier M. Bequele et Mme Jankanisch et à leur équipe, à la façon conviviale et compétente à la fois dont M. Atsain a présidé nos débats et à l'attitude très coopérative de M. Botha, vice-président des employeurs. Mais je tiens à rendre un hommage tout particulier au groupe des travailleurs, ainsi qu'à l'appui que nous a accordé ACTRAV et Tim Noonan de la CISL. Ce groupe de collègues était extraordinaire et notre travail a été grandement facilité par notre président, Camarade Leroy Trotman, qui a mené les travaux avec fermeté mais modération, en utilisant son charme, son sens de l'humour et la passion qui l'anime pour promouvoir les intérêts des enfants du monde, surtout de ceux qui faisaient l'objet de nos travaux, à savoir les millions d'enfants assujettis aux pires formes de travail.
Nous rédigeons des instruments très particuliers parce qu'ils ont pour objet le pire fléau social de notre époque, en particulier parce que la convention sera à la fois une convention relative aux droits de l'homme et une convention exigeant des mesures concrètes.
En d'autre termes, elle exigera l'affectation de ressources de la part des gouvernements et nous regrettons de ne pas avoir pu parvenir à un consensus sur l'inclusion de références claires à la responsabilité des institutions de Bretton Woods et d'autres institutions internationales compétentes, pour favoriser la réalisation des objectifs de la convention. Nous savons tous que, dans bien des pays, les programmes d'ajustement structurel ont abouti à une réduction des dépenses sociales et à une augmentation de l'incidence du travail des enfants, y compris des pires formes de ce travail.
Nous avons également été troublés lorsqu'au début de nos débats le représentant d'un gouvernement a annoncé qu'il ne pourrait pas ratifier la convention telle que proposée. Nous comprenons que la pauvreté, pour reprendre les termes de la Déclaration d'Oslo, est à la fois la cause et la conséquence du travail des enfants. Mais on ne peut pas reprocher aux pauvres d'être pauvres. Les syndicalistes du monde entier n'admettent pas les excuses invoquées par des élites riches, qu'elles soient du nord ou du sud, qui envoient leurs propres enfants dans les meilleures universités du monde mais qui prétendent ne pas avoir les ressources nécessaires pour fournir, ne serait-ce que l'instruction de base, aux autres enfants.
Cela est encore plus vrai lorsque ces élites détournent des montants encore plus élevés de l'éducation et de la santé pour alimenter la folle course aux armements nucléaires, qui menacent d'anéantir non seulement les enfants de leurs voisins mais aussi leurs propres enfants.
Bien entendu, les ressources sont un problème mais la volonté politique est un problème beaucoup plus important. Aucun progrès n'est possible sans volonté politique. Nous connaissons tous des pays pauvres ou des régions pauvres de pays pauvres qui ont pourtant pris la décision d'affecter des ressources rares à l'éducation gratuite et universelle et qui ont, en conséquence, éliminé le travail des enfants.
Nous avons eu le privilège d'accueillir cette année à Genève la Marche mondiale contre le travail des enfants et je me souviens du discours très émouvant prononcé par Chuck Gray, un de mes collègues américains, lorsqu'il a présidé la Conférence, à l'occasion de notre soixante-quinzième anniversaire. En paraphrasant le Dr Martin Luther King, Chuck nous a dit qu'il avait fait un rêve. Dans son rêve, un jour, les portes de cette grande salle seraient grandes ouvertes et les enfants qui travaillent dans le monde entier défileraient dans la salle en criant: «Enfin libres, enfin libres, grâce à Dieu, enfin libres!».
Or ces enfants ne sont toujours pas libres, mais ils sont venus à Genève, cette année, pour nous transmettre un message clair et net, à nous tous gouvernements, employeurs et syndicats. Ils nous ont dit que les enfants doivent aller à l'école, les adultes doivent travailler et ceux qui exploitent les enfants doivent aller en prison. L'éducation mais pas l'exploitation.
A un certain moment de nos discussions, un gouvernement a demandé comment on pouvait démasquer les formes cachées de travail des enfants, qui permettaient d'asservir tant de jeunes filles. La réponse des travailleurs ne s'est pas fait attendre grâce au flambeau de la volonté politique.
Cette année nous avons allumé le flambeau mais, d'ici à notre prochaine réunion, il faut que ce flambeau soit devenu une torche étincelante pour les gouvernements, les employeurs et les syndicalistes du monde entier.
