87e session |
Rapport de la Commission de l'application des normes |
Discussion en plénière
|
Première partie:
A. Introduction
1. Conformément à l'article 7 de son Règlement, la Conférence a institué une commission pour examiner et présenter un rapport sur la troisième question à l'ordre du jour: «Informations et rapports sur l'application des conventions et recommandations». La commission était composée de 228 membres (109 membres gouvernementaux, 25 membres employeurs et 94 membres travailleurs). Elle comprenait également 17 membres gouvernementaux adjoints, 54 membres employeurs adjoints et 118 membres travailleurs adjoints(1). En outre, 44 organisations non gouvernementales internationales étaient représentées par des observateurs.
2. La commission a élu son bureau comme suit:
Présidente: |
Mme R. Dimapilis-Baldoz (membre gouvernemental, Philippines). |
Vice-présidentes:: |
M. A. Wisskirchen (membre employeur, Allemagne) et M. W. Peirens (membre travailleur, Belgique). |
Rapporteur: |
M. W. van de Ree (membre gouvernemental, Pays-Bas). |
3. La commission a tenu 18 séances.
4. Dans le cadre de son mandat, la commission a examiné les questions suivantes: i) informations sur la soumission aux autorités compétentes des conventions et recommandations adoptées par la Conférence, fournies en application de l'article 19 de la Constitution; ii) rapports sur l'application des conventions ratifiées fournis conformément aux articles 22 et 35 de la Constitution; iii) rapports demandés par le Conseil d'administration au titre de l'article 19 de la Constitution au sujet de la convention (no 97) et de la recommandation (no 86) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et sur la convention (no 143) et la recommandation (no 151) sur les travailleurs migrants (dispositions complé-mentaires), 1975(2).
5. Suivant sa pratique habituelle, la commission a ouvert ses travaux par une discussion sur les questions générales se rapportant à l'application des conventions (notamment les conventions ratifiées) et des recommandations et sur la manière dont les Etats Membres s'acquittent de leurs obligations normatives en vertu de la Constitution de l'OIT. Elle a ensuite procédé à un échange de vues de l'étude d'ensemble de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations consacrée aux travailleurs migrants. Enfin, et comme à l'accoutumée, la commission a débattu un certain nombre de cas individuels concernant l'application des conventions ratifiées, l'obligation de présenter des rapports et celle de soumettre les conventions et recommandations aux autorités nationales compétentes.
6. L'examen de ces cas, qui a constitué l'essentiel des travaux de la commission, s'est fondé principalement sur les observations contenues dans le rapport de la commission d'experts, ainsi que sur les explications, écrites ou orales, fournies par les gouvernements intéressés. La commission s'est également appuyée sur ses discussions des années précédentes, sur les commentaires reçus des organisations d'employeurs et de travailleurs, ou encore, le cas échéant, sur les rapports des autres organes de contrôle de l'OIT et d'autres organisations internationales. Les contraintes de temps ont amené la commission à opérer un choix parmi l'ensemble des observations de la commission d'experts et à se limiter, en conséquence, à discuter d'un nombre limité de cas. La commission veut croire, en conséquence, que les gouvernements concernés prêteront une attention particulière aux demandes de la commission d'experts et ne manqueront pas de prendre les mesures requises pour assurer le respect de leurs obligations. La deuxième partie du présent rapport contient un résumé des informations fournies par les gouvernements et des discussions tenues à la commission, ainsi que les conclusions de celle-ci.
7. Les membres travailleurs ont déclaré que le projet de liste des cas individuels devait être approuvé, tout en relevant que l'approbation de cette liste et le choix des cas prioritaires en vue d'une discussion tripartite sont toujours des exercices difficiles en raison, d'une part, du très grand nombre de problèmes rencontrés dans toutes les régions du monde pour l'application des conventions et repris dans le rapport de la commission d'experts et, d'autre part, du temps très restreint imparti à la commission pour l'examen des cas individuels. Avant que la durée de la Conférence ne soit modifiée, les cas de plus de 30 pays sur l'application de plus de 50 conventions étaient inclus dans la liste. Mais ces contraintes ne sont pas les seules; en effet, les discussions sont également devenues plus approfondies et parfois plus complexes. L'émergence de régimes démocratiques dans de nombreux pays a favorisé l'adoption de nouvelles législations; il s'avère que certaines d'entre elles ne sont pas toujours conformes aux normes internationales. La mondialisation croissante de l'économie a également engendré de nouveaux problèmes. En ce qui concerne le choix des cas individuels - exercice pour lequel la présente commission a une totale latitude -, les membres travailleurs se basent sur un ensemble de critères. Ceux-ci incluent la nature des observations de la commission d'experts; la présence d'une note de bas de page dans le rapport de la commission d'experts priant le gouvernement de fournir des informations complètes à la Conférence; la qualité et la portée des réponses fournies par le gouvernement et reproduites dans le rapport ou, au contraire, l'absence de réponse de la part du gouvernement; les discussions et conclusions de la présente commission au cours de ses sessions précédentes; les commentaires reçus des organisations internationales de travailleurs comme la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et la Confédération mondiale du travail (CMT), ou de la part des organisations d'employeurs et de travailleurs au niveau national; les rapports des autres organes de contrôle de l'OIT et d'autres organisations internationales; les derniers développements sur le terrain. Enfin, le dernier critère est constitué par les déclarations des membres travailleurs à l'occasion de l'adoption de la liste l'année précédente. Il s'agit des pays et des cas au sujet desquels les membres travailleurs ont demandé à la commission d'experts d'inclure des commentaires dans son rapport de telle sorte que la Conférence et la présente commission soient en mesure de les examiner, si des progrès réels n'étaient pas intervenus entre-temps. En l'occurrence, il s'agit des cas du Costa Rica (convention no 98), du Guatemala (convention no 87), de l'Iran (convention no 111) et du Pakistan (convention no 29). Le critère prioritaire est la substance du cas, mais les membres travailleurs cherchent également à assurer un équilibre entre les régions et les types de conventions. La commission ne discutera pas seulement des conventions fondamentales mais aussi des problèmes d'application et des récents développements intervenus en ce qui concerne les conventions dites techniques, par exemple en matière de sécurité sociale.
8. Les membres travailleurs ont souhaité faire quelques remarques qu'ils estimaient importantes pour la commission d'experts, le BIT, les gouvernements concernés et la Commission de la Conférence. Ces remarques ont trait à trois cas qui n'ont pas été inclus dans la liste. Le premier cas concerne l'application par le Japon de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, en relation avec les femmes détenues pendant la seconde guerre mondiale dans les garnisons militaires appelées «comfort stations». La commission d'experts a formulé des observations détaillées et précises sur cette question et insisté pour que le gouvernement du Japon prenne rapidement des mesures concrètes. Il s'agit notamment des réparations individuelles par le gouvernement, de l'exécution du jugement d'un tribunal de première instance en faveur des femmes sud-coréennes et, surtout, des excuses à présenter par le gouvernement du Japon, par lesquelles il reconnaîtrait expressément sa responsabilité dans les abus sexuels perpétrés à l'encontre des femmes de différentes nationalités. Comme en 1997, le rapport de la commission d'experts a souligné à juste titre les principes fondamentaux et universels en cause dans ce cas et insisté pour que le gouvernement du Japon renforce et accélère ses actions et initiatives en la matière. De nombreuses femmes n'ont pas accepté les excuses qui leur ont été présentées parce que, selon elles, ces excuses ne démontrent pas que le gouvernement reconnaît sa responsabilité pour les actes commis au cours de la guerre. En outre, il semble que la lettre d'excuses ne soit adressée qu'aux femmes ayant accepté l'offre de compensation. Le gouvernement du Japon devrait prendre l'initiative de convoquer des réunions avec les organisations syndicales concernées, les organisations représentatives des femmes victimes de ces actes et les gouvernements des différents pays concernés, en vue de trouver une solution réelle répondant aux attentes de la majorité des victimes. Le gouvernement du Japon doit informer rapidement la commission d'experts des actions et initiatives qu'il prendra à cet égard. La réaction du gouvernement sera décisive pour la suite donnée à ce cas par la commission d'experts et la Commission de la Conférence.
9. Les membres travailleurs ont mentionné que le deuxième cas concerne la Turquie sur l'application de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. La Commission de la Conférence a été contrainte d'inclure ce cas à de nombreuses reprises dans la liste (huit fois au cours des onze dernières années), en raison des problèmes structurels existant en matière de négociation collective, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Depuis quelques années, le gouvernement a entrepris une réforme législative, l'ancienne législation ayant pour l'essentiel été adoptée sous le régime militaire en vue de contrôler ou d'opprimer les syndicats et de restreindre la négociation collective. Malheureusement, plusieurs lois ou projets de loi récents sont également contraires à la convention no 98. C'est la raison pour laquelle les membres travailleurs demandent à la commission d'experts de reprendre à nouveau ce cas dans son rapport l'année prochaine afin que la présente commission puisse l'examiner, si des progrès réels n'interviennent pas entre-temps.
10. Les membres travailleurs ont indiqué que le dernier cas portait sur l'application par la Colombie de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Les membres travailleurs avaient proposé d'inscrire ce cas sur la liste parce qu'il s'agit d'un des cas les plus graves. Deux mille cinq cents syndicalistes ont perdu la vie à cause de leurs activités syndicales, sans que l'on ait pu constater que les autorités menaient des actions énergiques contre les responsables de ces assassinats. Les membres travailleurs ont relevé que les membres employeurs de la commission n'avaient pas nié que l'application de la convention no 87 posait des problèmes très importants; en outre, les membres employeurs s'étaient référés aux discussions tenues lors de la session de mars 1999 du Conseil d'administration à la suite du dépôt d'une plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution au cours de la 86e session de la Conférence internationale du Travail, en juin 1998. Les membres travailleurs ont relevé que le Conseil d'administration est convenu de décider lors de sa session, en novembre 1999, si une commission d'enquête sera ou non instituée; une telle décision sera certainement prise si des progrès ne sont pas enregistrés d'ici là. Les membres travailleurs espèrent vivement que le gouvernement de la Colombie concrétisera effectivement les engagements formels qu'il a pris l'année dernière devant la Commission de la Conférence. A cette occasion, le gouvernement a déclaré qu'il collaborerait pleinement avec l'OIT afin de mettre un terme aux violations de la convention no 87. Les membres travailleurs ont affirmé que la Commission de la Conférence pourra en tout état de cause revenir sur ce cas soit dans le cadre du suivi des recommandations de la commission d'enquête que le Conseil d'administration pourrait décider d'établir, soit dans le cadre de la discussion du rapport de la commission d'experts. Le membre travailleur de l'Allemagne a souligné que la décision de ne pas retenir le cas de la Colombie pour la convention no 87 dans la liste des cas ne devait pas servir d'argument au Conseil d'administration pour empêcher la formation d'une commission d'enquête au titre de l'article 26 de la Constitution de l'OIT.
11. Les membres employeurs ont fait observer que, depuis plusieurs années, la commission utilise les mêmes méthodes pour choisir les cas individuels sur lesquels les délégués gouvernementaux pourraient être invités à lui fournir des informations. Ces méthodes se sont avérées efficaces. Il serait impossible pour la commission d'examiner tous les cas individuels recensés dans le rapport de la commission d'experts. Les membres employeurs reconnaissent que les listes des cas figurant chaque année dans un document de la commission ne sont jamais tout à fait satisfaisantes et qu'elles sont source de dilemmes. Aucun choix ne peut satisfaire toutes les parties concernées, mais il est à noter que le bureau de la commission a établi d'un commun accord celle qui est proposée. Les membres employeurs ont regretté que plusieurs gouvernements ne s'étaient pas inscrits pour la discussion de leur cas pendant les débats sur les cas individuels.
12. Les membres employeurs se sont référés en particulier aux cas relatifs à l'application de la convention no 87 par la Colombie, de la convention no 29 par le Japon et de la convention no 98 par la Turquie, lesquels n'ont pas été retenus dans la liste. A propos de l'application par la Colombie de la convention no 87, d'aucuns se sont demandé si l'examen de ce cas ne risquait pas de mettre en péril le processus de paix qui a récemment été engagé. Bien que certains aient estimé que la décision prise en mars 1999 par le Conseil d'administration de repousser la mise en place d'une commission d'enquête visait en fait à ce que le cas ne soit pas examiné par un organe de contrôle, ils confirment que le cas serait examiné par la Commission de la Conférence l'année prochaine si une commission d'enquête n'était pas instituée. La décision de ne pas inclure les cas relatifs au Japon et à la Turquie avait également fait l'objet d'un long débat.
13. Les membres employeurs ont rappelé que la commission peut inviter tout gouvernement à lui fournir des informations. Ils ont estimé que la liste des cas individuels devait être adoptée telle que soumise.
B. Questions générales relatives aux normes internationales du travail
Introduction: Aspects généraux des procédures de contrôle
14. La commission a souhaité la bienvenue à Sir William Douglas, président de la commission d'experts. Sir William a remercié la commission, au nom de la commission d'experts, de l'avoir invité à nouveau pour assister à la discussion en qualité d'observateur. Il a indiqué qu'en réaffirmant les principes d'indépendance, d'objectivité et d'impartialité qui guident son action, la commission d'experts se réfère à nouveau, dans son rapport, à l'esprit de respect mutuel, de coopération et de responsabilité qui sous-tend ses relations avec la Conférence et, plus spécifiquement, la Commission de l'application des normes de la Conférence. Tant la Conférence dans son ensemble que la commission des normes de même que la commission d'experts trouveront une source d'inspiration et d'encouragement dans les objectifs stratégiques définis par le Directeur général: promouvoir et mettre en œuvre les principes et droits fondamentaux au travail; accroître les possibilités, pour les femmes et pour les hommes, d'obtenir un emploi et un revenu convenables; accroître l'étendue et l'efficacité de la protection sociale pour tous et renforcer le tripartisme et le dialogue social.
15. Sir William a attiré l'attention sur plusieurs aspects du rapport de la commission d'experts. A propos de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, la commission d'experts a rappelé qu'elle accueille toujours favorablement toute mesure renforçant la capacité de l'OIT à promouvoir et à protéger les droits de l'homme fondamentaux qui relèvent de son mandat. Elle a souligné que le mécanisme de suivi de la Déclaration n'est pas destiné à se substituer aux procédures de contrôle établies et qu'elle-même poursuivra donc son action dans le cadre de son mandat et conformément aux principes et aux procédures qu'elle a suivis au fil des ans. Au sujet de l'application de certaines conventions, la commission d'experts a appelé l'attention sur l'application de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, à propos du travail dans les prisons et elle a demandé aux gouvernements de fournir des informations sur leur législation et leur pratique en matière d'emploi de détenus dans les prisons privées ou par des entreprises privées opérant dans les prisons. La commission d'experts s'est également référée aux problèmes en matière d'application de la convention (no 108) sur les pièces d'identité des gens de mer, 1958, quant aux droits et obligations découlant de la délivrance des documents d'identité. Une certaine confusion s'est instaurée dans des cas où les documents d'identité ont été traités comme des passeports délivrés par l'autorité nationale. La commission d'experts a souligné qu'il convenait de faire une distinction claire entre le document d'identité visé par la convention et un passeport, le document d'identité ne pouvant être sujet à des considérations liées à la sécurité de l'Etat ou à l'émigration illégale. L'application de la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, continue à faire l'objet d'un dialogue soutenu entre les deux commissions; la recommandation (no 189) sur la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises adoptée en 1998 reconnaît le rôle de l'initiative privée dans la création d'emplois de même que la nécessité, pour les autorités publiques, d'entretenir un climat favorable au développement et à la croissance des entreprises. La commission d'experts a également abordé l'application de la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, en raison des conséquences étendues que son application peut avoir sur le plan de la protection, en droit comme en pratique, du droit, pour ces peuples, de préserver leurs coutumes et leurs règles juridiques propres. Elle a par ailleurs pris note avec intérêt des travaux préparatoires sur le projet de convention tendant à interdire et éliminer les pires formes de travail des enfants. Elle veut croire que toute nouvelle norme dans ce domaine complétera les instruments actuellement en vigueur régissant l'âge minimum d'accès à l'emploi ou au travail, lesquels conservent leur importance fondamentale dans la mission des inspections nationales du travail. Quant à l'application des conventions dans les zones franches d'exportation et, en particulier, à l'application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, dans le contexte de la mondialisation de l'économie, la commission d'experts espère que les gouvernements continueront à fournir de nouvelles informations à ce sujet et que les organisations d'employeurs et de travailleurs communiqueront toutes observations qu'elles estimeraient utiles.
16. Sir William a relevé qu'en examinant les rapports spéciaux sur la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1949, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, la commission d'experts a été conduite à faire observer que certains Etats, Membres de l'OIT depuis de nombreuses années, représentant à peu près la moitié des travailleurs et des employeurs du monde, y compris des pays fortement peuplés, ne semblent toujours pas vouloir évoluer vers une position qui permettrait une éventuelle ratification de ces deux instruments.
17. D'une manière générale la commission d'experts a déploré également que 62 pour cent seulement des rapports demandés au sujet de l'application des conventions ratifiées aient été reçus. Il faut espérer que l'assistance fournie par les spécialistes des normes dans les équipes multidisciplinaires aidera à améliorer le pourcentage des rapports envoyés. L'étude d'ensemble de la commission d'experts qui porte sur les travailleurs migrants est d'autant plus opportune que, selon les estimations, plus de 90 millions de personnes (ce chiffre incluant les travailleurs eux-mêmes et leurs familles) résident aujourd'hui, légalement ou illégalement, dans un pays qui n'est pas le leur et c'est non seulement le nombre de migrants mais aussi le nombre de pays dont ils sont originaires et celui des pays dans lesquels ils se rendent qui se sont considérablement accrus. L'étude d'ensemble, qui passe en revue les dispositions et autres mesures protectrices tendant à l'égalité de traitement contenues dans les instruments considérés, a noté que la convention (no 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, n'a recueilli que 41 ratifications, et la convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975, seulement 18. Si le contexte dans lequel ces instruments ont été adoptés diffère largement de celui dans lequel les flux migratoires s'opèrent aujourd'hui, il n'en reste pas moins que les normes et les principes établis par ces instruments restent valables et que la protection contre l'exploitation ainsi que l'égalité de traitement revêtent non moins d'importance pour la communauté d'accueil que pour celle des migrants; des mécanismes plus développés, au niveau international comme au niveau national, devraient permettre de traiter des migrations pour l'emploi.
18. Sir William a adressé des remerciements à la Commission de la Conférence pour la considération apportée au travail de la commission d'experts lors de la discussion générale qui a été du plus haut niveau. Il a indiqué qu'il ferait rapport à la commission d'experts du contenu de la discussion et de l'atmosphère constructive dans laquelle elle s'est tenue. Il a invité les deux vice-présidents de la Commission de la Conférence à rendre visite à la commission d'experts lors de sa prochaine session.
19. La commission a noté les indications en guise d'introduction données par le représentant du Secrétaire général au sujet des différents points à l'ordre du jour et sur les évolutions y relatives au sein de l'Organisation.
20. Le membre gouvernemental de la France, en sa qualité de président du Groupe de travail sur la politique de révision des normes de la Commission des affaires juridiques et des normes internationales du travail du Conseil d'administration, a fourni, comme les années précédentes, des informations aux membres de la commission sur l'état d'avancement des travaux du groupe reflété dans le document distribué par le secrétariat de la commission. Le groupe de travail, dont la tâche consiste à passer en revue l'ensemble des normes, à l'exception des normes fondamentales et des normes postérieures à 1985, a mené à bien l'examen de toutes les conventions non maritimes à l'exception de trois d'entre elles; il a entamé l'analyse des conventions sur les gens de mer et a abordé l'examen des recommandations qui sera repris en novembre 1999, session au cours de laquelle le groupe de travail abordera également la question des méthodes de révision des normes. L'orateur a fourni des indications sur les décisions prises par le Conseil d'administration; il a invité les membres de la commission à relayer l'appel adressé aux autorités de leurs pays afin que l'instrument d'amendement constitutionnel de 1997 soit ratifié dans les meilleurs délais.
21. Les membres employeurs ont rappelé que, selon son mandat, la Commission de la Conférence est appelée chaque année à examiner les informations présentées oralement et les communications présentées par écrit par les Etats Membres sur les mesures qu'ils ont prises pour satisfaire aux obligations que leur prescrit la Constitution de l'OIT. L'ampleur de cette tâche est largement illustrée par le volume du rapport établi par la commission d'experts, ce rapport étant assurément le plus imposant de tous ceux dont la Commission de la Conférence ait été saisie à ce jour. Ce rapport, bien que n'étant pas la seule base des travaux de la Commission de la Conférence, revêt néanmoins une importance particulière. L'une des raisons en est qu'il n'apporte pas seulement des informations sur les activités de la commission d'experts mais aussi sur l'action menée par l'OIT dans bien des domaines et, notamment, sur les débats du Conseil d'administration et de ses organes subsidiaires.
22. Les membres employeurs se sont félicités du renforcement de la collaboration entre les deux organes indépendants du système de contrôle de l'OIT que sont la commission d'experts et la Commission de la Conférence. L'entente entre ces deux instances est suffisamment illustrée par le fait que le président de la commission d'experts, Sir William Douglas, est invité à assister à la discussion générale de la Commission de la Conférence. Bien que la commission d'experts ait elle-même invité les vice-présidents de la Commission de la Conférence à assister à sa session de décembre 1998, le vice-président employeur n'a pu honorer cette invitation pour des raisons indépendantes de sa volonté. D'une manière générale, les membres employeurs ont pris acte de certains indices clairs du renforcement de la collaboration entre les deux plus importants organes du système de contrôle de l'OIT. Une telle collaboration ne doit cependant pas se limiter à des gestes symboliques. Il convient de rappeler qu'en dernière analyse les deux commissions examinent les mêmes questions de l'application des mêmes normes de l'OIT. La Commission de la Conférence a toujours dûment pris note des conclusions de la commission d'experts. Depuis un certain nombre d'années, cette dernière déclare prendre elle-même pleinement en considération les discussions que la Commission de la Conférence consacre non seulement aux questions générales mais aussi à des points spécifiques. A cet égard, le procès-verbal des discussions de la Commission de la Conférence constitue le meilleur instrument pour suivre ses travaux. Les membres employeurs ont donc apprécié que la commission d'experts fasse plus souvent référence dans les cas individuels aux discussions et conclusions de la Commission de la Conférence. A leurs yeux, une connaissance exacte et précise des positions prises par l'un et l'autre organe, de même que des questions sujettes à controverse, constitue un préalable à une compréhension mutuelle plus profonde. Pour les deux instances, l'objectif est de vérifier si et dans quelle mesure les Etats Membres s'acquittent de leurs obligations en vertu de la Constitution de l'OIT et des conventions ratifiées. Si ni l'une ni l'autre n'exerce les fonctions d'un tribunal, chacune n'en examine pas moins des questions juridiques afin d'établir si les obligations découlant des différentes conventions ont effectivement été respectées. Ils se déclarent en accord avec les commentaires de la commission d'experts concernant le succès des mécanismes de contrôle de l'OIT. Ce succès est attesté non seulement par les chiffres illustrant les cas de progrès mais encore par les résultats positifs du dialogue avec les gouvernements, surtout lorsque les deux organes du système de contrôle sont en plein accord.
23. Les membres employeurs ont noté que la nouvelle structure du BIT tend à améliorer le fonctionnement de l'Organisation dans divers domaines. Ils ont souligné que la réflexion nouvelle et globale que cette nouvelle structure entend promouvoir doit prendre en considération la fonction de la Commission de la Conférence, laquelle joue un rôle déterminant dans la défense des principes et droits fondamentaux au travail, tels qu'énoncés dans les sept conventions fondamentales. Cette commission aborde également la question de la protection sociale, protection dont l'un des préalables réside dans la promotion d'un plein emploi productif et librement choisi, lequel, à son tour, ne peut qu'encourager la promotion des objectifs fondamentaux de croissance économique et de justice sociale. Les problèmes posés doivent être résolus par le biais d'un dialogue social. Dans ces conditions, les membres employeurs estiment que les quatre objectifs stratégiques devraient trouver naturellement leur convergence dans la Commission de la Conférence, notamment du fait de l'importance que cette commission accorde au dialogue social.
24. Les membres travailleurs ont remercié le président de la commission d'experts d'avoir de nouveau accepté, cette année, d'assister à la discussion générale de la commission et se sont félicités du dialogue existant entre les deux commissions. Le rapport de la commission d'experts reflète sur de nombreux points des éléments de la discussion de la Commission de la Conférence. Il en tient compte notamment dans la mise en évidence de certains thèmes importants comme l'application des conventions dans les zones franches d'exportation ou comme le travail des prisonniers dans le cadre des activités gérées par des entreprises privées. La commission d'experts a pris pour la première fois l'initiative, en novembre dernier, d'inviter le vice-président employeur et le vice-président travailleur de la commission. La commission d'experts a pu ainsi connaître les priorités et préoccupations des membres travailleurs. La deuxième partie du rapport de la commission d'experts reflète également des éléments importants de la discussion et des conclusions de la Commission de la Conférence sur les cas individuels. Ces références sont très utiles, notamment pour le suivi des engagements pris par des gouvernements devant la Commission de la Conférence sur des points précis. Le rapport a repris en outre des observations concernant les cas individuels sur lesquels les membres travailleurs ont déclaré, l'année passée, vouloir être en mesure de revenir cette année, à savoir l'Iran pour la convention no 111, le Guatemala pour la convention no 87, le Costa Rica pour la convention no 98 et le Pakistan pour la convention no 29. Les principes et méthodes de travail de la commission d'experts sont rappelés de façon succincte dans le paragraphe 8 de son rapport. La Commission de la Conférence apporte les analyses, les positions et les témoignages des gens proches des réalités du terrain. La commission d'experts reprend cet apport dans le cadre d'une analyse juridique, technique et impartiale. La complémentarité des deux organes de contrôle constitue un élément essentiel pour le renforcement du système de contrôle et est une des raisons de son succès.
25. Le membre gouvernemental de la Suisse, après avoir rappelé que le système normatif ne comportait pas de sanctions en cas de violation, a souligné qu'un meilleur outil, à savoir la coopération technique, peut aider les Etats qui rencontrent des problèmes d'application. Le membre gouvernemental de la Roumanie a relevé que, si le droit international, y compris le droit international du travail, est fondé sur la volonté souveraine des Etats d'assumer des engagements internationaux, la question du recours à des sanctions ne se pose pas; on pourrait en revanche instaurer la force du bon exemple. La commission d'experts pourrait attirer davantage l'attention sur les changements positifs notamment dans la modification de la législation. Le membre gouvernemental du Royaume-Uni a estimé que la commission d'experts pourrait jouer un rôle dans l'identification et la promotion des meilleures pratiques appliquant les conventions à partir des rapports soumis par les Etats Membres, outre les cas de progrès qui sont mentionnés dans son rapport. La propagation des bonnes pratiques serait particulièrement utile aux gouvernements qui rencontrent des problèmes d'application des normes.
26. Plusieurs membres gouvernementaux ont apporté leur appui au travail de la commission d'experts et souligné la qualité du rapport (Belgique, Chine, Cuba, Espagne, France, Inde, Kenya, Liban, Jamahiriya arabe libyenne, Portugal, Royaume-Uni, Swaziland). Le membre gouvernemental de la Belgique a déclaré que le rapport de la commission d'experts constitue la meilleure base de discussion sur l'évolution des conventions sociales internationales et le membre gouvernemental de la Chine a considéré que le rapport permet d'examiner de manière exhaustive et de passer en revue les activités normatives. Le membre gouvernemental de Cuba a apprécié la présentation équilibrée des informations contenues dans la partie générale du rapport et a rappelé l'importance des principes d'indépendance, d'objectivité et d'impartialité. Selon le membre gouvernemental de l'Espagne, le rapport est un document essentiel pour connaître les activités de l'OIT et l'état des normes internationales du travail et, selon le membre gouvernemental du Portugal, le rapport est une source d'information sur les problèmes liés aux normes mais également sur leur influence positive. Le membre gouvernemental du Royaume-Uni a relevé que le rapport brosse un panorama détaillé de l'application des normes dans le monde et les membres gouvernementaux de l'Inde et du Swaziland en ont souligné le caractère exhaustif. Le membre gouvernemental de la France a regretté que le rapport particulièrement riche ne soit pas assez connu en dehors des enceintes de l'OIT.
27. Plusieurs membres travailleurs dont ceux du Brésil, de la France et des Pays-Bas ont souligné la qualité du rapport et le rôle essentiel joué par la commission d'experts; et le membre travailleur du Pakistan a relevé l'objectivité et l'impartialité du travail de la commission d'experts considéré par le membre travailleur de l'Italie comme une bonne base d'analyse et de réflexion. Le membre travailleur de la France a indiqué que le contrôle de l'application des normes donne nécessairement lieu à un travail d'interprétation ainsi qu'à la prise en considération de la diversité des situations et pratiques nationales qui autorise l'utilisation de moyens adaptés à ces situations et pratiques mais sans que cela porte atteinte à l'effectivité des résultats à atteindre. La force des moyens de contrôle mis en œuvre à l'OIT réside dans leur caractère tripartite et non coercitif. Le recours au droit international général inscrit dans la Convention de Vienne sur le droit des Traités de 1969, purement interétatique, les affaiblirait, et saisir la Cour internationale de Justice d'un recours en interprétation serait refuser le dialogue constructif au sein des organes de contrôle. Si les conventions de l'OIT sont des traités internationaux, ils sont néanmoins élaborés et suivis de manière tripartite et conservent depuis toujours leur avance sur le droit international général purement interétatique.
28. Les membres travailleurs ont estimé que la discussion générale avait été riche et intéressante. Ils ont exprimé l'espoir que le dialogue avec les membres employeurs se poursuive de façon constructive et que le soutien des gouvernements aux normes et au système de contrôle soit effectivement suivi par un nombre croissant de ratifications, une meilleure application des normes et par l'envoi de rapports de qualité dans les délais prescrits.
29. Plusieurs membres gouvernementaux (Allemagne, Etats-Unis, Pays-Bas, Suède (s'exprimant au nom des pays nordiques)) ont proposé d'écourter la discussion générale afin de permettre à la commission de consacrer plus de temps à l'examen des cas individuels. Les membres travailleurs ont appuyé cette suggestion. Le BIT devrait étudier cette demande plus en détail afin d'indiquer les possibilités et contraintes à cet égard.
30. Le représentant du Secrétaire général, après avoir mentionné les contraintes de temps dans lesquelles se déroulent les travaux de la commission et rappelé la valeur de la discussion générale et de la discussion de l'étude d'ensemble, a déclaré que le Département des normes internationales du travail allait approfondir la question.
