86e session
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Rapport de la Commission de la Déclaration de principes |
Présentation, discussion et adoption
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Le PRESIDENT -- Nous allons maintenant passer au rapport de la Commission de la Déclaration de principes, que vous trouverez dans le Compte rendu provisoire no 20. Le texte du projet de Déclaration figure au Compte rendu provisoire no 20A.
J'invite Monsieur l'ambassadeur Moher, président et rapporteur de la commission, à bien vouloir présenter le rapport.
Original anglais: M. MOHER (délégué gouvernemental, Canada; président et rapporteur de la Commission de la Déclaration de principes) -- Je puis vous dire à tous avec beaucoup de sincérité que je suis très heureux de me trouver dans une réunion dont je ne suis pas le président.
Avant de présenter officiellement les résultats des travaux de la Commission de la Déclaration de principes, je voudrais faire une remarque de caractère général. Le rapport lui-même et encore plus le projet de Déclaration des droits fondamentaux de l'homme au travail et son mécanisme de suivi sont véritablement le fruit d'un effort collectif, et je tiens à insister sur ce fait.
Tout d'abord, je tiens à rendre hommage, un hommage très sincère, aux contributions importantes apportées par les membres du bureau, M. Brett pour les travailleurs et M. Potter pour les employeurs. Nos résultats sont véritablement le fruit d'une collaboration tripartite. Le bureau a également apporté une contribution importante, et je tiens à remercier tout particulièrement MM. Tapiola, Maupain et Swepston de leurs conseils, de leur appui et de leur contribution directe à nos travaux. Vous saurez certainement tous combien nous avons dépendu de notre conseiller juridique, M. Maupain, dont les interventions méritent un hommage tout particulier. Beaucoup d'autres nous ont aidés dans notre tâche: les interprètes, les traducteurs, les préposés aux salles de conférence, les responsables de la documentation. Nous les remercions tous. Je manquerais à mon devoir si je ne rendais pas hommage à l'immense contribution apportée à ce dossier au cours des quatre dernières années par notre Directeur général, M. Hansenne. En dernier lieu, je tiens pourtant à rendre un hommage tout particulier à tous les membres de la commission qui ont travaillé de longues heures durant et qui ont apporté des contributions si précieuses au résultat final de nos travaux. C'est en votre nom à tous que j'ai l'honneur et le plaisir de présenter à la plénière pour adoption le rapport de la Commission de la Déclaration de principes ainsi que le texte de la Déclaration de l'OIT relative aux droits fondamentaux et son mécanisme de suivi. La Déclaration et son suivi représentent un pas en avant, un pas historique dans l'engagement de l'OIT à l'égard des droits fondamentaux de la liberté syndicale et de la reconnaissance effective du droit à la négociation collective, à l'élimination de toutes les formes de travail forcé ou obligatoire, à l'abolition effective du travail des enfants et à l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession. L'adoption de la Déclaration par la Conférence sera une réaffirmation des principes qui nous tiennent à cœur et elle aura un retentissement dans le monde entier.
Deux éléments intéressent tout particulièrement la plénière. Premièrement, les négociations qui ont abouti à la Déclaration et à son suivi. Deuxièmement, le fond de la Déclaration et de son suivi. Tout d'abord, je présenterai un bref historique de nos négociations.
Comme vous le savez tous, celles-ci ont abouti à l'adoption de la Déclaration et de son suivi, après un travail long et difficile, parfois pénible, mais je tiens à insister tout particulièrement sur le fait que cela n'était en aucune manière dû à une absence d'engagement de la part de l'un quelconque des membres de la commission à l'égard des principes et droits fondamentaux qui étaient au cœur de nos travaux, cela était dû plutôt à notre volonté collective d'être aussi clairs et complets que possible dans notre réaffirmation de ces engagements dans le contexte de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail, y compris la Déclaration de Philadelphie sur ses buts et objectifs. Que nous ayons réussi à atteindre cet objectif, fait honneur au dévouement et à l'esprit de coopération manifestés par tous les membres de la commission.
Au cours des négociations, de nombreuses questions importantes, voire cruciales, ont été examinées à mesure que nous avancions dans le texte.
Il convient d'insister sur plusieurs éléments à cet égard.
Tout d'abord, un accord s'est dégagé sur de nombreux éléments au sein de la commission sur la base d'une compréhension parfaitement claire du contexte juridique et du sens des termes utilisés dans la Déclaration, à la suite d'avis juridiques qui sont d'ailleurs reproduits dans les conclusions de la commission et qui ont constitué la base de l'adoption par la commission de la Déclaration et de son suivi. Ces interprétations et avis juridiques sont clairement identifiés dans la table des matières du rapport que vous avez sous les yeux.
Deuxièmement, la commission a longuement réfléchi au libellé relatif au travail des enfants au point 3 de la Déclaration. Sa décision définitive s'est inspirée d'un avis du Conseiller juridique qui a estimé, et je cite: «que l'expression «abolition effective du travail des enfants» peut et doit être comprise dans un sens promotionnel et progressif, tel que l'indique clairement l'article 1 de la convention no 138. Dans la mesure où la convention elle-même reconnaît que certaines formes du travail des enfants n'entrent pas dans son champ d'application, ou peuvent en être exclues dans certaines circonstances; il est clair a fortiori que la Déclaration n'oblige pas les Etats Membres à abolir ces formes de travail des enfants ou des formes similaires.» (Fin de citation.)
Troisièmement, un certain nombre de propositions et d'interventions ont fait état de préoccupations des différents membres de la commission à l'égard de la Déclaration dans son ensemble et plus particulièrement à l'égard de son paragraphe 3. Pour répondre à celles-ci, le Conseiller juridique de la commission a présenté ses observations par écrit et les a lues afin qu'elles soient consignées dans le compte rendu de la commission. Ces observations sont reproduites dans le rapport.
Peut-être serait-il utile de mettre en exergue une ou deux de ces observations ici. Premièrement, la commission a reconnu pleinement que les documents juridiques fondamentaux de l'OIT demeurent la Constitution de l'OIT et la Déclaration de Philadelphie. Aucun nouvel engagement ni aucune obligation juridique n'est assumé par l'adoption de la Déclaration et de son suivi.
Deuxièmement, et comme cela du reste est souligné dans le texte relatif ou suivi, celui-ci est de nature promotionnelle exclusivement, et ne peut donc en aucun cas donner lieu à des sanctions ni à des plaintes ou réclamations.
Ces observations ainsi que d'autres sont bien entendu confortées par le rapport no 7 du bureau qui formait la base des travaux de la commission comme il ressort de son rapport.
Tous ces facteurs ainsi que les autres éléments que j'ai déjà évoqués ont beaucoup contribué à rendre possible l'adoption par la commission de la Déclaration et de son mécanisme de suivi.
S'agissant maintenant du fond de la Déclaration et du suivi, plusieurs observations complémentaires s'imposent. Ces deux textes ont bien entendu été négociés et adoptés par la commission comme formant un tout, et les différents points que je soulève dans mon intervention, doivent être interprétés en tenant compte de cela.
La première observation porte sur l'alinéa 6 du préambule. La commission accorde une importance toute particulière au concept énoncé dans cet alinéa à savoir que la Constitution de l'OIT lui confère la compétence en matière d'établissement des normes internationales du travail et que, partout, elle bénéficie ainsi d'une reconnaissance, d'un appui universels en matière de promotion des droits fondamentaux des travailleurs.
La deuxième observation a trait à la partie introductive du paragraphe 2. Comme je l'ai déjà dit, ce paragraphe a fait l'objet d'un avis du Conseiller juridique de la commission. Les observations que je pourrais faire n'ont donc nullement pour but de rouvrir le débat sur cette partie des travaux de la commission. Il s'agit plutôt de renforcer le fait reconnu dans ce paragraphe que tous les Membres de l'OIT, sans exception aucune, ont l'obligation, du seul fait de leur appartenance à l'Organisation, de leur adhésion à la Constitution de la Déclaration de Philadelphie, de respecter, de promouvoir et de réaliser de bonne foi et conformément à la Constitution les principes relatifs aux droits fondamentaux qui font l'objet de ces conventions fondamentales, principes qui sont énumérés au paragraphe 2. L'importance de ce paragraphe 2 doit être pleinement reconnue et nous devons tous y souscrire.
En ce qui concerne le point 3, il a essentiellement pour but de mettre en exergue et de renforcer la nature promotionnelle de la Déclaration et de son suivi. L'OIT est donc invitée à utiliser toutes ses ressources, conformément à la Constitution, pour aider ses Membres à répondre à leurs besoins, établis et exprimés. Cela comprend des efforts menés en coopération avec d'autres institutions des Nations Unies avec lesquelles elle a établi des relations en vertu de l'article 12 de sa Constitution. Il convient de relever que les relations en question sont entérinées officiellement, sous forme écrite, par le Conseil d'administration de l'OIT.
Enfin, il convient de reconnaître l'importance toute particulière du point 5. Le texte de ce paragraphe est l'aboutissement de discussions longues et extrêmement difficiles au cours desquelles une très grande diversité de points de vue, d'appréhensions, de désirs et d'inquiétudes ont été exprimés; ils sont tous reproduits dans le rapport de la commission, et je n'ai donc pas besoin de les commenter de manière détaillée dans mon intervention.
Il me suffit de dire que, parmi les propositions avancées, il y en avait qui souhaitaient que les concepts évoqués au point 5 ne soient pas mentionnés du tout dans la Déclaration, et qu'il y en avait d'autres, qui souhaitaient que ces concepts soient davantage mis en évidence.
Le point 5 tel qu'il vous est soumis aujourd'hui a été adopté par la commission en tant que libellé bénéficiant du soutien le plus large au sein de la commission. Comme je l'ai dit précédemment, le rapport de la commission fait état en détail des délibérations et des décisions de la commission en la matière. Il importe bien entendu de ne pas oublier les observations figurant au chapitre 3 du rapport 7, intitulé, «Portée juridique de la Déclaration et de son mécanisme de suivi» qui font partie des discussions et des éléments à partir desquels la commission a pris ses décisions.
Après avoir retracé l'historique des négociations de la Déclaration et de son suivi, ainsi que certains des aspects du texte final, il est absolument essentiel que la plénière réfléchisse et donne la priorité au caractère véritablement historique de la Déclaration et de son suivi, qui ensemble illustrent de manière on ne peut plus claire notre engagement à tous, gouvernements, employeurs et travailleurs de toutes les régions du monde envers les principes et droits fondamentaux au travail, qui sont à la base même de cette grande Organisation. En adoptant la Déclaration et son suivi, la Conférence démontrera que les mandants de l'OIT ont su avant toute chose relever le défi qui leur était lancé et qu'ils ont su réagir de manière positive et ouverte.
Nous avons donc tout lieu d'être fiers de nos résultats et, enfin, et surtout, nous nous sommes engagés à tirer pleinement des ressources de l'OIT, y compris par la mobilisation de ressources et de mesures de soutien complémentaires pour promouvoir les principes et droits fondamentaux au travail de l'OIT.
Ce faisant, nous avons renouvelé et réaffirmé notre attachement commun à la justice sociale pour tous et à la réalisation de l'objectif énoncé dans la Constitution d'une paix universelle et durable pour tous.
Original anglais: M. POTTER (délégué des employeurs, Etats-Unis; vice-président de la Commission de la Déclaration de principes) -- Si nous réfléchissons à l'histoire de l'Organisation internationale du Travail, de sa pertinence et de son importance, nous relevons trois événements importants.
Le premier, bien entendu, c'est la fin de la première guerre mondiale et la création de l'OIT par le Traité de Versailles en 1919.
Le deuxième élément déterminant, c'est l'adoption de la Déclaration de Philadelphie en 1944, qui a suivi la grande dépression des années trente et la fin de la seconde guerre mondiale.
Elle a été adoptée à une époque où, comme aujourd'hui, l'universalité, la légitimité et la pertinence de l'OIT étaient sérieusement remises en question. Par acclamation, 41 Membres de l'OIT avaient affirmé à l'unanimité les buts et principes de l'OIT.
Le troisième événement marquant de l'histoire de l'OIT, ce n'est pas la guerre, mais l'apparition et la croissance rapide de l'économie mondiale, qui représente le changement le plus important ayant affecté l'OIT depuis sa création.
Par contraste avec 1919 et même 1944, notre monde d'aujourd'hui est de plus en plus interdépendant. Les obstacles commerciaux sont démantelés, les communications se font de manière instantanée, les transports intercontinentaux sont de plus en plus rapides et de moins en moins chers et les technologies en pleine mutation marquent l'économie mondiale comme jamais auparavant.
Les changements marquant le monde du travail comme jamais auparavant et le rythme des changements qui se sont produits étant plus rapide que jamais dans l'histoire, les aspects sociaux de la mondialisation et les tensions qui existent à l'intérieur et entre les nations se font sentir davantage.
Avec la fin des négociations de l'Uruguay Round en 1994, des pressions importantes ont été exercées pour établir un lien entre les sanctions commerciales et l'application des conventions fondamentales. Le groupe des employeurs s'est toujours opposé vigoureusement à tout couplage de ce genre.
Adoptant une approche pragmatique des nouvelles formes d'organisation du travail et des nouvelles conditions de travail dans le nouveau marché mondial, le groupe des employeurs de l'OIT a toutefois été parmi les premiers à proposer que l'OIT adopte une nouvelle Déclaration traitant des principes fondamentaux de l'OIT à appliquer en adoptant les mécanismes de contrôle de l'OIT. Le rôle important joué par Mme Hak et M. Katz mérite un hommage particulier à cet égard. La pertinence d'une telle Déclaration a été confirmée par la Réunion ministérielle de l'OMC en décembre 1996, qui a reconnu que l'OIT était l'organisation compétente pour élaborer les normes internationales du travail dans un système commercial multilatéral.
La Commission de la Déclaration de principes a relevé le défi qui consistait à élaborer et à adopter une Déclaration de principes solide, assortie d'une procédure de suivi crédible pour renforcer le rôle central de l'OIT et pour établir un seuil de décence en deçà duquel aucun Membre de l'OIT ne devait tomber.
