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GB.276/7/1
276e session
Genève, novembre 1999


SEPTIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

318e rapport du Comité de la liberté syndicale

Cas no 1978

Rapport où le comité demande à être informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Gabon
présentée par
la Confédération gabonaise des syndicats libres (CGSL)

Allégations: suspension illégale des activités d'un syndicat,
sanctions pour fait de grève

208. Dans une communication en date du 27 juillet 1998, la Confédération gabonaise des syndicats libres (CGSL) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Gabon.

209. En l'absence de réponse de la part du gouvernement, le comité a dû reporter à deux reprises l'examen du présent cas qui porte sur des allégations particulièrement graves. A sa réunion de mai-juin 1999 [voir 316e rapport, paragr. 11], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement en attirant son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport approuvé par le Conseil d'administration, il pourrait présenter à sa réunion suivante un rapport sur le fond de l'affaire en instance, même si les informations et observations du gouvernement n'étaient pas reçues à temps.

210. Le Gabon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

211. Dans sa communication du 27 juillet 1999, la CGSL fait tout d'abord état d'une violation de la convention no 87 par l'entreprise SOCOFI, située à Libreville, en date du 7 juin 1997. La CGSL allègue qu'il y a eu refus catégorique par l'employeur et l'inspection provinciale du travail de l'Estuaire de reconnaître l'existence de la structure syndicale de la CGSL au sein de l'entreprise, bien qu'ils aient été dûment informés du contenu des procès-verbaux de l'assemblée générale et de la composition du bureau exécutif.

212. La CGSL explique que les travailleurs de l'entreprise ont alors déclenché une grève générale en septembre 1997 sur l'initiative du bureau syndical. A la suite de cette grève, la police de l'air et des frontières gabonaises a ordonné le rapatriement de M. Sow Aliou, membre du bureau syndical de nationalité guinéenne, malgré la conformité de son séjour au Gabon. La CGSL fait également état du licenciement de tous les membres du bureau syndical de l'entreprise.

213. En second lieu, la CGSL fait état d'une violation de la convention no 87 par l'inspection du travail de la province de Koula-Moutou, le 2 mars 1998. La CGSL explique que le directeur provincial du travail de Koula-Moutou a suspendu les activités de la structure syndicale de la CGSL au chantier forestier «Gongue» de l'entreprise Leroy-Gabon, privant ainsi les travailleurs du droit à la négociation collective.

B. Conclusions du comité

214. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte et compte tenu de la gravité des faits allégués, le gouvernement n'ait répondu à aucune des allégations formulées par l'organisation plaignante, alors qu'il a été à plusieurs reprises invité à présenter ses commentaires et observations sur le cas, notamment par un appel pressant.

215. Dans ces conditions et conformément à la règle de procédure applicable dans ce cas [voir 127e rapport du comité, paragr. 17, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session], le comité se voit contraint de présenter un rapport sur le fond de l'affaire, même en l'absence des informations qu'il avait espéré recevoir du gouvernement.

216. Le comité rappelle tout d'abord au gouvernement que le but de l'ensemble de la procédure instituée par l'Organisation internationale du Travail en vue d'examiner des allégations relatives à des violations de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si cette procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées aux accusations qui pourraient être dirigées contre eux. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]

217. Le comité note que le présent cas traite d'allégations de déni de reconnaissance de la structure d'un syndicat ainsi que de sanctions à l'encontre de travailleurs suite à l'exercice du droit de grève. En ce qui concerne les allégations relatives au refus par l'entreprise SOCOFI et par l'inspecteur provincial du travail de l'Estuaire de reconnaître l'existence de la structure syndicale de la CGSL au sein de ladite entreprise, le comité insiste sur le fait que la possibilité, en fait comme en droit, de constituer des organisations constitue le premier des droits syndicaux, le préalable indispensable sans lequel les autres garanties des conventions nos 87 et 98 resteraient lettre morte. A cet égard, le comité a souligné à plusieurs reprises dans le passé l'importance qu'il attache à ce que les travailleurs et les employeurs puissent effectivement former en toute liberté des organisations de leur choix et y adhérer librement. Ce droit ne peut être considéré comme existant que dans la mesure où il est effectivement reconnu et respecté tant en fait qu'en droit. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 271 et 274.] En l'occurrence, ce principe vaut également en ce qui concerne l'allégation relative à la suspension de la structure syndicale de la CGSL par le directeur provincial du travail de Koula-Moutou au sein de l'entreprise Leroy-Gabon, privant ainsi ces travailleurs du droit à la négociation collective. A cet effet, le comité rappelle également que les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu'employeurs, devraient reconnaître, aux fins de la négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu'ils occupent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 821.] En l'espèce et en l'absence d'éléments de fait précis de la part de l'organisation plaignante ainsi que de l'absence totale de réponse de la part du gouvernement, le comité ne peut que déplorer le déni de reconnaissance de la structure syndicale de la CGSL au sein des entreprises SOCOFI et Leroy-Gabon et demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir l'existence et le libre fonctionnement de ce syndicat au sein desdites entreprises. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

218. En ce qui concerne les allégations relatives au rapatriement de M. Sow Aliou et au licenciement de tous les membres du bureau syndical de l'entreprise SOCOFI suite à la grève de septembre 1997, le comité rappelle qu'il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux et que nul ne devrait faire l'objet de sanctions pour avoir déclenché une grève légitime. De surcroît, quand les syndicalistes ou les dirigeants syndicaux sont licenciés pour avoir exercé leur droit de grève, le comité ne peut s'empêcher de conclure qu'ils sont sanctionnés pour leurs activités syndicales et font l'objet d'une discrimination antisyndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 474, 590 et 592.] Dans le cas en espèce, le comité estime que le licenciement de travailleurs et l'expulsion d'un syndicaliste vers son pays d'origine constitue une grave discrimination en matière d'emploi pour exercice d'activités syndicales licites contraire à la convention no 98. En fait, il apparaît au comité que, dans le présent cas, ces syndicalistes ont été licenciés, ou expulsé dans le cas de M. Sow Aliou, pour des activités liées à la création d'un syndicat tout autant que pour fait de grève. Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs en question soient réintégrés dans leurs fonctions sans perte de salaires. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

219. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1773

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de l'Indonésie
présentée par
- la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)
- la Confédération mondiale du travail (CMT)
- le Serikat Buruh Sejahtera (SBSI) et
- l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation,
de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac
et des branches connexes (UITA)

Allégations: déni de reconnaissance d'un syndicat,
ingérence des pouvoirs publics dans les activités syndicales,
harcèlement et détention de syndicalistes

220. Le comité a examiné ce cas à ses sessions de mars 1995 [voir 297e rapport, paragr. 484-537, approuvé par le Conseil d'administration à sa 262e session (mars-avril 1995)], mars 1996 [voir 302e rapport, paragr. 447-479, approuvé par le Conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996)], novembre 1996 [voir 305e rapport, paragr. 327-371, approuvé par le Conseil d'administration à sa 267e session (novembre 1996)], novembre 1997 [voir 308e rapport, paragr. 404-450, approuvé par le Conseil d'administration à sa 270e session (novembre 1997)], mai 1998 [voir 310e rapport, paragr. 432-473, approuvé par le Conseil d'administration à sa 272e session (juin 1998)] et mai 1999 [voir 316e rapport, paragr. 570-617, approuvé par le Conseil d'administration à sa 275e session (juin 1999)], où il a présenté des conclusions intérimaires.

221. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication datée du 26 août 1999.

222. L'Indonésie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, en juin 1998. Elle a également ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

223. Lors de son précédent examen du cas, le comité avait noté que ce cas traitait de très graves allégations de violation des droits syndicaux en Indonésie qui concernaient le déni du droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix, l'ingérence persistante des autorités publiques, des militaires et des employeurs dans les activités syndicales, ainsi que les restrictions apportées à la négociation collective et à l'exercice du droit de grève. Le cas traitait aussi de graves allégations relatives au meurtre, à la disparition, à l'arrestation et à la détention d'un certain nombre de dirigeants syndicaux et de travailleurs.

224. Le comité avait toutefois remarqué que le gouvernement avait pris au cours de l'année précédente une série de mesures qui avaient contribué à améliorer la situation syndicale en Indonésie. Il avait noté en particulier que le gouvernement avait ratifié la convention no 87 en juin 1998 et avait reçu en août 1998 une mission de contacts directs du BIT chargée d'aider le gouvernement à veiller à ce que sa législation du travail soit mise en conformité avec les conventions nos 87 et 98. Le comité avait également noté que, conformément aux recommandations faites dans le rapport de la mission de contacts directs, le gouvernement avait entrepris de réviser sa législation du travail en consultation avec les partenaires sociaux et avec l'assistance technique du BIT. Dans les faits, tous les dirigeants et militants du SBSI ont été relaxés et les militaires ont reçu l'ordre à tous les niveaux de n'intervenir dans aucun conflit du travail. Le comité avait pris note avec intérêt de cette évolution qu'il considérait comme une avancée significative sur la voie de la liberté syndicale en Indonésie.

225. A sa session de juin 1999, au vu des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration a approuvé les recommandations suivantes:

B. Réponse du gouvernement

226. Dans sa communication datée du 26 août 1999, le gouvernement commence par admettre qu'une enquête judiciaire indépendante s'impose dans le cas de l'assassinat de Mme Marsinah, militante syndicale, décédée dans la province de Java-Est en mai 1993 à la suite de sa participation à une grève. Le gouvernement considère toutefois que, pour que soit garanti et préservé le caractère indépendant d'une telle enquête, elle doit être menée par un organisme indépendant, et non par le gouvernement lui-même. C'est pour cette raison que le gouvernement a pris contact le 25 juin 1999 avec la Commission nationale indonésienne des droits de l'homme, qui a accepté de mener une enquête judiciaire sur ce cas. L'équipe chargée de cette enquête s'est rendue à Surabaya à deux reprises et a pris contact avec plusieurs fonctionnaires et institutions. Elle a informé le gouvernement qu'elle avait besoin de plus de temps pour présenter ses conclusions et recommandations.

227. S'agissant de la détention de Mme Dita Sari, qui a été incarcérée à la suite d'une grève, le gouvernement déclare que Mme Dita Sari a été libérée sans condition le 5 juillet 1999 en vertu du décret présidentiel no 68 du 2 juillet 1999. Le gouvernement fait également remarquer que Mme Dita Sari pouvait exercer ses activités syndicales librement et sans aucune restriction. C'est ainsi qu'elle a participé récemment au Séminaire tripartite national BIT/Japon sur la mondialisation et les relations professionnelles, qui s'est tenu à Jakarta du 24 au 26 août 1999.

C. Conclusions du comité

228. Le comité note que les allégations encore en instance concernent l'assassinat, en mai 1993, de Mme Marsinah, une militante syndicaliste, et la détention de Mme Dita Sari, une autre militante, qui a été incarcérée pour avoir participé à une grève le 8 juillet 1996.

229. Pour ce qui est de l'allégation d'assassinat de Mme Marsinah, le comité avait demandé au gouvernement (lors de son précédent examen du cas) d'ouvrir sans délai une enquête judiciaire indépendante sur cette affaire de façon à identifier et à punir les coupables. [Voir 316e rapport, paragr. 608.] A cet égard, le comité note que le gouvernement a pris contact le 25 juin 1999 avec la Commission nationale indonésienne des droits de l'homme, qui a ouvert une enquête judiciaire sur ce cas. Il prend également note de l'information fournie par le gouvernement, à savoir que l'équipe chargée de cette enquête, qui est en bonne voie, a besoin de plus de temps pour mener à bien ses travaux. Le comité regrette qu'il ait fallu plus de six ans avant qu'une enquête judiciaire sur l'assassinat de Mme Marsinah ne soit instituée. Rappelant que l'assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes et des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux ou à des syndicalistes exigent l'ouverture d'une enquête judiciaire indépendante en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d'empêcher que de tels faits se reproduisent [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 51], le comité veut croire que cette enquête permettra d'élucider les circonstances de la mort de Mme Marsinah et d'identifier et de sanctionner les coupables. Il prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de l'enquête judiciaire sur l'homicide de Mme Marsinah.

230. Lors de l'examen antérieur du cas, le comité avait noté avec un profond regret que Mme Dita Sari, dirigeante d'un syndicat indépendant, avait été condamnée le 22 avril 1997 à quatre ans et demi de prison pour avoir participé, le 8 juillet 1996, à un mouvement de grève dans la ville de Surabaya. Le comité avait souligné que la détention de dirigeants syndicaux pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constituait une grave violation des libertés publiques, en général, et des libertés syndicales, en particulier, et avait insisté, de ce fait, pour que Mme Dita Sari soit immédiatement libérée sans condition. [Voir 316e rapport, paragr. 609.] Le comité prend note avec intérêt de ce que, au dire du gouvernement, Mme Dita Sari a été libérée sans condition le 5 juillet 1999 au bénéfice d'une amnistie présidentielle et exerce librement ses activités syndicales depuis lors.

Recommandations du comité

231. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1991

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Japon
présentée par
- le Syndicat japonais des travailleurs
des chemins de fer nationaux (KOKURO) et
- le Syndicat japonais des conducteurs mécaniciens de locomotives
des chemins de fer nationaux (ZENDORO)

Allégations: actes de discrimination antisyndicale

232. Dans une communication en date du 12 octobre 1998, le Syndicat japonais des travailleurs des chemins de fer nationaux (KOKURO) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Japon. La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) s'est associée à cette plainte dans une communication en date du 12 février 1999. Le Syndicat japonais des conducteurs mécaniciens de locomotives des chemins de fer nationaux (ZENDORO) a aussi présenté une plainte en violation des droits syndicaux dans une communication du 8 décembre 1998. Il a fait parvenir des informations supplémentaires dans une communication du 6 janvier 1999 accompagnée de documents à l'appui de sa plainte.

233. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 22 avril 1999. Il a fait parvenir des informations supplémentaires dans une communication en date du 6 septembre 1999.

234. Le Japon a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

235. Dans une communication du 12 octobre 1998, le KOKURO soutient que le gouvernement a violé les conventions nos 87 et 98 en manquant à ses obligations au titre de l'article 11 de la convention no 87 et de l'article 3 de la convention no 98 qui obligent les pays qui ont ratifié ces deux conventions à prendre toutes mesures appropriées pour assurer le respect du droit d'organisation.

236. Le KOKURO explique le contexte de sa plainte et indique que son organisation représente depuis cinquante-trois ans plus de 30 000 travailleurs des chemins de fer employés à l'origine par la Société nationale des chemins de fer japonais («JNR»). Le gouvernement a décidé de découper et de privatiser la JNR en 1987, et les sociétés Japan Railway (sociétés JR), qui ont repris la gestion des chemins de fer, devaient assumer l'emploi des travailleurs de la JNR.

237. Le KOKURO ajoute que le gouvernement a adopté la «loi sur la réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais» pour mener à bien son plan de privatisation. Le statut professionnel contractuel des travailleurs de la JNR était stipulé ainsi dans la loi de réforme:

238. Le KOKURO prétend que, lorsque la JNR a établi la liste, un grand nombre de ses membres en ont été exclus. De ce fait, 5 037 membres n'ont pas été employés par les nouvelles compagnies. En revanche, pratiquement tous les membres de la Confédération japonaise des syndicats des travailleurs des chemins de fer (JRU), un des syndicats de la JNR, ont été inclus dans la liste et engagés par les sociétés JR. Le KOKURO estime que le refus par les sociétés JR d'employer ses membres constitue un acte de discrimination envers le syndicat. Il a présenté des plaintes aux commissions locales des relations professionnelles dans l'ensemble du pays en demandant à ces dernières de prendre des mesures de redressement contre ces pratiques déloyales de travail. En réponse à ces plaintes, les commissions locales des relations professionnelles ont conclu à partir de 1989 que le refus des sociétés JR d'engager ces travailleurs, sur la base de leur appartenance à une organisation, constituait des pratiques de travail déloyales et discriminatoires, et ont ordonné à ces sociétés d'accorder aux travailleurs non engagés «un traitement équivalant à une embauche». (Le KOKURO fait remarquer que, en 1998, 1 047 membres bénéficiaires de ces mesures de redressement n'avaient toujours pas été employés à la suite de la discrimination.)

239. Mécontentes de ces mesures les sociétés JR ont porté les cas devant la Commission centrale des relations professionnelles pour réexamen en vertu de l'article 27(5) de la loi sur les syndicats. La Commission centrale des relations professionnelles a rendu 13 ordonnances de redressement durant la période allant de 1993 à 1996 qui, tout comme les commissions locales des relations professionnelles, ont reconnu l'existence d'une discrimination antisyndicale. En résumé, les 13 ordonnances ont enjoint aux sociétés JR, qui ont pris la suite de la JNR, d'«accorder aux membres victimes un traitement équivalant à une embauche» pour rétablir la situation existant avant la discrimination. Les sociétés JR cependant, en vertu de l'article 26(6) de la loi sur les syndicats, ont porté les cas devant le tribunal de district de Tokyo en vue de faire annuler ces ordonnances. Selon les sociétés JR, ces ordonnances étaient illégales et abusives au motif que la Commission centrale des relations professionnelles a mal interprété la loi et commis un abus de pouvoir.

240. Le tribunal de district de Tokyo, après avoir examiné les cas pour deux à cinq années, a annulé le 28 mai 1998 les 13 ordonnances rendues par la Commission centrale des relations professionnelles. Le tribunal a donné raison aux sociétés JR, en déclarant que les ordonnances étaient illégales puisque la Commission centrale des relations professionnelles avait commis un abus de pouvoir en ordonnant aux sociétés JR d'«embaucher» les membres sur la base d'une mauvaise interprétation de la loi en ce qui concerne «l'identité de l'employeur».

241. Finalement, le KOKURO s'est pourvu en appel devant la Haute Cour de Tokyo ainsi que devant la Commission centrale des relations professionnelles (présidée par un juriste éminent de niveau international). Le KOKURO redoute cependant que le «juridisme excessif» de la Haute Cour, à l'instar du tribunal de district, n'aboutisse au rejet des conclusions de la Commission centrale des relations professionnelles spécialisée en la matière. Le KOKURO souligne que la Commission des relations professionnelles est un organe tripartite similaire à la structure de l'OIT. Elle est non seulement constitutionnellement impartiale dans les relations professionnelles, mais également respectée en tant qu'organe impartial dans la pratique et, de ce fait, répond aux exigences des conventions nos 87 et 98, fait reconnu dans le rapport de la Commission d'investigation et de conciliation sur la liberté syndicale en ce qui concerne les personnes employées dans le secteur public au Japon. [BIT, Bulletin officiel (supplément spécial, vol. XLIX, no 1, paragr. 388-397).]

242. Le KOKURO poursuit en soulignant que le système de la Commission des relations professionnelles du Japon a été inventé pour protéger les syndicats contre les violations du droit d'organisation et pour établir des relations saines entre travailleurs et direction. Pour parvenir à ces objectifs, la Commission des relations professionnelles dispose d'une vaste gamme de pouvoirs discrétionnaires comme par exemple celui de rendre des ordonnances de redressement pour rétablir la situation existant avant la violation du droit d'organisation. S'il est possible dans le système juridique japonais d'annuler des ordonnances de redressement par l'intermédiaire d'un jugement lors d'une affaire administrative, celles-ci ne devraient pas être annulées sans un sérieux examen. Cependant, le tribunal de district de Tokyo a invalidé les ordonnances sur la base d'une interprétation formaliste et étroite de la législation. Il en ressort que le système juridique du Japon prévu pour garantir le droit d'organisation n'est pas correctement établi du point de vue des conventions nos 87 et 98 de l'OIT. Etant donné que les ordonnances de redressement de la Commission des relations professionnelles contre des pratiques déloyales de travail peuvent être annulées par les tribunaux, les tentatives des employeurs de faire annuler les ordonnances par des moyens légaux risquent de ralentir longtemps la mise en œuvre de ces ordonnances. Dans ce genre de situation, l'affiliation syndicale chute de façon spectaculaire en attendant que la Cour suprême approuve finalement les ordonnances de redressement. Le KOKURO a été victime de cette «tactique dilatoire» et se trouve dans une situation critique. Onze ans se sont déjà écoulés depuis ce traitement discriminatoire, et il faudra encore attendre plus de dix ans avant le jugement définitif du cas, vu qu'il sera examiné par la Haute Cour et la Cour suprême. Non seulement les membres lésés sont passés par des moments très difficiles, mais le KOKURO lui-même a beaucoup souffert en perdant un nombre considérable de membres au cours des années écoulées. Si la question de la violation du droit d'organisation n'est pas réglée au bout de dix ans, ceci signifie qu'il n'y a pratiquement aucun système pour protéger le droit d'organisation au Japon.