Politique en matière de normes
31. Les membres employeurs ont déclaré que, sans vouloir se montrer trop optimistes, ils estimaient que le respect du droit était en progrès dans de nombreuses régions du monde, cela ne signifiant toutefois pas que les législations soient harmonisées. A la différence de la médecine ou des mathématiques, le droit est en effet fortement marqué par les particularismes nationaux. Ainsi, les systèmes juridiques des Etats Membres, s'ils présentent de nombreuses similarités, diffèrent néanmoins dans d'importants domaines. Cet aspect, auquel s'ajoutent les différences sur le plan du développement économique et social et des traditions, veut dire qu'il n'est pas possible à l'OIT d'adopter des normes qui seraient trop détaillées. L'important, en effet, est que ces normes se limitent à des principes fondamentaux et des règles générales, susceptibles d'application universelle. La Commission de la Conférence doit être consciente de cette situation, en particulier lors de l'interprétation et de l'examen de l'application de certaines normes. Il ne saurait être question non plus de plaquer des structures ou des doctrines nationales entières sur des normes internationales ou de ne se référer qu'à elles pour l'interprétation des conventions. Le fait est que, dans de telles circonstances, il convient de se référer à la règle fondamentale exprimée par la locution in dubio mitius, à savoir de se fonder, en cas de doute, sur l'interprétation la moins contraignante.
32. Les membres employeurs ont relevé que le Directeur général, s'exprimant devant l'assemblée générale de l'Organisation internationale des employeurs, avait récemment déclaré que si les problèmes actuels sont liés, les solutions recherchées restent souvent fragmentaires. Cette déclaration contenait un appel implicite à une approche intégrée en matière de réflexion et d'action, à laquelle les membres employeurs se rallient. Une telle approche intégrée est plus importante que jamais dans le contexte de la mondialisation, pour parvenir à des solutions efficaces et appropriées. A cet égard, il est nécessaire de tenir compte, dans tous les domaines d'action de l'OIT, que ce soit en matière de fixation des normes ou dans d'autres domaines, du fait que cette action est dirigée vers l'ensemble des pays, industrialisés, en développement ou en transition. L'objectif commun est de trouver un équilibre entre ce qui est économiquement réalisable et ce qui est socialement souhaitable. Pour que des solutions puissent être dégagées à travers des normes communes, ces normes doivent revêtir un caractère général, essentiel, simple et clair. Des principes communs sont plus aisément acceptés que des dispositions détaillées, lesquelles sont rarement ratifiées ou appliquées. Il importe également de prévoir, au niveau international comme au niveau national, les conséquences de l'application des mesures dans la pratique. Les projets de législation nationale ne tiennent souvent pas compte des coûts de leur mise en œuvre, du simple fait que cette mise en œuvre n'entraîne pas de frais pour l'Etat, le Trésor ou l'administration. Ce n'est que rarement que les avantages et les inconvénients des diverses dispositions sur ce plan sont dûment pesés. Il importe de réformer la démarche suivie en la matière. Et cela doit également concerner les normes formulées par l'OIT. A cet égard, les membres employeurs rappellent que des questions telles que l'opportunité d'un nombre sans cesse croissant de normes nouvelles, du degré de précision des normes et de l'approche à suivre en matière de révision ou de dénonciation de normes obsolètes font l'objet de débats depuis de nombreuses années et leur opinion en la matière est bien connue. Par ailleurs ils seraient favorables à une interprétation plus restrictive des normes en vigueur.
33. Les membres travailleurs ont déclaré avoir constaté une série d'évolutions importantes relatives à l'acceptation, à la diffusion et à l'application des normes internationales du travail. Ils se souviennent de la virulence des critiques émises au lendemain de la chute du mur de Berlin en 1989 par les partisans de l'économie libérale. Selon la doctrine de ces derniers qui, à leur regret, dans une première phase, fut suivie au sein des institutions de Bretton Woods, le marché libre peut en soi garantir la stabilité et l'efficience sociale, économique et politique. Selon cette même doctrine, les normes du travail, internationales et nationales, sont par définition nuisibles au développement économique et une entrave à la globalisation de l'économie. Cette vision est désormais moins dominante en raison notamment des faits et des évolutions qui se sont produits sur le terrain ainsi que d'initiatives telles que celles de l'OIT et du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague. Les travaux de la commission ont également contribué à ce revirement. En effet, de longues discussions ont été consacrées à des sujets tels que l'application et la connaissance des normes du travail fondamentales et prioritaires, le renforcement du système de contrôle et la révision des normes. Progressivement, le consensus autour d'une série d'aspects importants des normes internationales du travail s'est affermi. La recherche d'un consensus le plus large possible entre les trois groupes est un élément essentiel pour mener à bien le nouvel élan qui s'est fait jour autour des normes du travail. Les faits constatés sur le terrain ont démontré que les normes du travail internationales et la politique sociale sont des éléments indispensables pour assurer le développement économique, ainsi que la stabilité sociale, économique, financière et politique. Ils sont d'accord avec les propos du Directeur général dans son rapport à la Conférence, Un travail décent, selon lesquels l'économie mondiale serait privée de stabilité et de crédibilité politique en l'absence d'un fondement social solide.
34. Les membres travailleurs ont relevé que la crise profonde qui sévit en Asie et dans d'autres parties du monde avait démontré qu'il était important que l'ensemble de l'économie et le système politique s'appuient sur un cadre normatif global et universellement accepté et appliqué aux niveaux national, international et dans les entreprises, quelles que soient la nature et la taille de celles-ci. Les rapports de l'OIT, les divers documents récents du Conseil d'administration sur la crise en Asie et les études par pays sur l'impact social de la mondialisation montrent à quel point une politique sociale réfléchie s'appuyant sur un bon dialogue social entre organisations de travailleurs et organisations patronales est importante pour assurer le progrès économique, la stabilité et la paix sociale. L'étude du BIT sur l'impact social de la mondialisation préconise une action par les gouvernements et les partenaires sociaux dans les domaines de l'éducation et de la formation, des filets de protection sociale, de la législation du travail et des relations professionnelles ainsi que des normes fondamentales du travail.
35. Les membres travailleurs ont constaté que, par ailleurs, certaines institutions internationales telles que la Banque mondiale ont enfin décidé d'inscrire la promotion et l'intégration des normes internationales du travail et de la politique sociale dans leurs programmes et activités. C'est ainsi que la Banque mondiale a élaboré une sorte de code des principes de bonne politique sociale pour ses propres programmes et activités. Les travaux de la Banque mondiale s'inscrivent dans le cadre de l'exécution de la Déclaration et du Programme d'action du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague. Ils ont pour but de développer une approche intégrée prenant en compte des considérations sociales, économiques et financières. En effet, les conceptions traditionnelles n'apportent pas de réponse à la grave crise économique et sociale qui sévit en Asie et en Russie et aux conséquences de celle constatée en Amérique latine et dans d'autres régions. La Banque mondiale semble vouloir jouer un rôle dans le cadre du suivi des engagements du Sommet mondial pour le développement social qui aura lieu lors de la séance spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies en juin 2000 à Genève.
36. Les membres travailleurs ont relevé que dans le Code de principes et de bonnes pratiques, tel qu'il a été discuté au sein du comité ministériel conjoint de développement de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), quatre domaines importants, directement ou indirectement pertinents pour les normes du travail, ont été retenus: l'accès universel à des services sociaux fondamentaux tels que l'éducation de base et les soins de santé; un revenu durable et des conditions de travail décentes pour tous les hommes et toutes les femmes; dans ce contexte, la Banque mondiale préconise le plein emploi et la protection des normes fondamentales du travail; la promotion de systèmes de protection sociale; l'encouragement à l'intégration sociale. Les membres travailleurs espèrent que ce code sera adopté définitivement et appliqué sur le terrain, y compris dans les activités du FMI. Il s'agit en tout cas d'un vent nouveau qui a été confirmé par la déclaration des ministres du Travail du Groupe des Huit (G8) en février 1999. L'OIT doit continuer à suivre de près ces évolutions et être impliquée dans la mise en œuvre du code de principes. Toutefois, il n'est pas sûr que les responsables pour les activités du FMI et de la Banque mondiale sur le terrain soient effectivement convaincus de l'importance des normes internationales du travail. Les interventions et les conseils du FMI et de la Banque mondiale ont eu des conséquences négatives directes sur la liberté syndicale et les conditions de travail au Bangladesh, au Pakistan, au Kenya ainsi que dans les pays de l'Afrique de l'Ouest et en Amérique latine. Selon des informations récentes, le FMI envisage d'effectuer une étude pour analyser l'impact économique éventuel des droits fondamentaux. Cette démarche est pour les membres travailleurs totalement inacceptable après les études effectuées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et bien d'autres organisations et l'adoption de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi.
37. Les membres travailleurs ont constaté que la commission d'experts attache beaucoup d'importance à l'intégration des normes du travail dans les activités opérationnelles et dans les débats sur la dimension sociale de la globalisation. Les discussions sur la dimension sociale de la mondialisation et du commerce international devraient être poursuivies, y compris à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et aboutir à des actions concrètes pour promouvoir l'application réelle des normes internationales du travail. Les investissements internationaux devraient également favoriser l'application des normes internationales du travail. Les membres travailleurs conviennent avec la commission d'experts que les normes internationales du travail ainsi que les conclusions des diverses instances de contrôle de l'OIT doivent servir de point de référence lors de la mise en œuvre des programmes de l'OIT ainsi que de ceux d'autres organisations et institutions internationales. Ceci vaut non seulement pour les normes du travail fondamentales mais aussi pour les autres conventions internationales du travail. En effet, il n'est pas cohérent que les instances de contrôle soient confrontées à des violations des normes du travail qui sont dues à des décisions et programmes des institutions financières internationales, de l'OMC et d'autres organisations.
38. Les membres travailleurs ont rappelé que, depuis le début de la campagne de ratification des sept conventions fondamentales, plus de 120 ratifications ont été enregistrées et d'autres sont attendues. Si ces résultats sont encourageants, trop de pays ne semblent toutefois pas manifester la volonté politique de procéder aux ratifications. Certains pays hautement industrialisés, tels que l'Australie et la Nouvelle-Zélande, déclarent tout simplement que leur législation n'est pas adaptée et ne ratifient pas de ce fait la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973. L'Australie envisagerait cependant de ratifier la convention actuellement en discussion sur l'élimination des pires formes de travail des enfants. Pourtant, certains pays en développement ou de nouveaux pays industrialisés, comme la Thaïlande, s'apprêtent à ratifier la convention no 138, ou du moins à modifier leur législation. En outre, pour certaines conventions telles que la convention no 87, les progrès sont moins importants que pour d'autres. Enfin, bien que la plupart des gouvernements aient informé d'une manière ou d'une autre l'OIT de leurs intentions en matière de ratification, il reste 17 pays qui n'ont toujours pas envoyé de réponse. Il s'agit, pour la plupart, de pays en conflit ou de pays à faibles ressources. Dans de tels cas, l'assistance technique du BIT s'avérerait très utile.
39. Les membres travailleurs ont déclaré qu'en ce qui concerne la révision des conventions, la commission a toujours consacré beaucoup d'attention aux travaux du groupe de travail sur la politique de révision des normes. Pour leur part, ils ont précisé, dès le début, que les décisions devraient s'appuyer sur une analyse approfondie des problèmes d'application et sur un consensus entre les trois groupes; ils estiment que les résultats du groupe de travail répondent à ces critères. Il y a également une bonne interaction entre le groupe de travail et la Conférence. Il convient de souligner en outre que les activités du groupe de travail ne sont pas limitées à la révision. Elles ont également pour but de promouvoir la ratification des conventions à jour et non pas seulement celle des conventions fondamentales.
40. Plusieurs membres gouvernementaux (Ethiopie, Indonésie, Maroc) ont fait référence aux répercussions sociales des changements économiques et leurs implications pour l'OIT, notamment ses priorités d'action. Le membre gouvernemental de l'Inde a relevé l'engagement du Directeur général d'imprimer aux politiques et programmes de l'Organisation une nouvelle orientation qui tienne compte des effets sur la situation économique et sociale ainsi que sur l'emploi de la globalisation, de la libéralisation du commerce et de la vitesse des changements technologiques. Relevant les effets néfastes de la globalisation, notamment sur l'emploi, il a estimé que la nécessité d'augmenter les créations d'opportunités pour les femmes et les hommes d'obtenir et de conserver un emploi et un revenu décents constitue l'un des objectifs les plus importants de l'Organisation dont dépendent les progrès dans la réalisation des autres.
41. Le membre employeur de l'Afrique du Sud, se référant au rapport du Directeur général Un travail décent, qui met l'accent sur une approche intégrée des activités de l'OIT, a souligné qu'une telle approche intégrée devait également être adoptée en ce qui concerne les procédures de contrôle. La commission d'experts se trouve à la croisée des chemins. Elle doit concevoir une approche intégrée et non sectorielle, afin d'asseoir l'autorité des observations et demandes qu'elle adresse aux Etats Membres. Les Etats Membres ont comme objectif commun de maintenir les valeurs de l'OIT et plus particulièrement celles des conventions fondamentales qui représentent des principes inhérents au droit du travail. La meilleure manière d'appliquer ces principes dans le contexte actuel des mutations constitue un défi à relever. Comme souligné par le Directeur général, la pierre angulaire des activités de l'OIT a évolué avec les transformations économiques et sociales résultant de la récente mondialisation de l'économie. Dans ce contexte de mondialisation, les politiques de libéralisation économique ont détérioré la relation entre l'Etat, le monde du travail et l'entreprise. Brossant un tableau des changements intervenus, et relevant notamment leur impact sur les organisations d'employeurs et de travailleurs, il a estimé que dans ce contexte de changement il est crucial de préserver les principes contenus dans les conventions nos 87 et 98; il est devenu également vital d'adapter leur application à ces nouvelles circonstances. Il est certain que l'application aux négociations collectives et à leur structure du «même modèle pour tous» ne peut guère donner de résultats optima à tous les niveaux; la négociation doit être en mesure de faire face aux changements de circonstances. Dans ce contexte, il est pertinent de faire référence à la souplesse implicite de l'article 4 de la convention no 98.
42. Le membre travailleur de la France a souligné que l'évolution rapide des technologies, des moyens et des conditions de travail, et la globalisation appellent une évolution des normes internationales du travail existantes et la création de nouvelles normes générales et sectorielles. La globalisation pose aussi, de manière aiguë, la question du lien entre les normes et les échanges internationaux. Les gouvernements ont affirmé clairement, lors de la Conférence ministérielle de l'OMC à Singapour, la compétence exclusive de l'OIT en matière de normes du travail. Cependant, aucune coopération n'a été instaurée entre l'OMC et l'OIT pour engager une réflexion commune sur les moyens positifs d'assurer une promotion effective des normes fondamentales, en particulier en assurant un appui technique et scientifique, des préférences commerciales et des moratoires sur la dette extérieure aux pays qui respectent les droits fondamentaux des travailleurs. La violation des droits de la personne humaine ne peut être assimilée à un avantage comparatif mais au contraire à une forme inadmissible de dumping prohibée par les règles de l'OMC; il ne s'agit donc pas de protectionnisme. En outre, les pays qui croient tirer bénéfice de leur position de refus d'entrée en matière s'exposent à plus ou moins long terme à des réactions unilatérales de la part des organisations de consommateurs, par exemple, qui pourraient affecter leurs exportations. Il serait paradoxal que les normes sociales soient les seules exclues de la régulation des échanges internationaux, alors que le prochain cycle de négociations de l'OMC portera en particulier sur les normes techniques environnementales et de sécurité des produits et que ce sont ces normes qui risquent en fait d'affecter significativement les possibilités d'exportation pour les pays en développement vers les marchés des pays industrialisés. Le membre travailleur du Pakistan a estimé qu'il était important que l'OIT renforce ses relations avec le FMI et la Banque mondiale.
43. Plusieurs membres gouvernementaux (Chine, République dominicaine, Egypte, Ethiopie, Inde, Indonésie, Jamahiriya arabe libyenne, Maroc, Népal, Sri Lanka) se sont référés au progrès du nombre des ratifications suite à la campagne de ratification des conventions fondamentales lancée en mai 1995 en mentionnant plus particulièrement les conventions fondamentales désormais ratifiées par leur pays.
44. Un membre travailleur de l'Allemagne a souligné que les conventions qui portent sur des questions techniques ont fait l'objet de moins de ratifications que les conventions fondamentales, et la campagne de ratification devrait donc s'étendre à d'autres conventions, notamment la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, la convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964, et la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, ainsi que les conventions ayant trait à la sécurité et à la santé au travail et aux travailleurs migrants. Le membre travailleur des Etats-Unis a considéré que la Déclaration ne saurait remplacer la ratification des conventions. Le membre travailleur de la Finlande (s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques) a espéré que le mécanisme de suivi de la Déclaration permettra de faciliter le processus de ratification des conventions fondamentales. Le membre travailleur de l'Inde a souhaité une assistance supplémentaire pour garantir le respect des conventions et le membre travailleur du Pakistan a souhaité que l'assistance s'étende aux organisations de travailleurs.
45. Plusieurs membres gouvernementaux (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Inde, Kenya, Liban, Maroc, Portugal, Royaume-Uni, Sri Lanka, Suède (s'exprimant au nom des pays nordiques), Suisse) se sont exprimés au sujet de la politique normative, certains en se référant plus particulièrement aux travaux du groupe de travail sur la révision des normes, ou aux propositions contenues dans le rapport du Directeur général Un travail décent. Le membre gouvernemental de la France a fait référence aux causes de la faiblesse des ratifications au cours des dernières années et aux moyens d'y remédier, notamment dans le choix des sujets et le contenu des normes. Il existe un certain décalage entre les propositions de révision et le peu d'enthousiasme à inscrire ces révisions à l'ordre du jour de la Conférence. A cet égard, le membre gouvernemental des Etats-Unis a estimé que priorité devait être donnée aux recommandations du groupe de travail, et le membre gouvernemental de l'Allemagne a noté que le choix des questions ne se porte pas sur celles qui sont les plus urgentes ou les plus importantes. Plusieurs membres gouvernementaux (Canada, Royaume-Uni, Suède (s'exprimant au nom des pays nordiques), Suisse) ont marqué leur intérêt aux développements consacrés par le Directeur général aux activités normatives. Le membre gouvernemental de la Suisse a rendu hommage au groupe de travail et a appelé à une réflexion sur l'amélioration du processus d'adoption des normes et de l'efficacité du système de contrôle sans en diminuer la pertinence et les acquis.
46. Les membres gouvernementaux de la France et du Japon ont souligné le caractère universel des normes; l'OIT en tant qu'institution universelle doit continuer à adopter des normes universelles. Le membre gouvernemental du Japon a souligné qu'il était également important de maintenir l'objectivité et l'impartialité des procédures de contrôle.
47. Le membre travailleur de l'Italie s'est référé à l'élaboration de codes de conduite et d'un label social et le membre gouvernemental de l'Allemagne a considéré que l'OIT devrait jouer un rôle actif.
48. Les membres travailleurs ont relevé en ce qui concerne les codes de conduite ou de bonnes pratiques privées en matière de politique sociale des entreprises que de plus en plus d'entreprises développent actuellement de tels codes de conduite, et le BIT a consacré plusieurs documents à cette évolution. Ces codes voient le jour sous la pression de l'opinion publique, des syndicats et d'autres organisations telles que les organisations de consommateurs et les ONG, les entreprises se souciant de plus en plus de leur image sociale. Ceci est en soi une évolution positive. Le BIT doit suivre de près cette problématique, et ce pour plusieurs raisons. Les codes de conduite ainsi que les mécanismes de suivi sont de qualité fort différente; c'est ainsi que seul un nombre limité de codes de conduite fait mention de toutes les normes fondamentales du travail ou de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de 1977. Le BIT dispose également de l'expertise nécessaire pour conseiller les entreprises dans ce domaine. Les entreprises peuvent ainsi contribuer directement à la promotion de l'application des normes fondamentales du travail, à la sécurité et à l'hygiène sur les lieux de travail et à la mise en place de conditions de travail et de rémunération convenables.
49. Les membres travailleurs ont constaté avec satisfaction que la grande majorité des interventions avaient particulièrement mis en évidence l'importance des normes internationales du travail et du système de contrôle. Ils ont observé que les membres employeurs appuyaient une approche intégrée dans laquelle le rôle des normes internationales, de la justice sociale et du dialogue social est mis en exergue. Dans ce contexte, l'emploi et l'activité économique doivent aller de pair avec les normes internationales et plus particulièrement avec les sept conventions fondamentales, la protection sociale et le dialogue social. Les membres travailleurs souscrivent à cette approche d'ensemble et intégrée. Ils ont noté que nombre de gouvernements ont également préconisé le parallélisme entre les normes internationales, d'une part, et le développement économique, d'autre part. Ce consensus autour des objectifs stratégiques de l'OIT est encourageant, car il est indispensable pour concrétiser davantage les bonnes intentions par des mesures concrètes, à la fois aux niveaux international et national. Les membres travailleurs ont relevé que plusieurs membres gouvernementaux avaient souligné l'importance croissante du système de contrôle dans un monde en pleine mutation (notamment le Royaume-Uni). Dans ce contexte, les membres travailleurs ont insisté sur le fait que la globalisation de l'économie doit aller de pair avec un renforcement de l'application des conventions pour tous les travailleurs, incluant ceux travaillant dans les zones franches d'exportation, et ils ont relevé que plusieurs membres gouvernementaux (Allemagne, Etats-Unis, Kenya) avaient insisté sur ce dernier point. En outre, la globalisation de l'économie rend indispensable la ratification par l'ensemble de la communauté internationale des conventions nos 87 et 98. Les membres travailleurs ont insisté sur la vocation universelle de l'OIT et des normes. L'OIT et les mandants devraient mettre tout en œuvre pour que soient adoptées des normes de qualité, pouvant être largement ratifiées si la volonté politique est présente. Ils se sont opposés à l'introduction dans les normes de divergences régionales.
50. Les membres employeurs ont considéré que la discussion générale avait fourni nombre d'approches et d'éléments nouveaux. Dans ce contexte, le rapport du Directeur général contient justement une nouvelle approche à l'égard du système des normes prônant plus de souplesse qui est essentielle afin de ne pas perdre le contact avec la réalité. Un autre élément nouveau concerne le travail réalisé par le groupe de travail sur la révision des normes. De même, la commission d'experts a révisé sa position à l'égard de diverses questions. L'OIT a mis des décennies avant de reconnaître que les normes ne sont pas adoptées pour l'éternité, ce qui explique en partie que la Constitution de l'OIT ne contienne pas de disposition spécifique permettant l'abrogation de normes désuètes. En conclusion, les membres employeurs se sont dits encouragés par cette nouvelle tendance vers plus de souplesse et ils ont insisté sur l'importance de poursuivre le dialogue social.
51. La commission a noté avec intérêt les informations communiquées par les membres gouvernementaux des pays suivants au sujet des perspectives de ratifications: Canada (le gouvernement poursuit ses efforts en vue de la ratification de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930); Chine (une procédure est entamée en vue de la ratification de la convention (no 167) sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988, et de la convention (no 150) sur l'administration du travail, 1978); République dominicaine (les instruments de ratification de la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973, de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, et de la convention (no 150) sur l'administration du travail, 1978, ont été déposés auprès du Directeur général); Japon (le gouvernement a pris des mesures en vue de la ratification de la convention (no 181) sur les agences d'emploi privées, 1997, en la soumettant au Parlement); Népal (le pays est sur le point de ratifier la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957); Portugal (des études et consultations ont été entamées en vue de la ratification de la convention (no 175) sur le travail à temps partiel, 1994, de la convention (no 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995, de la convention (no 180) sur la durée du travail des gens de mer et les effectifs des navires, 1996, de la convention (no 181) sur les agences d'emploi privées, 1997, et du Protocole relatif à la convention (no 147) sur la marine marchande (normes minima), 1976); Seychelles (le cabinet du Conseil des ministres a approuvé la ratification des conventions (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, (no 100) sur l'égalité de rémunération, 1951, (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, (no 148) sur le milieu de travail (pollution de l'air, bruit et vibrations), 1977, (no 150) sur l'administration du travail, 1978, et (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978; Suisse (le pays va ratifier la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 138) sur l'âge minimum, 1973).
Déclaration de l'OIT relative aux principes
et droits fondamentaux au travail et son suivi
52. Les membres employeurs se sont questionnés quant à savoir si la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi visait réellement la création de moyens complémentaires en vue de la mise en œuvre effective des normes fondamentales de l'OIT. La Déclaration a été adoptée étant donné que plusieurs Etats Membres n'avaient pas ratifié les conventions fondamentales de l'OIT. Toutefois, la question de savoir si la Déclaration offre des possibilités complémentaires ou non pour la mise en œuvre de ces normes est demeurée ouverte. En ce qui concerne l'opinion de la commission d'experts, selon laquelle le mécanisme de suivi de la Déclaration ne doit pas se substituer aux mécanismes traditionnels de contrôle ou faire obstacle à leur fonctionnement, les membres employeurs ont estimé que cette opinion peut porter à confusion. En particulier, pour ce qui est de l'espoir exprimé par la commission d'experts qu'une approche cohérente soit maintenue dans la pratique avec les normes de l'OIT et les mécanismes de contrôle, les membres employeurs ont souligné les différentes approches adoptées par les normes internationales du travail et la Déclaration. Selon eux, il existe de claires distinctions entre ces instruments qui devront être maintenues dans le contexte de leur supervision.
53. Les membres employeurs, tout en se félicitant de la campagne très active de promotion d'une plus large ratification des sept conventions fondamentales de l'OIT, considérée comme un succès par la commission d'experts, ont estimé que le niveau insatisfaisant de ratification de ces instruments a été la raison sous-jacente de l'adoption de la Déclaration. L'avenir démontrera la signification réelle de la Déclaration.
54. Les membres travailleurs ont estimé que la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi constituent une évolution extrêmement importante en matière de normes internationales du travail, et que l'approbation de la Déclaration et sa mise en œuvre auront un impact important au niveau politique et social pouvant contribuer au renforcement de la pertinence et de l'influence des normes internationales du travail. Il est également important que la Déclaration devienne un point de référence pour la collaboration technique et pour l'orientation des divers programmes de l'OIT ainsi que de ceux des autres institutions internationales précédemment citées. Lors de sa session de mars 1999, le Conseil d'administration a établi les modalités d'application du mécanisme de suivi. Le premier rapport global sera consacré à la liberté syndicale et à la négociation collective. Trois préoccupations et priorités sont à souligner: les membres travailleurs estiment en premier lieu que le mécanisme de suivi de la Déclaration ne doit pas se substituer aux procédures de contrôle en vigueur ou en empêcher le fonctionnement. Ils partagent les préoccupations exprimées à cet égard par la commission d'experts. En deuxième lieu, la cohérence dans l'application des principes et droits fondamentaux doit être préservée; même si la Déclaration et son mécanisme de suivi ont pour but premier de servir d'instrument de nature promotionnelle, il est essentiel d'éviter qu'apparaissent, par exemple, différentes conceptions de la liberté d'association, de la négociation collective ou de l'interdiction de la discrimination. Enfin, la campagne pour promouvoir la ratification des conventions fondamentales doit être poursuivie.
55. Les membres travailleurs ont relevé à cet égard que le rapport du Directeur général à la Conférence Un travail décent souligne clairement que la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi devrait renforcer la capacité de l'OIT de promouvoir les droits fondamentaux et que tous les pays devraient être encouragés à procéder à la ratification des conventions fondamentales. Les droits au travail et donc les normes du travail figurent également parmi les quatre objectifs stratégiques de l'OIT préconisés par le Directeur général.
56. Plusieurs membres gouvernementaux (Allemagne, Belgique, Egypte, Ethiopie, France, Inde, Kenya, Liban, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède (s'exprimant au nom des pays nordiques), Suisse) se sont référés à la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi. Certains membres gouvernementaux (Allemagne, Belgique, Egypte, France, Pays-Bas, Portugal, Suède (s'exprimant au nom des pays nordiques), Suisse) ont partagé les vues de la commission d'experts selon lesquelles le mécanisme de suivi n'a pas la prétention de se substituer aux mécanismes de contrôle en vigueur ou d'en empêcher le fonctionnement et qu'une action visant à assurer le maintien dans la pratique d'une approche cohérente et compatible avec les normes et les mécanismes de contrôle est nécessaire. Le membre gouvernemental de la Suisse a souligné que le calendrier de mise en œuvre du suivi devrait être respecté et que le rapport global devrait donner lieu à une coopération renforcée entre les départements du Bureau et entre les institutions internationales, y compris les institutions financières.
57. En tant que porte-parole des employeurs pour la Déclaration en 1998, le membre employeur des Etats-Unis a également estimé que la Déclaration devait compléter les mécanismes de contrôle existants et non pas constituer une alternative à ceux-ci. Les principes tirés de la Déclaration sont de nature différente des obligations acceptées suite à la ratification de conventions. Ils visent à mettre en œuvre les politiques énoncées dans les conventions, mais pas leurs obligations juridiques détaillées. En outre, les principes contenus dans la Déclaration en matière de liberté syndicale et de négociation collective diffèrent de la formulation détaillée de ces principes par le Comité de la liberté syndicale. La Déclaration renforce les politiques définies dans les conventions fondamentales, afin que les pays qui ne l'ont pas encore fait soient en mesure de ratifier ces conventions, et que ceux qui les ont déjà ratifiées puissent davantage parvenir à leur pleine application dans la législation et la pratique. La Déclaration traduit par conséquent une approche cohérente vis-à-vis des mécanismes de contrôle existants de l'OIT.
58. Le membre gouvernemental du Kenya a souligné le caractère promotionnel du mécanisme de suivi et a fait référence aux ressources considérables attribuées au titre de l'objectif stratégique no 1 en vue de la promotion et de l'application effective de la Déclaration. Le membre gouvernemental de l'Inde a estimé que les principes fondamentaux de la Déclaration devraient être promus, que les Etats aient ou non ratifié les conventions correspondantes. La Déclaration ne devrait toutefois pas servir de prétexte pour ne pas ratifier les conventions pertinentes, étant donné que la ratification est la manifestation appropriée pour promouvoir et mettre en vigueur les principes et droits consacrés dans la Déclaration.
59. Les membres travailleurs ont considéré que la Déclaration doit être le point de départ et de référence pour aboutir à une meilleure connaissance et application des normes internationales du travail. Nombre de gouvernements ont souligné - comme l'ont fait les membres travailleurs - la complémentarité de la Déclaration et de son mécanisme de suivi (Allemagne, Belgique, Inde, Pays-Bas, Portugal, Suisse); comme les membres travailleurs, ces gouvernements partagent les préoccupations de la commission d'experts lorsqu'elle insiste sur le fait que le mécanisme de suivi de la Déclaration n'a pas la prétention de se substituer aux mécanismes existants. La Déclaration devrait toutefois encourager les gouvernements à ratifier et à appliquer effectivement les conventions fondamentales et à orienter la coopération technique.
