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GB.276/7/1
276e session
Genève, novembre 1999


SEPTIÈME QUESTION À L'ORDRE DU JOUR

318e rapport du Comité de la liberté syndicale

Cas no 2012

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la Fédération de Russie
présentée par
le Syndicat des travailleurs de l'Agence fédérale
de radiotélévision russe (SVGTRK)

Allégations: violation du droit à la négociation collective,
refus de déduire à la source les cotisations syndicales,
suppression des facilités octroyées aux représentants des travailleurs,
déni d'accès aux locaux de l'entreprise

405. Le Syndicat des travailleurs de l'Agence fédérale de radiotélévision russe (SVGTRK) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Fédération de Russie dans une communication du 11 mars 1999. Plusieurs documents étaient annexés à la plainte. Le gouvernement a répondu aux allégations dans une communication du 26 avril 1999.

406. La Fédération de Russie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; elle n'a pas ratifié la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations du syndicat plaignant

407. Dans sa communication du 11 mars 1999, le Syndicat des travailleurs de l'Agence fédérale de radiotélévision russe affirme que l'Agence fédérale de radiotélévision russe (VGTRK), en violation du droit à la négociation collective, a refusé d'entamer des négociations avec lui et de lui fournir des informations y ayant trait. Le syndicat plaignant allègue en outre que la VGTRK a entravé son action en cessant de déduire à la source les cotisations syndicales, en lui interdisant d'utiliser les locaux qui lui avaient été octroyés, en déconnectant les lignes téléphoniques et en empêchant les représentants des travailleurs d'accéder aux locaux de l'entreprise.

408. Le syndicat plaignant est le principal syndicat représentant les travailleurs de l'Agence fédérale de radiotélévision russe, qui compte 4 100 à 4 600 salariés. Depuis sa création en 1991, le nombre de ses membres a varié, de 2 200 à 2 600. Il est enregistré auprès du ministère de la Justice de Moscou depuis le 17 février 1998.

409. Le syndicat plaignant déclare que depuis 1993 il a essayé à plusieurs reprises d'entamer des négociations collectives avec la direction de la VGTRK. Au début, les représentants de la direction n'ont pas opposé de refus catégorique mais ils se sont néanmoins soustraits à la négociation en avançant divers arguments spécieux. Le syndicat plaignant indique que la direction s'est montrée raisonnablement tolérante jusqu'à septembre 1997, date à laquelle elle a rayé la question de son ordre du jour, ce qui n'a pas empêché le syndicat plaignant de réitérer sa demande, à diverses reprises, au cours de 1998. Le syndicat plaignant a dénoncé ce refus de négocier auprès du procureur général. Dans une lettre du 17 avril 1998, annexée à la plainte, le procureur général indique qu'ayant examiné la plainte du syndicat concernant des infractions à la législation sur la négociation collective, il a jugé qu'il y avait eu infraction:

Dans une lettre du 5 juin 1998, l'Inspection fédérale du travail affirme aussi que la VGTRK enfreint la loi en refusant de participer à des négociations collectives.

410. Dans une lettre ultérieure du 24 avril 1998, le procureur général déclare qu'il y eu violation de la loi relative aux syndicats, à leurs droits et à la protection de leurs activités:

Le procureur signale, entre autres violations, que la VGTRK a aussi omis de fournir au syndicat des informations sur des questions sociales et d'emploi qu'il avait légitimement réclamées. Toutefois, dans une lettre du 15 juin 1998, la VGTRK a informé le syndicat plaignant que l'entreprise allait faire l'objet d'une restructuration et que la conclusion d'une convention collective ne pourrait intervenir qu'«une fois achevé le processus de restructuration et approuvés les nouveaux statuts constitutifs». Le syndicat plaignant a de nouveau exhorté la VGTRK à négocier (lettre du 23 juillet 1998). Pour toute réponse, le président de l'agence s'est référé à une action intentée par le syndicat devant le tribunal d'arbitrage de Moscou, action qu'il a qualifiée d'«illégale», ajoutant que pour cette raison il jugeait «inopportun» de négocier avec le syndicat (lettre du 9 décembre 1998).

411. Dans sa décision du 12 décembre 1998, également jointe à la plainte, le Tribunal municipal de Moscou a écarté la demande introduite par la présidente du syndicat au motif que le comité du syndicat ne l'avait pas autorisée à signer la déclaration (faute de quorum). Le syndicat a par la suite sollicité plusieurs fois la VGTRK pour qu'elle entame des négociations. Dans une lettre du 5 février 1999 adressée à la présidente du syndicat, le premier adjoint du président de la VGTRK déclare que:

412. Le syndicat plaignant affirme que l'attitude de la direction a complètement changé à partir du moment où il a engagé une procédure pour protéger les droits des travailleurs contre les licenciements en masse, à savoir le 9 janvier 1998. En effet, dès la fin de janvier 1998, le paiement des cotisations syndicales a été suspendu, le syndicat a été la cible d'une campagne de discrédit, des membres de son comité ont été persécutés et des pressions ont été exercées indirectement sur les travailleurs pour qu'ils se retirent du syndicat. Selon le syndicat plaignant, la direction, cherchant à contester la légitimité du syndicat, a déposé plainte contre lui auprès du procureur général en mars 1998. Toutefois, dans sa décision, celui-ci a jugé que la direction avait agi illégalement et il a confirmé la légitimité du syndicat.

413. En ce qui concerne le refus de déduction à la source des cotisations syndicales, plusieurs détails figurent dans la décision du 24 avril 1998 du procureur général. Suite à une directive du 20 janvier 1998 du président de la VGTRK, les cotisations syndicales n'ont plus été déduites sur les salaires. Le syndicat plaignant a protesté. Sur ordre du président de la VGTRK, daté du 15 avril 1998, la déduction des cotisations dues depuis le 1er janvier 1998 a été à nouveau autorisée sous réserve que l'agence reçoive l'assentiment écrit de chaque membre individuellement. Chacun a donc été prié de confirmer qu'il consentait à la retenue sur son salaire des cotisations syndicales, y compris des arriérés. Dans une lettre d'octobre 1998, annexée à la plainte, le président de la VGTRK informe le syndicat plaignant qu'en raison de difficultés financières les cotisations syndicales correspondant à juillet et août 1998 ne seraient pas transférées sur le compte du syndicat, mais que cela serait fait dès que l'argent serait disponible. Le 9 février 1999, le président de la VGTRK a donné instruction au service de comptabilité de cesser de déduire les cotisations syndicales sur les salaires des travailleurs et de leur reverser les cotisations déduites entre juin et décembre 1998. Dans la correspondance, également jointe à la plainte, qu'il a échangée avec la VGTRK, un membre du syndicat demande expressément que les cotisations retenues sur son salaire en 1998 et 1999 soient versées sur le compte du syndicat et que l'on continue de prélever ses cotisations et de les reverser au syndicat. Le chef de la comptabilité répond dans une communication du 4 mars 1999 que son service a reçu instruction de cesser de déduire les cotisations syndicales et de reverser celles prélevées entre juin 1998 et janvier 1999. Il indique que «pour cette raison, il n'est pas possible de transférer les cotisations syndicales ni de les déduire sur le salaire à l'avenir».

414. Le syndicat plaignant déclare que le dernier acte en date commis contre lui a été son expulsion, à la fin de février 1999, des locaux qui lui avaient été alloués. Des scellés ont été apposés sur les locaux syndicaux et les lignes téléphoniques ont été déconnectées. La présidente du comité du syndicat s'est vu refuser l'accès au lieu de travail. Il y a donc eu entrave totale aux activités du syndicat, à un moment où la VGTRK procédait à une restructuration et où les travailleurs étaient menacés de licenciement. Par instruction écrite du 9 février 1999, dont copie est jointe à la plainte, le président de la VGTRK a ordonné l'expulsion du comité du syndicat et le déménagement de tout le matériel mis à sa disposition, ainsi que la déconnexion des lignes de téléphone et de télécopie.

415. En conclusion, le syndicat plaignant fait état des violations suivantes des droits syndicaux:

B. Réponse du gouvernement

416. Dans sa communication du 26 avril 1999, le gouvernement indique qu'il ne peut confirmer les faits allégués par le syndicat plaignant. Il déclare que l'enquête conduite par l'inspection du travail en avril 1999 a établi que Mme I. L. Zuyeva, présidente du comité du syndicat plaignant, a adressé au président de la VGTRK les 17 septembre 1997 et 4 février 1998 des propositions écrites visant à engager des négociations collectives en vue de l'adoption d'une convention collective. Dans des communications des 15 octobre 1997 et 10 février 1998, le président de la VGTRK a demandé au syndicat plaignant, conformément aux articles 2 3), 4 et 7 1) de la loi sur les conventions et accords collectifs, de fournir à l'administration les documents suivants, de manière que la négociation collective puisse commencer:

Le gouvernement indique que, malgré cette demande, les documents soumis par le comité du syndicat dans une communication du 21 janvier 1998 ne prouvent pas que les représentants du syndicat ont été autorisés à conduire des négociations collectives.

417. En vertu des articles 25 et 28 de la loi sur les conventions et accords collectifs, c'est au tribunal qu'il incombe de déterminer qui fait obstacle à la tenue de négociations visant la conclusion d'une convention collective. Le 27 avril 1998, Mme Zuyeva, s'appuyant sur ces dispositions, a déposé plainte auprès du tribunal populaire intermunicipal Savelovsky de Moscou, lui demandant de contraindre la VGTRK à négocier en vue de la conclusion d'une convention collective. Ayant examiné l'affaire, le tribunal a rejeté la demande au motif qu'il n'y avait pas de décision du comité du syndicat autorisant sa présidente à signer la déclaration et à saisir le tribunal. Une autre demande, signée de Mme Zuyeva, et introduite auprès du même tribunal avec le même motif, a été examinée par le tribunal le 15 septembre 1998 et rejetée pour les mêmes raisons. L'appel interjeté auprès du tribunal municipal de Moscou a également été rejeté le 12 décembre 1998.

418. Le gouvernement réfute les allégations du syndicat plaignant selon lesquelles la direction de la VGTRK aurait donné instruction à son service de comptabilité de cesser de déduire les cotisations syndicales sur les salaires et aurait fait entrave aux activités du syndicat en l'empêchant d'utiliser les locaux et en déconnectant les lignes téléphoniques. Il signale que, en vertu de la directive no 223 du 15 avril 1998 publiée par la direction de la VGTRK, les cotisations syndicales ne peuvent être retenues sur les salaires que si les intéressés en font la demande par écrit. Le gouvernement relève également les articles 28 1) et 2) de la loi relative aux syndicats, à leurs droits et à la protection de leurs activités, aux termes desquels «les employeurs sont tenus de fournir gratuitement aux syndicats présents dans l'entreprise les facilités, les locaux et moyens de transport et de communication dont ils ont besoin pour leurs activités, conformément à la convention collective pertinente.» L'employeur peut également transférer gratuitement aux syndicats tout bâtiment, matériel ou autre bien lui appartenant ou loué par lui. Aucune convention collective n'ayant été conclue entre le syndicat plaignant et la VGTRK, le gouvernement soutient que l'entreprise n'a aucune obligation en vertu des dispositions de cette loi, ce que le tribunal d'arbitrage de Moscou a confirmé en rejetant la demande du syndicat plaignant.

C. Conclusions du comité

419. Le comité note que ce cas se réfère à des allégations relatives à des actes commis par l'Agence fédérale de radiotélévision russe (VGTRK) contre le Syndicat des travailleurs de l'Agence fédérale de radiotélévision russe. Le syndicat plaignant allègue en particulier que la VGTRK a refusé de le reconnaître aux fins de la négociation collective et de lui fournir des informations concernant directement la négociation collective. Il affirme en outre que la VGTRK a entravé l'action du syndicat en cessant de retenir les cotisations syndicales sur les salaires, en lui refusant l'utilisation des locaux, en déconnectant les lignes téléphoniques et en empêchant les représentants des travailleurs d'accéder aux lieux de travail.

Négociation collective

420. En ce qui concerne l'allégation portant sur la violation du droit à la négociation collective, le comité note que le gouvernement ne réfute pas que le plaignant soit le syndicat le plus représentatif à la VGTRK ni qu'il ait, à plusieurs reprises, essayé en vain d'entamer des négociations collectives avec la VGTRK. Le comité note aussi que, selon le gouvernement, le refus de la VGTRK de négocier avec le plaignant découle du fait que celui-ci n'a pas soumis les documents qu'elle lui réclamait conformément à la loi sur les conventions et accords collectifs, attestant que ses représentants sont dûment autorisés à conduire des négociations collectives.

421. Le comité note toutefois que le procureur général, dans une lettre du 17 avril 1998, conclut que la VGTRK a enfreint la loi sur les conventions collectives du fait que le syndicat plaignant a essayé à six reprises d'engager des négociations collectives et que «par la faute de la direction, les négociations n'ont toujours pas commencé». L'inspection du travail fédérale a également conclu que la VGTRK a enfreint la loi en refusant de participer à la négociation collective. En outre, le procureur général a déclaré qu'il y a eu violation de la loi relative aux syndicats, à leurs droits et à la protection de leurs activités, la direction s'ingérant dans les affaires du syndicat en exigeant de lui à plusieurs reprises qu'il fournisse divers documents, y compris ses statuts, afin de contrôler la légalité de ses activités.

422. Le comité note également que le tribunal municipal de Moscou, dans sa décision du 12 décembre 1998 citée par le gouvernement, n'a écarté la demande introduite par la présidente du syndicat que pour vice de procédure, celle-ci n'étant pas autorisée par le comité du syndicat à signer la déclaration (faute de quorum). Aucune décision n'a été rendue sur le fond. Par la suite, le syndicat a plusieurs fois, en vain, demandé à la VGTRK de négocier.

423. Le comité considère que le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale; il signale aussi l'importance qu'il attache au droit de négociation des organisations représentatives. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 782 et 784.] Le comité note avec préoccupation qu'en dépit des demandes réitérées par le syndicat plaignant depuis 1993 la négociation collective n'a pas eu lieu à la VGTRK, faute de réponse positive de la direction. L'agence justifie ce retard et son refus par le fait qu'une restructuration aura bientôt lieu et que le syndicat plaignant a déposé des plaintes devant divers organes administratifs et judiciaires. De l'avis du comité, aucune de ces raisons ne peut légitimer le refus d'ouvrir des négociations collectives avec le syndicat le plus représentatif. Le comité rappelle l'importance qu'il attache à l'obligation de négocier de bonne foi: il importe qu'employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord; qui plus est, des négociations véritables et constructives sont nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 814 et 815.] De l'avis du comité, la VGTRK n'a pas agi de bonne foi en refusant de négocier avec le syndicat le plus représentatif et a donc violé les droits syndicaux du plaignant.

424. En ce qui concerne le refus de fournir des informations sur des questions concernant directement la négociation collective, le comité note qu'en vertu de la loi relative aux syndicats, à leurs droits et à la protection de leurs activités (article 17) les syndicats sont fondés à recevoir des informations sur les questions sociales et d'emploi. Le comité rappelle que «certaines règles et procédures peuvent faciliter le déroulement de la négociation collective et contribuer à sa promotion, et que certaines mesures peuvent faciliter aux parties l'accès à certaines informations, par exemple sur la situation économique de leur unité de négociation, sur les salaires et les conditions de travail dans certaines unités voisines et sur la situation économique générale...». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 859.] Le comité, notant que la législation nationale prévoit des moyens de faciliter la négociation collective, y compris l'accès à l'information, demande au gouvernement de veiller à ce qu'elle soit appliquée et de prendre des mesures pour assurer que la VGTRK négocie de bonne foi avec le syndicat plaignant et lui fournisse des informations pertinentes pour la négociation collective.

Ingérence dans les activités syndicales

425. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la VGTRK s'est immiscée dans les activités du syndicat plaignant, le comité note que différents types d'ingérence sont incriminés: suspension de la retenue à la source des cotisations syndicales; interdiction d'utiliser les locaux et services téléphoniques; refus d'autoriser les représentants des travailleurs à accéder aux lieux de travail. En ce qui concerne l'interdiction d'utiliser les locaux et les services téléphoniques, le comité prend note de la directive du 9 février 1999 du président de la VGTRK ordonnant que le comité du syndicat soit expulsé, que tout le matériel mis à sa disposition soit retiré et que les lignes de téléphone et télécopie soient coupées. A cet égard, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, en l'absence de convention collective, la VGTRK n'est pas tenue d'accorder des facilités à l'organisation syndicale. Il apparaît en effet à la lecture de l'article 28 1) de la loi relative aux syndicats, à leurs droits et à la protection de leurs activités que les facilités, les locaux et moyens de communication dont les syndicats ont besoin ne sont fournis par l'entreprise que «conformément à la convention collective pertinente». Il apparaît donc qu'en se soustrayant à la négociation collective l'employeur se dispense de fournir des facilités pour le bon fonctionnement du syndicat.

426. Le comité attire l'attention sur l'article 2, paragraphe 1, de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, qui dispose que «des facilités doivent être accordées dans l'entreprise aux représentants des travailleurs, de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions». Le comité note en particulier que les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l'entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation. [Voir recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, paragr. 12; voir aussi Recueil, op. cit., paragr. 954.] Constatant la carence de la législation sur ce point, le comité demande au gouvernement d'apporter les modifications nécessaires à la législation en s'inspirant des principes contenus dans la convention no 135 et la recommandation no 143 et de le tenir informé des mesures prises en ce sens.