Comme à tous les moments marquants de l'histoire de l'OIT, l'Organisation a fait preuve de la volonté collective, de la détermination et de la clairvoyance nécessaires pour parvenir à un consensus. Selon la définition du dictionnaire d'Oxford, le terme «consensus» ne veut pas dire que tous souscrivent à tous les aspects de la Déclaration. Le consensus est en fait un accord général ou une opinion majoritaire. Du reste, pour tous les aspects de la Déclaration, à l'exception des paragraphe 4 et 6, nous avons pu répondre à des critères encore plus rigoureux. Le titre de la Déclaration, le Préambule, les paragraphes 1, 2 et 4 et le suivi, qui constituent le cœur même de la Déclaration, ont été adoptés sans amendements officiels. Malgré des divergences de vue marquées pour l'introduction, les paragraphes 3 et 5 ont néanmoins été adoptés à une large majorité après des votes sur leurs aspects les plus importants. Seuls trois gouvernements ont voté contre la Déclaration. Si nous songeons au caractère extrêmement complexe de l'économie mondiale et à la difficulté qu'il y a à concilier les intérêts différents des 174 Etats Membres de l'OIT, c'est là une réalisation de taille.
Le consensus a été possible grâce à la direction exemplaire de M. l'ambassadeur Moher, qui a su créer un climat d'ouverture, de transparence et de consensus, et qui a proposé à la fin des travaux de la commission un dernier projet de texte qui est devenu le texte définitif. Dans la bonne humeur et avec beaucoup d'amabilité, le président de la commission a su faire honneur à son pays grâce à ses talents de diplomate et de dirigeant.
Le secrétariat, dirigé par MM.Tapiola, Maupain et Swepston, mérite tous nos applaudissements pour la façon remarquable dont il a appuyé la commission dans ses travaux. Le groupe des employeurs a très bien travaillé avec le groupe des travailleurs sous la direction dynamique de Bill Brett. Bien entendu, nous remercions tous les gouvernements qui ont pu parvenir à un consensus concernant leurs engagements, en vertu de la Constitution de l'OIT, face aux principes et droits fondamentaux au travail.
Il y a une leçon essentielle à tirer des travaux qui ont abouti à la Déclaration et qu'il faudrait appliquer lors de la préparation de futures Conférences internationales du Travail, à savoir l'importance du processus très actif de consultation qui a précédé la Conférence. Notre réussite a été possible grâce aux quatre années de débats au BIT, suivis de six mois de consultation active de toutes les parties intéressées sur de très nombreux projets de documents qui ont été soumis à la présente Conférence.
Le groupe des employeurs a beaucoup profité des contributions du Président de la Conférence et de MM. Noakes et Funes de Rioja.
Le texte dont nous sommes saisis répond aux critères établis par le groupe des employeurs lorsque nous avons entamé le processus qui a abouti à cette Déclaration. Premièrement, la Déclaration, dans son paragraphe 3, reprend les principes relatifs aux droits fondamentaux énoncés dans les conventions fondamentales. Ce sont là des engagements que les pays assument de par leur appartenance à l'OIT. La justice sociale étant un des principes de base énoncés dans la Constitution de l'OIT, la Déclaration est une reconnaissance universelle du minimum décent en deçà duquel aucun pays, Membre de l'OIT, ne doit tomber. Par conséquent, la Déclaration impose aucune nouvelle obligation juridique aux Etats Membres de l'OIT. Elle assure simplement la conformité avec les obligations qui leur incombent de par leur adhésion à l'Organisation.
Deuxièmement, le suivi de la Déclaration ne va pas au-delà du texte actuel de la Constitution. La procédure de suivi s'inspire des dispositions constitutionnelles en vigueur et n'impose aucune nouvelle obligation aux Etats Membres en matière de rapport et d'application par rapport à ce qui est déjà prévu dans la Constitution. En outre, le préambule du suivi doit établir clairement que ces procédures n'entraîneront ni chevauchement ni double examen.
Troisièmement, la Déclaration n'impose aux Etats Membres aucune des obligations détaillées découlant des conventions qu'ils ont librement ratifiées et elle n'impose pas non plus aux pays qui n'ont pas ratifié les conventions fondamentales les mécanismes de contrôle qui s'appliquent aux conventions ratifiées. Les droits et principes énoncés dans la Déclaration ne reprennent donc que les éléments essentiels, à savoir les objectifs des conventions fondamentales. La notion des principes relatifs aux droits énoncés dans la Déclaration est plus large que les principes détaillés appliqués par le Comité de la liberté syndicale. Au titre de cette Déclaration, nous essayons de veiller à ce que les Etats Membres progressent dans la réalisation des objectifs et buts des conventions fondamentales. Il s'agit de vérifier qu'il n'y a pas absence totale d'une politique nécessaire à cette fin, ce qui est tout à fait différent des obligations juridiques détaillées découlant de la ratification.
Quatrièmement, et par conséquent, l'application des principes de la Déclaration ne dépend pas de questions techniques ou juridiques ou de certains points de détail.
Cinquièmement, la Déclaration n'aboutit pas à la création de nouveaux organes chargés d'examiner des plaintes, comme le Comité de la liberté syndicale.
Sixièmement, aucun lien n'est établi avec les questions de commerce international, et les mécanismes de suivi concernent exclusivement l'OIT.
C'est sur la base de ces six critères que le groupe des employeurs souscrit à la Déclaration et à son mécanisme de suivi. Comme chacun sait, la Commission de la Déclaration a passé presque la moitié du temps qui lui était imparti sur un sujet qui n'a rien à voir avec la compétence de l'OIT, mais qui relevait plutôt de la compétence d'autres organisations internationales -- l'OMC et les institutions financières internationales en particulier. Par conséquent, le paragraphe 5 est le plus problématique de la Déclaration. Il n'a aucune utilité pour ce qui est de renforcer les valeurs et les principes de l'OIT. Beaucoup admettent l'existence d'un lien entre les normes fondamentales du travail et le commerce, mais cela n'a jamais été prouvé. L'OIT elle-même n'a aucune compétence en matière commerciale. D'un autre côté, l'OMC est une instance normative dans le domaine commercial mais n'a aucune compétence en matière de normes du travail. L'OMC ne dispose actuellement d'aucun mécanisme de condamnation collective ou de sanction commerciale.
Le paragraphe 5 paraphrase le texte de la Déclaration ministérielle de Singapour de décembre 1996. On peut supposer que les gouvernements de la majorité des pays représentés ici ont accepté des textes semblables dans le contexte commercial. Le groupe des employeurs reste catégoriquement opposé à tout couplage entre normes et commerce qui pourrait prendre la forme notamment d'un rejet d'obligations acceptées au titre d'accords multilatéraux notifié par le fait que les droits des travailleurs ont été violés.
Le paragraphe 5 ne pourra jamais fournir les garanties que souhaitaient ses auteurs, tout simplement parce que l'OIT n'a aucune compétence en matière commerciale et que la Déclaration n'exonère pas les Etats des obligations juridiques qu'ils ont pu accepter en application du droit international. La meilleure garantie sera en fait la mise en œuvre rapide du mécanisme de suivi par le Conseil d'administration. Le groupe des employeurs est persuadé que le mécanisme de suivi proposé constitue une bonne base de discussion.
La réaffirmation des droits et principes fondamentaux de l'OIT dans cette Déclaration représente la mission la plus importante que nous ayons jamais été amenés à remplir dans cette Organisation. Grâce à cette déclaration, l'OIT affirme devant le monde entier qu'à l'aube du XXIe siècle, nous considérons comme une vérité première le fait que tous les travailleurs et travailleuses doivent être protégés contre le travail forcé et la discrimination, et leurs enfants, contre toute forme de travail inappropriée. Les Etats Membres et leurs mandants en quête de justice sociale considèrent que ce sont là les valeurs, les principes et les droits qu'ils ont et auront à charge de faire respecter, aujourd'hui et dans l'économie mondiale du XXIe siècle.
Original anglais: M. BRETT (délégué des travailleurs, Royaume-Uni; vice-président travailleur de la Commission de la Déclaration de principes) -- J'ai participé à un certain nombre de commissions chargées d'établir des conventions au cours de ces dix dernières années et j'ai également participé à un certain nombre de commissions de nature très politique, telles que la Commission sur l'apartheid. Je puis vous dire sincèrement que la Commission de la Déclaration a été la plus dure et la plus épuisante.
Le débat en plénière ne doit pas suivre l'exemple de la commission, aussi m'efforcerai-je d'être bref.
Notre président, M. Moher, a dit du résultat de nos délibérations qu'il était «historique», et je suis tout à fait d'accord avec lui. Mais, les autres fois, après avoir terminé un tel travail, le groupe des travailleurs et moi-même avons toujours été ravis.
Or lundi soir, quand notre labeur a pris fin, et hier, quand nous avons adopté notre rapport, je n'ai pas ressenti cette joie. J'ai en effet l'impression que nous avons passé plus de temps à débattre des liens entre le commerce et les normes du travail et de la paranoïa que suscite l'OMC parmi un certain nombre de gouvernements, que de la raison de notre présence ici, à savoir élaborer une Déclaration sur les droits fondamentaux de l'homme au travail et son mécanisme du suivi.
Par ailleurs, j'ai été déçu de constater qu'un petit nombre de mes collègues travailleurs avaient des opinions divergentes si exacerbées qu'ils n'ont pas appuyé la position de notre groupe lors du vote sur les amendements.
Je ne doute pas de la sincérité de leurs préoccupations concernant le protectionnisme, de même que je ne doute pas de la réalité des craintes à ce sujet formulées par les gouvernements ou les employeurs.
Ce que je conteste, c'est que la position du groupe des travailleurs soit perçue comme favorable à des mesures protectionnistes.
Enfin, nous n'avons pas été capables de persuader la majorité de nos collègues des rangs des employeurs et des gouvernements que l'article 6, qui est devenu l'article 5, n'a pas sa place dans la Déclaration. Je suis d'accord avec ce qu'a dit mon collègue employeur. Par ailleurs, les craintes de ceux qui veulent être rassurés n'ont pas pu être dissipées par le déplacement de ce paragraphe dans le préambule.
Le groupe des travailleurs le dit bien clairement: demander à être membre d'un syndicat et, pour un syndicat, négocier au nom des travailleurs, n'est pas synonyme de protectionnisme; vouloir mettre un terme au travail des enfants n'est pas synonyme de protectionnisme: vouloir supprimer la discrimination sur les lieux de travail n'est pas synonyme de protectionnisme; appeler à l'abolition de l'esclavage n'est pas synonyme de protectionnisme. En revanche, priver les travailleurs de ces droits, au nom de l'avantage comparatif, cela, oui, c'est du protectionnisme. Soyons clairs: nous ne voulons pas du protectionnisme, nous voulons simplement nos droits fondamentaux.
C'est pour les trois raisons que je viens d'énumérer que nous n'avons ressenti aucune joie, lundi soir et hier, sans parler de notre épuisement. Cependant, après une bonne nuit de sommeil, j'ai étudié de nouveau le texte de la Déclaration et je suis satisfait de remarquer que nous avons créé un puissant projecteur qui nous permettra d'illuminer des domaines jusqu'à présent restés obscurs. Les rapports annuels au titre de l'article 19 et le rapport global feront la lumière sur certains points et cela permettra de cibler l'assistance technique, de manière à assurer le respect universel des principes et des droits fondamentaux.
Le mécanisme de suivi constitue une méthode d'examen qui pourra satisfaire tout le monde. Avec la Déclaration, il contribuera à la réalisation de notre objectif général, qui est de promouvoir la ratification et l'application des sept normes fondamentales par tous les Etats Membres.
Maintenant que nous sommes à la veille d'un nouveau siècle qui se caractérise par la fin de la guerre froide et le début de la mondialisation, nous devons mettre au point de nouveaux instruments qui aideront l'OIT à protéger les travailleurs qui, pour des raisons sociales, sont plus rapidement et plus cruellement touchés, comme nous l'avons vu récemment en Asie du Sud-Est. Cette déclaration et son suivi, s'ils sont appliqués intégralement et avec bonne volonté, peuvent s'avérer de puissants instruments.
L'histoire dira si nous sommes capables de les utiliser à bon escient, ce qui suppose une volonté politique dont tous n'ont pas fait preuve au cours de ce débat.
Le groupe des travailleurs espère que l'adoption de cette Déclaration et de son suivi, au cours de la séance plénière de cette 86e session de la Conférence internationale du Travail, dissipera certaines des craintes qui ont dominé nos discussions ces dix derniers jours, et que le Conseil d'administration s'attachera, d'une seule voix, à mettre au point les détails du suivi, et veillera à ce que nous donnions suite à cette Déclaration et à son mécanisme, en novembre.
Il me semble que le fait que nous soyons sur le point d'adopter cette Déclaration, je l'espère par consensus, relève du miracle, étant donné les différences d'opinion, apparemment irréconciliables, qui nous opposaient il y a encore quelques jours. Il est flatteur pour toutes les parties que nous ayons su nous mettre d'accord, mais je suis sûr que cette Déclaration n'aurait pu voir le jour sans la patience, la compétence et la fermeté de notre président, Ambassadeur du Canada, M. Moher.
Nous autres travailleurs savons ce que nous lui devons, et nous remercions aussi le Bureau du magnifique appui qu'il n'a cessé de nous fournir, pour que nous puissions achever nos travaux.
J'aimerais également rendre hommage à M. Potter, mon homologue employeur, et à ses collègues, qui ont toujours fait preuve d'un appui sans faille.
Cette Déclaration et son suivi leur appartiennent aussi, car sans eux, ils n'auraient pas existé. Cela augure bien de la création d'un nouveau consensus à l'OIT, face à la mondialisation.
Enfin, je m'adresse aux gouvernements; je remercie la plupart pour leur appui. Quant aux autres, je les remercie de leur ténacité et de leur détermination.