Autres aspects internationaux et régionaux
60. Les membres employeurs ont relevé que, chaque année, le rapport de la commission d'experts rend compte de la collaboration entre l'OIT et les autres organisations internationales dont l'action s'inscrit dans les traités et autres instruments relatifs aux droits de l'homme. Ces instruments peuvent être, par nature, de portée universelle ou de portée régionale. Ceux de la première catégorie sont en général du ressort de l'Organisation des Nations Unies et de ses institutions spécialisées. Des progrès considérables ont parfois été constatés dans l'application de ces traités, même s'il a fallu bien souvent un certain temps avant que ce succès ne devienne manifeste. Le cas de la Déclaration universelle des droits de l'homme est à cet égard assez représentatif puisqu'au départ cet instrument n'était guère plus qu'une déclaration solennelle. Ce texte n'avait en conséquence pas d'autre signification que celle d'une recommandation politique de l'Assemblée générale des Nations Unies puisque les Etats membres de cette organisation n'étaient pas parvenus à s'entendre sur des dispositions plus étendues. Mais, depuis lors, la plupart des dispositions de cette Déclaration universelle sont peu à peu devenues partie intégrante du droit international commun. Elles sont donc devenues un élément constitutif de ce corpus du droit international dont l'expansion continue illustre le processus généralisé de mondialisation. Ainsi, si la mondialisation peut avoir, pour certains, des aspects inquiétants, elle n'en présente pas moins d'autres aspects, qui méritent d'être pris en considération.
61. Les membres travailleurs ont souligné, en relation avec la collaboration entre le BIT et d'autres organisations internationales en matière de droits de l'homme, que le BIT a incontestablement renforcé sa propre capacité d'intervention dans le domaine des droits de l'homme au travail. Il devrait cependant développer la collaboration avec les Nations Unies et les autres institutions spécialisées pour renforcer le suivi en matière de droits de l'homme.
62. Le membre travailleur des Pays-Bas a regretté que la Commission des droits de l'homme des Nations Unies ne fasse pas référence au travail de l'OIT dans le domaine des droits de l'homme et que les résolutions sur le commerce et le développement adoptées par l'Assemblée des Nations Unies au cours des dernières années ne se réfèrent pas au débat sur la clause sociale au sein de l'OIT et de l'OMC.
63. Le représentant du Secrétaire général a indiqué que les contacts avec les rapporteurs spéciaux et les organes conventionnels des Nations Unies avaient été intensifiés et que les contacts avec le Haut Commissaire aux droits de l'homme et d'autres organisations internationales, y compris la Banque mondiale et le FMI ont été plus fréquents.
64. Les membres gouvernementaux de la Belgique et de la Roumanie se sont référés à la collaboration entre l'OIT et le Conseil de l'Europe indiquant que de nouvelles ratifications ont été enregistrées aussi bien de la Charte sociale, de ses protocoles additionnels que de la Charte révisée; celle-ci entrera en vigueur en juillet 1999. Plus spécifiquement, selon le membre gouvernemental de la Belgique, ce mouvement annonce une nouvelle époque de coopération en Europe sur la base de l'application des droits sociaux fondamentaux largement inspirés de ceux de l'OIT mais qui tiennent aussi compte de directives sociales de la Communauté européenne. Il souscrit à la position du Directeur général selon laquelle l'OIT doit aussi s'intéresser aux efforts de coopération régionale en matière de droits sociaux, qu'elle se fasse sur la base de conventions existantes, en vue de la conclusion de nouveaux instruments, ou à l'occasion d'une «contribution technique» pour la gestion «d'aspects sociaux d'accords commerciaux». Le membre gouvernemental de la Roumanie a souligné la complémentarité, la complexité et quelquefois la divergence entre les instruments internationaux et régionaux; il convient donc d'accorder un soin particulier à la qualité, à l'universalité et à la flexibilité des normes de l'OIT et aux propositions du portefeuille normatif. Lorsqu'il y a des contradictions entre les normes internationales et les normes régionales, on met en question soit l'universalité des uns, soit le bien-fondé des autres. Un membre travailleur de l'Allemagne s'est référé au premier cas examiné dans le cadre du système de contrôle de la Charte en vertu de la procédure de réclamations collectives et portant sur l'interdiction du travail des enfants. Plusieurs conventions de l'OIT ont joué un rôle important dans le processus de révision de la Charte sociale et l'OIT doit continuer de jouer son rôle normatif et de contrôle. Les commentaires de la commission d'experts et les décisions du Comité de la liberté syndicale doivent être considérés comme faisant autorité pour l'interprétation de la Charte au sens d'un niveau minimum de protection.
65. Le membre travailleur du Brésil a fait référence à l'adoption de la Déclaration du MERCOSUR sur les questions sociales et relatives au travail inspirées de la Déclaration de l'OIT qui contribue à la prise de conscience à l'échelle régionale de la nécessité d'une discussion sociale dans le processus de mondialisation.
66. Le membre gouvernemental de la Belgique, se référant à la discussion sociale et à la globalisation, a par ailleurs déclaré que chaque institution internationale, intervenant dans le champ économique et social, a sa part de responsabilité dans le soutien de la dimension sociale de la mondialisation, conformément aux engagements pris au Sommet mondial pour le développement social de Copenhague. Chacune se doit donc d'examiner ce qu'elle peut faire dans le cadre de son mandat. Le développement social s'appuie notamment sur la dynamique des conventions sociales fondamentales de l'OIT. Il faut donc saluer toutes les initiatives qui contribuent à cette responsabilité sociale, y compris en ce qui concerne la coordination des institutions en question.
Exécution des obligations liées aux normes
67. Les membres employeurs ont approuvé le processus en cours en vue du renouvellement progressif du corpus des normes de l'OIT. Des instruments obsolètes cèdent peu à peu le pas devant la ratification de conventions révisées, de même que des conventions obsolètes sont peu à peu dénoncées à l'invitation du Conseil d'administration. Le rapport de la commission d'experts mentionne également des cas de dénonciation de conventions sans ratification d'une convention révisante, comme la dénonciation par les Pays-Bas et par la Zambie de la convention (no 45) des travaux souterrains (femmes), 1935, instrument qui comporte l'interdiction absolue du travail souterrain pour les femmes. Une situation semblable résultait de l'interdiction du travail de nuit des femmes. Ces mesures protectrices avisées avaient leurs racines dans ce que l'on peut appeler l'ère préscientifique. Le fait est que, si certains types de travaux sont malsains ou insalubres, ils le sont aussi bien pour les femmes que pour les hommes, de sorte que leur interdiction exclusive aux femmes a simplement fini par avoir pour effet de réduire les possibilités offertes à celles-ci sur le marché du travail.
68. Les membres employeurs ont appelé l'attention sur la nouvelle forme de présentation des informations concernant la ratification des conventions. Ces informations indiquent non seulement les nouvelles ratifications mais aussi les dénonciations et reflètent ainsi plus étroitement la réalité de la situation sans constituer pour autant un jugement de valeur.
69. Les membres employeurs ont déclaré que l'ensemble du système de contrôle repose au premier chef sur les rapports que les Etats Membres sont tenus de fournir. A la fin de la session de la commission d'experts, 62 pour cent des rapports demandés avaient été reçus. Une majorité d'Etats Membres avaient donc satisfait à leur obligation de faire rapport. Le problème fondamental a résidé plutôt dans la réception en temps voulu de ces rapports. En effet, lorsqu'ils arrivent trop tard, il n'est pas possible de les examiner attentivement si bien qu'il faut souvent en reporter l'examen à l'année suivante. Depuis de nombreuses années, les membres employeurs demandent que les Etats Membres qui persistent à soumettre leurs rapports entre la fin de la session de la commission d'experts et le début de la Conférence soient nommément cités. Cette proposition est restée malheureusement sans suite sans qu'une explication ne fût donnée. Les rapports sur l'application des conventions ratifiées doivent comprendre des informations sur l'application de ces instruments dans la pratique. Les rapports se limitant à la seule situation juridique ne donnent pas une représentation réaliste de l'ensemble. Il s'agit là d'un autre domaine dans lequel persistent d'importantes lacunes dans le processus de rapport. Le représentant du Secrétaire général a déclaré qu'il porterait la question posée par les membres employeurs à l'attention de la commission d'experts à sa prochaine session.
70. Les membres employeurs ont pris note des cas de progrès mentionnés dans le rapport de la commission d'experts et ils ont souligné les informations importantes communiquées par un nombre élevé d'organisations d'employeurs et de travailleurs. Il conviendrait qu'un plus grand nombre d'Etats Membres ratifient la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. Concernant les procédures constitutionnelles et autres, le rapport de la commission d'experts rend compte succinctement des procédures engagées en vertu des articles 24 et 26 de la Constitution de l'OIT. Les membres employeurs ont relevé, comme on a pu l'observer au cours de ces dernières années, l'augmentation marquée du nombre de réclamations présentées en vertu de l'article 24 de la Constitution et du nombre de cas portés devant le Comité de la liberté syndicale.
71. Les membres travailleurs ont exprimé l'espoir que le rythme des ratifications augmenterait sensiblement dans un futur proche, tant dans les pays en développement que dans les pays en cours d'industrialisation et dans les pays industrialisés. Les quinze pays membres de l'Union européenne et les institutions communautaires devraient clarifier d'urgence les problèmes juridiques éventuels concernant les procédures de ratification des conventions sur la sécurité et l'hygiène. Ces problèmes découragent les ratifications de ces conventions et ce blocage empêche le développement d'une dynamique de ratification dans les autres régions du monde. Les Etats devraient renoncer à leurs attitudes passives dans les cas où leur législation n'est pas conforme à une convention donnée et s'inspirer des normes internationales pour réviser et actualiser la législation. Le BIT et tous les mandants devraient renforcer leurs efforts pour mieux faire connaître les normes internationales du travail. A cet égard, le constat du Directeur général dans son rapport, selon lequel la plupart des normes sont mal connues, est correct.
72. Les membres travailleurs ont relevé que le rapport de la commission d'experts contient des informations sur la dénonciation de conventions non accompagnées de la ratification d'une convention révisée. En Australie, il n'y a pas eu de consultations tripartites réelles sur la dénonciation de la convention (no 9) sur le placement des marins, 1920. Or le groupe de réforme de la marine marchande en Australie aurait conseillé de ratifier les nouvelles conventions maritimes révisées, comme les conventions (no 179) sur le placement des gens de mer, 1996, et (no 180) sur la durée du travail des gens de mer et les effectifs des navires, 1996. Les Pays-Bas ont dénoncé la convention (no 45) des travaux souterrains (femmes), 1935, sans ratifier la nouvelle convention (no 176) sur la sécurité et la santé dans les mines, 1995, et le Luxembourg a dénoncé la convention (no 20) sur le travail de nuit (boulangeries), 1925, sans ratifier la convention (no 171) sur le travail de nuit, 1990.
73. Les membres travailleurs ont constaté que si la majorité des gouvernements envoient les rapports dus, une minorité importante ne les communique pas ou de manière tardive, y compris dans le cas des premiers rapports dus après la ratification. Par ailleurs, la majorité des rapports a été reçue entre le 1er septembre et fin novembre, au moment de la réunion de la commission d'experts, alors que les rapports devraient être envoyés au BIT entre le 1er juin et le 1er septembre afin de permettre au BIT de préparer la réunion de la commission d'experts. En outre, le caractère incomplet de nombreux rapports qui ne répondent pas aux commentaires des organes de contrôle ou aux observations des organisations de travailleurs et d'employeurs pose problème. Les membres travailleurs, comme les membres employeurs, ont toujours souligné l'importance d'un dialogue constructif entre les Etats Membres et les organes de contrôle. Sans réponses précises de la part des gouvernements aux questions et observations formulées par les organes de contrôle, le dialogue n'est plus possible et donc, par conséquent, l'attitude de ces derniers devrait nécessairement se durcir. Dans ce contexte, quatre éléments doivent être soulignés: certains des pays concernés sont des petits pays en développement ou des pays qui ont connu des bouleversements importants. L'assistance technique du BIT et le concours des membres des équipes multidisciplinaires pourraient aider leurs gouvernements; certains des pays mentionnés dans le rapport de la commission d'experts disposent ou devraient disposer des capacités techniques et organisationnelles pour dialoguer avec les organes de contrôle. Plusieurs d'entre eux devraient renforcer leur administration du travail et développer le tripartisme par des structures de consultation efficaces, comme prévu dans la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, et la recommandation (no 152) sur les consultations tripartites relatives aux activités de l'Organisation internationale du Travail, 1976. La commission d'experts devrait prochainement évaluer les dispositions en vigueur relatives à l'envoi des rapports et en tirer des conséquences. Le cycle pour l'envoi de la plupart des rapports a été étendu à cinq ans, les rapports ont été simplifiés et l'accent a été mis sur les problèmes réels d'application. Ces réformes substantielles ne semblent pas avoir eu l'effet escompté. L'existence d'une structure tripartite est importante pour encourager le respect des obligations découlant de la Constitution de l'OIT et des conventions ratifiées.
74. Les membres travailleurs ont souligné que les observations des organisations de travailleurs et d'employeurs constituent un élément important dans l'évolution du système de contrôle. La commission d'experts a de nouveau reçu un nombre élevé d'observations. Ces initiatives témoignent à la fois de l'importance que revêt l'OIT pour les travailleurs et leurs organisations, et de la persistance de problèmes d'application dans de nombreux pays. Afin de mesurer réellement l'impact et l'importance des réactions des organisations nationales et internationales de travailleurs, il faut également tenir compte des réclamations présentées en vertu de l'article 24 de la Constitution, des plaintes en vertu de son article 26 et des plaintes examinées par le Comité de la liberté syndicale. Certaines procédures sont mieux connues que d'autres et les organisations y font davantage recours. Il s'agit notamment des plaintes devant le Comité de la liberté syndicale ou des réclamations. Du fait de certaines faiblesses dans le système actuel de contrôle régulier, tel l'étalement dans le temps du cycle d'envoi des rapports, le non-envoi des rapports demandés et l'absence de réponses de la part de certains gouvernements aux commentaires des organes de contrôle, ces procédures ont leur utilité. Il est donc nécessaire que le BIT dispose des moyens nécessaires pour en organiser le suivi. L'OIT doit par ailleurs poursuivre ses efforts pour actualiser les procédures telle celle des réclamations. Les cas de progrès illustrent l'importance de l'OIT et de son système de contrôle pour la vie quotidienne des travailleurs, même si les délais entre les commentaires de ses organes et les adaptations dans la loi et la pratique sont, dans la grande majorité des cas, beaucoup trop longs.
75. Au sujet des dénonciations de conventions, le membre gouvernemental du Portugal a estimé que celles-ci devraient être accompagnées de la ratification des conventions à jour. Elle a mentionné plus spécifiquement la dénonciation de la convention no 45 en considérant que la révision de l'interdiction des travaux manuels souterrains pour les femmes doit se faire dans le cadre d'une amélioration des conditions de travail dans les mines. Les membres gouvernementaux de l'Espagne et des Pays-Bas de même que le membre travailleur des Pays-Bas en décrivant la situation de leur pays se sont eux aussi référés à la question de la dénonciation de la convention no 45. Le membre travailleur de la Grèce a déploré qu'au nom du principe de l'égalité de traitement on supprime dans certains pays les discriminations positives, entraînant ainsi un nivellement vers le bas. L'égalité de traitement ne devrait pas signifier la suppression de certains droits aux femmes mais plutôt leur extension aux hommes.
76. Le membre gouvernemental du Liban s'est demandé si la convention no 45 était toujours pertinente, s'il conviendrait de la mettre à l'écart ou de la considérer comme obsolète. Le représentant du Secrétaire général a indiqué que cette convention n'a pas été mise à l'écart ni considérée comme obsolète par le Conseil d'administration.
77. Le membre gouvernemental du Kenya a attiré l'attention sur la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, et le membre travailleur des Pays-Bas a considéré qu'il était important de mener des consultations tripartites au sens de cette convention au sujet des dénonciations et ratifications.
78. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a estimé que la baisse dans l'envoi des rapports est particulièrement inquiétante dans la mesure où le suivi de la Déclaration dépendra également de l'exécution correcte des obligations en la matière. Le membre gouvernemental de l'Egypte a demandé que l'OIT accroisse son assistance technique aux gouvernements pour améliorer le respect de l'obligation de fournir des rapports et le membre gouvernemental du Swaziland s'est référé à une assistance financière accompagnée d'une assistance technique.
79. Le membre travailleur de la Finlande, s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, dont l'opinion était partagée par un membre travailleur de l'Allemagne a souligné que la qualité du travail de la commission d'experts est directement liée aux documents et informations qu'elle reçoit et sur lesquels elle fonde ses appréciations. A cet égard, les organisations de travailleurs et d'employeurs jouent un rôle important dans la mise en œuvre des conventions. Les rapports des gouvernements pourraient être de meilleure qualité s'ils étaient préparés dans un bon esprit de coopération avec les organisations de travailleurs et d'employeurs au sein des comités tripartites nationaux pour l'OIT et s'ils étaient complétés, le cas échéant, par des observations de ces organisations. Les observations des organisations offrent à la commission d'experts des informations précieuses sur l'application pratique des politiques poursuivies dans les différents pays. Selon le membre travailleur de la France, la baisse du volume des rapports soumis cette année est sans précédent depuis un demi-siècle. Or les délais de communication des rapports ont été substantiellement allongés à la demande des gouvernements en vue de leur permettre de fournir des rapports complets en temps utile. Si des détaillances apparaissent dans ce système, les autres moyens de contrôle seront de plus en plus sollicités. Le membre travailleur du Pakistan a rappelé l'importance de l'obligation d'envoyer des rapports sur l'application des conventions dans les territoires non métropolitains.
80. Le membre gouvernemental de l'Inde, se référant au recours plus fréquent aux procédures constitutionnelles, a estimé que la procédure fondée sur l'article 26 de la Constitution ne devrait être utilisée que dans des situations extrêmes et comme ultime recours.
81. Un membre travailleur de l'Allemagne, tout en relevant que la commission d'experts n'a pas abordé cette fois-ci dans son rapport la question des sanctions en cas de non-application des conventions dans la pratique, a estimé que ces sanctions sont nécessaires. A ce sujet, les membres employeurs se sont référés au rapport de la commission d'experts de l'année précédente dans lequel les experts ont révisé leur position sur cette question. Ils ont indiqué que ce changement de position avait également été reflété dans le rapport de 1998 de la Commission de la Conférence.
Autres questions concernant l'application
de certaines conventions
82. Les membres travailleurs ont constaté que le rapport de la commission d'experts contenait cette année des considérations générales sur l'application de conventions fort différentes. Ces remarques revêtent une grande valeur. En attirant l'attention sur les évolutions et problèmes constatés dans différents pays, ces considérations témoignent du souci des organes de contrôle de rester proches de l'actualité.
83. Le membre gouvernemental de Cuba a estimé que la partie du rapport général consacrée à l'application de certaines conventions se révèle particulièrement utile puisqu'elle contient des informations précises sur ces conventions, dans la mesure où des limitations en tout genre empêchent la réalisation d'études d'ensemble sur plus d'une convention par année. Elle contribue ainsi à une plus grande compréhension des problèmes que rencontre leur application.
Convention (no 29) sur le travail forcé, 193084.
84. Les membres employeurs ont déclaré accueillir favorablement les commentaires de la commission d'experts concernant la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, qui évoquent la contribution apportée par le débat tenu à ce sujet par la Commission de la Conférence en 1998. Ils estiment que ces questions méritent un examen plus approfondi, étant donné l'avis des membres employeurs en faveur d'une interprétation plus restrictive des normes actuelles.
85. Les membres travailleurs ont rappelé que, l'année passée, la Commission de la Conférence avait consacré une discussion détaillée aux problèmes d'application de la convention no 29, en relation avec le travail des prisonniers, plus particulièrement dans les prisons gérées par des entreprises privées et à la mise à disposition de prisonniers à des entreprises privées. Un tel travail soulève des problèmes en ce qui concerne les droits fondamentaux, les conditions de travail convenables et la concurrence déloyale à l'égard des autres entreprises qui, elles, doivent respecter les normes nationales et internationales. La commission d'experts souhaite poursuivre l'étude de cette question, sur la base d'informations complémentaires des Etats Membres. Les gouvernements devraient répondre aux questions posées par la commission d'experts, dans son observation générale sur la convention no 29, et consulter à cette occasion les organisations de travailleurs et d'employeurs. Une nouvelle étude d'ensemble devrait être prochainement consacrée aux instruments concernant l'abolition du travail forcé, étant donné la précédente date de l979.
86. Plusieurs membres gouvernementaux (Allemagne, Cuba, Espagne, Etats-Unis, Kenya, Royaume-Uni) se sont référés à la question des prisonniers concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Le membre gouvernemental du Kenya a estimé avec la commission d'experts que cette question méritait une attention soutenue. Le membre gouvernemental de Cuba a considéré qu'il existait un risque d'aboutir à une situation d'exploitation des droits de l'homme sous couvert de la fonction réhabilitatrice du travail pénitentiaire. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a rappelé qu'à l'époque de l'élaboration de cet instrument l'obligation faite aux prisonniers de travailler était considérée comme faisant partie de leur punition, alors qu'actuellement le travail des prisonniers est perçu comme un élément important du processus de resocialisation. Il est nécessaire d'examiner la mesure dans laquelle les pratiques actuelles, en particulier dans les prisons privées, sont compatibles avec une stratégie de resocialisation. Le membre gouvernemental de l'Espagne, en se référant à l'étude spéciale de l'année dernière et à l'observation générale de cette année ainsi qu'aux commentaires adressés à son pays, s'est demandé si la question sous examen méritait une attention tellement minutieuse, alors que le formulaire de rapport ne contient pas de question précise à propos du travail des prisonniers et que, face à une convention avec de nombreuses autres éventualités envisagées et un développement normatif riche, il est permis de penser que ledit alinéa représente une question sans grande importance, comparé à l'ensemble de la convention. La préoccupation de la commission d'experts est profonde et générale pour l'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 2 de cette vaste convention, importante et fondamentale; cette approche de la commission d'experts, quelque peu disproportionnée, ne résisterait sans doute pas à une comparaison équilibrée et pondérée avec le traitement qui est réservé à toutes les autres situations humaines envisagées et réglementées en détail par la convention. Le membre gouvernemental des Etats-Unis a déclaré que l'année passée, son gouvernement a demandé à la commission d'experts de réexaminer son interprétation de la convention no 29, en particulier pour ce qui est des prisons privées et du travail des prisonniers pour des entreprises privées. Cette question mérite un examen plus approfondi, notamment en ce qui concerne les points ayant trait aux prisonniers qui sont concédés ou mis à la disposition de particuliers, de compagnies ou de personnes morales privées. Il s'agit notamment du type de travail visé par la convention et d'éventuelles exclusions, de la nature du consentement des prisonniers, des conditions minimales requises en matière de salaires, de prestations et de déductions autorisées ainsi que des conditions relatives au contrôle de l'autorité publique. Le membre gouvernemental du Royaume-Uni a déclaré que son gouvernement travaillera avec la commission d'experts et les partenaires sociaux au Royaume-Uni pour développer une interprétation réaliste et à jour de cette convention fondamentale, cette approche étant essentielle pour maintenir et promouvoir l'application effective de la convention. Il soutient la proposition de la commission d'experts d'une nouvelle étude d'ensemble sur le travail forcé. Les membres gouvernementaux de Cuba et des Etats-Unis se sont également prononcés en faveur d'une nouvelle étude.
87. Le membre employeur des Etats-Unis a déclaré qu'en ce qui concerne l'examen en cours de la situation juridique des Etats-Unis par rapport à la convention, les informations complémentaires fournies par la commission d'experts sur la question des prisonniers concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées sont très utiles. Cependant, la demande d'informations complémentaires en la matière n'aurait pas dû être limitée aux Etats ayant ratifié la convention. En pratique, la transmission d'informations par d'autres pays faciliterait le processus de ratification. Le représentant du Secrétaire général a rappelé que seuls les Etats liés par la convention sont tenus, en vertu de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, de fournir des informations sur son application.
88. Un membre travailleur de l'Allemagne a invité le gouvernement de l'Allemagne a se référer non seulement au rôle que joue le travail en faveur de la réinsertion sociale des prisonniers, mais aussi aux mesures à prendre pour que la législation nationale assure l'application satisfaisante de la convention, et le membre travailleur de l'Inde s'est opposé à l'utilisation du travail forcé dans les prisons. Le membre travailleur de la France a déclaré que, si le travail des prisonniers est un moyen reconnu et efficace de réinsertion sociale, il faut néanmoins que certaines conditions essentielles soient réunies. Les prisonniers ont des droits, notamment économiques et sociaux; la convention no 95 leur est aussi applicable et le droit au salaire, la législation sur la santé et la sécurité au travail, le droit à une protection sociale et à une pension de retraite, la possibilité d'un travail librement choisi les concernent aussi.
Convention (no 108) sur les pièces
d'identité
des gens de mer, 1958
89. Les membres employeurs ont relevé que la convention no 108 visait à préciser l'objet des pièces d'identité des gens de mer, ainsi que les fins spécifiques pour lesquelles ces documents peuvent être utilisés, en précisant en particulier la distinction entre les documents d'identité et les passeports nationaux. Le document d'identité ne remplace pas le passeport; le passeport ne peut être utilisé comme document d'identité. Toutefois ces documents, dans certains cas, font partiellement fonction de passeport, notamment lorsque le marin souhaite se rendre à terre pour une courte durée lors d'une escale. La commission d'experts n'a cependant pas pu déterminer les causes du niveau relativement faible de ratification de cette convention. On peut seulement supposer que sa teneur n'est pas parfaitement accessible à tous les Etats Membres ou entre en conflit avec la législation nationale en matière de migration. Certains pays peuvent éprouver des difficultés à rendre leurs dispositions nationales en matière de passeports et autres pièces d'identité conformes aux dispositions de la convention.
90. Les membres travailleurs ont fait remarquer que ce n'est pas la première fois que la commission d'experts formule des commentaires généraux sur l'application de conventions plutôt techniques, telles que la convention no 108. De telles conventions techniques ont souvent une très grande importance sur le plan pratique et celui des principes pour les travailleurs concernés. Du fait du durcissement de la réglementation sur l'immigration dans beaucoup de pays, les gens de mer sont de plus en plus confrontés à des problèmes concernant la permission à terre dans les ports. Toutefois, l'autorisation de débarquer du bateau pendant l'escale dans le port ne doit pas être confondue avec des documents d'immigration tels que les passeports et les visas. La commission d'experts rappelle l'objectif du document d'identité des gens de mer, à savoir faciliter par le moyen d'un document de reconnaissance réciproque la permission à terre du marin. Il permet au marin de quitter le bateau. Il serait autrement dans certains cas obligé de rester à bord pendant de nombreuses semaines, voire des mois, ce qui serait une privation intolérable pour le marin. Il s'agit donc d'une forme exceptionnelle d'entrée temporaire. La commission d'experts rappelle également que toute une gamme de conditions supplémentaires telles que la présentation de documents complémentaires, le paiement de taxes ou la conservation du document par les autorités portuaires constituent une atteinte à la convention. Dans certains pays, l'émission ou la conservation du document d'identité est utilisée directement ou indirectement pour lier le marin à un armateur déterminé. Il en résulte que le droit au travail et la liberté de travail des marins sont limités ou dépendent du bon vouloir d'un armateur déterminé. Cela peut donner lieu à d'importants abus, l'armateur concerné pouvant sous-traiter les marins à d'autres armateurs qui occupent les marins à des conditions inférieures et après paiement de commissions au premier armateur. Ces pratiques sont inacceptables. Les pays concernés devraient réexaminer rapidement leur réglementation et leur pratique en fonction des remarques de la commission d'experts.
91. Le membre gouvernemental de Cuba a déclaré que les précisions et considérations de la commission d'experts relatives à la différence existant entre la pièce d'identité et le passeport, du point de vue de leur objet, forme et contenu, sont très utiles. La réalisation d'activités d'assistance technique dans ce domaine pourrait se révéler très bénéfique dans la mesure où l'application de cette convention dépasse généralement le champ de la compétence des ministères du Travail.
92. Un membre travailleur de l'Allemagne a estimé que les commentaires approfondis de la commission d'experts contribuent à sensibiliser davantage aux objectifs et dispositions de cette convention; de tels commentaires devraient figurer régulièrement dans le rapport de la commission d'experts à propos de différentes conventions. Le membre travailleur de la Grèce a déclaré que, bien qu'il s'agisse d'une convention maritime, elle traite de la dignité humaine et des droits de l'homme au travail. En effet, le document d'identité des gens de mer sert avant tout à permettre au marin de prendre une permission à terre pendant l'escale du navire. Il lui permet donc de quitter son lieu de travail qui en même temps lui sert de logement. Existe-t-il d'autres catégories de travailleurs libres qui doivent vivre jour et nuit sur leur lieu de travail et qui ont besoin d'un document spécial pour le quitter? Le statut du marin en permission est unique: le plus souvent le marin est un étranger. Toutefois, il n'est pas sur le territoire à titre de touriste. Il faut faire une distinction claire entre la permission du marin et le séjour du touriste, conformément à la règle: l'équipage suit le navire. C'est la nature même du travail des gens de mer qui explique leur présence sur le territoire d'un pays quelconque. Les progrès technologiques ont diminué, parfois de manière draconienne, le nombre de marins travaillant sur les navires. Ils ont aussi raccourci les escales et allongé les périodes de navigation. Ainsi, la permission d'aller marcher sur la terre ferme devient un besoin vital pour le marin. En effet, nul ne peut être confiné à bord pendant de longues périodes sans danger pour la santé, l'équilibre psychique, le bien-être et, en fin de compte, la capacité d'assurer la sécurité de la navigation. Ce qui est en cause, c'est un principe universel comme l'est d'ailleurs le droit maritime. Tout travailleur libre doit pouvoir quitter son lieu de travail. Le droit à la permission à terre fait partie depuis des temps immémoriaux des coutumes de la mer et trouve son expression contemporaine dans la convention no 108. Toute manœuvre pour éviter d'émettre le document d'identité et pour empêcher la permission à terre constitue une violation évidente des droits de l'homme au travail. Tous les pays devraient ratifier et appliquer cette convention.