427. Dans le cas présent, comme l'absence de convention collective est due à l'attitude hostile de la VGTRK à l'ouverture de négociations, le comité estime que cette absence d'accords n'est pas une justification suffisante pour ne pas octroyer des facilités au syndicat. Il demande donc au gouvernement d'assurer que les facilités nécessaires à son bon fonctionnement soient octroyées au syndicat plaignant.

428. En ce qui concerne l'arrêt de la retenue à la source des cotisations syndicales, le comité note qu'en application de la directive du 20 janvier 1998 du président de la VGTRK les cotisations syndicales n'ont plus été déduites sur les salaires des intéressés. Le syndicat plaignant a protesté. Sur ordre du président de la VGTRK en date du 15 avril 1998, la retenue des cotisations dues depuis le 1er janvier 1998 a été autorisée sous réserve que l'agence reçoive l'assentiment écrit de chaque membre individuellement. En octobre 1998, le président de la VGTRK a informé le syndicat plaignant qu'en raison de difficultés financières les cotisations syndicales correspondant à juillet et août 1998 ne seraient pas transférées sur son compte mais que cela serait fait dès que l'argent serait disponible. Toutefois, le 9 février 1999, le président de la VGTRK a donné instruction au service de comptabilité de cesser de retenir les cotisations syndicales sur les salaires et de reverser les montants déduits entre juin et décembre 1998 aux travailleurs (il semble que ces cotisations avaient été retenues sur les salaires mais non encore transférées sur le compte du syndicat plaignant). Le comité note qu'un membre de l'organisation plaignante a expressément demandé que les cotisations syndicales retenues sur son salaire en 1998 et 1999 soient versées sur le compte du syndicat plaignant et que les cotisations continuent d'être déduites et versées au syndicat, mais qu'il a été informé que le service de comptabilité avait reçu l'ordre de cesser de procéder à ces retenues et de reverser les montants déduits de juin 1998 à janvier 1999 et que, par conséquent, il n'était pas possible de transférer les cotisations ni de les retenir sur les salaires à l'avenir.

429. A ce sujet, le comité note que, dans sa réponse, le gouvernement reconnaît que la direction de la VGTRK a donné l'ordre d'autoriser les retenues à la source des cotisations syndicales pour les membres qui en feraient la demande écrite le 15 avril 1999. Le comité déplore profondément que la VGTRK, à diverses reprises, ait déduit les cotisations syndicales sur les salaires sans les transférer sur le compte du syndicat plaignant et qu'elle ait suspendu le prélèvement. Le comité rappelle que la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n'est pas propice à l'instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 435.] Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour veiller à ce que la VGTRK autorise la retenue à la source des cotisations syndicales et leur transfert sur le compte du syndicat plaignant lorsque les membres en font expressément la demande. Le comité prie également le gouvernement de fournir des informations relatives aux déductions des cotisations à la source qui ont été retenues ou suspendues.

Recommandations du comité

430. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1994

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Sénégal
présentée par
l'Union nationale des syndicats autonomes
du Sénégal (UNSAS)

Allégations: arrestations, détentions et licenciements
de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, entraves au droit
de négociation collective, interdiction de manifestation publique,
violations des locaux syndicaux

431. Dans une communication du 2 octobre 1998, l'Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (UNSAS) a déposé une plainte contre le gouvernement du Sénégal pour violation des droits syndicaux. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 29 janvier 1999. L'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires dans une communication du 8 mars 1999.

432. Le Sénégal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

433. L'Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (UNSAS) fait état de violation des droits syndicaux et se réfère plus particulièrement au cas du Syndicat unique des travailleurs de l'électricité (SUTELEC). Ce syndicat œuvre au sein de la Société nationale d'électricité du Sénégal (SENELEC), société d'Etat qui détient le monopole de la production, du transport et de la distribution d'énergie électrique au Sénégal.

434. L'organisation plaignante allègue que le secrétaire général de SUTELEC, M. Mademba Sock, qui est également secrétaire général de UNSAS, aurait été arrêté le 20 juillet 1998 avec 26 autres syndicalistes et que, au total, 38 syndicalistes auraient été licenciés par la direction de SENELEC. L'organisation plaignante considère que ces actions sont le fait du directeur général de SENELEC, qu'il aurait agi de connivence avec le gouvernement et la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal. Ces faits s'inscrivent dans le cadre d'un ensemble d'événements ci-après décrits et au cours desquels le gouvernement et les autorités de SENELEC auraient violé les principes les plus élémentaires de la liberté syndicale.

435. D'abord, l'organisation plaignante allègue que le gouvernement aurait fait obstacle à la libre négociation collective au sein de SENELEC. UNSAS spécifie que le gouvernement n'a pas respecté un protocole d'accord conclu le 2 juin 1997 avec SUTELEC dans le cadre de la réforme du secteur de l'électricité visant à privatiser la production, la distribution et la vente de l'énergie électrique. Ce protocole visait notamment à consacrer une formule pour résoudre le problème des besoins en investissement et celui de la préservation du service public et des intérêts des travailleurs. En outre, il était expressément prévu que toute modification ultérieure du protocole devait être soumise à une discussion préalable et à la signature d'un avenant.

436. Or, selon l'organisation plaignante, le gouvernement aurait violé délibérément ce protocole d'accord en décidant unilatéralement et sans consultation préalable que la transformation de SENELEC n'interviendrait qu'à titre intérimaire et s'effectuerait non plus par augmentation préalable du capital avant toute ouverture aux intérêts privés, mais par la mise en vente d'actions immédiatement aux intérêts privés.

437. Egalement, l'organisation plaignante estime que le directeur général et le conseil d'administration de SENELEC même font obstacle à la libre négociation collective. L'organisation plaignante explique que, le 16 février 1998, SUTELEC a introduit auprès du conseil d'administration de la société une demande de rencontres pour des négociations portant notamment sur l'augmentation des salaires, l'annulation de l'endettement pour les agents non inscrits aux départs volontaires, l'indexation de la gratification sur la masse salariale annuelle et la promotion d'agents méritants. L'organisation plaignante allègue qu'après trois rencontres tenues avec la direction générale, les 17 et 20 mars ainsi que le 3 avril 1998, les autorités de SENELEC auraient manifestement eu recours à des mesures dilatoires. A cet égard, l'organisation plaignante précise que le directeur général n'aurait pas donné suite pendant plus de deux mois au projet d'additif relatif essentiellement aux négociations sur la promotion d'agents méritants établi selon l'usage par les représentants de la direction du personnel et deux membres de SUTELEC. Egalement, l'organisation plaignante ajoute que, bien que saisi depuis février 1998, le conseil d'administration de SENELEC ne s'est pas encore prononcé sur l'augmentation des salaires, la qualification et l'endettement du personnel ainsi que sur le fait que le directeur général ait manifesté un manque certain de bonne volonté dans le cadre des discussions relatives à la restructuration des unités de direction.

438. C'est cette attitude désintéressée de la part des autorités, ajoutée au fait que la direction générale de SENELEC ait persisté dans son offre des départs volontaires faite au personnel malgré les effets négatifs de cette politique sur le fonctionnement régulier de l'entreprise, qui poussa SENELEC, lors de son assemblée générale du 9 juillet 1998, à demander aux travailleurs concernés par les cumuls de poste et les heures supplémentaires de s'en tenir au poste initial et aux heures normales de travail. L'organisation plaignante insiste sur le fait qu'il n'y a aucun lien entre ces mesures et les interruptions générales de courant qui auraient eu lieu le 15 juillet suivant puisqu'elle rappelle qu'un même type d'interruption était déjà survenu auparavant, le 29 juin. Les interruptions ne sauraient être le résultat d'un quelconque sabotage, insiste-t-elle.

439. C'est à la suite de ces événements et d'une plainte du directeur général de SENELEC pour sabotage des installations électriques que la police a procédé le 20 juillet 1998 à l'arrestation, sans mandat, de M. Mademba Sock, secrétaire général de SUTELEC, et de 26 autres de ses camarades, alors qu'intervenait au même moment une troisième interruption générale de courant électrique. Après une garde à vue de quatre jours, les personnes arrêtées ont été déférées au Parquet puis inculpées, notamment du chef d'«atteinte portée au libre exercice de l'industrie ou du travail par suite d'un plan concerté entraînant la dégradation d'installations d'utilité publique. Actes et manœuvres tendant à compromettre la sécurité publique». Les personnes arrêtées ont été mises en détention préventive le 23 juillet 1998 suivant le mandat de dépôt du juge d'instruction.

440. Le tribunal saisi a prononcé le 8 décembre 1998 la relaxe de tous les prévenus sur les chefs de «dégradation volontaire d'installations électriques d'utilité publique appartenant à SENELEC» et de «complicité d'actes de dégradation volontaire d'installations électriques d'utilité publique appartenant à SENELEC». Toutefois, MM. Mademba Sock et Samba Yoro Dieye ont été condamnés à six mois de prison ferme pour avoir été jugés coupables d'avoir commis des actes ou manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique, délit prévu par l'article 80 du Code pénal. Le tribunal a estimé que les mesures prises à la suite de l'assemblée générale de juillet 1998 (voir supra) avaient pour conséquence prévisible «la baisse de rendement, un dysfonctionnement dans la production et la distribution de l'électricité en raison de la vétusté reconnue du matériel» et que des «menaces sérieuses susceptibles de générer des troubles étaient ainsi faites contre un service essentiel». En déclarant MM. Sock et Dieye coupables, le tribunal a aussi relevé que le Code pénal n'incrimine pas un résultat obtenu mais les conséquences que pouvaient entraîner les actes ou manœuvres visés. MM. Sock et Dieye ont purgé leur peine et ont recouvré leur liberté le 23 janvier 1999.

441. En plus de ces arrestations, l'organisation plaignante ajoute que le directeur général de SENELEC aurait initié des procédures de licenciement contre 38 membres de SUTELEC, y compris ceux ayant été arrêtés. Le directeur général de SENELEC se serait vu accorder par l'Inspection régionale du travail de Dakar, en date du 24 juillet 1998, l'autorisation de licencier 13 délégués du personnel sur la base de motifs tels que l'incitation à une grève de zèle, l'incitation du personnel à la désobéissance, l'abandon de poste et la manœuvre entraînant l'interruption partielle du fonctionnement du service. Le ministre du Travail et de l'Emploi aurait confirmé cette décision de l'Inspection régionale du travail en date du 16 septembre 1998.

442. L'organisation plaignante fait également état d'intervention et de répression systématiques de ses réunions et manifestations syndicales pacifiques. A cet égard, UNSAS précise que toutes ses demandes d'autorisation de marches pacifiques ou de réunions publiques ont été systématiquement rejetées. Alors que les premières décisions n'étaient pas motivées, les plus récentes ont été assorties de motifs liés au trouble de l'ordre public. Enfin, l'organisation plaignante affirme que ses tentatives de manifestations ont toutes été réprimées de façon violente.

443. Enfin, l'organisation plaignante allègue que ses locaux syndicaux auraient été violés. En date du 19 août 1998, les forces de l'ordre auraient lancé plusieurs grenades lacrymogènes dans le local du syndicat en vue, notamment, de disperser une tentative de réunion publique qu'il avait organisée.

B. Réponse du gouvernement

444. D'entrée, le gouvernement explique qu'il n'existe pas de différend entre lui et UNSAS ou SUTELEC. En fait, le gouvernement déclare que le différend oppose plutôt la direction de SENELEC et SUTELEC et concerne certaines questions relatives notamment à l'augmentation des salaires, l'annulation de l'endettement des travailleurs, l'indexation de la gratification sur la masse salariale annuelle, la promotion d'agents méritants et la suspension d'un dispositif d'incitation aux départs volontaires. Le gouvernement précise que, au-delà des revendications sectorielles qui ont, pour la plupart, trouvé une issue heureuse entre la société d'énergie et le syndicat, le différend trouve son origine dans la mise en œuvre des réformes envisagées dans le secteur de l'énergie. Le gouvernement explique que, face au tarissement des sources traditionnelles de financement et à l'importance croissante des besoins d'investissement, l'Etat a entrepris un vaste programme de réformes. Dans ce cadre, le gouvernement a engagé un large dialogue avec les partenaires sociaux qui a permis l'adoption, par l'Assemblée nationale, de la loi no 98-06 du 28 janvier 1998 autorisant la transformation de SENELEC en société anonyme à participation publique majoritaire. Le gouvernement poursuit en soulignant que, avant l'adoption de cette loi, les concertations avec SUTELEC avaient permis la signature du protocole d'accord du 2 juin 1997 qui portait sur le maintien de SENELEC comme opérateur principal chargé du transport, de la distribution et de la vente de l'énergie électrique; l'introduction de producteurs indépendants d'électricité; et la transformation de SENELEC en société anonyme à participation publique majoritaire où l'Etat détiendrait 51 pour cent des actions, dont 10 pour cent devaient être cédés aux travailleurs. Le gouvernement déclare que, sept mois seulement après la promulgation de la loi no 98-06, SUTELEC a initié une grève dite de zèle pour faire échec manifestement à l'application de cet accord.

445. Le gouvernement affirme que SENELEC baignait alors dans un climat de revendications qui a culminé dans l'ordre donné par SUTELEC à ses membres, au cours de l'assemblée générale du 9 juillet 1998, de refuser d'effectuer des heures supplémentaires légalement autorisées et de cumuler des postes de travail. Cette situation aurait duré jusqu'au 15 juillet 1998, date à laquelle une coupure d'électricité serait survenue dans la quasi-totalité du pays. Selon le gouvernement, les investigations menées par les services techniques de SENELEC ont fait état d'exactions et de voies de faits commises sur le matériel de production. Le gouvernement explique que c'est à la suite de ces incidents que la direction générale de SENELEC aurait porté plainte et que l'instruction de la plainte par la justice a abouti à l'arrestation du secrétaire général de SUTELEC et de 26 de ses camarades. La direction générale de SENELEC a par la suite procédé à la rupture des contrats de travail qui la liaient avec 38 responsables syndicaux impliqués dans cette affaire. Le gouvernement affirme que les motifs des arrestations et détentions des responsables de SUTELEC ne sont pas liés à leurs activités syndicales et que les licenciements intervenus ne sont pas non plus motivés par l'exercice de droits syndicaux.

446. Le gouvernement reprend par la suite chacune des allégations de la plainte plus en détail. En ce qui a trait plus précisément aux allégations relatives au non-respect du protocole d'accord du 2 juin 1997, le gouvernement explique que les seuls changements apportés par l'adoption de la loi no 98-06 concernent: la part d'actions cédées aux travailleurs qui est fixée de manière précise à 10 pour cent et un délai d'option qui est ouvert aux travailleurs jusqu'au 31 décembre 1998. Si SENELEC, avant l'ouverture aux intérêts privés, décide d'une augmentation de capital, seul l'Etat qui est actionnaire unique peut souscrire à cette augmentation. De plus, le gouvernement précise qu'avant l'adoption de la loi no 98-06 le ministre de l'Energie aurait tenu une réunion avec les responsables de SUTELEC pour les informer des précisions qui seraient ainsi apportées.

447. Pour ce qui est des entraves à la libre négociation collective imputées au directeur général et au conseil d'administration de SENELEC, le gouvernement souligne que l'organisation plaignante reconnaît elle-même la tenue de trois réunions avec la direction de SENELEC (les 17 et 20 mars et le 3 avril 1998) qui auraient permis d'obtenir de considérables acquis salariaux de l'ordre de 15 pour cent d'augmentation pour le plus bas niveau de rémunération et de 5 pour cent pour le plus haut niveau. De plus, un protocole d'accord du 17 mars 1998 prévoit une nouvelle augmentation en décembre 1998 de 5 pour cent applicable à l'ensemble des travailleurs.

448. En ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation et à la détention arbitraires de 27 membres de SUTELEC, y compris de cinq des plus hauts dirigeants de ce syndicat et de 12 délégués du personnel, le gouvernement déclare qu'à aucun moment la justice n'aurait été influencée. A cet égard, le gouvernement précise, tout comme l'organisation plaignante, que la justice a rendu, en date du 8 décembre 1998, un verdict globalement en faveur de SUTELEC, démontrant ainsi sa totale indépendance. A cette occasion, le tribunal a relaxé purement et simplement tous les prévenus et les a blanchis de tous les chefs d'accusation pesant contre eux. Le tribunal a uniquement déclaré MM. Mademba Sock et Samba Yoro Dieye coupables d'avoir commis des actes de nature à compromettre la sécurité publique et les a condamnés chacun à six mois d'emprisonnement ferme. Le gouvernement joint une copie du jugement prononcé.

449. Concernant l'offre de départs volontaires faite au personnel, le gouvernement estime que l'appréciation négative qu'en fait SUTELEC ne saurait engager la direction générale de SENELEC qui a la responsabilité légale de définir la politique de l'entreprise et à qui la loi reconnaît à cet égard un pouvoir de libre direction. Le gouvernement précise toutefois que cette politique vise en particulier les agents malades ou ceux à proximité de la retraite, les non-cadres âgés de 50 ans et plus, les cadres âgés de 55 ans et plus, les agents ne justifiant pas d'un niveau d'instruction au moins égal à la troisième secondaire ainsi que les agents en service dans les postes de travail en voie d'extinction. Le gouvernement regrette que SUTELEC critique l'offre sans tenter d'intervenir pour obtenir de la direction qu'elle l'améliore.

