GB.267/TC/2 267e session Genève, novembre 1996 |
13. Le projet indonésien sur les conditions de travail des travailleuses tirait parti d'un instrument de formation élaboré par l'OIT et dénommé Programme sur les améliorations du travail dans les petites entreprises (programme ATPE), antérieurement mis à l'essai dans d'autres pays. Le programme ATPE était conçu pour aider les propriétaires et dirigeants d'entreprise, les dirigeants syndicaux, les travailleurs et les inspecteurs du travail à trouver des moyens peu coûteux d'augmenter la productivité et d'améliorer les conditions de travail. Ce projet a été le premier à appliquer le programme ATPE précisément pour améliorer les conditions de travail des femmes dans le secteur structuré. Pour ce faire, les besoins des travailleuses ont été étudiés dans les branches d'activité qui occupent une forte proportion de femmes, et les conclusions ont servi à mettre au point des modules de formation sur les conditions de travail. Malheureusement, pour des raisons politiques, le donateur du projet a suspendu son aide au développement à l'Indonésie une année avant la date prévue pour l'achèvement du projet. L'efficacité de la stratégie et des instruments de formation utilisés dans le projet n'a donc pas pu être éprouvée.
14. Les projets concernant la formation de personnel qualifié aux Philippines et au Pakistan visaient à introduire les femmes dans des domaines professionnels non traditionnels ou dominés par les hommes. Le projet entrepris aux Philippines était centré sur un large éventail de qualifications demandées surtout dans l'industrie; celui mené au Pakistan portait sur le secrétariat -- une profession dominée au Pakistan par les hommes, à la différence de la plupart des autres pays du fait des restrictions culturelles à l'emploi rémunéré des femmes hors du foyer. Aux Philippines, on s'est efforcé d'infléchir les politiques au niveau national en mettant au point des stratégies et un modèle visant l'intégration dans les principales filières de formation professionnelle de femmes ainsi que d'agents et de formateurs nationaux bien informés des stratégies de formation fondées sur le sexe. L'objectif du projet entrepris au Pakistan était plus pratique: il s'agissait de créer un cours professionnel de gestion administrative moderne (sanctionné par un diplôme) dans les instituts polytechniques pour jeunes filles.
15. Afin que la formation soit orientée vers le marché des emplois réel, on a établi au départ, dans les deux projets, des conseils consultatifs comptant parmi leurs membres des représentants du secteur des entreprises privées, chargés de guider les activités de formation pilotes, mais aucun de ces conseils n'a fonctionné comme prévu. On a alors institué des mécanismes de caractère moins formel qui ont davantage réussi à adapter les aptitudes exigées aux compétences acquises. Dans les deux projets, le programme de formation prévoyait une expérience professionnelle dans une entreprise privée, ce qui a permis aux stagiaires d'acquérir un savoir-faire pratique et de nouer des liens avec des employeurs. Au Pakistan, les employeurs et les cadres dirigeants ont aussi été étroitement associés à la conception du cours de gestion administrative. Aux Philippines, ils n'ont joué un rôle que dans la formation en cours d'emploi: une étude de la demande du marché en matière de qualifications n'avait pas été entreprise préalablement à l'exécution du projet, la formation a été limitée à un programme existant de formation professionnelle qui ne suscitait pas une forte demande. En outre, bien que certains indices donnent clairement à penser qu'un changement d'orientation était nécessaire, aucun effort n'a été fait pour essayer de s'écarter des cours professionnels uniformes ou d'intégrer les femmes dans toute la gamme des programmes de formation offerts par l'institut de formation national. Cette inadaptation a constitué un grand défaut stratégique du projet mené aux Philippines.
16. Le nombre des femmes ayant suivi une formation a été bien inférieur à celui visé dans les deux projets. Aux Philippines, la moitié des stagiaires ont raté l'épreuve de commerce et rares sont celles qui ont trouvé un emploi après avoir suivi la formation, en raison surtout de la rareté des offres d'emploi. Sous l'angle qualitatif, des résultats ont cependant été obtenus. Dans le projet exécuté au Pakistan, le cours de gestion administrative destiné aux femmes était le premier de ce type. Bien qu'il n'ait pas été approuvé par le ministère de l'Education à son achèvement, il a rehaussé le prestige social des femmes exerçant le métier de secrétaire. Dans le projet exécuté aux Philippines, le premier pas concret a été fait sur la voie de l'intégration des femmes dans un programme de formation dominé par les hommes, ce qui a entraîné une prise de conscience chez les planificateurs, les formateurs et les employeurs. Les liens noués avec des employeurs du secteur privé ont aussi été une grande réussite dans les deux projets.