Les syndicalistes du monde sont unis, aux côtés des enfants de la Marche mondiale. Nous demandons à tous de se rallier à cette immense coalition, coalition qui pourrait enfin mettre un terme à la souffrance des enfants qui connaissent les pires formes de travail, coalition qui nous permettra de poursuivre la lutte afin que, alors que nous abordons ce nouveau millénaire, nous puissions garantir à chaque enfant du monde le droit inaliénable à l'enfance.
La voie de la souffrance et de l'esclavage des enfants assujettis aux pires formes de travail a été tracée par l'injustice sociale et elle est pavée d'indifférence. La voie qui mènera à leur libération peut passer par le nouvel instrument que nous sommes en train d'élaborer, mais elle devra être pavée de volonté politique.
Je recommande l'adoption du rapport.
Original anglais: Mme MENON (conseillère technique des travailleurs, Malaisie) -- Je suis arrivée il y a près de trois semaines pour participer à la 86e session de la Conférence de l'OIT en ma qualité de délégué travailleur.
Je suis une travailleuse. Je viens de Malaisie, un pays d'Asie en développement. Je suis arrivée pleine d'espoir et d'optimisme car la Conférence promettait d'être une conférence particulièrement importante pour les travailleurs et leurs organisations.
Participer aux activités de la Commission du travail des enfants me semblait représenter un effort considérable pour améliorer la qualité de vie des travailleurs, de leur famille, à l'échelle mondiale.
A la fin de cette troisième semaine, le groupe tripartite avait pris son premier engagement vis-à-vis d'une convention. Cette convention a encouragé les travailleurs parce que nous avons obtenu beaucoup plus qu'escompté.
Cependant, je ne suis pas aussi heureuse que je devrais l'être, parce qu'il doit y avoir une deuxième lecture, l'année prochaine, pour donner sa forme définitive à cette convention. Ce qui signifie que, dans l'intervalle, les enfants continueront d'être soumis aux pires formes d'exploitation et tenus en esclavage.
Il faut absolument que nous tentions de redresser la situation avant le début du prochain millénaire. Le chant des enfants de Suisse «Aidez-nous et mettez un terme au travail des enfants» ne doit pas rester lettre morte.
J'ai été très impressionnée par la coopération et la solidité des liens entre les travailleurs au sein de ma commission; cela s'expliquait sans doute par le fait qu'il y avait aussi tant de femmes déléguées qui ont ajouté au climat de détermination dans la réunion. Ceux qui ne sont pas intervenus ont applaudi, ont approuvé de la tête en faveur des réformes, surtout en ce qui concerne l'interdiction et l'élimination immédiate des pires formes de travail des enfants.
Dans mon pays, la Malaisie, il y a accès à un enseignement obligatoire libre jusqu'au secondaire pour que les enfants restent à l'école. Mon pays a même renoncé à certains examens et abaissé les niveaux de passage afin de s'assurer que tous les enfants finissent leur scolarité obligatoire. Mais, évidemment, les enfants ont envie de se faire un peu d'argent de poche, et nombre des enfants qui abandonnent leur scolarité préfèrent aller travailler dans le secteur non organisé et informel; ils travaillent dans des restaurants, ou encore en tant qu'employés de maison.
Et c'est seulement quand ils deviennent adultes qu'ils se rendent compte qu'ils n'ont pas une formation nécessaire et qu'ils ne peuvent que continuer à travailler dans des activités temporaires, très peu rémunérées. Alors, ils se plaignent du déséquilibre économique et des privations. Ici, je me rends compte qu'en tant que membre d'une organisation de travailleurs je sais ce que je dois faire quand je rentrerai en Malaisie.
Je ne me suis rendue compte de l'importance de l'enseignement qu'après avoir entendu ici toute cette argumentation en faveur de l'accès à l'enseignement pour les enfants. Il en va de leur avenir. L'adulte a honte d'apprendre à lire; et puis c'est trop tard. Il garde ses frustrations et, si son pays ne l'aide pas, il ne voit pas pourquoi il devrait en aller différemment pour ses propres enfants.
Nous disons toujours que l'enfant est le père de l'homme et que les enfants sont l'avenir et la prospérité de nos pays. Voulons-nous comme dirigeants, comme modèles des enfants qui n'ont pas eu d'éducation, qui ont été exploités? Ou allons-nous seulement accorder cette possibilité à une poignée d'enfants privilégiés?