450. Pour ce qui est des allégations de licenciements de syndicalistes, y compris 19 délégués du personnel et 10 dirigeants syndicaux, le gouvernement déclare qu'ils ont été autorisés par l'Inspection régionale du travail de Dakar sur demande dûment motivée de SENELEC fondée sur les griefs suivants: incitation à une grève de zèle, incitation du personnel à la désobéissance; incitation à la réduction volontaire de la production; abandon de poste; manœuvre entraînant l'interruption partielle du fonctionnement du service; et perte de confiance. Le gouvernement observe qu'en incitant à la grève de zèle sans préavis les responsables de SUTELEC ont violé les dispositions des articles L.273 et L.274 du Code du travail et se sont rendus coupables de faute justifiant leur licenciement en application de l'article L.275 dudit code. De plus, le gouvernement rappelle qu'aux termes de l'article 19 du règlement intérieur de SENELEC le licenciement d'un salarié peut être prononcé en cas: d'incitation des membres du personnel à la désobéissance; de réduction volontaire de la production; d'insubordination; et de refus d'accomplir le travail demandé dans le cadre de l'activité normale du salarié. Le gouvernement estime dès lors que la décision rendue par l'Inspection régionale du travail de Dakar, confirmée par le ministre du Travail, trouve son fondement juridique dans la loi et dans le règlement intérieur venant compléter le contrat individuel de travail des individus concernés.

451. Concernant les allégations d'interdiction et de répression systématiques des réunions et manifestations syndicales pacifiques, le gouvernement explique que le législateur a accordé un large pouvoir d'appréciation aux autorités administratives qui, sur la base de simples présomptions de troubles, peuvent interdire les manifestations publiques. Le gouvernement déclare que tous les arrêtés d'interdiction signés par les autorités administratives sont fondés sur les dispositions législatives pertinentes. De plus, le gouvernement note que UNSAS a renoncé au recours en contestation qui peut être introduit devant le Conseil d'Etat.

452. Concernant les allégations portant sur la violation du local du siège de UNSAS, le gouvernement rappelle que l'inviolabilité des locaux syndicaux est érigée en principe par l'article L.27 du Code du travail. Toutefois, ce principe ne vaut que si les organisations syndicales concernées se conforment aux dispositions légales régissant la tenue de réunions publiques ou de manifestations sur la voie publique. A cet égard, le gouvernement regrette que les militants de UNSAS utilisent le local syndical comme lieu de refuge ou base de repli lors des dispersions de manifestations non autorisées.

453. En dernier lieu, le gouvernement rappelle qu'en octobre 1992 presque toutes les régions du Sénégal avaient été plongées dans l'obscurité dans des conditions identiques à celles prévalant lors des événements du 15 juillet 1998. A cette époque, M. Mademba Sock lui-même avait imputé les actes perpétrés à son organisation syndicale, sans faire l'objet d'aucune sanction.

C. Conclusions du comité

454. Le comité note que ce cas traite de nombreuses allégations de violation des droits syndicaux, notamment d'entraves à la libre négociation collective, d'arrestations, de détentions et de licenciements de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, ainsi que d'interdiction de manifestation publique et de violations des locaux syndicaux.

455. Concernant les allégations d'entraves à la négociation collective, le comité note que l'organisation plaignante fait état de mesures dilatoires de la part de la direction générale de SENELEC lors de rencontres par des négociations portant notamment sur l'augmentation des salaires, l'annulation de l'endettement pour les agents non inscrits aux départs volontaires, l'indexation de la gratification et la promotion d'agents méritants, ainsi que du non-respect par le gouvernement d'un protocole d'accord signé le 2 juin 1997 entre le gouvernement et SUTELEC. Le comité note que le gouvernement et l'organisation plaignante font état de trois réunions entre la direction générale de SENELEC et SUTELEC; en outre, le gouvernement ajoute que ces rencontres auraient abouti à un accord entre les parties sur de nombreux points, ce qui n'est pas démenti par l'organisation plaignante. A la lumière des informations qu'il possède, notamment quant aux réunions entre le syndicat et l'entreprise et à la conclusion d'un accord subséquent, le comité n'est pas en mesure de conclure que la direction générale de SENELEC ait entravé le droit à la négociation collective ou n'ait pas négocié de bonne foi avec SUTELEC. Toutefois, le comité insiste sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs comme les syndicats doivent négocier de bonne foi et s'efforcer de parvenir à un accord, ce qui suppose que soit évité tout retard injustifié dans le déroulement des négociations. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 816.] Le comité prie dès lors le gouvernement de le tenir informé du déroulement des négociations menées entre le syndicat SUTELEC et les représentants de la société d'énergie SENELEC.

456. Pour ce qui est du protocole d'accord du 2 juin 1997, le comité observe qu'il stipule expressément que SENELEC doit être maintenue comme opérateur principal du secteur chargé du transport, de la distribution et de la vente d'énergie au Sénégal (art. 1). Au regard du protocole, les parties se sont entendues pour transformer SENELEC en société anonyme à participation publique majoritaire, l'Etat devant détenir au moins 51 pour cent des actions de la société (art. 3 b)). En outre, la possibilité reste ouverte à l'Etat de céder aux travailleurs de SENELEC, à la demande de SUTELEC, une partie des actions qu'il détient (art. 3 c)). Enfin, il est expressément prévu que les parties doivent respecter scrupuleusement le protocole dont toute modification doit faire l'objet de discussions et, le cas échéant, de la signature d'un avenant (art. 7). Toutefois, le comité note que la loi no 98-06 du 28 janvier 1998 prévoit, en son article 2, que le niveau de la participation de l'Etat dans le capital social comprenant la part d'actions portée pour les travailleurs (10 pour cent) sera de 51 pour cent au maximum (art. 2) et que le niveau final de la participation publique sera de 41 pour cent au maximum, SENELEC devenant alors à majorité privée. Dans ces conditions, le comité ne peut que déplorer les contradictions manifestes qui existent entre la loi no 98-06 et le protocole d'accord du 2 juin 1997 et prier le gouvernement de respecter, à l'avenir, les ententes dûment négociées et conclues.

457. Pour ce qui est des allégations relatives à l'arrestation et à la détention arbitraires de 27 membres de SUTELEC, y compris du secrétaire général de UNSAS et SUTELEC, de dirigeants syndicaux et de délégués du personnel, le comité rappelle d'entrée qu'il s'agit d'allégations extrêmement graves et que la détention de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités de défense des intérêts des travailleurs constitue une grave violation des libertés publiques en général, et des libertés syndicales en particulier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 71.] Le comité note que ces personnes ont été accusées de «dégradation volontaire d'installations électriques d'utilité publique», de «violences et voies de faits», d'«atteinte au libre exercice du travail», d'«actes ou manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique» et de «complicité» à la suite des interruptions générales de courant électrique qu'a connues le Sénégal au cours de l'été 1998. Le tribunal qui a été saisi de cette affaire a toutefois conclu que les preuves qui lui ont été présentées pour étayer ces accusations n'étaient pas suffisantes pour conclure à la perpétration de ces délits et a relaxé tous les inculpés, à l'exception de MM. Mademba Sock et Samba Yoro Dieye qui ont pour leur part été jugés coupables d'un seul chef d'accusation, à savoir d'avoir commis des actes de nature à compromettre la sécurité publique, délit prévu à l'article 80 du Code pénal. Ils ont été condamnés à six mois de prison ferme, peine qu'ils ont entièrement purgée. Le comité observe que le tribunal fonde sa décision sur le fait que la conséquence prévisible du refus du cumul de poste et du boycott des heures supplémentaires, mesures décidées lors de l'assemblée générale de SUTELEC tenue le 9 juillet 1998, était «la baisse de rendement, un dysfonctionnement dans la production et la distribution de l'électricité en raison de la vétusté du matériel» et que «des menaces sérieuses susceptibles de générer des troubles, étaient ainsi faites contre un service essentiel». Le tribunal ajoute que l'article 80 du Code pénal vise exactement ce type de situations puisqu'il «incrimine non pas le résultat, mais les conséquences que pouvaient entraîner les actes ou manœuvres ... [et] ... qu'il est permis de retenir qu'il vise un élément matériel très large qui consiste à une activité quelconque qui peut résulter non seulement d'un fait ou d'un geste mais aussi d'un écrit ou d'un discours et même de propos tenus en public». Le tribunal a dès lors conclu que les agissements de MM. Sock et Dieye présentaient ces caractéristiques et les a jugés coupables.

458. Dans ces circonstances, le comité observe que la société d'énergie SENELEC offre un service essentiel, c'est-à-dire un service dont l'interruption peut causer une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population. Dans un tel cas, le comité rappelle avoir déjà admis que le droit de grève - ou toute interruption du service - peut faire l'objet de restrictions dans de tels services essentiels, dans la mesure où les travailleurs concernés bénéficient d'une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui ont été imposées à leur liberté d'action pendant les différends survenus dans ces entreprises ou services. Pour ce qui est de la nature des «garanties appropriées», le comité indique que la limitation du droit de grève devrait s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 546 et 547.] Dans le cas d'espèce, le comité estime que l'absence de telles mesures compensatoires combinée à la portée extrêmement large de l'incrimination prévue à l'article 80 du Code pénal qui incrimine non pas les résultats mais les conséquences qu'auraient pu entraîner certains faits et agissements sur la sécurité publique a participé à l'établissement d'un climat de tension qui a mené aux arrestations et détentions dont il est fait mention dans la plainte; de manière à éviter que ne se reproduisent de telles situations regrettables, le comité rappelle au gouvernement que les activités syndicales ne doivent pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes. Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer aux travailleurs de SENELEC une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui sont imposées à leur liberté d'action, protection pouvant prendre la forme de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

459. Concernant le licenciement des membres de SUTELEC qui ont été arrêtés puis relaxés, le gouvernement affirme que les contrats individuels de travail de ces 25 travailleurs et de 11 autres syndicalistes qui n'ont pas été arrêtés ont été résiliés par l'Inspection régionale du travail de Dakar sur demande de SENELEC sur la base de griefs liés à l'interruption générale de courant électrique survenue le 15 juillet 1998. Toutefois, notant que le tribunal pénal a acquitté les 25 travailleurs qui avaient été arrêtés, le comité déplore vivement les licenciements des membres de SUTELEC qui ont été acquittés ainsi que les licenciements de ceux qui n'ont pas fait l'objet d'une arrestation. Dans ce contexte, le comité demande au gouvernement de réévaluer la situation à la lumière du jugement prononcé en décembre 1998 et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires afin que tous les syndicalistes et dirigeants syndicaux membres de SUTELEC qui ont été licenciés à la suite des incidents de juillet 1998 se voient offrir la réintégration dans leur poste de travail, sans perte de salaire. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard. Enfin, le comité relève que les licenciements de syndicalistes ont été autorisés par l'inspection régionale du travail et confirmés par le ministre du Travail, entités qui, dans le présent cas, pourraient être perçues comme partiales, étant entendu qu'avant l'adoption de la loi no 98-06 qui a eu pour effet de transformer SENELEC en société anonyme à participation majoritaire privée, cette société était publique. Le comité demande en outre au gouvernement d'assurer que les organes chargés de protéger les dirigeants syndicaux contre les licenciements de nature antisyndicale agissent en toute impartialité et indépendance.

460. En ce qui concerne les allégations d'interdiction et de répression systématiques des réunions et manifestations syndicales pacifiques, le comité note que, selon le gouvernement, il existe un large pouvoir d'appréciation des autorités administratives pour interdire des manifestations publiques. A cet égard, le comité rappelle que les droits syndicaux comprennent le droit fondamental de tenir des manifestations publiques. Si, pour éviter des désordres, les autorités décident d'interdire une manifestation dans les quartiers les plus fréquentés d'une ville, une telle interdiction ne constitue pas un obstacle à l'exercice des droits syndicaux, mais les autorités devraient s'efforcer de s'entendre avec les organisateurs de la manifestation afin de permettre sa tenue en un autre lieu où des désordres ne seraient pas à craindre. Les autorités ne doivent avoir recours à la force publique que dans des situations où l'ordre public est sérieusement menacé. L'intervention de la force publique doit rester proportionnée à la menace pour l'ordre public qu'il convient de contrôler, et le gouvernement devrait prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d'éliminer le danger qu'impliquent les excès de violence lorsqu'il s'agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l'ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 136 et 137.] Dans le cas présent, le comité déplore vivement toute répression violente de manifestations syndicales qui a pu avoir lieu; il prie instamment le gouvernement de donner les instructions nécessaires afin que de telles réunions puissent avoir lieu sans l'intervention des forces de l'ordre. En outre, le comité prie le gouvernement de s'entendre avec l'organisation plaignante afin que celle-ci puisse organiser des réunions publiques pacifiques, ce qui constitue un aspect important des droits syndicaux.

461. Enfin, en ce qui concerne les allégations portant sur la violation du local abritant le siège de UNSAS, le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles les militants de UNSAS se sont réfugiés dans leurs locaux à la suite de la dispersion d'une manifestation publique par les forces de l'ordre. Le comité se réfère à ce propos aux paragraphes précédents concernant la répression violente de manifestation publique. De plus, au sujet des assauts menés contre les locaux syndicaux et des menaces exercées contre des syndicalistes, le comité rappelle que de tels agissements créent un climat de crainte parmi les syndicalistes, fort préjudiciable à l'exercice des activités syndicales, et que les autorités, lorsqu'elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 179.] Dans le cas présent, le comité demande au gouvernement de s'assurer que de telles violations des locaux syndicaux ne se reproduisent plus et prie le gouvernement de prendre des mesures sévères contre les responsables de cet incident afin qu'ils soient sanctionnés et de le tenir informé à cet égard.

Recommandations du comité

462. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 2001

Rapport définitif

Plainte contre le gouvernement de l'Ukraine
présentée par
l'Association syndicale de la région de Kharkov

Allégations: restrictions du droit d'un syndicat d'organiser
son administration et ses activités

463. La plainte de l'Association syndicale de la région de Kharkov figure dans une communication en date du 25 décembre 1998. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 9 mars et 20 août 1999.

464. L'Ukraine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

465. Dans sa communication en date du 25 décembre 1998, l'Association syndicale de la région de Kharkov allègue une violation de l'article 7 de la convention no 87 par l'autorité judiciaire de l'Ukraine. L'organisation plaignante explique que cette violation a trait au refus par les tribunaux de l'Ukraine d'examiner le fond d'une plainte présentée par le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant» (usine de roulements de Kharkov), membre de l'Association syndicale de la région de Kharkov. Dans sa plainte, le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant» a demandé aux tribunaux de l'Ukraine que soit reconnu son droit d'organiser l'administration et les activités de son syndicat.

466. Le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant» avait auparavant demandé à cette dernière de lui fournir des locaux à l'usage de son comité syndical comme l'autorise l'article 249 du Code du travail de l'Ukraine. Cette demande aurait été ignorée par la direction de l'entreprise. Suite à ce refus, le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant» a déposé une plainte devant le tribunal de district d'Ordzhonikidze pour obtenir la reconnaissance de son droit d'organiser son administration et ses activités. Le tribunal de district a jugé, le 13 septembre 1996, qu'il n'existait aucune disposition dans la législation de l'Ukraine prévoyant l'examen du litige susmentionné entre deux entités juridiques par un tribunal de district et qu'il semblait que la question relevait des cours d'arbitrage. Le tribunal de district a statué que ce litige ne relevait pas de la compétence du tribunal de district d'Ordzhonikidze à Kharkov. L'appel interjeté par le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant» auprès du tribunal régional de Kharkov et de la Cour suprême de l'Ukraine a été rejeté pour les mêmes motifs.

467. L'organisation plaignante déclare que les articles 221 et 249 du Code du travail de l'Ukraine garantissent à un syndicat le droit de présenter une plainte pour la reconnaissance de ses droits syndicaux et des droits de ses membres auprès d'un tribunal de district. L'organisation plaignante ajoute que tout syndicat et ses membres ont le droit de déposer une plainte devant un tribunal pour obtenir la reconnaissance et la défense de leurs droits syndicaux. L'organisation plaignante s'appuie sur l'article 11 de la loi sur les droits des syndicats et les garanties de leurs activités et sur l'article 24 du Code de procédure civile de l'Ukraine.

B. Réponse du gouvernement

468. Dans sa communication en date du 9 mars 1999, le gouvernement déclare que le ministère du Travail et de la Politique sociale, en consultation avec la Cour suprême de l'Ukraine, a examiné la plainte présentée à l'OIT par l'Association syndicale de la région de Kharkov concernant le refus des tribunaux d'examiner la plainte présentée par le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant». Comme l'a indiqué la Cour suprême, la position des tribunaux s'appuie sur l'article 24 du Code de procédure civile de l'Ukraine et l'article 12 du Code de procédure arbitrale de l'Ukraine selon lesquels les différends découlant de questions relatives aux relations civiles et professionnelles sur le plan juridique entre des parties qui sont des entités juridiques relèvent de la juridiction des cours d'arbitrage. Pour ces motifs (les parties au conflit étant des personnes juridiques), la demande officielle du syndicat présentée à l'entreprise pour obtenir des locaux destinés à son comité a été rejetée le 13 septembre 1996 par le tribunal de district d'Ordzhonikidze à Kharkov. Toutefois, le gouvernement explique que cela n'implique en aucune façon que les syndicats n'ont pas de protection légale. Ce type de différend, comme le syndicat en a été informé, relève des cours d'arbitrage plutôt que des tribunaux de droit commun. Le gouvernement ajoute que l'article 221 du Code du travail de l'Ukraine prévoit la procédure pour l'examen des différends individuels du travail plutôt que pour les différends entre deux entités juridiques.