17. A l'achèvement des projets, les facteurs institutionnels qui en avaient entravé l'exécution demeuraient, faisant peser un risque sur la durabilité des résultats. Tout au long du projet mené au Pakistan, l'appui de l'organisme gouvernemental collaborant au projet a été faible et les ressources de contrepartie pour les centres pilotes ont été insuffisantes. A l'achèvement du projet, les ressources budgétaires nécessaires pour poursuivre le cours, rémunérer le personnel enseignant et entretenir les nouveaux locaux n'avaient pas été obtenues. Pour ce qui est du projet exécuté aux Philippines, les contraintes institutionnelles les plus sérieuses ont été les fréquents changements de personnel parmi les agents gouvernementaux responsables de l'exécution du projet, l'incapacité du système de formation à adapter ses cours uniformisés et la faible capacité de l'institut de formation national à évaluer les besoins de formation.
19. Le projet entrepris en République fédérative tchèque et slovaque prévoyait pendant deux ans un service bien précis qui a eu des résultats positifs. Après une année de pleine activité, 70 à 77 pour cent des stagiaires ont déclaré que le cours de formation avait sensiblement amélioré leur emploi ou l'état de leurs affaires. Parmi celles qui avaient lancé une petite affaire, le taux d'échec était très faible et le recours à des capitaux empruntés était plus fréquent que chez l'ensemble des propriétaires de petites entreprises. Le taux de chômage chez les femmes ayant participé au projet a diminué presque de moitié à la suite du cours de formation. Compte tenu de ces résultats positifs, le comité tripartite du projet a proposé que les centres consultatifs régionaux pour le développement des petites entreprises en République tchèque poursuivent les activités lancées dans le cadre du projet.
20. Dans le projet du Niger, les fonds d'avances remboursables (de 9 à 14 millions de francs CFA entre 1989 et 1995, soit 17 341 à 26 974 dollars E.-U. au taux de 1 dollar E.-U. = 519 francs CFA) ont permis aux femmes de se livrer à des activités génératrices de revenus, notamment à l'élevage, au petit commerce et à la microtransformation de denrées alimentaires. Ces activités étaient l'unique ou la principale source de revenu des femmes, cruciale pour la subsistance du ménage et maîtrisée par les intéressés. Des faiblesses dans la gestion des fonds de crédit par les groupements ont réduit les avantages que les femmes auraient pu en tirer, ce qui a fait ressortir la nécessité d'intensifier les activités destinées à renforcer l'organisation. Vers le milieu de l'année 1995, il est clairement apparu que l'alphabétisation des femmes et l'appui technique devaient être renforcés afin d'augmenter le rendement du crédit dans leurs entreprises.