Convention (no 122) sur la politique de l'emploi, 1964
93. Les membres employeurs ont estimé que la partie du rapport de la commission d'experts qui concerne l'application de la convention no 122 n'apporte pas d'éléments nouveaux. Il est incontestable que toute amélioration de la situation de l'emploi passe par une coordination des mesures dans des domaines tels que la politique économique, la politique monétaire et la politique sociale. Les interdépendances entre ces trois domaines sont si étroites que leurs causes et leurs effets doivent être pleinement pris en considération. A propos de la crise en Asie, la commission d'experts fait état de la Réunion de haut niveau qui s'est tenue à Bangkok en avril 1998 et des conclusions et recommandations qui en sont issues. Cette crise a coupé court à une décennie entière de croissance soutenue et rapide, qui avait eu le mérite de ramener le chômage à des niveaux relativement faibles. Au nombre des causes de cette crise, on a pu mentionner un manque d'ouverture des marchés de même que l'absence de transparence dans le secteur financier. Cette crise a manifestement ouvert la possibilité de procéder aux améliorations structurelles et aux réformes qui étaient nécessaires. Il importe donc d'assurer les pays concernés du soutien dont ils ont besoin. Les mesures de politique du marché de l'emploi ne se conçoivent cependant que dans le cadre de politiques économiques et sociales intégrées et ne sauraient se substituer à des mesures de politique générale. Il convient donc que l'impératif de la coordination de la politique macroéconomique et de la politique monétaire internationale soit largement accepté. Les membres employeurs ont souligné l'importance que l'action de l'OIT pourrait avoir dans ce sens.
94. Les membres employeurs ont relevé qu'une partie du rapport de la commission d'experts est consacrée aux efforts déployés par les Etats membres de l'Union européenne pour instaurer l'union économique et monétaire. La commission d'experts mentionne notamment le Conseil européen extraordinaire sur l'emploi tenu à Luxembourg en novembre 1997, qui a permis de formuler une stratégie coordonnée sur la politique de l'emploi. Elle a également mentionné les «directives pour l'emploi» qui devraient être incorporées dans les plans d'action nationaux de chacun des Etats Membres. Il convient de souligner à cet égard l'importance des quatre principes fondamentaux que sont l'aptitude à l'emploi, l'esprit d'entreprise, l'adaptabilité et l'égalité de chances. Dans ce contexte, il convient également de rappeler l'importance du principe de subsidiarité, du fait que les Etats membres de l'Union européenne sont individuellement responsables de leur politique de l'emploi et du travail. C'est donc à l'intérieur de ses frontières nationales que chaque Etat membre doit résoudre ses problèmes.
95. Les membres employeurs, en se référant à la situation dans les pays d'Amérique latine et dans les autres régions en développement, se sont attachés en particulier aux commentaires de la commission d'experts concernant le secteur informel. Tout en reconnaissant qu'il vaut mieux constater une croissance dans ce secteur plutôt qu'une stagnation et des pertes d'emploi dans le secteur formel, ils se sont interrogés sur le bien-fondé de l'idée de la commission d'experts tendant à ce que des représentants du secteur informel soient plus étroitement associés à la formulation et à la mise en œuvre de la politique de l'emploi. Il existe normalement dans le secteur formel des structures pour la représentation des partenaires sociaux; il est par contre très difficile de trouver des représentants des personnes travaillant dans le secteur informel. Par ailleurs, ils accueillent favorablement les propos de la commission d'experts lorsque celle-ci affirme, d'une manière générale, que le meilleur moyen de promouvoir l'emploi est de favoriser l'initiative privée. Dans une société libre, c'est la volonté des individus qui détermine la nécessité et les modalités de la création d'emplois.
96. Les membres employeurs ont mentionné le Rapport sur l'emploi dans le monde 1998-99 qui porte plus spécifiquement sur le développement de la mondialisation et l'évolution rapide des techniques, indissociable de ce phénomène. A cet égard, une importance particulière doit s'attacher au niveau de qualification des travailleurs. Des études empiriques font apparaître qu'un haut niveau d'instruction de la population entraîne un niveau élevé de compétitivité d'une nation et autorise un ajustement plus rapide aux changements structurels. Dans ce domaine, une base solide de compétences professionnelles doit donc être constituée à un stade aussi précoce que possible. Il est très difficile de compenser ultérieurement des lacunes sur le plan de l'instruction ou de la formation professionnelle. L'objectif recherché est donc de garantir que chaque individu atteigne et conserve un niveau élevé d'aptitude à l'emploi. Cela nécessite une certaine motivation de la part de chacun, de même que des mesures préventives garantissant que les obstacles pourront être surmontés et que les mesures de soutien passif pourront être évitées.
97. Les membres travailleurs ont déclaré qu'en ce qui concerne la convention no 122, la commission d'experts a formulé à nouveau des commentaires très utiles. Un des principaux défis pour la politique de l'emploi est incontestablement celui que pose la crise en Asie. Tout d'abord financière, la crise a en très peu de temps secoué fortement l'économie et par conséquent la société. Même si, selon les indicateurs financiers classiques, la crise devait s'atténuer quelque peu, les conséquences pour l'économie réelle et donc pour le revenu et l'emploi se feront sentir encore longtemps. Aussi, une telle crise demande-t-elle une réponse structurelle, dans le cadre de laquelle des réformes institutionnelles ont un rôle important à jouer. C'est ce qui apparaît dans plusieurs études et rapports qui ont été soumis récemment au Conseil d'administration. C'est ainsi qu'il faut œuvrer sans tarder pour une concertation sociale plus intense, une meilleure application des normes du travail, une politique sociale, économique et financière coordonnée et transparente ainsi que la mise en place d'un réseau de protection sociale. Il faudrait en outre mettre en place des services efficaces pour l'accompagnement et le recyclage de travailleurs licenciés ou menacés de licenciement. L'employabilité ne relève pas de la seule responsabilité du travailleur, mais les employeurs et les gouvernements devraient également s'en occuper. Dans son rapport, la commission d'experts inscrit ses recommandations dans le contexte de la politique de l'emploi coordonnée prescrite par la convention no 122, position à laquelle les membres travailleurs souscrivent pleinement. Les effets de la crise se sont fait ressentir de manière importante également dans d'autres régions telles que l'Amérique latine ou l'Afrique. L'emploi dans le secteur formel continue de décroître et la part de l'économie informelle s'accroît. C'est pourquoi il faut en concertation avec les organisations de travailleurs, y compris celles du secteur informel et les coopératives, œuvrer sans tarder à la mise en place d'une politique de l'emploi, permettant d'offrir à un plus grand nombre de travailleurs la perspective d'un meilleur emploi et une protection sociale adaptée.
98. Les membres travailleurs ont estimé que la commission d'experts était également attentive à juste titre à la mise en place d'une monnaie unique, l'Euro, pour onze des quinze Etats membres de l'Union européenne. Une coordination européenne plus poussée est nécessaire pour centrer davantage la politique monétaire et économique sur la politique sociale et de l'emploi. La commission d'experts fait à cet égard référence au Conseil européen extraordinaire sur l'emploi, tenu à Luxembourg en novembre 1997, à l'adoption de lignes directrices pour l'emploi et aux plans nationaux pour l'emploi. Il s'agit en effet d'un premier pas important, qui est cependant insuffisant pour mener une politique de l'emploi coordonnée telle que prescrite par la convention no 122. C'est la raison pour laquelle la politique économique et monétaire doit davantage tenir compte des objectifs en matière d'emploi. Bien qu'une telle coordination soit prévue sur le papier, les autorités monétaires, économiques et financières ont encore trop tendance à continuer à appliquer leurs propres recettes. Il faut espérer que le processus devant conduire à l'adoption d'un Pacte européen pour l'emploi tel que préparé pour le Conseil européen du mois de juin 1999 permettra de progresser.
99. Le membre gouvernemental de Cuba a déclaré que l'existence d'un secteur informel significatif dans de nombreux pays renforce la nécessité de continuer à travailler pour incorporer les principales lignes de développement de ce secteur dans la formulation et l'application de la politique de l'emploi au niveau national. L'inclusion de ce secteur dans le domaine de l'inspection du travail ainsi que l'observation selon laquelle les conventions de l'OIT sur l'âge minimum ne s'appliquent pas uniquement à l'emploi salarié des enfants dans le secteur organisé, mais également à toute autre forme économique, y compris le travail indépendant, pourraient contribuer à la formulation et l'application d'une politique de l'emploi efficace qui sauvegarderait les droits des travailleurs. Le membre gouvernemental du Portugal a considéré que le droit d'avoir un emploi est un droit de l'homme et qu'il conditionne la jouissance de tous les autres droits fondamentaux; la promotion des entreprises et la mise en valeur des ressources humaines sont des éléments fondamentaux pour la réalisation des objectifs de la convention. Le membre gouvernemental de l'Inde a estimé que la convention fournit un cadre approprié pour l'adoption d'une politique économique et sociale visant l'objectif d'emplois productifs pour tous. Le membre gouvernemental du Kenya a déclaré partager l'avis de la commission d'experts que l'objectif du plein emploi productif et librement choisi doit continuer d'être la politique fondamentale de l'OIT, et le membre gouvernemental du Liban a souligné l'importance des programmes globaux et focaux de l'OIT en vue de la création d'emplois.
100. Un membre travailleur de l'Allemagne a déclaré que l'application de la convention no 122, bien qu'il s'agisse d'une convention promotionnelle, a un impact direct sur la mise en œuvre d'autres conventions. Il convient de se rappeler à cet égard des discussions des Etats membres de l'Union européenne, à Luxembourg en 1997, qui ont réaffirmé l'importance fondamentale des politiques macro-économiques pour les problèmes de l'emploi. En outre, en réponse aux opinions exprimées par les membres employeurs concernant la faisabilité économique de certains types de mesures de protection sociale, les crises récentes des marchés financiers ont démontré à suffisance le besoin de cohésion sociale. A titre d'illustration, la tendance croissante de préférer l'assurance privée aux systèmes publics de protection sociale, par une dépendance accrue aux marchés financiers globaux, mène à une plus grande vulnérabilité de leurs bénéficiaires par rapport aux crises financières. Le membre travailleur de la France s'est référé aux commentaires de la commission d'experts et au rapport du BIT sur l'emploi dans le monde et sur les moyens de lutter contre le chômage et le sous-emploi, en mentionnant notamment l'éducation généralisée de base, la formation initiale et continue pour répondre à la demande croissante des travailleurs qualifiés et pour maîtriser les nouvelles technologies, ainsi que la réduction du temps de travail. La crise asiatique démontre bien que des systèmes sociaux performants sont la condition d'un développement équilibré et soutenu, et que leur défaillance crée une situation tragique pour les travailleurs et freine les possibilités de relance. Parmi les causes du chômage, on accuse l'insuffisante flexibilité du marché du travail ou le coût du travail et de la protection sociale. Or l'expérience asiatique démontre l'inverse. Le progrès social et la justice sociale sont les conditions nécessaires d'une croissance soutenue. Dans un prochain rapport, la commission d'experts devrait approfondir la question des conditions et des moyens pour préserver et faire progresser à long terme l'emploi, des qualifications et de la protection contre le chômage, afin de répondre à l'objectif de la convention no 122, celui du plein emploi qui permettra de pérenniser le financement de la protection sociale et des pensions de retraite actuellement remis en cause par la précarité, la flexibilité non choisie et les bas salaires.
101. Le membre employeur de l'Afrique du Sud a déclaré que la promotion de l'objectif du plein emploi devrait servir d'outil pour le futur puisque cela fournit l'opportunité d'intégrer des données macroéconomiques, y compris la politique monétaire, avec des politiques concernant le marché du travail. Ceci permet également à la commission d'experts de contribuer à l'évaluation d'alternatives ainsi qu'à leur coût.
Convention (no 169) relative aux peuples
indigènes et tribaux, 1989
102. Les membres employeurs ont estimé concernant l'application de la convention no 169, que la commission d'experts n'avait pas été en mesure d'apporter beaucoup d'éléments du fait que cet instrument n'a été adopté que récemment et n'a encore été que peu ratifié. Son objectif est de protéger les quelque 300 millions d'individus appartenant à ces peuples. De la même manière que bien d'autres conventions, il établit des droits et des dispositions minima. Il s'agit néanmoins d'un instrument extrêmement complexe, qui peut avoir une incidence sur la structure constitutionnelle d'une nation. Cet instrument peut aussi avoir une incidence dans des domaines qui ne relèvent pas de l'application directe de la législation nationale. A titre d'exemple, la commission d'experts mentionne les accords de paix au Guatemala ainsi que l'influence que peut avoir cette convention dans certaines instances judiciaires.
103. Les membres travailleurs ont indiqué qu'ils avaient pu contribuer de façon décisive à l'adoption par l'OIT en 1957 et 1989 des deux conventions relatives aux peuples indigènes, les conventions nos 107 et 169. Comme la commission d'experts le souligne à juste titre, la convention no 169 est l'instrument le plus exhaustif que l'on ait pu concevoir pour protéger les droits des peuples indigènes et tribaux. Elle vise à assurer la protection de quelque 300 millions de personnes. La convention a déjà exercé une grande influence dans de nombreux pays avant même sa ratification, mais il reste un long chemin à parcourir.
104. Le membre employeur de la Bolivie a noté que le rapport de la commission d'experts souligne à juste titre que la convention a influé sur le droit positif; c'est le cas de la Constitution bolivienne qui a incorporé le principe multiethnique et le principe multiculturel, ainsi que du code relatif aux exploitations minières. La complexité de la convention est source de difficultés en ce qui concerne son application, surtout si l'on tient compte du fait que son champ d'application va au-delà des questions du travail et couvre notamment les questions relatives aux ressources naturelles et à différents aspects culturels et sociologiques, ainsi que des questions pénales. La commission d'experts précise que la convention instaure «une relation de respect entre les peuples indigènes et les Etats dans lesquels ils vivent, notion qui ne doit pas être confondue avec l'autonomie ou l'indépendance politique et territoriale par rapport à cet Etat». Ce point est important, étant donné que certains pays comme la Bolivie ont tendance à interpréter de manière extensive la convention, sans tenir compte des limitations, des conditions et des clauses de souplesse qu'elle prévoit. La commission d'experts doit contribuer à ce que la convention soit interprétée de manière adéquate, ce qui favorisera son dynamisme et son expansion ainsi que le respect de ses objectifs.
Conventions relatives au travail des enfants
105. Les membres employeurs ont relevé que, dans ses commentaires sur l'application des conventions relatives au travail des enfants, la commission d'experts s'était référée aux nouveaux instruments envisagés sur l'élimination des pires formes de travail des enfants; elle a également souligné l'absence d'informations précises de la part de certains pays sur l'application dans la pratique des conventions en vigueur. Les rapports concernant l'application des conventions relatives au travail des enfants ainsi que, d'une manière générale, l'application de toutes les conventions, devraient être plus précis et complets et contenir des informations sur l'application dans la pratique des normes. Les mesures adoptées qui ne sont pas adaptées à la réalité de la situation, sont vouées à rester lettre morte. Ils se disent convaincus qu'un niveau satisfaisant d'instruction et de formation constitue la plus sûre des garanties contre l'exploitation du travail des enfants. L'éducation et la formation sont en fait un facteur déterminant de l'avenir d'une nation.
106. Les membres travailleurs ont déclaré que le BIT et la communauté internationale portent une attention accrue aux mesures nécessaires pour combattre le travail des enfants dans le monde; ils se sont référés, à cet égard, notamment aux discussions en cours à la Conférence en vue de l'adoption de nouveaux instruments, aux programmes exhaustifs, tels que le Programme international pour l'élimination du travail des enfants (IPEC) pour prévenir et éliminer le travail des enfants, et à la campagne pour promouvoir la ratification de la convention no 138. Le nombre total de ratifications de cette convention progresse de façon encourageante. Dans plusieurs pays, les organisations syndicales ont largement contribué à la mobilisation contre le travail des enfants. Dans certains pays, le BIT devrait assister les organisations syndicales afin de renforcer leur capacité d'action, y compris dans le domaine de la lutte contre le travail des enfants. Les membres travailleurs partagent les préoccupations de la commission d'experts quant au travail des enfants dans le secteur informel et à la nécessité de renforcer le contrôle, notamment par l'inspection du travail et l'implication des organisations de travailleurs et d'employeurs.
107. Plusieurs membres gouvernementaux (Belgique, République dominicaine, Indonésie, Kenya, Suède (s'exprimant au nom des pays nordiques)) se sont référés aux nouveaux instruments en discussion à la Conférence. Le membre gouvernemental de la Belgique a estimé que ceux-ci devraient viser des actions complémentaires plus immédiates par rapport aux objectifs de la convention no 138. Le membre gouvernemental de Cuba a indiqué que le développement et le prolongement de l'instruction primaire sont des éléments importants permettant d'assurer l'application de la convention no 138. Le membre gouvernemental du Kenya a apprécié les efforts déployés par l'OIT en particulier par le biais des activités de l'IPEC, programme auquel se sont référés également les membres gouvernementaux de la République dominicaine et de l'Indonésie. Le membre gouvernemental de la Suède (s'exprimant au nom des pays nordiques) a espéré que les activités de contrôle de l'application des normes en la matière contribueront à l'élimination effective du travail des enfants.
108. Le membre travailleur du Pakistan a espéré que le BIT aidera à l'application de la convention afin que soit assuré l'accès des enfants à l'éducation. Le membre travailleur de la Colombie s'est demandé s'il était réaliste d'espérer résoudre le problème du travail des enfants alors que la précarité sociale et l'instabilité dans le monde du travail s'aggravent. L'OIT devrait procéder à un bilan des résultats de son action. Le membre travailleur de l'Inde a indiqué que les pratiques de travail des enfants et de travail forcé subsistent en dépit des lois qui les interdisent, ce qui montre que l'existence d'un cadre juridique n'est pas suffisante pour garantir le respect des conventions; une assistance supplémentaire du BIT serait nécessaire.
Zones franches d'exportation
109. Les membres employeurs ont indiqué qu'en diverses occasions, la Commission de la Conférence a soulevé la question de l'application des conventions dans ce qu'il est convenu d'appeler les zones ou entreprises franches d'exportation. Le rapport de la commission d'experts mentionne le Programme d'action qui a été mis en œuvre à ce sujet, et les conclusions et recommandations de la Réunion tripartite des pays dotés de zones franches d'exportation ont eu lieu à Genève du 28 septembre au 2 octobre 1998. Des progrès ont manifestement été accomplis dans ce domaine. C'est ainsi que, par exemple, l'application de la législation du travail dans certains domaines économiques n'est explicitement exclue que dans peu de pays. Il reste cependant beaucoup à faire. La commission d'experts évoque à cet égard l'application des conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective ainsi que sur l'égalité de rémunération. Il semble toutefois que la question des rémunérations dans les zones franches d'exportation ne soulève pas de problèmes particuliers et ne paraît pas moins favorable que dans d'autres parties des pays.
110. Pour les membres travailleurs, le suivi de l'application des conventions dans les entreprises ou zones franches d'exportation constitue une priorité absolue et ils apprécient les commentaires et observations que la commission d'experts formule depuis plusieurs années sur l'application des normes en la matière. Depuis la dernière Conférence, la réunion tripartite de 1998 a formulé des conclusions importantes sur les priorités et les directives destinées à améliorer les conditions sociales et de travail dans les zones franches d'exportation. Dans ses conclusions, la réunion a constaté que le rythme auquel les zones se développent s'accélère avec la mondialisation. Un consensus s'est dégagé quant à la gravité des problèmes qui se posent en ce qui concerne notamment les heures de travail excessives, les restrictions sévères à la liberté syndicale, à la négociation collective, au dialogue social ainsi qu'aux conditions de travail des femmes. Il est important que les organes de contrôle et le BIT dans son ensemble suivent l'application des conventions dans la pratique ainsi que la mise en œuvre des directives adoptées par la réunion tripartite.
111. Le membre gouvernemental de Cuba a rappelé avec la commission d'experts que la mondialisation ne doit pas affaiblir l'obligation des Etats qui ratifient les conventions de les appliquer dans les zones franches. L'existence même de celles-ci prouve, selon le membre gouvernemental de l'Allemagne, qu'un lien existe entre le commerce et les droits des travailleurs. Le membre travailleur du Pakistan se référant au déni des droits des travailleurs dans les zones a souligné que ceux-ci devraient être couverts par l'ensemble de la législation du travail.
Liberté syndicale et négociation collective
Rapports spéciaux sur la convention (no
87)
sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical,
1948,
et sur la convention (no 98) sur
le droit d'organisation
et de négociation collective, 1949,
présentés par les pays
n'ayant pas ratifié ces
instruments
112. Les membres employeurs ont évoqué la partie III du rapport, consacrée à la liberté syndicale et à la négociation collective, comme une réplique plus synthétique d'une étude d'ensemble. En novembre 1995, le Conseil d'administration avait décidé que des rapports spéciaux de cette nature seraient demandés sur l'application des sept conventions fondamentales. Le système a dû cependant être modifié. Après l'adoption de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, il a été décidé que de telles études s'inscriraient désormais dans le suivi de cette Déclaration. Les informations contenues dans la présente étude ne couvrent que les Etats Membres n'ayant pas ratifié les conventions nos 87 et 98. Le contenu de cette étude était donc limité à la question de savoir si la ratification était envisagée et aux éventuels obstacles à cette ratification. Il convient de noter que, lors de la préparation du rapport, 122 ratifications étaient enregistrées en ce qui concerne la convention no 87, et 139 en ce qui concerne la convention no 98. On ne saurait mesurer toute l'importance de ces chiffres sans tenir compte du fait que les Etats n'ayant pas ratifié ces instruments représentent près de la moitié des travailleurs et des employeurs dans le monde. Sont inclus dans cette catégorie aussi bien des pays hautement développés et industrialisés, des pays en transition et des pays en développement. On doit également déplorer que près de la moitié seulement des Etats Membres auxquels des rapports ont été demandés les aient communiqués. Cette omission, inacceptable de leur part, constitue un manquement à leurs obligations constitutionnelles. A ce problème s'ajoute que la qualité et la portée des informations communiquées dans les réponses accusent de profondes disparités. Les membres employeurs considèrent en outre que l'expérience acquise au fil des ans démontre que les simples déclarations d'intention de ratifier des conventions dans un proche avenir doivent être traitées, par réalisme et non par méfiance, avec un certain scepticisme.
113. Les membres employeurs ont relevé que la commission d'experts s'est attachée à signaler les obstacles à la ratification de la convention no 87. Dans bien des cas, les Etats Membres concernés invoquent l'absence d'organisations de travailleurs. Un tel élément ne devrait cependant pas constituer un obstacle à la ratification. La situation est tout à fait différente dans les cas où les organisations de travailleurs, ou certaines composantes essentielles de leurs activités, sont interdites de même que dans les cas où une situation de monopole syndical a été imposée. Il en va de même dans les cas où des restrictions sont imposées à certaines catégories de travailleurs ou dans certains secteurs d'activité et dans les cas où des restrictions basées sur la nationalité s'appliquent à l'exercice de responsabilités syndicales. Dans les pays ayant un système politique de parti unique, il existe souvent un lien explicite entre la structure politique et le mouvement travailleur. Le fait que deux Etats Membres seulement évoquent des restrictions du droit de grève comme élément majeur s'opposant à la ratification démontre que le rapport ne rend compte que d'une faible partie de la situation réelle. Au fil des ans, la commission d'experts a développé une interprétation large du droit de grève qui n'est fondée sur aucune disposition expresse de la convention. Elle n'en a pas moins formulé des critiques sévères, chaque année, à l'égard de certains Etats Membres, au motif que leurs dispositions en matière de grève s'écartaient de l'interprétation large qu'elle avait elle-même proposée. Cette démarche a eu incontestablement une incidence négative sur la volonté des Etats Membres de ratifier la convention no 87. Toutefois, les membres employeurs ont souhaité préciser qu'ils sont pleinement en accord avec la plupart des autres éléments de l'interprétation de la convention no 87 et que ceci est important pour l'OIT et ses constituants. La commission d'experts a également évoqué un certain nombre de raisons avancées par certains Etats Membres pour ne pas avoir ratifié la convention no 98. Beaucoup d'entre eux ont déclaré que leur ordre juridique interne était essentiellement, voire presque entièrement, conforme aux prescriptions de la convention, indiquant ainsi qu'en fait toutes les exigences n'étaient pas remplies.
114. Les membres employeurs ont mentionné que la partie du rapport général qui est consacrée à ces conventions se terminait par un appel pressant en faveur d'une ratification plus généralisée. Malgré les vastes efforts de promotion de ces instruments et bien que cinquante ans se soient écoulés depuis leur adoption, des pays représentant la moitié de la population de la planète ne les ont toujours pas ratifiés. Il conviendrait de rechercher plus activement les raisons de cette situation. A cet égard, l'étude d'ensemble sur les travailleurs migrants analyse de manière parfaitement réaliste les raisons pour lesquelles les conventions touchant à ce domaine peuvent ne pas être ratifiées. Dans le cas des conventions nos 87 et 98, force est de se demander si la teneur de ces instruments n'est pas erronée ou irréaliste. De l'avis des membres employeurs, tel n'est assurément pas le cas. Cependant, comme eux-mêmes l'ont souvent fait valoir, des doutes substantiels subsistent quant à l'interprétation de ces conventions, laquelle diverge largement par rapport à leur libellé. C'est donc une bien maigre consolation de rappeler qu'une interprétation contraignante de textes juridiques ne peut être faite que par la seule Cour internationale de Justice. En l'absence de toute décision de la part de cette instance, il n'existe donc pas d'interprétation contraignante d'une manière générale de l'une et l'autre convention. En fait, la position concernant les instruments les plus importants de l'OIT s'est développée d'une manière différente. Les observations formulées au fil des ans en la matière par la commission d'experts, bien que ne constituant que des commentaires, ont eu une influence particulière. Ces observations ont porté sur un grand nombre de situations et ont souvent abouti à la conclusion que les conventions en question n'étaient pas respectées. On ne peut douter que ce processus ait dissuadé plus d'un Etat Membre de ratifier ces instruments.
115. Les membres travailleurs ont tout d'abord souligné l'importance des conventions nos 87 et 98 qui garantissent des droits fondamentaux de l'homme au travail. Le 50e anniversaire de la convention no 87 a été commémoré à la session précédente et cette année marque le 50e anniversaire de la convention no 98. Le Conseil d'administration a décidé que le premier rapport global dans le cadre du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail sera consacré à la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective. La Conférence de l'année prochaine discutera de ce rapport global qui vise à la fois les pays qui ont ratifié les deux conventions et ceux qui ne l'ont pas encore fait. Les rapports spéciaux ont peut-être un objectif plus restreint que le rapport global, mais ils revêtent une importance majeure. Ils doivent permettre d'examiner les obstacles à la ratification, les perspectives de ratification et les difficultés posées par la non-ratification. La procédure des rapports spéciaux est menée parallèlement à la campagne lancée en mai 1995 par le Directeur général en vue de promouvoir la ratification des sept conventions fondamentales. Cette campagne doit être poursuivie et le BIT doit continuer à lui accorder une attention prioritaire dans l'ensemble de ses activités. Les rapports spéciaux répondent pour une partie aux aspirations liées à la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi et aux objectifs stratégiques de l'OIT préconisés par le Directeur général. Des informations plus complètes que dans le passé sont maintenant disponibles sur la situation de plusieurs pays qui n'ont pas encore ratifié les conventions. Cependant, 27 pays n'ont pas envoyé de rapport au sujet de la convention no 87 et 19 pays au sujet de la convention no 98. En tenant compte des réponses envoyées dans le cadre de la campagne de ratification des conventions fondamentales, des informations sont disponibles pour 44 pays sur les 52 qui n'ont pas ratifié la convention no 87 et pour 30 pays sur les 35 qui n'ont pas ratifié la convention no 98. Les réponses des gouvernements sont complétées par d'autres sources d'informations et plusieurs organisations de travailleurs nationales et internationales ont fourni des informations sur les rapports soumis par les gouvernements. Les compléments et les éclaircissements apportés par les organisations des travailleurs illustrent bien, dans certains cas, le fossé entre les déclarations des gouvernements et la réalité dans ces pays.
116. Les membres travailleurs ont noté que certains gouvernements ont annoncé sans plus de précisions qu'ils étudiaient les possibilités de ratification de la convention no 87 et/ou de la convention no 98. Or, dans certains des pays énumérés dans le paragraphe 122 du rapport de la commission d'experts, il n'y a pas encore de syndicats ou de syndicats réellement indépendants, et la négociation collective n'existe pas ou est quasi inexistante. Il s'agit notamment du Myanmar, d'Oman et du Soudan. Les syndicats sont également inexistants ou quasi inexistants voire même interdits dans les pays énumérés dans le paragraphe 125, à savoir l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Qatar. En revanche, d'autres pays tels que le Brésil, l'Inde, le Maroc, le Mexique et le Népal cherchent à lever des obstacles dans leurs législations et pratiques pour être en mesure de ratifier ces conventions. Il est à souhaiter que leurs bonnes intentions soient concrétisées par une ratification rapide et par une application effective de la liberté syndicale et de la négociation collective. Les obstacles auxquels ils font face ainsi que leurs intentions réelles par rapport à la ratification devraient être identifiés et, s'il existe une volonté politique du gouvernement, l'assistance technique du BIT pourrait permettre ainsi de surmonter les problèmes. Dans certains pays, l'application dans la pratique pose des problèmes très sérieux à cause de la faiblesse de la législation ou du manque d'efficacité de la législation par rapport à des pratiques antisyndicales. Cette situation est celle notamment des Etats-Unis. Dans d'autres pays, des législations récentes ne visent pas à promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective mais bien au contraire à les limiter. Certains paragraphes du rapport de la commission d'experts sont consacrés à l'interdiction du recours à la grève pour obtenir l'extension d'une convention collective de travail à plusieurs entreprises en Nouvelle-Zélande, l'absence de reconnaissance du droit de grève en Chine, plusieurs aspects de la négociation collective dans l'Etat fédéral et dans certaines des provinces du Canada, l'abolition des syndicats de fonctionnaires de l'Etat en Thaïlande. Plusieurs pays, tels la Chine et le Viet Nam, maintiennent un système d'unicité syndicale imposé par la loi.
117. Les membres travailleurs ont estimé que la campagne pour la promotion de la ratification des conventions fondamentales a contribué à la levée des obstacles à la ratification dans plusieurs pays et, à cet égard, la ratification de la convention no 87 par l'Indonésie est très importante. D'autres pays ont annoncé que la ratification est en cours. Malgré cette évolution positive, les progrès dans la ratification de la convention no 87 sont moins encourageants que ceux dans la ratification d'autres conventions fondamentales. Trop de pays ne semblent toujours pas vouloir s'engager dans la voie d'une éventuelle ratification. Or, ces pays ont des populations très importantes et ils privent ainsi des centaines de millions de travailleurs de la protection de ces conventions fondamentales.