469. Par ailleurs, le gouvernement explique que le fond du différend entre le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant» et l'entreprise peut être résumé comme suit: un certain nombre d'organisations syndicales opèrent dans la société par actions en question, à savoir les suivantes: le Syndicat des travailleurs de la construction automobile et des machines agricoles (environ 5 000 travailleurs); le Syndicat libre de l'Association pour la solidarité des travailleurs de l'Ukraine (40 travailleurs); et le Syndicat libre de l'entreprise (sept travailleurs). Le gouvernement reconnaît que l'article 249 du Code du travail de l'Ukraine prévoit que les entreprises, établissements et organisations sont tenus de fournir gratuitement aux comités syndicaux des locaux et l'équipement nécessaire pour les activités de ces comités et les réunions de travailleurs. Par ailleurs, le gouvernement explique que l'article 4 de la loi sur les accords collectifs et sur le lieu de travail prévoit que, lorsqu'il existe plus d'un syndicat ou d'une confédération syndicale ou tout autre organisme autorisé par les collectifs de travailleurs pour les représenter dans une entreprise ou à l'échelon de l'Etat, de la branche ou du territoire, ils devront constituer un organe représentatif conjoint aux fins de négocier et conclure les accords collectifs et sur le lieu de travail.

C. Conclusions du comité

470. Le comité note que le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant», membre de l'Association syndicale de la région de Kharkov, a présenté une plainte devant le tribunal de district d'Ordzhonikidze, le tribunal régional de Kharkov et la Cour suprême de l'Ukraine. Le fond de la plainte, qui n'a jamais été examiné par ces tribunaux, concerne l'octroi par la Kharkov Bearing Plant de locaux gratuits au Syndicat libre qui compte sept travailleurs dans une entreprise de plus de 5 000 travailleurs. Il ressort de la décision du tribunal régional de Kharkov, ainsi que de la décision en date du 16 janvier 1997 de la Cour suprême de l'Ukraine, que le tribunal de district d'Ordzhonikidze n'est pas la juridiction compétente selon la législation de l'Ukraine comme le prévoient l'article 24 du Code de procédure civile de l'Ukraine et l'article 12 du Code de procédure arbitrale de l'Ukraine. Le comité note également que, selon le Code de procédure civile de l'Ukraine et le Code de procédure arbitrale de l'Ukraine, les organisations syndicales jouissent d'une protection légale vu qu'elles ont le droit de demander à un tribunal la reconnaissance de leurs droits syndicaux. Cependant, le comité note que, selon le gouvernement, et en vertu des dispositions légales en vigueur en Ukraine et des décisions de justice, les conflits de ce type relèvent des cours d'arbitrage plutôt que des tribunaux de droit commun.

471. Le comité estime qu'étant donné que le gouvernement a informé le Syndicat libre de la société par actions «Kharkov Bearing Plant» de son droit de présenter sa plainte devant la cour d'arbitrage, organe compétent en la matière, le présent cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.

Recommandation du comité

472. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à décider que le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi.

Cas no 2018

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de l'Ukraine
présentée par
le Syndicat indépendant des travailleurs
du port maritime commercial d'Illichevsk (NPRP)

Allégations: persécutions antisyndicales; atteintes au droit de grève;
entraves à la négociation collective; menace physique contre
le président du syndicat, saisie de rapports financiers
et blocage de comptes bancaires d'un syndicat

473. Le 23 février 1999, le Syndicat indépendant des travailleurs du port maritime commercial d'Illichevsk de la région d'Odessa (NPRP) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de l'Ukraine. Il a transmis par la suite des informations complémentaires sur ce cas dans une communication en date du 17 juin 1999.

474. Dans une communication datée du 21 mai 1999, le gouvernement a envoyé ses commentaires et observations sur cette plainte.

475. L'Ukraine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégation du syndicat plaignant

476. Dans sa communication du 23 février 1999, le Syndicat indépendant des travailleurs du port maritime commercial d'Illichevsk de la région d'Odessa en Ukraine (NPRP) précise qu'il a été fondé en 1990 et explique que les autorités ont lancé une campagne antisyndicale contre le NPRP et ses dirigeants.

477. Entrant dans une description détaillée de l'affaire, le syndicat plaignant explique que, le 18 décembre 1998, conformément à ses statuts, le NPRP devait tenir son congrès et ses élections et que, le 17 décembre, en application de la loi et de la convention collective, il a adressé une lettre au directeur du port pour demander que des locaux soient mis à sa disposition pour ce faire. Cependant, la direction du port a opposé un refus comme elle l'avait déjà fait auparavant à plusieurs reprises.

478. Toujours selon le syndicat plaignant, des travailleurs ont fait état du fait que la direction contraignait les adhérents du NPRP à quitter le syndicat sous la menace de licenciements. Des travailleurs nouvellement engagés ont été contraints d'accepter des conditions d'emploi qui en fait avaient pour résultat de les empêcher de s'affilier au NPRP. En un an, le syndicat a ainsi perdu 1 000 adhérents sur un effectif de 4 000.

479. Le syndicat plaignant ajoute qu'a été créée, avec des fonds provenant de la direction du port, une association composée de jeunes travailleurs. Il a été demandé à ses adhérents de quitter le NPRP, et l'association a souscrit avec le directeur du port un pacte aux termes duquel les brigades de jeunes travailleurs de l'association doivent travailler dans le port en cas de grève.

480. Le syndicat plaignant explique que, face aux mesures illégales adoptées par le directeur du port, le NPRP avait tenu une réunion le 25 juin 1998 afin de préparer ses revendications à soumettre à la direction, conformément à la loi sur le règlement des conflits collectifs. Toutes les procédures prévues par la loi avaient été respectées. Mais les propositions du NPRP présentées à la direction furent rejetées et le syndicat ainsi contraint à déclarer une grève en ultime recours. Le 18 août, le NPRP avait convoqué les travailleurs pour discuter de la déclaration de grève et lancé un préavis de grève pour le 7 septembre 1998. Cependant, avant même le début de la grève, l'administration du port a introduit un recours devant le tribunal régional d'Odessa qui déclara la grève illégale. Le NPRP engagea alors un recours en appel devant la Cour suprême contre la décision de première instance. Ce recours fut rejeté.

481. Par la suite, une conférence du collectif des travailleurs du port fut convoquée par le directeur, le 4 septembre 1998. D'après le syndicat plaignant, 80 pour cent des participants étaient chefs de départements, cadres ou employés administratifs. Au cours de cette conférence, des attaques furent proférées contre le NPRP. Un conseil du collectif des travailleurs fut mis en place par la conférence sans aucune base légale. Depuis lors, ce conseil usurpe la place du syndicat indépendant. La conférence a déclaré un moratoire sur les grèves, ce qui signifie, d'après le syndicat plaignant, que le directeur du port a de lui-même abrogé le droit de grève.

482. Une proposition de nouvelle convention collective a alors été présentée par l'administration du port au syndicat. Elle a pour conséquence une détérioration de la situation juridique, financière et sociale des travailleurs. Le NPRP a demandé en vain le déclenchement de la procédure de conciliation. Il a été averti oralement que, en cas de refus de la proposition de sa part, la nouvelle convention collective serait adoptée lors de la conférence du collectif des travailleurs et signée par le conseil du collectif des travailleurs.

483. La direction du port a en outre engagé des procédures contre les délégués des travailleurs qui avaient critiqué son administration. Le procureur d'Illichevsk, a introduit une action devant le tribunal d'arbitrage d'Odessa sur la demande du port d'Illichevsk pour réclamer 1 million de hryvnias de dommages et intérêts (environ 300 000 dollars des Etats-Unis).

484. De plus, le procureur, sur la demande de travailleurs qui n'étaient pas membres du NPRP, a confisqué les documents du syndicat, engagé des poursuites pénales contre le président du NPRP, M. Boytchuk, et son conseiller juridique, M. Tatarnikov, et a fait fermer les comptes bancaires du syndicat pendant huit jours. Le président du NPRP s'est vu interdire de quitter la ville d'Illichevsk et de s'exprimer devant la conférence de la Confédération des syndicats indépendants d'Ukraine le 23 décembre 1998 à Kiev. Enfin, selon le plaignant, des personnes non identifiées ont tenté de l'enlever avec la complicité de la police.

485. Par ailleurs, le NPRP indique qu'une commission gouvernementale s'est rendue sur place après le dépôt de la plainte au BIT. La commission a rencontré pendant deux jours les représentants de la direction, des syndicats et des organisations publiques, mais ne s'est entretenue que trois heures avec les dirigeants du NPRP. Au cours de cet entretien, aucun des points soulevés dans la plainte n'a été évoqué. La commission prenait fait et cause pour l'employeur et a exercé des pressions sur le syndicat pour qu'il fasse des concessions. Comprenant que cette tactique n'aurait pas de succès, la commission est repartie pour Kiev en indiquant que d'autres moyens d'influence sur le syndicat seraient trouvés, ce que le NPRP considère comme une menace de la part de la commission gouvernementale.

486. Le syndicat plaignant dénonce également les menaces de licenciements qui auraient été proférées le 27 mai 1999 contre des adhérents au NPRP et notamment contre un dirigeant syndical, M. Loshmanov, pour avoir demandé à la direction du port des explications sur le prix trop élevé des tomates cultivées dans les serres du port, ainsi que des menaces de destruction du NPRP.

487. Le syndicat plaignant mentionne également une réunion de la brigade de travail no 301, tenue le 22 décembre 1998 où, selon le syndicat plaignant, il aurait été dit que «le syndicat indépendant allait être dissous car il ne répondait pas aux attentes de la direction du port». A la fin de la réunion, des feuilles de papier auraient été distribuées aux travailleurs pour les inviter à consigner par écrit leur intention de quitter le syndicat indépendant. M. Proskurin, membre du NPRP, qui s'était élevé contre ces demandes illégales, aurait été l'objet d'intenses pressions psychologiques et avait dû de ce fait être hospitalisé pour dépression nerveuse. Ces faits ont été portés à la connaissance de la commission, la victime ayant elle-même témoigné, mais aucune réponse appropriée de la part de la commission n'a été reçue.

B. Réponse du gouvernement

488. Dans sa réponse du 21 mai 1999, le gouvernement indique que la plainte du NPRP a été examinée par le ministère du Travail et des Affaires sociales conjointement avec le secrétariat du Conseil national du partenariat social et le Service national de médiation et de conciliation avec la participation de l'inspection du travail, y compris au moyen de la visite sur place d'une commission.

489. La documentation en provenance des autorités judiciaires et du Bureau du procureur chargé du secteur des transports a été étudiée, et des entretiens ont été conduits avec la direction du port et avec les diverses organisations syndicales, à savoir le Syndicat des travailleurs des transports maritimes de l'Ukraine dans le port (STTMU) (4 922 affiliés), le Syndicat indépendant des travailleurs du port maritime commercial d'Illichevsk (NPRP) (plaignant) (2 874 affiliés), le Syndicat des travailleurs des services (93 affiliés), le Syndicat des professionnels, des dockers et des mécaniciens (55 affiliés) et le Syndicat des ingénieurs et des techniciens (32 affiliés).

490. Le gouvernement convient tout d'abord que la direction du port a reçu une lettre de deux organisations, le Syndicat des travailleurs des transports maritimes de l'Ukraine (STTMU) et le Syndicat indépendant des travailleurs du port maritime commercial d'Illichevsk (NPRP), le 17 décembre 1998, à propos de la tenue de leurs congrès respectifs pour le 18 décembre 1998. Compte tenu de l'extrême brièveté du préavis et du fait que ces événements signifiaient que les travailleurs élus comme délégués à ces congrès seraient absents de leur travail à un moment critique du processus de production de fin d'année qui devait être achevé, la direction du port a suggéré aux organisations syndicales de repousser la tenue de leurs congrès au mois de janvier 1999.

491. Le STTMU a accepté et a tenu son congrès le 22 janvier 1999, mais le NPRP a refusé de modifier la date prévue. D'après le gouvernement, l'attitude de la direction du port était justifiée puisque la tenue des congrès en janvier devait permettre de prendre en compte dans les débats les résultats financiers de l'entreprise pour l'année écoulée. L'action de la direction ne peut donc être qualifiée d'entrave aux activités syndicales. Le gouvernement indique en outre que le NPRP plaignant dans cette affaire est actif dans l'entreprise depuis 1990 et que des congrès de ce syndicat n'ont été retardés pour des raisons objectives qu'à deux reprises (en juin et en décembre 1998). En conséquence, les allégations selon lesquelles de tels incidents ont été nombreux et sont survenus à plusieurs reprises ne correspondent pas à la réalité. Le gouvernement souligne que, conformément à l'article 250 du Code du travail en vigueur, la direction du port a mis à la disposition des syndicats les facilités nécessaires à l'accomplissement par les syndicats de leurs activités. En particulier, le NPRP a reçu des locaux, meubles de bureau et téléphones à la satisfaction de son président, comme il l'a lui-même confirmé à la commission. De plus, selon le gouvernement, les facilités mises à la disposition du comité de ce syndicat sont nettement meilleures que celles réservées au STTMU rival qui pourtant représente davantage de travailleurs avec un effectif de 31,1 pour cent de la main-d'œuvre du port.

492. Les dirigeants des autres comités syndicaux ont réfuté les allégations selon lesquelles il y aurait eu des actes d'ingérence de la part de la direction du port dans les activités des syndicats ou des pressions sur les adhérents du NPRP pour qu'ils quittent le syndicat. Le NPRP n'a apporté aucune preuve testimoniale de ce qu'il allègue et, selon le gouvernement, aucune plainte de travailleurs n'a été fournie à la commission.

493. Au contraire, lorsque la commission gouvernementale s'est penchée sur ce dossier et a examiné les demandes écrites de retrait du NPRP déposées par les travailleurs (à cet égard, le gouvernement convient que 1 000 travailleurs ont récemment démissionné de ce syndicat), aucun élément direct ou indirect ne constituait de preuve de pression pour que les intéressés prennent leur décision. M. Boytchuk l'aurait lui-même confirmé. De même, les documents du service du personnel ne contiendraient aucune information attestant que l'admission à l'emploi serait liée à une quelconque appartenance syndicale.

494. Par ailleurs, le gouvernement admet que, le 28 août 1998, une association de jeunes travailleurs du port a été créée et enregistrée par le conseil municipal d'Illichevsk. Cette association, qui regroupe 418 jeunes travailleurs âgés de 16 à 33 ans, a pour but d'aider les jeunes à réaliser leur créativité potentielle et leurs initiatives dans tous les domaines de la vie; de protéger les droits et les intérêts des jeunes travailleurs; de développer la coopération internationale, le tourisme et le sport et de développer le respect pour les valeurs humaines universelles. Le gouvernement explique que, pour adhérer à cette association, il n'est pas nécessaire, comme l'affirme le plaignant, de se retirer d'une autre association publique ou d'un syndicat. La plupart des membres de l'association des jeunes travailleurs du port sont également membres de syndicats, y compris 81 adhérents du NPRP. L'accord conclu entre l'association des jeunes travailleurs du port et la direction, le 26 décembre 1998, contient des mesures plus spécifiques visant au développement social de ces jeunes personnes travaillant dans le port. Selon le gouvernement, les clauses de cet accord relatives au droit de l'association de créer des brigades de la jeunesse ne constituent pas une atteinte aux droits syndicaux, et les activités de cette association de jeunes sont encore moins des activités de briseurs de grève.

495. Le gouvernement confirme que, le 4 septembre 1998, une conférence du collectif des travailleurs s'est tenue en vue de prendre connaissance des résultats des activités du port pour les sept derniers mois de 1998 et des mesures à prendre pour stabiliser la production et l'activité économique. Sur les 183 délégués élus, 107 appartenaient au STTMU, 46 au NPRP, trois au Syndicat des travailleurs des services et 27 n'appartenaient à aucun syndicat. Le gouvernement affirme que seulement 19,6 pour cent des délégués à cette conférence étaient des cadres, substituts ou adjoints au directeur du port ou aux chefs de service et non 80 pour cent comme le prétend le plaignant.

496. A la demande des délégués, la conférence a discuté de la question de la mise en place d'un conseil du collectif des travailleurs du port. Sur les 28 membres qu'aurait dû compter ce conseil, seulement 18 ont été élus à bulletin secret. Dix candidats, y compris des dirigeants des deux grands syndicats, le STTMU et le NPRP, n'ont pas recueilli suffisamment de voix. Le reste des membres du conseil du collectif des travailleurs devrait être élu à la prochaine conférence. Il a également été décidé que les membres du conseil représenteraient les travailleurs et la direction sur un pied d'égalité (14 membres de chaque côté). Le gouvernement prétend aussi que les pouvoirs du conseil du collectif des travailleurs et des organisations syndicales sont clairement délimités comme l'atteste le procès-verbal de réunion de la commission mise en place pour amender et compléter le règlement intérieur du port le 24 juin 1998. Ce procès-verbal a été signé par les représentants de la direction et des syndicats, y compris du NPRP. Les allégations selon lesquelles le conseil du collectif des travailleurs restreindrait les droits du NPRP de défendre les intérêts des travailleurs sont donc, d'après le gouvernement, sans fondement.