243. Dans une communication en date du 8 décembre 1998, le Syndicat japonais des conducteurs mécaniciens de locomotives des chemins de fer nationaux (ZENDORO) déclare être un syndicat organisant d'anciens travailleurs de la JNR (maintenant sociétés JR), ainsi que des travailleurs des sociétés JR et de leurs entreprises apparentées. Sa création remonte à 1975, et il compte maintenant 1 000 membres. Le ZENDORO explique encore que le gouvernement a adopté la loi sur la réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais en novembre 1986 et décidé de diviser et de privatiser la JNR. Depuis le 1er avril 1987, la JNR a été divisée entre les compagnies suivantes: Compagnies des chemins de fer d'Hokkaido, du Japon de l'Est, du Japon central, du Japon occidental, de Shikoku et de Kyushu, et Compagnie de fret ferroviaire du Japon. Ces compagnies ont hérité de l'ensemble des avoirs, des facilités et des structures nécessaires pour l'exploitation des chemins de fer de la JNR et poursuivent les mêmes activités que la JNR. Le ZENDORO affirme que, lorsque la JNR a été divisée puis privatisée, les membres du ZENDORO ont souffert d'une discrimination dans l'embauche de la part des nouvelles compagnies en raison de leur affiliation au ZENDORO. De plus, les membres employés par le ZENDORO sont toujours victimes de divers actes de discrimination de la part des nouvelles compagnies.

244. S'agissant du premier problème de discrimination au moment de l'embauche, le ZENDORO allègue que, lorsque la direction de la JNR a dressé la liste des travailleurs de la JNR qui seraient embauchés par les sociétés JR, les personnes appartenant au ZENDORO n'ont pas été portées sur la liste. Le comité d'établissement de chaque société JR a approuvé la liste et décidé d'employer les personnes figurant sur cette liste. Le ZENDORO indique que, bien que la procédure d'emploi par les sociétés JR soit précisée à l'article 23 de la loi sur la réforme de la JNR, dans le cas de l'Entreprise japonaise publique de télégraphe et de téléphone (actuellement NTT) et de l'Entreprise publique japonaise des tabacs (actuellement Japan Tobacco Inc.) qui ont été privatisées à peu près vers la même époque que la JNR, tous les travailleurs de ces deux sociétés ont été employés par les nouvelles sociétés. La procédure consistant à prendre des employés de la JNR pour les placer dans les sociétés JR au moment de la privatisation a permis à la JNR et aux sociétés JR de choisir les travailleurs et, effectivement, cette procédure a été utilisée pour exclure des membres du ZENDORO et du KOKURO (Syndicat japonais des travailleurs des chemins de fer nationaux) des sociétés JR.

245. Le ZENDORO explique qu'au sein de la JNR deux courants s'affrontaient sur les questions de division et de privatisation: étaient favorables à la division et à la privatisation la Confédération japonaise des syndicats de travailleurs des chemins de fer japonais (JCRU) et le Syndicat des travailleurs de l'industrie des chemins de fer (JRIU), ainsi que le Syndicat des travailleurs des locomotives (DORO) et le Syndicat des travailleurs des chemins de fer (TETSURO), etc.; les syndicats opposés à la division et à la privatisation étaient le ZENDORO et le KOKURO. La direction de la JNR voyait le ZENDORO et le KOKURO d'un œil défavorable pour leur opposition à leur politique et les a ouvertement exhortés à modifier leur position (le ZENDORO en fournit des exemples dans des documents joints à sa plainte). En 1986, lorsque le projet de réforme de la JNR a été soumis à la Diète, la direction de la JNR a exhorté tous les syndicats opérant en son sein à souscrire à la «déclaration conjointe salariés-direction» pour les forcer à appuyer la politique de division et de privatisation et à abandonner pratiquement les droits syndicaux. Le ZENDORO et le KOKURO ont refusé d'adhérer à cet accord. En revanche, d'autres syndicats tels que la Confédération japonaise des syndicats des travailleurs des chemins de fer (JCRU) y ont souscrit à un stade très précoce. La direction de la JNR s'est livrée à des actes discriminatoires contre les membres du ZENDORO et du KOKURO pour avoir rejeté la déclaration. C'est ainsi que la direction de la JNR a redéployé 23 000 membres du ZENDORO et du KOKURO dans le «centre d'utilisation des ressources humaines». Cette mesure visait à isoler ces membres syndicaux des autres travailleurs, à les priver du travail ferroviaire et à les forcer à se livrer à des travaux de désherbage et de peinture. De plus, en recourant le plus souvent possible à la procédure d'emploi liée aux sociétés JR sur la base de la loi de réforme de la JNR, la direction de la JNR a constamment menacé les membres du ZENDORO et du KOKURO pour les obliger à quitter leur syndicat en déclarant ouvertement: «Tant que vous continuerez à adhérer à ces syndicats, vous ne serez pas employés par les nouvelles sociétés.» Tous les travailleurs qui ont quitté le ZENDORO ont obtenu un emploi dans les nouvelles sociétés. Le ZENDORO poursuit en donnant des exemples précis et des tableaux (reproduits ci-dessous) sur la répartition par affiliation syndicale des travailleurs employés dans différents départements locomotives selon différentes instances.

a) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive d'Otaru employés par les nouvelles sociétés et taux


Membres syndicaux

Employés par les nouvelles sociétés

Taux d'emploi (personnes) (%)


ZENDORO

212

53

25

DORO

114

114

100

TETSURO

2

2

100

Note: Au 16 février 1987.


Au 1er avril 1986, dans le service d'Otaru, le ZENDORO comptait 268 membres au total. Au 16 février 1987, ce chiffre est tombé à 212. Au cours de la même période, 56 membres du service ont quitté le ZENDORO et 54 de ceux-ci ont adhéré au DORO et deux autres au TETSURO. Ces 54 membres ont tous été employés par les nouvelles sociétés.

b) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive de Naebo employés par les nouvelles sociétés et taux


Membres syndicaux

Employés par les nouvelles sociétés

Taux d'emploi (personnes) (%)


ZENDORO

283

81

28,6

KOKURO

24

5

20,8

TETSUSANRO

12

10

83,3

DORO

169

169

100

TESTSURO

17

17

100


Dans le service de Naebo, soixante-dix membres ont quitté le Zendoro. Soixante-six d'entre eux ont adhéré au DORO, deux au TETSURO et un au TETSUSANRO, et tous ont retrouvé un emploi dans les nouvelles sociétés.

c) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive d'Iwamizawa employés par les nouvelles sociétés et taux


Département locomotive

Membres syndicaux

Employés par
les nouvelles sociétés

Taux d'emploi (personnes) (%)


ZENDORO

Premier DL
Second DL

160
27

31
4

19
15

KOKURO

Premier DL
Second DL

4
6

1
0

25
0

TETSUSANRO

Premier DL
Second DL

21
58

19
34

90
59

DORO

Premier DL
Second DL

105
41

105
41

100
100

TETSURO

Premier DL
Second DL

4
2

4
2

100
100


Le Département locomotive d'Iwamizawa était scindé en deux sous-départements: le premier et le second. Dans le premier département, de juillet à décembre 1986, 30 membres ont quitté le ZENDORO. Sur 29 d'entre eux, à l'exception d'un seul qu'une société publique avait décidé d'engager, 25 ont adhéré au DORO, deux au TETSURO et un ne s'est pas syndiqué. Tous ont été employés par les nouvelles sociétés à l'exception de celui qui a adhéré au TETSUSANRO.

Dans le second département, durant la même période, six membres ont quitté le ZENDORO. Dans le cas de trois d'entre eux, mis à part deux autres qu'une société publique avait décidé d'engager et un autre qui partait à la retraite, deux ont rejoint le DORO et un le TETSURO, et tous ont été employés par les nouvelles sociétés.

d) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive de Takikawa employés par les nouvelles sociétés et taux


Membres syndicaux

Employés par les nouvelles sociétés

Taux d'emploi (personnes) (%)


ZENDORO

80

12

15

KOKURO

0

0

0

TETSUSANRO

3

1

33

DORO

56

56

100

TETSURO

3

3

100

Non syndiqué

1

0

0


Dans le Département locomotive de Takikawa, 11 membres ont quitté la section ZENDORO. Neuf d'entre eux ont adhéré au DORO et deux au TETSURO, et tous ont été employés par les nouvelles sociétés.

e) Répartition par affiliation syndicale des travailleurs du Département locomotive de Tomakomai employés par les nouvelles sociétés et taux


Membres syndicaux

Employés par les nouvelles sociétés

Taux d'emploi (personnes) (%)


ZENDORO

99

5

5

DORO

58

58

100

KOKURO

10

2

20

TETSURO

4

4

100

TETSUSANRO

3

2

67


Sur l'ensemble des membres du service de Tomakomai qui ont quitté le Zendoro entre mars et décembre 1986, 13 ont adhéré au DORO et tous ont été employés par les nouvelles sociétés.

246. Le débat à la Diète a également abordé la question de la discrimination exercée par la direction de la JNR à l'encontre des membres du ZENDORO et du KOKURO. Takaya Sugiura, président de la JNR, qui a par la suite occupé la position de membre du comité pour l'établissement des sociétés JR, a déclaré au cours de la discussion à la Diète: «Les syndicats qui rejettent la déclaration ne sont pas dignes de confiance.» Cependant, lors de l'adoption de la loi, la Diète a adopté une résolution supplémentaire qui «impose aux sociétés JR de veiller à écarter toute discrimination liée à l'appartenance à des syndicats différents».

247. En février 1987, le comité d'établissement de chaque société JR a approuvé la liste des employés candidats présentée par la JNR et a décidé de les engager. Finalement, de grandes disparités ont été constatées entre les divers syndicats. Ainsi, dans la zone d'Hokkaido, le taux des personnes employées par l'Hokkaido JR et la Freight JR pour l'ensemble des candidats était de 75,1 pour cent. Cependant, le taux d'emploi pour chaque syndicat était le suivant: JCRU: 99,4 pour cent; JRIU: 79,1 pour cent; KOKURO: 48 pour cent; enfin, ZENDORO: 28,1 pour cent. Parmi les 1 012 candidats du ZENDORO, 284 seulement ont été engagés et 728 ont été éliminés, ce qui illustre bien la discrimination exercée à l'encontre des membres du ZENDORO.

248. En avril 1987, les sociétés JR ont refusé d'employer un total de 7 600 membres du ZENDORO et du KOKURO à l'échelon national, et les ont redéployés dans la société de règlement de la JNR qui a succédé à la JNR. En avril 1990, la société de règlement de la JNR a licencié 1 047 membres du ZENDORO et du KOKURO. Le ZENDORO a porté plainte devant la Commission locale des relations professionnelles d'Hokkaido (LLRC) et sollicité une ordonnance de redressement pour pratiques déloyales de travail de la part de la JR Hokkaido et de la JR Freight.

249. En mars 1989, la LLRC a rendu un jugement selon lequel la JR portait la responsabilité des pratiques déloyales de travail aboutissant à refuser l'emploi à des membres du ZENDORO. Elle a enjoint à la JR Hokkaido et à la JR Freight de remédier à cette situation afin que les membres syndicaux puissent «bénéficier d'un traitement équivalant à une embauche». Mécontentes de l'injonction, les sociétés JR ont porté l'affaire devant la Commission centrale des relations professionnelles (CLRC) pour réexamen. Ce faisant, elles ont agi au mépris de l'injonction de la LLRC les obligeant à prendre des mesures visant à corriger leurs pratiques discriminatoires. En janvier 1994, la CLRC a pris une ordonnance de redressement similaire à celle de la LLRC, en reconnaissant l'existence de pratiques déloyales de travail, à savoir la discrimination dans l'emploi et les responsabilités des sociétés JR qui s'ensuivent. La CLRC leur a enjoint de suivre des procédures loyales en matière d'emploi et de réintégrer les membres syndicaux du ZENDORO licenciés par la société de règlement de la JNR au poste qu'ils auraient eu s'ils avaient été employés en premier lieu. Déclarant l'ordonnance illégale, les sociétés JR ont porté l'affaire devant le tribunal de district de Tokyo en demandant son annulation en mars 1994. Le cas reste en instance. Les sociétés JR cherchent à prolonger la procédure pour parvenir à un règlement et se dispenser de suivre les ordonnances de la CLRC.

250. L'argument de ces compagnies, en bref, est qu'elles n'assument aucune responsabilité pour la pratique de la direction de la JNR consistant à exclure les membres syndicaux de la liste des employés de la JNR à recruter par les sociétés JR, étant donné que la JNR et les sociétés JR sont des entités juridiques différentes. Cependant, le ZENDORO affirme que leur responsabilité est manifeste pour les raisons suivantes: premièrement, les sociétés JR ont assumé la succession de la totalité des biens, des facilités, de l'équipement et de la structure nécessaires aux opérations ferroviaires; deuxièmement, le président de l'époque, M. Sugiura, de la JNR, qui a élaboré la liste, est devenu membre du comité d'établissement des sociétés JR qui a décidé quels travailleurs sur la liste devraient être engagés par les nouvelles compagnies. Il ne fait donc pas de doute que les pratiques déloyales de travail, à savoir l'exclusion des membres du ZENDORO de la liste, sont le fait des sociétés JR.

251. Le ZENDORO indique qu'en 1998 le nombre de membres du KOKURO et du ZENDORO non employés par les sociétés JR en raison de leur adhésion syndicale et qui ont été licenciés par la société de règlement de la JNR s'élève à 1 047. Les membres syndicaux n'ont pas eu d'emploi à plein temps pendant plus de onze ans. Ils soutiennent leurs familles en travaillant à temps partiel et avec l'aide du revenu de leurs épouses qui occupent des emplois à mi-temps et autres. Le ZENDORO lui-même a subi de lourdes pertes en perdant de nombreux membres sous l'effet d'une telle discrimination antisyndicale.

252. Le ZENDORO fait remarquer qu'il a appelé à maintes reprises le gouvernement à adopter des mesures administratives pour faire en sorte que les sociétés JR règlent les différends conformément aux ordonnances rendues par les LLRC. Le gouvernement s'est abstenu de donner des directives fermes aux sociétés JR. Au lieu de s'assurer que tous les travailleurs ont été employés par ces sociétés, le gouvernement a recouru à des moyens appelés «un nouvel emploi». Son objectif était d'éliminer les membres du ZENDORO et du KOKURO durant le processus de division et de privatisation de la JNR. C'est ce qui ressort des déclarations de l'ex-Premier ministre Yasuhiro Nakasone rapportées par des magazines et des stations télévisées publiques et selon lesquelles «nous avons vaincu le KOKURO par la division et la privatisation». Ce faisant, non seulement le gouvernement a négligé les pratiques d'emploi déloyales perpétrées par les sociétés JR, mais s'est livré lui-même à des violations des conventions pertinentes de l'OIT durant la période de transition de la JNR aux sociétés JR. En effet, s'agissant de la protection du droit d'organisation des travailleurs, l'article 11 de la convention no 87 déclare en substance que «Tout Membre de l'Organisation internationale du Travail pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à prendre toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d'assurer aux travailleurs et aux employeurs le libre exercice du droit syndical.», et l'article 3 de la convention no 98 de l'OIT stipule que «Des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d'organisation défini par les articles précédents.»

253. Le ZENDORO estime que le système de commission des relations professionnelles au Japon constitue un mécanisme approprié pour redresser les situations de violation du droit d'organisation. Néanmoins, lorsque les employeurs portent un cas devant un tribunal pour obtenir l'annulation des ordonnances de redressement et aussi longtemps que le cas est en instance, aucun règlement ne contraint les employeurs qui ne se sont pas pliés devant les ordonnances. Ceci leur permet de continuer à violer le droit d'organisation des travailleurs en prolongeant cette période de procédure. En outre, le gouvernement n'a pas amélioré substantiellement le système de protection du droit d'organisation en révisant les lois nationales en vigueur. Le ZENDORO estime qu'il s'agit d'une violation manifeste des conventions nos 87 et 98.

B. Réponse du gouvernement

254. Dans sa communication du 22 avril 1999, le gouvernement explique que la Société nationale des chemins de fer japonais (JNR) effectuait les opérations de transport ferroviaire en tant qu'organisme national de transport public, mais que, à partir de l'exercice budgétaire 1964, elle a commencé à perdre de l'argent sur ces opérations. Malgré les plans de réforme de la gestion étalés sur plusieurs années, la gestion de la JNR a continué à s'aggraver. C'est dans ces conditions que la Commission provisoire pour la réforme administrative a déclaré, dans son «Troisième rapport (rapport de base) concernant les réformes administratives» de février 1982, que le rétablissement de la santé économique de la JNR était une urgence nationale, que celle-ci devrait être divisée et privatisée, et qu'une commission de contrôle pour la reconstruction de la JNR devrait être créée pour promouvoir les réformes. En août 1982, une décision du Cabinet a été prise pour mettre en œuvre les mesures nécessaires en portant toute l'attention voulue à ce rapport. En juillet 1985, la commission de contrôle a donné au gouvernement son «Opinion sur la réforme de la JNR» comportant la division de la section des transports ferroviaires de voyageurs en six compagnies régionales et leur privatisation à compter d'avril 1987. Le gouvernement a répondu à cette Opinion en soumettant un projet de loi sur la réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais et d'autres projets de loi y relatifs à la Diète (le Parlement japonais), et celle-ci a été saisie de ces textes en novembre 1986; ils ont été promulgués et mis en application en décembre de la même année. Finalement, les sections des transports ferroviaires de voyageurs, des transports de marchandises et les sections de la recherche et développement, etc. de la JNR ont laissé place à six sociétés de transport de voyageurs avec effet au 1er avril 1987 (les «nouvelles sociétés»), et la liquidation de la dette à long terme de la JNR devra être traitée par la société de règlement des chemins de fer nationaux japonais.

255. Le gouvernement indique ensuite que la méthode consistant à engager du personnel pour les nouvelles sociétés avec la division et la privatisation de la JNR a été réglée par la loi sur la réforme des chemins de fer nationaux japonais. Les prescriptions spécifiques de la loi comprennent les points suivants: a) le ministre des Transports choisirait le nombre des travailleurs à engager par chaque nouvelle société dans l'ancien personnel de la JNR à partir d'un plan de base; b) le comité d'établissement des nouvelles sociétés soumettrait les conditions de travail et les critères d'embauche pour les futurs travailleurs dans chaque nouvelle société par l'intermédiaire de la JNR; c) la JNR confirmerait la volonté de l'employé de devenir ou non employé des nouvelles sociétés et, pour chacune d'entre elles, sélectionnerait les employés parmi ceux qui souhaitent être embauchés conformément aux critères d'embauche et les placerait sur une liste qu'elle soumettrait au comité d'établissement; d) parmi les employés de la JNR figurant sur la liste, ceux qui se verraient notifier leur embauche par le comité d'établissement et qui étaient employés par la JNR au moment de l'abolition de la loi sur les chemins de fer japonais seraient employés en tant qu'employés de la nouvelle société.

256. Le gouvernement déclare qu'en avril 1987 environ 200 000 personnes étaient employées par les nouvelles sociétés et environ 7 600 travailleurs qui ne pouvaient pas trouver d'autres moyens d'emploi ont été transférés à la Société de règlement des chemins de fer nationaux japonais. En vertu de la «loi sur les mesures spéciales» concernant les employés de la JNR ne souhaitant pas être réemployés et de la promotion d'un nouvel emploi pour les employés de la Société de règlement des chemins de fer nationaux japonais, cette dernière a pris des mesures promotionnelles spéciales pour leur réemploi, comme l'embauche supplémentaire pour les nouvelles sociétés, l'établissement de possibilités de réembauche sur demande dans les compagnies liées, le recyclage et la formation, le placement gratuit, le paiement de divers primes d'incitation, etc. Cependant, à l'expiration des mesures promotionnelles spéciales pour le réemploi en avril 1990, 1 047 employés ont été licenciés.