118. Plusieurs membres gouvernementaux se sont exprimés au sujet des perspectives et difficultés de ratification des conventions nos 87 et 98. Le membre gouvernemental de Cuba a considéré que les obstacles rencontrés dans la ratification des conventions sont, d'après le rapport de la commission d'experts, de nouveaux éléments qui confirment la nécessité de continuer les activités d'assistance technique, même si, dans certains cas, il ne s'agit pas réellement d'un manque de capacités techniques ou de conditions économiques ou sociales pour faire valoir les principes et droits fondamentaux, mais plutôt d'un manque de volonté des gouvernements d'assumer de telles obligations. Les gouvernements de Belgique et du Portugal ont appelé de leurs vœux une plus large ratification des conventions nos 87 et 98. Certains membres gouvernementaux se sont référés à l'interprétation par les organes de contrôle des dispositions des conventions. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a déclaré partager le point de vue des membres employeurs quant à la manière dont les commentaires de la commission d'experts sont susceptibles d'affecter le taux de ratification, et il est compréhensible que plusieurs gouvernements aient invoqué comme obstacle majeur à la ratification la question des services essentiels dans le service public; les Etats qui ont ratifié les conventions rencontrent des problèmes similaires. Le membre gouvernemental de l'Inde a estimé que les obstacles sont communs à plusieurs pays, mais sont peu nombreux. L'interprétation des dispositions va au-delà de la lettre alors qu'elle devrait être laissée à la seule compétence de la Cour internationale de Justice. Son gouvernement n'a pas l'intention de prendre une position rigide à cet égard, mais de promouvoir un dialogue au sein du système de l'OIT afin d'identifier et de lever les obstacles d'ordre technique et de faciliter une plus large ratification et une meilleure application. La question de la ratification continue d'être examinée. Même si les formalités de ratification ne peuvent aboutir dans un proche avenir, le gouvernement sera bientôt en mesure de communiquer des informations sur les progrès réalisés en vue de supprimer certains obstacles. Le membre gouvernemental de Sri Lanka a mentionné des obstacles spécifiques en ce qui concerne la convention no 87 liés aux restrictions dans certains pays pour les travailleurs du secteur public de constituer des fédérations. Le membre gouvernemental du Canada s'est référé aux dispositions de la convention no 98 en matière de négociation collective qui semble avoir été interprétée comme signifiant qu'en dehors des exceptions prévues par la convention les travailleurs doivent être protégés par un dispositif légal régissant la négociation collective. Ceci pose problème dans certaines juridictions canadiennes qui excluent certaines catégories de travailleurs de leur législation en matière de négociation collective. Le gouvernement continue à étudier la mesure dans laquelle l'approche de l'OIT à l'égard des dispositions de la convention no 98 est suffisamment souple pour permettre à terme de parvenir à un accord unanime des provinces et territoires du Canada en vue d'une ratification de la convention; le gouvernement a la ferme intention de poursuivre le dialogue avec l'OIT sur cette question. Le gouvernement de la Chine a déclaré que les principes des conventions sont respectés et la liberté d'association garantie.
119. Le membre travailleur de la Finlande (s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques), et se référant à la campagne de ratification des conventions sur les droits fondamentaux dont les résultats sont certes encourageants, a relevé que toutefois le taux de ratification de la convention no 87 laisse encore à désirer; en outre certains pays comme l'Afghanistan, la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, la République islamique d'Iran et la Nouvelle-Zélande sont parmi les Etats qui n'ont pas ratifié les conventions nos 87 et 98. Certains d'entre eux sont des pays industrialisés; plusieurs pays parmi les plus peuplés au monde ne les ont pas ratifiées. La commission devrait lancer un appel en faveur de la ratification de ces conventions. La ratification et la pleine application des conventions nos 87 et 98 et des sept conventions sur les droits fondamentaux ne sont pas seulement d'une importance vitale pour les travailleurs. Là où la liberté syndicale et le droit d'organisation ne sont pas reconnus, l'on ne peut pas espérer que les autres normes importantes contenues dans les conventions de l'OIT soient respectées. Ce n'est que si des syndicats et des organisations d'employeurs libres et indépendantes existent, et si les gouvernements reconnaissent la nécessité de les consulter et de négocier avec eux, qu'il est possible pour ces gouvernements de résister à la tentation d'affaiblir ou d'ignorer les normes du travail dans les périodes de déclin économique ou de mutations politiques. Plus d'un cinquième du rapport de la commission d'experts (deuxième partie) est consacré cette année à des commentaires sur les conventions nos 87 et 98. Tous ces commentaires ne sont pas critiques, mais dans de trop nombreux cas il n'y a eu que peu ou pas de progrès enregistrés.
120. Un membre travailleur de l'Allemagne a considéré que les pays industrialisés devraient ratifier les conventions car ils ne peuvent de façon crédible se faire les avocats des droits fondamentaux des travailleurs sans qu'eux-mêmes ne se soumettent aux mécanismes de contrôle de l'application. Le membre travailleur de l'Inde a également relevé que de nombreux pays développés n'avaient pas ratifié la convention no 87 et le membre travailleur de l'Italie a souligné lui aussi que même si la majorité des pays ont ratifié les conventions nos 87 et 98 plus de la moitié des travailleurs du monde ne bénéficient pas de leur protection. Le membre travailleur du Pakistan a vu dans le grand nombre de cas de violation des droits syndicaux soumis au Comité de la liberté syndicale la preuve de la violation continue des droits syndicaux.
121. Le membre travailleur des Pays-Bas a marqué son désaccord avec les opinions exprimées par les membres employeurs sur la manière dont la commission d'experts traite du droit de grève. Cette position des membres employeurs est clairement contraire à celle que les employeurs ont adoptée en la matière avant 1989, lorsqu'ils appuyaient pleinement l'opinion des experts, et qui est toujours celle suivie par les employeurs présents au sein du Comité de la liberté syndicale. Apparemment, aucun gouvernement ne partage l'opinion des employeurs sur cette question. Et si l'un des gouvernements qui ont été sévèrement critiqués par la commission d'experts pour avoir imposé des restrictions au droit de grève estime réellement que les experts ont eu tort, cette question pourrait être soumise à la Cour internationale de Justice. Les membres travailleurs de l'Allemagne se sont associés aux déclarations du membre travailleur des Pays-Bas. Un membre travailleur de l'Allemagne a également estimé contestable l'opinion du membre gouvernemental de l'Allemagne que les restrictions apportées par la législation nationale pour certaines catégories de travailleurs, comme les employés du secteur public, constitueraient une raison importante de la réticence de ratifier ces conventions. Une référence aux dispositions de ces deux conventions démontre que celles-ci s'appliquent à tous les travailleurs, à moins qu'ils ne soient expressément exclus.
122. Un membre travailleur de l'Allemagne, se référant au 50e anniversaire de l'adoption de la convention no 98, a regretté que la commission n'ait pas tenu une session spéciale pour marquer l'importance cruciale de la convention, au regard notamment d'une tendance vers la conclusion d'accords individuels entre employeurs et travailleurs au détriment des conventions collectives, remettant ainsi en question les principes de la convention spécialement lorsque les conditions de travail sont moins bonnes. La commission devrait prévoir un paragraphe dans son rapport mettant l'accent sur l'importance de la convention no 98. A ce sujet, il appelle de ses vœux une traduction allemande du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale. Certains membres travailleurs ont attiré l'attention sur la situation dans leur pays. Ainsi, le membre travailleur du Brésil a relevé que le gouvernement a soumis au Congrès national un amendement constitutionnel visant à éliminer les obstacles qui pourraient se rencontrer dans la Constitution pour ratifier la convention no 87. Le membre travailleur de la Colombie a déclaré qu'en Amérique latine les droits d'organisation syndicale, de négociation collective et de grève sont devenus pratiquement inexistants en conséquence des nouveaux systèmes d'embauche des travailleurs, des réformes intervenues dans le domaine du travail, notamment de la flexibilité, et des programmes d'ajustement structurel ayant pour objectif de liquider le mouvement syndical. Il a critiqué la stratégie imposée par les organismes multilatéraux de financement, en particulier la Banque interaméricaine de développement, qui octroient des prêts aux pays non pour les aider au développement mais pour neutraliser le syndicalisme et licencier des travailleurs. Dans son pays, selon cette ligne d'action, ces derniers mois, plus de 15 000 travailleurs ont été licenciés et des dizaines de syndicats ont disparu. Le membre travailleur de la Tunisie a souligné l'importance de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, qui mériterait d'être traitée avec la même attention que les conventions nos 87 et 98.
123. Le membre travailleur des Etats-Unis, se référant au 50e anniversaire de l'adoption de la convention no 98 cette année, et au 50e anniversaire de l'adoption de la convention no 87 l'année passée, a relevé que lorsque des travailleurs de son pays souhaitent défendre leur droit à la liberté syndicale, ils s'exposent à des réactions agressives de leur employeur, réactions qui sont souvent contraires à la loi. Certaines attitudes antisyndicales brutales ont donné lieu à l'essor d'un ample secteur d'activité, celui des conseillers en gestion chargés d'éclairer les employeurs sur la façon d'empêcher la création de syndicats dans leur entreprise. A cette fin, on a recours à des moyens de coercition et d'intimidation extrêmement raffinés et efficaces, voire au licenciement. Ce type d'activités commence à s'exporter dans de nombreux autres pays. Selon des sources dignes de confiance, des milliers de travailleurs perdraient leur emploi chaque année aux Etats-Unis pour avoir exercé des droits garantis par la législation fédérale et selon un sondage d'opinion effectué en 1994 près de 80 pour cent des citoyens des Etats-Unis estimaient que les travailleurs risquaient de perdre leur emploi s'ils essayaient de mettre en place un syndicat sur le lieu de travail. En vertu de la législation fédérale, une représentation syndicale est nécessaire pour entamer une véritable négociation entre employeurs et syndicats. Il ressort des informations disponibles qu'un tiers des nouvelles homologations de syndicats sur le lieu de travail ne donnaient jamais lieu à une première convention collective. Les lois fédérales prévoient une politique de promotion de la liberté d'association sur le lieu de travail, car celle-ci est un instrument de paix et non de conflit. Or la notion de représentation syndicale reste à l'état de promesse pour des milliers de travailleurs dans son pays. Un rapport récent de la CISL montre que la législation des Etats-Unis ne permet pas de protéger les travailleurs lorsque l'employeur est résolu à annihiler ou à empêcher la représentation syndicale. L'expérience dans son pays montre bien la grande disparité qu'il peut y avoir entre le respect des principes des conventions relatives aux droits fondamentaux de l'homme et le respect de leurs dispositions dans la pratique. Le mouvement des travailleurs aux Etats-Unis redoublera d'efforts pour que s'accroisse le nombre de ratifications des conventions de l'OIT dans son pays, en particulier les conventions fondamentales, en coopération avec celles des entreprises qui estiment que le respect des droits des travailleurs est essentiel à un système moderne et productif des relations professionnelles.
124. Le membre employeur des Etats-Unis a fait observer que le recours à des consultants en gestion n'est qu'un facteur mineur dans le déclin des syndicats aux Etats-Unis. Des recherches ont montré que la participation accrue des femmes dans le monde du travail est le facteur le plus important de ce déclin. De meilleures pratiques en matière de ressources humaines, la mondialisation de l'économie et l'absence d'efforts en vue d'une organisation sont également des facteurs importants. Les recherches ont également montré que l'action des dirigeants syndicaux était plus importante que l'attitude de la direction dans la décision des travailleurs de former ou non des syndicats. Alors que, dans les années cinquante, les syndicats consacraient 40 pour cent des cotisations qu'ils recevaient à la syndicalisation des travailleurs, ce taux est passé à 2 pour cent entre les années soixante et quatre-vingt. A une époque où de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) sont en concurrence pour obtenir l'adhésion des travailleurs et de leurs familles les syndicats aux Etats-Unis ne peuvent plus se permettre de se reposer sur leurs lauriers.
125. Le membre employeur de la République islamique d'Iran a souligné l'importance de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. A cet égard, il a remercié l'OIT pour son aide en vue d'obtenir l'engagement de son gouvernement à ratifier cette convention et a prié instamment le gouvernement d'accélérer la procédure de ratification. Les conventions et recommandations devraient être soumises au Parlement et au Conseil du travail afin d'encourager de futures ratifications. Cette commission et la commission d'experts devraient utiliser un langage constructif et promotionnel dans leurs commentaires afin d'apaiser les préoccupations exprimées par certains pays concernant les critiques dont ils pourraient faire l'objet s'ils ne respectent pas les conventions. En cas de non-respect, les organes de contrôle devraient donner davantage de conseils et le BIT devrait fournir une assistance selon les besoins et le contexte économique et social du pays concerné.
126. Les membres travailleurs ont relevé que plusieurs gouvernements avaient clarifié leur position en ce qui concerne la ratification de ces instruments dans les rapports spéciaux servant de base au rapport de la commission d'experts sur cette question: l'Inde a fourni des informations sur la situation par rapport à la ratification éventuelle des deux conventions; le Chili et l'Indonésie ont indiqué avoir ratifié récemment la convention no 87. Le Canada a expliqué les développements dans son pays par rapport à la convention no 98 et ne semble pas avoir fermé la porte à une ratification éventuelle; le gouvernement devrait accélérer les travaux. Si la législation nationale ou la pratique d'un pays donné ne sont pas conformes à la convention, il faut œuvrer pour réviser la situation nationale et ne pas renverser la situation en demandant une révision de la convention ou de l'interprétation. Pour ce qui est du droit à la grève, les membres travailleurs ont insisté sur le fait que la position du Comité de la liberté syndicale et de la commission d'experts à cet égard est établie et confirmée depuis de nombreuses années; ils ne partagent pas dès lors les doutes des membres employeurs. La grande majorité des pays qui n'ont pas encore ratifié la convention no 87 n'ont pas fourni d'indications selon lesquelles le droit de grève les empêcherait de façon décisive de la ratifier.
127. Les membres employeurs ont déploré la déclaration prononcée par le membre travailleur des Pays-Bas en ce qui concerne le droit de grève qui, selon eux, est de nature purement polémique. Ils ont considéré que cette déclaration est une tentative infructueuse en vue de montrer un changement de position des membres employeurs sur le droit de grève. En outre, les membres employeurs se sont référés au rapport de la commission d'experts dans lequel il est mentionné que deux Etats ont estimé que le droit de grève était un obstacle à la ratification des conventions nos 87 et 98. Ils ont aussi estimé que ces obstacles peuvent se rencontrer dans d'autres pays qui n'ont pas ratifié les deux conventions. La position des membres employeurs sur cette question a été bien expliquée aux paragraphes 115 à 134 du rapport de 1994 de la Commission de la Conférence.
Soumission aux autorités compétentes
128. Les membres employeurs ont rappelé que l'une des obligations des Etats Membres de l'OIT est de soumettre les instruments adoptés par la Conférence dans les douze mois ou, tout au moins dans les dix-huit mois consécutifs à leur adoption, aux autorités nationales compétentes, qui correspondent normalement au parlement national. Or cette obligation souffre de nombreux manquements. Il est regrettable que certains Etats Membres n'aient pas indiqué si les instruments adoptés par l'OIT au cours des sept dernières sessions de la Conférence ont été soumis à leurs autorités compétentes. Dans les commentaires détaillés qu'elle consacre cette année à cette question, la commission d'experts décrit les mesures qui doivent être prises par les Etats Membres, notamment en ce qui concerne les objectifs de la soumission et le fait que cette soumission n'implique pas l'obligation de ratifier les conventions en question. Les Etats Membres restent entièrement libres de décider de ratifier ou non ces instruments. La Commission de la Conférence encourage également depuis des années la soumission des instruments de l'OIT.
129. Les membres travailleurs ont souligné le caractère unique du mécanisme de la soumission des instruments adoptés par la Conférence dans le système des relations internationales. La soumission des instruments dans les douze ou dix-huit mois après leur adoption par la Conférence poursuit plusieurs objectifs importants: renforcer les liens entre l'OIT et les autorités nationales comme les parlements; promouvoir la ratification; stimuler le dialogue tripartite au niveau national - et donc la démocratie - sur le développement de la politique sociale nationale par rapport aux normes internationales. Dans son rapport, la commission d'experts a précisé de manière détaillée la nature de l'obligation de soumission et les modalités concrètes à respecter. Elle énumère les pays qui n'ont pas fourni des informations concernant la soumission des instruments adoptés pendant les sept dernières sessions de la Conférence. Ces pays figureront dans les cas automatiques. Les gouvernements concernés doivent tenir compte des observations de la commission d'experts et adapter, le cas échéant, leurs procédures internes de soumission. Il semble que plusieurs pays aient récemment simplifié leur procédure en créant un lien direct en matière de soumission entre le ministère du Travail et les organes législatifs et renforcé le tripartisme.
Coopération technique dans le domaine des normes
130. Les membres employeurs ont fait référence à la partie IV du rapport de la commission d'experts qui décrit les diverses formes d'assistance technique assurées par le BIT dans le domaine des normes. Il s'agit notamment de séminaires, de conférences régionales et de très nombreux services consultatifs. Depuis plusieurs années, les équipes multidisciplinaires se montrent particulièrement actives dans ce domaine. Les membres employeurs ont rendu hommage aux efforts qui sont déployés, souvent dans des conditions difficiles.
131. Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils soutenaient fermement l'assistance technique dans le domaine des normes en tant qu'activité du BIT destinée à renforcer l'application des normes internationales du travail. Ce rôle de l'assistance technique en matière normative est mis également en évidence dans le rapport du Directeur général à la Conférence. Il est nécessaire de s'investir encore davantage dans cette assistance puisque la plupart des normes internationales et le système de contrôle ne sont pas bien connus dans le monde. Le rapport présenté à la Conférence sur «Le rôle de l'OIT en matière de coopération technique» fait également référence aux normes internationales. Les membres travailleurs déplorent l'absence de spécialistes des normes dans plusieurs postes. La commission a toujours fermement soutenu la mise en place des équipes multidisciplinaires. Ils insistent à nouveau pour que les équipes multidisciplinaires et l'assistance technique dans son ensemble développent leurs contacts avec les organisations de travailleurs et d'employeurs; plusieurs organisations nationales de travailleurs ont informé les membres travailleurs que la politique de partenariat actif du BIT n'accorde pas toujours suffisamment d'attention à la nécessité de renforcer davantage les organisations de travailleurs et d'employeurs. On ne saurait se limiter à soutenir des programmes en collaboration avec les agences gouvernementales, les consultants et certaines ONG. L'OIT repose essentiellement sur le tripartisme.
132. Plusieurs membres gouvernementaux (Cuba, République dominicaine, Egypte, Indonésie, Sri Lanka) ont rappelé les avantages qu'apporte l'assistance technique fournie par le Bureau. Le membre gouvernemental du Kenya a estimé que le BIT doit déterminer la nature des difficultés susceptibles d'empêcher les Etats de s'acquitter de leurs obligations au titre de la Constitution et leur apporter une aide notamment par des séminaires de formation, des bourses d'études et les services fournis par les spécialistes des normes des EMD, dont la présence vise à aider les pays à s'acquitter de leurs obligations au titre des normes et à garantir des consultations tripartites appropriées entre les gouvernements, les employeurs et les travailleurs; elle permet également de faciliter l'intégration des considérations liées aux normes dans la formulation des objectifs par pays et les projets de coopération technique. Les services consultatifs ainsi que la coopération technique constituent la meilleure façon de convaincre les Etats Membres que l'Organisation peut les aider; celle-ci ne devrait pas être soumise à des conditions pourvu qu'elle soit conforme aux objectifs de l'OIT. Le membre gouvernemental de la Chine a déclaré qu'il existe, en matière de développement, une grande disparité entre les régions et les pays, et les Etats Membres n'ont pas tous la même capacité pour agir dans le domaine des normes du travail. Cette situation empêche de nombreux Etats Membres, en particulier les pays en développement, de ratifier et d'appliquer les conventions du travail, y compris les conventions fondamentales. Le Bureau devrait tirer parti de ses capacités en matière de ressources et de savoir-faire et apporter une assistance et une coopération techniques adaptées aux pays, de façon à développer le potentiel des Etats Membres, ce qui favoriserait la ratification et la mise en œuvre des conventions de manière progressive, et qui garantirait que les normes internationales du travail contribuent efficacement à préserver les droits des travailleurs et à promouvoir le progrès social. Le membre gouvernemental du Maroc a estimé que l'assistance technique est cruciale pour l'harmonisation de la législation du travail avec les normes et le membre gouvernemental du Portugal s'est référé à la divulgation des normes, notamment par la traduction dans les langues nationales. Le membre gouvernemental de la Suède (s'exprimant également au nom des pays nordiques) a souligné le rôle des spécialistes des normes des EMD dans la campagne de ratification et l'intégration des normes internationales dans les objectifs par pays; et le membre employeur de la République islamique d'Iran a relevé l'aide qu'ils apportent pour comprendre les concepts sous-jacents aux conventions internationales et pour les appliquer.
133. Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils soutenaient l'intervention de membres gouvernementaux au sujet du renforcement de la coopération technique en matière de normes. Ils ont insisté pour que le BIT consacre une attention prioritaire au renforcement du tripartisme et du dialogue social. Si les organisations syndicales et d'employeurs sont faibles ou sont devenues faibles dans certains pays à cause des transitions économiques ou sociales ou à cause des pratiques antisyndicales, le BIT et les gouvernements devraient tout mettre en œuvre pour stimuler la création d'un climat favorable au développement de ces organisations. Les organisations de travailleurs et d'employeurs présentent le grand avantage qu'elles disposent de la capacité d'être présentes au sein des entreprises, des secteurs, et ce aux niveaux national et international. Elles sont aussi dotées de structures représentatives. D'autres organisations, comme les ONG, fonctionnent en général d'une autre manière. Enfin, les membres travailleurs ont manifesté leur soutien aux suggestions faites en vue de renforcer le système de contrôle par la mise en œuvre de commissions tripartites au niveau national.
C. Les rapports demandés au titre de l'article 19 de la Constitution
La convention (no 97) et la recommandation
(no 86)
sur les travailleurs migrants (révisée), 1949,
et la convention (no 143) et la recommandation
(no 151)
sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975
134. La commission a consacré une partie de la discussion générale à l'examen de la seconde étude d'ensemble de la commission d'experts sur l'application de la convention no 97 et de la recommandation no 86, ainsi que de la convention no 143 et de la recommandation no 151 sur les travailleurs migrants. Conformément à la pratique, l'étude a pris en considération les informations communiquées par les gouvernements en vertu de l'article 19 de la Constitution ainsi que les informations fournies par les Etats Membres qui ont ratifié ces instruments dans leurs rapports au titre des articles 22 et 35 de la Constitution, et les commentaires reçus de la part d'organisations d'employeurs et de travailleurs auxquelles les rapports des gouvernements ont été communiqués conformément à l'article 23, paragraphe 2, de la Constitution de l'OIT.
L'évolution des migrations de main-d'œuvre
135. Les membres travailleurs ont noté que l'étude d'ensemble, fort détaillée, sur les travailleurs migrants a abordé la presque totalité des aspects et problèmes de ces instruments qui sont importants car la protection des travailleurs migrants constitue l'une des missions essentielles de l'OIT. La question des migrants est également abordée dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, ainsi que dans la convention (no 181) sur les agences d'emploi privées, 1997. Il s'agit d'une catégorie de travailleurs pour laquelle des normes internationales du travail sont absolument nécessaires afin de protéger leurs droits les plus fondamentaux, non seulement parce que plusieurs pays sont concernés par les migrations, mais aussi parce que les migrants sont plus vulnérables que les autres travailleurs. Comme ils sont généralement privés du droit de vote, leur situation et leurs problèmes ne constituent pas une priorité politique. De plus, ils ont souvent des emplois précaires et mal rémunérés. En outre, la mondialisation de l'économie et la féminisation des migrations ont pour effet d'ajouter de nouveaux problèmes et défis importants qui demandent une action concertée. Le problème des travailleurs migrants représente un défi considérable pour le mouvement syndical qui doit penser à l'intégration et à l'implication des migrants dans l'action syndicale dans les pays d'accueil, et à la collaboration entre les syndicats des pays d'origine et des pays d'accueil afin d'améliorer la situation de ces travailleurs. Nombre de pays compliquent l'action des organisations de travailleurs; c'est ainsi que des lois et prescriptions administratives ne permettent pas aux migrants de s'affilier aux syndicats, d'exercer un mandat syndical ou de participer aux élections des membres des conseils d'entreprise, en violation également de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la Déclaration de 1998. Les membres travailleurs ont dénoncé ces violations à plusieurs reprises lors des discussions des dernières années sur l'application de la convention no 87 par le Koweït, l'Equateur, la Colombie, la Bolivie et le Guatemala. Le BIT, la communauté internationale et chacun des Etats Membres doivent être davantage attentifs aux travailleurs migrants. L'étude d'ensemble remplit plusieurs objectifs: en premier lieu, l'objectif traditionnel de fournir des réponses concrètes aux questions d'interprétation afin d'aider les pays à surmonter leurs hésitations en ce qui concerne la ratification; en deuxième lieu, l'étude d'ensemble vise à fournir des indications pour résoudre certains problèmes dans l'application de la convention. Les membres travailleurs ont toutefois indiqué que, afin d'accroître l'utilité et l'accessibilité de l'étude, il aurait été plus approprié d'élaborer une publication de 80 à 100 pages exposant l'essence même de l'étude et à laquelle une annexe plus technique aurait été jointe.
136. Les membres travailleurs ont salué le fait que beaucoup d'attention ait été consacrée à la cohérence entre les instruments de l'OIT, les instruments et activités des Nations Unies, des institutions spécialisées et les traités de coopération régionaux. La question des migrations est typiquement celle sur laquelle la communauté internationale doit collaborer au maximum. En ce qui concerne la collaboration entre les Etats Membres, les membres travailleurs ont noté que ces instruments encouragent les pays à collaborer au règlement des problèmes des travailleurs migrants. Les pays qui n'ont pas ratifié les conventions peuvent réglementer les principaux aspects des migrations par des accords bilatéraux. De tels accords sont conclus essentiellement selon le schéma, maintenant dépassé, de migrations organisées par les agences d'emploi officielles des deux pays concernés. Dans ce contexte, il faut tenir compte des évolutions récentes ayant trait au rôle des agences d'emploi privées, à la féminisation des migrations, à l'assistance aux travailleurs migrants en difficulté et à la protection de leur rémunération. Les accords bilatéraux doivent tenir compte autant que possible des normes internationales du travail, ils ne doivent en aucun cas contenir des dispositions contraires aux normes fondamentales du travail ou aux conventions prioritaires. Les membres travailleurs ont indiqué qu'en Asie il n'existe aucun accord bilatéral entre les pays les plus concernés pour régler les problèmes les plus urgents, alors même que certains pays demandent expressément de tels accords en raison de la vulnérabilité de leurs travailleurs migrants et des récentes expériences négatives. Il a été amplement démontré que les travailleurs migrants ont été et sont les premières victimes de la crise financière et économique en Asie et dans d'autres parties du monde. De plus, la majorité des travailleurs immigrés sont des travailleurs non qualifiés et, en tant que tels, sont les plus vulnérables en période de restructuration et de licenciements.
137. Les membres travailleurs ont considéré que les pays qui font partie d'ensembles régionaux, tels que l'Union européenne ou le Marché commun du Sud (MERCOSUR), devraient également tenir compte des conséquences de leur intégration régionale sur les travailleurs migrants qui viennent de pays qui n'en font pas partie. Le principe de la libre circulation des travailleurs et demandeurs d'emploi qui sont ressortissants d'un Etat Membre prévaut au sein de l'Union européenne. Le statut juridique des ressortissants des pays tiers est cependant essentiellement régi par les diverses lois des Etats membres de l'Union et les accords entre ces Etats qui rendent la situation des migrants difficile. Depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, le 1er mai 1999, les compétences de l'Union européenne en matière de conditions d'emploi des ressortissants des pays tiers ont été sensiblement modifiées. L'Union peut, par exemple, prendre des initiatives législatives concernant les conditions d'admission des travailleurs des pays tiers sur le marché du travail, l'extension de la législation existante aux ressortissants de pays tiers et la conservation et le transfert des droits acquis dans les différents systèmes de sécurité sociale. L'Union européenne peut également développer des initiatives dans des matières telles que l'extension du principe de la non-discrimination à des critères comme la race et l'origine ethnique. Le Traité prévoit aussi la consultation préalable des partenaires sociaux au niveau européen. En outre, les organisations de travailleurs et d'employeurs au niveau européen ont adopté en 1995 une Déclaration et un Code de conduite sur la prévention du racisme sur le lieu de travail. Un renforcement de la collaboration entre l'OIT et l'Union européenne est indispensable à cet égard.
138. Les membres travailleurs ont relevé, pour ce qui est du processus de migration, des problèmes liés au manque de contrôle des agences d'emploi privées qui, le plus souvent, ne fournissent pas d'informations exactes sur les postes vacants et réclament des honoraires très importants aux travailleurs migrants. Ces pratiques sont non seulement contraires à la convention no 97 mais également à la nouvelle convention no 181. La convention no 181, à l'instar d'autres normes récentes comme la convention (no 179) sur le placement des gens de mer, 1996, n'autorise que le paiement des frais pour des services spécifiquement identifiés, par exemple pour la délivrance des certificats officiels. L'article 2 de la convention no 97 semble également interdire le paiement des frais administratifs liés à la délivrance de documents officiels, même si ces frais sont réclamés par une agence publique de placement. Une clarification à cet égard pourrait permettre de préciser les obligations et renforcer la protection des migrants contre l'exploitation par des agences privées. Les membres travailleurs ont également indiqué que l'étude d'ensemble attire l'attention sur les tests de dépistage, chez les travailleurs migrants, du virus d'immunodéficience humaine (VIH), du syndrome d'immuno-déficience acquise (SIDA) et d'autres tests médicaux qui sont effectués de façon systématique, même si les infections ou maladies n'ont pas d'effet sur la fonction pour laquelle le travailleur a été recruté. De telles pratiques sont contraires aux dispositions de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.