497. Le gouvernement reconnaît que, lors de cette conférence, les délégués ont décidé d'un moratoire sur les grèves. La commission gouvernementale qui s'est rendue sur place estime que ce fut le résultat, d'abord, de la situation qui est survenue dans le collectif des travailleurs du port, après que le tribunal eut déclaré illégale la grève prévue par le NPRP et, deuxièmement, des opinions diamétralement opposées de la grande majorité des travailleurs, d'une part, et des représentants du NPRP, d'autre part, en ce qui concerne la manière dont la direction du port gère les activités de développement économique et social. Le gouvernement considère que les travailleurs du port perçoivent des indemnités et avantages sociaux substantiels aux termes de la convention collective que la grande majorité d'entre eux apprécient. Il ajoute qu'en 1999 le salaire moyen des travailleurs du port a été de 514 hryvnias et de 820 hryvnias respectivement pour les dockers et les conducteurs d'engins (alors que le salaire moyen n'est que de 166,6 hryvnias en Ukraine).

498. Le gouvernement confirme que la direction du port a pris l'initiative d'un projet de convention collective pour 1999. Conformément à la législation en vigueur, une commission paritaire comprenant 22 membres a été mise en place pour négocier collectivement et conclure un accord. Les représentants des travailleurs de la commission comprenaient cinq représentants du NPRP (qui compte 2 874 membres), cinq représentants du STTMU (qui compte 4 922 membres) et un représentant des travailleurs non syndiqués. La direction du port s'est assurée que les syndicats et la commission soient en possession de toutes les informations nécessaires pour rédiger l'accord, y compris les documents concernant la situation sociale, économique et financière de l'entreprise.

499. Le gouvernement reconnaît également que le projet de convention collective préparé sur la base de la législation en vigueur se différencie largement de la précédente convention. Il s'agit, selon lui, d'une position de principe prise par la direction et les syndicats. Aucune clause contraire à la législation en vigueur n'y a été incluse, contrairement aux clauses de la convention collective précédente. Le gouvernement affirme que ceci ne signifie pourtant pas une détérioration de la situation des travailleurs du port dans les domaines juridiques, financiers et sociaux, comme le prétend le plaignant, et encore moins que le NPRP ou tout autre syndicat serait écarté de la défense des intérêts sociaux et économiques des travailleurs.

500. Au sein de la commission paritaire, les dirigeants du NPRP ont, selon le gouvernement, fait obstruction à toute possibilité d'accord et ont également refusé que la question soit traitée par la conférence du collectif des travailleurs, comme le prévoit la loi ukrainienne sur les conventions collectives.

501. La direction du port a elle aussi eu une attitude inflexible en ce qui concerne la rédaction des clauses de la convention collective définissant les pouvoirs spécifiques des représentants des travailleurs en ce qui concerne l'élaboration de la convention collective. Les parties n'ont pas mis en place de commission consultative. Le règlement intérieur du port ne prévoit pas d'organe représentatif spécifique qui aurait le droit de signer une convention collective au nom du collectif des travailleurs.

502. Selon le gouvernement, ce n'est pas la direction qui a fait obstacle aux activités légitimes du NPRP mais c'est son propre président et des militants qui ont voulu ignorer les quatre autres syndicats présents dans l'entreprise et qui ne veulent pas collaborer avec eux.

503. Le gouvernement considère que le vote de la grève par l'assemblée du NPRP le 18 août 1999 a été adopté en violation flagrante des dispositions de la loi ukrainienne sur la procédure de résolution des conflits collectifs. Il n'y a eu ni commission de conciliation ni arbitrage qui aurait pu satisfaire les parties. Dans certaines subdivisions, il n'y a pas eu de réunion pour élire les délégués à la réunion sur le vote de grève. Les travailleurs employés dans le port, à savoir 9 236 personnes, n'ont pas tous été informés de ce vote. La majorité des travailleurs employés dans les huit terminaux du port étaient, d'après le gouvernement, opposés à la grève.

504. La commission gouvernementale a également étudié les décisions judiciaires prises dans cette affaire. Il apparaît que les autorités judiciaires se sont prononcées en tenant compte du fait que le port commercial travaille en continu et que, conformément à la loi ukrainienne sur les transports, les grèves sont interdites dans les entreprises de transport travaillant en continu. L'illégalité de la grève a été confirmée par le Service national de conciliation et de médiation.

505. Enfin, le gouvernement indique que, à la demande du ministère du Travail, une enquête a été ordonnée auprès du Bureau du procureur général de l'Ukraine aux fins de vérifier les informations contenues dans la plainte alléguant que la direction aurait accompli des actes de violation des droits du NPRP et de son président à titre personnel.

C. Conclusions du comité

506. La présente affaire porte sur des allégations d'entraves à la liberté syndicale qui auraient été commises par un employeur et par les autorités publiques, à savoir: 1) le refus d'un employeur d'accorder à un syndicat des locaux pour la tenue de son congrès; 2) les pressions d'un employeur pour contraindre les employés du syndicat plaignant à quitter ce syndicat; 3) la création, avec des fonds de l'employeur, d'une organisation de jeunes travailleurs signataire d'un pacte de non-participation aux grèves; 4) la convocation par un employeur d'une conférence du collectif des travailleurs contrôlée par l'administration et signataire d'un moratoire sur les grèves et la mise en place par un employeur d'un conseil du collectif des travailleurs; 5) les pressions sur le syndicat plaignant pour qu'il signe une nouvelle convention collective et la menace, en cas de refus, de la faire signer par le conseil du collectif des travailleurs influencé par l'employeur; 6) la déclaration par voie judiciaire de l'illégalité d'une grève envisagée dans un port; 7) les diverses entraves au fonctionnement du syndicat, en particulier la saisie de rapports financiers et la fermeture de comptes bancaires et 8) pressions, atteintes au droit de libre circulation et tentative d'enlèvement contre le président du syndicat, avec la complicité de la police.

507. En ce qui concerne le refus de l'employeur d'accorder au syndicat plaignant des locaux pour la tenue de son congrès, le comité note les indications fournies par le gouvernement selon lesquelles cette décision a été prise aussi pour l'organisation syndicale rivale du NPRP et qu'elle était due à l'extrême brièveté du préavis (une journée) et à l'intérêt qu'il y aurait eu à reculer le congrès d'un mois pour tenir compte dans les débats des résultats financiers de l'entreprise. Tout en soulignant que l'organisation d'un congrès syndical relève de la gestion interne du syndicat intéressé dans laquelle l'employeur doit s'abstenir de toute ingérence, le comité estime qu'un préavis aussi bref qu'une seule journée peut justifier l'absence de mise à disposition par l'employeur de locaux pour la tenue à jour. Le comité constate en outre que le NPRP a pu, malgré ce refus, tenir ses assises comme il l'avait prévu.

508. S'agissant des allégations de pressions de l'employeur pour contraindre les membres du syndicat plaignant à quitter ce syndicat, le comité note que le gouvernement indique que la commission gouvernementale dépêchée sur place n'a trouvé aucun élément direct ou indirect qui constituerait une preuve de pression en ce sens sur le personnel. Le comité observe néanmoins que le gouvernement lui-même constate que plus de 1 000 travailleurs ont récemment démissionné du syndicat plaignant. Le comité observe en outre l'absence de réponse du gouvernement sur les allégations concrètes selon lesquelles, lors d'une réunion d'une brigade de travail, il aurait été dit que «le syndicat indépendant allait être dissous car il ne répondait pas aux attentes de la direction du port», que des feuilles y auraient été distribuées aux travailleurs pour les inviter à consigner par écrit leur intention de quitter le syndicat et qu'un membre du syndicat qui s'élevait contre ces demandes illégales aurait été l'objet de pressions psychologiques, alors que les faits en question auraient été portés à la connaissance de la commission gouvernementale chargée de l'enquête par la victime elle-même.

509. Dans ces conditions, le comité doit attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la preuve de l'incitation à quitter un syndicat de la part d'un employeur peut être très difficile à apporter pour les travailleurs qui craignent de perdre leur emploi. Compte tenu du grand nombre de «démissions» du syndicat plaignant (plus de 1 000, soit près du quart de ses effectifs), le comité estime qu'il serait particulièrement approprié qu'une nouvelle enquête soit menée par une instance indépendante jouissant de la confiance des parties en vue d'établir les circonstances de ces démissions et la véracité des allégations. S'il est avéré que des pressions ont été exercées sur les travailleurs pour qu'ils quittent le syndicat, le comité prie le gouvernement de s'assurer que cela ne se reproduira pas et de le tenir informé des résultats de l'enquête.

510. S'agissant de l'allégation de création avec les fonds de l'employeur d'une association de jeunes travailleurs signataire d'un pacte aux termes duquel les jeunes travailleurs devront travailler dans le port en cas de grève, le comité note que le gouvernement réfute l'allégation selon laquelle la clause de l'accord permettant à l'association de créer des brigades de la jeunesse constituerait une atteinte aux droits syndicaux, les activités de cette association de jeunes n'étant, selon le gouvernement, en aucun cas des activités de briseurs de grève. Le comité pour sa part observe, d'après les éléments de preuve joints à la plainte, que le pacte ne contient pas de clause spécifique de non-recours à la grève. Il note aussi que, d'après le gouvernement, plusieurs membres de cette association de jeunes travailleurs appartiennent également au syndicat plaignant NPRP. De l'avis du comité, aucun élément du dossier en sa possession ne permet donc d'affirmer que cette association aurait été créée en vue d'affaiblir la position du syndicat plaignant ou d'entraver ses activités. Il convient cependant que le gouvernement s'assure que les fonctions exercées par cette association de jeunes travailleurs n'empiètent pas sur les activités normales d'une organisation syndicale.

511. Au sujet de la convocation par l'employeur le 4 septembre 1998 d'une conférence du collectif des travailleurs composée au dire du plaignant à 80 pour cent de cadres ou employés administratifs, le comité note que, selon le gouvernement, seulement 19,6 pour cent des délégués de cette conférence étaient des cadres, et que, sur les 183 délégués élus, 107 appartenaient au STTMU, 46 au NPRP, 3 au Syndicat des travailleurs des services et 27 à aucun syndicat. Le comité a pris connaissance du procès-verbal de la conférence du collectif des travailleurs du 4 septembre 1998 joint à la plainte qui indique que la réunion a eu lieu en présence des autorités municipales et qu'elle a condammé les actions du NPRP pour avoir appelé à la grève et décidé également d'un moratoire sur les grèves tant que les conditions économiques difficiles prévaudront dans le pays. Les dix candidats représentatifs des deux grands syndicats (le NPRP et le STTMU), y compris leurs deux dirigeants, M. Boytchuk (NPRP) et M. Bryzgalov (STTMU), n'ont pas été élus au conseil du collectif.

512. Face à ces déclarations contradictoires du plaignant et du gouvernement sur la représentativité réelle de la conférence du collectif des travailleurs, le comité ne peut se prononcer sur ce point. Quoi qu'il en soit, il estime que les fonctions de telles conférences de travailleurs ne devraient pas empiéter sur les activités des organisations syndicales. Or il semble bien que, dans le cas d'espèce, la conférence a exercé des fonctions de nature syndicale en prononçant un moratoire sur les grèves. Le comité est renforcé dans cette opinion par le fait que la direction du port a menacé le syndicat plaignant de faire signer la nouvelle convention collective par le conseil du collectif des travailleurs s'il refusait de le faire. A cet égard, le comité rappelle que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, dispose que: «Aux fins de la présente recommandation, on entend par «convention collective» tout accord écrit relatif aux conditions de travail et d'emploi conclu entre, d'une part, un employeur, un groupe d'employeurs ou une ou plusieurs organisations d'employeurs et, d'autre part, une ou plusieurs organisations représentatives de travailleurs, ou, en l'absence de telles organisations, les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers, en conformité de la législation nationale.» A ce propos, le comité a souligné que ladite recommandation met l'accent sur le rôle des organisations de travailleurs en tant qu'une des parties à la négociation collective. La négociation directe conduite entre l'entreprise et son personnel, en feignant d'ignorer les organisations représentatives existantes, peut, dans certains cas, être contraire au principe selon lequel il faut encourager et promouvoir la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 786.] Le comité estime donc que le gouvernement devrait veiller à ce que les activités de nature syndicale soient exercées par des organisations syndicales indépendantes des employeurs et qu'en particulier les collectifs des travailleurs n'empiètent pas sur les fonctions normales des syndicats, notamment en matière de grève et de négociation collective.

513. S'agissant du préavis de grève lancé par le syndicat plaignant après qu'il eut, selon lui, vainement demandé le déclenchement de la procédure de conciliation, le comité a pris connaissance des deux décisions judiciaires prononçant l'illégalité de la grève envisagée, jointes à la plainte. Il observe que le tribunal de district d'Odessa a estimé que les procédures de règlement d'un conflit collectif n'avaient pas été épuisées et qu'il n'y avait pas eu de tentative de conciliation. Le tribunal a jugé que le port accomplit un service continu et que, conformément à l'article 18 de la loi de l'Ukraine sur les transports qui interdit la grève en cas de service continu, le préavis de grève devrait être déclaré illégal.

514. Dans les cas impliquant des violations du droit de grève, le comité a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. Il a également toujours estimé que les conditions posées par la législation pour qu'une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu'elles constituent une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales. [Voir Recueil, op.cit., paragr. 474 et 498.] Le comité a souligné également que, si le droit de grève peut être restreint, voire interdit, dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé des personnes, dans la mesure où les travailleurs concernés bénéficient de garanties appropriées, le service des ports en général ne constitue pas des services essentiels au sens strict du terme, même s'il s'agit de services publics importants dans lesquels pourrait être prévu le maintien de services minimums en cas de grève. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 526, 545 et 564.] Le comité demande en conséquence au gouvernement de modifier l'article 18 de la loi de l'Ukraine sur les transports afin qu'il ne puisse pas être interprété comme permettant d'interdire la grève dans les ports.

515. S'agissant des allégations de menaces contre les dirigeants du syndicat plaignant et contre le syndicat lui-même (saisie de rapports financiers, fermeture de comptes bancaires, pressions, atteintes au droit de libre circulation et tentative d'enlèvement du président du NPRP), le comité note que le gouvernement indique, d'une manière générale, qu'une enquête a été ordonnée auprès du bureau du Procureur général de l'Ukraine. Le comité doit exprimer sa préoccupation devant la nature de ces allégations qui, si elles étaient avérées, constitueraient de graves violations de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de s'assurer que l'enquête soit menée avec diligence et de le tenir informé du résultat de cette enquête.

Recommandations du comité

516. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 2038

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement de l'Ukraine
présentée par
la Fédération des syndicats libres de l'Ukraine

Allégations: adoption d'une législation contraire
à la liberté syndicale

517. La plainte de la Fédération des syndicats libres de l'Ukraine figure dans des communications en date des 26 février et 2 juillet 1999. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 30 juillet 1999.

518. L'Ukraine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de la fédération plaignante

519. La Fédération des syndicats libres de l'Ukraine indique d'abord qu'elle est opposée à certaines dispositions, notamment les articles 11 et 16, de la loi sur «les syndicats, leurs droits et la protection de leurs activités», récemment adoptée par le Parlement de l'Ukraine. La fédération plaignante explique également que le Président de l'Ukraine a utilisé la procédure de veto pour renvoyer le projet de loi pour révision mais n'a pas demandé, dans ses observations, que la teneur des articles 11 et 16 soit modifiée. De ce fait, même si le Parlement examine actuellement ce texte, la fédération plaignante maintient sa position quant à la nécessité de modifier les articles 11 et 16.

520. Plus précisément, la Fédération des syndicats libres de l'Ukraine avance que l'article 11 de la loi sur les «syndicats, leurs droits et la protection de leurs activités» est incompatible avec l'article 2 de la convention no 87. En effet, l'article 11 prévoit que les syndicats ont un statut de syndicat de district s'ils ont des liens organiques dans la majorité des unités territoriales administratives du même district et dans les villes de Kiev et de Sébastopol; ... ou qu'ils regroupent la majorité des membres syndiqués de la même catégorie de profession travaillant dans le district et dans les villes de Kiev et Sébastopol. Le fait qu'un syndicat ait le statut d'organisation couvrant toute l'Ukraine sera déterminé sur la base de l'un des principes suivants: 1) existence de liens syndicaux organiques dans la majorité des unités territoriales administratives de l'Ukraine; 2) existence de liens syndicaux organiques dans la majorité des unités territoriales administratives de l'Ukraine dans lesquelles sont situés les entreprises, établissements et organisations d'une branche donnée et qui réunissent au moins un tiers des membres syndiqués de la branche; 3) association dans un syndicat de la majorité des membres syndiqués d'une catégorie professionnelle donnée travaillant en Ukraine.

521. La fédération plaignante observe que les dispositions de l'article 11, qui précise les conditions d'octroi d'un statut d'organisation locale, régionale et à l'échelle de l'Ukraine aux syndicats - prévoyant notamment que, pour avoir un statut d'organisation régionale ou à l'échelle de l'Ukraine, un syndicat doit réunir plus de la moitié des travailleurs de la branche concernée ou avoir des unités organiques dans la majorité des territoires administratifs de l'Ukraine -, violent le principe constitutionnel de l'égalité de tous les syndicats. Pour la fédération plaignante, cet article met les syndicats de l'Ukraine dans une situation d'inégalité puisque seuls les syndicats ayant l'appui de l'Etat, qui constituent la Fédération des syndicats de l'Ukraine, rempliraient ces critères.

