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87e session
Genève, juin 1999


Rapport de la Commission de l'application des normes

Rapport

Présentation, discussion et adoption
 

Original anglais: Le PRÉSIDENT -- Nous allons maintenant examiner le rapport de la Commission de l'application des normes. Deux documents ont été soumis au titre de cette question, le Compte rendu provisoire no 23, partie 1 et partie 2. Je donne la parole à M. Van de Ree, rapporteur de la commission, qui va nous présenter son rapport.

Original anglais: M. VAN DE REE (délégué gouvernemental, Pays-Bas; rapporteur de la Commission de l'application des normes) -- C'est un honneur pour moi et un véritable plaisir de prendre la parole cette année en plénière pour vous présenter le rapport de la Commission de l'application des normes. Je ne suis pas membre de la commission depuis très longtemps et je dois bien admettre que c'est la première fois en fait que j'assiste à la présentation du rapport en plénière.

J'aimerais entamer mon discours par une note un peu personnelle avant d'aborder la partie la plus sérieuse de mon travail. Le travail de la Commission de l'application des normes n'est pas connu de tous ceux qui participent à la Conférence. C'est peut-être lié au fait que la commission doit mener ses activités dans une autre partie du monde, à savoir le bâtiment du BIT. Cela demande déjà un effort pour s'y rendre. Cela peut être lié également au fait que notre travail n'est pas considéré comme très enthousiasmant. Pour utiliser un autre terme, je pense que l'on pourrait dire que ce n'est pas «cool», pour employer le langage de mes enfants, deux adolescents qui pensent que le travail que je fais ici n'a rien de «cool».

Quoi qu'il en soit, je crois que nous menons des activités qui sont fort importantes. En tant que rapporteur de la Commission de l'application des normes, je pense qu'il faut également veiller aux relations publiques, et, pour ce faire, informer ceux qui ne connaissent pas le travail de la commission.

Au sein de la commission, nous participons, en fait, à des débats tout à fait francs, critiques mais constructifs et tripartites, dont le seul objectif est de faire progresser les Etats Membres dans l'application des normes internationales du travail. Généralement, nous le faisons dans un esprit de bonne volonté et, comme je l'ai dit, dans un esprit critique mais constructif. Au fil des années, la commission s'est fait une réputation de conscience morale de la Conférence internationale du Travail. Il fallait évidemment répondre aux attentes qui découlent de cette réputation cette année. Autrement dit, il fallait être un acteur essentiel du mécanisme de surveillance de l'OIT, mécanisme qui permet de surveiller l'exécution des normes et conventions qui sont adoptées par la Conférence. Cet exercice se fonde sur l'examen de rapports périodiques qui sont envoyés par les gouvernements. Après un premier examen de ces rapports par la commission d'experts, c'est à notre commission qu'il incombe de discuter, dans un cadre tripartite, des différentes questions qui sont soulevées par les experts dans leur rapport. Notre commission s'efforce, dans le cadre d'un dialogue ouvert avec les gouvernements intéressés, de trouver des solutions aux problèmes et difficultés qui ont été identifiés. Il est évident que la ratification d'une convention montre qu'un gouvernement a l'intention de s'acquitter des obligations qui en découlent. C'est en tout cas sur cette hypothèse que nous nous fondons dans notre travail.

Ce qui est aussi évident, c'est que dans notre commission il y a évidemment des divergences d'opinions quant à la mise en œuvre des conventions et c'est là que nous prenons connaissance dans les cas très sérieux des incidences en ce qui concerne l'application des principes comme l'abolition du travail forcé, la liberté syndicale ou la négociation collective. Nous prenons connaissance également de la disparition de tel ou tel syndicaliste ou des conditions épouvantables dans lesquelles certains enfants sont obligés de travailler.

En tant que membre de la commission, après avoir entendu ces récits, parfois de la bouche même des victimes de ces pratiques, vous ne pouvez pas oublier. Comme je vous l'ai dit, je suis novice dans cette Commission de l'application des normes, mais je puis vous assurer que même les vieux routiers de cette commission sont toujours touchés par de telles histoires.

Il y a un autre aspect à notre travail, et c'est un aspect qui est assez gratifiant, je dois dire. De temps à autre, vous constatez que le travail qui est fait par la commission se concrétise. Laissez-moi vous donner un exemple.

L'année dernière, nous avons eu la visite de M. Pakpahan, syndicaliste qui avait été libéré récemment de prison et dont le cas était examiné par notre commission depuis des années. C'était un moment très émouvant. Notre rapport vous parlera également de cas dans lesquels il y a des progrès, et ce sont souvent des cas de violations des droits de l'homme. Nous pensons donc qu'il s'agit d'une preuve tangible de l'efficacité du mécanisme de surveillance auquel nous participons tous.

Bien sûr, notre travail au sein de la commission est, dans l'ensemble, exécuté sur une base extrêmement professionnelle et on s'efforce de laisser les émotions de côté même si, de temps à autre, vous constaterez que les passions se déchaînent pendant les débats. Nous suivons des procédures et des méthodes de travail bien précises, et cela retentit certainement sur l'image de marque de la commission. Mais je pense que c'est vraiment la bonne procédure à suivre, je pense même que c'est la seule façon de procéder si l'on veut que le système marche.

J'ai commencé par vous livrer quelques impressions personnelles. Maintenant que je l'ai fait, je vais passer à la partie la plus formelle de mon rapport.

Notre commission s'est vue chargée de la question 3 inscrite à l'ordre du jour de la Conférence: Informations et rapports sur l'application des conventions et des recommandations.

La base de notre travail est le rapport de la Commission pour l'application des conventions et recommandations.

Cette année, une fois de plus, pendant la discussion générale, nous avons eu l'honneur de recevoir la visite du président de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Sir William Douglas, et nous espérons le voir à nouveau l'année prochaine dans sa bonne forme habituelle et en bonne santé comme toujours.

La commission a entamé ses travaux par une discussion générale qui était divisée en deux parties. Tout d'abord, un débat général sur les questions liées à l'application des normes par les Membres, la deuxième partie étant consacrée à l'étude d'ensemble sur les travailleurs migrants.