139. Les membres travailleurs ont estimé, en ce qui concerne les travailleurs migrants en situation irrégulière et/ou employés illégalement, que les méthodes utilisées pour combattre ces problèmes ont trop souvent pour conséquence que les droits fondamentaux des travailleurs sont bafoués. La commission d'experts rappelle la nécessité de trouver un juste équilibre entre la protection du marché de l'emploi et la nécessité de respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants, notamment ceux qui sont en situation irrégulière. Les gouvernements multiplient trop souvent les lois et pratiques répressives pour maîtriser les flux migratoires sans concertation avec les pays d'origine, ni avec les organisations de travailleurs et d'employeurs et sans réflexion sur l'impact réel des sanctions. Dans la pratique, la lutte contre le travail clandestin ne sanctionne pas réellement les employeurs ni les agences privées de recrutement. Dans certains pays, les sanctions sont dirigées contre les travailleurs eux-mêmes; c'est pour cette raison que les travailleurs n'osent pas exiger la rémunération de leur travail ou des conditions de travail convenables; par exemple, des châtiments corporels sont possibles en Malaisie et à Singapour. De telles pratiques sont non seulement contraires à l'article 1 de la convention no 143 mais aussi aux principes généraux du droit et aux droits de l'homme. Les méthodes pour supprimer les migrations clandestines provoquent également l'exploitation et le trafic de main-d'œuvre, notamment des femmes et des enfants qui sont mis au travail dans des conditions de servitude et d'esclavage. Les membres travailleurs ont soutenu l'appel de la commission d'experts pour développer d'urgence des méthodes plus équilibrées pour combattre les situations abusives et illégales.
140. Les membres travailleurs ont noté, en ce qui concerne l'égalité de chances et de traitement, que des recherches récentes de l'OIT concernant différents pays industrialisés, dont les références sont reprises dans l'étude d'ensemble, ont démontré que les dispositions pertinentes rencontrent des difficultés d'application pratiques plutôt que juridiques. Il est donc essentiel que les organisations de travailleurs, d'employeurs, mais aussi les gouvernements accordent une attention particulière aux cas concrets de discriminations. L'accès aux moyens de recours en cas de non-respect des droits des travailleurs migrants doit être facilité, notamment pour ce qui est de la défense de leurs droits devant les tribunaux par les syndicats ou par des commissions spéciales habilitées. Selon la commission d'experts, promouvoir l'égalité des chances est plus difficile que d'assurer l'égalité de traitement. En effet, l'égalité des chances nécessite une action déterminée et positive pour compenser les préjugés dans l'emploi, la formation et l'intégration dans le pays d'accueil. La formation professionnelle des travailleurs migrants devrait être une priorité dans les pays d'accueil car la majorité des travailleurs migrants sont peu qualifiés et viennent souvent de régions rurales. De plus, des mesures devraient être adoptées en faveur de la reconnaissance des qualifications professionnelles acquises à l'étranger ou l'intégration des travailleurs migrants et de leurs familles. L'accès à l'emploi et aux différentes professions soulève de nombreux problèmes lorsque les permis de travail imposent des restrictions aux travailleurs migrants pendant une phase préliminaire et ne les lèvent progressivement qu'après une période de résidence ou de travail. Cette période devrait être limitée à deux années selon l'article 14 de la convention no 143.
141. Les membres travailleurs ont noté, en ce qui concerne la question des migrants dans la société, que les conventions n'imposent pas d'obligations précises en ce qui concerne la question de la vie quotidienne des travailleurs migrants et de leurs familles. La plupart des mesures concrètes sont seulement reprises dans les recommandations ou dans quelques dispositions qui sont plutôt de nature incitative. Le droit au regroupement familial, par exemple, n'est pas prévu dans les conventions en tant que prescription contraignante. Cependant, la commission d'experts a pu indiquer que le fait de séparer de sa famille un migrant qui détient un permis de résidence permanent dans un pays constitue une souffrance excessive. L'étude d'ensemble recense de bonnes pratiques tendant à l'intégration des migrants tout en respectant leur identité nationale ou culturelle. D'un autre côté, les questions de l'emploi, de la résidence et du retour abordées dans l'étude d'ensemble révèlent des problèmes juridiques importants qui font obstacle à la ratification. Il s'agit notamment de l'article 8 de la convention no 97 qui garantit le droit aux travailleurs migrants admis à titre permanent de ne pas être renvoyés en cas d'incapacité de travail, et de l'article 8, paragraphe 1, de la convention no 143 qui garantit le maintien du droit au séjour en cas de perte d'emploi.
142. Les membres employeurs ont noté que c'était la première fois que la commission d'experts avait fait une étude d'ensemble sous l'angle de la pertinence des dispositions d'un groupe de conventions. Ils ont souligné que le caracatère des migrations a changé de manière substantielle depuis 1975, à tel point que même les définitions des mots clés dans ce domaine ne sont plus universellement acceptées. Ils ont relevé toutefois que seulement 96 pays sur les 174 Membres de l'OIT, soit 55 pour cent, ont rempli leur obligation de fournir un rapport sur l'état de leur législation et de leur pratique. D'une part, les informations fournies dans de nombreux rapports sont insuffisantes; d'autre part, seul un petit nombre de commentaires ont été soumis par les organisations d'employeurs et de travailleurs. Personne en réalité ne détient tous les éléments, de sorte qu'une législation internationale, à ce stade, ne peut se fonder que sur une image partielle et des impressions de nature anecdotique qui ne sauraient suffire à l'établissement de prescriptions juridiques. L'OIT mérite d'être félicitée pour les efforts qu'elle a déployés après la Réunion tripartite d'experts de 1997 sur l'avenir des activités de l'OIT dans le domaine des migrations pour recueillir des informations à partir d'études de modèles et de pratiques dans le but de vérifier les allégations relatives à l'exploitation des travailleurs migrants. Aucune organisation d'employeurs ou de travailleurs, ni aucun gouvernement, sans doute par ignorance, n'a encore utilisé cette procédure. Les membres employeurs seraient particulièrement heureux d'en connaître les fondements juridiques. Ils rappellent en outre que le Conseil d'administration a soutenu la création d'une base de données sur les migrations internationales du travail qui serait disponible en 1999. A cet égard, les membres employeurs souhaitent savoir de quelle manière les données seront collectées et comment leur authenticité et leur fiabilité seront établies.
143. Le représentant du Secrétaire général a répondu que ces études n'étaient ni un mécanisme de contrôle ni une procédure de plainte, mais une procédure permettant aux mandants de demander au BIT d'analyser leurs propres pratiques ou celles d'autres mandants en ce qui concerne les travailleurs migrants; le fondement en est l'article 10 de la Constitution, à savoir l'autorité générale du Bureau pour exécuter toutes enquêtes spéciales prescrites par la Conférence ou par le Conseil d'administration. Cette procédure d'études typologiques et pratiques a été adoptée par la réunion technique tripartite en avril 1997 et approuvée par le Conseil d'administration, bien qu'elle n'ait pas encore été mise en œuvre. En ce qui concerne la fiabilité des statistiques qui sont recueillies, il a répondu que des questionnaires ont été adressés aux bureaux des statistiques des Etats Membres, dont les réponses sont utilisées comme base pour les données sur les flux migratoires. Les statistiques sur les migrations fournies au BIT proviennent généralement de deux sources: les recensements et les registres des émigrés et immigrants (dans quelques cas, les données viennent aussi d'études sur la situation de la main-d'œuvre).
144. Les membres employeurs ont noté que le Directeur général estime, dans son rapport sur Un travail décent, à 100 millions le nombre de travailleurs et leurs familles qui vivent hors de leur pays. Il est toutefois difficile de déterminer avec précision le nombre de travailleurs migrants dans le monde. L'insuffisance de données fiables, ajoutée aux informations laconiques fournies par les organisations d'employeurs et de travailleurs, montre à l'évidence qu'une discussion générale sur les travailleurs migrants est nécessaire à une prochaine session de la Conférence internationale du Travail pour obtenir un consensus tripartite sur les dimensions actuelles et futures de la question, avant d'élaborer une nouvelle norme sur le sujet.
145. Les membres employeurs ont déclaré que l'étude d'ensemble indiquait que de plus en plus de Membres s'orientent vers la signature d'accords bilatéraux pour réglementer les flux massifs de migration, notamment pour couvrir les questions de sécurité sociale. Si l'étude n'aborde pas la question de la compatibilité des conventions avec ces accords bilatéraux, ces derniers présentent pourtant un avantage par rapport aux conventions en ce qu'ils prennent en considération les réalités quotidiennes actuelles et peuvent s'adapter aux particularités de catégories spécifiques de migrants. En outre, les pays d'origine et les pays d'accueil pourraient se partager la charge d'une mise en place de conditions de travail adéquates et contrôler le processus pré et postmigratoire. Une telle souplesse manque dans les conventions qui ne prévoient pas de distinction entre les migrants permanents ou provisoires et ne contiennent pas de clause de réciprocité. L'étude d'ensemble relève de nombreuses lacunes dans les politiques qui empêchent l'application des deux conventions. Par exemple, en ce qui concerne le recrutement et le voyage des migrants, le contrôle des contrats de travail est une pratique moins courante dans les pays d'accueil où il est plus important que dans les pays d'origine; la législation des pays d'origine comme des pays d'accueil prévoit rarement des documents d'information écrits pour les migrants; bien que le coût administratif du recrutement ne doive pas être à la charge des migrants, les agences privées de recrutement imposent des honoraires; étant donné le développement des transports aériens, les dispositions relatives à la protection des migrants au cours du voyage ne sont plus pertinentes pour la grande majorité des flux actuels; l'augmentation des tests de dépistage du virus d'immunodéficience humaine (VIH) et du syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) chez les travailleurs migrants est profondément inquiétante.
146. Les membres employeurs ont noté que l'étude d'ensemble a souligné l'augmentation des migrations illégales et de la traite des travailleurs, en particulier en ce qui concerne les femmes. Il est rare que le respect des droits fondamentaux des migrants soit garanti dans les pays d'emploi. En même temps, il est fréquent de trouver, dans les pays d'émigration, des mesures spécifiques visant à faire respecter les droits de l'homme de leurs nationaux travaillant à l'étranger. Ces droits n'existent cependant pas pour les migrants en situation irrégulière. La commission d'experts indique que, sans la mise en place de systèmes de contrôle coûteux, il ne peut y avoir de loi ni de pratique adéquates propres à assurer de manière efficace le contrôle des flux migratoires et des pratiques abusives. La question de l'égalité de chances pour les migrants est en elle-même un sujet de tension rarement abordé par les législations et réglementations examinées dans l'étude d'ensemble. A cet égard, les Etats se contentent de garantir l'emploi, la sécurité sociale et le respect des droits syndicaux à leurs citoyens. Toutefois, les gouvernements ont moins de problèmes pour garantir l'égalité des conditions de travail. En ce qui concerne la question du retour des migrants en cas de perte de leur emploi, l'obligation d'appliquer l'article 8 de la convention no 143 tant aux travailleurs migrants permanents que temporaires soulève des difficultés. Dans la mesure où les travailleurs migrants deviennent une charge pour les finances publiques quel que soit le statut de leur séjour, ils peuvent ne plus être autorisés à résider plus longtemps dans le pays. Les préoccupations du marché national du travail pour les travailleurs nationaux concernent d'abord l'impact de l'immigration sur les emplois et les salaires. Contrairement aux idées xénophobes présentes dans de nombreux pays, les travailleurs immigrants, hautement ou peu qualifiés, ne se substituent pas aux travailleurs nationaux. L'immigration accroît le nombre total d'emplois dans le pays d'accueil à tous les niveaux. D'une manière générale, les immigrants ne font pas perdre leurs emplois aux travailleurs nationaux. En fait, ils stimulent la demande et l'emploi. Des recherches ont montré l'effet insignifiant de l'immigration sur les salaires des travailleurs nationaux ou les immigrants déjà résidents dans un pays. Les législations de nombreux pays prévoient toutefois «la règle de la priorité» en vertu de laquelle les nationaux ou les résidents étrangers doivent pouvoir présenter leurs candidatures pour les emplois disponibles avant que des permis ne soient délivrés aux immigrants. Une telle politique protectrice est compréhensible dans le contexte d'une stagnation du marché du travail. Cependant, de nombreux pays ont entrepris de faciliter le flux des immigrants hautement qualifiés pour les emplois qui requièrent des compétences particulières, notamment dans le secteur des technologies de l'information.
147. Les membres employeurs ont relevé que l'augmentation des migrations est inévitable dans une économie mondialisée et intégrée. Dans un tel environnement, il y a une contradiction entre la notion d'économie nationale isolée et celle de migration de main-d'œuvre commandée par le marché du travail international.
148. Le membre gouvernemental de la Grèce a relevé que le rôle que les gouvernements sont amenés à jouer est double: ils doivent protéger les travailleurs migrants contre l'inégalité des conditions de travail et contre la discrimination, mais également leur assurer un niveau de sécurité et de santé sur les lieux de travail égal à celui assuré aux nationaux. Et surtout, il ne faut pas négliger l'importance de l'accès des travailleurs migrants à la formation. D'autre part, ces gouvernements doivent assurer aux nationaux une stabilité économique et sociale qui ne soit pas mise en péril par l'entrée des travailleurs migrants dans la société et dans le marché du travail.
149. Le membre gouvernemental de l'Inde a estimé que les nombreux changements importants intervenus au cours des deux dernières décennies, parmi lesquels la mondialisation, la libéralisation du commerce international et la disparition des barrières politiques, auraient dû être accompagnés de la liberté de circulation des personnes. Cependant, les entraves à la libre circulation des travailleurs persistent alors que les migrations internationales continuent de croître. La situation précaire des travailleurs migrants a déjà retenu, à plusieurs reprises, l'attention de la Conférence internationale du Travail qui a reconnu le besoin de protéger les droits de ces travailleurs, même s'il n'a pas été possible de parvenir, en raison des sensibilités nationales, à un consensus sur les mesures à adopter. Si la plupart des travailleurs migrants ne font pas l'objet d'une exploitation, une majorité souffre de discrimination de la part des pays d'origine, des pays d'accueil, des agences de recrutement, des employeurs et des agences de placement. Notant que les principes inscrits dans les conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 sont considérés comme des principes fondamentaux et que, par l'adoption de la Déclaration de 1998, les Etats Membres se sont engagés à les respecter indépendamment de la ratification de ces conventions, l'orateur considère que les objectifs fondamentaux des conventions nos 97 et 143 et les droits qu'elles garantissent se retrouvent dans la Déclaration. En outre, la convention no 111 interdit la discrimination basée sur l'ascendance nationale ou l'origine sociale, et la convention no 87 s'applique aux travailleurs «sans distinction d'aucune sorte», couvrant ainsi les travailleurs migrants. Le gouvernement de l'Inde est d'avis que les travailleurs migrants en possession de visas et de permis de résidence valables et ceux résidant depuis plus d'un ou de deux ans dans le pays d'accueil devraient jouir des droits fondamentaux des travailleurs garantis par les conventions nos 87 et 98. Dans la mesure où les travailleurs migrants contribuent à la création de richesses dans les pays d'origine et d'accueil, les gouvernements devraient s'impliquer de façon à garantir à ces travailleurs la jouissance des droits fondamentaux, de la sécurité de l'emploi, de la protection sociale et de conditions de travail saines et sûres. L'OIT joue un rôle important dans la promotion du dialogue et de la coopération entre les pays d'origine et les pays d'accueil.
150. Le membre gouvernemental des Pays-Bas a rappelé que les migrations, à juste titre sujet de préoccupation de longue date pour l'OIT, constituent un phénomène universel et, dans bien des aspects, intangible. Par nature, elles échappent à l'autorité des pays et n'ont pas fait l'objet d'une libéralisation de la même manière que les biens, les capitaux ou les services. Il n'a jamais existé, à l'échelle mondiale, de réglementations relatives à la libre circulation des personnes comme celles du GATT pour les marchandises. Ce n'est que dans certaines zones économiques, comme l'Union européenne, qu'il a été possible de réglementer la libre circulation de la main-d'œuvre et des personnes. Toutefois, même dans ces cas, ces droits ne s'appliquent pas à tous. A titre d'exemple, les citoyens des pays n'appartenant pas à l'Union européenne ne peuvent pas circuler librement d'un Etat membre de l'Union européenne à un autre. On peut se demander si les conventions nos 97 et 143 garantissent comme il convient la protection sociale des travailleurs migrants, alors que les migrations internationales s'accroissent et changent de nature. L'étude d'ensemble évoque, à juste titre, les progrès des moyens de transport, l'accroissement du nombre de travailleuses qui émigrent seules, les difficultés qu'ont les autorités pour faire face aux problèmes que cette évolution pose, ainsi que l'augmentation des migrations irrégulières et des arrivées massives de demandeurs d'asile, dues à l'écart de niveaux de développement entre les pays, aux bouleversements politiques et aux conflits armés. Dans les années soixante-dix, son pays était un pays d'émigration qui avait conclu plusieurs accords bilatéraux de migration; il est depuis devenu un pays d'immigration.
151. Le membre gouvernemental de la Tunisie a soutenu la position des membres travailleurs selon laquelle l'égalité de chances est plus importante que l'égalité de traitement. Les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants devraient avoir les mêmes droits et obligations dans tous les domaines, y compris pour ce qui est des indemnités de chômage. De même, les possibilités de formation et de promotion professionnelle ainsi que les mesures de regroupement familial sont essentielles. En outre, il conviendrait d'aider davantage les travailleurs qui souhaitent regagner leur pays d'origine, afin de faciliter leur réinsertion dans leur pays. Dans le même sens, le membre gouvernemental de la Turquie a rappelé que certains pays européens se sont tournés vers les pays méditerranéens, dont la Turquie, pour faire face à une pénurie de main-d'œuvre entre la seconde guerre mondiale et la crise des années soixante-dix; depuis lors, l'immigration de ressortissants turcs vers les pays européens s'est limitée au regroupement familial. Le nombre d'immigrants turcs et des membres de leurs familles dans les pays européens est d'environ 3 millions, et le processus de migration n'est plus considéré comme temporaire. Une nouvelle approche est nécessaire pour tenir compte de la nécessité croissante d'intégrer les travailleurs migrants et leurs familles dans les sociétés d'accueil. Cette intégration restera purement abstraite tant que les travailleurs migrants seront marginalisés sur le marché du travail. Ainsi le taux de chômage de ces travailleurs est souvent deux à trois fois supérieur à la moyenne nationale. Bien que l'on explique généralement cette situation par le manque de qualifications des travailleurs migrants, la discrimination dont ils souffrent les décourage d'améliorer leur employabilité par le biais d'une formation professionnelle. Dans certains cas, des programmes spéciaux, qui tiennent compte de l'aspect psychologique des situations abordées, sont élaborés pour les travailleurs migrants et autres groupes désavantagés sur le marché du travail. L'établissement de systèmes de formation professionnelle accompagnés de garanties en matière d'emploi et de mesures destinées à encourager le travail indépendant pourrait améliorer substantiellement la situation. Plusieurs décisions de la Cour de justice des communautés européennes en faveur des travailleurs migrants, dont la dernière concerne l'égalité de traitement en matière de droit à la sécurité sociale, montrent qu'en dépit des législations antidiscriminatoires adoptées dans de nombreux pays l'emploi n'est pas le seul domaine dans lequel les migrants souffrent de traitements préjudiciables. La progression du racisme et de la xénophobie est particulièrement inquiétante et il faut espérer que les tragédies récentes ne se répéteront pas. Il est également important d'empêcher les fausses propagandes à l'encontre des immigrants. Il est regrettable que la question de l'immigration occupe une place de plus en plus centrale dans les campagnes électorales. Des mécanismes bilatéraux ou multilatéraux entre les pays d'accueil et les pays d'origine pour combattre les pratiques discriminatoires et intolérantes devraient être établis de manière urgente. Le gouvernement de la Turquie salue les politiques sociales adoptées par plusieurs pays d'accueil qui encouragent les migrants et leurs familles à s'intégrer et à participer à la société sur un pied d'égalité avec les ressortissants nationaux tout en préservant leur identité culturelle. L'OIT doit continuer de promouvoir l'égalité de traitement entre ressortissants de l'Etat d'accueil et travailleurs migrants, et fournir une assistance technique dans la coordination des politiques migratoires entre Etats, et dans les consultations entre gouvernements et partenaires sociaux.
152. Plusieurs membres travailleurs ont souligné la vulnérabilité des travailleurs migrants. Le membre travailleur de la Grèce a rappelé que les travailleurs migrants sont utilisés pour réguler le marché du travail; on les fait venir ou partir selon les besoins et on leur confie des travaux insalubres et pénibles que les nationaux ne veulent pas faire. En cherchant de meilleures conditions de vie, ils se trouvent victimes d'une exploitation institutionnalisée tolérée dans la pratique bien qu'elle soit interdite par la loi. Heureusement, les mouvements syndicaux prennent leur défense. Il est étonnant que les pays exportateurs de main-d'œuvre ne ratifient pas davantage les conventions nos 97 et 143 pour défendre leurs nationaux. L'affirmation selon laquelle ces instruments seraient dépassés est davantage une fausse excuse plutôt que l'expression d'une volonté d'adopter des instruments qui puissent répondre aux besoins modernes. Il faut sensibiliser l'opinion publique sur la nécessité de tolérer autrui. Il reste, sur ce point, beaucoup de chemin à parcourir, et la responsabilité des pays développés est grande. Le membre travailleur de l'Inde a indiqué que, même lorsque les travailleurs sont en mesure d'obtenir un permis de travail, il existe parfois des restrictions indirectes aux migrations comme les difficultés d'obtenir un visa. Dans certains pays, les travailleurs migrants sont utilisés comme main-d'œuvre à bon marché afin de maintenir les salaires de la main-d'œuvre locale à un niveau peu élevé. Des mesures devraient être prises pour assurer des revenus décents aux travailleurs migrants. Il est nécessaire de surveiller les activités des agences d'emploi qui font parfois de fausses promesses avec pour conséquence que les travailleurs sont abandonnés et extrêmement vulnérables à leur arrivée dans le pays d'accueil. Les autres problèmes qui doivent être réglés par l'OIT ou par le biais de mécanismes effectifs sont: le travail des enfants migrants qui est un problème particulier en Inde; le droit des travailleurs migrants de formuler une réclamation légitime sans risque d'être expulsés du pays d'accueil; la nécessité de conclure des accords entre pays d'origine et pays d'accueil pour résoudre le problème de l'exploitation et garantir aux travailleurs migrants des conditions de travail et de vie convenables; le problème de la discrimination fondée sur la religion, la question des femmes en vue d'être engagées comme domestiques mais qui sont contraintes à la prostitution. Le membre travailleur de l'Italie a noté que le contexte international a profondément changé depuis l'adoption des conventions nos 97 et 143 avec, de nos jours, des flux migratoires d'une centaine de millions, sans y inclure les réfugiés. Il y a davantage de femmes et d'enfants, et les clandestins sont presque majoritaires. Ceux qui émigrent sont disposés à tout donner pour un passage et un faux passeport et à risquer leur vie pour arriver à destination. Les clandestins sont dans une condition d'extrême faiblesse. Ils sont exploités pendant le voyage et à leur arrivée. Ce sont les premières victimes d'une récession économique telle que la crise asiatique. Il appuie la position dégagée dans l'étude d'ensemble selon laquelle les principes de fond contenus dans les deux conventions, à savoir la maîtrise des flux migratoires par une coopération entre Etats et l'égalité de traitement, doivent être maintenus. Il est cependant nécessaire d'y adjoindre de nouvelles règles qui tiennent compte de l'état des migrations actuelles. La protection des travailleurs migrants doit s'inscrire dans le cadre de la Déclaration de 1998. Le membre travailleur du Pakistan a noté que le rapport du Directeur général estime à environ 100 millions le nombre de travailleurs migrants vivant à l'étranger avec leurs familles, parmi lesquels une proportion croissante de femmes voyageant souvent seules à la recherche d'un travail et d'un revenu. De nombreuses travailleuses migrantes sont recrutées par des agences d'emploi puis contraintes à la prostitution lorsqu'elles arrivent dans le pays d'accueil. Le BIT devrait jouer un rôle plus actif dans la prévention de telles pratiques. Il devrait également encourager les pays d'origine et d'accueil à conclure des accords bilatéraux et multilatéraux pour protéger les travailleurs migrants; pour collecter et diffuser des informations sur les politiques et les législations, les flux migratoires, ainsi que sur les conditions de travail et de vie des migrants; pour identifier les pratiques abusives aussi bien dans les pays d'origine que dans les pays d'accueil, notamment à l'encontre des femmes; enfin, pour s'assurer que les travailleurs migrants sont couverts par des dispositions de sécurité sociale. L'orateur a souligné le rôle important que peuvent jouer les organisations d'employeurs et de travailleurs dans l'élimination de ces pratiques abusives. Il a apprécié l'attention particulière que l'OIT et les Nations Unies accordent à ce sujet et a indiqué que l'adoption de la Convention internationale des Nations Unies de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles en porte témoignage. Le membre travailleur du Sénégal a considéré que l'étude d'ensemble portait la marque d'une vision trop européenne. Les conventions nos 97 et 143 traitent du phénomène des migrations sur tous les continents et non uniquement de l'émigration en direction des pays riches. Il ne s'agit pas d'un problème exclusivement Nord-Sud mais également Sud-Sud. L'affaiblissement du rôle de l'Etat ne suffit pas à expliquer la discrimination et l'humiliation dont sont victimes les travailleurs migrants. Il y a un problème de réciprocité qui se pose avec beaucoup de pays occidentaux. En effet, pour se rendre dans certains de ces pays, il faut passer par les bureaux de contrôle de l'immigration alors que leurs ressortissants peuvent entrer au Sénégal sans visa. Les travailleurs migrants ne sont plus des ouvriers sans qualification mais, de nos jours, des universitaires sollicités pour leur expertise. Ce phénomène ne peut que s'amplifier en raison de la domination culturelle du Nord relayée par les médias. Les travailleurs de tous les continents doivent manifester leur solidarité et définir des actions communes pour exiger de nouvelles formes de coopération réelles afin de protéger les droits des travailleurs migrants. Le membre travailleur de la Tunisie a insisté sur la nécessité pour l'OIT de s'adapter à l'évolution marquée de la situation des travailleurs migrants et de les aider, notamment par un contrôle plus sévère de l'application de ses normes. De nombreuses mesures ont été prises pour libéraliser les flux de capitaux, de biens et d'informations, mais les mesures applicables aux travailleurs migrants restent très restrictives. Cette attitude négative à l'égard du facteur travail ne reflète pas le fait qu'il s'agit en réalité d'un facteur plus noble que les biens et les capitaux. D'autre part, la concurrence accrue sur le marché du travail international a entraîné une réduction des salaires des travailleurs migrants à qui l'on propose fréquemment des emplois ennuyeux et mécaniques, de telle sorte qu'il soit plus facile de les persuader de quitter le pays lorsqu'on n'a plus besoin d'eux. Le respect des conventions nos 87 et 98 est très important pour les travailleurs migrants car ces conventions leur assurent le droit à la liberté syndicale. De même qu'il faut promouvoir avec fermeté le respect des principes fondamentaux des droits de l'homme et de la dignité de la personne, il n'est pas souhaitable d'appliquer ces normes avec souplesse.
153. Le membre employeur de l'Inde a rappelé que l'OIT traite de la question des travailleurs migrants depuis son origine. La préoccupation de l'Organisation pour l'égalité de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants et pour une coopération des Etats, des employeurs et des travailleurs au sujet des politiques migratoires est reflétée par le nombre d'instruments adoptés dans ce domaine. Les flux migratoires ont augmenté de manière considérable en raison du développement des réseaux de communication et des transports internationaux, du développement des politiques préférentielles d'immigration et de la crise financière en Asie. Les migrations internationales sont devenues un moyen de se soustraire à la pauvreté, au chômage et aux autres pressions sociales, économiques ou politiques. Il faut relever la situation particulièrement vulnérable des travailleuses migrantes, les conflits entre les intérêts de la main-d'œuvre nationale et des migrants, ainsi que les violations des droits fondamentaux de l'homme. L'OIT joue un rôle essentiel dans la recherche d'un équilibre entre ces intérêts conflictuels grâce à ses normes internationales du travail, ses études et son assistance technique. Des lois et des pratiques répressives ne suffisent pas à contrer de manière efficace les migrations irrégulières et illicites. Le respect des droits fondamentaux de l'homme doit être assuré afin de protéger les travailleurs migrants. L'étude d'ensemble a mis en évidence le fait que les problèmes concernent moins les conditions de travail que l'accès à l'emploi et à la profession, le bénéfice des prestations de sécurité sociale ou le respect des droits syndicaux. Par ailleurs, ces droits ne sont garantis aux travailleurs migrants qu'après une certaine période de résidence, à l'exclusion des travailleurs migrants employés à court terme. Il serait utile d'établir, en collaboration avec des organisations non gouvernementales concernées et des organisations d'employeurs et de travailleurs, une liste des tendances, des circonstances et des conséquences des migrations internationales. La création d'une base de données serait également utile. Il est nécessaire de mettre en place des mécanismes plus efficaces, tant au niveau national qu'international, pour répondre aux problèmes des travailleurs migrants. A cet égard l'OIT, qui fournit le cadre international, doit mettre en place des politiques et mesures alternatives susceptibles d'améliorer les conditions de vie et de travail des migrants.
Champ d'application des instruments et définitions
154. Les membres travailleurs ont souligné la complexité des questions liées aux migrations internationales. Un équilibre entre différents intérêts doit être trouvé. Il y a, d'un côté, la nécessité de réguler le marché du travail national afin d'éviter des distorsions brutales entre l'offre et la demande de travail et, de l'autre, la nécessité de protéger les droits des travailleurs migrants et de lutter contre le travail clandestin. S'ajoutent à cela des traditions juridiques différentes ou encore des situations géographiques ou économiques différentes. Il doit être tenu compte de ces éléments lors de la rédaction des instruments. Pour ces raisons, la commission d'experts attire l'attention sur la souplesse des instruments sur les travailleurs migrants. Aussi bien en 1949 qu'en 1975, l'OIT a innové en matière de souplesse des normes internationales dans la mesure où les Etats Membres peuvent exclure les trois annexes de la convention no 97, et ont également la possibilité de ne pas accepter l'une des deux parties de la convention no 143. En outre, la commission d'experts rappelle, au paragraphe 101, que l'expression «travailleurs migrants» couvre également les réfugiés et les personnes déplacées, pour autant qu'il s'agisse de travailleurs employés hors de leur pays d'origine. Cette observation est particulièrement d'actualité dans un monde qui connaît de nombreux conflits et répressions politiques. Les membres travailleurs relèvent que les conventions ne couvrent pas les travailleurs migrants qui exercent un emploi indépendant ainsi que les travailleurs des secteurs informel ou marginal; il s'agit là d'une lacune importante.