21. Les huit autres projets, en revanche, ont adopté une approche multiforme et intégrée: leur exécution a permis d'intervenir dans de nombreux secteurs d'action affectant le travail indépendant des femmes. Le projet régional intitulé Action to assist rural women (mesures d'aide aux femmes rurales), conduit au Zimbabwe et en Tanzanie, a fourni un appui technique et un soutien au crédit pour les activités génératrices de revenus des femmes. Le projet régional pour l'Asie, intitulé Women workers in the new putting-out system in Thailand, Indonesia and the Philippines (les travailleuses dans le nouveau système de sous-traitance en Thaïlande, en Indonésie et aux Philippines), a adopté une vaste stratégie intégrée d'intervention sur les plans économique, social et sur celui de l'organisation adaptée aux situations diverses des travailleuses à domicile dans chacun des trois pays. Ce projet portait sur le développement de l'esprit d'entreprise en Thaïlande et sur l'organisation des travailleuses à domicile afin qu'elles défendent leurs intérêts aux Philippines. Les deux projets consacrés en Inde, au Bengale-Occidental et au Gujerat, à la mise en valeur de terres incultes par des organisations féminines (Wasteland development through women's organizations) visaient à accroître les revenus des femmes pauvres sans terre en leur permettant de disposer de terrains et de les exploiter. Le projet consacré en Egypte à des activités productives pour les femmes établies en Haute Egypte (Productive activities for women settlers in Upper Egypt) s'attaquait à deux problèmes auxquels se heurtaient les femmes installées sur de nouvelles terres -- l'absence d'autres possibilités d'emploi et le manque d'influence de ces femmes sur les activités de développement dans leurs établissements ruraux -- principalement en créant neuf centres de production. Au Togo, l'objectif du projet intitulé Organisation et formation des femmes dans l'artisanat de poterie à Kouvé était d'accroître les revenus des potières principalement en améliorant leurs méthodes de fabrication et leur organisation. Le projet régional conduit en Zambie, au Zimbabwe et au Botswana, intitulé Improved livelihood for disabled women (amélioration des moyens de subsistance des femmes handicapées), visait à améliorer l'image des femmes handicapées dans la société, à offrir à ces femmes des possibilités de participation aux activités économiques et à renforcer l'aptitude des institutions nationales et sous-régionales à intégrer les femmes handicapées dans les principaux programmes.
22. En Bolivie, la faiblesse croissante de la production agricole avait appauvri les groupes ethniques et provoqué un exode rural important. Le projet consacré au développement de la capacité de production et d'organisation d'ateliers autogérés dans la région de Jalq'a était axé sur ces problèmes et visait à améliorer les revenus de deux grands groupes ethniques, les Jalq'as et les Tarabucos, en faisant du tissage de l'<<axsu>> (un textile traditionnel tissé à l'origine pour le foyer) une autre source de revenu possible.
23. L'adoption d'une organisation en groupements féminins -- une stratégie commune à huit des dix projets visant à promouvoir l'emploi non salarié -- avait une double finalité. Premièrement, cela permettait aux femmes de mettre en commun et de partager des ressources telles que la main-d'oeuvre, l'épargne, les outils, les ateliers et les salles de réunion; de gérer collectivement certains aspects de l'activité économique, comme l'achat des matières premières, l'entreposage, le contrôle de la qualité et la commercialisation des produits; enfin, d'accéder à un mécanisme de crédit, à des terres et à d'autres biens, ce qui ne leur aurait pas été possible individuellement. Deuxièmement, des groupes de femmes ont été constitués dans un but social et politique à long terme, à savoir pour assurer le contrôle des femmes sur les activités productives soutenues par le projet, leur permettre d'augmenter les éléments d'actif sous leur contrôle, et renforcer leur position dans la négociation avec les autorités et d'autres institutions en vue d'obtenir des services, des terrains, de meilleurs prix, des matières premières, des réformes, etc.; enfin, pour qu'elles lancent elles-mêmes à l'avenir des activités de développement.
24. Dans l'ensemble, on peut dégager plusieurs tendances dans les projets susmentionnés. Premièrement, la formation technique et la formation à la gestion des petites entreprises, conjuguée à des services consultatifs techniques et à des services de vulgarisation, était un élément de base des projets. Deuxièmement, la mise en place de services de crédit n'était pas toujours au premier plan, bien que dans plusieurs stratégies l'organisation de mécanismes d'épargne et de crédit sans caractère officiel par et pour les femmes ait été assurée en tant que mesure secondaire. L'alphabétisation et l'enseignement des notions de base de calcul ont presque toujours été indispensables compte tenu du niveau d'instruction très faible des femmes pauvres dans les régions en développement. Enfin, la mise en place de garderies d'enfants, d'une éducation et de services sanitaires s'est avérée nécessaire pour alléger les contraintes domestiques des femmes et faciliter leur participation à un travail productif.