522. Un autre point souligné par la fédération plaignante concerne les dispositions de l'article 16 de la loi mentionnée ci-dessus. Cet article prévoit que la légalisation des syndicats et de leurs associations sera obligatoire et se fera au moyen de leur enregistrement, ... la demande d'enregistrement étant examinée dans un délai d'un mois à partir de la date de réception des documents. Pendant ce délai, l'organisme légalisateur procédera à la vérification de la correspondance entre les statuts et les dispositions de l'article 11 de ladite loi, inscrira l'organisation dans le registre d'association des citoyens et délivrera un certificat. Pour la fédération plaignante, cet article implique qu'un syndicat n'est constitué qu'après enregistrement par les organismes d'Etat appropriés. Cette disposition va à l'encontre de la Constitution de l'Ukraine; elle implique une intervention de l'Etat dans le processus de constitution d'un syndicat et met un terme à l'indépendance du mouvement syndical en Ukraine.

523. De plus, la fédération plaignante estime inacceptable la partie 2 des dispositions finales de la loi qui prévoit que les syndicats et leurs associations, qui ont déjà déployé des activités sur le territoire de l'Ukraine, devront dans un délai de six mois à partir de l'entrée en vigueur de la présente loi, être légalisés conformément à cette même loi sans avoir à acquitter de taxe d'enregistrement. Cette disposition entraîne la dissolution automatique de tous les syndicats qui ne satisfont pas aux dispositions des articles 11 et 16 de la nouvelle loi.

B. Réponse du gouvernement

524. Le gouvernement indique tout d'abord que l'allégation selon laquelle l'article 11 de la loi sur «les syndicats, leurs droits et la protection de leurs activités» viole les principes d'égalité, d'indépendance et de démocratie dans le processus de libre développement des syndicats est sans fondement. Le gouvernement explique que l'article 2 de la loi dispose que l'objet de la création de syndicats est de représenter, d'appliquer et de défendre les droits et intérêts des citoyens aux plans socio-économique et du travail. Aux termes de la loi, le droit d'un syndicat de défendre les intérêts de ses membres et ses pouvoirs en la matière ne dépend pas de son statut. Pour ce qui est du statut des syndicats, le gouvernement souligne que les dispositions y relatives ont pour objet, en Ukraine comme dans de nombreux autres pays, de déterminer la représentation d'un syndicat aux niveaux national, régional et de la branche à des fins de consultations, de négociation collective, de participation aux organes tripartites, etc.

525. En ce qui concerne l'article 16 de la loi qui prévoit que les syndicats doivent obtenir une reconnaissance juridique grâce à l'enregistrement, le gouvernement explique que la reconnaissance juridique correspond à une reconnaissance officielle des syndicats une fois établis et ne peut donc être considérée comme une autorisation.

526. Enfin, le gouvernement fait remarquer que la loi a été rédigée en consultation directe avec les représentants des syndicats. Le Comité des affaires sociales et de la politique sociale du Conseil suprême a créé une commission consultative composée notamment de représentants de tous les syndicats nationaux. Selon le gouvernement, la version définitive des articles 11 et 16 a été proposée par des représentants syndicaux. Le gouvernement reconnaît qu'un certain nombre de dispositions de la loi ne sont effectivement pas conformes à la Constitution et à la législation nationale de l'Ukraine mais précise que c'est précisément la raison pour laquelle le Président a renvoyé la loi au Conseil suprême pour une nouvelle lecture.

C. Conclusions du comité

527. Le comité note que ce cas a trait à des allégations relatives à l'adoption d'une législation sur les syndicats contraire aux principes de la liberté syndicale. Plus précisément, le comité prend note des dispositions des articles 11 et 16 de la loi sur «les syndicats, leurs droits et la protection de leurs activités» qui constituent les principaux objets de la plainte.

528. En ce qui concerne l'article 11 de la loi, le comité note que, pour obtenir le statut d'organisation de district ou à l'échelle de l'Ukraine, un syndicat doit réunir plus de la moitié des travailleurs de la même catégorie de profession ou doit disposer d'unités organiques dans la majorité des unités territoriales administratives du même district ou la majorité des unités territoriales administratives de l'Ukraine. Il note également que l'article 16 prévoit l'enregistrement obligatoire d'un syndicat par un organisme de légalisation qui vérifiera que les statuts du syndicat remplissent les critères de l'article 11. Le comité note en outre que, d'après les dispositions finales de la loi, les syndicats en place disposent de six mois à partir de la date d'entrée en vigueur de ladite loi pour régulariser leur situation par un enregistrement, faute de quoi leurs activités deviendront illégales.

529. En ce qui concerne l'article 11 de la loi, le comité rappelle que les prescriptions en matière de compétence territoriale ou d'effectifs devraient relever des statuts élaborés par les syndicats eux-mêmes. En fait, toutes dispositions législatives qui vont au-delà des exigences de forme risquent d'entraver la constitution et le développement des organisations et constituent une intervention contraire à l'article 3, paragraphe 2, de la convention. [Voir étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 111.]

530. Concernant l'article 16 de la loi, le comité rappelle que les législations nationales qui prévoient le dépôt des statuts des organisations sont compatibles avec l'article 2 de la convention s'il s'agit d'une simple formalité ayant pour but d'assurer leur publicité. En revanche, des problèmes peuvent se poser lorsque les autorités responsables sont tenues par la loi d'inviter les fondateurs des organisations à incorporer dans leurs statuts des exigences juridiques qui portent elles-mêmes atteinte aux principes de la liberté syndicale. En outre, le comité rappelle que l'article 7 de la convention no 87 dispose que «l'acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs et d'employeurs, leurs fédérations et confédérations, ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions des articles 2, 3 et 4 de la convention». Sont donc compatibles avec la convention les législations qui confèrent automatiquement la personnalité juridique à l'organisation dès sa constitution, que ce soit suite à une constitution sans formalités, au dépôt des statuts, à une procédure d'enregistrement ou à d'autres formalités qui sont conformes à la convention. Toutefois, dans le cas présent, il apparaît que les dispositions des articles 11 et 16 de la loi, qui confèrent un certain statut à un syndicat si celui-ci réunit plus de la moitié des travailleurs de la même catégorie de profession et prévoient que celui-ci doit ensuite être enregistré conformément au statut qui lui a été accordé, ne sont pas compatibles avec les dispositions de la convention no 87. Le comité rappelle que le principe de la liberté syndicale risquerait très souvent de rester lettre morte si les travailleurs et les employeurs devaient, pour pouvoir constituer une organisation, obtenir une autorisation quelconque. Il n'en reste pas moins que les fondateurs d'un syndicat doivent observer les prescriptions de publicité et les autres dispositions analogues qui peuvent être en vigueur en vertu d'une législation déterminée. Une disposition exigeant qu'un syndicat ait un siège enregistré est une disposition normale dans un grand nombre de pays. Toutefois, ces prescriptions ne doivent pas équivaloir en pratique à une autorisation préalable. Même dans le cas où l'enregistrement est facultatif, s'il dépend de cet enregistrement que les organisations obtiennent les droits fondamentaux nécessaires pour pouvoir défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres, le simple fait que dans ce cas l'autorité chargée de l'enregistrement dispose d'un pouvoir discrétionnaire de le refuser crée une situation qui ne diffère guère de celle qu'entraînerait l'exigence d'une autorisation préalable. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 244 et 253; voir également étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 70 et 76.]

531. En ce qui concerne les dispositions finales de la loi qui accordent six mois aux syndicats existants pour régulariser leur situation par l'enregistrement, le comité estime que ces dispositions ne posent pas de problème. Toutefois, dans le cas présent, considérant les exigences des articles 11 et 16 qui ne sont pas compatibles avec les principes de la liberté syndicale, ces dispositions finales deviennent inacceptables car elles correspondent à une dissolution administrative des syndicats qui ne remplissent pas ces critères.

532. Enfin, le comité note que le gouvernement reconnaît que certaines dispositions de la loi ne sont pas compatibles avec la Constitution ni avec la législation nationale. Le comité estime que, dans ce contexte, de nouvelles consultations devraient avoir lieu avec tous les syndicats, y compris la fédération plaignante, afin d'éliminer les lacunes de la loi et il invite donc le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour aligner les articles 16 et 11 de la loi sur «les syndicats, leurs droits et la protection de leurs activités» sur les dispositions de la convention no 87. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l'évolution de la situation à cet égard.

Recommandations du comité

533. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1986

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement du Venezuela
présentée par
le Syndicat unique de travailleurs de FUNDARTE
(Sindicato Unico de Trabajadores de FUNDARTE
(SINTRAFUNDARTE))

Allégations: licenciements, autres actes antisyndicaux
et non-retenue à la source des cotisations syndicales

534. La plainte qui fait l'objet du présent cas figure dans une communication du Syndicat unique de travailleurs de Fundarte (SINTRAFUNDARTE) en date du ler octobre 1998. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 4 novembre 1998 et 12 octobre 1999.

535. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

536. Dans sa communication du ler octobre 1998, le Syndicat unique de travailleurs de FUNDARTE (SINTRAFUNDARTE) signale que la Fondation pour la culture et les arts du district fédéral - FUNDARTE est une fondation étatique, qui dépend de la municipalité autonome «Liberté» du district fédéral et qu'il appartient au gouvernement municipal de désigner les dirigeants de cette entité. Au Venezuela, le personnel des fondations de l'Etat relève de la législation générale du travail, et en particulier de la loi organique du travail.

537. Le syndicat plaignant indique que, le 8 septembre 1997, un groupe de travailleurs qui représentaient la majorité absolue du personnel au service de FUNDARTE a demandé à l'inspection du travail du district fédéral que le Syndicat unique de travailleurs de FUNDARTE (SINTRAFUNDARTE) soit inscrit au registre syndical. Il ajoute que ce groupe de travailleurs a pris l'initiative de constituer une organisation syndicale pour s'opposer aux accords élaborés dans le cadre de la nouvelle convention collective conclue entre l'employeur et le syndicat d'industrie auquel ils étaient affiliés à ce moment-là; le syndicat plaignant précise que les travailleurs avaient rejeté unanimement et publiquement, au cours de deux assemblées générales des affiliés, la proposition présentée par l'employeur pour l'augmentation des salaires, mais que le comité exécutif du syndicat d'industrie avait accepté cette proposition salariale en dépit de la décision démocratique de ses affiliés, ce qui avait entraîné des désaffiliations massives.

538. Le syndicat plaignant indique que le 28 octobre 1997 l'inspection du travail du district fédéral a inscrit le Syndicat unique de travailleurs de FUNDARTE (SINTRAFUNDARTE) au registre et qu'à partir de cette date la direction de la fondation a adopté une politique de discrimination antisyndicale à l'encontre des travailleurs affiliés à ce nouveau syndicat, tout particulièrement à l'encontre des membres du comité exécutif, ainsi qu'une politique de favoritisme au profit du syndicat d'industrie auquel un groupe minoritaire de travailleurs de FUNDARTE était encore affilié. Plus précisément, le syndicat plaignant allègue que:

539. Le syndicat plaignant indique dans le contexte de ces dernières allégations (modification des conditions de paiement de salaires, réduction de salaires et transfert du secrétaire général) que les membres du comité exécutif ont interjeté des recours devant l'inspection du travail du district fédéral en mars et en avril 1998. Le syndicat plaignant ajoute que, à ce jour, aucune décision n'a été prise au sujet de ces procédures qui, d'après ce que prévoit la législation, ne devraient pas durer plus d'un mois environ (21 jours ouvrables).

540. Selon lui, depuis le 29 octobre 1997, l'employeur n'a licencié que des membres de SINTRAFUNDARTE afin de réduire le nombre des affiliés du syndicat pour qu'il ne représente plus la majorité des travailleurs et pour avantager ainsi l'autre syndicat d'industrie qui a signé la nouvelle convention collective en dépit de la décision démocratique des affiliés. Le syndicat plaignant ajoute que cette politique de favoritisme adoptée par FUNDARTE peut également être observée dans les faits suivants:

541. Le syndicat plaignant déclare que toutes ses allégations démontrent que FUNDARTE a adopté une politique qui est manifestement du favoritisme syndical au détriment de SINTRAFUNDARTE, ce qui implique une infraction à la convention no 87 de l'OIT.

B. Réponse du gouvernement

542. Dans sa communication du 4 novembre 1998, le gouvernement déclare que la plainte présentée par le syndicat plaignant est centrée sur des actes de discrimination antisyndicale présumés commis par la Fondation pour la culture et les arts du district fédéral (FUNDARTE), une entité administrative qui dépend de la municipalité autonome «Liberté» du district fédéral (pouvoir exécutif municipal). Le gouvernement convient que les faits qui sont l'objet de la plainte peuvent être imputés sous une forme ou une autre au gouvernement du Venezuela, car il est évident que ces actes, indépendamment de la façon dont on les juge, résultent du comportement de l'exécutif municipal dans le cadre de l'autonomie que lui reconnaît l'ordre juridique; cependant, le gouvernement du Venezuela (exécutif national) affirme avoir pris toutes les mesures résultant de la législation pour garantir la liberté syndicale du syndicat plaignant.

543. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'inspection du travail du district fédéral n'a pris une décision au sujet de la demande «de réintégration et de paiement des salaires échus» que six mois après qu'un groupe de travailleurs au service de FUNDARTE eut interjeté un recours à cette fin, le gouvernement signale que l'action en réintégration (ou demande de rétablissement dans l'emploi antérieur) est un des mécanismes prévus par la législation du travail vénézuélienne pour garantir l'exercice légitime des droits syndicaux et la liberté syndicale, au moyen d'une procédure administrative dans le cadre de laquelle l'inspecteur du travail établit le bien-fondé de l'action et prend des décisions. L'action en réintégration est prévue expressément à l'article 454 de la loi organique du travail, dont les dispositions s'appliquent spécifiquement aux travailleurs qui jouissent de l'immunité syndicale et qui ont été licenciés, transférés ou rétrogradés sans que la procédure d'autorisation légalement établie ait été utilisée au préalable. Le gouvernement relève le domaine de validité personnelle de la norme dans son commentaire relatif aux travailleurs qui sont inamovibles parce qu'ils jouissent de l'immunité syndicale, prévue par la législation vénézuélienne dans le but de garantir le libre exercice de l'activité syndicale.

544. La protection de la liberté syndicale qui est assurée par l'ordre juridique vénézuélien se présente sous deux aspects, à savoir: une protection administrative et une protection judiciaire. En effet, sous le premier aspect, cette protection requiert la participation directe du pouvoir public au niveau de l'exécutif, par l'intermédiaire du ministère du Travail en tant qu'organe de l'exécutif national chargé de l'administration du travail. Cette protection administrative est assurée au moyen de la vérification de certaines procédures prévues par la loi organique du travail, telles que: a) procédure de la qualification de la faute (autorisation de licencier); b) procédure de réintégration ou de réinstallation dans l'emploi antérieur. Dans le cadre de ces deux procédures, un inspecteur du travail recherche des preuves et prend des décisions. La protection administrative est assurée en dernier ressort par le pouvoir de sanctionner des organes de l'administration du travail, qui est reconnu expressément dans la loi organique du travail: «article 443: Les employeurs ne pourront pas ... La violation de ces préceptes sera sanctionnée comme prévu par cette loi»; article 637: «L'employeur qui viole les dispositions de garanties légales qui protègent la liberté syndicale sera condamné à payer une amende d'au moins ...»; article 639: «L'employeur qui ne respecte pas l'ordre de réintégrer définitivement un travailleur jouissant du privilège syndical ... se verra imposer une amende d'au moins ...»; article 645: «S'il n'est pas possible de rendre effectives les condamnations à payer une amende prévues dans ce titre, les contrevenants seront condamnés à des peines de prison, à raison d'un jour pour l'équivalent d'un quart du salaire minimum, jusqu'à une limite maximale de trente jours». Les pouvoirs de l'administration du travail peuvent aller jusque-là.

545. En revanche, le second aspect - la protection judiciaire - échappe au contrôle et aux décisions des organes administratifs, car il est du ressort d'un organe public différent dépendant strictement du pouvoir judiciaire.

546. Le gouvernement affirme que, dans le présent cas, on peut constater qu'un des mécanismes spécifiques de protection prévus par la législation du travail en vigueur a été mis en marche en vue d'assurer la protection administrative. Une procédure de réintégration a été engagée, ce qui montre que des mesures ont effectivement été prises par une instance administrative conformément aux dispositions de la législation visant à garantir le droit d'exercer une activité syndicale. Ce fait est reconnu par l'organisation plaignante. Ce qui précède, loin de démontrer que le gouvernement du Venezuela a eu un comportement qui porte préjudice ou viole certaines dispositions, permet plutôt de constater que la procédure administrative pertinente a bien été mise en marche afin d'assurer la protection des travailleurs jouissant du privilège syndical qui ont subi un préjudice dans l'exercice même de leur activité syndicale; cette procédure se termine forcément par une décision administrative, mais les dispositions ne précisent pas dans quel sens s'orientera cette décision. En effet, un fonctionnaire administratif qui doit prendre connaissance d'une demande en réintégration ou en réinstallation dans l'emploi antérieur et engager des démarches doit respecter une procédure dont l'efficacité ne réside pas dans la déclaration que la demande est recevable mais dans la vérification de chacun des actes invoqués par la demande (en tout cas, la décision de l'inspecteur du travail dans le cas qui nous occupe a été favorable aux membres de l'organisation plaignante).