La vigueur de nos débats témoigne de l'importance de cette Déclaration et de son suivi.
Pour terminer, j'aimerais remercier mes collègues travailleurs de leur appui, ceux qui étaient dans la salle et ceux qui, à une occasion, ont quitté la salle. En mon nom, le groupe des travailleurs s'engage à donner bon effet à la Déclaration et son suivi, en vue de mettre un terme à ce fléau que constituent le travail des enfants et le travail forcé, d'en finir avec la discrimination, et d'affirmer le droit des travailleurs d'appartenir à un syndicat et d'être représentés par lui.
Nous vous demandons de vous joindre à nous pour adopter cette Déclaration par consensus.
Le PRESIDENT -- Nous allons maintenant passer à la discussion générale du rapport.
Original anglais: M. SINGH H.K. (conseiller technique gouvernemental de l'Inde) -- Mon gouvernement a appuyé l'examen d'une Déclaration promotionnelle sur les principes fondamentaux de cette Organisation et les droits des travailleurs, sous réserve de son contenu, de sa portée et de ses objectifs. Nous avons participé de façon constructive aux débats de la Commission de la Déclaration de principes. Nous regrettons toutefois que les préoccupations de toutes les délégations, notamment celles de certains pays qui appartiennent à diverses régions et celles de mon propre pays, ne soient pas reprises dans le texte, même si certaines des questions qui étaient importantes pour nous ont été abordées et éclaircies grâce à l'avis officiel du Conseiller juridique. Nous pensons que le consensus pouvait et aurait dû être atteint. Pour notre part, nous avons travaillé dur pour essayer d'obtenir ce consensus au sein de la commission, convaincus que nous étions que cela permettrait de renforcer l'appui en faveur de la Déclaration et faciliterait son suivi. Nous aimerions remercier le président pour les efforts inlassables qu'il a déployés dans ce sens.
Si nous étions disposés à examiner et à accepter la Déclaration, c'est parce que nous sommes convaincus que le but du développement est de promouvoir le progrès économique et social, dans le respect de la dignité humaine et de la justice sociale. Il s'agit là des objectifs de l'OIT. Nous restons convaincus que l'OIT doit faire appliquer les normes du travail en tant que partie intégrante du progrès social au sein des sociétés, tout en reconnaissant que ce sont des références dans le développement socio-économique. Ce faisant, il faut reconnaître pleinement les difficultés auxquelles se heurtent les pays en développement lorsqu'ils appliquent et mettent en œuvre les normes du travail, alors qu'ils essaient de supprimer la pauvreté et de lutter contre le chômage afin d'élever le niveau de vie de la population.
Nous appuyons les activités de cette organisation visant à améliorer les normes de protection des travailleurs conformément aux critères juridiques et politiques énoncés dans sa Constitution.Nous estimons que la meilleure façon de promouvoir et de renforcer les normes du travail, c'est de parvenir à une ratification universelle des conventions et de renforcer la capacité des gouvernements à les mettre en œuvre grâce à la coopération technique et à la promotion du développement économique et, partant, au renforcement de la justice sociale. La législation nationale, les mesures de mise en œuvre et les campagnes de sensibilisation sont les outils les plus efficaces pour atteindre ces objectifs.
Ma délégation souhaiterait faire les observations suivantes à propos du texte de la Déclaration et de son mécanisme de suivi. La Déclaration réaffirme un engagement moral et politique, de promouvoir et de respecter les principes et les droits fondamentaux, compte tenu de certaines conditions nationales et compte tenu du niveau de développement socio-économique de chaque société. Elle réaffirme le rôle de l'OIT en tant que seule organisation internationale compétente pour établir et traiter les normes du travail en conjonction avec la promotion de la justice et du progrès social. Elle n'est pas juridiquement contraignante, ne compromet d'aucune façon le principe du volontarisme et ne remplace en aucune façon les conventions de l'OIT existantes sur les normes fondamentales du travail, pas plus qu'elle n'a une incidence sur les activités visant à promouvoir leur ratification universelle. Toutes les mesures envisagées dans le cadre de la Déclaration se conforment strictement à la Constitution de l'OIT et aux obligations qui y sont contenues. La Déclaration réaffirme l'obligation qu'a l'Organisation de fournir une assistance technique en vue de la promotion de ses objectifs et de ceux de l'OIT. Le suivi de la Déclaration a une nature purement promotionnelle et ne prévoit ni peines ni plaintes. La Déclaration et son suivi ne peuvent en aucune façon être invoqués pour justifier l'adoption ou la promotion de mesures commerciales quelles qu'elles soient, de mesures commerciales protectionnistes ou l'utilisation des normes du travail à des fins protectionnistes, ou encore l'adoption de toute autre mesure qui remettrait en question l'avantage comparatif d'un pays.
L'OIT réaffirme ainsi qu'elle est déterminée à promouvoir les normes du travail afin d'améliorer la condition des travailleurs, et non à des fins protectionnistes. Dans ce contexte, les membres devraient pouvoir s'adresser à l'Organisation lorsqu'ils sont injustement pris pour cible par des groupes de pression protectionniste. L'OIT devrait également militer et lancer des campagnes de sensibilisation contre les mesures commerciales, collectives ou multilatérales, ou les mesures protectionnistes, qui pourraient compromettre le bien-être des travailleurs, que ce soit dans les pays développés ou dans les pays en développement.
C'est dans cet esprit que ma délégation appuie la Déclaration et son suivi. Nous reconnaissons, par ailleurs, que son importance et son efficacité seront érodées si l'esprit et la lettre de l'accord auquel nous sommes parvenus ne sont pas respectés. Nous espérons que les critères susmentionnés permettront à l'OIT de renforcer le rôle qu'elle joue dans des domaines de compétence, tels qu'ils sont énoncés dans sa Constitution.
Original allemand: M. WILLERS (délégué gouvernemental, Allemagne) -- Le 18 juin 1998 constituera une date historique pour l'OIT si la Conférence, à la fin de ces interventions, adopte la Déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail. L'OIT prouvera ainsi qu'elle a compris les messages de Copenhague et de Singapour et qu'elle tient compte de ce qu'on attend d'elle en tant qu'organisation responsable du respect universel des droits des travailleurs.
Le texte de la Déclaration et de son suivi a fait l'objet au cours de ces deux dernières semaines de débats très intenses et très longs. Les positions par rapport à certaines parties de la Déclaration et du suivi étaient parfois si éloignées les unes des autres qu'un accord semblait presque utopique. Pourtant, nous avons pu nous rapprocher sur un grand nombre de points, après parfois de dures batailles.
Malheureusement, il n'a pas été possible, lundi soir, de prendre une décision sans procéder à un vote. Je crois pouvoir dire qu'aucune délégation et qu'aucun groupe ne retrouvera dans le résultat de ces délibérations sa position de départ. Tout le monde a dû faire des concessions, y compris ma délégation.
Je m'adresse maintenant à ceux qui, lundi soir, ont estimé qu'ils ne pourraient pas accepter le résultat des discussions. Je suis convaincu que leur hésitation ne signifie pas qu'ils ne font que peu de cas de la nécessité de défendre les droits fondamentaux des travailleurs. Leurs efforts, visant surtout à renforcer le point 3 de la Déclaration, doivent être replacés dans le contexte des préoccupations nationales. Et même si nous avons considéré que ces préoccupations étaient infondées ou exagérées, nous devons les prendre au sérieux, non seulement aujourd'hui, mais aussi à l'avenir, lorsque nous mettrons en œuvre la Déclaration. Ma délégation est disposée à le faire. C'est la raison pour laquelle je vous lance un appel: ne vous excluez pas du consensus.
Personne ne peut parler de ce projet de Déclaration sans rendre hommage au rôle éminent qu'a joué le président de la commission. Je n'essayerai pas de surpasser les orateurs qui m'ont précédé dans la recherche des qualificatifs aptes à décrire ce rôle. J'aimerais plutôt vous livrer une pensée quelque peu tardive. Parmi les questions controversées, il y avait tout à la fin le titre de la Déclaration. Pourquoi personne n'a-t-il pensé à proposer tout simplement le titre «Déclaration Mark Moher?» La réponse est la suivante: «parce que nous avons tous, au sein de la commission, respecté votre modestie, Monsieur».
Original anglais: M. ZAINAL (délégué des travailleurs, Malaisie) -- Je prends la parole aujourd'hui pour indiquer que j'appuie la Déclaration concernant les principes et droits fondamentaux de l'OIT telle qu'elle a été approuvée par la commission.
Il ne fait aucun doute que l'OIT est la seule organisation au monde qui possède une structure tripartite et dont le mandat se fonde sur la notion de tripartisme. C'est donc une organisation unique en son genre, qui n'a pas sa pareille dans le monde, et le groupe des travailleurs est fier que cette organisation et ses mandants, dont les partenaires sociaux, s'efforcent d'améliorer la situation des travailleurs dans le monde. Nous tenons à souligner que la Déclaration est très importante pour assurer le respect des droits des travailleurs.
Si nous voulons assurer le progrès de l'humanité, si nous voulons assurer le développement économique et social de nos pays, nous devons appuyer les activités menées par l'OIT.
Personnellement, j'ai participé depuis quatre ans à la préparation de cette Déclaration au sein du Conseil d'administration et du groupe des travailleurs. J'appartiens à un pays en voie de développement, mais je sais que cette Déclaration et son suivi ne peuvent en aucune manière être néfastes pour un quelconque pays. Aucun pays n'a de raison de craindre que cette Déclaration et son suivi lui soient contraires. Nous avons eu des discussions très tendues à la commission pendant de longs jours, parfois nous avons passé des nuits sans sommeil et nous avons repris notre projet le lendemain matin, sans trop savoir ce qu'il en serait, mais je suis fier que l'esprit de partenariat ait prévalu au sein de la commission et que, lundi, nous nous soyons retrouvés pour accepter ce projet de Déclaration.
Je remercie les délégués gouvernementaux et les employeurs qui ont accepté ce texte, même si tous n'en sont pas très satisfaits. Même au sein du groupe des travailleurs, nous ne sommes pas entièrement satisfaits. Toutefois, nous acceptons cette Déclaration, ainsi que son suivi, dans un esprit de compromis, et nous espérons que tous les délégués l'accepteront et l'adopteront, pour que le tripartisme continue de présider aux activités de l'OIT qui, comme je l'ai dit, est vraiment une organisation extraordinaire et particulière au sein des Nations Unies.
Comme l'indiquent les paragraphes 3 et 5 du préambule, dont le libellé a été choisi avec le plus grand soin, il n'y a aucune disposition qui serait contraire aux intérêts d'un pays quelconque. On encourage les pays à ratifier les conventions, mais ils n'ont aucune obligation de les ratifier. Lorsqu'ils éprouvent des difficultés à le faire, ils peuvent demander l'aide technique du BIT.
Le suivi de la Déclaration n'apportera aucun désagrément à un pays quelconque, malgré les craintes que certains éprouvent. Par conséquent, je voudrais, en guise de conclusion, inviter les délégués gouvernementaux, les employeurs et les délégués des travailleurs à appuyer ce projet de Déclaration et de suivi, et à œuvrer pour le plus grand profit de l'humanité.
M. BLONDEL (délégué des travailleurs, France) -- Nous venons d'entendre le rapport de la Commission de la Déclaration de principes. Je voudrais, au nom des travailleurs de mon pays, vous faire part de toute notre satisfaction d'avoir réussi à mettre ainsi en place les fondements de pratiques qui devraient, à terme, permettre d'assurer une meilleure application des normes fondamentales.
Nous ne devons cependant pas nous cacher que le débat fut long et difficile, certains gouvernements s'évertuant à mettre des sauvegardes à l'encontre des normes et de leurs effets.
Le compromis auquel nous sommes arrivés était nécessaire afin que publiquement l'OIT confirme son rôle sur la scène internationale. L'échec eût été dramatique pour l'Organisation. Je m'en félicite donc.
Mais je me permets de rêver, de rêver aux jours où, lors des délibérations et des déclarations de l'OMC, nous trouverons une note de fin de page où on indiquera que lesdites délibérations ne peuvent avoir d'effets sur les normes internationales du travail. Ce serait la réponse du berger à la bergère et cela sauvegarderait quelque peu l'intégrité de nos normes du travail.
Néanmoins, vous noterez que dans le texte certaines ambiguïtés, voire certaines incohérences entre les versions anglaise, française ou espagnole se précisent. C'est le cas pour le paragraphe 5, et nous ne pouvons que le regretter, car cela aura, je crois, des conséquences sur l'efficacité. Mais surtout j'aimerais rappeler, du haut de cette tribune, que les travailleurs n'accepteront pas la querelle sémantique concernant la liberté syndicale et le droit d'association.
Nous sommes ici au BIT. L'objectif premier reste bien la protection des droits des travailleurs, qui légalise le droit d'association dans le monde du travail et son expression. Les articles 3 et 4 de la convention no 87 protègent les syndicats des ingérences éventuelles de l'autorité administrative. Adoptée au lendemain de la seconde guerre mondiale, elle affirmait la liberté retrouvée et le droit de renaître pour les syndicats qui avaient généralement été dissous.
La liberté syndicale aura valeur symbolique lors de la disparition du franquisme. Elle apparaîtra comme source d'espoir après le régime chilien de Pinochet. Cela signifie qu'il ne saurait y avoir, sauf à pratiquer un révisionnisme dangereux, de substituts à cette notion.
Le droit d'association que nous revendiquons par ailleurs fait partie intégrante des droits de l'homme. La liberté syndicale est le droit d'association dans le travail, je me répète volontairement. Ce droit est porteur d'un esprit, que nous n'accepterons pas d'abandonner. J'invite les employeurs, que le mot choque peut-être, à relire attentivement la convention no 87. Messieurs les employeurs, les droits syndicaux sont aussi les vôtres. Je vous souhaite d'ailleurs de ne pas avoir à les défendre.