25. Plusieurs des projets visaient à créer une infrastructure institutionnelle plus favorable à l'emploi des femmes, et ce de deux manières: d'abord, en assurant le recyclage des agents de vulgarisation des organisations gouvernementales et non gouvernementales comme intervenants actifs au niveau local, qui continueraient de fournir des services consultatifs aux femmes pour le développement des microentreprises et des petites entreprises et l'amélioration des moyens de subsistance d'une manière générale; ensuite, en renforçant l'aptitude de certaines institutions nationales à concevoir des programmes et des politiques favorisant l'emploi non salarié des femmes. Quelques projets visaient également à infléchir les politiques et à modifier les lois. D'autres ont contribué à sensibiliser l'opinion au rôle économique des femmes par la diffusion multimédia d'informations, ce qui a suscité un climat social plus favorable à l'emploi des femmes.
26. Dans la présente évaluation, la question de savoir si les projets ont effectivement apporté aux groupes cibles des avantages économiques et sociaux tangibles était primordiale. On note deux types d'avantages économiques: la plus grande aptitude des femmes à se procurer des revenus, et la hausse des revenus. Dans le projet conduit au Togo, les potières ont réussi à réduire la casse en cours de fabrication de 8,7 pour cent et à améliorer la qualité de leurs produits, qui se vendaient à des prix plus élevés sur le marché que ceux des autres potiers. Dans le projet conduit au Zimbabwe, les groupements féminins ont enregistré des progrès, d'après les indicateurs quantitatifs et qualitatifs, dans la gestion et les résultats de leurs entreprises. Ils ont fait un usage plus économe du matériel existant et stabilisé leurs cadences de production à un niveau plus élevé, et ont fait en sorte que la qualité des produits soit meilleure, que l'approvisionnement en matières premières soit régulier, que les coûts de production soient plus faibles, que la comptabilité soit bien tenue et que la gestion financière et l'utilisation des multiples circuits et méthodes de commercialisation leur soient mieux connues. Les membres du Chiang Mai Homenet (une organisation de travailleuses à domicile créée avec l'assistance d'un projet) en Thaïlande ont renforcé leur position comme artisans-entrepreneurs fabriquant des produits mieux conçus et de meilleure qualité, disposant de bazars pour les ventes, évaluant mieux les marchés, obtenant de meilleurs prix pour les matières premières et diversifiant leur production.
27. A l'achèvement du projet mené en Egypte, les femmes établies dans les centres de production s'adonnaient à toute une gamme d'activités productives (apiculture et récolte du miel, tissage et teinture de fils et de tissus, etc.), dont plusieurs étaient nouvelles pour elles. Elles employaient des méthodes et un équipement modernes. Pour la première fois, des femmes géraient les divers aspects d'une entreprise. En Zambie, au Zimbabwe et au Botswana, grâce à l'assistance fournie dans le cadre du projet, plusieurs microentreprises ont été créées par des femmes et par des groupements de femmes handicapées. En Inde, les femmes participant au projet de mise en valeur de terres en friche au Gujerat ont mis en place trois pépinières qui ont été pour elles une nouvelle source de revenus. Le projet entrepris en Bolivie a réussi à créer un marché pour le tissu axsu, qui est devenu une source de revenu supplémentaire pour les Jalq'as et les Tarabucos. Le nombre des tisseuses traditionnelles d'axsu est passé de 340 en 1992 à 500 en 1996. En 1995, la production des tisseuses était cotée à 30 pour cent de haute qualité. Les tisseuses ont appris à réorienter leurs textiles axsu vers la demande du marché et à évaluer leur qualité et leur valeur monétaire.
28. Les résultats du projet concernant les coopératives au Niger ont montré à quel point des services de crédit pouvaient développer la capacité productive des femmes. Dans le projet consacré aux femmes rurales en Tanzanie, le fonds d'avances remboursables a permis aux agricultrices d'acheter en gros et de louer du matériel et de la main-d'oeuvre pour augmenter le rendement de leurs cultures de maïs. Il a aussi permis à d'autres femmes de s'engager dans des activités autres que l'exploitation agricole, comme la production de bois d'oeuvre et le négoce du maïs et des engrais. En 1995, le Chiang Mai Homenet a pu créer 15 mécanismes d'épargne collective, l'épargne totale ayant atteint 104 446 baht (soit 4 161 dollars E.-U. au taux de 1 dollar E.-U. = 25,10 baht); il a aussi créé des fonds d'avances remboursables se montant à 124 000 baht. Aux Philippines, le PATAMABA (une organisation nationale de travailleurs à domicile créée avec l'aide d'un projet) a lancé 28 activités génératrices de revenus avec des fonds d'avances remboursables établis dans le cadre du projet ainsi que par d'autres organismes. Ces activités visaient à diminuer la dépendance des groupements de travailleuses à domicile à l'égard des sous-traitants. La mutuelle du conseil des associations féminines créée dans le cadre du projet de mise en valeur de terres en friche au Bengale-Occidental a financé des activités comme la culture du paddy, la fabrication de cordages, la poterie, l'horticulture, le tissage et l'élevage.