547. Il s'ensuit que la garantie de la «protection adéquate» à laquelle l'organisation plaignante fait allusion ne résulte pas du fait que la demande «de réintégration et de paiement des salaires échus» a été considérée comme fondée, mais du fait que l'ordre juridique vénézuélien reconnaît expressément qu'une personne qui estime qu'elle a été l'objet de mesures préjudiciables dans l'exercice de ses droits syndicaux peut s'adresser à un organe administratif du travail en vue d'engager utilement une procédure de demande en réintégration.

548. Par conséquent, conformément à la loi organique du travail, une fois que les vérifications de la procédure de demande en réintégration ont été effectuées, une décision administrative a été prise aux termes de laquelle le fonctionnaire a déclaré la demande recevable, a ordonné la réintégration des travailleurs qui avaient porté plainte dans leur poste de travail et le paiement des salaires qu'ils n'auraient pas perçus. Etant donné ce qui précède, il ne semble pas que le gouvernement du Venezuela se soit rendu coupable d'un comportement qui viole le droit des travailleurs à la liberté syndicale.

549. Le gouvernement indique que le retard de six mois avec lequel l'inspecteur du travail a pris une décision au sujet de la demande en réintégration que le syndicat plaignant considère comme un comportement qui viole l'article 1 de la convention no 98 de l'OIT, loin de constituer une telle violation, prouve plutôt que des procédures administratives du travail existent au Venezuela; a priori, un tel retard ne se justifie pas, mais il est possible d'admettre une certaine tolérance quand on a analysé sa cause, qui est liée à des problèmes structurels de l'administration publique vénézuélienne, et vouloir entrer dans le détail de ces problèmes n'aurait pas de sens. Néanmoins, il est important de relever que l'inspection du travail qui s'est occupée de la demande en réintégration est l'inspection du travail du district fédéral, c'est-à-dire celle qui reçoit le plus grand nombre de demandes en raison du domaine géographique pour lequel elle est compétente. Bien que ce qui précède ne saurait servir d'excuse et encore moins d'une autorisation pour que de telles pratiques se répètent dans le temps, il s'agit d'une réalité pénible qui permet même de comprendre, dans un contexte réaliste, que six mois ne constituent pas un retard alarmant ou étonnant. La loi organique du travail du Venezuela prévoit certes le délai dans lequel l'organisme administratif doit prendre une décision, mais elle témoigne aussi de la volonté du législateur, à savoir que cette décision doit intervenir le plus rapidement possible. Dans le présent cas, le nombre extrêmement élevé d'affaires qui sont soumises chaque jour à l'examen du fonctionnaire du travail compétent n'a pas permis de respecter cette volonté dans la pratique. En tout cas, à côté de la nécessité de disposer d'une marge de temps pour examiner une demande en réintégration, il y a l'obligation ultime d'entreprendre les démarches requises et de prendre une décision au sujet de la demande, et cela a été fait dans le cas sous examen.

550. Au sujet de l'allégation du syndicat plaignant selon laquelle la décision administrative par laquelle l'inspecteur du travail a déclaré la demande en réintégration recevable et a par conséquent ordonné la réintégration des travailleurs dans leurs postes de travail a fait l'objet d'un recours de l'employeur devant une instance judiciaire compétente, et que les effets de ladite décision ont été suspendus en tant que mesure préventive et provisoire, le gouvernement déclare qu'il convient de relever que la protection administrative n'est pas le seul aspect de la protection de la liberté syndicale au Venezuela. En effet, le second aspect est la protection judiciaire qui, dans le cas en instance, est définie par l'article 456 de la loi organique du travail, qui a la teneur suivante: «L'inspecteur prendra une décision au sujet de la demande en réintégration dans les huit jours ouvrables à partir de l'engagement de la procédure. Ladite décision est sans appel, mais les parties ont la possibilité de se pourvoir devant quatre tribunaux juridictionnels compétents.» Il est donc possible d'interjeter un recours judiciaire contre la décision du fonctionnaire.

551. A cet égard, il convient de mentionner que la décision administrative que prend le fonctionnaire du travail pour donner suite à la demande en réintégration ou en réinstallation est un acte administratif de caractère particulier, dont le destinataire est un sujet déterminé. Le contenu de cette décision administrative prise par l'inspecteur du travail du district fédéral, aux termes de laquelle il a déclaré recevable la demande de réintégration et de paiement des salaires échus, en raison de sa nature, doit respecter les principes qui régissent l'activité administrative et qui déterminent les limites et les pouvoirs d'action de l'administration. C'est ainsi que, lorsque les représentants légaux de FUNDARTE ont interjeté un recours demandant l'annulation d'une décision administrative, ils ont utilisé les moyens de recours que la loi reconnaît à toute personne pour se défendre contre la façon de procéder de l'administration publique. Les décisions prises par l'administration du travail pour chercher à protéger efficacement la liberté syndicale ne peuvent pas échapper à de tels moyens de recours. Les décisions de l'inspecteur du travail auraient pu ne pas correspondre aux dispositions légales, et par conséquent une personne concernée par de telles décisions a absolument le droit de faire recours.

552. Par ailleurs, cette situation résulte du fait que le recours en nullité interjeté contre la décision administrative avait pour objet que les effets de la décision soient suspendus en tant que mesure préventive. Il s'agit d'une mesure de protection qui est demandée par une des parties au conflit qui, par sa nature, est une mesure de protection que prend le juge en tenant compte de la possibilité que la décision définitive soit différente. Dans le cas sous examen, cela signifie qu'avant d'accorder la mesure préventive demandée, le juge doit forcément évaluer le bien-fondé de cette demande et, dans ce sens, vérifier l'existence réelle d'un tel risque imminent. Dans le présent cas, la suspension des effets de l'acte administratif déclarant recevable la demande en réintégration est une décision autonome que le juge prend à la demande d'une partie, et cette décision est également une mesure de protection et de garantie d'un droit; elle n'est pas prise par l'administration mais par une instance judiciaire compétente. Les informations que fournit le syndicat plaignant semblent mettre l'accent sur le caractère étrange de la mesure prise par le juge, mais ladite mesure protectrice est un moyen habituel de garantie et de protection dans le domaine judiciaire qui est reconnu par les dispositions légales du Venezuela. Par conséquent, le gouvernement estime que tant la demande en réintégration que le recours contre l'acte administratif sont des moyens appropriés prévus par la législation vénézuélienne qui permettent de vérifier la fonction de protection de la liberté syndicale assumée par l'Etat vénézuélien.

553. Le gouvernement déclare, en conclusion, qu'il considère comme non fondées et irrecevables les allégations de violation des droits syndicaux des travailleurs présentées par le syndicat plaignant.

554. S'agissant du licenciement des 31 affiliés à SINTRAFUNDARTE, le gouvernement déclare dans sa communication du 12 octobre 1999 que le Conseiller juridique de FUNDARTE (instance qui relève de la municipalité Liberté du district fédéral) précise que ces licenciements ne découlent pas de leur affiliation au syndicat mais des décisions du comité directeur et du comité exécutif de FUNDARTE, en application du décret no 20 relatif au processus de restructuration des entités dépendant de la municipalité, daté du 10 juin 1996 et approuvé par la mairie de Caracas. Le gouvernement ajoute que sur les 31 employés licenciés 15 ont volontairement déclaré vouloir toucher les prestations sociales en accord avec la décision administrative du 19 mai 1998 émis par l'inspection du travail du district fédéral. Ce qui signifie qu'on attend la décision du tribunal concernant la réintégration et le paiement des salaires échus des 16 travailleurs qui ont décidé de poursuivre leurs revendications en justice.

555. S'agissant de la question de savoir si les conditions de paiement des salaires des membres du comité directeur de SINTRAFUNDARTE ont été modifiées et si leurs salaires ont été diminués, le gouvernement indique que, d'après le conseiller juridique de FUNDARTE, il n'y a pas eu de modification puisque les intéressés ont perçu une rémunération conforme au poste qu'ils occupaient dans la Fondation comme tous ceux de l'institution.

556. En ce qui concerne le secrétaire général de SINTRAFUNDARTE, le gouvernement indique qu'il a effectivement été muté pour raison de service, d'une administration dans une autre, au sein des installations du siège principal de FUNDARTE, Edf. Tajamar, Pent House Parc Central, ce qui, d'après le conseiller juridique de FUNDARTE, n'a pas eu pour conséquence de minorer ses conditions de travail.

557. Enfin, s'agissant des cotisations syndicales, le gouvernement ajoute qu'elles ne sont plus retenues à la source étant donné que l'administration des affaires internes de FUNDARTE, et notamment sa direction du personnel, n'a reçu aucune notification indiquant le pourcentage de salaire à décompter, ni d'autorisation signée des affiliés à SINTRAFUNDARTE pour que les décomptes soient effectués, mais à aucun moment, comme l'a indiqué FUNDARTE, l'employeur s'est refusé à discuter avec le comité directeur de ce syndicat.

C. Conclusions du comité

558. Le comité observe que, dans le présent cas, le syndicat plaignant allègue qu'après son inscription au registre de l'inspection du travail la direction de la Fondation pour la culture et les arts du district fédéral (FUNDARTE) a entrepris une campagne de discrimination antisyndicale à l'encontre de ses affiliés. Plus précisément, les allégations portent sur: 1) le licenciement de 41 syndicalistes30 en octobre 1997 jouissaient de l'immunité syndicale et 11 en février 1998 -, la lenteur avec laquelle l'autorité administrative a examiné un recours demandant la réintégration de ces 30 travailleurs qui jouissaient de l'immunité syndicale et la suspension ultérieure de la décision de réintégration prise par l'instance administrative en raison d'une action en justice introduite par l'employeur; 2) la modification des conditions de paiement et la réduction des salaires des membres du comité exécutif de SINTRAFUNDARTE, le transfert du secrétaire général de SINTRAFUNDARTE et la lenteur des procédures administratives engagées à la suite de ces actes de discrimination antisyndicale; 3) la non-retenue des cotisations syndicales sur les salaires des affiliés à SINTRAFUNDARTE; 4) le refus de l'employeur de discuter avec le comité exécutif de SINTRAFUNDARTE dans le contexte de favoritisme à l'égard d'un autre syndicat, l'imposition de conditions qui empêchent le comité exécutif de faire parvenir des communications écrites aux travailleurs et le recours à des menaces de représailles contre les travailleurs qui communiquent avec les membres dudit comité exécutif.

559. S'agissant du licenciement de 30 syndicalistes qui jouissaient de l'immunité syndicale en octobre 1997 et de la suspension de la décision administrative ordonnant leur réintégration, comme conséquence d'un recours en justice déposé par l'employeur, le comité note que le gouvernement se réfère à 31 licenciements (alors que la plainte ne se réfère qu'à 30 licenciements) et indique que: 1) les licenciements des travailleurs n'étaient pas dû à leur affiliation syndicale mais qu'ils faisaient suite aux décisions du comité directeur et du comité exécutif de FUNDARTE en application du décret no 20 du 10 juin 1996 relatif au processus de restructuration des entités dépendant de la mairie; 2) 15 employés licenciés ont décidé volontairement de percevoir les prestations sociales en accord avec la décision administrative émise par l'inspection du travail du district fédéral le 19 mai 1998; 3) on attend la décision du tribunal concernant la réintégration et le paiement des salaires échus des 16 travailleurs qui ont décidé de poursuivre leurs revendications en justice; et 4) en ce qui concerne le recours en justice contre une décision administrative et demandant comme mesure préventive la suspension de ces effets, ceci obéit à une décision autonome du juge d'instance en tant que mesure de sauvegarde d'un droit. A cet égard, le comité observe que, bien que l'entreprise ait indiqué que les licenciements allégués ne découlaient pas de l'affiliation syndicale des travailleurs en question mais de la mise en œuvre du décret de 1996 relatif au processus de restructuration, il constate qu'ils ont eu lieu un jour après l'inscription du syndicat plaignant dans le registre et que l'autorité administrative a ordonné la réintégration des 30 syndicalistes licenciés. Dans ces circonstances, le comité, observant que l'autorité judiciaire a suspendu provisoirement la décision ordonnant la réintégration de syndicalistes licenciés et le paiement des salaires échus jusqu'au moment où une décision sur le fond du conflit en question sera prise, et tenant compte du temps qui s'est écoulé depuis que ces licenciements ont été décidés (en octobre 1997), le comité regrette le retard qui est intervenu dans les démarches et l'examen de ce cas et demande au gouvernement de prendre des mesures pour obtenir la réintégration des 30 travailleurs qui jouissaient de l'immunité syndicale, sans perte de salaire, au moins jusqu'au moment où les autorités judiciaires auront pris une décision définitive à cet égard. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise dans ce sens.

560. En ce qui concerne l'allégation relative à la lenteur avec laquelle l'autorité administrative a examiné le recours interjeté pour demander la réintégration de 30 travailleurs licenciés qui jouissaient du privilège syndical (la procédure aurait duré six mois), le comité note que le gouvernement déclare: 1) qu'après avoir engagé la procédure prévue par la loi organique du travail pour protéger, par l'intermédiaire d'instances administratives, le droit d'avoir une activité syndicale, l'autorité administrative a ordonné la réintégration des travailleurs licenciés et le paiement des salaires qui n'avaient pas été perçus; et 2) que si l'inspecteur du travail n'a pris une décision au sujet de la demande en réintégration qu'avec un retard de six mois, ce fait correspond à une «réalité qui existe dans l'examen des procédures administratives du travail, a priori injustifiable, mais qui est liée à des problèmes structurels de l'administration publique vénézuélienne».

561. A cet égard, le comité observe que la loi organique du travail prévoit une procédure pour les cas de licenciements de travailleurs jouissant du privilège syndical qui ne devrait pas durer plus de 19 jours (art. 454, 455 et 456 de la loi). Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que toute action engagée par une instance administrative et liée à un fait qui porte préjudice à un travailleur jouissant de l'immunité syndicale soit examinée dans le délai prévu par la législation.

562. S'agissant de l'allégation relative à la modification des conditions de paiement des salaires (par chèque et non comme d'habitude par versement sur un compte bancaire) et de la diminution du salaire des membres du comité directeur de SINTRAFUNDARTE, le comité note que le gouvernement indique que d'après FUNDARTE une telle modification n'a pas eu lieu et que les travailleurs en question perçoivent leurs salaires en fonction des postes de travail qu'ils occupent dans ladite fondation. Le comité observe que le syndicat plaignant allègue avoir introduit un recours devant l'inspection du travail du district fédéral en mars 1998 qui n'a toujours pas été examiné. Dans ces conditions, le comité exprime l'espoir que les autorités administratives se prononceront sur ces questions dans un proche avenir et demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de ce recours.

563. En ce qui concerne l'allégation relative à la mutation du secrétaire général de SINTRAFUNDARTE (M. Ivan Polanco), le comité note que le gouvernement confirme cette mutation pour raison de service, ce qui, selon FUNDARTE, n'a pas eu pour conséquence de minorer les conditions de travail de l'intéressé. Le comité observe que le syndicat plaignant allègue avoir présenté un recours devant l'inspection du travail du district fédéral en avril 1998 sur lequel il n'aurait pas été statué. Dans ces conditions, le comité exprime l'espoir que les autorités administratives se prononceront sur la question à brève échéance et demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de ce recours.

564. Pour ce qui est de l'allégation de cessation des retenues à la source des cotisations syndicales des affiliésà SINTRAFUNDARTE, le comité note que le gouvernement déclare que jusqu'à présent l'administration chargée des affaires internes de FUNDARTE n'a pas reçu de notification indiquant le pourcentage de salaire à décompter, ni d'autorisation signée des affiliés à SINTRAFUNDARTE pour que les décomptes soient effectués. A cet égard, le comité demande au gouvernement de garantir que, dès que FUNDARTE aura reçu les informations pertinentes du syndicat plaignant en relation avec le montant des décomptes à opérer pour les cotisations syndicales ainsi que les autorisations signées des affiliés, elle procédera auxdites retenues à la source et qu'elle les restituera par la suite au syndicat SINTRAFUNDARTE.

565. En ce qui concerne la réponse de l'employeur (FUNDARTE) de discuter avec le comité exécutif de SINTRAFUNDARTE dans le contexte de favoritisme à l'égard d'un autre syndicat, le comité note que le gouvernement déclare que, selon de FUNDARTE, à aucun moment l'employeur s'est refusé à discuter avec ce comité. Dans ces conditions, notant les contradictions entre les versions du plaignant et FUNDARTE, le comité prie le gouvernement de diligenter sa propre enquête sur la question et de le tenir informé à cet égard.

566. Enfin, le comité demande instamment au gouvernement de communiquer immédiatement ses observations sur les allégations suivantes: 1) licenciement de 11 syndicalistes de SINTRAFUNDARTE au mois de février 1998; 2) imposition de conditions empêchant le comité exécutif de faire parvenir des communications écrites aux travailleurs; et 3) menace de représailles contre les travailleurs qui communiquent avec des membres du comité exécutif de SINTRAFUNDARTE.