155. Les membres employeurs, rappelant que le caractère des migrations a profondément changé, ont relevé que les définitions des mots clés ne sont plus universellement acceptées. En 1949 et 1975, le monde était constitué de pays d'immigration, d'émigration, de passage ou encore d'asile. Les politiques de migration de la plupart des pays tendaient à donner la priorité aux intérêts nationaux. Aujourd'hui, de moins en moins de pays entrent dans l'une ou l'autre de ces catégories traditionnelles. La plupart des pays entrent dans deux voire trois catégories simultanément. Le schéma classique des migrations utilisé par l'OIT et la communauté internationale depuis trente ans pourrait ne plus refléter la situation actuelle. Dans quelle mesure peut-on encore se référer à des catégories de migrants réguliers - réfugiés, travailleurs migrants et regroupement familial - alors que sont apparues de plus en plus d'exceptions à ces catégories, au point de devenir courantes, comme par exemple les travailleuses migrantes, les personnes déplacées, les réfugiés économiques, les cas humanitaires spécifiques, les réfugiés issus de problèmes d'environnement? La commission d'experts accorde une certaine attention à la catégorie des migrants illégaux, qui regroupe autant des travailleurs qualifiés que non qualifiés dans un large éventail de circonstances, dont l'ampleur et les caractéristiques devraient être mieux appréhendées. Selon les données de l'Organisation de coopération économique (OCDE), la part des migrations temporaires dans l'ensemble des flux migratoires augmente. De plus, les flux migratoires entre pays développés concernent de plus en plus des travailleurs qualifiés et, depuis peu, hautement qualifiés.
La pratique nationale
156. Le membre gouvernemental du Canada a expliqué que, bien que son pays n'ait pas ratifié les conventions, il s'emploie activement, tant au niveau fédéral qu'à celui des gouvernements des provinces et territoires, à promouvoir les droits de tous les individus qui résident au Canada. La majorité des personnes appartenant à la catégorie des travailleurs migrants au sens des conventions de l'OIT deviennent des résidents permanents et jouissent de ce fait des mêmes droits que les citoyens canadiens, notamment des droits de l'homme reconnus en vertu de la Charte des droits et des libertés sauf pour ce qui est, par exemple, du droit de vote, qui reste limité aux nationaux. Le nombre de travailleurs admis à titre temporaire pour répondre à des besoins spécifiques d'employeurs canadiens reste relativement limité (emploi saisonnier dans l'agriculture; travail domestique et aide familiale; emploi dans le secteur des logiciels). Mais, tant qu'ils sont au Canada, ces travailleurs sont eux aussi sous la protection de la Charte et de la législation des provinces en matière de travail et de droits fondamentaux. Certains pourraient, sous certaines conditions, demander un permis de résidence permanente, voire la nationalité canadienne. Il faut que les instances internationales reconnaissent que les travailleurs migrants peuvent être pleinement intégrés dans le pays d'accueil, et que ceux qui deviennent résidents permanents dans ce pays cessent d'appartenir à une catégorie vulnérable qui nécessite une protection particulière. Il faut également admettre, dans ces instruments internationaux, que les droits fondamentaux des migrants doivent être protégés dans tous les pays, qu'ils soient d'origine, de transit ou de destination. En ce qui concerne les travailleurs migrants en situation régulière, la législation et les pratiques administratives ne font pas de différence de traitement entre eux et les travailleurs nationaux. Les gouvernements des provinces s'efforcent d'améliorer le système d'équivalence des qualifications professionnelles. Le Canada a une législation antidiscriminatoire à trois niveaux dont l'application est contrôlée par la Commission canadienne des droits de l'homme ou les commissions provinciales des droits de l'homme. La législation à elle seule ne peut amener une évolution des comportements discriminatoires à l'égard des travailleurs migrants et des autres groupes minoritaires. L'éducation et la sensibilisation de l'opinion publique jouent à cet égard un rôle essentiel. L'orateur a tenu à corriger certaines mentions inexactes ou incomplètes sur le Canada qu'il a relevées dans l'étude d'ensemble. Par exemple, le Canada n'a pas modifié sa politique d'immigration (l'immigration est passée d'une moyenne de 100 000 personnes par an entre 1981 et 1985 à une moyenne de 227 000 personnes par an entre 1993 et 1997, chiffre qui devrait rester inchangé pour les années 1998 et 1999 et qui inclut les quelque 24 à 28 000 réfugiés admis dans le pays ces mêmes années. Le nombre des admissions pour travail temporaire est resté stable avec environ 100 000 autorisations de séjour pour emploi et 95 000 autorisations de séjour pour études, chiffres qui restent entièrement distincts de ceux concernant les migrants et les réfugiés). En outre, en évoquant la formation et le travail des personnes à la charge des travailleurs étrangers, il aurait fallu faire mention des informations communiquées par le gouvernement du Québec, et jointes au rapport du gouvernement du Canada, selon lesquelles c'est l'autorité provinciale qui délivre le permis de travail ou d'études pour la province considérée.
157. Le membre gouvernemental de la République tchèque a indiqué qu'avant les changements politiques de 1989 l'immigration d'étrangers ainsi que l'émigration de citoyens tchèques étaient strictement limitées. Après 1989, la République tchèque a essentiellement servi de pays de transition vers les pays d'Europe occidentale. A présent, elle devient de plus en plus un pays d'immigration avec un grand nombre d'immigrés clandestins. Pour les travailleurs migrants, le marché du travail tchèque occupe une position intermédiaire entre les pays disposant d'une économie de marché développée et certains pays moins avancés sur le plan économique en Europe centrale et orientale. Les travailleurs étrangers ne peuvent être employés en République tchèque que s'ils disposent d'un permis de travail délivré en vertu de la loi sur l'emploi et d'un permis de séjour délivré en vertu de la loi sur le séjour des étrangers. La législation en matière de relations professionnelles s'applique tant aux travailleurs étrangers et apatrides qu'aux ressortissants tchèques. Il manque encore une législation adéquate, ainsi que des infrastructures nécessaires pour garantir pleinement le respect des droits des travailleurs migrants et de leurs familles dans certains domaines, comme la sécurité sociale. Il est également difficile d'obtenir des informations précises sur l'ampleur, les causes, la répartition géographique ou encore les secteurs touchés par le travail clandestin des étrangers. Une des méthodes d'enquête consiste à mener des entretiens de groupe avec des experts d'institutions publiques et des personnes ayant une expertise sur le marché du travail. A cet effet, un amendement à la loi sur l'emploi ainsi qu'une nouvelle loi sur le séjour des étrangers ont été préparés. Des efforts sont également entrepris en vue d'améliorer la collaboration des autorités administratives concernées par ces questions; cela inclut la mise en place d'un système d'informations couvrant l'ensemble du pays.
158. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a relevé que, selon la commission d'experts, l'article 10 de la convention no 143 n'oblige pas l'Etat à intervenir dans des domaines qui, dans certains pays, sont laissés à la négociation collective. A cet égard, il indique qu'une réglementation européenne sur les travailleurs migrants existe et que le rapport de son gouvernement s'y réfère. Selon cette réglementation, certaines restrictions peuvent être imposées aux travailleurs migrants quant à la possibilité d'occuper, en tant que représentants syndicaux, des fonctions publiques, ce qui à son avis ne constitue pas une violation de l'article 10 de la convention. Il a également voulu dissiper le malentendu sur l'Allemagne contenu dans le paragraphe 615 et a indiqué que tous les travailleurs étrangers ont la possibilité de recourir à un interprète devant les tribunaux allemands. Les dépenses sont à la charge du travailleur étranger uniquement lorsqu'il n'existe pas d'accord de réciprocité avec le pays du travailleur concerné. Un membre travailleur de l'Allemagne a estimé que les activités entreprises dans le cadre de l'Année européenne contre le racisme (1997) devraient être poursuivies. Il a indiqué qu'un accord sur l'égalité au travail, comprenant une déclaration commune dénonçant le racisme et la xénophobie, a été conclu entre les représentants des travailleurs et des employeurs du secteur postal.
159. Le membre gouvernemental de la Grèce a souligné que les travailleurs migrants qui vivent et travaillent en Grèce, et qui possèdent un permis de travail, bénéficient des mêmes droits que les citoyens grecs et ont les mêmes obligations en vertu de la loi no 1975 de 1991. Les étrangers qui ont un travail en Grèce sont assurés à l'Etablissement des assurances sociales comme les ressortissants grecs dès le premier jour de leur emploi et bénéficient de prestations dès lors qu'ils résident légalement dans le pays ou qu'ils ont un visa valable; toutes les personnes employées sont assurées, quels que soient leur nationalité, leur sexe, leur âge ou leur religion. La Grèce a longtemps été un pays d'émigration. Depuis peu, en raison de l'instabilité sociopolitique qui affecte la région des Balkans et qui s'est aggravée au cours de ces derniers mois, elle a recueilli de très nombreux migrants clandestins des pays voisins. La Grèce est ainsi devenue un pays d'accueil de travailleurs migrants. Le gouvernement grec, pour faire face à cette immigration illégale, a adopté deux décrets présidentiels, nos 358 et 359 de 1997, qui règlent la question de la légalisation de tous les étrangers qui reçoivent une carte de séjour de durée limitée et bénéficient de prestations prévues par la législation grecque à laquelle ils sont assujettis. En vertu de ces décrets, les étrangers qui possèdent une carte de séjour de durée limitée, et les membres de leurs familles, ont le droit de sortir provisoirement du territoire grec et de revenir si leur absence ne dépasse pas deux mois. Les étrangers qui résident en Grèce pendant cinq ans et qui disposent des moyens nécessaires pour couvrir leurs besoins de logement et de subsistance peuvent obtenir une carte de séjour valable pour cinq ans et demander, au nom du regroupement familial, la prolongation du séjour ou l'installation de membres de leurs familles. Le membre travailleur de la Grèce a estimé que la législation grecque à laquelle se réfère le membre gouvernemental est positive en ce qu'elle traite avec justice les travailleurs migrants.
160. Le membre travailleur de l'Italie a indiqué que son gouvernement a ratifié les deux conventions. Entre l'adoption de la loi de 1989 et celle de 1998 sur l'immigration et le statut des étrangers, l'objectif du pays a été de régler les flux migratoires sur la base d'accords avec les pays d'origine et de légaliser les clandestins travaillant en Italie depuis une période donnée. Les employeurs ont été encouragés dans ce sens par des mesures incitatives. Des ressources ont été allouées, notamment à l'assistance sanitaire, à la scolarisation et à l'intégration culturelle. L'arrivée massive, ces dernières années, de réfugiés et d'immigrants a posé de graves problèmes qui ont pu être surmontés grâce au travail des syndicats et des associations bénévoles.
161. Le membre gouvernemental du Mexique a souligné la grande importance de la question des migrations pour le Mexique. Le Mexique est à la fois un pays d'accueil des migrants au sud et un pays d'émigration au nord. Cette situation a appelé la mise en œuvre de politiques et de mesures visant à protéger les droits des travailleurs migrants de manière effective. Le Mexique a mené de multiples actions, tant au niveau national qu'international, auxquelles se réfère l'étude d'ensemble. Le gouvernement s'emploie à promouvoir, au sein de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, l'établissement d'un groupe intergouvernemental d'experts chargé, d'une part, d'examiner les obstacles qui empêchent les migrants de jouir pleinement des droits de l'homme et, d'autre part, de formuler des recommandations à ce sujet. Cette année, le groupe a identifié dans son rapport final les obstacles institutionnels, économiques et sociaux, et a recommandé la nomination d'un rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants chargé d'examiner les mesures nécessaires pour surmonter les obstacles qui empêchent ce groupe, particulièrement vulnérable, de bénéficier de la protection pleine et effective des droits de l'homme. Cette recommandation a été approuvée et il est à espérer que le rapporteur spécial sera prochainement nommé et pourra recevoir et diffuser des informations, reçues notamment des organisations inter-gouvernementales et des organisations compétentes des Nations Unies, sur les violations des droits de l'homme subies par les travailleurs migrants. Le nouveau rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme et l'OIT pourront mener un dialogue soutenu qui leur permettra de coordonner leurs fonctions et compétences respectives en vue d'améliorer la situation de tous les travailleurs migrants. L'orateur a rappelé la contribution importante de l'OIT dans la rédaction de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles qui s'inspire des conventions existantes de l'OIT. Cette convention a été ratifiée par le Mexique depuis peu.
162. Le membre gouvernemental de la Slovaquie a exposé les dispositions de la législation nationale sur l'emploi des étrangers et des personnes apatrides, notamment celles qui leur accordent le même statut juridique que celui accordé aux nationaux. Les employeurs ayant leur domicile dans le pays ne peuvent employer ces catégories de personnes que si celles-ci ont un permis de résidence de longue durée suite à un visa qui les autorise à exercer un emploi et si elles ont un permis de travail; ou si celles-ci ont un permis de résidence permanent ou le statut de réfugié ou une attestation indiquant leur qualité de personne déplacée. L'exigence d'un permis de résidence de longue durée, pouvant être délivré en vertu d'une autorisation de travail ou d'un permis de travail, s'applique également aux étrangers ou aux personnes apatrides qui travaillent dans le pays et qui sont salariés d'une entreprise étrangère pour une période supérieure à un mois. Le gouvernement slovaque a conclu des accords bilatéraux avec un certain nombre de pays, notamment un accord avec la Fédération de Russie sur l'organisation de l'emploi dans le cadre de l'exécution de contrats commerciaux et sur l'emploi mutuel de citoyens, ou encore un accord avec la République tchèque sur l'emploi mutuel.
163. Le membre gouvernemental de l'Espagne a indiqué que son pays a signé et ratifié la plupart des instruments internationaux sur les droits et libertés des étrangers ainsi que la plupart des instruments sur les droits de l'homme. L'Espagne se trouve actuellement dans une phase où plusieurs initiatives sont en train d'être concrétisées qui pourraient amener une évolution substantielle de sa politique en la matière. La Chambre des députés est saisie de l'examen de trois propositions de lois qui tendraient à réformer la législation en vigueur. En ce qui concerne le traitement de l'immigration, indépendamment des permis de travail délivrés par la voie ordinaire, une attention particulière doit être portée sur la politique de contingentement en vigueur depuis 1993 qui a pour objectif de canaliser les flux migratoires en fonction du besoin en main-d'œuvre de l'économie nationale. Des règles spéciales ont été établies de manière à simplifier la procédure et orienter la main-d'œuvre vers les offres d'emploi auxquelles les travailleurs nationaux n'ont pas répondu dans des secteurs tels que l'agriculture, les emplois domestiques, le bâtiment et l'hôtellerie. En application de l'article 69 du règlement concernant les étrangers, le travailleur migrant qui a obtenu les permis de travail et de séjour bénéficie, en vertu du principe d'égalité, du droit aux mêmes conditions d'emploi que les nationaux. Cette égalité porte notamment sur les droits du travail et les droits en matière de sécurité sociale. La politique espagnole en matière d'immigration obéit aux directives européennes. L'une des grandes nouveautés apportées par le Traité d'Amsterdam, avec la création d'un grand espace de liberté, de sécurité et de justice, est l'introduction de nouvelles dispositions en matière de libre circulation des personnes, d'asile et d'immigration, soumettant ainsi les politiques de visa, d'asile, d'immigration et d'entraide judiciaire à la compétence communautaire. Pour toutes ces questions, les instruments vont donc se subroger aux accords de toute autre nature. De plus, la Cour de Justice des Communautés européennes verra ses compétences élargies à toutes les questions relevant de ce domaine et, à l'issue d'une période transitoire, la commission aura un droit exclusif d'initiative dans ce domaine. En Espagne, le Code pénal, adopté le 23 novembre 1995, prévoit des peines de prison à l'encontre de ceux qui font du trafic de main-d'œuvre ou qui auront favorisé, par quelque moyen que ce soit, l'immigration clandestine de travailleurs en Espagne. En ce qui concerne la protection des personnes déplacées en conséquence de catastrophes naturelles, et en vertu du programme d'action adopté à l'issue du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague, l'Espagne accorde un traitement aux nationaux des pays touchés par l'ouragan Mitch, sans tenir compte, dans le traitement des demandes présentées par les ressortissants de ces pays, de leur situation initiale au regard de l'emploi. Le dialogue avec les partenaires sociaux se poursuit notamment au niveau du Forum pour l'intégration sociale des immigrants.
164. Le membre gouvernemental de la Tunisie a indiqué que, bien que son pays n'ait pas ratifié les conventions nos 97 et 143, ce dernier tient à réaliser les objectifs de ces conventions et en tenir compte dans la législation et la pratique nationales. Son pays consacre le principe de l'égalité de traitement entre travailleurs nationaux et étrangers en matière de sécurité sociale et, depuis 1996, la législation tunisienne du travail prévoit l'égalité des droits entre nationaux et étrangers dans le domaine du travail. La Tunisie tient également à ce que les autres pays appliquent l'égalité de traitement à leurs travailleurs migrants, et accorde beaucoup d'intérêt à protéger les droits de ceux-ci et à leur garantir des conditions de vie et de travail décentes.
Perspectives de ratification et obstacles à la ratification
165. Les membres travailleurs ont relevé que la plupart des 41 pays qui ont ratifié la convention no 97 sont des pays d'immigration. La convention no 143 n'a recueilli que 18 ratifications. Le rythme des ratifications pour ces deux instruments a diminué au cours des années. Toutefois, selon l'étude d'ensemble, 11 pays ont annoncé leur intention de ratifier l'une ou les deux conventions. Six pays ont annoncé leur intention de les ratifier après modification de leur législation, et au moins trois pays ont demandé l'assistance technique du BIT à cet effet. En outre, d'autres pays ont déclaré qu'ils examineraient la ratification en temps utile. Les membres travailleurs ont rappelé qu'à l'occasion de la dernière étude d'ensemble sur cette question, plusieurs pays avaient déjà annoncé leur intention de ratifier ces conventions, mais n'ont jamais concrétisé cette volonté. L'étude d'ensemble indique que certaines des difficultés mentionnées par les Etats Membres ne sont pas des obstacles fondamentaux à la ratification, mais traduisent plutôt la mauvaise compréhension des objectifs des conventions que la commission d'experts a clarifiés. Les membres travailleurs se sont référés notamment à la position de certains pays, comme le Pakistan ou le Mexique, qui considèrent que les instruments ne concernent que les pays d'origine des travailleurs migrants alors que la commission d'experts a expliqué que les conventions visent à la fois les pays d'émigration et d'immigration.
166. Les membres employeurs ont noté que chacune des conventions examinées a été élaborée sur la base des situations migratoires très différentes qui prévalaient en 1949 et 1975. L'étude relève, par exemple, que la convention de 1949 avait pour but de faciliter aussi bien les migrations temporaires que les migrations permanentes. L'article 1 impose aux Etats qui l'ont ratifié de fournir aux autres Membres de l'OIT, ainsi qu'au BIT, un large éventail d'informations sur la politique et la législation nationales, et de coopérer sur les services d'emploi des migrants. Cette convention contient de nombreuses dispositions de protection, y compris celles concernant l'égalité de traitement entre les travailleurs migrants et les nationaux dans quatre domaines, et l'interdiction de l'expulsion des travailleurs migrants permanents au motif d'une incapacité de travail. Trois annexes détaillées qui traitent des migrations organisées et spontanées à la recherche d'emploi peuvent être exclues lors de la ratification. La convention de 1975 visait un objectif opposé à celui de la convention de 1949. Il s'agissait à la fois de restreindre les migrations suite à la crise de 1973, et de remédier aux problèmes sociaux inhérents au changement de statut de résident temporaire à celui de permanent. L'article 1 prescrit l'obligation générale de respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants sans remettre en cause le droit des Etats de réguler les flux migratoires. En vertu de l'article 2, les Etats qui ont ratifié la convention doivent adopter un certain nombre de mesures pour déterminer systématiquement s'il existe des migrants illégalement employés sur leur territoire. L'article 3 prescrit de prendre des mesures en collaboration avec d'autres Membres pour supprimer les migrations clandestines, y compris des sanctions. La première partie de la convention prescrit également certaines mesures de protection pour les travailleurs migrants qui ont perdu leur emploi ou qui sont en situation irrégulière. La partie II vise à garantir l'égalité de traitement des travailleurs migrants et de leurs familles, y compris les libertés individuelles et collectives. D'une manière générale, aucune des deux conventions n'a été largement ratifiée: des 41 pays qui ont ratifié la convention no 97, seulement 16 ont accepté toutes ses annexes. A peine 18 pays ont ratifié la convention no 143. Enfin, aucune ratification de l'une ou l'autre de ces conventions n'a été enregistrée depuis 1993. Selon l'étude d'ensemble, les pays ont tendance à suivre les dispositions des instruments conçus en termes généraux, mais sont moins enclins à suivre les dispositions prescrivant des engagements spécifiques. Chacune des conventions sur les travailleurs migrants est tellement détaillée que la plupart des pays ne sont pas en situation de les appliquer. La note de bas de page no 7 du chapitre consacré aux remarques finales dresse une liste des dispositions mentionnées par les Etats Membres comme constituant des obstacles à la ratification. Presque toutes les dispositions des instruments et de leurs annexes sont mentionnées. Les points de divergence concernent les domaines clés des deux instruments: recrutement, droits des migrants irréguliers, égalité de chances et de traitement. Ces instruments ont été élaborés dans un contexte où les migrations étaient organisées par les Etats plutôt que spontanées. Pour des raisons politiques et économiques, les Etats ne jouent plus ce rôle déterminant. Les migrations temporaires sont plus nombreuses. Les femmes représentent plus de la moitié des travailleurs migrants aujourd'hui. Les migrations illégales sont en augmentation et les voyages sont plus aisés. Malgré ces changements du contexte et des caractéristiques du phénomène migratoire, et malgré les obstacles juridiques et pratiques à la ratification, la commission d'experts fait une observation étonnante au paragraphe 664 en indiquant que les principes inscrits dans les instruments demeurent toujours valables et que l'une des options est de conserver le statu quo. Quant aux différences entre la Déclaration de 1998 et les conventions fondamentales, il importe de distinguer les principes et les objectifs politiques, et les obligations juridiques détaillées contenues dans les conventions qui constituent des obstacles à la ratification.
167. Certains intervenants se sont exprimés sur les perspectives de ratification. Le membre gouvernemental de l'Allemagne a rappelé que la dernière véritable ratification de la convention no 143 a été enregistrée en 1985 et que les ratifications enregistrées entre 1991 et 1993 étaient en fait des successions d'Etats. La convention no 143 ne semble donc pas en mesure de fournir une protection efficace pour les travailleurs migrants dans le monde. De même, la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants a été trop peu ratifiée et n'est pas entrée en vigueur. Il est probable que l'adoption d'un protocole permettant aux Etats de poser des limites à l'importante protection prévue par les instruments existants permettrait d'augmenter le taux de ratification. Ceci pourrait peut-être se révéler utile puisque l'article 8 de la convention est souvent cité comme un obstacle majeur à la ratification. Mais un protocole additionnel ne pourrait être ouvert qu'aux Etats ayant déjà ratifié la convention. Le membre gouvernemental de l'Inde a également noté que les conventions ont été très peu ratifiées car elles concernent des sujets politiquement sensibles dont peu de gouvernements semblent se préoccuper sérieusement. Il a exhorté la commission à ne pas limiter la discussion sur ce sujet à un processus de négociation entre les pays d'accueil et les pays de départ, mais plutôt à l'envisager sur la base de considérations humanitaires, des droits de l'homme et de la justice sociale. Le membre travailleur du Pakistan a relevé le faible taux de ratification des conventions et a encouragé les pays d'immigration comme les pays d'émigration à demander l'assistance technique du BIT pour supprimer les obstacles à leur ratification, ceci pour protéger les travailleurs migrants contre les traitements abusifs. Les agences d'emploi privées sont de plus en plus nombreuses et l'emportent sur les agences publiques quant au nombre de placements de travailleurs migrants. Il faut apprécier l'engagement pris par le Directeur général dans son rapport à la Conférence de conduire une étude approfondie sur les entrepreneurs de main-d'œuvre, tant officiels qu'officieux, et les agences s'occupant de travailleurs migrants. Le membre travailleur de la Tunisie a exprimé le souhait qu'un effort particulier soit fait pour augmenter le nombre de ratifications des conventions nos 97 et 143 de manière à offrir une plus grande protection aux travailleurs migrants.
168. D'autres membres gouvernementaux ont décrit leur position vis-à-vis de la ratification. Le membre gouvernemental de la Grèce a indiqué que le Conseil supérieur du travail de la Grèce a décidé unanimement que l'Etat ne pouvait procéder à la ratification des conventions sur les migrations avant l'adaptation de la législation aux conditions créées par les flux massifs de migration clandestine dans le pays. Le membre gouvernemental du Mexique a rappelé que son pays n'a pas ratifié les conventions nos 97 et 143 et a indiqué que les circonstances qui ont donné naissance à ces conventions ont largement évolué ces dernières années. Cette évolution ainsi que l'adoption de nouveaux instruments internationaux rendent nécessaire une adaptation des conventions de l'OIT sur ce sujet. Le membre gouvernemental des Pays-Bas a indiqué que son pays a ratifié la convention no 97. Le Groupe de travail sur la politique de révision des normes a estimé qu'il conviendrait d'en promouvoir la ratification. Les Pays-Bas considèrent que la convention no 97 constitue un cadre utile pour la législation nationale. Ce n'est toutefois pas le cas de la convention no 143 que son gouvernement n'envisage pas de ratifier. D'une manière générale, la convention no 143 n'est pas conforme à la législation et à la pratique des Pays-Bas, notamment pour ce qui est de l'obligation d'offrir un nouvel emploi à un travailleur migrant après une période de travail relativement courte et de l'obligation de rechercher systématiquement les immigrants en situation irrégulière sur le territoire national. De fait, cette dernière disposition pourrait déboucher sur des contrôles fondés sur le faciès, ce qui pourrait constituer une forme de discrimination. Le membre gouvernemental de la Slovaquie a également indiqué que la législation de son pays ne permettait pas de ratifier les conventions nos 97 et 143 pour le moment. Le membre gouvernemental de Sri Lanka a indiqué, lors des discussions sur la partie générale du rapport de la commission d'experts, que la convention no 97 est l'exemple même des instruments qui contiennent des dispositions techniques tellement rigides que les Etats Membres ne peuvent les appliquer. Les dispositions en question sont celles qui interdisent aux Etats ayant ratifié la convention d'imposer une redevance, aussi raisonnable soit-elle, pour la mise à disposition de facilités aux travailleurs migrants. Le bureau de l'emploi de son gouvernement fournit nombre de services aux travailleurs émigrés tels que l'enregistrement, la formation, les assurances, les mesures pour leur bien-être, les bourses d'études pour leurs enfants et autres services en cas d'accidents survenus à l'étranger. Dans la mesure où son gouvernement fait des investissements importants pour fournir de tels services aux travailleurs émigrés, il leur impose une taxe raisonnable. En vue de ratifier la convention n o 97, le gouvernement a demandé au BIT, en 1993 et de nouveau cette année, si une taxe raisonnable pouvait être exigée des travailleurs migrants pour les services fournis. Les réponses ont été négatives dans les deux cas, même lorsqu'il s'agit d'une taxe raisonnable. Une rédaction aussi rigide empêche malheureusement son pays de ratifier la convention, et certaines dispositions qui ne sont pas réalistes devraient être modifiées.
169. Le membre travailleur de l'Inde a prié instamment son gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ratifier les conventions nos 97 et 143 dans un proche avenir. Pour sa part, le membre employeur de l'Inde a indiqué que son pays a connu ces derniers temps une augmentation de l'émigration et est actuellement en train d'étudier la question de la ratification de la convention no 97. S'agissant de la partie I de la convention no 143, l'Inde considère que la convention ne couvre pas de manière appropriée tous les travailleurs migrants. En outre, les procédures exigeant des migrants un test de dépistage pour le VIH ou le SIDA constituent un obstacle à la ratification des conventions pour un certain nombre d'Etats.
La voie à suivre
170. La plupart des intervenants se sont prononcés en faveur d'une discussion générale sur les migrations de main-d'œuvre à une prochaine session de la Conférence internationale du Travail, même s'ils exprimaient des opinions différentes sur la pertinence toujours actuelle des conventions nos 97 et 143. Le membre gouvernemental de la Grèce a indiqué que son gouvernement soutenait la deuxième option proposée par la commission d'experts, à savoir la révision des deux conventions et l'élaboration d'une nouvelle convention adaptée aux nouveaux besoins. Le membre gouvernemental du Mexique s'est également prononcé en faveur de la deuxième option qui consisterait en une révision de ces conventions pour les mettre à jour, et, dans la mesure du possible, il conviendrait d'adopter une convention qui comblerait les lacunes des deux instruments et qui serait une convention-cadre incluant les dispositions de la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants. Le membre gouvernemental de la Tunisie s'est prononcé en faveur de la révision des conventions nos 97 et 143 et de leur fusion dans une convention unique énonçant des principes fondamentaux répondant aux besoins des pays de départ et d'accueil. Quelle que soit l'option retenue, l'OIT devrait à l'avenir s'intéresser davantage à la question des travailleurs migrants, y compris dans ses activités normatives. Le membre gouvernemental de la Turquie s'est également prononcé en faveur d'une discussion générale sur les travailleurs migrants à la Conférence internationale du Travail dans un très proche avenir. Entre-temps, le travail de l'OIT sur les questions de migration ne pourra être véritablement efficace que si la priorité est accordée à cette question en termes de budget et de personnel. La proposition de l'équipe de transition du Directeur général en vue d'établir à nouveau un service des migrations au sein du BIT est par conséquent très positive. Les membres employeurs et un certain nombre de membres travailleurs se sont prononcés en faveur de la révision. Le membre travailleur de l'Italie a indiqué que l'idée d'une nouvelle convention-cadre contenant des principes de base permettrait de mieux répondre aux différentes situations actuelles de migrations de main-d'œuvre. Il s'agirait d'une norme-cadre prioritaire qui tiendrait compte d'autres instruments internationaux, conformément aux orientations données dans le rapport du Directeur général. Le membre travailleur du Pakistan a indiqué que le Conseil d'administration devrait réfléchir à la manière de mieux promouvoir les normes internationales sur les travailleurs migrants et d'inscrire la question à l'ordre du jour d'une prochaine session de la Conférence internationale du Travail. Le membre employeur de l'Inde a relevé le nombre particulièrement faible de ratifications pour la convention no 143 et s'est félicité de l'action menée en vue de la révision des conventions afin que les ratifications puissent être étendues. Le taux de ratification pourrait augmenter si l'on se plaçait dans des perspectives régionales et si les organisations d'employeurs et de travailleurs étaient impliquées.