La première partie de la discussion générale traitait de sujets tels que le travail forcé, les pièces d'identité des gens de mer, la politique de l'emploi, le travail des enfants ou le droit des peuples indigènes et tribaux. L'application des normes dans les zones franches d'exportation a, elle aussi, fait l'objet d'une discussion au cours de ce débat. Pendant les discussions, nous avons fait référence, notamment, au travail dans les prisons privatisées ou au travail en sous-traitance, et nous avons parlé du rapport sur l'emploi dans le monde et de son incidence et, s'agissant du travail des enfants, nous avons souligné l'importance du programme IPEC ainsi que de la nouvelle convention que cette Conférence vient juste d'établir, et ce à l'unanimité. Bien sûr, la Déclaration de l'OIT de 1998 a été mentionnée à plusieurs reprises. Dans la partie de notre rapport qui porte sur la discussion générale, vous trouverez également des informations sur les conventions qui ont été ratifiées jusqu'à maintenant. Nous avons eu le plaisir de découvrir que quatre nouvelles conventions entreront bientôt en vigueur. La convention no 177 sur le travail à domicile, la convention no 178 sur l'inspection du travail pour les gens de mer, la convention no 179 sur le recrutement et le placement des gens de mer et la convention no 181 sur les agences de placement privées. Ces conventions datent de 1996 et de 1997.

Cette année, c'est la deuxième et la dernière fois que nous avons eu une discussion sur un rapport spécial dont l'objet était une mini-étude effectuée au titre de l'article 19 de la convention. Il s'agit d'une étude sur quelques-uns des instruments fondamentaux de l'OIT. Cette procédure a notamment pour but d'établir pourquoi un Etat ne peut pas, on peut difficilement, ratifier telle ou telle convention fondamentale et, le cas échéant, de l'aider à ratifier ces conventions.

Cette année, nous nous sommes penchés sur la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et sur la convention no 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective. Dans ce contexte, je peux vous parler de la campagne de ratification portant sur les sept conventions fondamentales qui avait été lancée par l'ancien Directeur général en 1995, et de l'appel qu'avait lancé la commission en 1998 à l'occasion du 50e anniversaire de la convention no 87.

Dans notre rapport, vous trouverez également des chiffres montrant la progression tout à fait encourageante, de la ratification de ces instruments. C'était la dernière fois que nous avions un débat au titre de l'article 19 car ces rapports spéciaux ne seront plus demandés, le Conseil d'administration ayant décidé d'établir un mécanisme de suivi pour la Déclaration de l'OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail adoptée par la Conférence l'année dernière.

Un nombre assez élevé d'intervenants ont dit que le mécanisme de suivi de la Déclaration ne devrait pas remplacer le système habituel de surveillance de l'application des normes. Ce ne sont là que quelques morceaux choisis de la première partie de notre débat.

La deuxième partie, qui se fondait sur une étude d'ensemble, portait sur la question des travailleurs migrants. Les conventions de base sont la convention no 97 et la convention no 143 et, évidemment, il y a un lien avec la convention no 179 sur le recrutement et le placement des gens de mer, et avec la convention sur les agences de placement privées.

Pourquoi le Conseil d'administration a-t-il inscrit cette question à l'ordre du jour de cette Conférence? Eh bien, c'est notamment en raison du faible taux de ratification des conventions sur les travailleurs migrants. La convention no 97 a été ratifiée par 41 Etats, tandis que l'autre n'a été ratifiée que par 18 Etats, et 12 Etats seulement ont ratifié les deux conventions portant sur les travailleurs migrants. Le résultat des débats a été le suivant: la plupart des orateurs ont reconnu le caractère évolutif de la migration et ont constaté que les migrations étaient en progression. La participation de l'OIT sur ces questions a été reconnue par tous. Les opinions ont divergé toutefois sur la voie à suivre: élaboration d'un nouvel instrument, révision des normes existantes, organisation d'une réunion tripartite sur les travailleurs migrants ou discussion générale pendant la Conférence; toutes ces solutions ont été mentionnées. La discussion générale nous a occupés pendant la plus grande partie de la première semaine. A la fin de cette semaine, le document D.5 a été publié. Le document D.5 présente une sélection des cas pour lesquels les délégués gouvernementaux pourraient être invités à fournir d'autres informations à la commission. Vous y trouverez les cas dits automatiques ainsi que la liste.

Les cas automatiques correspondent aux gouvernements qui ne se sont pas acquittés de leur obligation de répondre aux commentaires qui avaient été faits par les experts ou de soumettre les instruments aux autorités compétentes. L'impression générale par rapport aux années précédentes est qu'il y a eu des progrès avec les cas automatiques. La place la plus importante a été accordée aux discussions portant sur les cas individuels. Les cas individuels qui étaient donc inscrits sur la liste.

J'aimerais répéter ce que j'ai dit auparavant quant au rôle de notre commission dans ce cadre. Nous examinons les mesures prises par les Etats Membres pour donner effet aux conventions auxquelles ils sont parties, et ce faisant, nous essayons de les aider à progresser dans la mise en œuvre de leurs obligations dans le domaine des normes internationales du travail.

La commission est un cadre qui permet de mener un dialogue critique et constructif et de procéder à des échanges de vues. Il ne s'agit pas d'un tribunal chargé de juger les gouvernements. Les discussions portant sur des cas individuels représentent la plus grande partie du travail. Cela indique l'importance relative de cette partie de notre travail. Les cas individuels sont traités dans la deuxième partie de notre rapport.

J'aimerais maintenant appeler votre attention sur les paragraphes 193 à 197 du rapport, où sont mentionnés les cas spéciaux de pays qui n'ont pas appliqué comme convenu les conventions ratifiées. Dans ces paragraphes, des mots très forts sont utilisés, comme par exemple, «la commission a profondément déploré» ou «elle a exhorté fermement», ou encore «elle s'est dite gravement préoccupée», «elle a noté avec une profonde préoccupation», «n'a pu que déplorer à nouveau», «extrêmement préoccupée», «en toute urgence».

Les pays visés dans ces paragraphes sont le Cameroun, en ce qui concerne l'application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que le Myanmar, pour ce qui est de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et, à nouveau, la convention (no 87).

S'agissant du Myanmar, la commission appelle également l'attention sur le fait qu'il s'agit d'un cas de défaut continu d'application des conventions nos 29 et 87. Les détails complets concernant ces deux cas se trouvent dans la deuxième partie du rapport.

J'en arrive maintenant à la partie agréable ainsi qu'à la fin de mon intervention. J'aimerais rendre hommage à M. Zenger ainsi qu'au dévouement et au professionnalisme de son équipe. Merci beaucoup à tous pour avoir mené à bien une tâche aussi difficile.