257. Le gouvernement explique par la suite que, lors de la scission et de la privatisation de la JNR, le KOKURO et le ZENDORO ont porté plainte devant les organes pertinents contre toutes les nouvelles sociétés de la Société ferroviaire japonaise (JR) pour discrimination par la JNR contre les membres du KOKURO et du ZENDORO dans leurs listes d'embauche par les sociétés JR; ils estimaient qu'il s'agissait d'une forme de discrimination. Ils fondaient leurs arguments sur l'article 7 de la loi sur les syndicats en vertu duquel la JNR et le comité d'établissement devraient être considérés en réalité comme une entité unifiée et devraient donc être traités comme le même employeur. Etant donné que les actes du comité d'établissement devaient être repris par les nouvelles sociétés, les organisations plaignantes ont demandé à 18 commissions des relations professionnelles préfectorales dans le pays de remédier aux pratiques déloyales de travail de la JNR. A partir de janvier 1989, chaque cas de refus d'embauche a été accompagné d'une ordonnance de rétablissement de chaque commission préfectorale des relations professionnelles (Chiroi), mais l'ensemble des sociétés JR ont contesté les allégations et porté l'affaire pour réexamen devant la commission centrale des relations professionnelles (Churoi). Au sein de cette dernière instance, on a tenté de régler les questions par une proposition de règlement en mai 1992, mais celle-ci a échoué et, depuis décembre 1993, les ordonnances reconnaissant les pratiques déloyales de travail des sociétés JR sont devenues plus nombreuses. Les principes des ordonnances Churoi sont les suivants: a) lorsque des actions sont considérées comme des pratiques déloyales de travail dans les procédures d'embauche des employés de la JNR, la responsabilité devrait en incomber aux sociétés JR; b) étant donné qu'il a été reconnu qu'un certain nombre de membres syndicaux ont été victimes de pratiques déloyales de travail, lorsque des personnes auraient été licenciées contre leur gré de la Société de règlement des chemins de fer nationaux japonais et lorsqu'elles auraient déclaré leur volonté d'être embauchées à l'avenir, la société devrait faire une sélection équitable et les traiter comme si elles avaient été employées depuis le 1er avril 1987.

258. En janvier 1994, toutes les sociétés JR ont contesté les ordonnances du Churoi et ont interjeté appel devant le tribunal de district de Tokyo pour faire annuler ces ordonnances. En mai 1998, le tribunal de district de Tokyo a décidé que les ordonnances du Churoi devraient être annulées. Le tribunal déclare dans son jugement que: a) même si la JNR a usé de pratiques déloyales de travail dans la sélection des candidats et l'établissement des listes de ceux-ci, la responsabilité de ces actes incombe à la JNR en tant qu'employeur sur la base de l'article 7 de la loi sur les syndicats, et ni le comité d'établissement ni les sociétés JR ne devraient avoir de telles responsabilités; b) au cas où la JNR imposerait des conditions d'embauche excluant des membres du KOKURO, avec l'intention d'opérer une discrimination contre ces membres syndicaux, si le comité d'établissement était au courant de l'intention et des actes de la JNR et le permettait cependant, le comité serait responsable des pratiques déloyales de travail. Cependant, dans ce cas également, les ordonnances de rétablissement devraient se borner à déterminer si le membre syndical a été embauché sur des critères de sélection normaux ou non, et le Churoi ne pourrait pas ordonner que les membres soient considérés comme des employés embauchés. En juin 1998, le KOKURO et le Churoi ont fait appel devant la Haute Cour de Tokyo en demandant d'annuler la décision de la cour subalterne. S'agissant du cas de non-embauche du ZENDORO, il est toujours en instance devant le tribunal de district de Tokyo. De même, tous les autres cas liés au JR sont encore examinés par les tribunaux.

259. Le gouvernement poursuit en donnant un bref aperçu du système des commissions des relations professionnelles. Il déclare que les commissions des relations professionnelles consistent en une commission centrale des relations professionnelles (Churoi) et une commission préfectorale des relations professionnelles (Chiroi). Le Churoi est un comité national relevant du ministre du Travail et les Chiroi sont établis dans chaque préfecture en tant qu'organes des gouvernements régionaux. Les commissions des relations professionnelles comprennent le même nombre de membres représentant la direction, les salariés et les parties neutres, et les comités sont des organes qui enquêtent sur les différends du travail et les règlent. Les procédures pour remédier à des pratiques déloyales de travail commencent par le dépôt d'une plainte par le syndicat ou le travailleur auprès de la commission des relations professionnelles qui est compétente pour ce différend. Si la commission des relations professionnelles reconnaît qu'il y a un motif légitime de l'appliquer, elle prend une ordonnance de redressement et, si ce motif n'est pas valable, elle prend une ordonnance de non-lieu. Si des personnes contestent l'ordonnance du Chiroi, elles peuvent demander à une cour d'appel d'annuler un ordre ou demander un réexamen et, pour les personnes qui contestent une ordonnance du Churoi, elles peuvent demander à une cour d'appel d'annuler une ordonnance du Churoi. Le gouvernement considère cependant comme sans fondement l'allégation selon laquelle la protection du droit d'organisation serait sapée par l'annulation des ordonnances des commissions des relations professionnelles par les tribunaux. Il fait remarquer que l'article 32 de la Constitution japonaise stipule que nul ne pourra se voir refuser le droit de recourir aux tribunaux, et l'article 76, paragraphe 2, stipule qu'aucun organe ou organisme de l'exécutif n'aura le pouvoir judiciaire en dernier ressort. Ces dispositions garantissent à tous un droit d'accès égal à des tribunaux indépendants. En conséquence, s'agissant des ordonnances des commissions des relations professionnelles qui sont des organes exécutifs, la garantie de l'accès aux tribunaux doit être reconnue, et il est possible que les ordonnances des commissions des relations professionnelles soient renversées. Néanmoins, ceci ne signifie pas que les mesures nécessaires et appropriées pour la protection du droit syndical n'ont pas été prises.

260. En outre, la loi sur les syndicats prévoit des mesures pour garantir l'efficacité des ordonnances des commissions des relations professionnelles en matière de pratiques déloyales de travail. En d'autres termes, au cas où une ordonnance aurait été confirmée en totalité ou en partie par le jugement définitif d'un tribunal dans une affaire administrative, les personnes qui violent le jugement définitif seront poursuivies au pénal (section 28); si le jugement définitif des commissions des relations professionnelles est violé, les personnes concernées seront passibles d'une amende non pénale (section 32). De même, même lorsque l'employeur interjette un appel pour demander l'annulation d'une ordonnance prise par une commission des relations professionnelles et que le litige est en cours, le tribunal peut ordonner à l'employeur de suivre l'ordonnance en totalité ou en partie, s'il y a une plainte de la Commission des relations professionnelles, jusqu'à ce que la décision du tribunal devienne définitive (article 27(8), Ordonnances d'urgence). Si l'employeur viole l'Ordonnance d'urgence, il est passible d'une amende non pénale de la même manière que s'il violait une ordonnance définitive (article 32). En outre, le gouvernement a fait remarquer que le nouveau Code de procédure civile adopté l'année dernière a défini les procédures qui accéléreraient le règlement des différends et l'organisation des preuves, et d'autres mesures ont été instituées pour faciliter l'inspection concentrée des preuves. En conséquence, on peut s'attendre à un raccourcissement de la durée du jugement.

261. Le gouvernement aborde ensuite l'allégation selon laquelle il ne guide pas efficacement les sociétés JR et néglige la discrimination antisyndicale. Le gouvernement prétend qu'il n'a pas négligé les conflits entre la direction et les salariés de la JR mais a au contraire travaillé activement à la recherche d'une solution. A titre d'exemple, immédiatement après l'ordonnance du Churoi en janvier 1994, le ministre des Transports et le ministre du Travail ont essayé de résoudre les conflits entre chaque société JR et le KOKURO et, en janvier 1995, le ministre des Transports a proposé la création d'une table des négociations réunissant le gouvernement, les travailleurs et la direction. Par ailleurs, en août 1996, le ministre du Travail a essayé d'aider le KOKURO à résoudre leurs différends, mais il y avait de grandes divergences d'opinions entre la direction et le personnel de la JR. En tout état de cause, la Confédération japonaise des syndicats des travailleurs des chemins de fer (JCRU) qui compte environ 40 pour cent des travailleurs liés à la JR semble estimer que la question de la non-embauche a été réglée et que les divergences d'opinions sont au sein des syndicats eux-mêmes. Le gouvernement ajoute qu'à l'avenir il continuera à s'efforcer de résoudre les diverses questions.

262. Enfin, le gouvernement aborde l'allégation selon laquelle la méthode consistant à réembaucher les employés de la JNR dans les sociétés JR a été l'occasion d'exclure les membres syndicaux du ZENDORO et du KOKURO et de les licencier de facto. Cependant, la raison pour laquelle la méthode consistant à réembaucher a été retenue dans la réforme de la Compagnie des chemins de fer japonais était que, contrairement au cas des sociétés publiques qui plus tard sont devenues JT et NTT, la JNR était dans des conditions financières désastreuses et devait résoudre le plus rapidement possible les problèmes de la dette à long terme et des avoirs non utilisés pour la réforme de la JNR. En d'autres termes, la JNR devait être divisée et privatisée en tant que société privée dans le cadre d'idéaux radicalement nouveaux et démarrer avec un nouveau système. La raison pour laquelle s'imposait la méthode consistant à réembaucher dans le cadre de la loi de réforme découlait de l'objectif qui voulait que la JNR soit divisée et privatisée dans le cadre d'idéaux et de systèmes de gestion entièrement nouveaux correspondant à chacune des régions. Ceci nécessitait de nouvelles décisions de gestion en matière de composition du personnel et de conditions de travail. Ainsi, il y avait un motif rationnel d'utiliser une méthode de réembauche pour la réforme de la Compagnie nationale des chemins de fer japonais, et ce n'était pas dans le but d'exclure des membres syndicaux du ZENDORO et du KOKURO et de les licencier de facto.

263. Dans sa communication suivante du 6 septembre 1999, le gouvernement fait remarquer que, lorsque les ordonnances du Churoi ont été annulées par le tribunal de district de Tokyo, les trois partis au pouvoir de l'époque, à savoir le parti démocrate libéral (LDP), le parti social démocrate (SDP - parmi les 137 représentants du congrès du Kokuro environ 60 pour cent sont membres du SDP)  et le parti Sakigake ont entamé des consultations pour régler rapidement le différend en juin 1998. Ce même mois, le responsable politique du LTP a offert au Kokuro, par l'intermédiaire du SDP, des conditions de règlement comprenant «la décision du Kokuro d'accepter la loi de réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais».

264. Après avoir reçu ces conditions, le Kokuro a tenu son congrès national transitoire le 18 mars 1999 et a décidé que sa politique serait d'accepter sans ambiguïté la loi sur la réforme de la Société nationale des chemins de fer japonais. A la suite de cette décision, le LDP (le parti au pouvoir) a diffusé une «Déclaration du secrétaire général du LDP», le 25 mai 1999, précisant «qu'il est nécessaire à l'avenir pour le Kokuro, toutes les sociétés JR (les chemins de fer japonais), les organismes gouvernementaux, etc. et les autres parties intéressées de se consulter en vue d'un règlement concret, et que le LDP souhaiterait poursuivre ses efforts en vue d'un règlement rapide de la question en encourageant de telles consultations, etc.». Le parti libéral (le parti au pouvoir) a également diffusé sa propre «Déclaration du secrétaire général» le même jour, en affirmant que «(notre parti) souhaite activement promouvoir les consultations entre le Kokuro, l'ensemble des sociétés JR et les organismes gouvernementaux, etc., et s'efforcer de parvenir à un règlement aussi rapide que possible». Par ailleurs, le SDP a diffusé sa propre «Déclaration» le même jour, annonçant que «nous nous félicitons vivement de la Déclaration du secrétaire général du LDP qui représente un pas en avant vers la solution du problème par le gouvernement et les partis au pouvoir». De plus, les secrétaires généraux des six principaux partis de la chambre haute de la Diète japonaise (le parti démocrate libéral, le parti libéral, le parti démocrate, le Komeito, le parti social démocrate, le parti communiste japonais) ont demandé au secrétaire principal du Cabinet d'«œuvrer en vue d'un règlement rapide de la question sous l'angle humanitaire». Parmi les déclarations des partis politiques, le secrétaire principal du Cabinet a déclaré le même jour lors d'une conférence de presse «que le LDP, le parti libéral, le SDP et d'autres ont intensifié leurs consultations, et que le gouvernement souhaiterait poursuivre ses efforts pour résoudre les diverses questions tout en restant en contact avec les partis au pouvoir». Par ailleurs, le ministre des Transports a déclaré que «le ministère des Transports poursuivra ses efforts si des mesures doivent être prises pour résoudre les diverses questions en entretenant suffisamment le contact avec les partis au pouvoir». En outre, le ministre du Travail a déclaré que «le ministère du Travail déploiera les efforts nécessaires en entretenant des contacts suffisants avec les partis au pouvoir et en coopérant avec le ministère des Transports». Il semble donc, selon le gouvernement, qu'il y ait une nouvelle situation dans le sens d'un règlement du différend par le biais de consultations. De plus, par la suite, le LDP et le SDP se sont efforcés de régler les questions par le biais des consultations exigées par le KOKURO. En ce qui concerne le gouvernement, il continuera à observer les mouvements politiques en direction d'un règlement, en accordant son appui et en poursuivant ses efforts en vue d'un règlement rapide.

C. Conclusions du comité

265. Le comité note que le présent cas porte sur deux séries d'allégations. La première a trait au fait que, suite à la décision de privatiser la Société nationale des chemins de fer japonais (JNR) en 1987, les nouvelles sociétés connues sous le nom de Japan Railway Companies, «sociétés JR», n'ont embauché que peu de membres des organisations plaignantes (KOKURO et ZENDORO) au simple motif de leur appartenance syndicale. Par ailleurs, suite au refus des sociétés JR d'embaucher ces travailleurs, ces derniers ont été redéployés dans la société de règlement JNR qui en a licencié par la suite un grand nombre en 1990. La deuxième série d'allégations concerne l'avis des organisations plaignantes selon lequel, bien que les diverses commissions locales des relations professionnelles (LLRC) et la Commission centrale des relations professionnelles (CLRC) aient reconnu l'existence de pratiques déloyales de travail et donc rendu des ordonnances de redressement afin que les sociétés JR prennent les mesures nécessaires pour corriger leurs pratiques discriminatoires, les sociétés intéressées ont cherché à contourner ces mesures en faisant appel systématiquement des ordonnances de redressement. Les organisations plaignantes en concluent que, pour toutes sortes de raisons, le système japonais tel qu'il fonctionne ne protège pas efficacement le droit d'organisation.

266. Le comité note que la discrimination alléguée à l'embauche  et les pertes d'emploi qui s'ensuivirent découlent du contexte de la privatisation de la JNR. A cet égard, le comité estime qu'il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d'entreprises ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d'ingérence antisyndicaux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 935.] Dans le cas d'espèce, les plaignants allèguent que les 7 600 travailleurs refusés à l'embauche par les sociétés JR en avril 1987 étaient membres du KOKURO et du ZENDORO. Le comité note que le gouvernement ne réfute pas les allégations selon lesquelles 7 600 travailleurs se sont vu refuser un emploi par les sociétés JR et ont été redéployés dans le règlement JNR qui, par la suite, en avril 1990, a licencié 1 047 employés. Afin de se prononcer en toute connaissance de cause sur les motifs de ce refus d'embauche, le comité demande au gouvernement de fournir des informations supplémentaires à cet égard.

267. Le comité regrette de constater que ces 1 047 membres du KOKURO et du ZENDORO subissent toujours les conséquences du refus d'embauche, étant donné qu'ils n'ont pas été employés depuis lors et qu'ils risquent d'être au chômage pour une nouvelle période puisque, selon les organisations plaignantes, la procédure judiciaire peut durer encore plusieurs années. A cet égard, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il a pris des mesures dans le passé pour résoudre le conflit entre les sociétés JR et les travailleurs intéressés et qu'il poursuivra ses efforts pour résoudre la question des membres licenciés du KOKURO et du ZENDORO. Le comité exhorte le gouvernement à encourager activement les négociations entre les sociétés JR et les organisations plaignantes en vue de parvenir rapidement à une solution qui satisfasse les parties et qui accorde une compensation équitable aux travailleurs en cause. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard.

268. S'agissant des allégations selon lesquelles le système juridique au Japon ne protège pas le droit d'organisation, puisque les ordonnances de redressement contre les pratiques de travail déloyales rendues par les commissions des relations professionnelles peuvent être annulées par les tribunaux et que les employeurs ont systématiquement recours aux tribunaux pour retarder la mise en œuvre de ces ordonnances, le comité note que selon le gouvernement cette allégation est sans aucun fondement et que, dans tous les cas, les dispositions de la Constitution japonaise garantissent à tous un droit d'accès égal à des tribunaux indépendants. Le comité souhaite faire deux observations à cet égard.

269. Premièrement, le comité estime qu'il est certainement important qu'une autorité judiciaire puisse juger les cas concernant des licenciements et leur illégalité. Il estime néanmoins qu'il appartient au gouvernement de veiller à l'application des conventions internationales du travail sur la liberté syndicale librement ratifiées dont le respect s'impose à toutes les autorités de l'Etat, y compris aux autorités judiciaires. [Voir 313e rapport du comité, cas no 1952 (Venezuela), paragr. 300.] Dans le présent cas, le comité note que la question du licenciement de membres du KOKURO est en cours d'examen par la Haute Cour de Tokyo, et que celle du licenciement de membres du ZENDORO est actuellement devant le tribunal de district de Tokyo. Le comité exprime le ferme espoir que les arrêts rendus seront conformes à la convention no 98. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de ces actions en justice.

270. Deuxièmement, le comité doit insister sur le fait que les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraires à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination antisyndicale et, en particulier, l'absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 749.] Dans le présent cas, le comité note avec préoccupation les retards excessifs dans la procédure concernant les membres du KOKURO et du ZENDORO dus en grande partie aux appels systématiques contre les ordonnances de redressement rendues par les dix-huit commissions locales des relations professionnelles ainsi que par la Commission centrale des relations professionnelles qui ont suspendu les ordonnances de redressement en question. Les craintes du comité sont renforcées par l'affirmation des organisations plaignantes selon lesquelles un délai de dix ans risque encore de s'écouler avant que ces cas ne soient portés devant la Cour suprême. Le comité note cependant l'indication du gouvernement selon laquelle un nouveau code de procédure civile adopté l'année dernière a défini des procédures qui devraient accélérer le règlement des différends et l'administration de la preuve, et que d'autres mesures ont été établies pour faciliter l'inspection concentrée des preuves et que l'on peut donc s'attendre à une réduction de la durée du procès. Le comité demande au gouvernement de fournir les extraits pertinents du nouveau Code de procédure civile et il veut croire que les procédures établies par le code nouvellement adopté seront efficaces et rapides pour permettre que les cas de discrimination antisyndicale contraires à la convention no 98 soient à l'avenir examinés rapidement afin de garantir des remèdes réellement efficaces. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout développement en la matière.

Recommandations du comité

271. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 2009

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de Maurice
présentée par
le Syndicat des enseignants du secteur public (GTU)

Allégations: limitation du temps libre
octroyé aux responsables syndicaux

272. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication du Syndicat des enseignants du secteur public (GTU) du 22 février 1999.

273. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 18 mai 1999.

274. Maurice a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, mais non pas la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.

A. Allégations du plaignant

275. Dans sa communication du 22 février 1999, le GTU allègue que, depuis huit ans, le ministère de l'Education ne cesse de le harceler sur la question du temps libre. Le GTU explique qu'il existe depuis cinquante-quatre ans et qu'il a toujours bénéficié de temps libre pour s'occuper de ses 5 000 membres, enseignants dans les écoles primaires. Le ministère de l'Education a, de fait, toujours octroyé aux syndicats des facilités dans ce domaine, comme il ressort de sa circulaire du 7 juin 1989 qui en fixe les modalités comme suit:

a) président, secrétaire et trésorier: quand nécessaire, selon les besoins;

b) autres membres du comité: un jour par semaine sous réserve des conditions établies.