29. Dans le projet conduit au Bengale-Occidental, le droit obtenu d'exploiter 138 hectares de terres en friche a permis aux femmes démunies participant au projet de créer de nouvelles sources de subsistance. La plupart des terres en friche ont été transformées en plantations d'arbres arjun et asan pour l'élevage du ver à soie tasar. D'autres activités économiques fondées sur la terre, comme des pépinières d'arbustes, ont également été entreprises. La mise en valeur des terres, les plantations et la sélection conservatrice des variétés cultivées ont assuré aux femmes un emploi salarié à court terme dans le cadre des programmes gouvernementaux de création d'emplois.
30. Ce qui détermine en dernier ressort le succès des stratégies est l'accroissement des revenus des personnes et des ménages. Cela s'est révélé plus difficile à obtenir que le renforcement de l'aptitude des bénéficiaires à entreprendre une activité productive ou à améliorer leur productivité. Bien que les revenus des femmes aient augmenté dans certains cas, le gain n'a pas toujours été très important. Dans le projet sur les femmes des zones rurales au Zimbabwe, la majorité des groupements féminins ont amélioré leur production après deux années d'assistance technique intensive, mais seule une minorité des groupements (huit sur 32) ont réussi à partager des profits et à accroître les revenus en numéraire de leurs membres à la fin de la première phase du projet. Aucun groupement travaillant collectivement à la production d'un produit de base n'a été capable de compter le travail comme un coût de l'entreprise. Dans le projet entrepris en Tanzanie, les emprunteuses menant des activités pour leur compte n'ont pas non plus calculé le coût de leur travail. Cependant, les 74 premières emprunteuses du projet ont accru leur production et engrangé des revenus en vendant des porcs d'embouche et le maïs de leurs récoltes. Dans la plupart des cas, le gain n'était cependant pas en espèces mais sous forme de stocks d'aliments plus importants pour la consommation familiale. Les femmes qui se sont engagées dans des activités autres que l'exploitation agricole (la production de bois d'oeuvre, le négoce du maïs, la tenue de kiosques, par exemple) ont si bien réussi que, pour la première fois, elles ont reçu de l'argent liquide chaque jour ou chaque semaine. Dans le projet régional africain destiné aux femmes handicapées, les activités génératrices de revenus allaient de la subsistance à l'autosuffisance, et une aide supplémentaire était nécessaire pour engendrer des profits. Bien qu'ils ne soient pas encore autonomes sur le plan financier du fait de l'assistance fournie par le projet ou les pouvoirs publics, les neuf centres de production des femmes établies en Haute Egypte ont été en mesure de couvrir plus ou moins, avec le produit des ventes, le coût des matières premières et du travail de leurs membres. Dans plusieurs unités de production, les paiements effectués pour l'apport de main-d'oeuvre ont été faibles et irréguliers.