Je salue les interprètes, groupe de travailleurs que l'on oublie parfois de mentionner, pour la qualité de leur travail, qui, du peu que j'ai pu en juger, m'a semblé excellent.

Donc tous mes compliments. Puis, je me suis rappelé qu'en de telles occasions, on risque toujours d'oublier des gens. Donc je les remercie aussi.

J'ai pu remarquer de ma place, avec plaisir, la présence dans la salle, des deux vice-présidents de notre commission, M. Wisskirchen et M. Peirens, ainsi que de M. Sibanda, M. Fishman, M. Etty et M. Potter, qui étaient porte-paroles suppléants de leurs groupes.

Je suis très impressionné par le professionnalisme dont ils ont fait preuve et je me rends compte que j'ai encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre leur niveau, parce qu'ils ont placé la barre très haut.

J'en viens donc à mes derniers remerciements. J'aimerais remercier notre présidente, Mme Dimapelis Baldoz. A ses côtés, j'ai pu la regarder travailler et elle a réussi à nous faire avancer dans des eaux parfois agitées. Une ou deux fois, j'ai pensé qu'elle m'aurait été reconnaissante de demander à l'une ou l'autre personne de quitter la salle un instant.

Et parfois elle a fait preuve d'humour lorsque l'atmosphère était plus détendue, ce que j'ai beaucoup apprécié. Je la remercie beaucoup du travail qu'elle a fait. Enfin, je demanderai à la Conférence d'adopter le rapport de la Commission de l'application des normes. Je vous le recommande vivement.

Original allemand: M. WISSKIRCHEN (délégué des employeurs, Allemagne; vice-président de la Commission de l'application des normes) -- La Commission de l'application des normes, qui existe depuis 1926, présente aujourd'hui à la Conférence le rapport sur ses activités de cette année.

L'essentiel a été présenté par le rapporteur et je l'en remercie.

Malgré son âge tout à fait respectable et malgré son objectif qui figure au Règlement qui n'a pas été modifié, notre commission ne reste pas à l'abri de certaines modifications.

Dans tous les domaines de la vie, nous voyons qu'il est nécessaire de renouveler notre façon de penser et d'agir. L'OIT, non plus, n'est à l'abri de cette évolution.

Il existe des signes qui montrent que nous sommes en train de nous diriger vers de nouveaux rivages. Et le rapport du Directeur général cette année comprend de nouveaux éléments, qui montrent ce changement que nous pouvons voir également dans la nouvelle structure du Bureau, basée sur les quatre objectifs stratégiques.

Ce qui est particulièrement important, c'est l'examen réaliste et sans préjugés de l'ensemble des normes existantes. Cet examen devrait cependant être fait plus rapidement et avec plus de courage, sinon les normes seront dénoncées, ou ne seront pas du tout appliquées, et les nouvelles normes, comme c'est le cas depuis quinze ans, ne seront pratiquement plus ratifiées.

Plus important encore que des intentions bien exprimées, c'est évidemment une action axée sur l'avenir. Cette action consistera moins à élaborer des normes au sens classique du terme et il ne s'agira certainement pas d'élaborer des normes particulièrement compliquées et détaillées. L'OIT doit plutôt réagir de façon souple et avec toute une série de mesures diversifiées à l'évolution rapide du marché mondialisé.

Nous n'arrivons plus aujourd'hui à façonner la réalité en menant les anciens combats pour obtenir des vérités éternelles qui ne sont que des mots. La condition préalable pour une telle approche réfléchie, c'est de définir des points de référence, par exemple. Il ne s'agit pas de comparer les normes, mais de comparer les solutions de problèmes qui fonctionnent.

Dans les rapports de notre commission, vous avez trouvé ces dernières années des exemples de normes qui doivent être rapidement révisées. Ainsi, différentes conventions sur la sécurité sociale ne portent que sur les systèmes d'Etat, parce qu'à l'époque personne ne pensait, ou ne voulait penser, à l'éventuel succès des systèmes privés.

Les marchés des capitaux et des finances ont complètement changé de nos jours. Aujourd'hui, les systèmes d'assurance sociale sont de plus en plus des systèmes privés, soit pour remplacer les systèmes existants, soit pour les compléter.

Si un Etat Membre viole des conventions ratifiées parce qu'il met en œuvre des systèmes privés, ces conventions perdent progressivement tout rapport avec la réalité. Je voudrais me référer brièvement à un exemple parmi beaucoup d'autres: selon la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, tout travail exigé d'un détenu comme conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire n'est pas considéré comme un travail forcé.

Evidemment, en 1930, personne n'imaginait qu'on verrait aujourd'hui se multiplier les prisons privées. Si, aujourd'hui, le travail des prisonniers dans des prisons privées, qui sont évidemment sous le contrôle de l'Etat, allait être déclaré comme faisant partie du travail forcé interdit, de plus en plus d'Etats Membres seraient en situation de violation de cette convention, qui est néanmoins ratifiée par 145 Etats Membres.

Il est donc bon que la commission d'experts, avant de réévaluer cette question complexe, rassemble autant d'opinions que possible des Etats Membres, et qu'elle leur demande à cet effet les informations adéquates.

Des exemples pareils de normes d'une autre époque sont fort nombreux, et nous devons tirer des enseignements de cette situation. Les normes doivent se limiter à l'essentiel et éviter les détails, même si ces détails correspondent encore à des situations actuelles.

Les conventions dépassées, qui n'étaient pas limitées aux principes, doivent être rapidement modifiées en ce sens.

En ce qui concerne le mécanisme de surveillance, et notamment la commission d'experts et la Commission de la Conférence, l'essentiel est le suivant: il ne faut en aucun cas surinterpréter les normes de portée générale. Les principes généraux ne doivent pas être surchargés par des sous-dispositions exagérément détaillées.

Ce qui est possible au niveau national, par le biais du droit jurisprudentiel, ou peut-être par les dogmes ou l'approche d'un domaine juridique particulier, ne peut être transposé de façon tout à fait automatique au droit international. Il faut respecter le principe de droit international public in dubio, pars mitior est sequenda, c'est-à-dire qu'en cas de doute il faut retenir l'interprétation la plus indulgente pour l'Etat contractant.

Si le législateur national et le législateur international se limitent à l'essentiel, et si le mécanisme de surveillance ne confond pas l'application du droit avec l'élaboration du droit, il reste une certaine marge pour des initiatives volontaires des entreprises dans le domaine des bonnes pratiques d'entreprise, tel que c'est le cas par exemple des codes de conduite.