Le GTU allègue que, lorsqu'il y a eu un problème en 1991, le ministère de l'Education a choisi de modifier unilatéralement sa circulaire, ce qui s'est traduit par une réduction considérable du temps libre octroyé, qui est passé de cinq à un jour pour les présidents, les secrétaires et les trésoriers, et d'un jour à une demi-journée pour les autres membres du comité. Le GTU a protesté avec véhémence, à la suite de quoi le chef de la fonction publique et secrétaire des Affaires intérieures a publié une circulaire attirant l'attention des ministères sur les dispositions de la loi sur les relations professionnelles (section 49 et paragraphe 96 de sa troisième annexe). Il y était mentionné que les responsables syndicaux ne bénéficiaient pas de temps libre pour leurs activités syndicales. L'organisation plaignante signale que la loi sur les relations professionnelles (section 96 de la troisième annexe - code de pratiques) dispose que les facilités à octroyer aux représentants des travailleurs dépendent de leurs fonctions. La nature et l'étendue de ces facilités devraient être établies par un accord entre les syndicats et la direction. Au minimum, il faudrait: a) les dispenser de leur travail pendant le temps raisonnablement nécessaire pour qu'ils puissent exercer leurs fonctions syndicales, cette dispense ne devant pas être refusée de façon déraisonnable; b) assurer le maintien de leurs gains pendant ce temps. A la suite de la publication de la circulaire du chef de l'administration et des protestations des fédérations syndicales, le ministère de l'Education a mis un terme à sa politique restrictive. Toutefois, le GTU allègue qu'il s'est systématiquement abstenu de négocier avec lui la question des facilités à accorder aux représentants des travailleurs dans l'intention délibérée de recourir à des mesures répressives et afin de menacer et d'intimider les syndicats.

276. Le GTU ajoute que le ministère a publié des circulaires limitant à un jour par semaine le temps libre octroyé jusque-là «quand nécessaire, selon les besoins», mais qu'il n'a pas à ce jour pris de mesures spécifiques contre les représentants syndicaux. De fait, l'une de ces circulaires indique que du temps libre supplémentaire pourrait être octroyé. Toutefois, le GTU affirme qu'en février 1999 une lettre a été distribuée aux responsables syndicaux les informant qu'une déduction serait effectuée sur leurs salaires.

B. Réponse du gouvernement

277. Dans sa communication du 18 mai 1999, le gouvernement explique tout d'abord que l'octroi de temps libre aux responsables syndicaux pour leur permettre de s'occuper des affaires syndicales est régi par la loi sur les relations professionnelles de 1973 et le Manuel de gestion du personnel de 1992. Le principe de base étant que du temps libre peut être octroyé aux responsables syndicaux sous réserve des exigences du service.

278. Le gouvernement explique ensuite que trois ministres et secrétaires permanents se sont succédé au ministère de l'Education ces huit dernières années. Ils ont tous constaté l'abus par certains syndicalistes de leur possibilité d'obtenir du temps libre, notamment le Syndicat des enseignants du secteur public (GTU), et ont exprimé leur préoccupation à ce sujet. Le ministère s'est constamment efforcé de décourager ces abus et il a cherché à résoudre le problème à l'amiable. A différentes reprises au cours des dix dernières années, l'attention des intéressés a été attirée sur la nécessité de se conformer aux instructions en vigueur, mais ceux-ci ont ignoré les lettres envoyées par le ministère.

279. Le gouvernement signale que 33 syndicats s'occupent des différentes catégories de personnel des écoles publiques ou privées, ainsi que des organisations parapubliques rattachées au ministère de l'Education. Le ministère a toujours concédé à tous les syndicats reconnus les facilités requises pour qu'ils puissent assumer leurs fonctions selon des modalités très souples. La pratique depuis 1979 était d'octroyer du temps libre aux présidents, aux secrétaires et aux trésoriers des syndicats, quand nécessaire, selon les besoins. Toutefois, au fil des ans, il a été observé que les dirigeants de certains syndicats abusaient de cette facilité. En vertu de rapports signalant des abus de la sorte, le ministère a décidé en 1985 que les responsables syndicaux ne devaient pas quitter leur lieu de travail, à moins qu'ils n'en aient préalablement fait la demande écrite et que celle-ci ait été autorisée par le chef de service. Il s'agissait de permettre à ce dernier de prendre les dispositions nécessaires pour remplacer l'intéressé. Les syndicats ont vigoureusement protesté contre cette décision, faisant valoir que la loi sur les relations professionnelles dispose que «normalement, le chef de département n'a pas à s'enquérir des affaires pour lesquelles le congé ou temps libre est demandé».

280. Depuis 1990, un nombre croissant de cas d'abus de temps libre par certains syndicalistes, notamment du GTU, ont été signalés au ministère. Il a été observé, en comparaison avec d'autres syndicats, que les membres de certains syndicats d'enseignants s'absentaient excessivement. En mars 1991, le gouvernement a été informé d'abus considérables de la part de syndicalistes du GTU. A titre d'exemple, le président de ce syndicat ne s'est pas présenté à son poste de travail pendant toute l'année 1990. D'autres dirigeants du GTU ont pris 128-129 jours de congé sur 140 jours de travail, contre quatre à sept jours par mois pris par les membres d'autres syndicats reconnus. Des parents se sont plaints de ces absences répétées qui gênaient considérablement le travail. Une circulaire a été distribuée le 11 avril 1991 à tous les chefs de section les informant des nouvelles modalités d'octroi de temps libre: 1) président, secrétaire et trésorier - un jour par semaine; 2) autres fonctions - une demi-journée par semaine.

281. Suite aux protestations écrites et émises par plusieurs syndicats contre la circulaire du 11 avril 1991, une réunion a été organisée le 20 mai 1991 entre la direction et les syndicats intéressés (y compris le GTU). Au cours de cette réunion, les représentants du personnel ont fait valoir que les nouvelles dispositions ne leur donnaient pas suffisamment de temps pour se consacrer aux affaires syndicales. Ils ont demandé que ces dispositions soient retirées et que l'octroi de temps libre fasse l'objet d'un contrôle pendant cinq à six mois afin que les cas d'abus soient détectés. L'attention des syndicats a été attirée sur le fait que c'est le recours abusif au congé syndical qui a conduit le ministère à revoir sa politique dans l'intérêt de toutes les parties. Par ailleurs, le ministère a accédé à la demande de membres de syndicats d'être transférés à Port-Louis (la capitale), de sorte qu'ils puissent s'occuper plus facilement de leurs activités syndicales. En outre, il a toujours pris en considération les requêtes urgentes visant à libérer des syndicalistes pour qu'ils puissent se consacrer à des activités syndicales.

282. Le ministère a finalement décidé de geler les nouvelles dispositions jusqu'à la fin de juin 1991, se rendant ainsi aux demandes des représentants du personnel, étant entendu qu'il déciderait ultérieurement de la marche à suivre en fonction des résultats de l'enquête sur l'absentéisme pour cause de congé syndical pendant la période envisagée. Le 7 juin, le ministère a donc distribué une deuxième circulaire informant tous les intéressés que, sous réserve des exigences du service, le président, le secrétaire et le trésorier des syndicats reconnus bénéficieraient de temps libre supplémentaire à condition qu'ils en fassent la demande et qu'ils en indiquent les raisons sur le formulaire prévu à cet effet.

283. Le ministère a contrôlé la présence au travail des syndicalistes concernés. Aucune amélioration n'a été observée, l'absentéisme continuant d'être excessif. Le président, le secrétaire et le trésorier du GTU s'octroyaient du temps libre presque tous les jours sans remplir les formulaires requis. Après consultation du ministère de la Fonction publique, le ministère de l'Education a décidé de prendre des mesures disciplinaires à l'encontre des contrevenants. La décision d'octroyer un jour par semaine au président, au secrétaire et au trésorier, ainsi qu'une demi-journée aux autres titulaires a été maintenue, mais il a été convenu que seules les demandes de temps libre supplémentaire faites par écrit seraient prise en considération. Les syndicats ont protesté contre les circulaires du ministère de l'Education.

284. Le gouvernement reconnaît que le chef de la fonction publique a publié le 8 mai 1992 une circulaire rappelant les dispositions de la section 49 de la loi sur les relations professionnelles, le paragraphe 96 de la troisième annexe (code de pratiques) et la section 5/X/8 du recueil d'ordonnances générales. Celui-ci souligne que l'octroi de temps libre doit être subordonné aux exigences du service, que cette facilité est refusée dans certains cas, alors qu'elle est source d'abus dans d'autres, ce qui d'une manière comme d'une autre ne favorise pas la conduite harmonieuse des relations professionnelles et doit être évité. Le chef de la fonction publique ajoutait également dans cette circulaire que chaque ministère devrait fixer ses propres modalités d'octroi de temps libre de manière à ne pas entraver l'efficacité ni la productivité. A ce sujet, le gouvernement souligne que le chef de la fonction publique n'a jamais déclaré qu'il fallait en tout temps octroyer des congés aux responsables syndicaux ou les libérer complètement de leurs tâches d'enseignant. Au contraire, il a recommandé d'éviter les abus.

285. Le gouvernement souligne aussi que le ministère a organisé plusieurs réunions avec les syndicats mais que le GTU a systématiquement refusé de parvenir à un accord concernant le temps libre. Il a demandé des délais ainsi qu'un moratoire, tandis que les responsables continuaient de s'absenter presque tous les jours. Le président du GTU n'enseigne plus depuis plusieurs années. Il a aussi refusé de remplacer des collègues absents. Des lettres signalant aux intéressés leur absentéisme et leur manquement à leur obligation de remplir des demandes écrites de temps libre supplémentaire ont été envoyées. Le gouvernement joint des copies de ces lettres datées du 23 juin 1992, du 18 mars 1993, du 29 avril 1998 et du 8 février 1999.

286. Le gouvernement explique que, dès le départ, l'application par le ministère de la formule du temps libre octroyé «quand nécessaire, selon les besoins» n'a jamais signifié une autorisation pour les responsables syndicaux de s'absenter tous les jours et que cette formule visait plutôt à leur accorder plus de souplesse afin qu'ils puissent, avec la permission nécessaire, vaquer à leurs activités syndicales. Le ministère n'a, à aucun moment interprété cette disposition comme habilitant les syndicalistes à prendre du temps libre chaque jour de travail. En ce qui concerne la circulaire du 7 juin 1991, qui demande aux dirigeants syndicaux de remplir un formulaire de demande de temps libre supplémentaire, le gouvernement indique que, conformément aux conditions de service régissant le congé dans la fonction publique mauricienne, tout congé non approuvé est considéré comme non autorisé et, par conséquent, non rémunéré. Tout agent de l'Etat qui prend un congé non autorisé pour quelque raison que ce soit est susceptible de faire l'objet d'une déduction correspondante de son salaire. Le ministère avait averti précédemment les syndicalistes intéressés que des mesures disciplinaires seraient prises à leur encontre dans l'hypothèse où ils persisteraient à s'absenter de façon abusive.

287. Toutefois, en dépit d'avertissements répétés, les syndicalistes intéressés ont fait la sourde oreille. Des enquêtes internes ont alors été ouvertes en 1993, ce qui a amené le directeur d'enquête à constater que les congés pris par certains responsables syndicaux dépassaient de beaucoup le temps octroyé et que trois d'entre eux n'étaient quasiment jamais à leur poste, perturbant ainsi les classes et livrant les élèves à eux-mêmes. Dans son rapport de 1994, le directeur d'enquête note à nouveau que les enseignants qui assument des fonctions syndicales continuent de prendre du temps libre et sont pratiquement toujours absents. Ces rapports ont été portés à l'attention des intéressés, mais cela ne s'est pas traduit par une présence plus assidue. Le 15 mai 1995, le secrétaire permanent a dirigé une réunion avec les syndicats, y compris le GTU. Il leur a rappelé les remarques du directeur d'enquête et leur a demandé de faire un effort de présence en ce sens.

288. Le gouvernement a de nouveau été informé, le 20 juin 1995, que des congés non autorisés continuaient d'être pris. Avant de prendre des mesures disciplinaires, le chef de la fonction publique s'est adressé à tous les syndicalistes, le 6 juillet 1995, en attirant leur attention sur la réglementation régissant l'octroi de temps libre et leur demandant leur collaboration. En outre, suivant l'exigence du chef de la fonction publique, les responsables de chaque ministère ont été invités à discuter avec les syndicats reconnus. Tous les efforts visant à régler la question par le dialogue ayant échoué, le ministère a décidé d'agir conformément aux dispositions en vigueur concernant le congé non autorisé. Les syndicalistes qui prennent des congés non autorisés feront l'objet de déductions de salaires.

289. En conclusion, le gouvernement souligne que les dirigeants du GTU ont été plusieurs fois rappelés au cours des dernières années à la nécessité de se conformer aux instructions en vigueur mais qu'ils ont continué de s'octroyer abusivement du temps libre, à tel point que certains d'entre eux n'ont pas enseigné un seul jour depuis dix ans et s'attendent néanmoins à toucher leurs salaires à la fin de chaque mois. De façon générale, ils font une apparition à l'école certains jours puis disparaissent immédiatement après. Ils refusent systématiquement de prendre une classe. Cette situation perturbe gravement le travail dans certaines écoles, et des parents se sont plaints de l'absentéisme des enseignants.

290. Enfin, le gouvernement insiste sur le fait qu'il incombe au ministère de l'Education d'assurer la scolarisation des enfants, de gérer les écoles ainsi que toutes les ressources humaines, y compris les enseignants. Il se soucie dans un même temps du bien-être des enseignants, étant parfaitement conscient de la nécessité de promouvoir de bonnes relations professionnelles. Le ministère reconnaît les droits et privilèges des syndicats, mais il est responsable du fonctionnement harmonieux des écoles en général et il est de son devoir d'assurer le maintien de la discipline et de l'efficacité en permanence. C'est dans cet esprit qu'il a élaboré une politique octroyant aux responsables syndicaux beaucoup de souplesse pour qu'ils puissent se consacrer à leurs tâches syndicales tout en assumant leurs obligations d'enseignants. En tant que partenaires du ministère dans l'éducation, les syndicalistes en question n'ont malheureusement pas respecté leur partie du contrat, en négligeant trop souvent l'intérêt des élèves.

C. Conclusions du comité

291. Le comité note que, dans le présent cas, les allégations portent sur des conflits relatifs à l'octroi de temps libre aux responsables syndicaux pour leur permettre de se consacrer à leurs activités syndicales.

292. Le comité observe que l'organisation plaignante renvoie à une circulaire de juin 1989 du ministère de l'Education qui prévoit l'octroi de temps libre aux président, secrétaire et trésorier des syndicats «quand nécessaire et selon les besoins», ainsi qu'un jour par semaine aux autres membres syndicalistes. Le GTU allègue que le ministère a modifié unilatéralement cette circulaire en 1991, réduisant le temps libre octroyé de cinq à un jour par semaine pour les présidents, les secrétaires et les trésoriers, et à une demi-journée pour les autres. Toutefois, tel qu'indiqué par le GTU, le comité note que le ministère de l'Education a mis un terme à sa politique restrictive à la suite de leurs protestations. Le GTU signale, par ailleurs, que la circulaire de 1991 limitant l'octroi de temps libre ne prévoit pas de mesures spécifiques contre les représentants syndicaux et qu'une autre circulaire mentionne que du temps supplémentaire pourrait être octroyé. Le GTU signale aussi que des responsables syndicaux ont récemment été informés par une lettre que des déductions seraient effectuées sur leurs salaires. Le comité note que le GTU reconnaît la pratique du ministère de l'Education qui a toujours octroyé du temps libre aux syndicats, mais il accuse le gouvernement de s'être abstenu de rechercher un accord avec les syndicats sur la question.

293. Le comité note que le gouvernement ne contredit pas l'organisation plaignante concernant la distribution d'une circulaire en 1991 qui prévoit la limitation du temps libre octroyé. A cet égard, le comité prend note des explications fournies par le gouvernement selon lesquelles la circulaire de 1991 est la réponse à plusieurs années d'abus de la part de syndicalistes, et notamment de membres du GTU. Le comité observe qu'après la diffusion de la circulaire de 1991 des réunions ont été organisées entre la direction et les syndicats intéressés, à la suite desquelles le ministère a décidé de geler les nouvelles dispositions applicables pendant une période de temps déterminée. Le ministère a, peu de temps après, publié une autre circulaire prévoyant l'octroi de temps supplémentaire aux responsables syndicaux sous réserve qu'ils en fassent la demande et qu'ils en donnent les raisons sur le formulaire prévu à cet effet. Le comité note que, selon le gouvernement, les dirigeants du GTU n'ont jamais respecté cette disposition et que les abus ont continué.

294. Le comité observe par ailleurs que les abus décrits par le gouvernement ont débouché sur des enquêtes internes en 1993 et 1994, dont le résultat a été porté à l'attention des syndicalistes intéressés. Il note que le ministère de l'Education a organisé plusieurs réunions avec les syndicats en 1995 afin de leur rappeler les dispositions régissant l'octroi de temps libre et qu'il les a invités à collaborer. Il note aussi que, selon le gouvernement, devant l'échec des efforts visant à régler la question par le dialogue, le ministère a décidé de prendre des mesures disciplinaires à l'encontre de ceux qui se prévalaient de congé non autorisé.

295. En ce qui concerne la question des négociations entre les parties, le comité observe que le GTU accuse le gouvernement de s'être systématiquement abstenu de rechercher un accord sur le temps libre, tandis que le gouvernement fait état de plusieurs réunions au cours desquelles il a essayé de trouver une solution et affirme que les responsables du GTU ont demandé des délais ainsi qu'un moratoire, sans pour autant cesser de prendre congé presque tous les jours. A cet égard, le comité rappelle l'importance qu'il attache à l'obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d'un développement harmonieux des relations professionnelles. Le comité regrette que le gouvernement ait décidé unilatéralement de modifier la pratique établie d'accorder du temps libre sans consulter les syndicats. Il insiste aussi sur le principe suivant lequel les employeurs comme les syndicats doivent négocier de bonne foi et s'efforcer de parvenir à un accord, lequel principe suppose que soit évité tout retard injustifié dans le déroulement des négociations. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 814 et 816.]

296. En ce qui concerne l'octroi de temps libre aux responsables syndicaux, le comité a affirmé par le passé que, dans l'entreprise, ceux-ci devraient bénéficier, sans perte de salaire, des facilités nécessaires pour remplir leurs fonctions de représentants, sans que cela nuise au bon fonctionnement de l'entreprise. Le comité rappelle aussi que les représentants des travailleurs peuvent être tenus d'obtenir la permission de la direction avant de prendre congé, mais que cette permission ne devrait pas leur être refusée de façon déraisonnable. Le comité observe que le système actuel d'octroi de temps libre semble par ailleurs ne satisfaire aucune des parties. A cet égard, il ne peut que demander aux parties de parvenir rapidement à un accord sur toutes les modalités concernant l'octroi et l'utilisation de temps libre qui tienne dûment compte des caractéristiques propres au système de relations professionnelles, et qu'elles s'engagent à respecter ledit accord. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.

Recommandation du comité

297. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Cas no 1974

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Mexique
présentée par
la Confédération mondiale du travail (CMT)

Allégations: licenciement de dirigeants syndicaux
- menaces d'arrestation

298. La plainte en question figure dans une communication de la Confédération mondiale du travail (CMT) en date du 3 juillet 1998. Le gouvernement a fait connaître ses observations par une communication en date du 4 mai 1999.

299. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

300. Dans sa communication du 3 juillet 1998, la CMT indique que le Syndicat unique des travailleurs au service de l'Etat, des municipalités et des industries décentralisées à caractère étatique de Nayarit (SUTSEM) a exercé des pressions auprès des autorités de l'Etat de Nayarit afin de manifester son désaccord avec le licenciement injustifié de 23 travailleurs de l'Institut culturel et artistique de Nayarit (ICANAY) - qui a été fermé - et de dénoncer d'autres problèmes de travail. L'organisation plaignante ajoute que, pour avoir exigé par des actions légales (envoi de lettres aux autorités, réalisation d'un arrêt de travail) le respect de normes du travail ayant fait l'objet d'un accord avec les autorités de Nayarit, les travailleurs syndiqués font aujourd'hui l'objet d'intimidations de tous ordres - notamment menaces de transfert arbitraire, de licenciement ou d'incarcération et déductions sur leurs salaires et prestations. Concrètement, la CMT indique que, en avril, à la suite d'un arrêt de travail organisé le 23 mars afin de protester contre le licenciement des travailleurs de l'ICANAY, plusieurs membres du comité directeur du SUTSEM (l'organisation plaignante communique les noms et les fonctions de huit dirigeants syndicaux et syndicalistes) ont reçu leur lettre de licenciement. La CMT fait observer que, bien que la décision de licenciement appartienne normalement au Tribunal de justice, dans ce cas, elle a émané du Procureur général de la République. Elle indique également que la majorité des travailleurs licenciés appartiennent au comité directeur du SUTSEM et bénéficient des garanties qui s'attachent à leur statut de syndicaliste. Enfin, la CMT affirme que, à la fin de juin 1998, dans le cadre de la campagne antisyndicale orchestrée par les autorités de Nayarit, Mme Galicia Agueda, secrétaire générale du SUTSEM, a été menacée d'arrestation sans motif légitime. Selon la CMT, cette menace vise à l'empêcher de continuer à défendre les travailleurs de l'Etat de Nayarit, ce qui représente aussi une grave atteinte aux principes de la liberté syndicale.