La plupart des pays développés et en développement sont très préoccupés par ce qui va se passer au 31 décembre 1999. Des réserves budgétaires considérables sont mises en place pour faire face à ce qui peut se passer au niveau des ordinateurs. Et pourtant, ils considèrent qu'une chose aussi élémentaire que de permettre à un enfant d'avoir une enfance et d'avoir accès à un enseignement peut attendre. Pourquoi? Le travail des enfants est-il devenu une sorte de tradition, de droit culturel? Craint-on le changement? Non, ce n'est pas possible. Nous, les adultes, avons donné le droit de vote aux femmes. Nous, les adultes, avons accepté qu'à travail égal, le salaire aussi doit être égal. Nous avons fait de grands progrès dans le domaine de la médecine et de l'hygiène. Nous nous sommes lancés dans l'exploration de l'espace et l'homme a marché sur la lune. Nous avons appelé cela «un grand pas pour l'humanité». Nous sommes attachés à notre histoire et à nos monuments et nos renforçons sans cesse notre défense nationale. Nous consacrons des budgets considérables à ces diverses activités. Et, pendant ce temps, 250 millions d'enfants, entre 5 et 14 ans, travaillent à plein temps ou à temps partiel.
Rencontrer les enfants qui ont participé à la Marche mondiale a éveillé l'instinct maternel chez des femmes, mais cela nous a également encouragés à jouer un rôle plus important dans l'élaboration de cette convention qui doit être ratifiée par tous les pays du monde.
Nous avons compris combien il est important que ces enfants soient éduqués pour qu'ils puissent rester des enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, qu'ils puissent être protégés par leurs parents et aussi par les législations nationales. Ensuite, ils pourront décider: poursuivre leurs études ou aller travailler. Ce ne seront plus des enfants et ils auront droit à un salaire. Ils pourront se syndiquer et appartenir à une organisation de travailleurs. Ils ne risqueront surtout pas d'être exploités comme main-d'œuvre à bon marché, toujours à disposition.
Original espagnol: M. PRETI JORQUIN (délégué des employeurs, Guatemala) -- Je voudrais vous féliciter pour le travail remarquable que vous avez accompli au cours de ces trois semaines à Genève et j'espère que les résultats de cette Conférence permettront d'améliorer les conditions de travail dans nos pays.
Au moment même où nous fêtons le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, nous sommes sur le point d'adopter un document qui servirait de base pour l'élimination des formes les plus intolérables de travail des enfants, un des objectifs poursuivis par l'Organisation internationale du Travail.
Dans ce document, nous trouvons des définitions, des mesures nécessaires et efficaces pour l'objectif que nous poursuivons. Le travail des enfants est un phénomène qui s'étend dans beaucoup de pays. Dans certains, il revêt des formes plus acceptables, tandis que dans d'autres ce travail est absolument intolérable.
Il est vrai que ce document que nous allons adopter a été préparé soigneusement, mais nous devons tout de même veiller à ce que, dans ce document, qui servira de base pour une deuxième lecture, nous pensions à une législation réaliste, une législation qui pourrait s'appliquer à tous les pays. Les différences entre pays développés et pays en développement sont des différences énormes et il faut les garder présentes à l'esprit au moment de l'élaboration d'un texte définitif.
Dans beaucoup de pays en développement -- dont le mien, le Guatemala --, il y a des enfants qui ont de très longues journées de travail, dans des activités dangereuses qui nuisent à leur développement physique et mental. Cet état de choses est imputable à la pauvreté extrême, mais aussi à l'exclusion sociale, aux revenus très faibles des familles et à d'autres raisons encore.
De nombreux représentants de pays développés nous disent que la faute n'en est pas la pauvreté, mais ils ont aussi une responsabilité de solidarité vis-à-vis de ces pays en développement, celle de leur ouvrir bien grand les portes de leurs marchés et de leur donner accès à des ressources financières et à une technologie qui pourraient accroître leurs revenus.
Dans cette convention, on aborde des questions épineuses comme l'âge minimum, la description et la définition des formes les plus intolérables du travail effectué par les enfants et les sanctions qui pourraient être prises. Ce sont là des questions qu'il faudra approfondir et qui méritent une réflexion au cours de l'année à venir, avant une deuxième lecture.