31. Depuis 1991, dans le projet mené au Togo, la meilleure qualité des produits, leur prix supérieur sur le marché et l'amélioration des ventes ont permis aux potières de gagner 1 000 francs CFA de plus par semaine que celles qui n'ont pas participé au projet. Au Bengale-Occidental, l'élevage du ver à soie tasar a fourni du travail et des revenus à 259 femmes. En 1991-92, ces femmes ont été occupées pendant 13 807 jours. Le produit total de leurs ventes s'est élevé à 177 970 roupies (soit 5 114 dollars E.-U. au taux de 1 dollar E.-U. = 34,80 roupies). Le revenu moyen par jour et par membre était de 13 roupies. La possession d'actifs immobiliers et les nouveaux emplois salariés dans la mise en valeur de terres ont accru la demande de main-d'oeuvre, fait monter les salaires journaliers locaux et réduit de 80 pour cent les migrations saisonnières des femmes vers d'autres régions. En outre, les femmes du Bengale-Occidental et du Gujerat ont accru les approvisionnements en bois de chauffage, en fourrage et en légumes pour l'usage domestique. En 1995, les membres de l'organisation Chiang Mai Homenet ont engrangé des recettes supplémentaires grâce au produit des ventes dans les bazars (de 255 250 à 464 300 baht) et aux commandes (environ 5 184 360 baht). Dans le projet entrepris en Bolivie, le produit des ventes de l'axsu est passé de 7 600 dollars E.-U. en 1989 à 541 700 dollars E.-U. en 1995. Le revenu net des tisseuses et des ateliers communautaires s'est monté à 393 600 dollars E.-U. sur une période de sept ans. Les tisseuses ont reçu 53 pour cent du prix de chaque pièce produite. Une bonne partie des recettes supplémentaires a été investie dans l'agriculture, l'enseignement et les soins de santé. L'exode saisonnier des hommes a diminué dans les ménages de tisseuses.
32. A l'achèvement de ces projets, la viabilité de la plupart des activités n'était pas encore assurée, pas plus que leur rentabilité ou leur échelle commerciale. Seules des évaluations dans le temps et après achèvement des projets peuvent donner des indications concluantes à cet égard. Néanmoins, les évaluations finales ont permis de constater que la plupart des projets avaient créé les conditions nécessaires pour poursuivre les activités productives sélectionnées sur la base des qualifications réelles et potentielles des femmes et des possibilités de commercialisation. Ils avaient renforcé les capacités productives et de gestion des femmes et leur avaient permis de mieux apprécier combien il est important d'orienter leur production vers la demande effective du marché. Les femmes avaient été organisées de telle sorte que leurs ressources conjuguées et leur appui réciproque continueraient à améliorer leurs activités. Des liens avaient été noués entre les femmes, les groupements féminins et les services de vulgarisation des organismes gouvernementaux et des ONG. Les services consultatifs et de vulgarisation techniques destinés aux femmes avaient été améliorés, et des réseaux plus vastes avaient été créés entre les institutions gouvernementales et non gouvernementales pour soutenir les activités productives des femmes.
33. Outre qu'ils ont renforcé l'aptitude des femmes exerçant une activité indépendante à dégager des revenus, certains projets ont également élargi la protection sociale dont jouissent les femmes -- que l'on peut définir de manière large comme les conditions de travail, les normes relatives aux conditions d'emploi et de travail, les régimes officiels d'assurances sociales et les systèmes d'assurances sociales non institutionnalisés. Le projet entrepris au Togo en faveur des potières est un bon exemple de la manière dont l'amélioration des méthodes de production des petits artisans peut avoir des effets positifs à la fois sur les revenus et sur les conditions de travail, et dont les conditions de travail influent sur la rentabilité et la viabilité de la production. En ouvrant la glaisière, le projet a rendu l'extraction de l'argile plus sûre, moins pénible et moins laborieuse. En améliorant les méthodes de production et l'installation des ateliers, il a assuré aux femmes un milieu de travail plus confortable et réduit le temps qu'elles consacraient à ramasser du bois. En outre, les potières installées dans la zone du projet mais qui n'y avaient pas participé en ont bénéficié de manière indirecte, car elles ont pris connaissance de ces meilleures méthodes.