B. Réponse du gouvernement

301. Dans sa communication du 4 mai 1999, le gouvernement indique, à propos du licenciement prétendument injustifié de 23 travailleurs de l'ancien Institut culturel et artistique de Nayarit (ICANAY), que, sur la base du décret no 8033 du 11 octobre 1997 relatif à la loi portant création de l'ICANAY, il a été décidé de licencier le personnel excédentaire de cet institut et de réembaucher le personnel nécessaire au secrétariat des finances et de l'éducation et la culture. Douze travailleurs occupant un poste fixe n'ont pas accepté cette décision et ont saisi le Tribunal de conciliation et d'arbitrage pour les travailleurs au service de l'Etat (dossiers 1/98 et 14/98). Toutefois, les travailleurs ont finalement renoncé à leur action. Parmi eux, huit ont été licenciés dans les règles et quatre autres ont été réembauchés au secrétariat des finances et de l'éducation et la culture.

302. En ce qui concerne le licenciement de dirigeants syndicaux et de syndicalistes du SUTSEM, le gouvernement indique que les mobilisations organisées par ce syndicat sont jugées illégales puisque provoquées par l'intransigeance de la direction syndicale. L'arrêt de travail illégal organisé le 23 mars 1998 a abouti au licenciement justifié de membres du comité directeur du SUTSEM sans préjudice de leurs droits et de la représentation syndicale. La décision de licenciement ne relevait pas du Tribunal de justice et du Procureur général de la République, mais du Procureur général de justice de l'Etat qui a demandé au Tribunal de conciliation et d'arbitrage pour les travailleurs au service de l'Etat de mettre un terme à la relation d'emploi entre les membres du comité directeur et l'Etat. L'action en justice 16/98 a été classée sans suite le 6 avril 1998, à la requête du demandeur, sauvegardant les droits du gouvernement de l'Etat. Le gouvernement indique aussi que le comité directeur du SUTSEM a introduit un recours d'amparo direct auprès du deuxième tribunal de district (dossier 406/98). Ce recours a abouti à l'arrêt du 16 juin 1998 qui accorde l'amparo et la protection de la justice fédérale aux travailleurs représentés par l'organisation syndicale face aux décisions prises par le Tribunal de conciliation et d'arbitrage, de sorte que la suspension du paiement des salaires aux travailleurs membres du SUTSEM a été annulée.

303. Enfin, le gouvernement indique qu'il n'y a pas eu de menaces d'arrestation à l'encontre de dirigeants syndicaux, lesquels ont même engagé des procédures d'amparo sans obtenir gain de cause. Selon le gouvernement, les actes à l'origine de la plainte ne sont pas des actes antisyndicaux et ne représentent pas une discrimination à l'encontre des travailleurs syndiqués affiliés au SUTSEM, vu que le respect manifesté à l'égard des travailleurs a été conforme aux règles des relations professionnelles, contrairement à l'attitude intransigeante des dirigeants syndicaux dont les agissements ont eu pour effet de nuire aux négociations de conciliation qui avaient eu lieu.

C. Conclusions du comité

304. Le comité observe que, dans le présent cas, l'organisation plaignante affirme que, à la suite d'une grève organisée en mars 1998 pour protester contre le licenciement de travailleurs de l'Institut culturel et artistique de Nayarit (ICANAY) et dénoncer d'autres problèmes de travail, plusieurs membres du comité directeur du Syndicat unique pour les travailleurs au service de l'Etat, des municipalités et des industries décentralisées à caractère étatique de Nayarit (SUTSEM) (l'organisation plaignante communique les noms et fonctions des dirigeants syndicaux en question) ont été licenciés en avril. L'organisation plaignante affirme aussi que la dirigeante syndicale, Mme Galicia Agueda, a été menacée d'arrestation sans motif légitime dans le cadre d'une campagne antisyndicale orchestrée par les autorités de l'Etat de Nayarit.

305. En ce qui concerne le licenciement de dirigeants syndicaux membres du comité directeur du SUTSEM à la suite de la grève organisée en mars 1998, le comité note que le gouvernement indique ce qui suit: 1) l'organisation d'une grève illégale le 23 mars 1998 a abouti au licenciement justifié de membres du comité directeur du SUTSEM; 2) ces licenciements ont eu lieu à la demande du Procureur général de justice de l'Etat et par le truchement du Tribunal de conciliation et d'arbitrage pour les travailleurs au service de l'Etat; 3) le comité directeur du SUTSEM a introduit un recours d'amparo, et les autorités judiciaires ont accordé l'amparo et la protection de la justice fédérale, ce qui a annulé la suspension du paiement des salaires aux travailleurs membres du SUTSEM.

306. Dans ces conditions, vu que, selon les informations communiquées par le gouvernement, les autorités judiciaires se sont prononcées en faveur des dirigeants syndicaux du SUTSEM licenciés après leur participation à la grève de mars 1998, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les intéressés soient effectivement réintégrés à leur poste de travail, sans perte de salaire. Il demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.

307. En ce qui concerne la menace d'arrestation sans motif légitime dont aurait fait l'objet la dirigeante syndicale, Mme Galicia Agueda, dans le cadre de la campagne antisyndicale orchestrée par les autorités de l'Etat de Nayarit, le comité note que le gouvernement nie catégoriquement que des dirigeants syndicaux aient été menacés d'arrestation et signale que les procédures engagées à ce sujet ont abouti à un non-lieu. Dans ces conditions, vu que l'organisation plaignante ne fournit pas de nouvelles précisions ni de preuves pour étayer ces allégations, le comité ne poursuivra pas l'examen de celles-ci.

Recommandation du comité

308. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:

Cas no 2020

Rapport où le comité demande à être informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Nicaragua
présentée par
la Fédération des travailleurs des communications et des postes
«Enrique Schmidt Cuadra»

Allégations: licenciements et autres mesures antisyndicales -
violation de locaux syndicaux et confiscation de biens
appartenant à des syndicats

309. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de la Fédération des travailleurs des communications et des postes «Enrique Schmidt Cuadra» datée du 30 mars 1999. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication datée du 6 août 1999.

310. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la fédération plaignante

311. Dans sa communication du 30 mars 1999, la Fédération des travailleurs des communications et des postes «Enrique Schmidt Cuadra» indique que le 14 mai 1997 elle avait présenté un cahier de revendications au ministère du Travail concernant la négociation d'une nouvelle convention collective dans l'entreprise nicaraguayenne de télécommunications (ENITEL) et que seize mois plus tard en octobre 1998 la négociation à laquelle participaient également deux autres organisations syndicales de l'entreprise s'est trouvée dans une impasse. Le 19 octobre 1998, l'organisation plaignante a donc organisé une journée de manifestation qui a réuni des travailleurs dans tout le pays pour les en informer; or, lorsqu'ils se sont dispersés, ils se sont vu interdire de reprendre le travail. Selon la fédération plaignante, à partir de ce moment-là, une campagne de répression et de discrédit a été lancée à son encontre. Concrètement, elle allègue les faits suivants:

312. Enfin, la fédération plaignante précise que les poursuites engagées auprès de l'administration concernant les faits dénoncés n'ont pas abouti et que cinq actions en justice ont été intentées pour demander la réintégration des travailleurs licenciés; cependant, vu leur situations économiques, 312 de ces travailleurs ont touché leurs indemnités de licenciement.

B. Réponse du gouvernement

313. Dans sa communication datée du 6 août 1999, le gouvernement explique que le 14 mai 1997 la Fédération des travailleurs des communications et des postes «Enrique Schmidt Cuadra», le Syndicat national des travailleurs des postes et télécommunications (SINTRATELCO) et le Syndicat Huit Avril ont saisi l'Inspection départementale du secteur de la construction, des transports et des télécommunications d'un cahier de revendications, afin de négocier une convention collective avec l'Entreprise nicaraguayenne des télécommunications (ENITEL); la première réunion a eu lieu le 30 juin 1997. Le gouvernement indique que le 13 octobre 1998 quatre clauses restaient à négocier. Le Code du travail prévoit un délai de 23 jours pour la négociation d'une convention collective mais en pratique ce délai est toujours prolongé, de sorte que les parties deviennent plus agressives dans leurs revendications au fur et à mesure que la négociation avance, créant un climat de méfiance. Devant cette situation, le ministère du Travail a engagé une tentative de conciliation pour débloquer la négociation. Selon le gouvernement, alors que les parties avaient été convoquées pour le 20 octobre 1998 afin de poursuivre les négociations, les travailleurs de la Fédération «Enrique Schmidt Cuadra» ont cessé le travail dans la majorité des filiales de l'entreprise ENITEL la veille, c'est-à-dire le 19 octobre. Le ministère du Travail a immédiatement convoqué les parties pour qu'elles poursuivent les négociations qui, à ce jour, ne sont toujours pas terminées. Le gouvernement déclare que, dans le cadre des séances de négociation, un groupe de travailleurs de confiance de l'entreprise ENITEL (plus de 470) s'est fait connaître et a demandé à être exclu de l'application des acquis de la convention collective; il a en outre demandé qu'aucun organisme syndical ne le représente dans cette négociation. Les parties à la négociation ont demandé au ministère du Travail qu'il se prononce sur la pétition des travailleurs de confiance. L'autorité administrative a donc pris position, mais deux des trois organisations syndicales qui participaient aux négociations ont fait appel de sa décision; cet appel n'a pas interrompu la poursuite des négociations et la dernière séance a eu lieu le 1er juin 1999. Le gouvernement indique que les parties ont recours à des manœuvres dilatoires et qu'elles ne sont jamais à court d'arguments pour faire obstacle au bon déroulement des négociations.

314. Pour ce qui est des allégations concernant les licenciements des travailleurs consécutifs à la journée de manifestation dans l'entreprise ENITEL, le gouvernement signale que ces licenciements ont eu lieu après un arrêt de travail dont la conséquence a été l'abandon, par les travailleurs affiliés à la Fédération «Enrique Schmidt Cuadra», de leurs postes de travail. Cet arrêt de travail est allé de pair avec la provocation de troubles, le ralentissement et l'entrave des travaux et des activités techniques et administratives qu'assure l'entreprise dans le cadre du fonctionnement des services téléphoniques publics. Ces actes ont été accompagnés de violences, telles que la mise à mal des véhicules de l'entreprise, et de manques de respect à l'égard des autorités et des travailleurs de l'entreprise, à l'entrée de laquelle, à Managua et dans diverses succursales du pays, les piquets de grève empêchaient l'accès aux travailleurs qui ne participaient pas à la manifestation, ainsi qu'aux usagers. Le gouvernement ajoute que les travailleurs ont violé le règlement interne de l'entreprise, le Code du travail et leurs contrats de travail individuels; l'entreprise ENITEL s'est fondée sur ces motifs pour demander l'annulation des contrats de travail des travailleurs qui ont participé à la manifestation. Le gouvernement souligne que nul ne peut agir de manière à empêcher l'Etat de remplir son obligation d'assurer les services de base énumérés dans l'article 105 de la Constitution nationale, parmi lesquels figurent les services de communication.

315. Enfin, pour ce qui est des allégations relatives à la violation par des groupes paramilitaires des locaux des syndicats de León, Chinandega, Granada et Matagalpa, ainsi que de la confiscation de documents et de biens appartenant aux organisations syndicales, le gouvernement assure que l'administration n'a été saisie d'aucune plainte à cet égard.

C. Conclusions du comité

316. Le comité observe que dans le cas présent la fédération plaignante allègue que, dans le cadre de la négociation d'une convention collective dans l'entreprise nicaraguayenne de télécommunications (ENITEL) qui dure depuis plus de deux ans, elle a appelé les travailleurs à manifester et qu'à partir de ce moment elle a été victime d'une campagne de répression et de discrédit. Concrètement, la fédération plaignante allègue les faits suivants: 1) licenciement de 367 travailleurs, dont 58 dirigeants syndicaux; 2) violation des bureaux des syndicats de León, Chinandega, Granada et Matagalpa, ainsi que confiscation de documents et de biens leur appartenant; 3) désaffiliation forcée de travailleurs affiliés à l'organisation plaignante par l'exercice de pressions; et 4) pressions assorties de menaces de licenciement à l'encontre des travailleurs pour qu'ils renoncent à bénéficier des acquis de la convention collective ainsi qu'à se faire représenter par la fédération plaignante.

317. En ce qui concerne l'allégation relative au licenciement de 367 travailleurs (dont 312 ont accepté une indemnisation), dont 58 dirigeants syndicaux, dans l'entreprise ENITEL, à la suite de la journée de manifestation du 19 octobre 1998, le comité observe que la version de la fédération plaignante et celle du gouvernement sont contradictoires. En effet, d'une part, la fédération plaignante allègue que les licenciements se sont produits dans le cadre d'une campagne de répression antisyndicale provoquée par le blocage des négociations d'une convention collective et que les autorités, profitant des destructions dues à l'ouragan Mitch, accusent les licenciés d'avoir commis des dégâts dans l'entreprise; d'autre part, le gouvernement soutient que les travailleurs ont été licenciés pour une juste cause puisqu'ils avaient arrêté le travail en violation du règlement intérieur de l'entreprise, des dispositions du Code du travail et de la Constitution nationale, compte tenu des dispositions qui s'appliquent à la prestation de services essentiels, et qu'ils avaient endommagé le matériel de l'entreprise.

318. A cet égard, le comité rappelle qu'il a déjà eu l'occasion de souligner que les services téléphoniques peuvent être considérés comme des services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire comme des services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, et qu'il a admis que le droit de grève pourrait faire l'objet de restrictions, voire d'interdictions lorsqu'il s'agit de ce type de services, mais que les travailleurs concernés doivent jouir de certaines garanties compensatoires. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 544, 547 et 533.] Cependant, le comité rappelle également qu'en diverses occasions il a souligné que les services postaux ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 545.] Le comité estime donc que dans le cas présent il faut tenir compte des faits suivants: 1) les licenciements se sont produits dans le cadre de la négociation d'une convention collective qui avait commencé il y a plus de deux ans et qui se poursuit encore; le gouvernement reconnaît que les deux parties ont recours à des manœuvres dilatoires; 2) les travailleurs licenciés ont intenté des actions en justice pour demander leur réintégration et, à ce jour, aucune décision n'est intervenue. Dans ces conditions, et pour que les parties puissent conclure la négociation collective dans un climat de travail harmonieux, le comité demande au gouvernement de faire tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir la réintégration des dirigeants syndicaux et des travailleurs licenciés, au moins jusqu'à ce que les autorités judiciaires se prononcent à cet égard. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation.

319. De même, et tout en rappelant qu'il importe qu'employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour rétablir et maintenir une relation de confiance entre les parties [voir Recueil, op. cit., paragr. 815], le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution des négociations de la convention collective dans l'entreprise ENITEL.

320. Pour ce qui est de l'allégation relative à la violation des locaux syndicaux et à la confiscation des documents et des biens appartenant aux syndicats de León, Chinandega, Granada et Matagalpa par des unités paramilitaires, le comité prend note du fait que, selon le gouvernement, les autorités administratives n'ont été saisies d'aucune plainte. A cet égard, le comité souligne qu'un climat de violence comme celui que traduisent ces actes d'agression contre les locaux et les biens syndicaux perpétrés par des groupes paramilitaires constitue un obstacle grave à l'exercice des droits syndicaux et que ce type d'action devrait entraîner des mesures sévères de la part des autorités qui devraient notamment traduire les auteurs présumés devant l'autorité judiciaire compétente. A cet égard, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur ces allégations et, s'il constate leur véracité, de prendre les mesures nécessaires pour que les locaux, la documentation et les biens appartenant aux syndicats en question leur soient immédiatement restitués, et de veiller à ce que les coupables soient jugés par l'autorité judiciaire compétente. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation.

321. Pour ce qui est de l'allégation relative aux pressions exercées par la direction de l'entreprise qui a menacé de licenciement les travailleurs pour les convaincre de renoncer aux acquis de la convention collective, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: i) un groupe de 470 travailleurs de confiance a demandé à ce que la convention collective ne leur soit pas applicable et à ne pas être représentés par l'organisation syndicale; ii) à cet égard, les parties ont eu recours à l'autorité administrative qui, par une décision du 7 mai 1999, a indiqué que les travailleurs de confiance ne devraient pas être inclus dans le champ d'application de la convention collective (cette décision a fait l'objet d'un recours en appel auprès de l'administration par deux des organisations syndicales qui sont parties à la négociation). A cet égard, le comité observe que le gouvernement ne fait pas référence aux allégations relatives aux pressions et aux menaces de licenciement censées convaincre les travailleurs de renoncer à bénéficier des acquis de la convention collective et à se faire représenter par la fédération plaignante. Le comité estime qu'il doit être difficile pour un travailleur de confiance de prouver qu'il a été victime de pressions pour renoncer aux acquis d'une convention collective ou pour se faire représenter par une organisation syndicale. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour mener à bien une enquête indépendante sur ces allégations et, au cas où leur véracité serait constatée, de veiller à ce que ces travailleurs de confiance puissent décider librement de la possibilité d'être couverts par la convention collective et de se faire représenter par une organisation syndicale. Par ailleurs, le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat du recours introduit par la fédération plaignante.

322. En ce qui concerne l'allégation relative à la désaffiliation forcée des travailleurs de la fédération plaignante au moyen de pressions, le comité constate à regret que le gouvernement n'a pas communiqué ses observations à cet égard. Le comité rappelle l'importance de l'article 1 de la convention no 98 portant sur la nécessité pour les travailleurs de bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination antisyndicale, y compris l'exercice de pressions pour qu'ils ne s'affilient pas à un syndicat ou cessent d'en faire partie. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour diligenter une enquête indépendante à cet égard et, au cas où la véracité de ces allégations serait vérifiée, d'assurer la mise en œuvre des sanctions administratives et judiciaires prévues dans ce cas, et, enfin, de faire en sorte que ces actes ne soient plus commis à l'avenir. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation.

Recommandations du comité

323. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 2006

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Pakistan
présentée par
- la Fédération des syndicats du Pakistan (APFTU) et
- la Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz, de l'acier
et de l'électricité (FOGSEW-Pakistan)

Allégations: déni du droit syndical et du droit de négociation collective
aux travailleurs de l'Agence de développement des ressources
en eau et de l'énergie du Pakistan (WAPDA) et
de la Compagnie de l'électricité de Karachi (KESC)

324. Dans une communication datée du 11 février 1999, la Fédération des syndicats du Pakistan (APFTU) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Pakistan. L'Internationale des services publics (ISP) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) se sont associées à cette plainte, par leurs communications datées respectivement des 16 février et 27 avril 1999. L'APFTU a fourni des informations complémentaires dans ses communications datées des 8 et 10 avril, 25 mai et 25 juin 1999. La Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz, de l'acier et de l'électricité (FOGSEW-Pakistan) a également présenté une plainte pour infractions à la liberté syndicale par communication datée du 8 juin 1999.

325. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication du 2 septembre 1999.

326. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

327. Dans sa plainte, l'APFTU déclare que le gouvernement, par l'ordonnance présidentielle no XX du 22 décembre 1998 (une copie de cette ordonnance présidentielle est annexée à la plainte) suspendant les droits de se syndiquer et de négocier collectivement pour plus de 130 000 travailleurs employés par la plus grande entreprise publique du pays, l'Agence de développement des ressources en eau et de l'énergie du Pakistan (WAPDA), qui assure la production, le transport et la distribution de l'électricité, le développement des ressources en eau et d'autres services, a violé les conventions nos 87 et 98.