L'adoption d'une convention telle que celle-ci et sa ratification ne sont qu'un premier pas. Les pays doivent commencer à élaborer des codes de conduite, à prendre des initiatives novatrices et à mettre en place des programmes d'éducation, de développement humain, pour supprimer les principales causes de ce phénomène.
Nous aurions voulu que ce thème continue d'être un thème prioritaire. Il doit y avoir suffisamment de statistiques et d'analyses pour nous éviter de commettre des erreurs. Notre terre a besoin de femmes et d'hommes sains, suffisamment éduqués et capables de générer des revenus et de préserver leur environnement. Ce n'est pas par le biais des formes les plus intolérables de travail des enfants qu'on y parviendra.
Loin de régresser, le travail des enfants n'a fait que se développer, tout comme d'autres phénomènes qu'il nous faut aborder, comme la croissance démographique, une paternité et une maternité totalement irresponsables, sans parler du problème des revenus des familles nombreuses.
Nous sommes là en présence d'une réaction en chaîne dont on ne voit pas la fin. Les efforts de cette Conférence doivent trouver leur reflet dans tous les pays. Il faut que des initiatives tripartites soient prises, et pas seulement par le biais des gouvernements, dans chacun des pays Membres de l'OIT, et ce dès maintenant si nous voulons mettre fin à ce fléau.
Nous pensons que la volonté de tout un chacun -- nous qui avons participé aux travaux de cette commission --, la Marche mondiale également, tout cela est une étape certes très importante, mais une étape seulement sur le long chemin qui nous reste encore à parcourir, d'une longue lutte que nous avons encore à mener. Mais, un jour, cette lutte sera terminée. Je rappelle que l'adoption de ce rapport est un premier pas. Nous ne devons pas perdre de temps car ce serait du temps perdu pour tous ces enfants, et ils n'ont pas de temps à perdre. Je voudrais vous encourager à l'adopter le plus rapidement possible pour que nous puissions mettre en œuvre les mesures nécessaires, si possible avant même l'adoption du projet.
Original anglais: M. WILD (délégué des employeurs, Royaume-Uni) -- Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de prendre la parole devant cette Organisation. Ces dix dernières années, je me suis occupé, avec les employeurs, de questions telles que l'hôtellerie, le travail à temps partiel, le travail à domicile et le travail en sous-traitance. Il s'agissait alors de convaincre ce groupe de ne pas adopter des conventions que nous jugions mal ficelées, et j'avais parfois à intervenir longuement. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de constater qu'il en va autrement. D'abord, je voudrais vous encourager à adopter ce rapport qui constitue une excellente base pour nos travaux de l'année prochaine; le groupe des employeurs l'appuie sans réserve. j'interviendrai très brièvement. Je me bornerai à dire que la tâche de la Commission du travail des enfants a été grandement facilitée par le Bureau qui a préparé un document de haute qualité. Parfois, la commission s'est efforcée d'améliorer le texte pour s'apercevoir, au bout du compte, que le Bureau avait dit tout cela beaucoup mieux déjà. L'année prochaine, lorsque nous réexaminerons la question, nous proposerons des modifications et reviendrons certainement à une partie du texte initial. Je félicite donc M. Bequele et ses collaborateurs.
La commission est arrivée de bonne heure à un consensus, à savoir qu'il ne s'agit pas de faire double emploi avec la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, ni de la remplacer. Nous avons reconnu que le nouvel instrument sur les pires formes de travail des enfants est, comme son titre l'indique, un premier pas, mais un pas fondamental sur une voie encore longue. Il est important que nous gardions cela présent à l'esprit l'année prochaine.
Certains, au début, ont exprimé la crainte que la convention proposée perde sa raison d'être avec le temps. Du point de vue des employeurs, je peux affirmer que plus vite elle deviendra inutile, mieux ce sera, car cela voudra dire que les formes les plus inadmissibles d'exploitation des enfants auront disparu partout dans le monde.
Certes, sur certains points, gouvernements, employeurs et travailleurs ont eu des divergences; nous avons fait des modifications ou nous avons pris des décisions qu'il nous faudra reprendre l'année prochaine. Vous aurez constaté cet après-midi que nous ne sommes pas unanimes en ce qui concerne l'éducation. C'est certainement la question qui nous donnera le plus de fil à retordre l'année prochaine et nous devrons batailler dur pour maintenir nos positions. Mais ces différences ne sont pas nombreuses, et il convient de relever que la commission n'a jamais eu à recourir au vote.