Sur ce point, je regrette donc l'ambiguïté que fait naître l'alinéa a) du paragraphe 2 des attendus de la Déclaration de principes. Il faut mesurer les réserves que nous venons de préciser à la mesure de l'attachement que les travailleurs portent à l'OIT. Je suis cependant très fier que nous n'ayions pas raté le rendez-vous.
Original anglais: Mme JANJUA (conseillère technique gouvernementale, Pakistan) -- Le Pakistan tient à promouvoir les droits des travailleurs. Ces droits sont garantis par notre Constitution. L'engagement que nous prenons de promouvoir et d'appliquer ces droits se reflète également dans le grand nombre de conventions de l'OIT, y compris cinq des sept conventions fondamentales, qui ont été ratifiées par le Pakistan.
Nous avons toujours respecté nos obligations constitutionnelles et nous avons toujours été convaincus que la promotion et l'application des droits des travailleurs assurent la justice sociale.
La position du Pakistan en ce qui concerne la Déclaration a toujours été claire et cohérente. Nous nous sommes interrogés sur les motivations de ceux qui voulaient inscrire cette question à l'ordre du jour de la Conférence. On nous a répondu que cette Déclaration ne ferait que réaffirmer les principes et les objectifs qui figurent dans la Constitution de l'OIT, que cela permettrait aux mécanismes de contrôle de l'OIT de s'appliquer aux conventions non ratifiées et que ce serait un document promotionnel, avec un suivi promotionnel, conforme aux décisions prises à Copenhague, lors du Sommet social.
Malheureusement, le document qui nous est soumis aujourd'hui ne répond pas à ces promesses. La Déclaration ne précise pas qu'elle ne fait que réaffirmer tout ce qui a déjà été accepté par les membres. Le mécanisme de suivi n'a de promotionnel que le nom. Et on y a ajouté la nécessité de fournir un rapport global -- qui est un élément majeur -- malgré les préoccupations et les objections d'un grand nombre de pays. Ce rapport global, malgré les assurances reçues, fera double emploi et devra faire l'objet d'un double examen car ce sera à la fois un examen pays par pays et un examen cas par cas. Il mettra probablement certains pays à l'index, un jour ou l'autre.
Malgré toutes ces réserves, le Pakistan avait accepté le suivi proposé dans ce projet de Déclaration, par respect pour les travailleurs, qui souhaitent vivement que les Etats qui n'ont pas ratifié entrent, eux aussi, dans le cadre du mécanisme de contrôle. Par conséquent, le premier élément du suivi, l'examen annuel, semblait juste et, même si ce n'était pas vraiment un élément promotionnel, il était acceptable. La question du rapport global est tout à fait différente. Il est censé donner à l'OIT l'arme qui lui manquait jusqu'ici. Ce rapport est censé aider les pays à évaluer leurs besoins en assistance technique, mais en fait il s'agit de traiter les cas les plus «difficiles», «les cas les plus tenaces et persistants de carence des pouvoirs publics» pour reprendre un éminent représentant des employeurs.
Nous pensons que le rapport global risque de devenir un moyen publicitaire pour calmer les grands groupes de pression et nous craignons qu'il ne devienne une sorte d'étiquette sociale s'il est mal utilisé.
Malgré nos craintes, nous étions prêts à accepter même le rapport global. Cependant, pour éviter tout abus et l'utilisation de la Déclaration à des fins protectionnistes et à d'autres fins coercitives, nous avons demandé l'inclusion de deux sauvegardes dans ce document.
Tout d'abord, l'affirmation selon laquelle l'OIT est la seule Organisation internationale qui a compétence pour traiter des normes internationales du travail et deuxièmement, que la promotion des normes du travail ne saurait justifier le recours à des actions unilatérales ou coercitives, à des mesures protectionnistes ou à des mesures qui compromettent les avantages comparatifs des pays.
Nous n'avons pas pensé que l'insertion de ces deux notions susciterait des difficultés. Toutefois, hélas notre proposition a suscité une forte opposition. Par des efforts constants, nous avons obtenu, après de longues négociations, qu'il y ait un paragraphe qui indique que l'OIT est l'Organisation qui a un mandat pour s'occuper des normes internationales, mais les négociations concernant le paragraphe relatif à la non-acceptation des mesures protectionnistes ont finalement été écartées.
L'on a finalement présenté un texte avec lequel plusieurs gouvernements ont encore du mal. A la fin du paragraphe 3, l'on a même ajouté des termes qui ne font pas l'objet d'une négociation et qui risquent d'établir un lien entre les normes du travail et d'autres conditions que nous avons toujours déclaré vouloir refuser.
Dans ces conditions, il a fallu voter sur le projet de Déclaration.
La délégation du Pakistan interprète la dernière partie du paragraphe 3 de la Déclaration, après le mot «soutenir», comme signifiant uniquement que l'OIT doit respecter sa Constitution. Nous notons qu'au paragraphe 357 du rapport le Conseiller juridique souligne que les organisations internationales avec lesquelles l'OIT a conclu des accords, conformément à l'article 12 de sa Constitution, comprennent tous les membres de la famille des Nations Unies et l'AEA. Il n'y a donc pas d'accord particulier avec l'OMC, la Banque mondiale ou le FMI et le paragraphe 3 de la Déclaration ne concernerait que les accords existants.
Les préoccupations que nous éprouvons au sujet de la Déclaration découlent davantage de la procédure proprement dite que du libellé. Ce document est censé encourager le respect de normes, ne pas avoir un caractère punitif ou obligatoire. Nous sommes tous d'accord sur cela, mais l'on hésite beaucoup à inscrire tout cela dans la Déclaration. Il a même fallu voter, ce qui n'a fait que renforcer nos craintes.
Sur les 14 amendements qui ont été proposés par le groupe de l'Asie et du Pacifique, seuls quelques-uns ont été inclus dans le texte, et cela, nous regrettons de devoir le dire, sous une forme tout à fait édulcorée. Aucune des idées fondamentales exprimées par notre groupe n'a été reprise dans le document.
La nature particulière de la procédure de vote de l'OIT ne reflète pas pleinement le fait qu'un nombre important de pays en développement n'appuient pas des parties importantes -- et même parfois l'ensemble -- du texte de la Déclaration. Certains ont pensé que cette Déclaration pourrait sauver l'OIT. Seule l'histoire nous dira s'ils ont raison, mais nous pensons qu'à moins que l'application de cette Déclaration ne se fasse de manière judicieuse, divers groupes d'intérêt pourraient s'en servir à des fins protectionnistes et coercitives, surtout et malheureusement, aux dépens des pays en développement. Nous espérons vraiment que nos craintes sont infondées.
Je voudrais souligner que la délégation du Pakistan remercie M. l'Ambassadeur Moher qui a dirigé les débats avec bonne humeur et persévérance. Nous remercions également les vice-présidents des groupes employeur et travailleur. Nous espérons pouvoir collaborer étroitement avec eux au cours de ces prochaines années.
Original anglais: M. RANANAND (délégué gouvernemental, Thaïlande) -- La Conférence est sur le point d'adopter le projet de Déclaration de principes de l'OIT relative aux droits fondamentaux des travailleurs et son mécanisme de suivi. La Thaïlande se félicite de l'adoption de ce document qui constituera un jalon dans les efforts de la communauté internationale, visant à promouvoir les droits fondamentaux des travailleurs.
A cet égard, ma délégation souhaite saisir cette occasion pour consigner sa préoccupation majeure en ce qui concerne la Déclaration et son suivi.
En ce qui concerne le paragraphe 3 de la Déclaration, dans lequel on indique que l'OIT doit aider ses Membres à atteindre les objectifs de la Déclaration en utilisant pleinement ses ressources à cet effet et en encourageant d'autres organisations internationales à appuyer leurs efforts, nous sommes fermement convaincus que les termes utilisés dans ce paragraphe ne sauraient permettre l'imposition de conditions à l'aide qui pourrait être offerte aux Etats Membres, soit par l'OIT elle-même, soit par d'autres organisations internationales à qui l'on pourrait demander un soutien.
C'est surtout le cas lorsqu'il s'agit de soutien offert à des pays qui se trouvent dans une situation économique difficile -- aide offerte par les institutions financières internationales qui ne doivent pas subordonner l'octroi à des conditions concernant les droits des travailleurs d'une telle aide.
Notre conviction repose sur le fait que nous entendons le rôle des organisations mentionnées au paragraphe 3, qui ne se limitent à aider les Membres par le biais d'une coopération technique et de services techniques en fonction des besoins qui ont été expressément établis. Nous sommes persuadés qu'avec l'adoption de la Déclaration, la compétence et la crédibilité de l'OIT en tant qu'organe compétent pour l'établissement et l'application des normes du travail seront renforcées, voire rétablies, et qu'aucun Membre de l'OIT ne pourra désormais refuser de reconnaître la compétence et la crédibilité de cette Organisation en proposant de porter la question des normes internationales du travail devant d'autres enceintes.
Original anglais: M. ISAWA (délégué gouvernemental, Japon) -- Au nom du groupe de l'Asie et du Pacifique, j'aimerais faire quelques remarques concernant la Déclaration de principes de l'OIT relative aux droits fondamentaux des travailleurs. Tout d'abord, je voudrais dire à quel point notre groupe apprécie les efforts inlassables déployés par le président de la Commission de la Déclaration de principes pour parvenir à un texte de consensus. Nous le félicitons pour son énergie et son courage, ainsi que pour les résultats fructueux auxquels il nous a permis d'aboutir.
Cet exercice a été long et parfois difficile. Le groupe de l'Asie et du Pacifique a travaillé dur pour appuyer l'élaboration d'une Déclaration. Il a toujours estimé que cette Déclaration devait être adoptée par consensus.
Aujourd'hui, nous avons la possibilité d'approuver le résultat final de plus d'une année de négociations. Nous espérons qu'en cette séance plénière, nous parviendrons précisément à ce consensus.
D'emblée, mon groupe a fait état de certaines préoccupations, qui ont été inscrites au procès-verbal. Même si celles-ci n'ont pas toutes été dissipées par le texte final et les explications fournies pendant la discussion, nous pourrons, en tant que groupe de l'Asie et du Pacifique nous rallier au texte final.
J'aimerais affirmer à nouveau que mon groupe accorde une grande importance à la promotion des normes fondamentales du travail et qu'il est très attaché à leur respect.
Le groupe de l'Asie-Pacifique espère sincèrement que cette Déclaration donnera un nouvel essor aux principes et droits fondamentaux de l'OIT et aidera les Membres à les promouvoir. Les membres de mon groupe continueront quant à eux, à œuvrer dans ce sens.
J'aimerais à nouveau, au nom du groupe de l'Asie et du Pacifique, remercier le président et les vice-présidents de la commission ainsi que le bureau, qui par leur dévouement et leur courage nous ont permis de parvenir à un compromis sur le projet de Déclaration et son mécanisme de suivi
Original espagnol: M. JOUBLANC (conseiller technique et délégué suppléant gouvernemental, Mexique) -- Le gouvernement du Mexique indique qu'il s'engage à assurer le respect des droits de l'homme et qu'il veut coopérer avec l'OIT qui a pour mandat exclusif d'assurer le développement progressif du droit international du travail. Nous appuyons fermement le fond de la Déclaration de l'OIT concernant les principes et droits fondamentaux au travail. De même, nous nous déclarons convaincus que la croissance et le développement économiques, stimulés par l'essor du commerce et la libéralisation des échanges, contribueront à créer davantage d'emplois, et de meilleure qualité et à assurer le respect effectif des normes fondamentales du travail.
Bien que nous approuvions les nobles objectifs qui sont visés dans cette Déclaration, la délégation gouvernementale du Mexique s'est abstenue lors du vote qui a eu lieu à la commission sur le projet de Déclaration parce que nous estimons que cette Déclaration a certes pour objectif d'encourager le respect des principes et des droits fondamentaux mais n'est pas juridiquement contraignante, ne crée pas de nouvelles obligations, ne remplace pas les mécanismes déjà établis et ne cherche pas à rendre les Etats comptables du non-respect des conventions qu'ils n'ont pas ratifiées. Il n'a pas été possible de souligner suffisamment dans le texte, avec toute la clarté voulue, que cette Déclaration et le suivi ne pouvaient pas être invoqués pour justifier des mesures commerciales.
Par conséquent, l'appel lancé à d'autres organisations internationales pour qu'elles soutiennent les efforts déployés par l'OIT, que nous trouvons dans la Déclaration, ne peut pas et ne doit pas s'interpréter comme un encouragement à établir un lien, quel qu'il soit, entre les normes du travail et le commerce. La délégation du Mexique estime que ce lien serait néfaste, tant pour le respect des normes fondamentales que pour le commerce, et serait contraire au mandat exclusif que possède l'OIT dans le domaine du travail, dans le monde entier.
Original anglais: M. BANDUSENA (délégué gouvernemental, Sri Lanka) -- Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée de féliciter M. l'Ambassadeur Mark Moher, les deux vice-présidents et le secrétariat, du travail remarquable qu'ils ont accompli, de leur détermination et de leur perspicacité, qui ont permis de franchir cette étape historique.
Ma délégation pense que cette Déclaration sera bénéfique pour tous les Etats Membres, pour les employeurs, et pour les travailleurs, alors que nous nous trouvons au seuil du prochain millénaire.
La délégation gouvernementale de Sri Lanka voudrait également exprimer ses préoccupations en ce qui concerne la Déclaration que nous venons d'adopter. Ce document qui s'intitule «Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail» a fait l'objet de longues discussions et de longues négociations auxquelles ma délégation a participé activement car elle accorde une grande importance à ce sujet, en tant que pays en développement.
Cette Déclaration historique est le fruit d'un effort concerté, de la souplesse, et de l'esprit de compromis dont ont su faire preuve les mandants tripartites de l'OIT. Le Sri Lanka a déjà ratifié 36 conventions de l'OIT dont quatre conventions fondamentales et a toujours fourni les rapports correspondant à ses obligations.