328. Plus précisément, l'APFTU allègue que cette ordonnance présidentielle a suspendu l'application à l'égard de la WAPDA de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail, laquelle réglemente la formation, l'enregistrement et le fonctionnement d'une organisation syndicale en tant qu'agent de négociation collective ainsi que l'application des conventions collectives conclues entre un syndicat et l'employeur. L'APFTU allègue en outre que l'application à l'égard de la WAPDA de l'ordonnance de 1968 (portant règlement permanent) de l'emploi dans l'industrie et le commerce, qui concerne la sécurité de l'emploi des travailleurs, a été suspendue par l'ordonnance présidentielle no XX et que, d'autre part, des modifications ont été apportées à la loi de 1958 (art. 17-1A) portant création de la WAPDA, de sorte qu'il est devenu possible à la WAPDA de mettre un terme aux services de ses salariés par voie de mise à la retraite sans avoir à spécifier aucun motif. L'APFTU ajoute que les droits qui étaient reconnus à son affilié, le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA, en qualité d'agent de négociation collective, ont été annulés. L'APFTU souligne que le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA, qui est le plus important syndicat de branche du pays, représente depuis cinquante ans les intérêts des travailleurs de la WAPDA et venait à nouveau d'être déclaré agent de négociation collective pour ces travailleurs à l'issue d'un référendum tenu au niveau national le 29 décembre 1997. L'APFTU indique que la direction de la WAPDA a, quant à elle, émis une directive stipulant que l'ordonnance présidentielle no XX suspendait à l'égard de l'entreprise l'application de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail et de l'ordonnance de 1968 (portant règlement permanent) de l'emploi dans l'industrie et le commerce pour une période de deux ans à compter du 22 décembre 1998 (une copie de cette directive est jointe à la plainte).

329. L'APFTU allègue ensuite que l'ordonnance présidentielle no XX a placé la gestion de la WAPDA sous l'autorité des forces armées. Le gouvernement a en effet recruté environ 35 000 militaires pour administrer la WAPDA, soi-disant dans le but de mettre un terme au piratage d'électricité. L'APFTU souligne cependant que le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA coopérait avec la direction pour éliminer ces piratages. De plus, les militaires auraient été recrutés par le gouvernement moyennant des salaires exorbitants, auxquels se seraient ajoutées des primes dont le montant serait 150 fois supérieur à celles qui étaient accordées aux salariés ordinaires de la WAPDA.

330. L'APFTU affirme que la promulgation de l'ordonnance présidentielle no XX a eu en corollaire les graves suites détaillées ci-après. Dans une communication datée du 7 février 1999, la direction principale de la WAPDA a adressé à tous les directeurs généraux, directeurs exécutifs et chefs de division une directive stipulant qu'«aucune cotisation syndicale ne saurait désormais être déduite des salaires des travailleurs, puisque les activités syndicales sont interdites pour une durée de deux ans avec effet à compter du 22 décembre 1998» (une copie de cette directive est jointe à la plainte). Dans une notification datée du 20 mars 1999, le Greffier adjoint de la Commission nationale des relations du travail a annulé l'enregistrement du Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA et annoncé que ce syndicat cessait d'exister avec effet à compter du 22 décembre 1998 (une copie de cette notification d'annulation de l'enregistrement est jointe à la plainte). L'APFTU déclare que son affilié a fait appel de cette décision devant la Haute Cour de Lahore et enfin que, par communication datée du 5 mai 1999, la direction de la WAPDA a ordonné la fermeture de tous les centres sociaux des diverses centrales électriques, qui permettaient jusque-là aux travailleurs de la WAPDA d'avoir des activités de loisirs (une copie de cette communication est jointe à la plainte).

331. En dernier lieu, l'APFTU affirme que, bien que l'ordonnance présidentielle no XX du 22 décembre 1998 soit arrivée à échéance le 22 avril 1999, le gouvernement a promulgué le 24 mai 1999 l'ordonnance no V de 1999 ayant la même teneur, le même objectif et les mêmes effets que la précédente. L'APFTU estime que le gouvernement doit annuler ces mesures qui, outre qu'elles constituent une violation flagrante de la liberté syndicale, sont interprétées comme des restrictions inconstitutionnelles à l'égard de l'organisation qui lui est affiliée selon plusieurs composantes de la société civile, à savoir le président de la Commission des droits de l'homme du Pakistan, l'ancien président de la Haute Cour du Pakistan et le doyen du Barreau près la Cour suprême.

332. Dans sa communication datée du 8 juin 1999, la Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz, de l'acier et de l'électricité (FOGSEW-Pakistan) dénonce le fait qu'aux termes de deux ordonnances présidentielles promulguées le 27 mai 1999 le gouvernement a exclu la Compagnie de l'électricité de Karachi (KESC) du champ d'application de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail et a autorisé la direction de cette entreprise à mettre à la retraite n'importe lequel de ses salariés sans avoir à donner de motif. Cette grave décision a eu pour corollaire la fermeture forcée du local du syndicat en position d'agent de négociation collective ainsi que l'interdiction de ce syndicat par la nouvelle direction de la KESC avec effet à compter du 31 mai 1999. Ainsi, son affiliée, la KESC Democratic Mazdoor Union, élue en bonne et due forme comme agent négociateur au sein de l'entreprise au terme d'un référendum tenu le 23 février 1999, a subi un grave préjudice du fait de ces mesures gouvernementales. La FOGSEW considère que ces très graves atteintes aux droits syndicaux justifient la constitution d'une commission d'enquête contre le gouvernement du Pakistan.

B. Réponse du gouvernement

333. Dans sa communication du 2 septembre 1999, le gouvernement commence par donner des informations de caractère général sur la WAPDA. Il indique que cette compagnie a été créée par la loi de 1958 pour développer les ressources en eau et en énergie du pays. A cette fin, elle a réalisé et exploite aujourd'hui des retenues, des barrages, des canaux, des puits, des centrales électriques, des stations de distribution, des lignes de transport et de distribution de l'électricité au service de plusieurs secteurs: international, agricole, commercial et intérieur. Le gouvernement souligne que la WAPDA a contribué largement au développement de l'économie du pays grâce à la réalisation de sept barrages, 14 centrales thermoélectriques, 11 centrales hydroélectriques et 456 sous-stations de distribution. A ce titre, la WAPDA peut légitimement être présentée comme l'épine dorsale de l'économie du Pakistan.

334. Ensuite, le gouvernement décrit succinctement l'organisation administrative de la WAPDA. Cette compagnie, qui a à sa tête un président et un vice-président, s'articule selon trois volets - un pour chacune des branches que constituent l'énergie, l'eau et les finances - qui sont placés sous l'autorité de directeurs exécutifs et de directeurs généraux exerçant chacun leur action dans leur domaine de compétence. L'effectif total des salariés s'élève à 137 693: a) celui des cadres, relevant des catégories 16 à 21 du barème de rémunération élémentaire, à 8 816; b) celui des salariés (ouvriers), relevant des catégories 1 à 16, à 128 877; et enfin c) celui des salariés syndiqués à 95 545.

335. Le gouvernement indique que la capacité électrique installée du Pakistan est de 14 957 mégawatts. La production varie en fonction de la demande. L'estimation des pertes d'électricité pour raisons techniques telles que les pertes dans les lignes et dans le réseau s'élève à 20 pour cent. Le piratage ou vol de courant ajoute encore 20 pour cent à ce chiffre. Le piratage a été rendu possible par la complicité active du personnel de terrain de la WAPDA - des personnes ayant un contact direct avec le public. Les conséquences d'un tel piratage de l'électricité sont: a) un manque à gagner pour la compagnie, qui la handicape non seulement dans la prestation de ses services mais aussi pour ce qui est de l'amélioration du réseau en vue de la réduction des pertes techniques; b) la multiplication des délestages, surtout pendant les mois d'été, alors que les températures dépassent les 40 degrés centigrades presque partout dans le pays - dans le secteur rural, qui dépend largement de l'eau amenée par canalisation ou des nappes phréatiques, les délestages de courant compromettent gravement la production agricole du fait que les puits de pompage restent inactifs pendant de longues périodes; et c) un accroissement du nombre des plaintes des consommateurs.

336. Le gouvernement explique que le piratage revêt le plus souvent les formes suivantes: a) raccordements non autorisés; b) manipulation du compteur; et c) falsification des factures - et que ce sont les gens ordinaires qui font les frais de ces pratiques. Le public a rapidement perdu confiance dans la capacité de la WAPDA de s'acquitter de sa mission. Des groupements de consommateurs ont de plus en plus fréquemment réclamé la privatisation de cette compagnie, dont la viabilité s'est trouvée gravement compromise par une corruption rampante et une inefficacité à tous les niveaux et par le manque à gagner qui en résultait.

337. Le gouvernement déclare que, fin 1998, le déficit de la WAPDA atteignait 45 milliards de roupies (environ 870 millions de dollars E.-U.). S'il avait laissé faire, ce déficit aurait atteint 74 milliards de roupies (environ 1,43 milliard de dollars E.-U.) en juin 1999. La catastrophe financière qui s'en serait suivie aurait abouti à la liquidation de la WAPDA et, comme la compagnie n'aurait pas eu les fonds nécessaires au paiement des salaires, des dizaines de milliers d'emplois auraient été perdus, le pays entier s'en serait trouvé paralysé et la vie même de la société serait devenue pratiquement impossible.

338. Le gouvernement évoque la part de responsabilité des syndicats dans ces pratiques. Alors que la direction de la WAPDA avait vainement tenté par diverses mesures de rétablir la viabilité financière de la compagnie et d'introduire une culture d'efficacité, de responsabilité et de discipline, la direction n'a pas pu prendre de sanctions disciplinaires à l'encontre des éléments délinquants et corrompus essentiellement en raison des interférences et pressions syndicales. Il était ainsi devenu pratiquement impossible de muter dans une autre région un contrôleur de compteurs ou un tireur de lignes corrompu, ce qui avait conduit l'administration de la WAPDA à une paralysie presque totale. Aucune menace de sanctions disciplinaires n'avait plus prise sur les contrôleurs et autres employés de cette catégorie, lesquels usaient de leur appartenance syndicale pour s'y soustraire. A l'occasion, des militants du syndicat en situation d'agent de négociation collective protégeaient ces éléments, ce qui ne pouvait que contribuer à perpétuer la gabegie et les vols massifs d'électricité. Alors que la Commission nationale des relations du travail (NIRC) n'avait approuvé la désignation que de 75 délégués syndicaux comme agents négociateurs, ce dernier en nomma plus de 10 000 aux différents degrés de la hiérarchie. Les pressions syndicales interdisaient à la direction toute mutation de ces délégués syndicaux, alors que certains d'entre eux étaient directement impliqués dans la protection d'éléments corrompus agissant au sein de la WAPDA.

339. Pour éviter l'effondrement total de la WAPDA, qui aurait entraîné beaucoup de souffrances humaines et de crises économiques, le gouvernement fédéral a dû recourir à l'assistance des forces armées, dans les conditions prévues par l'article 245 de la Constitution de la République islamique du Pakistan(1) . L'armée a donc reçu l'ordre d'aider la direction de la WAPDA à rétablir une situation financière saine dans cette entreprise en mettant un terme au piratage ou vol de courant. Le gouvernement souligne qu'il a agi en dernier recours et uniquement pour rétablir la viabilité de la WAPDA.

340. L'implication de l'armée dans la WAPDA s'est effectuée en deux phases. Au cours de la première, qui s'est achevée le 25 juillet 1999, 31 444 militaires ont été détachés auprès de cet organisme. Après le 25 juillet 1999, 10 pour cent seulement environ de ces personnels ont été maintenus en place, les autres ayant regagné leurs unités. Les militaires ont aidé l'entreprise à: a) supprimer les raccordements non autorisés, qui se chiffraient, ainsi qu'il est apparu, par dizaines de milliers; b) remplacer les compteurs défectueux; c) établir une facturation correcte dans les délais réglementaires; d) assurer le contrôle des compteurs par des équipes de surveillance; e) assurer le recouvrement des sommes dues en cas de découverte de vols; f) assurer l'entretien du réseau pour réduire les pertes techniques; et g) mener une campagne de recouvrement des créances publiques.

341. Le gouvernement déclare que la campagne lancée par l'armée et les équipes de la WAPDA a eu les résultats suivants: a) une progression de 43 pour cent de la facturation et des encaissements sur la période janvier-juin 1999, par rapport à la même période de 1998, soit, en chiffres absolus, de plus de 20,9 milliards de roupies (environ 400 millions de dollars); b) une réduction de 93 milliards de roupies (1,7 milliard de dollars) des impayés; c) plus de 7 pour cent de diminution des pertes sur le réseau; et d) une réduction du piratage à moins de 1 pour cent.

342. Outre le renversement des tendances négatives, les éléments positifs suivants ont été constatés: a) 406 805 nouveaux raccordements ont été effectués au cours de la période janvier-juin 1999, contre 235 066 pour la même période en 1998; b) les plaintes de la part des usagers sont tombées à 48 837; et c) aucun délestage n'est plus pratiqué où que ce soit dans le pays.

343. Pour ce qui est du statut actuel du syndicat au sein de la WAPDA, le gouvernement fait valoir que les activités de ce syndicat ont été seulement suspendues pour une durée limitée en réponse à une situation spécifique. Il souligne que l'ordonnance no XX de 1998 n'abroge pas le droit pour les travailleurs de se syndiquer puisque la structure administrative légale du syndicat reste intacte. De plus, le statut d'agent négociateur du syndicat, qui a pour secrétaire général M. Khurshid Ahmed, reste pratiquement non affecté. Ce syndicat continue de représenter les travailleurs devant toutes les instances. Son secrétaire général a notamment participé comme délégué à la 87e session de la Conférence internationale du Travail cette année pour représenter les travailleurs du Pakistan. A cela s'ajoute qu'après la suspension des activités syndicales aucune mesure n'a été prise à l'encontre de l'un quelconque des membres du syndicat en raison de l'exercice de son droit légitime de se syndiquer. En fait, pas un seul cas de recours à la force, pas une seule mesure d'emprisonnement et pas un seul acte de harcèlement n'a été relevé. Les relations entre la direction et les travailleurs sont restées saines et constructives. Des commissions, dans lesquelles les travailleurs participent de manière officielle, ont été constituées au niveau des compagnies de distribution. Ces commissions fonctionnent, témoignant de ce fait du dialogue entre le patronat et les salariés. Enfin, la situation reste constamment sous observation. Il n'est pas exclu, moyennant la coopération et le soutien des travailleurs, de rétablir entièrement les activités syndicales avant l'échéance du délai de deux ans spécifié par l'ordonnance no XX de 1998.

344. Le gouvernement précise néanmoins qu'en raison de la gravité de la situation, qui était telle que l'entreprise avait besoin d'un certain délai pour redevenir viable et productive, l'ordonnance no XX de 1998 a fait l'objet d'une nouvelle promulgation en tant qu'ordonnance no V (1999) avec effet à compter du 24 mai 1999. Conformément à la Constitution, la durée d'une ordonnance est de quatre mois, de sorte que les mesures prises par le gouvernement au sujet de la WAPDA ont essentiellement un caractère temporaire.

345. Dans ses conclusions, le gouvernement déclare que c'est en dernier recours qu'il s'est prévalu des dispositions de l'article 245 de la Constitution. S'il ne l'avait pas fait, la WAPDA aurait cessé d'exister, avec des conséquences extrêmement graves non seulement pour les dizaines de milliers de ses salariés mais pour le pays tout entier. Tout en respectant pleinement le droit fondamental des travailleurs de se syndiquer, il estime que les décisions qu'il a prises en ce qui concerne la WAPDA, qui revêtaient un caractère exceptionnel, étaient essentielles pour le bien-être de la société et la santé de l'économie du pays. Enfin, il s'est déclaré disposé à rétablir le syndicat de la WAPDA dès que la situation financière de cet organisme le permettrait, et même avant l'échéance du délai de deux ans spécifié par l'ordonnance no XX du 22 décembre 1998.

C. Conclusions du comité

346. Le comité note que le présent cas porte sur le déni des droits des travailleurs de l'Agence de développement des ressources en eau et de l'énergie du Pakistan (WAPDA) et de la Compagnie de l'électricité de Karachi (KESC) de se syndiquer et de négocier collectivement, en conséquence de la promulgation des ordonnances présidentielles soustrayant ces deux entreprises publiques du champ d'application de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail.

347. En ce qui concerne la situation des travailleurs de la WAPDA, le comité note qu'aux dires de la Fédération des syndicats du Pakistan (APFTU) l'ordonnance présidentielle no XX en date du 22 décembre 1998 suspendait, pour les quelque 130 000 travailleurs de la WAPDA, les droits de se syndiquer et de négocier collectivement du fait qu'elle suspendait l'application à cette entreprise de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail, laquelle réglemente la formation, l'enregistrement et le fonctionnement d'une organisation syndicale en tant qu'agent de négociation collective, de même que l'application des conventions collectives conclues entre un syndicat et l'employeur. Le comité note que le gouvernement ne réfute pas cette affirmation et que, bien au contraire, il semble justifier la promulgation de l'ordonnance présidentielle no XX en indiquant que cette mesure, qui revêtait un caractère exceptionnel, s'imposait pour le bien-être de la société et la santé de l'économie du pays. Sur ce point, le comité rappelle que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a souligné que les conventions sur la liberté syndicale ne contiennent pas de dispositions permettant d'invoquer l'excuse d'un état d'exception pour motiver une dérogation aux obligations découlant des conventions aux termes de celles-ci ou une suspension de leur application. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 186.] Cependant, en ce qui concerne les pays qui se trouvent dans un état de crise politique ou viennent de passer par une période de troubles graves (guerre civile, révolution, etc.), le comité a considéré nécessaire, en étudiant les diverses mesures prises par les gouvernements, y compris certaines mesures à l'encontre d'organisations syndicales, de tenir compte de telles circonstances exceptionnelles pour se prononcer sur les plaintes quant au fond. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 197.] En l'espèce, le comité ne considère pas que le piratage d'électricité au préjudice de la WAPDA et le manque à gagner qui en résulte constituent des circonstances d'une gravité telle qu'elle justifierait des restrictions des droits de se syndiquer et de négocier collectivement. De plus, sans méconnaître que, aux dires du gouvernement, un certain nombre de militants du syndicat en situation d'agent de négociation collective (le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA) étaient directement ou indirectement impliqués, au sein de cette entreprise, dans des faits de corruption ayant pour conséquence des vols massifs d'électricité, le comité estime que le fait de priver de leur organisation syndicale plusieurs milliers de travailleurs au motif des activités illégales menées par certains de ses dirigeants ou membres constitue une claire violation des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 667.] Le comité considère que, dans le cas où il aurait été avéré que certains membres du syndicat ont commis des actes outrepassant l'activité syndicale normale, des poursuites auraient pu être engagées sur le fondement de dispositions précises de la loi et selon la procédure judiciaire normale, sans que cela n'entraîne la suspension, puis la dissolution de l'ensemble d'un mouvement syndical. [Voir rapport de la Commission d'enquête sur l'observation par la Pologne des conventions nos 87 et 98, Bulletin officiel (vol. LXVII), 1984, paragr. 492.]

348. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle l'ordonnance no XX de 1998 n'abroge pas le droit, pour les travailleurs, de se syndiquer et que la structure administrative légale du syndicat reste intacte. Le comité souligne tout d'abord que cette déclaration est contradictoire dans la mesure où le gouvernement reconnaît lui-même dans sa réponse que les activités syndicales au sein de la WAPDA ont été suspendues, quand bien même cette décision résulte d'une situation spécifique. En outre, de l'avis du comité, l'affirmation du gouvernement selon laquelle l'ordonnance présidentielle no XX n'abroge pas le droit pour les travailleurs de se syndiquer ne semble pas reposer sur des faits. Le comité note que, selon les allégations de l'APFTU - sur lesquelles le gouvernement ne fait aucun commentaire -, la direction de la WAPDA a décidé, aux termes d'une directive de février 1999, que les cotisations syndicales ne seraient désormais plus déduites des salaires des travailleurs en conséquence de l'ordonnance présidentielle no XX (voir annexe I). La direction de la WAPDA a par ailleurs décidé par une autre directive, de mai 1999, de la fermeture de tous les centres sociaux des différentes centrales énergétiques. Le comité considère que la suspension de la pratique de déductions des cotisations syndicales, conjuguée à la suspension des activités syndicales, compromet l'existence même de l'affilié de l'APFTU, le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA. Enfin, il ne voit pas comment la structure administrative légale du syndicat resterait intacte à partir du moment où le Greffier adjoint de la Commission des relations du travail a annulé l'enregistrement du syndicat, en mars 1999 (voir annexe II). Sur ce plan, le comité souligne que l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat par le Greffier (ou le Greffier adjoint) des syndicats équivaut à la suspension ou à la dissolution de cette organisation par l'autorité administrative, ce qui constitue une claire violation de l'article 4 de la convention no 87 et du principe selon lequel l'annulation de l'enregistrement d'un syndicat ne peut se faire que par la voie judiciaire. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 669 et 670.] En l'espèce, le comité note que le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de la WAPDA a fait appel devant la Haute Cour de Lahore de la décision du Greffier adjoint. Le comité prie le gouvernement de lui faire connaître le verdict que la Haute Cour de Lahore aura rendu.