En d'autres termes, au-delà des normes obligatoires, les entreprises ou même des secteurs entiers s'engagent volontairement dans les domaines social, économique ou de l'environnement. Et, pour que ceci soit possible, il faut que les normes établies soient plus restrictives.

Le monde devient de plus en plus divers et complexe, et ceci la Déclaration de l'OIT concernant les principes et droits fondamentaux au travail adoptée l'année dernière l'a bien montré. On a dit à juste titre bien des choses très positives quant au contenu et à la signification de cette Déclaration. Toutefois, certains éléments soulevés par la commission d'experts, à l'alinéa 59 du rapport, pourraient être mal compris à cet égard. La Déclaration mentionnée n'est pas identique aux dispositions des sept conventions fondamentales. C'est pourquoi, contrairement aux experts, nous ne pensons pas que les mesures de suivi de la Déclaration risquent d'entraver les mécanismes de surveillance et de contrôle existants. De la même façon, nous pensons qu'il n'est pas nécessaire de décider de mesures supplémentaires pour assurer, comme le disent les experts, que l'on aura une approche cohérente et unique par rapport aux normes existantes.

Il faut, avant de définir de nouvelles normes, évaluer aussi précisément que possible leurs conséquences prévisibles. Il faut, en particulier, analyser leurs répercussions sur la productivité, la compétitivité, les investissements et l'emploi.

La politique de l'emploi, au titre de la convention no 122 (1964), a toujours joué un rôle important dans notre débat général. Et, cette année, les experts ont souligné un certain nombre d'évolutions observées dans différentes régions du monde.

Une cause importante de la crise en Asie a été à notre avis le manque de transparence des marchés. En ce qui concerne l'Europe, les experts ont parlé de tentatives de coordonner les stratégies de l'emploi. Il ne faut cependant pas oublier que les problèmes spécifiques du marché du travail ne peuvent être résolus qu'au niveau national et qu'ils relèvent de la compétence nationale. Nous approuvons entièrement la déclaration des experts selon laquelle le meilleur moyen de promouvoir l'emploi est d'appuyer l'initiative privée, car dans une société libre ce sont finalement les décisions des individus et de bonnes conditions générales pour les entreprises qui contribuent à créer des emplois ou à en supprimer. La création d'emplois doit cependant rester une préoccupation majeure pour l'OIT.

Il existe une collaboration croissante entre la commission d'experts et la Commission de la Conférence. Le rapport a mentionné la présence du président de la commission d'experts, Sir William Douglas, à notre débat général, et ceci se déroule depuis plusieurs années. Cette collaboration n'est plus simplement à sens unique comme c'était un petit peu l'impression que l'on avait naguère et comme le souhaitaient certains d'ailleurs. Dans l'intervalle, les experts ne prennent plus simplement note de ce qui a été dit à la Commission de la Conférence, mais ils modifient aussi de temps en temps leurs opinions en conséquence.

Les experts mentionnent de nombreux paragraphes de la convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958. Certains malentendus existent à ce sujet et devraient être éclaircis. En outre, les experts parlent de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, qui prévoit la protection de quelque 300 millions de personnes. Mais ils reconnaissent que l'application de cette convention est extrêmement complexe et pourrait avoir des incidences considérables liées au domaine central que constitue l'ordre constitutionnel des Etats qui l'auraient ratifiée. Vu ces conditions, il n'est pas étonnant que le nombre de ratifications de la convention ait été très faible.

Cette année, une petite enquête générale qui est pratiquement une mini-étude a porté sur les conventions nos 87 et 98 sur la liberté syndicale et le droit de négociation collective. A cet égard, les Etats qui n'ont pas ratifié ces conventions fondamentales ont été priés de soumettre des rapports. Seule la moitié des Etats Membres concernés a répondu, ce qui représente une violation inacceptable de leurs devoirs constitutionnels. Les chiffres officiels de ratification - 124 pour la convention no 87 et 141 pour la convention no 98 - ne paraissent pas si mauvais au premier coup d'œil. Il faut toutefois savoir qu'environ la moitié des travailleurs et des employeurs vivent dans les pays qui n'ont pas ratifié ces conventions. Dans les rapports par pays, on met toujours l'accent sur les obstacles à la ratification, et on évoque toute une série de raisons.

Personne ne peut prévoir quels seront les résultats de la campagne en cours pour encourager les ratifications à l'avenir. Mais l'expérience conduit plutôt au scepticisme. Ainsi, lorsque par exemple deux Etats seulement indiquent clairement que l'un des obstacles à la ratification est leur législation nationale concernant les grèves, nous pensons que ceci ne représente pas la situation réelle. Il suffit en effet de noter les nombreuses remarques faites depuis plusieurs années par les experts sur l'application de la convention no 87 dans divers pays où les restrictions au droit de grève continuent à jouer un rôle déterminant.

Notre débat général a également porté sur l'étude d'ensemble principale portant, conformément à l'article 19, sur les conventions nos 97 et 143 concernant les travailleurs migrants. Il s'agit ici d'un travail considérable. Toutefois, la base de données disponibles est assez faible. D'une part, il n'existe pas de données statistiques dans certains des pays concernés et, d'autre part, les rapports des Etats Membres restaient incomplets. Finalement, environ la moitié des Etats Membres seulement y ont participé.

Personne ne peut nier l'importance de cette question, mais si cette étude générale a bien montré une chose, c'est que les aspects les plus importants du phénomène des travailleurs migrants ont considérablement changé depuis l'adoption de cette convention.

Je ne citerai que quelques faits à ce sujet. Dans une économie mondiale, il y a différentes raisons pour lesquelles on cherche du travail en dehors de son pays d'origine. L'immigration due à la pauvreté n'est qu'une cause parmi d'autres. Aujourd'hui, il y a également des travailleurs qui ont un niveau de formation très élevé, qui cherchent du travail dans d'autres pays, et qui sont les bienvenus dans les nouveaux pays d'échanges dont certains ont échangé leurs rôles. Aujourd'hui plus que par le passé, il existe des accords bilatéraux entre les Etats en ce qui concerne les problèmes des travailleurs migrants. Les problèmes relatifs aux voyages et aux soins de santé ne sont plus parmi les priorités de nos jours. Par contre, il y a beaucoup de pays qui n'acceptent pas pleinement le principe de l'égalité de traitement, notamment vis-à-vis des travailleurs migrants clandestins.