Nous craignons qu'un lien puisse être établi entre le commerce et les normes internationales du travail, mais nous espérons que les obligations qui découlent de cette Déclaration aideront les Etats Membres à créer des conditions favorables au développement économique et social.
Original arabe: M. ELAMAWY (ministre de la Main-d'œuvre et de l'Emigration, Egypte) -- J'aimerais au nom de la délégation égyptienne remercier M. l'Ambassadeur Moher, président de la Commission de la Déclaration, pour sa conduite avisée des travaux ainsi que ses efforts continus pour parvenir à un texte de consensus en ce qui concerne cette Déclaration de principes et son mécanisme de suivi.
Malheureusement, nous n'avons pas pu nous mettre d'accord sur certains amendements de fond qui avaient été proposés par certaines délégations, notamment la délégation égyptienne. Quand bien même il y aurait eu vote sur ce projet de Déclaration, nous ne l'aurions pas soutenu. Dans le même temps, la délégation égyptienne réaffirme son attachement aux droits des travailleurs, reflété par la ratification de l'Egypte de la convention no 59 ainsi que de six autres conventions fondamentales, la convention no 7 étant actuellement en cours de ratification.
La raison qui nous porte à ne pas voter le texte de la Déclaration est liée à certains défauts substantiels qui suscitent de vives préoccupations au sein de notre délégation, d'autant plus qu'aucune intention d'amendements ne s'est manifestée pour tenir compte de nos préoccupations. Nous voulions en effet qu'il n'y ait aucune possibilité d'abus de cette Déclaration qui pourrait compromettre les intérêts des travailleurs et les impératifs de la production, à l'heure où nous accélérons nos efforts pour améliorer le processus de développement en vue d'améliorer le niveau de vie de nos populations, ainsi que de moderniser différents secteurs de l'activité économique.
Par conséquent, j'aimerais émettre les réserves suivantes au nom du gouvernement égyptien en ce qui concerne le texte de la Déclaration de principes relative aux droits fondamentaux au travail.
Premièrement, nous estimons que le libellé des trois dernières lignes du paragraphe 3 pourrait donner lieu aux abus de la part de ceux qui souhaitent que l'on introduise les normes du travail dans d'autres organisations internationales en vue d'établir un lien entre les normes du travail et le processus de mondialisation, que ce soit dans le domaine du commerce international ou dans d'autres domaines. Le gouvernement égyptien aurait appuyé ce paragraphe si la phrase commençant par «Ainsi qu'en encourageant...» jusqu'à la fin du paragraphe avait été supprimée. Le gouvernement égyptien souhaiterait souligner qu'il ne peut pas accepter l'instauration de nouvelles conditions dans les relations économiques internationales qui entraveraient les efforts nationaux visant à accélérer le développement économique et social et à lutter contre la pauvreté. Mon gouvernement s'oppose fermement à une telle interprétation de ce paragraphe.
Deuxièmement, au paragraphe 5 du dispositif, nous estimons que le libellé aurait dû être plus précis, plus catégorique, en refusant que cette Déclaration et son suivi soient utilisés pour justifier, ou aider de quelque façon que ce soit l'adoption de mesures commerciales, économiques, restrictives ou punitives qui auraient une incidence négative sur le processus de développement économique et social. Les réserves émises par le gouvernement égyptien au sujet des paragraphes 3 et 5 s'appliqueraient également à toute partie de cette Déclaration, de son suivi, voire même à la Déclaration dans son intégralité, si elle était utilisée par une partie d'une façon qui aurait pu être interdite, si les modifications suggérées par le gouvernement égyptien à ces deux paragraphes avaient été approuvées. Il est évident que les réserves émises par le gouvernement égyptien sont liées à l'absence d'une sauvegarde significative contre le mauvais usage ou l'abus éventuel de cette Déclaration conjointement avec des mesures restrictives ou punitives quelles qu'elles soient.
A l'exception des défauts de ces deux paragraphes susmentionnés, le gouvernement égyptien se félicite de cette Déclaration et en appuie le contenu ainsi que l'objectif général qu'elle s'est fixé, à savoir promouvoir la mise en œuvre des normes fondamentales du travail et le respect du droit des travailleurs. Le gouvernement égyptien s'est efforcé de participer de façon constructive à toutes les étapes des débats qui ont permis d'aboutir au texte final de cette Déclaration. Nombre d'éléments importants de la Déclaration ont été introduits par la délégation égyptienne en coopération avec d'autres délégations. Nous citons par exemple la priorité donnée aux problèmes des travailleurs migrants, des chômeurs ou d'autres catégories de travailleurs ayant des besoins sociaux particuliers, ainsi que la priorité accordée par la Déclaration à la promotion de la création d'emplois et à la mobilisation des ressources financières extérieures nécessaires, ainsi que les efforts à encourager par la réalisation de ces objectifs.
La délégation gouvernementale égyptienne voudrait souligner que les droits des travailleurs migrants constituent une partie essentielle de cette Déclaration. La suppression de la discrimination en ce qui concerne l'emploi et la profession sur la base de l'origine nationale est l'un des domaines essentiels qui devront être couverts par le suivi de la Déclaration.
La délégation gouvernementale égyptienne voudrait que soit consigné dans le procès-verbal le fait qu'il considère les observations figurant en annexe du rapport de la commission et concernant certaines questions juridiques soulevées pendant les discussions comme pouvant revêtir une importance particulière du point de vue de l'interprétation, étant donné que l'accord sur le texte était fondé sur ces observations. En outre, la délégation gouvernementale égyptienne souhaite affirmer que rien dans cette Déclaration ni dans son suivi ne doit être interprété comme: 1) autorisant l'OIT de quelque manière que ce soit à aller au-delà de son mandat constitutionnel; toutes les dispositions ne peuvent être que strictement interprétées dans le contexte du mandat constitutionnel de l'OIT; 2) autorisant ou encourageant l'adoption de mesures restrictives ou punitives; 3) autorisant le Bureau international du Travail à inviter ou à encourager d'autres instances internationales à adopter des mesures restrictives ou à imposer des conditions relatives aux normes du travail; 4) imposant des obligations juridiques supplémentaires aux Etats membres; 5) impliquant que les conventions internationales du travail soient considérées comme contraignantes pour les Etats qui ne les ont pas ratifiées; 6) constituant une excuse, une justification ou un prétexte pour que les Etats qui ne l'auraient pas encore fait ne ratifient pas les conventions internationales du travail; 7) établissant de nouveaux mécanismes de surveillance ou compromettant d'une façon ou d'une autre l'évaluation ou l'amélioration proposée des mécanismes et des procédures actuels; 8) soumettant les pays à des situations de double examen; 9) remettant en cause le principe d'application des principes de la Constitution de l'OIT compte dûment tenu des différences existant entre les pays en ce qui concerne l'économie, le développement industriel, les structures sociales, les perspectives structurelles et les autres facteurs pertinents pour l'application de ces principes.
D'autres erreurs sont apparues dans le compte rendu provisoire, aux paragraphes 268 et 269 du texte anglais que nous avons relevées lors de la réunion hier, mais les exemplaires qui ont été distribués aujourd'hui ne tiennent malheureusement pas compte de ces remarques et il n'y a pas eu de correction. La délégation égyptienne remettra ces remarques au secrétariat afin qu'un corrigendum soit présenté dans le rapport final.
M. CHOTARD (délégué gouvernemental, France) -- La délégation de la France apporte son appui à la Déclaration. Cette déclaration est mesurée, elle est positive, et je n'oublierai pas de dire qu'elle a été acquise dans un climat de bonne volonté, avec une totale transparence et surtout un remarquable président.
Comme d'autres, nous aurions pu souhaiter d'autres éléments dans cette Déclaration, mais comme d'autres nous avons recherché le consensus, et le jugement que nous portons sur le texte qui nous est soumis est un jugement qui permet de dire que cette Déclaration est équilibrée. L'article 2 proclame d'une manière parfaite nos valeurs fondamentales, l'article 3 incite l'OIT à aider ses Membres -- l'aspect positif --, et il faut lire les articles 2 et 3 comme étant complémentaires.
Ce que je voudrais également souligner c'est que cette Déclaration est le point d'arrivée d'un processus dont nous avons tous en tête le déroulement. C'est en effet le rapport du Directeur général, Michel Hansenne, de 1994 qui a lancé le processus permettant de rénover les idéaux de l'OIT. Et puis le mouvement a été bien engagé, bien lancé puisque nous avons vu la confirmation de Copenhague. Et aujourd'hui, c'est un point d'arrivée. Mais ce point d'arrivée, il faut pour l'OIT que ce soit un point de départ dans son action nouvelle et je suis persuadé, c'est le pari que je tiens devant vous, que très rapidement on parlera de la Déclaration de Genève.
Original espagnol: M. FUNES DE RIOJA (délégué des employeurs, Argentine) -- Les pays de notre région ont déjà affirmé leur engagement à l'égard de la démocratie dans le contexte de la mondialisation et il semble logique et nécessaire de reconnaître la valeur d'un ensemble de principes qui reflètent, fondamentalement, la notion du respect de la dignité de l'homme; nous pensons également que cela va de soi dès l'instant ou l'on appartient à l'Organisation.
Sur le plan international, ces orientations de politique sociale se nourrissent essentiellement des principes et des valeurs énoncés dans les conventions fondamentales, sans imposer de nouvelles obligations aux nouveaux Etats Membres, sans aller au-delà de la Constitution et elles ne devraient pas être utilisées à d'autres fins que celles du travail. Mais, les entrepreneurs de notre région ont participé activement à la préparation et à l'adoption de cette Déclaration et nous réaffirmons notre volonté d'adhérer à ces principes et de renforcer ainsi le rôle de l'OIT.
Nous évaluons à sa juste mesure l'ampleur du concept de liberté d'association qui a été reconnu dans le texte espagnol, car comme l'a dit M. Blondel, la liberté d'association est bien celle des employeurs et des travailleurs. Nous sommes conscients de la nécessité de privilégier la continuité de ces principes. Ce que nous considérons comme incontestables, dans un contexte où la mondialisation exige des règles explicites, et nous sommes convaincus que leur réaffirmation n'entraînera pas la création de nouveaux critères, ni d'une série de législations du travail exigeant des niveaux de protection qui ne seront peut-être pas soutenables. Elle entraînera plutôt l'identification d'un ensemble de valeurs qui permettront d'édifier un ordre public du travail ou des normes fondamentales dans le domaine du travail.
L'adhésion généralisée au texte, que l'on a pu constater dans la commission, était plus forte que les questions réglementaires isolées ou les votes qui ont témoigné, si besoin était, du consensus politique écrasant qui s'est dégagé, confirmant ainsi l'importance du résultat. La combinaison de la Déclaration et de son mécanisme de suivi permettra d'assurer sa mise en œuvre et son application universelles. Ce n'est qu'alors que l'OIT se sera dûment acquittée de son mandat. Enfin Monsieur le Président, je tiens à féliciter notre porte-parole M. Potter, et surtout le Président de la commission; je tiens aussi à rendre hommage au travail accompli par le bureau tout au long de ces mois pour préparer ce texte qui nous a permis de déboucher sur un consensus. Comme M. Chotard, je me félicite aussi des efforts accomplis par le Directeur général sur le plan des idées. Il nous a montré la voie des changements à apporter et a réaffirmé les valeurs fondamentales. Ces efforts et témoignages ont été indispensables à l'avènement du consensus aujourd'hui, et au nom des employeurs d'Amérique latine, je suis très heureux de vous voir présider cette Conférence, de la Déclaration. Je vous félicite et je nous félicite pour le travail que nous avons accompli.
Original anglais: M. CHOWDHURY (délégué gouvernemental, Bangladesh) -- En ratifiant six conventions fondamentales, le Bangladesh a montré sans ambages qu'il était disposé à faire respecter les droits des travailleurs. La Déclaration de l'OIT qui cherche à réaffirmer des principes fondamentaux en la matière est considérée par ma délégation comme une initiative positive.
La contribution de M. Moher au succès des travaux de cette commission mérite nos vives louanges. Nous aimerions également que soit consigné au procès verbal le fait que nous apprécions à leur juste valeur les efforts du Directeur général et du Bureau.
Nous manquerions à nos devoirs si nous n'évoquions pas les préoccupations que nous avons exprimées parmi d'autres tout au long des délibérations. Ces préoccupations sont bien connues, inutile de les répéter ici. Nous constatons cependant avec une certaine tristesse qu'elles n'ont pas été reflétées comme il convient dans le document. Nous allons toutefois appuyer son adoption. Nous le ferons parce que nous estimons qu'il s'agit là d'un effort pour défendre des principes que nous soutenons inconditionnellement. Nous le ferons du fait que nous sommes convaincus que l'OIT et les Etats Membres s'efforceront d'éviter que l'on ne profite de certaines lacunes et pour favoriser le protectionnisme notamment. Enfin nous allons appuyer la Déclaration pour promouvoir la justice sociale pour tous et les droits des travailleurs auxquels le Bangladesh est profondément attachés.
Original espagnol: M. SUAREZ (conseiller technique gouvernemental, Venezuela) -- Dès le début le gouvernement du Venezuela s'est déclaré intéressé et favorable à l'idée d'élaborer une Déclaration de l'OIT destinée à promouvoir le respect effectif des conventions fondamentales du travail par les Etats Membres de cette Organisation.
C'était tout à fait normal si l'on tient compte du fait que, d'une part, notre pays est signataire de toutes ces conventions et, d'autre part, qu'actuellement la présidence de la république est exercée par une personne qui depuis très longtemps est liée à l'Organisation internationale du Travail et soutient ses luttes pour l'instauration de la justice sociale, un engagement que le premier magistrat vénézuélien a eu le plaisir et l'occasion de souligner lorsqu'il a prononcé son discours devant la Conférence.