349. Pour toutes les raisons susmentionnées, le comité regrette profondément la promulgation de l'ordonnance présidentielle no XX de 1998, qui a suspendu les droits syndicaux des travailleurs de la WAPDA et a empêché le Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques de cette entreprise de mener ses activités syndicales normales, notamment de percevoir ses cotisations. Il prie instamment le gouvernement de s'abstenir à l'avenir de recourir à des mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative, qui constituent de graves atteintes aux principes de la liberté syndicale. Il note que l'ordonnance présidentielle no XX est venue à échéance le 22 avril 1999 du fait que, en vertu de la Constitution du Pakistan, une telle ordonnance a une durée d'effet de quatre mois. Le comité constate cependant avec grave préoccupation que l'ordonnance no XX de 1998 a été à nouveau promulguée par l'ordonnance no V de 1999, prenant effet à compter du 24 mai 1999. Il prie le gouvernement de confirmer que cette ordonnance no V est devenue caduque le 24 septembre 1999 et, dans la négative, il le prie instamment de l'abroger immédiatement afin de rétablir l'enregistrement du Syndicat des travailleurs des centrales électriques de WAPDA. Il le prie également de rétablir sans tarder la pratique de déduction des cotisations syndicales à la source. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour donner effet à ces recommandations.

350. Le comité note avec grave préoccupation que, selon les allégations contenues dans la communication de la Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz, de l'acier et de l'électricité (FOGSEW-Pakistan) en date du 8 juin 1999, le gouvernement a exclu la Compagnie de l'électricité de Karachi (KESC) du champ d'application de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail en prenant deux ordonnances présidentielles, promulguées le 27 mai 1999, ayant eu pour répercussion l'interdiction de l'affilié de la FOGSEW, le KESC Democratic Mazdoor Union, par la nouvelle direction du KESC à compter du 31 mai 1999. Constatant que le gouvernement n'a pas répondu à ces graves allégations, le comité le prie instamment de communiquer sans délai ses observations à ce sujet.

351. Le comité déplore en outre le fait que certains dirigeants syndicaux de WAPDA et de KESC ont été obligés de prendre une retraite anticipée.

Recommandations du comité

352. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à faire siennes les recommandations suivantes:

Annexe I

Agence de développement des ressources
en eau et de l'énergie du Pakistan (WAPDA)
Direction du personnel et des affaires sociales
WAPDA Sunny View Lahore

No DLW-09770/1517-1816

Date: 7 février 1999

Directive administrative

Il a été signalé à de nombreuses reprises que notre circulaire no DLW-09720/35-1385 datée du 8 janvier 1999 n'est appliquée ni dans sa lettre ni dans son esprit.

Du fait de la promulgation de l'ordonnance no XX de 1998, il n'existe pas de syndicats fonctionnant au sein de la WAPDA. De tels syndicats ne peuvent exercer aucune fonction dans les établissements de la WAPDA. Il est rappelé clairement qu'aucune cotisation syndicale ne saurait désormais être déduite des salaires des travailleurs puisque les activités syndicales sont interdites pour une durée de deux ans avec effet à compter du 22 décembre 1998.

Tous les directeurs généraux/directeurs exécutifs et chefs de division sont priés de veiller à la stricte application de l'ordonnance no XX de 1998.

Shabbir Ahmed,
Directeur (personnel et questions sociales),
WAPDA.

Annexe II

No 3(19)/73
Gouvernement du Pakistan
Commission nationale des relations du travail
Secteur G-5/2, Islamabad

De: M. Zakaullah Khan Khalil
Greffier adjoint

Date: le 20 mars 1999

Le secrétaire général
Syndicat des travailleurs
des centrales hydroélectriques du Pakistan
Bakhtiar Labour Hall,
28 Nisbat Road, Lahore

Objet: Syndicat des travailleurs des centrales
hydroélectriques du Pakistan

Le soussigné est chargé de déclarer que, par effet de l'ordonnance no XX de 1998, entrant en vigueur le 22 décembre 1998, un nouvel article 17A est inséré dans la loi WP XXXI de 1958. L'article en question a la teneur suivante:

Certaines lois ne doivent pas s'appliquer à l'emploi au sein de la Compagnie: aucune disposition de l'ordonnance de 1968 du Pakistan occidental (portant règlement permanent) de l'emploi dans l'industrie et le commerce (ordonnance WP VI de 1968) ou de l'ordonnance de 1969 sur les relations du travail (XXXIII de 1969) ne s'applique à ou en relation avec la compagnie ou l'un des responsables ou salariés engagés par elle.

Par la présente, vous êtes avisés qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance susmentionnée votre syndicat, le «Syndicat des travailleurs des centrales hydroélectriques du Pakistan», enregistré par la commission sous le certificat no 46/73 en qualité de syndicat de branche des travailleurs employés par la WAPDA, a cessé d'exister avec effet à compter du 22 décembre 1998 du fait que l'ordonnance de 1969 n'est pas applicable à l'emploi dans cet établissement.

Par ordre de la commission
(Zakaullah Khan Khalil)
Greffier adjoint

cc: le Président de la WAPDA, Maison de la WAPDA, Lahore

Cas no 1931

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Panama
présentée par
- l'Organisation internationale des employeurs (OIE) et
- le Conseil national de l'entreprise privée du Panama (CONEP)

Allégations: législation limitant les droits des employeurs
et de leurs organisations

353. Le comité a examiné ce cas pour la première fois à sa session de mai 1998 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. [Voir 310e rapport, paragr. 474 à 507, approuvé par le Conseil d'administration à sa 272e session (juin 1998).]

354. Le gouvernement a fait parvenir par la suite de nouvelles observations dans une communication du 18 mai 1999.

355. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

356. Lors de son examen antérieur du cas, le comité a formulé les conclusions suivantes sur les allégations en suspens. [Voir 310e rapport, paragr. 498 à 501.]

357. Compte tenu de ces conclusions provisoires sur ces aspects du cas, le comité a invité le Conseil d'administration, en juin 1998, à approuver les recommandations suivantes [voir 310e rapport, paragr. 507]:

358. Par ailleurs, à sa session de mars 1999, le comité, tout en prenant note du fait que le gouvernement avait demandé l'assistance technique du Bureau, a prié le gouvernement de répondre aux questions soulevées dans ce cas afin que l'assistance technique demandée puisse se fonder sur les conclusions et recommandations définitives du comité. [Voir 313e rapport du comité, paragr. 5.]

B. Réponse du gouvernement

359. En ce qui concerne les demandes d'informations formulées par le comité lors de son examen antérieur du cas quant au fond, le gouvernement se réfère, dans sa communication du 18 mai 1999, aux articles 510 et 511 du décret ministériel no 252 de 1971 (Code du travail) relatifs à l'imputabilité de la grève à l'employeur.

360. A propos de ces articles, le gouvernement indique que l'imputabilité de la grève est un processus juridictionnel qui relève des tribunaux du travail, avec comme voie de recours la possibilité d'interjeter appel auprès des tribunaux supérieurs du travail et de former un pourvoi en cassation auprès de la troisième chambre de la Cour suprême de justice. Il s'agit d'une procédure sommaire qui suppose un jugement rapide établissant, de la part des travailleurs, que la grève a été déclenchée en raison de la non-exécution «de la convention collective, de l'arrangement direct ou de la sentence arbitrale», ou de l'inobservation de dispositions légales «violées de manière générale ou réitérée» par l'employeur, cela ayant été traité sans que l'on puisse parvenir à un accord dans le cadre de la procédure de conciliation engagée à la suite de la présentation du cahier de revendications. Il peut également être établi que l'employeur n'a pas répondu au cahier de revendications ou a abandonné la procédure de conciliation.

361. Le gouvernement ajoute que, de la même manière, la grève fournit des motifs d'imputabilité, énoncés à l'article 511, tel le fait de ne pas permettre la fermeture de l'entreprise, laquelle est un effet immédiat de la grève, ou d'établir de nouveaux contrats de travail pour assurer la reprise des travaux interrompus par la grève, sauf s'il s'agit de contrats destinés à «éviter des dommages irréparables aux machines et aux éléments de base», lorsque les grévistes n'autorisent pas ces travaux et que les autorités administratives considèrent qu'ils revêtent un caractère d'urgence. En ce cas, l'employeur demande aux autorités administratives l'autorisation d'effectuer ces travaux. La plupart du temps, lorsque la demande est agréée, la direction s'efforce de faire appel au personnel de l'entreprise pour l'exécution de ces travaux, lesquels doivent être des travaux d'entretien et non de production. La grève est également imputée à l'employeur lorsque ce dernier empêche les travailleurs d'accomplir les activités indiquées à l'article 496 du Code du travail, à savoir:

En outre, si l'employeur essaie d'empêcher la grève, celle-ci peut également lui être imputée.

362. Selon le gouvernement, l'imputabilité implique le paiement des salaires pendant la grève, ce que le tribunal décide en statuant sur l'imputabilité de la grève. En fait, la procédure a pour objet de déterminer si l'employeur répond ou non aux différents motifs d'imputabilité énoncés par la loi. Comme indiqué, cela passe par une procédure contentieuse, contradictoire, qui relève de l'organe judiciaire.

363. Le gouvernement précise qu'il n'existe pas, pour la période de négociation collective, d'organes «compétents en cas de violation de la loi ou des conventions collectives, en cas de conflits dans l'interprétation de leurs dispositions ou dans le cas où l'employeur omet de coopérer dans le processus de négociation collective». Cependant, la loi no 53 de 1975 dispose que le ministère du Travail et du Développement social est compétent pour connaître des procédures portant sur «l'interprétation en droit ou la validité des dispositions d'une convention collective ou d'un autre accord de nature collective». En outre, l'article 527 du Code du travail dispose que: «Toute personne cherchant à rendre effectif un droit, à faire déclarer l'existence de ce droit ou l'inexistence d'un droit contraire à ses intérêts, ou encore à faire déclarer l'existence ou l'inexistence d'une relation juridique qui l'intéresse ou qui l'affecte, ou à obtenir une quelconque déclaration l'intéressant ou l'affectant, peut s'adresser aux tribunaux de la façon prescrite dans le présent Code.» A cet égard, la question de savoir quel serait l'effet de l'une de ces procédures sur la présentation d'un cahier de revendications ou la réalisation d'une négociation collective ne s'est pas encore posée au Panama. Le traitement des revendications ou la négociation collective serait-il suspendu si la procédure portait sur les mêmes questions? Quelle est l'autorité compétente pour déterminer ces effets? Ces questions doivent être élucidées soit par la voie administrative, soit par la voie judiciaire.

C. Conclusions du comité

364. Le comité constate que les questions restées en suspens lors de l'examen antérieur du cas ont trait à la conformité des dispositions légales énonçant les cas où l'employeur est tenu de payer les salaires correspondant aux jours de grève avec les principes de la liberté syndicale. Concrètement, il s'agit des cas où la grève a pour but: 1) d'exiger l'exécution de la convention collective, de l'arrangement direct ou de la sentence arbitrale (art. 510 1) du Code); 2) d'obtenir l'exécution de dispositions légales violées de manière générale et réitérée dans l'entreprise (art. 510 1) du Code); 3) lorsque l'employeur n'a pas répondu au cahier de revendications ou a abandonné la procédure de conciliation (art. 510 2) du Code). A propos de ces questions, les organisations d'employeurs plaignantes ont signalé qu'avec la réglementation en vigueur les autorités administratives du travail ne sont pas habilitées à refuser un cahier de revendications défectueux faisant valoir des violations imaginaires ou non fondées des normes du travail; en de telles circonstances, la procédure de conciliation serait engagée, la grève pourrait être déclarée par la suite et l'employeur devrait verser les salaires pour les jours de grève.

365. En ce qui concerne l'allégation relative aux dispositions légales qui imposent à l'employeur de payer les salaires correspondant aux jours de grève, le comité prend note des déclarations du gouvernement et en particulier du fait que: 1) l'«imputabilité» de la grève (légale) à l'employeur est déclarée dans le cadre d'une procédure judiciaire sommaire au cours de laquelle les travailleurs doivent prouver les motifs d'imputabilité prévus dans la législation qui sont indiqués ci-après:

366. A cet égard, bien que la majorité des motifs d'imputabilité de la grève à l'employeur susmentionnés constituent des violations aux conventions nos 87 et 98 des actes illégitimes sanctionnés de différentes façons dans de nombreux pays pour violation du droit de grève, inobservation du devoir de bonne foi dans la négociation ou commission d'un autre type de pratiques déloyales, le comité estime que le fait d'obliger l'employeur à verser les salaires correspondant aux jours de grève dans les cas mentionnés, outre qu'il peut altérer l'équilibre des relations professionnelles et s'avérer trop coûteux pour l'employeur, pose des problèmes de conformité aux principes de la liberté syndicale, dans la mesure où ce versement ne devrait être ni interdit ni obligatoire [voir 307e rapport, cas no 1865, paragr. 223]; c'est pourquoi, cette question devrait être résolue par les parties. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour modifier la législation dans le sens indiqué.

367. Par ailleurs, le comité rappelle que les organisations d'employeurs plaignantes avaient souligné qu'avec la réglementation en vigueur les autorités administratives du travail ne sont pas habilitées à rejeter un cahier de revendications comportant des défauts dans lequel sont formulées des violations imaginaires ou non fondées des normes du travail; en de telles circonstances, la procédure de conciliation serait engagée, la grève pourrait être déclarée par la suite et l'employeur devrait verser les salaires pour les jours de grève. De même, le comité avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur l'existence de procédures ou organes compétents en cas de violation de la loi ou des conventions collectives, en cas de conflits dans l'interprétation de leurs dispositions ou dans le cas où l'employeur omet de coopérer dans le processus de négociation collective.

368. A cet égard, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles: 1) il n'existe pas, pour la période de négociation collective, d'organes «compétents en cas de violation de la loi ou des conventions collectives, en cas de conflits dans l'interprétation de leurs dispositions ou dans le cas où l'employeur omet de coopérer dans le processus de négociation collective»; 2) cependant, la loi no 53 de 1975 donne compétence au ministère du Travail et du Développement social pour statuer dans les procédures sur «l'interprétation en droit ou la validité des dispositions d'une convention collective ou d'un autre accord de nature collective»; 3) l'article 527 du Code du travail permet à toute personne intéressée de demander à l'autorité judiciaire de déclarer l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'une relation juridique ou tout autre type de déclaration. Néanmoins, le comité note que, d'après les déclarations du gouvernement, l'application dans la pratique des textes de lois mentionnés - en ce qui concerne en particulier les conflits de droits - n'a pas encore eu lieu d'être à ce jour et que les questions qui se posent (suspension éventuelle du traitement du cahier de revendications, organes compétents, etc.) doivent être élucidées le moment venu par la voie administrative ou par la voie judiciaire.

369. Dans ces conditions, le comité recommande au gouvernement de développer les normes et procédures existantes concernant les conflits de droits ou d'interprétation et d'instituer une procédure claire et rapide de vérification de l'inobservation des dispositions légales et des clauses des conventions collectives impliquant les organisations de travailleurs et d'employeurs qui permette d'éviter des conflits collectifs pour ces motifs. Eu égard aux conséquences sur le plan légal de l'absence de réponse de l'employeur au cahier de revendications ou de l'abandon par l'employeur de la procédure de conciliation, le comité considère que le fait de ne pas répondre à un cahier de revendications peut être considéré comme une pratique déloyale et contraire au principe de la bonne foi dans la négociation collective qui peut entraîner certaines sanctions prévues par la législation mais sans pour autant, comme on l'a vu auparavant, que l'employeur soit obligé légalement de payer les jours de grève, cette question devant être laissée aux parties concernées. En ce qui concerne l'abandon de la procédure de conciliation, le comité constate que la législation impose la conciliation obligatoire et empêche, quelles que soient les circonstances, l'employeur de l'abandonner sous peine d'être contraint de verser les salaires correspondant aux jours de grève, ce qui est non seulement disproportionné mais contraire au principe de la négociation collective volontaire, qui est consacré par la convention no 98. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement d'envisager la modification de la législation de façon à ce que: 1) l'absence de réponse à un cahier de revendications n'entraîne pas de sanctions disproportionnées, et 2) l'abandon de la procédure de conciliation par l'une des parties ne donne pas lieu à des sanctions disproportionnées.

370. En ce qui concerne la demande d'assistance technique du gouvernement, le comité rappelle que l'OIT est à sa disposition pour lui fournir toute l'assistance dont il peut avoir besoin pour procéder à un ajustement important de sa législation de manière à l'aligner sur les conventions ratifiées en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.

Recommandations du comité

371. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver le présent rapport, et en particulier les recommandations suivantes:

Cas no 1965

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Panama
présentée par
la Confédération internationale des syndicats libres (CISL)

Allégations: arrestation de syndicalistes et mauvais traitements

372. La plainte figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) du 19 mai 1998. Le gouvernement a fait connaître ses observations par des communications en date des 29 mai, 17 novembre 1998 et 25 mai 1999.

373. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

374. Dans sa communication du 19 mai 1998, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) fait état de la détention pendant cinq jours de 13 dirigeants ou adhérents du Syndicat unique national des travailleurs de l'industrie de la construction et des secteurs apparentés (SUNTRACS), arrêtés le 20 janvier 1998 au cours d'une manifestation pacifique (dans le cadre d'une grève dans l'entreprise de construction Aribesa, secteur de Los Lagos, province de Colón) qui se déroulait dans des rues voisines du chantier de construction de logements de l'entreprise. Ces personnes sont les suivantes: Marcos Andrade, dirigeant national; Javier Méndez, travailleur membre du syndicat; Julio E. Trejos, représentant syndical; Juan C. Salas, représentant syndical; Luis Avila, représentant syndical; Alejandro De la Rosa, travailleur membre du syndicat; Darío Melle, travailleur membre du syndicat; Efraín Ballesteros, représentant syndical; Martín Montaño, travailleur membre du syndicat; Aníbal Alvarado, travailleur membre du syndicat; Luis González, représentant syndical; Tomas Mendoza, représentant syndical; Fernando Tlubet, dirigeant national. La CISL ajoute que, durant leur détention, ces personnes ont été soumises à des conditions inhumaines, sans eau ni sanitaires, et que M. Luis González ainsi que d'autres personnes ont été frappés et victimes de mauvais traitements de la part de la police nationale. Selon le plaignant, la grève avait été déclenchée pour protester contre le non-respect par l'entreprise de certaines conditions de travail - paiement de la cotisation sociale, fourniture d'équipements de sécurité, licenciement de travailleurs, paiement des primes de maternité, paiement des travailleurs recrutés par des sous-traitants.

375. La CISL ajoute que le 21 janvier, c'est-à-dire le lendemain des manifestations de protestation, la police nationale a pénétré dans le local du SUNTRACS, dans la ville de Colón, et y a arrêté 12 syndicalistes. Le mandat d'arrêt émanait du maire de la ville de Colón. Parmi les personnes arrêtées figurent Carlos Agrazal, représentant; Nicolás Romero, représentant syndical; Darío Ulate, travailleur membre du syndicat; Saúl Méndez, secrétaire de défense nationale; Luis F. Araúz; Valentín Sanjur; Sixto Ferreira; Pormilio Beitia; Alberto Gálvez, militant des droits de l'homme; Juan Rosero; Sebastián Hernández; Guillermo Ortega. Les personnes arrêtées ont été le jour même traduites devant un tribunal et condamnées à cinq jours de prison sans possibilité de commutation.

376. Selon le secrétaire général du SUNTRACS, ces personnes ont été condamnées à une peine de prison pour avoir bloqué les voies publiques, porté atteinte à l'autorité et troublé l'ordre public; le 27 janvier 1998, le syndicat a porté plainte auprès du Procureur général de la nation pour abus d'autorité et excès de pouvoir contre le maire de Colón, le juge ayant prononcé la peine et contre la magistrature de Cristóbal.