En d'autres termes, le niveau de protection de la convention est considéré par beaucoup d'Etats comme trop élevé. Ce jugement se retrouve dans le nombre très faible de ratifications. La convention (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, a été ratifiée par 41 Etats. La convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975, n'a été ratifiée que par 16 Etats. Depuis 1985, on n'a enregistré aucune nouvelle ratification. A la lumière de cette analyse, les experts devraient réfléchir à des modifications fondamentales de ces instruments. Ils proposent de compléter les instruments existants pour les adapter aux réalités, ou ils proposent de nouveaux instruments.

Nous, employeurs, sommes en faveur de cette deuxième option. Nous pensons que les parties de la convention qui, d'après les experts, sont déposées ne devraient pas être révisées, mais elles devraient être remplacées par un nouvel instrument qui réponde à la mentalité d'aujourd'hui.

Venons-en maintenant à l'essentiel des travaux de notre commission, à savoir l'examen des cas individuels. Je ne peux pas et je ne dois pas entrer dans les détails, car tous ces cas figurent de façon précise dans la deuxième partie de notre rapport. Toutefois, je ne peux pas les décrire en termes très généraux, car cela ne serait pas faire justice au travail qui a été fait. Evidemment, nous aurions bien aimé invité d'autres Etats Membres à participer à la discussion, mais nous n'en avions pas le temps. Notre commission a le temps de travail le plus long par rapport aux autres, mais on a pu réduire les séances de nuit et les séances du samedi. L'idée étant que tout a déjà été dit mais que tout n'a pas forcément été dit par tout le monde. Quoi qu'il en soit, le soir et le samedi on se sent un petit peu seul en commission.

Deux pays n'ont pas été mentionnés dans la liste car ils n'étaient pas représentés à la Conférence. Nous le déplorons. Mais ce qui n'est pas acceptable, c'est que des Etats qui étaient présents à la Conférence ne soient pas venus devant la commission. Cela a été maintes fois le cas lorsque nous avons traité les cas automatiques. Quoi qu'il en soit, le respect de l'obligation de rapport laisse beaucoup à désirer. Le système de surveillance ne peut pas être maintenu si les obligations de rapport ne sont pas respectées. Il est vrai que les nouveaux délais ont facilité le travail des gouvernements, mais leurs réponses ne se sont guère améliorées. Si nous n'avions pas procédé à ces modifications, les résultats seraient encore plus mauvais.

Dans la partie générale de notre rapport, nous avons pu souligner trois cas très complexes. Il s'agit des graves violations du Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Etant donné que nous avons constaté cette situation depuis de nombreuses années, les paragraphes spéciaux figurent sous l'intitulé «Défaut continu d'application». Depuis des années, nous avons également mis en garde le Cameroun pour des violations de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Hélas, les changements promis n'ont pas eu lieu. C'est pourquoi nous avons dû citer le Cameroun dans un paragraphe spécial.

Le travail, marqué par la coopération, s'est poursuivi cette année encore au sein de notre commission. C'est une partie du rôle de notre commission de construire un pont entre les nouvelles idées et les nouvelles actions novatrices, d'une part, et les principes et droits fondamentaux du travail par le biais du dialogue social.

Je remercie le groupe des travailleurs, et notamment son porte-parole, M. Peirens, de leur excellente collaboration. Notre présidente, qui est nouvelle dans notre commission, a su, grâce à un engagement personnel remarquable, mener à bien ses tâches difficiles, et elle mérite notre respect et notre reconnaissance. Le secrétariat nous a présenté à temps les rapports et les procès-verbaux qui étaient, comme toujours, d'une excellente facture. Nous remercions encore une fois tous les collaborateurs du secrétariat sous la direction de M. Zenger.

En conclusion, comme toujours, je remercie l'ensemble du groupe des employeurs, dont j'étais le porte-parole. Les employeurs m'ont tous soutenu, notamment mon vieil ami Ed Potter et notre jeune collaborateur Andres Yuren. Merci de votre attention et je vous recommande d'étudier attentivement le rapport de notre commission.

M. PEIRENS (délégué des travailleurs, Belgique; vice-président de la Commission de l'application des normes) -- Comme déjà signalé par notre rapporteur, la Commission de l'application des conventions et recommandations fonctionne selon des méthodes de travail quelque peu différentes des autres commissions techniques de la Conférence. Nous nous occupons essentiellement de l'application des conventions internationales du travail dans la législation nationale et dans la pratique au niveau des autorités et des entreprises.

Sans contrôle sur l'application, l'élaboration de nouvelles normes internationales, indispensable pour renforcer l'encadrement social de l'économie de plus en plus globalisée, risquerait de devenir une coquille vide.

Les points forts de l'OIT et de son mécanisme de contrôle sont incontestablement les discussions ouvertes et démocratiques entre les groupes des travailleurs, des employeurs et les gouvernements sur des points concrets.

Le dialogue social paritaire et tripartite, basé sur la liberté syndicale et la négociation à tous les niveaux, devrait permettre partout dans le monde d'élaborer et d'appliquer une politique sociale efficace et équitable qui tienne compte à la fois de personnes sans emploi comme les chômeurs, les invalides, les retraités et les travailleurs et travailleuses des secteurs formel et informel.

Notre commission a d'ailleurs rendu hommage à la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, dont nous avons commémoré le 50e anniversaire.

L'OIT ne devrait pas diminuer ses efforts pour augmenter l'efficacité de son système de contrôle. Le groupe des travailleurs, le groupe des employeurs et la grande majorité des gouvernements plaident depuis quelques années pour un renforcement du système de contrôle et pour une meilleure application des conventions.

Nous sommes convaincus que notre travail a des conséquences tangibles pour des millions de travailleurs, partout dans le monde, pour autant que nous gardions le consensus entre le groupe des employeurs, des travailleurs et une majorité aussi grande que possible de gouvernements sur une série d'aspects importants.

Nous avons constaté que le groupe des employeurs a affirmé son accord avec la grande majorité des positions de la commission d'experts sur l'interprétation et l'application des conventions, y compris des conventions sensibles comme la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

Bien sûr, des divergences de vues entre les deux groupes persistent sur certains points, comme le droit de grève.

Depuis de nombreuses années, le groupe des travailleurs a soutenu la position constante de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale sur les modalités du droit de grève. Nous avons appuyé nos points de vue, également, sur des bases solides et bien documentées. Je me réfère, notamment, à la discussion concernant l'étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, reprise dans le rapport de notre commission en 1994. Nous ne sommes donc pas d'accord avec le point de vue du groupe des employeurs, selon lequel la commission d'experts aurait adopté une interprétation trop large concernant les modalités du droit de grève.