Le gouvernement du Venezuela souhaitait et souhaite néanmoins une Déclaration sur les conventions fondamentales de l'OIT qui incite l'Organisation à adopter une politique de coopération plus étroite avec les Etats Membres pour atteindre les objectifs qui figurent dans lesdites conventions et à opter pour la coopération en tant que méthode fondamentale pour atteindre ces objectifs. Le gouvernement du Venezuela a rejeté et continue de rejeter toute tentative visant à utiliser des sanctions, à ce même effet, que ce soit de la part de l'OIT ou de toute autre organisation internationale, Etat ou groupe d'Etats. Cette conviction nous a conduits à intervenir à plusieurs reprises à la Commission de la Déclaration de principes pour inclure des paragraphes de sauvegarde plus explicites et à nous abstenir lorsque, à la dernière session de la commission, aucun des amendements que nous avions soumis n'a eu la chance d'être approuvé. Le Venezuela a agi ainsi pour de bonnes raisons. Sous des prétextes qui se sont révélés injustifiés, notre pays a été victime ces dernières années de restrictions commerciales qui ont entraîné des pertes économiques très importantes.
Aujourd'hui, encore convaincu que la Déclaration aurait dû dissiper ces craintes de manière plus explicite, le gouvernement du Venezuela est néanmoins en mesure d'annoncer que, comme les vénézuéliens représentants des travailleurs et des employeurs, il approuvera la Déclaration de principes de l'Organisation internationale du Travail relative aux principes et aux droits fondamentaux au travail et son mécanisme de suivi, et il prend l'engagement de poursuivre sa politique de l'emploi en respectant la lettre et l'esprit de ce document social nouveau et sans doute historique.
Enfin, nous voudrions rendre surtout hommage à Monsieur l'Ambassadeur Moher qui a dirigé avec tant de brio les travaux de la commission. Nous remercions également le Directeur général du BIT, M. Hansenne, qui a lancé le processus, qui d'une part arrive aujourd'hui à son terme et qui, d'autre part, ouvre la voie à suivre pour protéger les travailleurs des Etats Membres de l'Organisation internationale du Travail.
Original anglais: M. TABANI (délégué des employeurs, Pakistan) -- Le bureau de la Commission de la Déclaration de principes a présenté un document extrêmement important à la Conférence pour adoption. Après la résolution du conseil général de l'Organisation internationale des employeurs en juin 1996, qui invitait l'OIT à réitérer et à promouvoir les droits fondamentaux des travailleurs, ce document est, aux yeux des employeurs, un document satisfaisant.
Cette Déclaration a renforcé l'esprit de tripartisme au sein de l'OIT, mais il a aussi montré l'unité des objectifs des trois partenaires en ce qui concerne le mandat et la mission de l'OIT.
La quatrième Conférence des employeurs pour l'Asie et le Pacifique, qui s'est tenue à Séoul la première semaine de septembre 1997, a réaffirmé la nécessité de respecter les droits des travailleurs et a appuyé l'idée d'une Déclaration à condition que celle-ci n'impose pas de nouvelles obligations aux Etats Membres et qu'elle n'essaie pas de relier, de quelque manière que ce soit, les normes du travail et des dispositions commerciales.
M. Potter, dans la déclaration qu'il a faite ce matin, a clairement indiqué que le groupe des employeurs est opposé à toute tentative visant à lier le commerce aux normes de l'OIT. La déclaration du président de la commission a permis de répondre à un certain nombre de ces préoccupations. En outre, la déclaration du Conseiller juridique, reproduite au paragraphe 325 du rapport, montre clairement quel est le statut juridique de ce projet de Déclaration.
A la lumière de ces observations, les employeurs de l'Asie sont favorables à l'adoption, par la Conférence, de cette Déclaration, qui est une expression des valeurs partagées des mandants tripartites.
Je voudrais saisir cette occasion pour féliciter M. Moher, M. Potter et M. Brett pour leur patience et leur compréhension, qui nous ont permis d'aboutir à ce consensus.
Original anglais: M. SAMET (délégué gouvernemental, Etats-Unis) -- Très souvent, nous abusons du terme «historique» mais, dans nos esprits aujourd'hui, il n'y a aucun doute que nous accomplissons aujourd'hui quelque chose d'historique. Nous avons fait un grand pas en avant sur la voie que nous avions déjà entamée en 1919, au moment de la création de l'Organisation internationale du Travail et de la Déclaration de Philadelphie en 1944.
Aujourd'hui, nous sommes en train de jeter les bases mêmes qui permettront à l'OIT de trouver sa place dans l'économie mondiale du XXIe siècle. C'est une action qui est tout à fait cohérente avec la vision de ceux qui nous ont précédés. D'une certaine manière peut-être, sommes-nous là à cause du défi lancé à Singapour par la Réunion ministérielle de décembre 1996 de l'OMC. Mais nous sommes aussi ici, parce que nos actions sont solidement enracinées dans les traditions mêmes de l'OIT.
Dans une certaine mesure, nous sommes aussi ici parce que nous avons reconnu ensemble que nous devions manifester la même foi et la même énergie pour défendre les intérêts des travailleurs et la nécessité d'une justice sociale, pour mettre en place les mécanismes de la naissance économique et de libéralisation des échanges. Ceci est tout à fait conforme au mandat historique de l'OIT et à la Déclaration de Philadelphie.
Comme l'a déclaré le secrétaire d'Etat au Travail, Mlle Alexis Herman, la semaine dernière, nous devons veiller à ce que le passage à la libéralisation des échanges et la mise en œuvre des normes du travail soient des objectifs qui se renforcent et non pas qui s'excluent.
La Déclaration et son suivi que nous devons adopter aujourd'hui contiennent deux éléments importants: premièrement, un engagement politique et moral clair envers les principes et les droits fondamentaux de l'OIT; deuxièmement, tous les Etats Membres sont responsables dans le cadre des nouveaux mécanismes de présentation des rapports. Nous pensons qu'il est indispensable que ce soit un processus dynamique, sérieux avec un véritable suivi qui permettra de continuer d'examiner la situation dans les pays en ce qui concerne ces droits fondamentaux. Il nous faut absolument poursuivre la voie de ceux qui nous ont précédés.
Il est regrettable qu'au cours des séances de travail de notre commission l'on ait exprimé davantage de points de vue sur ce qu'il ne fallait pas faire et sur ce que ne devaient pas faire certains sur la manière de trouver les modalités pour faire progresser les mécanismes de la Déclaration et son suivi.
Pour notre part, nous pensons qu'il incombe absolument à cette Organisation de rechercher le soutien des autres dans notre travail, tout comme il importe pour l'OIT de les aider à atteindre leurs objectifs.
Je citerai notamment l'Organisation mondiale du commerce et les institutions financières internationales et, comme le Président Clinton l'a déclaré lui-même à Genève le mois dernier, nous devrions rechercher une collaboration accélérée entre l'OIT et l'OMC.
A nos yeux, il ne s'agit pas d'une nouvelle notion mais d'un principe pratique que nous retrouvons dans la Déclaration de Philadelphie elle-même et dans l'ensemble du système des Nations Unies.
A cet égard, nous considérons que le débat sur le paragraphe 5 nous a semblé d'une certaine manière inutile, et nous a détourné de nos véritables objectifs. Il aurait été préférable d'éviter de nous écarter des aspects essentiels de la Déclaration et de son suivi.
Concernant le paragraphe 5, nous formulons deux positions: notre opposition au protectionnisme et notre appui aux principes de l'avantage comparatif. Nous nous opposons systématiquement au protectionnisme et nous maintiendrons notre engagement. Nous avons toujours pensé que ceux qui sont les plus farouchement opposés à la Déclaration et à son suivi sont ceux qui présentent la menace la plus sérieuse de protectionnisme en cherchant à élever un mur totalement irréaliste entre les impératifs des droits des travailleurs et la libéralisation des échanges.
Pour notre part, nous nous opposons aussi à toute forme de protectionnisme qui chercherait à occulter les droits fondamentaux des travailleurs relevant de la Déclaration et de son suivi.
Le paragraphe 5 ne peut poser de limites juridiques ou autres, à nos politiques commerciales. Cela ressort d'ailleurs clairement du rapport VII. A l'OIT rien ne peut être fait qui aille à l'encontre des droits et obligations de ses Membres, et rien de ce qui est fait à l'OMC ne peut avoir une incidence sur ce que nous faisons en matière de commerce et de normes du travail. Rien ne peut non plus limiter ici la liberté d'expression en la manière dont on souhaitera se référer à cette Déclaration et à son suivi à l'avenir.
La Déclaration de Philadelphie a non seulement souligné l'importance de la liberté syndicale; elle a aussi mis en relief la liberté d'expression.
Nous souhaiterions remercier de tout cœur le président de notre commission, l'ambassadeur Moher, pour sa compétence dans la direction de ces travaux.
Notre Directeur général a fait preuve de clairvoyance, ce qui nous a permis de déboucher sur un résultat concret aujourd'hui. Nous devons aussi reconnaître toutefois que nous avons bénéficié d'une grande collaboration entre les travailleurs et les employeurs. Les interventions de MM. Potter et Brett ont joué un rôle essentiel dans les résultats obtenus.
L'OIT a une nouvelle chance d'assumer un rôle de chef de file pour le prochain siècle et il aurait été impensable d'échouer dans notre effort. Mais je crois qu'aujourd'hui nous travaillons véritablement dans l'esprit le plus positif pour représenter les espoirs de tous les peuples du monde entier.
Pour les Etats-Unis d'Amérique, la séance d'aujourd'hui nous rappelle le lien privilégié que nous avons avec cette Organisation, car si l'on a souvent relevé que les Etats-Unis n'avaient pas été membres de la Société des Nations, on oublie souvent que l'OIT est la seule organisation de la Société des Nations dont nous sommes devenus Membre et que cette Organisation est la seule à avoir survécu au désastre de la seconde guerre mondiale.
Aujourd'hui encore, nous avons l'occasion de nous rappeler pourquoi l'OIT occupe une place particulière dans l'histoire de notre participation aux organisations internationales et pourquoi notre Secrétaire d'Etat au Travail, Frances Perkins, sous la présidence du Président Franklin Roosevelt, a consacré tant d'énergie à cette Organisation.
Je terminerai mes observations en rappelant les paroles du Président Roosevelt, qu'il avait demandées à Madame Perkins de transmettre aux auteurs de la Déclaration de Philadelphie en avril 1944: «Je vois dans l'Organisation internationale du Travail un instrument permanent d'un caractère représentatif pour l'élaboration d'une politique internationale en ce qui concerne les questions affectant directement le bien-être des travailleurs et pour la collaboration internationale en ce domaine. Je l'envisage comme un organisme ayant l'autorité nécessaire pour formuler et assurer l'adoption des normes minima fondamentales qui doivent être appliquées aux conditions de travail dans le monde entier. Mais plus encore que cela, l'Organisation doit être l'organe de décision et d'action dans les questions économiques et sociales relatives au bien-être de la population laborieuse, qui présentent un intérêt pratique pour l'industrie et tendent à augmenter les possibilités d'un niveau de vie convenable pour les peuples du monde entier».
Pour nous, l'avenir de cette Organisation est aussi important aujourd'hui qu'il l'était alors et aujourd'hui, je vois que nous sommes fidèles à nos engagements du passé et nous espérons que l'histoire en jugera ainsi.
Original anglais: M. DOUGLAS (délégué des travailleurs, Nouvelle-Zélande) -- En Nouvelle-Zélande, nous avons un proverbe que nous utilisons quand il se passe quelque chose d'important, et qui dit «C'est un grand jour pour les Irlandais». Je ne sais pas exactement pourquoi on dit ça, mais en tout cas, le jour que nous vivons aujourd'hui sera à marquer d'une pierre blanche pour l'OIT. Quand j'étais un très jeune homme, j'ai eu le privilège de rencontrer la personne qui présidait la Conférence de Philadelphie, et qui est devenue par la suite premier ministre de la Nouvelle-Zélande; je veux parler de Walter Nash. A propos de cette Conférence de Philadelphie, il m'a dit que ses participants n'avaient pas saisi sur le moment la portée de ce qu'ils étaient en train de réaliser. La réunion d'aujourd'hui me donne la même impression. Aujourd'hui, plus personne ne remet en question la Déclaration de Philadelphie, qui dit en termes forts que le travail n'est pas un bien comme les autres, qui peut se négocier et se marchander. La Déclaration de Philadelphie apporte un minimum de décence dans un monde rendu complexe par la mondialisation. Si je suis venu à cette tribune, c'est pour parler au nom des travailleurs de Nouvelle-Zélande, mais aussi pour vous dire que l'antenne régionale Asie-Pacifique de la CISL, qui représente 27 pays et 30 millions de travailleurs, appuie avec enthousiasme les résultats de cette réunion. Nous nous efforçons depuis longtemps de nous adapter à la mondialisation. Nous avons dépensé beaucoup de temps et d'énergie à réfléchir au rôle que doivent jouer les travailleurs et les syndicats dans cette période de restructuration du capital mondial. Nous sommes arrivés à cette conclusion fondamentale qu'il ne peut y avoir de développement durable sans démocratie, et la déclaration exprime concrètement cette idée. Nous constatons que les difficultés qu'a connues la région de l'Asie font suite à une période de croissance sans précédent, qui n'a hélas pas permis d'améliorer le sort des travailleurs, bien au contraire. Les événements d'Indonésie sont venus nous rappeler fort opportunément que si le peuple ne participe pas à la vie démocratique, et si les droits des travailleurs ne sont pas respectés, il faut s'attendre à des troubles sociaux. Je pense que cette Déclaration peut permettre à l'OIT d'acquérir une nouvelle dimension. En ces temps de mondialisation, l'OIT devrait primer toutes les organisations internationales.
Je voudrais maintenant aborder une question qui préoccupe tout particulièrement les gouvernements et les travailleurs de la région de l'Asie et du Pacifique, à savoir le protectionnisme. Nous sommes contre le protectionnisme. L'important pour nous n'est pas de préserver un avantage relatif au détriment des autres, mais de libérer la créativité des peuples en permettant aux individus de se réaliser pleinement, principe qui constitue le fondement même de cette Organisation.