Pour terminer, je voudrais féliciter le président de notre commission, M. Atsain, les vice-présidents, M. Trotman et M. Botha, qui ont su mener la commission si efficacement à son terme, alors qu'il lui aurait été facile de se fourvoyer. La convention qui, j'en suis certain, sera adoptée l'année prochaine revêtira une grande signification pour les gouvernements, pour les employeurs et pour les travailleurs, et aussi et surtout pour les enfants qui, aujourd'hui encore, sont victimes de cette intolérable exploitation. Trois remarques finales. En premier lieu, l'année prochaine, nous devrons poursuivre nos travaux dans le même esprit que celui qui est le nôtre maintenant. En deuxième lieu, il serait inadmissible que le nombre de ratifications de la nouvelle convention ne dépasse pas immédiatement, et de loin, le nombre de ratifications de toutes les conventions de l'OIT adoptées ces dernières années.
Enfin, il va de soi que nous n'avons pas besoin d'attendre l'année prochaine que la convention soit adoptée pour essayer de réaliser ses objectifs.
Original anglais: M. SINGH (délégué gouvernemental, Inde) -- La question qui nous préoccupe, à savoir l'examen d'une éventuelle convention de l'OIT sur les formes les plus extrêmes de travail des enfants, est une question très importante. Parfois, elle devient également une question sentimentale, mais je vais essayer de me conformer à vos consignes et d'être aussi bref et constructif que possible.
Mon gouvernement est engagé fermement dans la lutte visant à l'éradication totale de toutes les formes du travail des enfants partout où elles existent dans mon pays, en commençant par les formes d'exploitation des enfants les plus dangereuses. Cet objectif fait partie de la politique nationale poursuivie par mon gouvernement.
Il y a deux ans, ma délégation avait pleinement appuyé la proposition en vue d'adopter une convention portant sur les formes les plus extrêmes de travail des enfants. Cette année-ci, nous avons participé d'une façon constructive aux débats en commission sur le projet initial élaboré par le Bureau. Le rapport qui nous est soumis pour adoption résume les résultats de ce premier débat. Bien que nous pouvons accepter et adopter ce rapport, nous voudrions cependant que soit noté notre point de vue sur certains points importants qui ont été abordés en commission et aussi sur les conclusions qui figurent dans le rapport.
Nous constatons que le résultat final de ce débat est quelque peu décevant. Nous pensons que pour le moment nous avons surtout besoin d'une convention pratique qui puisse être universellement appuyée, et qui puisse être ratifiée et appliquée par tous les gouvernements. Le texte de certains éléments clés qui figurent dans la conclusion de la commission ne répond pas à ces exigences. Je voudrais attirer l'attention tout particulièrement sur quatre aspects que je vais énumérer.
Tout d'abord, le texte appelle à plusieurs reprises à l'élimination immédiate des pires formes de travail des enfants. Alors que tous les gouvernements peuvent et doivent prendre des mesures immédiates pour faire disparaître cette forme de travail, nous devons cependant nous assurer que les objectifs que nous poursuivons ne soient pas uniquement louables mais réalistes également. Certaines formes les plus intolérables sont des manifestations liées à la pauvreté, au chômage des parents ainsi qu'à leur analphabétisme, et aucune société ne peut les faire disparaître d'un coup de baguette législative même avec la meilleure bonne volonté politique. Il ne faut pas oublier que parfois une action précipitée pour éradiquer le travail des enfants peut entraîner ces enfants dans un dénuement encore plus grave. La pauvreté n'est certes pas une excuse justifiant le déni des droits de l'homme, mais il est fondamental de faire preuve de sensibilité en abordant ce problème si nous voulons atteindre des résultats durables.
Deuxièmement, nous pensons que toute convention substantive portant sur les pires formes de travail des enfants ne peut pas ignorer la dimension de la pauvreté qui fait partie intégrante du problème. Au cours des négociations, ma délégation avait proposé des amendements tirés de la résolution adoptée par la Conférence en 1996. Nos partenaires sociaux n'ont pas pu nous suivre, nous le regrettons. Nous espérons qu'ils vont réfléchir et peut-être changer d'attitude.