34. Le projet régional asiatique sur les travailleuses à domicile a envisagé la protection des travailleuses comme étant étroitement liée à la viabilité économique et à l'avantage du travail à domicile sur le plan social et, par là même, à la promotion de l'emploi. Pour ce projet, il a fallu déterminer d'abord s'il convenait de s'attacher en premier lieu à l'amélioration des revenus et de la productivité ou à la protection des travailleuses. Les éléments déterminants à cet égard étaient la situation socio-économique réelle des travailleuses à domicile, leurs préoccupations immédiates et la capacité des institutions désireuses de s'attaquer aux problèmes. Les ONG et les groupes de travailleuses à domicile en Thaïlande se sont d'abord concentrés sur l'amélioration des revenus des travailleuses par le biais du développement des petites entreprises, puis sur la protection des travailleuses. Les organismes associés en Indonésie ont considéré que la sécurité et la santé des travailleuses et les mécanismes de sous-traitance étaient leur meilleur point d'attaque. Il a été difficile, dans le délai de sept ans imparti pour le projet, d'obtenir des mesures législatives en vue d'améliorer la protection des travailleuses à domicile et d'assurer leur intégration dans des régimes de sécurité sociale officiels. Pourtant, le projet a montré que le changement pouvait commencer avec des opérations pilotes à petite échelle. A titre d'exemple, les ONG qui ont collaboré au projet en Indonésie ont pu faire augmenter certains tarifs aux pièces, introduire des contrats écrits, améliorer les conditions de travail dans les ateliers et sensibiliser les travailleuses à domicile aux questions de sécurité et de santé.
35. L'obtention de revenus plus élevés et la mise en commun des ressources ont permis aux femmes d'organiser leurs propres services sociaux et systèmes d'assurance sociale. L'existence de ces services a amélioré leurs chances de se livrer à un travail productif. Les projets de mise en valeur de terres en friche au Bengale-Occidental et au Gujerat ont montré que le fait d'être organisées, d'utiliser des ressources mises en commun et d'être soutenues par les programmes gouvernementaux et non gouvernementaux existants permettait aux femmes démunies de mettre en place des services sociaux essentiels, comme des garderies d'enfants, des magasins pour la clientèle, des centres d'enseignement pour les adultes, des services de soins de santé primaires et de petits systèmes de crédit aux fonctions multiples. Dans le projet mené en Bolivie, les associations de tisseuses ont ouvert des magasins pour la vente des produits de base. En Indonésie, les ONG associées au projet concernant les travailleuses à domicile ont mis en place des systèmes d'épargne, d'assurance maladie et de pompes funèbres collectifs et, en Thaïlande, les groupements de travailleuses à domicile ont fait l'expérience de systèmes de crédit pour assurer leur sécurité en cas de maladie, de vieillesse et de décès.
36. Les stratégies des projets à composantes multiples ont réussi à améliorer l'environnement institutionnel et général afin de favoriser l'emploi des femmes. Dans plusieurs projets, les agents de vulgarisation des communautés et ceux des services gouvernementaux et des ONG dans les zones des projets ont fait preuve de nouvelles orientations et de nouvelles compétences en aidant les femmes à poursuivre leurs activités productives et à continuer de suivre la stratégie des projets. Dans presque tous les projets, des liens ont été établis avec des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pour obtenir un appui financier, des services de formation et des connaissances spécialisées. La question clé était celle de savoir si ces structures d'appui institutionnel étaient ou non durables. Malheureusement, il n'y a guère eu d'indications concluantes à cet égard. Les réseaux gouvernementaux d'agents de vulgarisation étaient des structures permanentes bénéficiant de crédits budgétaires de manière régulière, mais ils souffraient presque toujours d'une pénurie de personnel, de moyens de transport, d'allocations pour les activités sur le terrain et d'autres ressources. Les ONG se sont révélées des partenaires efficaces parce qu'elles disposaient de structures administratives et opérationnelles souples, mais la plupart d'entre elles manquaient de ressources et étaient largement tributaires de dons extérieurs. Seules quelques ONG étaient bien implantées et avaient leurs propres mécanismes financiers. Ces problèmes institutionnels n'affectent pas uniquement les femmes, ce sont des contraintes générales qui affectent la durabilité de tous les projets de développement.