Nous espérons que l'on arrivera à un tel résultat, parce que nous pensons que jusqu'ici les institutions de Bretton Woods et en particulier la Banque mondiale et le FMI, et surtout le FMI dans ses programmes d'ajustement structurel, n'ont pas accordé une attention suffisante à la dimension sociale. Elles n'ont pas tenu compte des principes de notre Organisation. Ceux qui craignent que ces organisations s'occupent de ce domaine passent à côté de l'essentiel. Rien ne sert de créer la richesse si on ne songe pas à atténuer la pauvreté. Quand le Président des Philippines, M. Fidel Ramos, a rencontré les syndicats de la région Asie-Pacifique, lors d'un forum de l'IPEC organisé aux Philippines à l'intention des chefs de gouvernements, il nous a expliqué cela avec force. Si l'objectif de l'intégration régionale n'est pas la lutte contre la pauvreté, il ne sert à rien d'agir. Nous sommes entièrement d'accord avec cette façon de voir les choses.
Nous espérons que, grâce aux travaux réalisés à cette session de la Conférence, celle-ci approuvera à l'unanimité et avec enthousiasme ce document. Il ne devrait pas y avoir un seul vote contre cet instrument et, si c'était le cas, cela remettrait en question les principes mêmes qui en sont les fondements. Les votants sont beaucoup plus nombreux ici qu'à Philadelphie où ils n'étaient que 41.
Cette session de la Conférence est suivie de près. Nous, dans la région de l'Asie et du Pacifique qui sommes affiliés à la CISL, sommes convaincus que cette session est un événement marquant dans l'histoire de cette Organisation. C'est avec grand plaisir que plus tard nous dirons «nous y étions».
Je voudrais remercier MM. Potter et Brett, nos camarades qui sont parmi les meilleurs négociateurs que je n'ai jamais rencontrés. Ils ont fait un excellent travail et comme à un arbitre à un match de rugby, je dirais: vous avez bien fait votre travail.
Original anglais: M. NKOSI (délégué gouvernemental, Afrique du Sud) -- La délégation sud-africaine aimerait dire combien elle apprécie et admire le rôle éminent qu'a joué M. l'Ambassadeur Moher, qui a présidé la Commission de la Déclaration de principes.
Tout au long de nos discussions, M. Moher a fait preuve d'une détermination sans laquelle nous aurions difficilement pu aboutir à ces résultats. Les conclusions de la commission n'inspireront pas seulement les générations actuelles, elles continueront d'inspirer les générations suivantes dans leur quête de justice sociale.
Ma délégation s'enorgueillit du fait qu'elle a pu participer à ces discussions historiques en tant que Membre à part entière et que représentant du gouvernement démocratique d'Afrique du Sud.
Pendant ces discussions, nous avons été guidés par le désir authentique de faire appel à la communauté internationale. Nous sommes convaincus que les fruits de la mondialisation et de la libéralisation des échanges devraient se traduire par le progrès social et, en fin de compte, la justice sociale.
Aujourd'hui, et non pas demain, l'OIT doit affirmer son rôle dans ce domaine et s'employer activement à résorber les déficits sociaux. Il est juste et souhaitable, personne ne le conteste, d'aider les êtres humains à vivre une vie plus riche et plus intense, dans la dignité, une vie qui leur permette d'exploiter au mieux leurs talents individuels. La misère des plus vulnérables peut en effet provoquer des bouleversements et des destructions qui menacent l'humanité.
Nous espérons que cette Déclaration sera utilisée sagement et servira à promouvoir la ratification universelle ainsi que le respect des valeurs et principes consacrés dans les sept conventions fondamentales de l'OIT. Nous espérons également qu'elle encouragera les autorités compétentes à harmoniser leur législation et leur pratique avec ces valeurs et principes.
L'adoption de cette Déclaration à l'occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme constitue un acte d'une portée internationale remarquable. Par cette Déclaration, l'OIT envoie un message fort à la communauté internationale quant à ses compétences, son mandat et sa pertinence. Cette Déclaration est le résultat d'années de débats intenses et parfois animés. Il est regrettable qu'après maints efforts visant à instaurer un consensus la Commission de la Déclaration de principes n'ait pas eu d'autre choix que de procéder à un vote sur les amendements et le texte. Ma délégation espère sincèrement que la présente séance plénière adoptera à l'unanimité cette Déclaration sans recourir à un vote.
Le texte dont nous sommes saisis est la réponse la plus dynamique et la plus complète que l'on puisse faire à la dimension sociale de la libéralisation du commerce. J'aimerais souligner toutefois que ma délégation n'appuiera quelque tentative que ce soit pour utiliser cette Déclaration à des fins protectionnistes ou à des objectifs commerciaux intéressés. Nous veillerons toujours à réaffirmer les principes et valeurs fondamentaux de l'OIT.
Pour conclure, je peux vous assurer que le gouvernement de la République d'Afrique du Sud fera encore du chemin avec vous et travaillera à la réalisation des objectifs de la Déclaration de Genève.
Original anglais: M. OWUOR (délégué des employeurs, Kenya) -- J'aimerais me rallier à ceux qui ont félicité le président de la commission, l'Ambassadeur Moher, de ses efforts extraordinaires qui ont permis à la commission d'adopter un texte de Déclaration largement accepté.
Au début des travaux de la commission, certains craignaient que celle-ci ne parvienne pas à un accord sur le texte de la Déclaration.
Ces craintes se fondaient sur un certain nombre de suppositions notamment le fait que la Déclaration et son mécanisme de suivi imposeraient de nouvelles obligations constitutionnelles aux Etats Membres, le fait qu'ils imposeraient aux Etats n'ayant pas ratifié les conventions fondamentales des obligations comparables à celles de ces instruments, le fait qu'il y aurait un double examen imposé à certains Etats Membres et le fait que la Déclaration serait utilisée à des fins protectionnistes ou pour instaurer des mesures commerciales protectionnistes, ou pour remettre en question l'avantage comparatif des pays.
Toutefois, grâce à ses qualités de chef, à sa ténacité, à sa patience, à sa diplomatie et à sa souplesse, le président a pu dissiper toutes ces craintes et faire avancer les travaux afin de parvenir à «un cheveu» du consensus sur le texte de la Déclaration, pour reprendre la formule utilisée par le délégué du Royaume-Uni au paragraphe 382 du rapport.
Ce texte est un document de compromis. Le délégué gouvernemental de la Namibie, intervenant au nom de seize pays africains, a déclaré, comme cela est indiqué au paragraphe 336, qu'il n'était pas possible de satisfaire pleinement tout le monde. Il a rappelé à cet égard que bien qu'il ait perdu certains de ses arguments, le groupe appuierait la Déclaration parce qu'il souhaitait un texte acceptable même s'il ne répondait pas à l'ensemble de ses préoccupations.
Le texte proposé contient une clause de sauvegarde empêchant l'utilisation de la Déclaration à des fins protectionnistes et la remise en cause de l'avantage comparatif de tout pays.
Nous avons une Déclaration qui n'est pas contraignante juridiquement, sa nature est promotionnelle et son mécanisme de suivi s'inscrit dans le cadre de la Constitution.
Cela nous permettra, indépendamment du Programme IPEC, de mobiliser des ressources afin d'aider les pays. Grâce à ses programmes de coopération technique, l'OIT pourra aider les Etats Membres à observer les droits fondamentaux au travail. En adoptant cette Déclaration, les mandants de l'OIT vont dire «Non» au travail des enfants et à ses pires formes, «Non» à la violation de la liberté syndicale, de la part des travailleurs ou des employeurs, «Non» au travail forcé, «Non» à la discrimination au travail et «Non» à l'inégalité des salaires pour un travail égal.
La Déclaration a réaffirmé le rôle de l'OIT en tant qu'organisation internationale mandatée par sa Constitution et organe compétent pour établir les normes internationales du travail et s'en occuper et promouvoir les droits fondamentaux au travail.
En adoptant cette Déclaration, les délégués de la 86e session de la Conférence internationale du Travail ont le privilège de s'atteler à une tâche historique qui rappelle la fondation de l'Organisation, en 1919, et la Déclaration de Philadelphie en 1944.
Les délégués rassemblés ici devraient envoyer un message collectif au reste du monde, en adoptant une Déclaration qui serve de texte de référence et de lumière d'espoir pour la promotion des droits fondamentaux au travail. J'invite les délégués à adopter cette Déclaration et son mécanisme de suivi par consensus.
Pour conclure, j'aimerais remercier M. Brett, porte-parole des travailleur, et M. Potter, porte-parole des employeurs, de leur aptitude au compromis qui a permis à la commission d'adopter cette Déclaration.
Original anglais: M. SHINGUADJA (délégué gouvernemental, Namibie) -- Permettez-moi de dire quelques mots à propos de la Déclaration. Comme l'a dit notre président, c'est une Déclaration à laquelle nous sommes parvenus après de dures négociations. A un moment, la Commission de la Déclaration de principes se trouvait face à un dilemme quant à la direction à prendre. Elle a compris qu'il fallait faire quelque chose de sérieux, et c'est alors qu'un texte combiné, comme vous dites, a été rédigé. Et c'est précisément à ce moment que les travaux se sont enlisés.
Il n'a pas été facile de rédiger le texte que nous avons maintenant sous les yeux mais, après des négociations sérieuses et des réflexions approfondies, nous avons pu établir ce document.
Je ne vais pas reprendre tout ce qui s'est passé, mais je juge nécessaire de souligner certaines questions et de rendre hommage à certains de nos collègues, sans lesquels tout cela n'aurait pas été possible.
J'aimerais tout d'abord parler de M. Brett, le porte-parole des travailleurs. Il a fait preuve, une fois de plus, de sa capacité de mener les débats et de défendre les droits des travailleurs. Tous ceux présents pendant ses interventions ont pu le constater. Lorsqu'il y avait désaccord entre M. Brett et le groupe gouvernemental africain, que je coordonnais, il s'agissait toujours de questions d'intérêt national.
Par ailleurs, je dois reconnaître également que M. Potter a très bien joué son rôle de chef de file dans les rangs des employeurs. M. Potter s'est révélé un homme d'affaires moderne dans un monde moderne. C'est lui, en effet, qui a remarqué qu'il semblait y avoir, dans le texte espagnol, une erreur d'interprétation de l'expression «liberté syndicale». Ce fut pour nous une remarque fondamentale. Si ce texte est mal interprété, le BIT devra réfléchir à la question.
S'agissant des gouvernements, j'aimerais dire que j'admire les qualités de négociateurs et le talent de diplomates de certains de mes collègues. J'aimerais rendre hommage, en particulier, à l'ambassadeur du Brésil, qui a fait preuve d'une grande honnêteté et d'une grande clairvoyance, et lui dire «muito obrigado».
J'aimerais rendre hommage aussi à l'ambassadeur de la Hongrie pour sa patience que nous n'oublierons pas, ainsi qu'à l'ambassadeur du Mexique, très avisé et qui a fait preuve d'un grand professionnalisme, à l'ambassadeur de l'Inde, si compétent pour les questions juridiques, à l'ambassadeur du Pakistan pour sa contribution aux questions d'intérêt national, au porte-parole du Japon et du groupe Asie-Pacifique pour sa présentation soigneuse et équilibrée, mais parfois un peu délicate à manier, à la porte-parole de l'IMEC pour sa franchise, son ouverture -- elle était prête en effet à partager ses vues afin d'éviter tout malentendu.
J'aimerais également rendre hommage à l'ambassadeur d'Egypte, qui n'a pris la parole que pour faire avancer le débat, et toujours en justifiant son point de vue: c'était très important pour les nouveaux venus à la commission et pour les retardataires.
J'aimerais maintenant remercier mon propre groupe, le groupe africain, pour l'appui technique qu'il m'a donné avec beaucoup de compétence et qui m'a permis de guider ces négociations. Si j'ai parfois hésité, ou reculé, ce n'est pas par manque de courage, mais pour des raisons tactiques: il faut parfois savoir reculer pour pouvoir ensuite avancer.
Tous ces travaux ont eu lieu sous la direction avisée de M. l'ambassadeur Moher. Il a fait preuve d'une grande cohérence, d'une grande patience, et il possède l'autorité voulue pour diriger les travaux d'une telle assemblée.
Enfin, j'aimerais remercier les interprètes qui ont travaillé très dur, et qui nous ont permis de donner forme à ce texte.
J'invite les participants à adopter cette Déclaration. En l'adoptant, vous édifiez un pont, un pont qui nous permettra de franchir ce siècle, qui nous permettra d'aborder le troisième millénaire.
Il nous faut traverser ce pont, il y va de l'avenir de l'Organisation, de sa capacité de s'adapter au XXIe siècle.
Original anglais: M. JONZON (délégué gouvernemental, Suède) -- Lorsque j'ai demandé la parole, il y a quelques heures, je voulais lire un discours bien préparé qui vous inciterait à réfléchir, mais l'heure avance et j'ai changé d'avis. Je ne pense pas que vous le regretterez.
J'aimerais faire deux observations très brèves. La première est évidente. J'aimerais me rallier aux félicitations qui ont été exprimées ici. La deuxième est une observation de fond. Il y a quatre ans, les chefs d'Etat et de gouvernement nous ont donné des devoirs à faire. Grâce aux contributions très précieuses d'aujourd'hui, je pense que nous avons accompli notre tâche.
Rappelez-vous ce qu'a dit Nelson Mandela: «Finissons le chemin ensemble.» Finissons donc le chemin ensemble et adoptons cette Déclaration par consensus et avec de longs applaudissements.
Original allemand: M. THÜSING (délégué des employeurs, Allemagne) -- La Déclaration est née de certaines craintes et de certaines attentes. Plusieurs voudront aller de l'avant mais il y a encore quelques préoccupations car cette Déclaration a fait l'objet de discussions longues et animées.