Troisièmement, les conclusions du rapport prévoient l'âge minimum de 18 ans pour l'application de la convention. Et les termes dans lesquels sont définies les pires formes de travail des enfants restent assez larges. Contrairement à la convention no 138, ce texte ne prévoit aucune exception, ni de clauses spéciales pour les pays en développement où l'économie et l'accès à l'éducation sont insuffisamment développés. L'âge d'entrée dans la vie active varie actuellement entre 15 et 18 ans. Imposer un âge minimum de 18 ans, avec une définition très large de ce que sont les pires formes du travail des enfants, peut avoir de graves répercussions et faire perdre leur emploi à beaucoup de jeunes entre 15 et 18 ans sans que leur soient offertes d'autres alternatives en matière d'emploi, de formation ou de sécurité sociale.
Nous pensons que la convention devrait prévoir des arrangements plus souples qui permettraient d'atteindre progressivement l'objectif de l'âge minimum de 18 ans et donner une définition des pires formes de travail des enfants plus précise et plus claire.
Quatrièmement, la référence faite à la coopération internationale est exprimée en termes généraux qui restent assez vagues. La convention impose des clauses contraignantes aux pays où les pires formes de travail des enfants existent, leur demandant d'éliminer immédiatement de telles pratiques, mais elle n'impose pas d'obligations correspondantes à cette Organisation ou à la communauté internationale alors que celles-ci devraient aider et encourager les pays qui s'efforcent déjà de faire face au problème dans la limite des moyens dont ils disposent. Il est vrai qu'il appartient aux pays mêmes de lutter en premier contre ce fléau mais, étant donné les causes qui sont à l'origine de ce problème, la solidarité internationale devrait nécessairement apporter une contribution, de même que le Bureau doit entreprendre des efforts particuliers dans ce sens.
En conclusion, il faut noter que des sujets qui préoccupent ma délégation ont été soulevés cette année et seront de nouveau examinés l'année prochaine. Nous espérons recevoir alors un appui plus grand et être mieux écoutés durant les délibérations. Nous espérons aussi que nous arriverons peut-être à un consensus qui portera sur une approche réaliste et plus souple de ces questions complexes et que la convention qui en résultera pourra être facilement ratifiée par de nombreux pays et ses dispositions assurées d'être totalement appliquées. Ma délégation poursuivra ses efforts vers la réalisation de cet objectif.
Original anglais: M. OWUOR (délégué des employeurs, Kenya) -- Le président de la commission mérite toute notre reconnaissance, car il a fort bien mené nos travaux jusqu'à leur réussite finale. Comme de nombreux orateurs l'ont déjà rappelé, les travaux de cette commission ont été précédés par la Marche mondiale contre le travail des enfants. Les enfants sont entrés dans cette grande salle et cette Marche a démontré que l'appui était mondial en faveur des travaux de cette commission. Les enfants ont dû affronter toutes sortes de difficultés au cours de leur voyage pour attirer l'attention sur ce fléau qu'est le travail des enfants, et ils auraient été très déçus si la commission avait échoué dans sa recherche d'un consensus sur le travail des enfants. Ma délégation appuie la définition qui est donnée par la commission sur les conditions de travail les plus intolérables, et nous estimons que la pauvreté n'est pas une excuse pour impliquer les enfants dans ces formes de travail.
Ma délégation ne peut nier au demeurant que la pauvreté est la grande cause du travail des enfants, et à moins que l'on ne balaie la pauvreté de la surface de la terre ce fléau continuera à se manifester sous une forme ou une autre au sein de nos sociétés pendant quelque temps encore.
A la suite des programmes d'ajustement structurel, des dépenses de caractère social, surtout dans le domaine de la santé et de l'éducation, ont baissé surtout dans les pays les moins développés, entraînant ainsi une baisse du nombre des enfants scolarisés. En outre, les taux du chômage ont dépassé les taux de la croissance démographique, sans compter que les guerres, les crises sociales et les catastrophes naturelles n'ont fait qu'aggraver la pauvreté, avec de graves conséquences sur la vie de nos enfants.
Le travail des enfants peut être aboli, mais cela présuppose une collaboration au niveau international. L'OIT a déjà signalé le départ par le biais du programme IPEC. Davantage de fonds devraient être mis à la disposition des pays les moins avancés par la communauté internationale, notamment pour les aider à renforcer leurs programmes d'éducation et de formation afin de fournir des alternatives valables au travail des enfants. Si cela n'est pas fait, nous ne ferons que déplacer les enfants des plantations et des usines pour les mettre à la rue, où ils se trouveront encore plus mal lotis, et confrontés à des activités criminelles, à la drogue et à la prostitution pour pouvoir survivre.