B. Réponse du gouvernement

377. Dans ses communications des 14 mai, 17 novembre 1998 et 25 mai 1999, le gouvernement indique que le conflit auquel se réfère la plainte tire son origine du licenciement de cinq travailleurs de l'entreprise Aribesa le 16 janvier 1998. Les 17, 19 et 20 janvier, les travailleurs ont paralysé le chantier de Los Lagos, à la suite de quoi l'entreprise a décidé de licencier tous les travailleurs. Le 20 janvier 1998, le SUNTRACS a présenté un cahier de revendications contre l'entreprise Aribesa pour violation des accords conclus et de la convention collective du travail. L'entreprise a répondu le 27 janvier, dans les délais prévus par la loi, en réfutant tout ce qui lui était reproché. Les négociations concernant le cahier de revendications ont commencé le 30 janvier. Le syndicat a exigé la réintégration de tous les travailleurs licenciés et a demandé que soit étudié séparément le cas des cinq travailleurs licenciés le 16 janvier, ce à quoi l'entreprise s'est déclarée disposée. Le 2 février, les négociateurs désignés par l'entreprise ne se sont pas présentés à la réunion de conciliation. Le jour suivant, l'entreprise a demandé la suspension des négociations jusqu'au lendemain en annonçant qu'elle ferait alors connaître sa réponse concernant la réintégration des travailleurs licenciés, l'application de l'accord signé avec le syndicat le 6 janvier 1998, le paiement de 6 pour cent et le paiement de la location de l'outillage. Le 4 février, l'entreprise s'est engagée à respecter les accords signés le 6 janvier 1998, et ce entre le 6 et le 9 février, mais elle a refusé tout net de négocier la réintégration de tous les travailleurs licenciés; les deux parties, syndicat et entreprise, ont alors décidé de mettre un terme à la négociation, même si celle-ci aurait pu se poursuivre jusqu'au 11 février, compte tenu du délai de quinze jours prévu au paragraphe 1 de l'article 443 du Code du travail. A compter du 4 février, le syndicat disposait de vingt jours ouvrables pour déclencher une grève. Les négociations se sont déroulées dans un climat tendu, les deux parties, syndicat et entreprise, se rejetant mutuellement les responsabilités, et aucun accord n'a finalement été conclu sur les revendications. En résumé, les négociations n'ont abouti à aucun accord en ce qui concerne la réintégration des travailleurs licenciés car, de l'avis de l'entreprise, ces licenciements étaient conformes à la loi. Finalement, le syndicat a lancé un mot d'ordre de grève pour le 17 février 1998. Tout au long de ce processus, les autorités ont essayé de favoriser un accord entre les deux parties.

378. Le gouvernement explique que, durant les premiers jours du conflit, au cours des manifestations de protestation qui ont eu lieu dans les rues de la ville de Colón, au milieu de janvier 1998, les travailleurs de l'entreprise et les membres du SUNTRACS se sont livrés à des actes de violence et à la destruction de biens privés et se sont heurtés à un groupe de travailleurs qui suivait le dirigeant Marcos Allen et que l'entreprise entendait recruter pour remplacer les travailleurs membres du SUNTRACS. Ces actes sont incompatibles avec les procédures auxquelles les travailleurs peuvent recourir, conformément au Code du travail, pour faire valoir leurs droits; ils portent atteinte au droit constitutionnel de liberté de circulation et ils ont occasionné des dégâts et la destruction de biens appartenant à autrui. C'est ce qui a conduit le maire de la ville à ordonner l'arrestation d'une vingtaine de travailleurs qui ont par la suite été mis rapidement en liberté. Aujourd'hui, tous sont libres.

379. Le gouvernement envoie copie de la sentence de l'autorité judiciaire condamnant MM. Javier Méndez et Marcos Andrade à une amende de 225 balboas pour atteinte à la propriété d'autrui, et il ajoute qu'il est établi qu'un groupe de personnes, appartenant selon toute vraisemblance au SUNTRACS, a empêché les ouvriers d'un chantier de construction de logements dans le secteur de Los Lagos de poursuivre leur travail. Le gouvernement envoie aussi copie des sentences prononcées par le tribunal à l'encontre de différents membres du SUNTRACS (Luis F. Araúz, Valentín Sanjur, Juan Rosero, Darío Ulate, Guillermo Ortega, Pormilio Beitia, Sebastián Hernández, Nicolás Romero, Saúl Méndez et Sixto Ferreira), sentences condamnant ces personnes à des amendes et à cinq jours de prison pour perturbation et blocage de la voie publique, troubles à l'ordre public, à la tranquillité et à la sécurité et manque grave de respect au maire de Colón et à sa famille. M. Alberto Gálvez a été condamné à une amende correspondant à quarante jours de prison pour avoir entravé l'action de la police et manqué de respect à l'autorité.

380. Le gouvernement ajoute que l'organisation plaignante elle-même indique que les personnes mentionnées dans la plainte ont été arrêtées parce qu'elles étaient accusées d'avoir bloqué la voie publique, d'avoir manqué de respect à l'autorité et d'avoir troublé l'ordre public. Le gouvernement fait valoir que les actes de violence dûment constatés par les autorités (blocage des rues, troubles dans le cadre de manifestations illégales, troubles à l'ordre public, à la tranquillité, à la sécurité, dommages à la propriété, etc.) ne sont pas couverts par les conventions de l'OIT relatives à la liberté syndicale.

C. Conclusions du comité

381. Le comité observe que, selon le plaignant, 25 syndicalistes membres du SUNTRACS ont été arrêtés à l'occasion d'une manifestation pacifique organisée dans le cadre d'une grève, qu'il y a eu intrusion dans les locaux de ce syndicat et que certaines des personnes arrêtées ont été soumises à de mauvais traitements et à des conditions inhumaines.

382. Le comité note que le gouvernement nie le caractère pacifique de la manifestation et qu'il indique que les manifestants ont détruit ou endommagé des biens, se sont livrés à des actes de violence, ont empêché d'autres travailleurs de poursuivre leur activité, ont bloqué les rues en empêchant la circulation et ont manqué gravement de respect au maire de Colón. A ce sujet, le comité observe que, selon le gouvernement, les actes de violence se sont produits après que l'entreprise Aribesa eut décidé de licencier cinq travailleurs et ensuite - invoquant la paralysie des travaux de construction - de licencier tous les travailleurs et que le syndicat a jugé ce comportement contraire à la convention collective et aux accords signés avec l'entreprise. Le comité souligne que, s'il est vrai que plusieurs syndicalistes ont été condamnés par la justice, pour les motifs indiqués, à une amende et/ou à cinq jours de prison (tous sont aujourd'hui libres), le comportement de l'entreprise annonçant sa décision - qui n'a pas été appliquée, selon ce que semblent indiquer les déclarations du gouvernement - de licencier tous les travailleurs est non seulement grave, mais semble totalement disproportionné. Dans ces conditions, le comité invite le gouvernement à s'entremettre entre les parties (le syndicat SUNTRACS et l'entreprise Aribesa) en vue de trouver une solution au non-respect de différentes dispositions de la législation ou de la convention collective invoqué par l'organisation plaignante ainsi qu'au problème des licenciements.

383. Enfin, le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations relatives à l'intrusion dans les locaux du SUNTRACS et aux mauvais traitements et conditions inhumaines auxquels auraient été soumis plusieurs syndicalistes du SUNTRACS durant leur arrestation, et il demande au gouvernement de lui communiquer ses observations à ce sujet.

Recommandations du comité

384. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 2003

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement du Pérou
présentée par
la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP)

Allégations: refus d'inscription d'un comité exécutif syndical

385. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) datée du 10 décembre 1998. Cette même organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication en date du 24 février 1999. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 27 mai 1999.

386. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

387. Dans ses communications du 10 décembre 1998 et du 24 février 1999, la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) allègue que le ministère du Travail a refusé, en vertu de l'arrêté de sa sous-direction no 003-98 du 21 août 1998 et de l'arrêté de sa direction no 323-98 du 17 décembre 1998 (joints en annexe par l'organisation plaignante), d'enregistrer le nouveau comité exécutif national de la Fédération nationale des mineurs, des métallurgistes et des sidérurgistes du Pérou (FNTMMSP) pour la période 1998-2000. Selon les décisions administratives mentionnées, les organisations de travailleurs doivent au regard de la convention no 87 respecter la légalité; l'analyse du dossier révèle que la liste du comité exécutif national était composée de certains travailleurs qui ne respectaient pas les exigences de la loi, comme par exemple être travailleurs de l'entreprise, car ayant été licenciés, ils ne jouissaient plus d'aucun lien de travail; en conséquence de quoi ils n'avaient plus de qualité de membres actifs d'un organisme syndical. La CGTP estime qu'il y a violation du droit des organisations de choisir librement leurs représentants, consacré par la convention no 87.

B. Réponse du gouvernement

388. Dans sa communication du 27 mai 1999, le gouvernement déclare que l'impossibilité d'enregistrer le comité exécutif national de la Fédération nationale des mineurs, des métallurgistes et des sidérurgistes du Pérou est imputable à des raisons formelles et purement objectives qui ne relèvent nullement d'une tentative d'intromission ou d'intervention de la part du ministère du Travail et ne participent pas d'actes antisyndicaux. A ce sujet, l'article 4 de la loi sur les relations collectives de travail énonce que: «Les employeurs et leurs représentants sont tenus de s'abstenir de tout acte tendant à contraindre, limiter ou attaquer d'une façon quelconque le droit des travailleurs de se syndiquer, et à intervenir d'une manière quelconque dans la création, l'administration ou le maintien des organisations syndicales par eux constituées.» Le gouvernement ajoute que l'arrêté de la sous-direction no 003-98 comporte certaines prescriptions en vertu desquelles l'inscription du comité exécutif national était irrecevable; une fois ce problème réglé, le ministère du Travail a procédé à l'inscription dudit comité le 8 avril 1999 (le gouvernement envoie une documentation prouvant ce fait).

C. Conclusions du comité

389. Le comité observe que, dans la présente plainte, l'organisation plaignante allègue d'un refus d'inscription, par le ministère du Travail en août 1998, du comité exécutif national de la Fédération nationale des mineurs, des métallurgistes et des sidérurgistes du Pérou (FNTMMSP). Le comité prend acte des déclarations du gouvernement selon lesquelles le comité exécutif national en question a été enregistré le 8 avril 1999, une fois levés certains obstacles qui auparavant rendaient son inscription irrecevable. S'agissant de ces obstacles, le comité observe que la lecture des arrêtés du ministère du Travail (envoyés en annexe par l'organisation plaignante) refusant d'inscrire le comité exécutif national montre que ce refus était motivé par le fait que certains membres du comité en question n'étaient pas des travailleurs d'entreprise «car, ayant été licenciés, ils ne jouissaient plus d'aucun lien de travail, en conséquence de quoi ils n'avaient plus qualité de membres actifs d'un organisme syndical».

390. A ce sujet, le comité souhaite rappeler le principe selon lequel «l'enregistrement des comités directeurs des organisations syndicales devrait se faire automatiquement par notification de la part du syndicat et ne devrait pouvoir être contesté qu'à la demande des membres du syndicat en question» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 365] et que les dispositions relatives à la nécessité d'appartenir à une profession ou à une entreprise pour pouvoir être dirigeant syndical sont contraires au droit des travailleurs de choisir librement leurs représentants [voir Recueil, op. cit., paragr. 369 à 377], à plus forte raison lorsqu'il s'agit de fédérations syndicales. Par ailleurs, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a demandé au gouvernement qu'il modifie la législation relative à cette question. [Voir rapport III, partie 1A, 1999, pp. 295 et suiv.]

391. Dans ces circonstances, le comité regrette le retard mis à enregistrer le comité exécutif national de la FNTMMSP, et que cette organisation se soit vu obligée de satisfaire à la prescription selon laquelle les membres d'un comité doivent être employés dans une entreprise pour pouvoir enregistrer son comité exécutif national, et il prie le gouvernement de prendre des mesures pour que soit modifiée la législation de façon à supprimer l'exigence d'être employé dans une entreprise comme préalable à l'exercice d'une fonction de dirigeant d'une fédération syndicale.

Recommandation du comité

392. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à adopter le présent rapport, et en particulier la recommandation suivante:

Cas no 2004

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Pérou
présentée par
la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP)

Allégations: licenciement d'un dirigeant syndical

393. La plainte faisant l'objet du présent cas figure dans une communication du 20 janvier 1999 émanant de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP). Dans une communication du 15 avril 1999, la CGTP a adressé un complément d'information. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 26 avril et 6 septembre 1999.

394. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

395. Dans ses communications des 20 janvier et 16 avril 1999, la CGTP fait état du caractère antisyndical du licenciement, sans indication du motif, de M. Benancio Aguilar Atahua, secrétaire de l'économie et des finances du conseil national de la CGTP, licenciement effectué le 4 septembre 1998 par l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA. De même, l'organisation plaignante craint une lenteur excessive de l'action en justice qu'a intentée en octobre 1998 M. Aguilar Atahua pour demander l'annulation de son licenciement.

396. Par ailleurs, l'organisation plaignante indique qu'en juillet 1996 l'entreprise susmentionnée avait cherché à licencier M. Aguilar Atahua dans le cadre d'un licenciement collectif, mais que l'autorité administrative avait estimé qu'il jouissait du privilège syndical et ne pouvait donc pas être licencié dans ces conditions. Elle ajoute que l'entreprise a fait appel de cette décision devant la juridiction du contentieux administratif, laquelle ne s'est pas encore prononcée.

B. Réponse du gouvernement

397. Dans ses communications des 26 avril et 6 septembre 1999, le gouvernement signale que, selon l'organisation plaignante, le licenciement de M. Benancio Aguilar Atahua constitue un acte arbitraire et discriminatoire, motivé par sa qualité de dirigeant syndical. Elu le 3 décembre 1995 secrétaire de l'économie et des finances du conseil national de la CGTP, il avait été inclus le 5 juillet 1996 dans une liste de personnes faisant l'objet d'un licenciement collectif, liste présentée par l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA. Le gouvernement ajoute que ce licenciement collectif, dans le cadre duquel a été licencié le dirigeant syndical en question, a été accepté par l'autorité du travail en vertu de la décision directoriale no 140-96. Le gouvernement précise toutefois que cette décision, confirmée par la décision directoriale no 034-96, indiquait que M. Aguilar Atahua ne pouvait pas être inclus dans ce licenciement collectif, ce qui a conduit l'entreprise en question à solliciter l'annulation des résolutions susmentionnées auprès de la troisième chambre compétente en matière de travail de la juridiction du contentieux administratif. De plus, le gouvernement note que l'organisation plaignante affirme qu'elle a fait l'objet d'un déni de justice et que, pour ce motif, elle porte plainte contre le Pérou devant l'Organisation internationale du Travail.

398. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le motif du licenciement du dirigeant en question n'a pas été indiqué, le gouvernement signale que l'organisation plaignante fait état d'un licenciement collectif. Or la législation du travail indique que le licenciement collectif peut être effectué pour certaines raisons objectives - cas fortuits ou de force majeure, raisons économiques, techniques, structurelles ou du même ordre, dissolution ou liquidation de l'entreprise et en cas de faillite. Le gouvernement ajoute que, l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA étant alors en cours de fusion avec les entreprises Compañia nacional de Cerveza SA, Sociedad Cervecera de Trujillo SA et Cervecería del Norte SA, on peut en déduire aisément que le licenciement collectif s'inscrivait dans ce processus. Comme le prévoit le paragraphe b) de l'article 63 du décret suprême no 001-96-TR, le licenciement collectif, pour des motifs justifiés, peut également s'appliquer aux travailleurs jouissant du privilège syndical. Par ailleurs, le gouvernement signale que la treizième chambre du tribunal du travail de Lima, qui examine actuellement le licenciement en question, ne s'est pas encore prononcée sur la demande d'annulation. Cette voie de recours n'ayant pas encore été épuisée, l'organisation plaignante est mal avisée de déposer à ce sujet une plainte devant l'OIT contre le gouvernement péruvien.

C. Conclusions du comité

399. Le comité observe que, dans le cas à l'examen, l'organisation plaignante fait état du caractère antisyndical du licenciement sans indication du motif de M. Benancio Aguilar Atahua, secrétaire de l'économie et des finances du conseil national de la Confédération générale des travailleurs du Pérou, licenciement effectué le 4 septembre 1998 par l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA. Par ailleurs, l'organisation plaignante craint une lenteur excessive de l'action en justice intentée en octobre 1998 par M. Aguilar Atahua pour demander l'annulation de son licenciement.

400. En premier lieu, le comité note que les versions du gouvernement et de l'organisation plaignante sur le licenciement du dirigeant syndical en question sont contradictoires. Selon l'organisation plaignante, le licenciement, effectué sans indication du motif, a un caractère antisyndical. De son côté, le gouvernement signale que l'organisation plaignante elle-même indique que le licenciement a été effectué dans le cadre d'un licenciement collectif. Le gouvernement ajoute que, l'entreprise étant alors en cours de fusion, on peut en déduire aisément que le licenciement collectif s'inscrivait dans ce processus. A ce sujet, le comité note que l'organisation plaignante n'a affirmé à aucun moment que M. Aguilar Atahua avait été licencié dans le cadre du licenciement collectif en question, lequel a eu lieu en juillet 1996, et il précise qu'elle a joint à sa plainte copie de la notification notatrice par laquelle l'entreprise Unión de Cervecerías Peruanas Backus y Johnston SA a fait savoir au dirigeant syndical en question qu'il était licencié sans indication de motif et que cette mesure prenait effet le samedi 5 septembre 1998. A ce sujet, puisqu'il est démontré que le licenciement a été effectué sans indication du motif, le comité souhaite rappeler que, lors de l'examen d'allégations analogues, il a indiqué ce qui suit: «Dans un cas où les dirigeants syndicaux pourraient être licenciés sans indication du motif, le comité a demandé au gouvernement de prendre des mesures en vue de sanctionner les actes de discrimination antisyndicale et d'offrir des voies de recours à ceux qui en sont victimes» et «Il n'apparaît pas qu'une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l'indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 706 et 707.]

401. Le comité souligne que l'autorité administrative a ordonné en juillet 1996 que M. Aguilera Atahua, dirigeant syndical, qui faisait l'objet d'une mesure de licenciement collectif, ne soit pas licencié puisqu'il bénéficiait du privilège syndical. Il a pourtant été licencié sans indication de motif deux ans plus tard, en septembre 1998, alors qu'il était toujours protégé par le privilège syndical. Dans ces conditions, observant qu'il existe une procédure judiciaire en instance sur cette question, le comité estime que M. Benancio Aguilera Atahua devrait être réintégré dans son poste de travail sans pertes de salaires et demande au gouvernement qu'il prenne les mesures nécessaires, compte étant tenu en particulier de la lenteur de la procédure judiciaire (on ne s'est pas encore prononcé sur le recours interjeté en 1996 par l'entreprise contre la décision administrative qui ordonnait de ne pas licencier le dirigeant syndical, au motif qu'il était protégé par le privilège syndical). Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure qu'il prendra dans ce sens.

402. A propos du fait que l'organisation plaignante est préoccupée par la lenteur de l'action en justice que M. Aguilar Atahua a intentée en octobre 1998 pour obtenir l'annulation de son licenciement, le comité rappelle ce qui suit: «Les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale contraire à la convention no 98 devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires puissent être réellement efficaces. Une lenteur excessive dans le traitement des cas de discrimination syndicale et, en particulier, l'absence de jugement pendant un long délai dans les procès relatifs à la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés équivalent à un déni de justice et, par conséquent, à une violation des droits syndicaux des intéressés». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 749.] Le comité veut croire que l'action intentée en octobre 1998 par M. Aguilar Atahua à propos de son licenciement arrivera très prochainement à son terme. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du jugement qui devra rapidement être rendu à ce sujet.

403. En ce qui concerne la déclaration du gouvernement qu'il existe une procédure judiciaire en instance et que donc l'organisation plaignante est malavisée de déposer à ce sujet une plainte devant l'OIT, le comité rappelle qu'en vertu de ce qu'il a indiqué dans sa procédure:

Recommandations du comité

404. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:


1. «Les forces armées, sous les ordres du gouvernement fédéral, défendent le Pakistan contre une agression extérieure ou une menace de guerre et, en application de la législation, viennent en aide au pouvoir civil lorsqu'il leur est demandé de le faire.»


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.