Nous espérons que notre commission continuera à présenter des conclusions utiles pendant la discussion des cas individuels, y compris sur le droit de grève et la négociation collective, à la fois dans les pays industrialisés et dans les pays en développement. Le cas échéant, les membres travailleurs et employeurs devraient également discuter au niveau du Conseil d'administration du BIT, afin de clarifier la situation et d'alléger quelque peu le travail de la Commission de l'application des normes.

Les points de vue des travailleurs concernant la relation entre la commission d'experts et la Commission de l'application des normes figurent au paragraphe 24 de notre rapport. La Commission de l'application des normes apporte les analyses, les positions et les témoignages des gens proches des réalités du terrain, et la commission d'experts restitue cet apport dans le cadre d'une analyse juridique, technique et impartiale. Les deux commissions sont donc complémentaires.

Par ailleurs, les méthodes de travail de la Commission de l'application des normes quant à la discussion des cas individuels n'ont pas été modifiées.

Nous partageons l'opinion du groupe des employeurs selon laquelle l'OIT devrait apporter une approche intégrée pour parvenir à des solutions efficaces et appropriées dans le contexte de la mondialisation.

A cet égard, la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, adoptée l'année passée, constitue une évolution extrêmement importante. Je vous réfère aux paragraphes 54 et 55 de notre rapport.

Pour nous, il est important que la Déclaration devienne un point de référence pour la coopération technique et pour l'orientation des divers programmes de l'OIT, ainsi que pour des institutions financières internationales, comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l'OMC.

La Déclaration devrait contribuer à promouvoir la ratification des conventions fondamentales par tous les Etats Membres. L'OIT doit aussi faire la promotion de la ratification des autres conventions plus techniques, mais néanmoins importantes pour la vie des travailleurs. Pensons, notamment, aux conventions sur les conditions de travail, les salaires minima, la santé et la sécurité au travail, la sécurité sociale et l'emploi.

Nous avons mis en évidence trois préoccupations par rapport à la Déclaration et aux normes internationales du travail. D'abord, la Déclaration ne doit pas se substituer aux procédures de contrôle en vigueur ou en empêcher le fonctionnement. Deuxièmement, la cohérence dans l'application des principes et droits fondamentaux doit être préservée. Troisièmement, la campagne pour promouvoir la ratification des sept conventions fondamentales doit être poursuivie.

La position prise par le porte-parole des employeurs de notre commission, dans le paragraphe 52 du rapport, nous semble quelque peu ambiguë, dans la mesure où il s'interroge sur la nature complémentaire de la Déclaration et de son mécanisme de suivi par rapport aux conventions fondamentales et aux mécanismes de contrôle existants. Les membres travailleurs et employeurs devraient clarifier d'urgence cette question au Conseil d'administration, afin d'éviter que la discussion sur le rapport global concernant la liberté syndicale et la négociation collective interfère avec la discussion à la Commission de l'application des normes.

Lors de la discussion de certains cas individuels pendant cette session de la Conférence et pendant des sessions antérieures, nous avons constaté que les interventions et les conseils de la part des institutions financières internationales, comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, ont eu un impact négatif par rapport à l'application des conventions dans plusieurs pays. Nous nous référons, notamment, au Bangladesh, au Pakistan, au Kenya, au Tchad, aux pays de l'Afrique de l'Ouest et à l'Amérique latine.

Nous espérons que de pareils faits vont à l'encontre de l'approche intégrée préconisée par les employeurs, les travailleurs et beaucoup de gouvernements.

Heureusement, nous avons appris entre-temps que la Banque mondiale et le FMI sont en train d'élaborer un code de principes et de bonnes pratiques concernant la politique sociale, pour rendre leurs propres programmes et activités en conformité avec les engagements acceptés au Sommet mondial pour le développement social de Copenhague. Nous espérons que ce code sera adopté définitivement et appliqué dans la pratique.

La Conférence ministérielle prochaine de l'OMC à Seattle devrait également tenir compte du rôle des normes internationales du travail dans le commerce et les investissements internationaux.

La discussion concernant les rapports spéciaux sur les conventions nos 87 et 98 a relevé que plusieurs pays ont annoncé qu'ils envisagent de ratifier ces conventions. Je me réfère aux paragraphes 115 et suivants de notre rapport. Le BIT devrait, par le biais des équipes multidisciplinaires et de l'assistance technique, suivre de très près la mise en œuvre de ces intentions. Nous sommes d'accord avec la position du groupe des employeurs, reprise dans le paragraphe 114, qu'il ne s'agit pas d'instruments dont la teneur est erronée ou irréaliste.

Le BIT et les Etats Membres devraient œuvrer pour une ratification universelle, y compris par des grands pays comme les Etats-Unis, la Chine et l'Inde.

Nous avons eu une bonne discussion générale sur l'application de plusieurs conventions spécifiques. D'abord, la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964. Il y avait consensus, parmi les groupes de travailleurs et d'employeurs, que l'objectif du plein emploi nécessite une bonne coordination entre la politique macroéconomique, la politique monétaire internationale et la politique sociale. On ne peut pas se limiter à une politique axée sur le marché du travail. La crise financière nécessite une réponse structurelle qui vise également le renforcement des institutions démocratiques, notamment par le développement du dialogue social, une meilleure application des normes du travail, la mise en place d'un réseau de protection sociale et l'assistance aux travailleurs licenciés ou menacés de licenciement.

Les gouvernements devraient également répondre à l'observation générale de la commission d'experts sur le travail forcé et le travail pénitentiaire, reprise à la page 110 de son rapport.

Depuis l'année dernière, nous avons eu une discussion approfondie sur le travail pénitentiaire, notamment dans les prisons privées ou pour les entreprises privées.

Selon nous, trop de gouvernements se limitent à des considérations budgétaires pour défendre la privatisation des prisons ou pour défendre le travail productif dans les ateliers gérés par des entreprises privées. Les gouvernements semblent perdre de vue les conséquences pour l'emploi dans les PME et les autres entreprises qui souffrent de la concurrence déloyale à cause des salaires inférieurs des prisonniers. Les gouvernements devraient également tenir compte de la recommandation (no 189) sur la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises, 1998. Selon la commission d'experts, l'utilisation du travail des condamnés dans des ateliers et prisons privés ne serait compatible avec la convention que dans la mesure où elle serait soumise au libre consentement des prisonniers concernés et à des garanties quant au paiement d'un salaire normal. En outre, la convention ne permet pas la délégation totale de la supervision ou du contrôle à une entreprise privée.