Par conséquent, la tendance actuelle à annuler la dette des pays en développement les plus endettés est une mesure qui va dans le bon sens. Toutefois, ces pays ont besoin d'être assistés dans l'élaboration de programmes spécifiques pour le soutien à accorder aux enfants. A cet égard, des pays développés devraient accroître leur programme d'assistance pour atteindre ce taux minimum de 0,7 pour cent de leur produit national brut recommandé par les Nations Unies, à condition que les pays bénéficiaires utilisent ces fonds pour financer des programmes qui visent particulièrement les enfants. C'est seulement à travers ce genre de coopération internationale que l'on pourra réaliser l'idéal proposé par cette commission, à savoir l'accès à un enseignement de base gratuit et dans tous les pays du monde.
Avec les remarques ci-haut, ma délégation appuie l'adoption du rapport de la commission.
Original anglais: M. NKOSI (délégué gouvernemental, Afrique du Sud) -- Je m'efforcerai d'être très bref, et c'est pour cela que j'ai coupé un certain nombre de paragraphes de ma déclaration.
Ma délégation, tout comme celles qui m'ont précédé, voudrait dire combien elle est reconnaissante au secrétariat, et adresser sa gratitude au Bureau, au Président de la Côte d'Ivoire, M. Atsain, pour le travail acharné qui a été fourni pendant deux semaines et demie sans relâche. Les résultats de ce débat sont fidèlement reflétés dans le projet de rapport que nous devons adopter aujourd'hui. Ma délégation est persuadée que de nombreux objectifs, énoncés au début de cette session, ont été atteints. Les conclusions proposées nous fournissent une base solide qui nous permettra de poursuivre nos discussions. En dépit des différences -- et elles sont nombreuses -- qui nous séparent, il y a un consensus très large sur la nécessité urgente de faire disparaître dans toutes les régions du monde le travail des enfants, et tout particulièrement les formes les plus inadmissibles et intolérables. Ma délégation se félicite que l'on ait mentionné l'utilisation des enfants dans les activités à caractère illégal, et notamment dans la production et le transport de stupéfiants et substances psychotropes. C'est un problème qui se pose à l'échelle mondiale, et qui a été mis en lumière lors d'une session spéciale des Nations Unies qui s'est tenue il y a quelques jours à New York. Les enfants sont devenus la principale cible des trafiquants de drogue.
Pour ce qui est de l'enseignement et de l'éducation, nous souscrivons à l'importance accordée à l'accès à la scolarité comme un élément de la lutte contre les pires formes de travail des enfants. Cette question a d'ailleurs été largement débattue au sein de la commission, et le point 14.2 des conclusions proposées reflète tout à fait la discussion sur ce sujet.
Enfin, ma délégation prie instamment toutes les parties à l'OIT de continuer à suivre les progrès obtenus lors de la présente session afin de nous permettre l'adoption d'un nouvel instrument lors de la 87e session de la Conférence internationale du Travail.
Le PRESIDENT -- Nous avons ainsi terminé la discussion générale de ce rapport. Nous allons procéder à son adoption. Je soumets tout d'abord pour adoption le rapport proprement dit, c'est-à-dire les paragraphes 1 à 336.
S'il n'y a pas d'objections, je considérerai que le rapport est adopté.
(Le rapport, paragraphes 1 à 336, est adopté.)
Nous passons maintenant à l'adoption des conclusions proposées par la commission.
S'il n'y a pas d'objections, je considérerai que les conclusions sont adoptées.
(Les conclusions sont adoptées.)
Nous passons enfin à l'adoption de la résolution concernant l'inscription à l'ordre du jour de la prochaine session ordinaire de la Conférence de la question intitulée «Travail des enfants». Puis-je considérer que la résolution est adoptée?
(La résolution est adoptée.)
Je voudrais remercier vivement les membres de la commission, le président, les vice-présidents, le rapporteur pour le travail important qu'ils ont accompli. Il est probable que les enfants qui nous ont visités le premier jour de la Conférence ne comprendraient pas très bien les complications du travail de la Conférence, mais je pense que nous avons tous fait un pas en avant pour tenter de résoudre ou d'apporter une solution à ce problème grave de l'exploitation du travail des enfants.