Ce que certains craignaient par-dessus tout, c'était que cette Déclaration serve à établir un lien entre les principes qui régissent l'OIT et des mesures de politique commerciale, et que les mesures de suivi dépassent la compétence de l'Organisation internationale du Travail. Les employeurs éprouvaient les mêmes préoccupations et les délégués qui sont intervenus ici nous l'ont confirmé. Comment les employeurs d'un pays pourraient-ils être moins préoccupés par des restrictions commerciales que le gouvernement de ce pays? Mais M. Potter, le vice-président des employeurs à la commission, a expliqué pourquoi les employeurs approuvent pleinement le projet de déclaration sous sa forme actuelle, et je n'ai rien à ajouter à ce qu'il a dit.
Ce qui est important, c'est que cette Déclaration leur paraît très claire et ne contienne plus rien qui puisse servir de prétexte ou de raison à des mesures commerciales protectionnistes. Comme il ressort du rapport de la commission et du débat que nous avons eu aujourd'hui, c'est la conviction de chacune des personnes qui a pris la parole ici. Et s'il y a un gouvernement qui hésite encore, je pense que nous devons comprendre ses raisons. Aucun gouvernement, lorsqu'il s'agit d'une question aussi délicate sur le plan politique, ne se tiendra volontiers en marge, avec le risque de devoir faire face à l'opinion publique et à d'éventuelles critiques, s'il n'est pas convaincu du bien-fondé de sa position.
Je comprends les raisons qui inspirent certaines délégations gouvernementales. Je pense qu'il faut tenir compte des positions de ces gouvernements et leur dire qu'ils n'ont pas de raisons de s'inquiéter. Je voudrais faire tout ce qui est possible à cette fin. C'est pourquoi je voudrais que soit consigné dans le compte rendu de la Conférence que je donne l'assurance que les employeurs s'opposeront à toute tentative d'utilisation ou d'interprétation de la Déclaration ou des mesures de suivi, d'une manière directe ou indirecte, qui n'en respecterait pas l'esprit et la lettre, tels qu'ils figurent dans le rapport.
Nous nous opposerons à toute utilisation abusive de cette Déclaration. Les employeurs s'y opposeront avec autant de détermination qu'ils en mettent à approuver cette Déclaration sous sa forme actuelle. Ce faisant, je parle non seulement comme délégué des employeurs allemands, mais aussi en ma qualité de président de l'ensemble du groupe des travailleurs. Si cela pouvait convaincre certains gouvernements de joindre leur voix à celle des autres pour que cette Déclaration puisse être adoptée par consensus, je crois que ce serait un grand moment pour nous tous.
Original espagnol: M. LOAYZA BAREA (délégué gouvernemental, Bolivie) -- Je tiens à remercier le président de la commission, M. l'ambassadeur Moher, des efforts qu'il a déployés. Après ce qu'il a dit dans son intervention d'aujourd'hui, le gouvernement de la Bolivie souligne l'importance de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux du travail et de son mécanisme de suivi.
C'est la raison pour laquelle nous accepterons de nous rallier au consensus. Nous le faisons car nous pensons que le texte de la Déclaration de principes et le texte de l'annexe concernant le suivi de la Déclaration indiquent clairement que ces documents ne pourront pas être utilisés pour justifier l'adoption ou la promotion d'actions ou d'instruments unilatéraux, multilatéraux ou collectifs, y compris les mesures commerciales qui mettraient en cause l'avantage comparatif de certains pays, en particulier les pays en développement.
Je voudrais insister sur le fait que la pauvreté est un facteur fondamental qui empêche de respecter les droits fondamentaux, d'où la nécessité d'intensifier nos efforts pour l'éliminer et assurer un développement économique fondé sur la justice, l'égalité et la solidarité.
Original anglais: M. LYNE (conseiller technique gouvernemental, Royaume-Uni ) -- Le représentant du groupe de l'Asie et du Pacifique a dit que les discussions avaient été longues et parfois difficiles. Je croyais que l'euphémisme était l'apanage des Britanniques et d'ailleurs M. W. Brett, du groupe des travailleurs, a recouru à cette figure de rhétorique pour décrire les délibérations de la commission, dont il a dit qu'elles avaient été les plus difficiles et les plus épuisantes auxquelles il ait jamais participé à l'OIT.
Etant donné que M. Brett a une longue expérience en tant que bon négociateur, c'est un hommage qui est rendu à certains délégués de la commission. Peut-être puis-je, moi aussi, d'une part, rendre hommage à MM. Brett et Potter pour la manière dont ils ont assumé leur rôle de porte-parole de leurs groupes respectifs durant ces débats et, d'autre part, aux délégués gouvernementaux de diverses régions et de divers continents, qui ont apporté une contribution lors de discussions officieuses puis officielles qui ont duré tout au long de l'année dernière et qui nous ont conduit, comme je l'espère, à un résultat fructueux.
Je voudrais également, comme d'autres orateurs, rendre un fervent hommage à M. l'ambassadeur Moher, du Canada, mais je l'ai déjà fait à la commission. Par conséquent, je n'ai pas l'intention de répéter ce que j'ai dit à la fin de la dernière séance de la commission, et l'un des orateurs précédents, M. Tom O'Rohr, a déjà cité les propos que j'avais tenus. Je voudrais tout simplement dire que les propos que j'ai tenus au sujet des efforts de M. Moher étaient tout à fait sincères, et c'est un aveu rare de la part d'un diplomate. Cet après-midi, il y a un petit risque que nous nous laissions emporter par l'euphorie à la fin de ce marathon. Je voudrais tout simplement formuler trois remarques en ce qui concerne la Déclaration que nous sommes sur le point d'adopter.
Je dirai tout d'abord que l'expression «la communauté internationale» est souvent utilisée à tort et à travers. Nous aimons dire que la communauté internationale attend ceci ou cela alors qu'en fait c'est notre délégation qui attend ceci ou cela. Mais je pense que nous vivons l'une des occasions où nous pouvons dire que la Conférence internationale du Travail accomplit ce que la communauté internationale, au sens le plus large du terme, attend d'elle.
Il y a une attente. Il y a le souhait que l'Organisation multilatérale qu'est l'OIT travaille de manière efficace, plus énergique et plus constructive et prenne des initiatives afin de promouvoir les normes du travail. C'est l'une des questions importantes qui se posent à propos des activités de l'OIT, et si nous n'avions pas donné à l'OIT le mandat que nous lui confions, et si nous ne l'avions pas chargée de poursuivre ses activités constructives dans ce domaine, alors nous n'aurions pas été fidèles à l'Organisation et nous n'aurions pas répondu à l'attente de l'opinion publique du monde entier, qui attend cela de nous. Nous avons évité ces travers.
Ma délégation comprend les préoccupations exprimées par les représentants de nombreux pays qui redoutent que la Déclaration puisse être utilisée à des fins protectionnistes. Toute personne qui lit cette Déclaration comprendra que ce n'est nullement son objectif. En fait, il n'est pas nécessaire de le faire, et si quelqu'un veut recourir à des mesures protectionnistes, il n'a pas besoin de la Déclaration pour justifier ces mesures. Et le Royaume-Uni, en tout cas, n'a pas l'intention d'utiliser cette Déclaration à des fins autres que celles pour lesquelles elle a été rédigée et je pense que c'est le cas de tous les Membres de l'OIT, qui ont collaboré et se sont donné tant de mal pour atteindre cet objectif.
Troisièmement, nous ne pouvons pas considérer que nous avons terminé la tâche qui nous a été confiée. Nous avons certes élaboré une Déclaration, mais maintenant il faut voir comment elle sera appliquée et quelle suite lui sera donnée. Nous avons donné au BIT des indications précises sur ce que nous attendons de lui, mais il y a encore un travail considérable à accomplir pour que nous ayons vraiment des résultats utiles et bénéfiques pour tous, comme nous le souhaitons. Telle est, en tout cas, l'intention de ma délégation et de mon gouvernement.
Aujourd'hui, nous accomplissons un pas relativement modeste. C'est un petit pas qui, je l'espère, sera approuvé par tous, mais c'est néanmoins un début important. Il ne s'agit pas d'une mesure qui menace quiconque ou quelque pays que ce soit. Il s'agit d'une Déclaration qui est appuyée par la majorité écrasante des Membres de l'Organisation et je ne vois vraiment pas pourquoi cette Déclaration ne serait pas adoptée par consensus, avec l'appui de tous, et j'espère que ce sera le cas. Je vous remercie.
Le PRESIDENT -- La discussion du rapport de la Commission de la Déclaration de principes a été particulièrement riche et apporte au sujet un éclairage intéressant et significatif. Je pense pouvoir dire que cette discussion fait honneur à notre Organisation.
L'exposé du président de la commission, comme ceux des vice-présidents, apporte des clarifications utiles sur des points dont la rédaction a été difficile.
Comment s'étonner que, sur un texte aussi capital, il n'ait pas été aisé d'arriver à des accords qui tiennent compte des intérêts en jeu.
Cette Déclaration est une victoire pour l'OIT, donc une victoire pour tous ses Membres, sans exception. Elle confirme notre rôle spécifique dans le système des Nations Unies. Elle ne vise pas à punir mais à promouvoir nos valeurs fondamentales.
Le président de la commission s'est référé au caractère promotionnel du paragraphe 3, qui encourage d'autres organisations internationales à soutenir les efforts de nos Membres. Je voudrais ajouter que ce paragraphe s'adresse d'abord à l'OIT et que l'OIT c'est vous, et qu'elle ne fera rien sans vous.
La deuxième question, également évoquée par le président de la commission, concerne le paragraphe 5. On a regretté que ce langage, pourtant calqué sur celui de la Déclaration finale de Singapour, soit trop restrictif.
En lisant le texte de la Déclaration à la lumière du rapport VII, il me semble cependant clair que la Déclaration ne saurait, de toute façon, être utilisée à des fins incompatibles avec les règles, disciplines et obligations auxquelles les Membres de l'OIT pourraient avoir souscrit par ailleurs sur un plan multilatéral.
La Conférence prend note, évidemment, de tout ce qui a été dit dans cette discussion et notamment des réserves, des objections et des commentaires qui ont été formulés par les différents orateurs.
Aucun orateur n'a demandé de vote. Je considère donc que s'il n'y a pas objections, le texte de la Déclaration est ...
Le PRESIDENT -- Je donne la parole à M. Elamawy, ministre de la Main-d'œuvre et de l'Emigration, Egypte, au sujet d'une question d'ordre.
Original arabe: M. ELAMAWY (ministre de la Main-d'œuvre et de l'Emigration, Egypte) -- Je vous remercie, Monsieur le Président, des explications que vous avez données en ce qui concerne le débat. Toutefois, nos préoccupations n'ont pas disparu et, pour de nombreux pays, la Déclaration demeure une source de soucis. C'est pourquoi, au nom de mon pays, je propose que cette question soit mise aux voix.
Original arabe: M. HATEM (délégué gouvernemental, République arabe syrienne) -- Dans un certain nombre d'interventions, ces derniers temps, nous avons indiqué à maintes reprises que nous approuvions une Déclaration qui serait conforme aux principes et valeurs de la Constitution et de la Déclaration de Philadelphie. Nous avons répété de nombreuses fois que nous souhaitions une Déclaration qui soit au service de la classe ouvrière, car c'est la partie de la population qui est la plus productive. Nous avons dit à maintes reprises que nous appuierions une Déclaration qui tiendrait compte des conditions socio-économiques et du développement des divers pays. Nous l'avons dit en tant que pays membre du groupe asiatique et en tant que pays membre du groupe arabe mais, lorsque le texte de la Déclaration a été présenté, nous avons constaté que nos revendications n'avaient pas été prises en considération, ce que nous regrettons. Nous pensons que la nouvelle Déclaration n'ajoute rien de nouveau à la Constitution et à la Déclaration de Philadelphie. Par conséquent, la délégation de la République arabe syrienne appuie la proposition formulée par le représentant de la République arabe d'Egypte.
Original anglais: M. BRETT (délégué des travailleurs, Royaume-Uni) -- Il est regrettable que l'on ait demandé un vote et que ce soit le ministre de l'Egypte, mon ami M. Elamawy, un syndicaliste bien connu. Mais s'il doit y avoir un vote, je demande, au nom du groupe des travailleurs, que ce soit un vote par appel nominal.
Le PRESIDENT -- En vertu de l'article 19, paragraphe 6, du Règlement, il doit être procédé à un vote par appel nominal si le président d'un groupe en fait la demande; c'est le cas, puisque M. Brett est le président du groupe des travailleurs. Par conséquent, nous allons procéder à un vote par appel nominal. Cependant, je vous propose tout d'abord d'adopter le rapport de la commission, c'est-à-dire les paragraphes 1 à 383. S'il n'y a pas d'objections, je considérerai que le rapport est adopté.
(Le rapport, paragraphes 1 à 383, est adopté.)
Vote par appel nominal sur la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi
Le PRESIDENT -- Nous allons maintenant procéder à un vote par appel nominal sur le projet de Déclaration de l'OIT.
(Il est procédé à un vote par appel nominal.)
(Les résultats détaillés du vote figurent à la fin du compte rendu de la séance.)
Le résultat du vote est le suivant: 273 voix pour, 0 voix contre, avec 43 abstentions. Le quorum étant de 264 et la majorité requise de 137, la Déclaration et son suivi sont adoptés.
(La Déclaration et son suivi sont adoptés.)
Je voudrais, à cette occasion, comme certains l'ont dit historique, remercier avant tout le président de la commission. Je crois qu'il devra attendre sa retraite avant de recevoir autant de compliments que ceux qu'il a reçus aujourd'hui. Je voudrais remercier également les membres du bureau, MM. Potter et Brett, le secrétariat et les membres de la commission. Tous ont bien mérité de l'Organisation internationale du Travail. Je tiens enfin à remercier tous ceux qui ont tant travaillé au cours des précédentes années pour que ce résultat puisse être obtenu, et en particulier notre Directeur général; depuis des mois, il n'a épargné ni ses jours, ni ses nuits, pour que nous puissions adopter cette Déclaration, qui marque un moment décisif dans l'histoire de notre Organisation. A tous merci.