37. Les solides organisations féminines locales qui ont été créées avec l'appui des projets joueront un rôle fondamental dans le maintien de l'appui aux activités économiques des femmes. La présente analyse a montré que ces organisations peuvent aider à plaider en faveur d'un meilleur accès aux services de vulgarisation ou aux services consultatifs ou à négocier un tel accès avec les gouvernements et les ONG. Elles permettent également aux femmes de posséder et de contrôler des ressources. Au Bengale-Occidental, les samitis et le Nari Bikash Sangha (Conseil pour la promotion des femmes) disposent de nombreux hectares de terrain qui leur ont été donnés à titre privé et qu'ils contrôlent, et ils gèrent des caisses de crédit et d'épargne. En Haute Egypte, la coopérative agricole pour la sécurité alimentaire de Kom Ombo -- la première coopérative entièrement féminine du pays -- fournit aux femmes le cadre institutionnel nécessaire pour gérer les neuf centres de production. Les organisations féminines sont pour les femmes un moyen de participer au processus de décision et de se faire entendre. Aux Philippines, le PATAMABA a fait participer les travailleuses à domicile aux consultations sur les dispositions législatives touchant les travailleurs à domicile et sur les questions de sécurité sociale. Au Bengale-Occidental, le Nari Bikash Sangha a été invité à renforcer la représentation des femmes au sein des comités locaux de protection des forêts et à représenter les femmes dans différents panchayat et aux consultations au niveau des arrondissements.
38. En 1992, le Parlement égyptien a affecté, pour la période 1993-1997, 19 millions de livres égyptiennes (soit 5 637 982 dollars E.-U. au taux de 1 dollar E.-U. = 3,37 livres égyptiennes) à un projet national portant sur des activités productives pour les femmes installées sur de nouvelles terres, qui reproduit le projet sur les femmes établies en Haute Egypte. La première Conférence sur la participation des femmes des zones rurales au développement de nouvelles communautés sur de nouvelles terres, tenue à Assouan (Egypte) en 1994, a souscrit à l'approche du projet, axée sur le développement. Au Zimbabwe, le programme de formation à la création de petites entreprises inclus dans le projet conçu pour les femmes des zones rurales a été mis à l'essai dans tout le pays et appliqué par les fonctionnaires chargés de la formation au ministère des Affaires nationales, de la Création d'emplois et des Coopératives pour la formation des agents de vulgarisation d'arrondissement et de quartier. Une réussite peut-être plus importante a été l'engagement des organisations féminines locales à poursuivre les stratégies des projets. En 1995, le PATAMABA aux Philippines et le Chiang Mai Homenet en Thaïlande avaient élaboré des plans pour poursuivre leurs travaux sans assistance après l'achèvement du projet en 1996. D'autres ONG collaborant au projet concernant les travailleuses à domicile étaient généralement optimistes quant à la poursuite des travaux qu'ils avaient entrepris avec l'appui du projet, mais leurs efforts devaient être consolidés et d'autres sources de financement trouvées après l'achèvement du projet.
39. De nombreux projets ont réussi à hisser les problèmes au niveau d'un débat national. Les réformes se sont cependant fait attendre. Aux Philippines, le ministère du Travail et de l'Emploi a fait participer des représentants des travailleuses à domicile aux discussions sur les réformes de la sécurité sociale et de l'emploi. Il a également pris un arrêté ministériel faisant le point des dispositions du Code du travail sur le travail industriel à domicile, mais on ne sait pas encore si cet arrêté pourra être appliqué.
40. Tous les projets analysés en vue du présent rapport, à l'exception de celui exécuté en République fédérative tchèque et slovaque, ont été prolongés -- avec ou sans ressources budgétaires extérieures supplémentaires -- afin d'achever les travaux entrepris et d'en assurer la viabilité. La durée prévue initialement pour les projets -- habituellement, trois ou quatre ans -- n'était jamais suffisante pour atteindre les objectifs. Dans la plupart des cas, à l'expiration des prolongations, seule une partie des objectifs immédiats avaient été atteints. Cette situation s'explique par la nature multiforme et complexe des objectifs et des stratégies. Dans la plupart des projets, en raison de l'exiguïté des ressources, les différents éléments des stratégies ne pouvaient être mis en oeuvre en même temps ou recevoir le degré d'attention et de compétence technique envisagé lors de l'élaboration du projet. Les longs délais nécessaires aux projets pour obtenir les résultats attendus s'expliquent aussi par le fait que les projets visaient non seulement à réaliser des produits matériels utiles aux bénéficiaires, mais aussi à susciter un changement sur les plans social et institutionnel.