Nous avons également discuté sur la convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958, qui vise à garantir au marin la permission de quitter temporairement le bateau, c'est-à-dire son lieu de travail pendant l'escale au port. Certains pays durcissent la réglementation sur l'immigration sans tenir compte de la situation spécifique du marin. Nous avons d'ailleurs discuté l'application de cette convention dans le cas de la Fédération de Russie.

L'application des conventions dans les entreprises ou les zones franches d'exportation est devenue une priorité pour la commission d'experts, le BIT et notre commission.

Nous en avons également discuté pendant les cas individuels du Bangladesh pour la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, du Costa Rica, pour la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et de Sri Lanka, pour la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947.

Nous insistons auprès des gouvernements et des entreprises multinationales pour garantir l'application dans la pratique des normes internationales et nationales. Le BIT a formulé les recommandations et conclusions sur les priorités et les conditions de travail et en particulier celles des femmes dans les zones franches. Les codes de conduite et de labels sociaux introduits par les multinationales et les distributeurs internationaux, rédigés en conformité avec les normes internationales du travail et appliqués effectivement, pourraient également contribuer à une meilleure application, notamment dans les zones franches.

Notre commission a constaté, tant dans la discussion générale que dans la discussion des cas individuels, que l'assistance technique du BIT en ce qui concerne les normes contribue effectivement au renforcement de l'application de celles-ci, si la volonté politique du gouvernement est réelle. L'assistance technique, notamment par le biais des équipes multidisciplinaires, devrait également contribuer au renforcement des organisations des travailleurs et plus particulièrement dans les situations où ces organisations sont encore faibles.

En effet, le BIT doit en priorité renforcer le tripartisme et impliquer les organisations d'employeurs et de travailleurs dans la mise en œuvre des programmes techniques comme l'IPEC et d'autres, au lieu de recourir immédiatement aux consultants.

L'assistance technique devrait également aider les gouvernements à mieux remplir leurs obligations constitutionnelles concernant l'envoi des rapports à la commission d'experts, et notamment les pays qui rencontrent des problèmes de nature technique et administrative.

La commission d'experts devrait prochainement évaluer les dispositions en vigueur relatives à l'envoi des rapports.

La discussion de l'étude d'ensemble relative aux conventions (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975, et aux recommandations (no 86) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et (no 151) sur les travailleurs migrants, 1975, a démontré qu'il y a consensus parmi les groupes des travailleurs et des employeurs sur l'importance de ce thème et qu'ils sont d'accord pour l'inscrire à l'ordre du jour d'une prochaine session de la Conférence pour discussion générale.

Cette discussion générale devrait notamment inclure des thèmes importants comme la féminisation de la migration, l'exploitation des travailleurs migrants, le déni des droits fondamentaux en cas de travail effectué par des travailleurs clandestins et autres problèmes.

Pour nous, la discussion générale devrait également permettre de fixer les orientations pour une activité normative et complémentaire afin de protéger les travailleurs migrants contre l'exploitation. A cette fin, la discussion générale devrait examiner toutes les options possibles de l'activité normative dans un proche avenir.

Plusieurs pays ont annoncé qu'ils envisagent la ratification des conventions (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975. Le BIT devrait donner une suite dynamique aux perspectives de ratification. Les questions juridiques, pour autant qu'elles ne soient pas résolues par la commission d'experts, pourraient être débloquées par un protocole additionnel. Mais, en même temps, l'OIT devrait entamer une activité normative complémentaire.

Notre commission a eu une discussion approfondie sur les cas individuels. Nous avons discuté 23 cas pour 21 pays. La liste contenait 25 cas pour 23 pays, mais l'Afghanistan et Djibouti ne se sont pas présentés devant notre commission car ils ne participent pas à cette Conférence.

Le groupe des travailleurs aurait souhaité pouvoir aborder un plus grand nombre de cas.

Par manque de temps, notre commission n'a pu traiter de certaines situations.

Dans les paragraphes 6 à 11, vous trouverez les explications concernant le choix des cas individuels et nos efforts considérables pour concilier, d'une part, les contraintes du temps, vu le raccourcissement de la Conférence, et, d'autre part, la nécessité absolue de discuter d'un nombre suffisant de cas. Le groupe des travailleurs réfléchira sur les modalités visant à accélérer les travaux de notre commission au début de la deuxième semaine, c'est-à-dire le début de la discussion des cas individuels. Il faut éviter de perdre une journée entière à cause des inscriptions tardives des gouvernements concernés dans la liste des cas individuels.

J'attire votre attention sur les paragraphes 8 à 10 qui contiennent l'énumération des cas que notre commission n'a pas discutés pour des raisons diverses mais sur lesquels le groupe des travailleurs souhaiterait pouvoir revenir à l'avenir s'il n'y a pas de progrès réel dans ces pays.

Il s'agit d'abord du Japon, pour la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, des femmes détenues pendant la seconde guerre mondiale dans les garnisons militaires, appelées «comfort stations». La commission d'experts a formulé des observations détaillées, et le groupe des travailleurs a insisté pour que le gouvernement prenne rapidement des mesures concrètes.

Le deuxième pays est la Turquie, en ce qui concerne la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Nous demandons à la commission d'experts de reprendre à nouveau ce cas dans son rapport l'année prochaine, afin que notre commission puisse l'examiner et voir si des progrès réels sont intervenus entre-temps.

Le troisième cas concerne la Colombie pour la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Notre commission n'a pas repris ce cas vu la décision du Conseil d'administration de mars cette année dans le cadre d'une plainte (art. 26 de la Constitution).

Le Conseil d'administration est convenu de décider en novembre prochain si une commission d'enquête sera instituée ou non. Le Conseil d'administration décidera certainement de l'institution d'une commission si des progrès ne sont pas enregistrés d'ici là. Le groupe des employeurs de notre commission est d'accord avec nous pour mettre la Colombie sur la liste l'année prochaine si une commission d'enquête n'était pas instituée.

La décision de notre commission de ne pas retenir la Colombie dans la liste des cas ne devrait pas servir d'argument au Conseil d'administration pour empêcher la formation d'une commission d'enquête.

Les conclusions concernant le Myanmar pour la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, sont reprises dans les paragraphes 194 et 195 et consistent en un paragraphe spécial pour un défaut continu d'application.