171. Les orateurs qui sont intervenus pour émettre des doutes quant à la pertinence de l'adoption d'une nouvelle convention sont convenus qu'il fallait rechercher un consensus dans ce sens. Le membre gouvernemental de l'Inde a indiqué qu'à la lumière des instruments internationaux adoptés antérieurement et des sensibilités nationales vis-à-vis des travailleurs migrants, son gouvernement considérait qu'il ne semblait pas actuellement opportun d'adopter un nouvel instrument international à ce sujet. Le moyen d'action le plus approprié serait pour l'OIT de promouvoir le consensus grâce à sa structure tripartite et d'encourager les Etats Membres à prendre des mesures pour protéger les droits des travailleurs migrants, et notamment les droits fondamentaux de l'homme. A cet égard, la Déclaration de 1998 jouera un rôle très important puisque les travailleurs migrants sont souvent confrontés à la discrimination et au travail forcé et sont privés du droit à la liberté syndicale. Son gouvernement s'engage à réduire l'exploitation des travailleurs migrants et à améliorer leurs conditions de travail. Si un consensus devait se dégager à la Commission de la Conférence sur l'adoption d'une nouvelle convention-cadre sur les travailleurs migrants, alors son gouvernement serait d'accord pour s'y rallier. Le membre gouvernemental des Pays-Bas a estimé qu'il n'est pas utile d'élaborer une autre convention. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas examiner la question des migrations internationales de manière plus approfondie. L'action de l'OIT à cet égard devrait être poursuivie et pourrait prendre la forme de réunions tripartites, comme celle qui s'est tenue en 1997, voire d'une discussion générale à la Conférence sur la base d'une étude approfondie du Bureau. Certains membres travailleurs ont émis des réserves. Un membre travailleur de l'Allemagne a évoqué le risque d'une nouvelle convention-cadre qui amoindrirait les conventions existantes, les pays appliquant ces conventions pouvant les considérer alors comme obsolètes. Par ailleurs, une nouvelle convention ne devrait pas porter atteinte aux mesures déjà prises au niveau régional, comme par exemple les dispositions sur l'égalité de la Charte sociale européenne. Toutes ces questions devraient être prises en considération à l'occasion des discussions à venir. L'orateur a suggéré que le Directeur général inclue dans sa campagne de ratification les conventions sur les travailleurs migrants. La protection des travailleurs migrants et de leurs familles serait renforcée par l'acceptation des deux parties de la convention no 143. Le membre travailleur de l'Inde était d'avis qu'il serait difficile d'adopter un nouvel instrument alors que les instruments existants n'avaient pas encore été ratifiés. L'OIT devrait accorder plus d'attention à l'immigration clandestine, et l'instrument qui pourrait éventuellement être adopté devrait traiter de cette question. Etant donné les difficultés mentionnées dans l'étude d'ensemble en ce qui concerne l'obtention des données, l'OIT devrait inviter tous les pays à recueillir des données sur l'immigration et l'émigration.
172. Les membres travailleurs sont arrivés à la conclusion que le BIT devrait d'abord, par le biais de ses équipes multidisciplinaires et de l'assistance technique, donner une suite dynamique aux perspectives de ratification de certains Etats Membres. Ceci signifie que les principes contenus dans les deux conventions restent valables même si le contexte des migrations a changé et si ces instruments présentent des lacunes. Deuxièmement, en ce qui concerne les questions juridiques posées par certaines dispositions des conventions, les membres travailleurs soulignent que les deux conventions sont souples dans la mesure où la ratification d'une des deux parties de la convention no 143 ou la formulation de réserves par rapport aux annexes de la convention no 97, sont possibles, ce qui permet de résoudre certains problèmes d'application. Le BIT devrait apporter son assistance technique aux Etats qui hésitent à ratifier pour des raisons juridiques. Troisièmement, les deux conventions ont été adoptées dans des contextes différents. De nos jours, il ne s'agit plus de migrations effectuées dans le cadre d'accords bilatéraux entre des gouvernements et des agences d'emploi. Les migrations ne donnent plus lieu à une installation définitive dans le pays d'accueil. D'autres éléments ont changé dans la structure et la nature des migrations: le déclin du rôle de l'Etat; le développement des migrations spontanées et temporaires; la féminisation des migrations dans des secteurs auxquels ne s'applique pas le Code du travail, à l'exemple du travail domestique. A cet égard, une stratégie normative complémentaire pour protéger le plus grand nombre de travailleurs migrants contre l'exploitation doit être développée. Les membres travailleurs rappellent que les deux grandes options contenues dans les conclusions de l'étude d'ensemble sont: le maintien du statu quo mais accompagné d'une campagne pour promouvoir la ratification et l'élaboration d'un ou de plusieurs protocoles additionnels pour combler les lacunes, ce qui a l'avantage de ne pas retarder les ratifications annoncées par plusieurs gouvernements. La deuxième option consiste en une révision totale des instruments dans une refonte dans un instrument unique. Cet instrument pourrait consister en une convention-cadre. L'avantage de cette approche réside dans le fait que l'accent est mis sur des principes reconnus par tous et que les gouvernements ne pourront émettre des réserves à la ratification que sur des points de détail. Mais l'élaboration de normes souples ne suffit pas à les faire ratifier largement. Il faut également éviter de décourager les Etats de ratifier les conventions nos 97 et 143 qui ont quand même le grand mérite d'avoir rempli leur fonction de guide des législations et pratiques nationales. Une combinaison des deux options proposées est également possible. Par ailleurs, des protocoles additionnels pourraient combler les lacunes et régler les difficultés d'application. En même temps, une convention-cadre pourrait établir les principes de base afin de régler les problèmes de la migration contemporaine. De plus, la question des migrations pour l'emploi pourrait faire l'objet d'une discussion générale à la Conférence internationale du Travail, ce qui devrait préparer le terrain pour une nouvelle action normative comme celle qui a abouti à l'adoption de la convention (no 181) sur les agences d'emploi privées, 1997. Les membres travailleurs ont, dès lors, proposé que le sujet des travailleurs migrants soit de nouveau mis à l'ordre du jour d'une session de la Conférence dans un proche avenir afin d'élaborer une stratégie normative complémentaire bien réfléchie et de protéger un maximum de travailleurs migrants.
173. Les membres travailleurs ont également conclu que la discussion sur l'étude d'ensemble confirmait et illustrait les commentaires et analyses de la commission d'experts en ce qui concerne aussi bien la situation des travailleurs migrants que les difficultés relatives à l'interprétation et à l'application des conventions. Le constat le plus important est l'existence d'un consensus sur la nécessité de prévoir une protection adéquate des travailleurs migrants. Dans ce sens, la question des migrations de main-d'œuvre doit être mise à l'ordre du jour des travaux de l'Organisation. Le BIT doit d'abord s'attacher à promouvoir la ratification et l'application des conventions nos 97 et 143 dans la mesure où plusieurs pays ont manifesté leur intention de les ratifier. Les membres travailleurs proposent, comme les membres employeurs, qu'une discussion générale de nature politique soit ensuite tenue sur la question lors d'une prochaine session de la Conférence, de manière à préparer le terrain en vue d'une action normative complémentaire. Cette discussion pourrait s'inspirer de l'étude d'ensemble, de la discussion de la Commission de la Conférence et de recherches et consultations ultérieures, et envisager un cadre efficace et actualisé pour renforcer la protection des travailleurs migrants dans tous les pays contre l'exploitation et assurer le respect de leurs droits fondamentaux, y compris pour ceux en situation irrégulière.
174. Les membres employeurs ont estimé que l'étude d'ensemble, dans sa totalité, soutenait de manière probante les arguments en faveur de la seconde option, à savoir la révision totale des instruments et leur combinaison dans une convention unique. Il était nécessaire qu'une nouvelle norme-cadre sur les travailleurs migrants, prenant en considération les réalités actuelles et les circonstances très différentes des pays de départ, d'accueil et de passage, soit élaborée. Une telle norme aurait un effet immédiat et un impact plus important à long terme. Le Groupe de travail sur la politique de révision des normes devrait tenir compte des conclusions de l'étude d'ensemble et en déduire la nécessité de réviser les conventions nos 97 et 143.
175. Les membres employeurs ont considéré que le nombre relativement peu élevé d'orateurs illustrait la complexité de la matière. Les interventions des membres gouvernementaux de l'Allemagne et du Canada ont montré qu'il était difficile de connaître exactement la situation en droit et pratique au sein des Etats Membres sur la base des seuls rapports présentés à la commission d'experts. Le manque d'informations détaillées met en évidence la nécessité de tenir une discussion générale sur cette question à la Conférence internationale du Travail, en vue d'examiner le besoin de révision des conventions nos 97 et 143. Aucun membre gouvernemental n'a estimé que ces conventions offraient une solution d'avenir. Les commentaires formulés par plusieurs membres gouvernementaux illustrent les différents problèmes rencontrés pour la mise en œuvre de ces normes. Même les membres travailleurs ont relevé des lacunes dans ces instruments. Les conventions sont limitées à certains égards et n'ont pas été ratifiées autant que l'on pouvait l'espérer. Les obstacles juridiques à la ratification de ces conventions, ainsi que le nouveau contexte dans lequel s'opèrent les flux migratoires, confirment l'opinion des membres employeurs selon laquelle le maintien du statu quo à l'égard de ces conventions n'est pas une option viable. Afin de protéger les travailleurs migrants dans un marché du travail mondialisé, il est nécessaire d'adopter un nouvel instrument plus pertinent qui pourrait, par exemple, se traduire par la fusion des instruments existants dans une convention unique fixant des normes réalistes.
D. Exécution d'obligations spécifiques
176. Pour l'examen des cas individuels concernant l'exécution par les Etats de leurs obligations au titre des normes internationales du travail ou relatives à celles-ci, la commission a décidé de suivre les mêmes méthodes de travail et critères que l'année précédente, tels qu'amendés, ou précisés, en 1980 et en 1987.
177. En appliquant ces méthodes, la commission est convenue, sur proposition des membres travailleurs appuyée par les membres employeurs, d'inviter tous les gouvernements concernés par les commentaires figurant aux paragraphes 186 (manquements à l'envoi de rapports depuis deux ans ou plus sur l'application des conventions ratifiées), 193 (manquements à l'envoi de premiers rapports sur l'application de conventions ratifiées), 197 (manquements à l'envoi d'informations en réponse aux commentaires de la commission d'experts), 231 (défaut de soumission des instruments aux autorités compétentes) et 235 (manquement à l'envoi de rapports depuis les cinq dernières années sur des conventions non ratifiées et sur des recommandations) du rapport de la commission d'experts, à fournir des informations à la commission au cours d'une séance spéciale d'une demi-journée consacrée à ces cas. La commission a considéré que cette nouvelle approche ne devait en aucune manière être interprétée par les gouvernements comme les dispensant de prendre part aux discussions de la commission.
Soumission des conventions et recommandations
aux autorités compétentes
178. Conformément à son mandat, la commission a examiné la manière dont il est donné effet à l'article 19, paragraphes 5 à 7, de la Constitution de l'OIT. Ces dispositions exigent des Etats Membres qu'ils soumettent, dans un délai de douze mois, ou exceptionnellement de dix-huit mois, à partir de la clôture de chaque session de la Conférence, les instruments adoptés à cette session «à l'autorité ou aux autorités dans la compétence desquelles rentre la matière, en vue de la transformer en loi ou de prendre des mesures d'un autre ordre», et qu'ils informent le Directeur général du BIT des mesures prises à cet effet en lui communiquant des renseignements sur l'autorité ou les autorités considérées comme compétentes.
179. La commission a relevé dans le rapport de la commission d'experts (paragraphe 216) que des efforts appréciables ont été accomplis dans un certain nombre de pays dans l'exécution de leurs obligations au sujet de la soumission, à savoir: Bulgarie, Chili, Guinée, Irlande, Liban, Maurice, Sri Lanka.
180. En outre, au cours de sa session, la commission a été informée par plusieurs autres Etats des mesures prises en vue de soumettre les instruments aux autorités nationales compétentes. Elle s'est félicitée des progrès survenus et a exprimé l'espoir que de nouvelles améliorations interviendraient dans les pays qui rencontrent encore des difficultés à exécuter leurs obligations.
Défaut de soumission
181. La commission a noté avec regret, d'après le paragraphe 231 du rapport de la commission d'experts, qu'aucune information n'a été fournie indiquant que des mesures ont été prises en vue de la soumission aux autorités compétentes des instruments adoptés de la 78e à la 84e session de la Conférence (1990 à 1996), conformément à l'article 19 de la Constitution, par les Etats suivants: Afghanistan, Belize, Cambodge, Cameroun, République centrafricaine, Congo, Haïti, Honduras, Iles Salomon, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Sainte-Lucie, Sao Tomé-et-Principe, Seychelles, Sierra Leone, Somalie, Swaziland, République arabe syrienne, Yémen.
Envoi des rapports sur les conventions ratifiées
182. La commission a examiné dans la partie B de son rapport (questions générales relatives aux normes internationales du travail) l'exécution par les Etats de leur obligation de faire rapport sur l'application des conventions ratifiées. A la date de la réunion de la commission d'experts de 1998, la proportion de rapports reçus s'élevait à 62,1 pour cent comparée à 62,8 pour cent (pour la session de 1997). Depuis lors, d'autres rapports ont été reçus, portant le chiffre à 71,4 pour cent comparé à 74,6 pour cent en juin 1998, 78,2 pour cent en juin 1997 et 78,9 pour cent en juin 1996. En 1998, la commission d'experts a noté que 66,4 pour cent des rapports pour lesquels des informations sur l'application pratique étaient demandées contenaient de telles informations, comparé à 84,3 pour cent pour la session de 1997 et 70,4 pour cent pour la session de 1996. La commission insiste sur l'importance que présente l'envoi de telles informations sans lesquelles il est impossible de savoir si une convention est appliquée. La commission s'associe à l'appel réitéré par la commission d'experts aux gouvernements pour qu'ils continuent de déployer tous leurs efforts afin d'inclure à l'avenir dans leurs rapports les informations demandées.
Manquements à l'envoi de rapports et d'informations
sur l'application des conventions ratifiées
183. La commission a noté avec regret qu'aucun rapport sur les conventions ratifiées n'a été fourni depuis deux ans ou plus par les Etats suivants: Afghanistan, Antigua-et-Barbuda, Arménie, Bosnie-Herzégovine, Burundi, Danemark (îles Féroé), République démocratique du Congo, Géorgie, Grenade, Mali, Ouzbékistan, Sainte-Lucie, Sierra Leone, Somalie, République-Unie de Tanzanie (Zanzibar).
184. La commission a également noté avec regret que les premiers rapports dus sur les conventions ratifiées n'avaient pas été fournis par les Etats suivants: depuis 1992, Libéria (convention no 133); depuis 1995, Arménie (convention no 111), Burundi (conventions n os 87, 100, 111), Kirghizistan (convention no 133); depuis 1996, Arménie (conventions nos 100, 122, 135, 151), Grenade (conventions nos 87, 100, 144), Lettonie (conventions nos 81, 155), Ouzbékistan (conventions nos 47, 52, 103, 122); depuis 1997, Mali (conventions nos 135, 141, 151, 159). La commission souligne l'importance toute particulière des premiers rapports sur la base desquels la commission d'experts établit sa première évaluation de l'application des conventions ratifiées.
185. Dans le rapport de cette année, la commission d'experts a noté que 58 gouvernements n'avaient pas communiqué de réponse à la plupart ou à l'ensemble des observations et des demandes directes sur les conventions pour lesquelles des rapports étaient demandés pour examen cette année, soit un total de 353 cas (comparé à 385 cas en décembre 1997). La commission a été informée que, depuis la réunion de la commission d'experts, 14 des gouvernements intéressés ont envoyé des réponses, lesquelles seront examinées par la commission d'experts à sa prochaine session.
186. La commission a noté avec regret qu'aucune information n'a encore été reçue en ce qui concerne l'ensemble ou la plupart des observations et des demandes directes de la commission d'experts pour lesquelles une réponse était demandée pour la période se terminant en 1998 de la part des pays suivants: Afghanistan, Antigua-et-Barbuda, Australie: île Norfolk, Bosnie-Herzégovine, Burkina Faso, Burundi, Comores, Danemark: îles Féroé, République démocratique du Congo, Djibouti, Fidji, France: Guadeloupe, France: Polynésie française, France: Terres australes et antarctiques françaises, Ghana, Grenade, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Haïti, Iles Salomon, Iraq, Kirghizistan, Lettonie, Jamahiriya arabe libyenne, Madagascar, Mali, Malte, Mongolie, Niger, Nigéria, Paraguay, Pays-Bas: Aruba, Rwanda, Sainte-Lucie, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Somalie, Togo.
187. La commission a pris note des explications données par les gouvernements des pays suivants sur les difficultés rencontrées dans l'exécution de leurs obligations: Bosnie-Herzégovine, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, République centrafricaine, Danemark: îles Féroé, République démocratique du Congo, Fidji, France: Guadeloupe, France: Polynésie française, France: Terres australes et antarctiques françaises, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Haïti, Honduras, Iraq, Lesotho, Lettonie, Madagascar, Mali, République de Moldova, Niger, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Pays-Bas: Aruba, Seychelles, Swaziland, République arabe syrienne, République-Unie de Tanzanie (Zanzibar).
188. La commission a souligné que l'obligation d'envoi de rapports constitue la base du système de contrôle. La commission insiste auprès du Directeur général pour qu'il prenne toutes les mesures afin d'améliorer la situation et résoudre les problèmes mentionnés ci-dessus aussi rapidement que possible. Elle a exprimé l'espoir que les équipes multidisciplinaires accorderaient dans leur travail sur le terrain toute l'attention voulue aux questions relatives aux normes et en particulier à l'exécution des obligations en la matière. La commission a également gardé à l'esprit les nouvelles procédures de rapport approuvées par le Conseil d'administration en novembre 1993 et qui sont entrées en vigueur en 1995.
Application des conventions ratifiées
189. La commission a noté avec un intérêt particulier les mesures prises par un certain nombre de gouvernements pour assurer l'application des conventions ratifiées. La commission d'experts a pu faire état, au paragraphe 203 de son rapport, de nouveaux cas dans lesquels les gouvernements ont apporté des changements à leur législation et à leur pratique, à la suite des commentaires qu'elle a formulés sur le degré de conformité des législations ou pratiques nationales avec les dispositions d'une convention ratifiée. Ces cas étaient au nombre de 39 et concernaient 33 Etats. Plus de 2 203 cas de progrès ont été notés depuis 1964, date à laquelle la commission d'experts a commencé à dresser la liste de ces cas dans son rapport. Ces résultats sont une preuve tangible de l'efficacité du système de contrôle.
190. Au cours de la présente session, la Commission de la Conférence a été informée d'un certain nombre d'autres cas dans lesquels des mesures ont été prises récemment ou étaient sur le point d'être adoptées par les gouvernements en vue d'assurer la mise en œuvre des conventions ratifiées. Bien qu'il appartienne en premier lieu à la commission d'experts d'examiner ces mesures, la Commission de la Conférence s'est félicitée de ces nouvelles marques d'efforts des gouvernements pour remplir leurs obligations internationales et donner suite aux commentaires formulés par les organes de contrôle.
191. La commission a estimé qu'il convenait d'attirer l'attention de la Conférence sur un certain nombre de cas importants qu'elle a eu à examiner.
Cas de progrès
192. La commission a noté avec satisfaction que, dans plusieurs cas - dont beaucoup ont trait aux droits fondamentaux de l'homme -, les gouvernements ont introduit des changements dans leur législation et leur pratique afin d'éliminer les divergences antérieurement discutées par la commission. Elle considère que la mise en lumière de ces cas constitue une approche positive pour encourager les gouvernements à répondre aux commentaires des organes de contrôle. A cet égard, elle renvoie au rapport de la commission d'experts et à la discussion des cas particuliers, qui figure à la deuxième partie de son rapport.
Cas spéciaux
193. La commission a considéré qu'il y avait lieu d'attirer l'attention de la Conférence sur les discussions qu'elle a tenues au sujet des cas mentionnés dans les paragraphes suivants, et dont le compte rendu complet figure dans la deuxième partie du présent rapport.
194. En ce qui concerne l'application par le Cameroun de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission a pris note des informations détaillées fournies oralement et par écrit par le ministre de l'Emploi et du Travail, ainsi que des débats qui ont eu lieu. Elle a rappelé que, par le passé, elle avait examiné le cas à plusieurs reprises. Elle a également rappelé que, depuis plusieurs années, la commission d'experts a formulé des observations à propos de la non-application des articles 2 et 5 de la convention, dans la législation comme dans la pratique. Elle a souligné la nécessité de modifier la loi no 68/LF/19 de 1968, ainsi que le décret de 1969 correspondant, en vertu desquels une autorisation préalable des autorités administratives est nécessaire pour que les organisations d'agents de l'Etat soient juridiquement reconnues, et pour pouvoir s'affilier à une organisation professionnelle étrangère. De même, elle a insisté sur la nécessité d'abroger l'article 6 2) du Code du travail qui permet de poursuivre les personnes qui constituent un syndicat n'ayant pas encore été enregistré et qui agissent comme si le syndicat avait été enregistré. La commission a profondément déploré que, alors que le cas a déjà fait l'objet de débats, aucun progrès n'ait été fait. Elle a exhorté fermement le gouvernement à prendre des mesures effectives pour éliminer les entraves à la liberté syndicale, entraves qui sont dues à l'obligation d'obtenir une autorisation préalable pour constituer une organisation syndicale, et des mesures pour garantir que tous les travailleurs, y compris les agents de l'Etat et les travailleurs contractuels, aient le droit de constituer des organisations de leur choix et d'y adhérer. La commission s'est dite gravement préoccupée par le fait que le gouvernement n'a pas soumis, depuis plusieurs années, de rapports détaillés à la commission d'experts. De nouveau, la commission a exhorté vivement le gouvernement à communiquer un rapport détaillé à la commission d'experts, lors de sa prochaine session, sur les mesures prises pour rendre la législation et la pratique conformes à la convention.
195. En ce qui concerne l'application par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, la commission a pris note des informations écrites et orales communiquées par le gouvernement ainsi que de la discussion qui a suivi. En particulier, elle a pris note de l'opinion du gouvernement selon laquelle les conclusions de la commission d'enquête et de la commission d'experts sont dénuées de fondement, et le rapport du Directeur général aux membres du Conseil d'administration sur les mesures prises par le gouvernement du Myanmar suite aux recommandations de la commission d'enquête, daté du 21 mai 1999, est fondé sur des allégations erronées. La commission a également pris note de l'adoption de l'ordonnance no 1/99 du 14 mai 1999, laquelle enjoint les autorités compétentes de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi sur les villes et la loi sur les villages de 1907. La commission a rappelé la longue histoire de ce cas et l'ensemble des mesures prises par les organes de contrôle de l'OIT, y compris les recommandations de la commission d'enquête établie par le Conseil d'administration. Elle a estimé que les explications fournies par le gouvernement ne répondaient pas aux conclusions et recommandations détaillées et étayées par des preuves de la commission d'enquête et de la commission d'experts. Elle a noté avec une profonde préoccupation les conclusions de la commission d'enquête selon lesquelles des informations fiables révèlent que le travail forcé et obligatoire est toujours utilisé à une très large échelle au Myanmar. La commission a exprimé le regret que le gouvernement n'ait pas permis à la commission d'enquête de pénétrer sur son territoire afin de vérifier la situation par elle-même. Cela aurait permis au gouvernement d'exposer son point de vue d'une manière très objective et impartiale devant la commission. Elle a exprimé le regret que le gouvernement n'ait pas fait preuve de sa volonté de coopérer avec l'OIT à cet égard. Elle a prié le Conseil d'administration, la commission d'experts et le Bureau de continuer à prendre toutes les mesures possibles afin de veiller au respect par le Myanmar des recommandations de la commission d'enquête, qui confirment et élargissent les conclusions précédentes de la commission d'experts.
196. En ce qui concerne l'application par le Myanmar de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion détaillée qui a eu lieu par la suite. Elle a rappelé que ce cas a été discuté de manière constante depuis une décennie. La commission n'a pu que déplorer à nouveau qu'aucun progrès n'ait été fait dans le sens de l'application de cette convention fondamentale, malgré les appels répétés adressés au gouvernement tant par la présente commission que par la commission d'experts. La commission a également été obligée d'exprimer à nouveau son profond regret sur le fait que de graves divergences persistent entre, d'une part, la législation et la pratique nationales et, d'autre part, les dispositions de la convention. Elle n'a pu que déplorer à nouveau l'absence de coopération réelle de la part du gouvernement à cet égard. Extrêmement préoccupée de l'absence totale de progrès dans l'application de la convention, la commission a prié instamment le gouvernement d'adopter, en toute urgence, les mesures et mécanismes nécessaires en vue de garantir, dans la législation et la pratique, à tous les travailleurs et employeurs, sans distinction d'aucune sorte et sans autorisation préalable, le droit de s'affilier aux organisations de leur choix en vue de protéger leurs intérêts et le droit de s'affilier aux fédérations, confédérations et organisations internationales, sans ingérence de la part des autorités publiques. La commission a prié instamment le gouvernement de faire, sans délai, des progrès substantiels dans l'application de la convention, dans la loi et la pratique, et a prié le gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts.
197. La commission veut croire que les gouvernements concernés prendront toutes les mesures nécessaires afin de corriger les déficiences relevées. Elle les invite, pour ce faire, à examiner l'opportunité d'utiliser les formes appropriées d'assistance du BIT, y compris les contacts directs, pour que des progrès réels soient réalisés d'ici à l'an prochain quant à l'exécution de leurs obligations au titre de la Constitution de l'OIT et des conventions précitées.
Défaut continu d'application
198. La commission rappelle que ses méthodes de travail prévoient d'énumérer les cas de défaut continu d'éliminer de sérieuses carences, pendant plusieurs années, dans l'application des conventions ratifiées dont elle avait antérieurement discuté. Cette année, la commission a constaté avec une grande préoccupation le défaut continu pendant plusieurs années d'éliminer de sérieuses carences dans l'application par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
199. Les gouvernements cités aux paragraphes 194 à 198 seront invités à fournir les informations et le rapport approprié qui permettront à la commission de suivre les questions mentionnées ci-dessus à la prochaine session de la Conférence.
Envoi des rapports sur les conventions non ratifiées
et les recommandations
200. La commission note que 349 des 635 rapports demandés au titre de l'article 19 concernant la convention (no 97) et de la recommandation (no 86) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949, et la convention (no 143) sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975, et la recommandation (no 151) sur les travailleurs migrants, 1975 avaient été reçus à la date de la réunion de la commission d'experts, et 18 autres depuis, ce qui porte le pourcentage à 58 au total.
201. La commission a noté avec regret qu'au cours des cinq dernières années aucun des rapports sur les conventions non ratifiées et sur les recommandations demandés au titre de l'article 19 de la Constitution n'avait été fourni par les pays suivants: Afghanistan, Arménie, Djibouti, ex-République yougoslave de Macédoine, Fidji, Géorgie, Haïti, Iles Salomon, Kazakhstan, Lesotho, Libéria, Jamahiriya arabe libyenne, République de Moldova, Nigéria, Sainte-Lucie, Somalie, Turkménistan.
Communication des copies de rapports
aux organisations d'employeurs et de travailleurs
202. Cette année encore, la commission n'a pas eu à faire application du critère selon lequel «le gouvernement a manqué pendant les trois dernières années d'indiquer les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs auxquelles, conformément à l'article 23, paragraphe 2, de la Constitution, doivent être communiquées copies des rapports et informations adressées à l'OIT au titre des articles 19 et 22».
Participation aux travaux de la commission
203. La commission tient à exprimer sa gratitude aux 64 gouvernements qui ont collaboré avec elle en lui fournissant des informations sur la situation dans leur pays et en participant aux discussions des cas individuels.
204. La commission a cependant regretté qu'en dépit des invitations qui leur ont été adressées les gouvernements des Etats suivants n'aient pas pris part aux discussions concernant leur pays au sujet de l'exécution de leurs obligations constitutionnelles de faire rapport: Arménie, Australie (île Norfolk), Cameroun, Congo, ex-République yougoslave de Macédoine, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Libéria, Jamahiriya arabe libyenne, Malte, Mongolie, Nigéria, Paraguay, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Togo, Yémen. Elle a décidé de mentionner ces pays aux paragraphes appropriés du présent rapport et d'en informer les gouvernements conformément à la pratique habituelle.
205. La commission a noté avec regret que les gouvernements des pays qui n'étaient pas représentés à la Conférence, à savoir: Afghanistan, Antigua-et-Barbuda, Belize, Comores, Djibouti, Grenade, Guinée équatoriale, Iles Salomon, Ouzbékistan, Sainte-Lucie, Sierra Leone, Somalie, Turkménistan, n'ont pas été en mesure de participer à l'examen des cas les concernant. Elle a décidé de mentionner ces pays aux paragraphes appropriés du présent rapport et d'en informer les gouvernements conformément à la pratique habituelle.
* * *
206. Cette année les travaux de la commission se sont déroulés sur une toile de fond particulièrement riche et dense: l'adoption par la Conférence en 1998 de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, l'élaboration de nouveaux instruments pour lutter contre le travail des enfants, les discussions en séance plénière du rapport du Directeur général Un travail décent, la discussion d'un rapport sur la coopération technique. Cette année marque également le 80e anniversaire de la création de l'OIT et le 50e anniversaire de l'adoption de la convention no 98. Dans ce contexte particulièrement florissant en réflexions et propositions, les travaux de la commission ont comme d'habitude été marqués de sérieux, d'esprit critique mais constructif, d'un dialogue tripartite empreint de sagesse mais non dénué de passion. Principes, normes fondamentales, normes prioritaires et autres normes participent tous de la vocation de cette Organisation - l'aspiration à la justice sociale. La ratification des conventions, leur respect, le contrôle de leur application dans le cadre du système de contrôle régulier, dans lequel le rôle de la commission n'est plus à souligner, en constituent un aspect fondamental. Les débats à la commission traduisaient les changements profonds qui se produisent dans le monde et leurs répercussions sur le monde du travail. La commission espère avoir apporté une contribution éclairée afin que le message de cette dernière session du siècle soit celui d'une confiance continue dans les normes internationales du travail et dans les vertus du dialogue tripartite pour améliorer les conditions de vie et de travail, contribuer à la justice sociale et promouvoir la dignité humaine.
Genève, le 15 juin 1999.
(Signé) R. Dimapilis-Baldoz,
Présidente.
W. van de Ree,
Rapporteur.
1. Pour les changements dans la composition de la commission, se référer aux rapports de la Commission de proposition, Comptes rendus provisoires n os 3 à 34.
2. Rapport III à la Conférence internationale du Travail - Partie 1A: Rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations; Partie 1B: Travailleurs migrants.
Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.