Le travail forcé est toujours utilisé, à une très grande échelle, et le gouvernement n'a pas donné la preuve de vouloir coopérer avec le BIT, il n'a pas mis en œuvre les recommandations de la commission d'enquête.

Dans ce contexte, le groupe des travailleurs se réjouit de l'adoption de la résolution concernant le Myanmar ce matin. Ce pas supplémentaire était absolument nécessaire après toutes ces années sans dialogue réel et sans aucun progrès.

La conclusion concernant le Cameroun pour la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, est reprise dans le paragraphe 193 pour un paragraphe spécial puisque aucun progrès n'a été réalisé, et le gouvernement n'a pas envoyé de rapport détaillé.

Nous avons eu de bonnes discussions et de bonnes conclusions sur plusieurs cas concernant à la fois des conventions fondamentales et des conventions plutôt de nature technique comme pour l'application de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, en Equateur et au Costa Rica, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, en Ethiopie, au Guatemala, au Swaziland et au Canada, comme pour la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, vu la situation dramatique de la Fédération de Russie, la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, au Pérou et au Pakistan, la convention (no 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, au Mexique, un cas important, pas uniquement pour le Mexique mais au-delà pour plusieurs pays, vu les réformes déjà faites ou en cours dans plusieurs pays en ce qui concerne le système de la sécurité sociale. On a aussi discuté de la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, pour un cas à Sri Lanka.

Le gouvernement d'Iran a finalement accepté une mission du BIT pour la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, qui devrait permettre de recueillir, de vérifier et de comparer les informations et qui devrait faire rapport à la commission d'experts. Ainsi, la commission sera en mesure de suivre le cas sur la base d'informations plus objectives.

Pour d'autres cas, je vous réfère à notre rapport.

Pour terminer, moi aussi je voudrais, au nom du groupe des travailleurs, remercier notre présidente, Mme Dimapilis-Baldoz, qui nous a convaincus de ses capacités énormes d'adaptation et d'apprentissage puisqu'elle n'avait aucune expérience dans notre commission.

Nos remerciements vont également à notre rapporteur, M. van de Ree, et nous remercions le président de la commission d'experts, Sir William Douglas, qui a assisté comme observateur à la discussion générale et à la discussion sur l'étude d'ensemble.

Nous remercions le représentant du Directeur général, M. Zenger, et MM. Swepston, Gernignon et Mme Monique Cloutier d'ACTRAV ainsi que l'ensemble de l'équipe du Département des normes, et bien sûr aussi les interprètes.

J'associe à mes remerciements tous les membres de notre commission, M. Wisskirchen, le porte-parole des employeurs, pour son esprit de coopération et de dialogue, et plus particulièrement les membres du groupe des travailleurs et ceux du bureau de notre groupe, à savoir nos amis M. Achmed du Pakistan, M. Sibanda du Zimbabwe et M. Crivelli du Brésil ainsi que nos amis Fishman des Etats-Unis et Tom Etty des Pays-Bas.

Notre rapport a été approuvé à l'unanimité par notre commission et je demande à la Conférence d'en faire de même. Je vous remercie.

Original anglais: Mme DIMAPILIS-BALDOZ (déléguée gouvernementale, Philippines; présidente de la Commission de l'application des normes) -- C'est en effet un grand honneur pour mon pays, les Philippines, et un immense privilège pour moi-même que d'avoir participé aux travaux de la Commission de l'application des normes en tant que présidente de la commission à la 87e session de la Conférence internationale du Travail.

Comme je l'ai indiqué dans mon discours de clôture devant la commission, cette Conférence se déroule à la fin d'un millénaire, alors que le monde est véritablement bouleversé par les changements apportés par la mondialisation et les rapides progrès et innovations technologiques. Ces changements ne vont pas diminuer mais plutôt centrer davantage l'attention sur le rôle crucial et délicat de l'OIT et des normes internationales du travail pour assurer une paix universelle et durable fondée sur la justice sociale.

Ces changements devraient renforcer le dynamisme et les efforts de collaboration des partenaires sociaux en vue de rehausser les valeurs du tripartisme, de la transparence et du dialogue social et d'améliorer les conditions de travail et la qualité de vie et de travail de tout un chacun.

Pour reprendre les termes du Directeur général du BIT, il s'agit d'un travail décent pour les hommes et pour les femmes partout dans le monde. Le travail décent est un moyen et une fin pour l'OIT au cours de cette période de transition mondiale.

C'est en cette période passionnante, dans un environnement en pleine mutation, que la Commission de l'application des normes trouve le mieux son rôle en tant qu'elle établit un équilibre entre le progrès économique et le progrès social dans tous les pays du monde et dans la vie de chaque personne. J'espère vivement que nous verrons les travaux de la commission progresser en harmonie avec les objectifs et les priorités de l'OIT au XXIe siècle, dans son effort pour donner un visage humain à l'économie mondiale.

Les travaux de cette commission n'auraient pas pu être menés à bien sans la direction compétente des deux vice-présidents, M. Peirens pour les travailleurs et M.Wisskirchen pour les employeurs. J'ai également pu compter sur l'aide précieuse du secrétariat, du rapporteur de la commission, M. van de Ree, des interprètes et des partenaires sociaux, des membres travailleurs, des membres employeurs et des membres gouvernementaux de la commission.

Lors des délibérations de la commission, les partenaires sociaux ont défendu sans équivoque la cause d'une paix universelle et durable fondée sur la justice sociale et ont fait preuve d'un ferme engagement à cet égard. Ils ont exprimé leurs idées dans l'esprit d'une longue tradition de respect mutuel, par la voie du tripartisme et de la transparence, ce qui vaut à la Commission de l'application des normes l'honneur insigne d'être l'un des organes de contrôle de l'OIT les plus renommés.

Pour moi qui suis une nouvelle venue et une néophyte et qui ai participé aux travaux de la commission pour la première fois, présider ces délibérations a été une expérience marquante dans ma vie, une expérience inoubliable.

Original anglais: Le PRÉSIDENT -- Etant donné que je n'ai aucun orateur inscrit sur ma liste pour la discussion, nous allons passer à l'adoption du rapport.

Puis-je considérer que la Conférence adopte le rapport.

(Le rapport, paragraphes 1 à 206, est adopté.)

Je remercie les membres du bureau, les membres de la commission ainsi que le personnel du secrétariat de leur excellent travail.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.