Recommandations du comité

567. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1993

Rapport où le comité demande à être tenu informé
de l'évolution de la situation

Plainte contre le gouvernement du Venezuela
présentée par
le Syndicat des agents publics de l'Institut vénézuélien
de la recherche scientifique (SEPIVIC)

Allégations: entraves à la négociation collective des fonctionnaires
ou agents de la fonction publique - refus de négocier
certaines clauses -; longueur des délais d'examen des recours
auprès de l'administration

568. La plainte sur laquelle porte le présent cas a fait l'objet d'une communication du Syndicat des agents publics de l'Institut vénézuélien de la recherche scientifique (SEPIVIC) en date du 28 octobre 1998.

569. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 19 octobre 1999.

570. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

571. Dans sa communication du 27 octobre 1998, le Syndicat des agents publics de l'Institut vénézuélien de la recherche scientifique (SEPIVIC) déclare qu'en date du 28 octobre 1997 il a entrepris des démarches en vue de la négociation d'une convention collective ayant pour but de régler les conditions d'emploi des fonctionnaires et agents de la fonction publique de l'Institut vénézuélien de la recherche scientifique (ci-après dénommé IVIC). Ces démarches se sont avérées extrêmement lentes et laborieuses, étant donné qu'après avoir été saisie du projet de convention collective, la direction de l'Inspection nationale et des questions collectives du travail l'a transmis aux services du Procureur général de la République, lesquels l'ont eux-mêmes fait suivre au bureau central de coordination et de planification de la présidence de la République (CORDIPLAN), qui a ensuite adressé une demande de renseignements complémentaires à l'organisme public directement concerné par la négociation, en l'occurrence l'IVIC. La procédure de négociation est en principe régie par les dispositions du décret no 1599, portant application partielle de la loi organique du travail en ce qui concerne la négociation des conventions collectives du travail pour les fonctionnaires ou agents de l'administration publique nationale, décret publié au Journal officiel no 34743 du 26 juin 1991. Les démarches susmentionnées - de la date de présentation du projet de convention collective jusqu'à la tenue de la première réunion entre l'organisation syndicale, l'organisme concerné et le bureau du Procureur général de la République - ont pris neuf mois.

572. L'organisation plaignante ajoute qu'après cette longue attente l'IVIC, le Procureur général de la République et le syndicat ont eu un premier entretien dans le cadre du processus de négociation collective le 23 juillet 1998 et qu'à ce stade l'IVIC a exprimé son refus d'engager des négociations collectives, arguant du fait que CORDIPLAN avait soumis un rapport technique et financier dans lequel il déclarait que l'organisme précité ne disposait pas en 1998 d'un budget lui permettant d'accéder, même en partie, aux revendications présentées dans le projet de convention collective et d'en assumer les conséquences sur le plan financier. En outre, pour ce qui est des engagements qu'impliquerait la convention collective sur le plan économique, l'IVIC a fait observer qu'ils nécessiteraient l'accord préalable du Président de la République en Conseil des ministres aux termes de l'article 527 de la loi organique du travail. Enfin, l'IVIC a affirmé que son refus de négocier s'appuie sur les dispositions de l'article 2 du décret no 1599 susmentionné, c'est-à-dire sur les critères techniques et financiers définis par l'Exécutif national pour les négociations collectives. Lors de cette même réunion, le Procureur général de la République a décidé unilatéralement que les parties pourraient négocier les clauses du projet qui n'ont pas d'incidence économique, du fait que ce serait à l'Exécutif national d'établir les directives à suivre en la matière. L'approbation finale des clauses négociées resterait subordonnée aux conclusions d'une étude économique menée par l'IVIC, qui devait chiffrer l'incidence des avantages devant être accordés. Les conclusions de cette étude seraient ensuite examinées par CORDIPLAN qui, s'il estimait que les avantages prévus s'avéraient compatibles avec les limites techniques et financières fixées par l'Exécutif national, donnerait son accord sinon ordonnerait de procéder aux ajustements nécessaires, cette façon de procéder étant entièrement conforme à l'article 15 du règlement portant application partielle de la loi organique du travail visée plus haut.

573. L'organisation plaignante fait valoir que les arguments avancés par l'IVIC et par le Procureur général de la République (PGR) ont eu pour effet, en ce qui concerne les premiers, d'entraver l'exercice du droit à la négociation collective et, en ce qui concerne les seconds, d'assujettir le contenu des négociations à des paramètres établis préalablement et unilatéralement, et à des contrôles ou un droit de veto qui en altèrent le caractère volontaire et libre et qui impliquent une procédure faisant objectivement peser une conditionalité sur leur validité et leur effet en les soumettant à l'approbation préalable du gouvernement. L'organisation plaignante déclare que le gouvernement suit une démarche qui constitue une atteinte et une infraction aux conventions nos 87 et 98 de l'OIT. De la position initiale de l'IVIC et de celle de l'organisation plaignante est né un différend qui est en fait du ressort du ministère du Travail. Le 30 septembre 1998, la direction de l'Inspection nationale et des questions collectives du travail a pris la décision administrative no 021, dans l'exercice des compétences qui lui sont reconnues pour résoudre les difficultés sur lesquelles les parties peuvent achopper à propos de la poursuite ou de la rupture de la négociation collective. La décision en question tient compte exclusivement des arguments avancés par l'IVIC et par les autres organismes officiels concernés (PGR et CORDIPLAN), ignorant ceux du syndicat, y compris ceux qui concernent la violation des normes internationales du travail. Elle est fondée sur les conclusions d'un rapport antérieur établi par CORDIPLAN qui mettait en exergue l'insuffisance des ressources budgétaires de l'IVIC. Quant à ce rapport, il entérinait les directives et orientations fixées par l'Exécutif national pour la négociation des conditions de travail des fonctionnaires et concluait de manière préjudicielle que les incidences financières de la convention collective excéderaient les moyens financiers de l'IVIC. Sur la base des dispositions des articles 2, 10 et 15 du décret no 1599, il déclarait ni opportun ni possible de poursuivre la négociation collective engagée depuis près d'une année. En d'autres termes, le ministère du Travail ordonnait de mettre un terme à la poursuite de la négociation collective.

574. L'organisation plaignante allègue que le caractère libre et volontaire de la négociation collective, de même que l'obligation de promouvoir et d'encourager l'exercice de ce droit fondamental ont été viciés de la manière suivante: 1) les services du Procureur général de la République, qui, de par leurs fonctions, assument à la fois la direction des négociations et la défense des intérêts de la République, ont décidé dès l'ouverture de la négociation que les discussions, comme les accords sur lesquels elles pourraient déboucher, excluraient toute clause ayant un contenu économique. Ce serait à l'Exécutif national de fixer unilatéralement les aspects déterminants en la matière. De même, l'acceptation des clauses convenues resterait subordonnée à des études économiques menées par l'IVIC et à l'approbation finale de CORDIPLAN, moyennant les ajustements que ce dernier jugerait encore utile d'apporter à ces clauses avant qu'elles n'entrent en vigueur. Cette prise de position initiale du bureau du Procureur général constitue une contrainte car vouloir s'y opposer entraîne dans un premier temps la paralysie de la procédure de négociation collective, étant donné qu'il n'est possible de conclure aucun accord ni de signer aucun acte dans le cadre de la procédure de négociation qui ne soit passé par le bureau du Procureur général de la République; 2) l'IVIC, en tant qu'organisme directement concerné, invoque des raisons de caractère économique et budgétaire pour refuser, par principe, de négocier des conditions d'emploi. Se démarquant de la bonne foi, l'IVIC demande que la procédure de négociation collective soit déclarée nulle et non avenue, que le ministère du Travail y mette un terme et qu'il empêche ainsi la poursuite d'un effort de négociation dont la mise en œuvre avait nécessité près d'un an de démarches. Selon l'organisation plaignante, la position prise par cet organisme officiel présuppose que la négociation d'une convention collective implique, dans tous les cas, la conclusion des clauses ayant un impact économique; elle méconnaît ainsi que les partenaires peuvent convenir d'eux-mêmes et librement de différer l'examen de ces clauses et de s'en tenir à la discussion et la conclusion d'autres dispositions contractuelles, concernant notamment les relations entre les partenaires (clauses syndicales), les questions d'hygiène et de sécurité au travail ou tout autre aspect d'ordre social n'ayant aucune incidence budgétaire ou une incidence très limitée; et 3) le ministère du Travail, à travers la direction de l'Inspection nationale et des questions collectives du travail, lorsqu'il est saisi du différend entre les parties, déclare recevables les arguments de l'IVIC et ordonne que la procédure de négociation collective prenne fin, en se fondant sur l'étude menée antérieurement par CORDIPLAN, étude qui met en exergue l'insuffisance des ressources budgétaires. Toujours selon la même optique, le ministère a estimé que la poursuite des négociations serait contraire aux directives et critères techniques et financiers établis par l'Exécutif national, sur lesquels d'ailleurs se basait a priori le rapport élaboré par CORDIPLAN. Toujours selon l'organisation plaignante, l'attitude de la direction générale de l'Inspection nationale et des questions collectives du travail constitue un manquement à l'obligation de promouvoir et encourager la négociation collective, ce qui a de plus pour conséquence de porter atteinte à ce droit, étant donné que la décision de cette instance réduit à néant une procédure engagée en 1997.

575. Enfin, l'organisation plaignante déclare que l'Exécutif national, à travers le règlement partiel qui régit la négociation de conventions collectives du travail des fonctionnaires ou agents de l'administration publique nationale, a instauré une série d'interventions à propos de questions qui sont ou qui ont été l'objet de la négociation collective, y compris les critères et les montants budgétaires conclus dans ce cadre. Conformément à ces normes, les accords conclus par les parties dans le cadre de la procédure de négociation devront être soumis, avant de devenir effectifs, à l'approbation préalable du bureau du Procureur général de la République et de CORDIPLAN. En premier lieu, c'est un contrôle du fond ou du contenu même des clauses convenues, qui est exercé par le Procureur général de la République, en sa qualité de modérateur ou directeur de la procédure de négociation en cours. Pour cette raison, les accords convenus par les parties ne sont pas effectifs, puisqu'ils n'acquièrent un caractère définitif que si le PGR les déclarent conformes, ce qui doit impérativement être constaté dans chacun des procès-verbaux établis à cette fin. En second lieu, une fois que les partenaires sont arrivés au stade de l'accord définitif après avoir passé avec succès le contrôle décrit ci-dessus, le Procureur général de la République transmet la convention collective à CORDIPLAN. Cet organisme a pour tâche de contrôler les aspects budgétaires et financiers, et dispose pour ce faire d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle il a reçu les accords contractuels. Ce contrôle donne lieu à un rapport ayant un caractère contraignant ou obligatoire qui doit comporter une étude économique des accords et la détermination de leur incidence financière, un bilan des différences qu'implique ce qui a été convenu par rapport aux conditions de travail encore en vigueur, et qui doit conclure que ce qui a été convenu ne va pas au-delà des limites et critères techniques et financiers fixés préalablement par le gouvernement. Selon l'organisation plaignante, le contrôle exercé par CORDIPLAN implique, outre une entrave à la procédure de négociation, une nette attribution de compétence pour approuver préalablement la convention collective, étant donné que la prise d'effet de cette dernière est subordonnée à la soumission et à l'examen du rapport de CORDIPLAN, lequel constate la conformité des accords convenus avec les directives et les orientations définies par le gouvernement et qui rentrent dans son programme économique et social.

576. Enfin, l'organisation plaignante signale que, dans le cas des conventions collectives concernant les fonctionnaires et agents des services publics, s'ajoute à ces attributions de contrôle dont le bureau du Procureur général de la République et CORDIPLAN sont investis l'intervention du Conseil des ministres, en vertu de l'article 527 de la loi organique du travail et, à nouveau, cette instance peut accepter ou rejeter la composante des accords qui a une incidence budgétaire lorsque ces accords engageraient l'Etat sur plus de deux exercices ou de deux ans. Dans la pratique, cela revient à dire que tous les accords collectifs convenus doivent être soumis à cette haute instance de l'Exécutif national étant donné qu'en vertu de la législation du travail leur durée ne peut être ni supérieure à trois ans ni inférieure à deux ans.

577. Dans une communication datée du 27 avril 1999, l'organisation plaignante récapitule les démarches entreprises à partir de 1994 en vue de négocier une convention collective et les obstacles auxquels elle s'est heurtée et dont le point d'orgue a été la décision administrative de septembre 1998 - mentionnée dans le document d'introduction de la plainte - ordonnant la rupture de la procédure de négociation collective entre le syndicat et l'IVIC. Enfin, l'organisation plaignante indique qu'elle a introduit un recours administratif contre cette décision mais que six mois se sont écoulés depuis le dépôt de ce recours sans que l'autorité administrative ait pris la moindre initiative à ce sujet.

B. Réponse du gouvernement

578. Dans sa communication du 19 octobre 1999, le gouvernement précise que le cadre juridique du travail du Venezuela prévoit, par l'article 519 de la loi organique du travail, la faculté pour les partenaires à la négociation collective de confronter à un moment unique et précis - la première réunion convoquée dans les règles par le fonctionnaire du travail - les arguments que chacun juge opportun d'opposer dans le but de ne pas négocier un projet donné de convention collective, l'appréciation de ces arguments étant du ressort de l'inspecteur du travail. Le fait d'établir et de reconnaître par cette distinction qu'il s'agit de conventions collectives signées par des entreprises du secteur public plutôt que par des entreprises du secteur privé, loin de consacrer une discrimination ou bien une altération du caractère volontaire et libre des conventions collectives, tend plutôt à garantir et assurer la conclusion et la signature de la convention collective du travail par l'Etat de manière consciente et responsable. Suivre une orientation contraire équivaudrait assurément à un certain non-respect ou à une certaine réduction du droit des travailleurs qui aspirent à établir, à travers un instrument juridique contractuel - la convention collective - leurs conditions de travail ou bien à modifier les conditions existantes. Il est en effet nécessaire qu'une vérification préalable soit effectuée par l'Office central de coordination et de planification de la présidence (aujourd'hui ministère de la Planification et du Développement) de manière à déterminer si la convention collective envisagée nécessite de la part de l'Exécutif national un examen technique et financier avant que cet instrument ne soit définitivement signé.

579. S'agissant des allégations concernant l'annulation de la décision administrative no 021 en date du 30 septembre 1998, décidée par la direction de l'Inspection nationale et des questions collectives du travail, le gouvernement fait savoir que, dans le cadre juridique vénézuélien, cette annulation est susceptible de recours, qu'il s'agisse d'un recours administratif qui, en cette qualité, doit être fait devant l'instance administrative, ou bien d'un recours judiciaire, les conditions définies par la législation devant être satisfaites dans l'un et l'autre cas. Dans le cas d'espèce, il ressort des prétentions formulées par l'organisation plaignante que la représentation patronale - l'IVIC - s'est opposée en temps utile à l'ouverture de discussions sur le projet présenté par le syndicat SEPIVIC. Au même moment - lors de la première réunion de conciliation -, le bureau du Procureur général de la République a incité les partenaires à discuter et négocier le projet de convention collective en laissant de côté la discussion des clauses de caractère économique, lesquelles seraient en dernier lieu approuvées par l'Office central de coordination et de planification de la présidence (devenu ministère de la Planification et du Développement). Cette déclaration signifie, selon la conception de l'organisation plaignante, soumettre le contenu des négociations à des paramètres préétablis, unilatéraux, établissant de ce fait une subordination de la validité et de la prise d'effet des accords qui seraient conclus.

580. Selon le gouvernement, l'ordre juridique en vigueur au Venezuela au moment de la négociation de ce projet de convention collective prévoyait un traitement distinct de la question de l'établissement des conditions de travail des fonctionnaires ou agents de l'administration publique nationale.

581. Le gouvernement fait savoir que l'instruction présidentielle no 6 relative à la négociation collective dans le secteur public reconnaissait l'impossibilité dans laquelle se trouvait la représentation patronale de signer le texte négocié dans le cas où ce texte méconnaîtrait le rapport économique et technique que l'Office central de coordination et de planification de la présidence devait réaliser de même que dans le cas où il n'aurait pas été constaté que les incidences économiques du nouvel accord ne dépassent pas les limites prévues par l'Exécutif national (art. 7). Tandis que le règlement portant application partielle de la loi organique du travail (décret no 1599) prévoyait de son côté que, dans le cas où le rapport de l'Office central de coordination et de planification de la présidence déclarerait que l'accord dépasse les limites techniques et financières prévues par l'exécutif, on devrait renvoyer le projet devant les parties afin que celles-ci procèdent aux ajustements nécessaires.

582. Le gouvernement déclare que c'est donc dans une perspective parfaitement logique que se situe la déclaration du bureau du Procureur général de la République reconnaissant aux parties la faculté de discuter du projet présenté, à l'exception des clauses ayant une incidence économique, lesquelles devaient être avalisées par l'Office central de coordination et de planification de la présidence. Une telle déclaration ne constitue pas une atteinte au caractère libre et volontaire des négociations; au contraire, elle entérine la différence de procédure de conclusion des conventions collectives du travail entre le secteur public et le secteur privé. Il en irait en effet autrement s'il s'agissait d'une entreprise privée, ayant le statut d'employeur, puisque la conclusion de conventions collectives dépendrait uniquement et exclusivement de ses dispositions propres, sans qu'il ne soit nécessaire de soumettre l'incidence financière approximative du projet de convention à l'approbation d'une autre instance. Dans ce contexte, en effet, une telle décision relève de la sphère interne propre de cette unité économique privée et n'est pas subordonnée aux conditions des disponibilités budgétaires.

583. Le gouvernement indique que, sous son titre III, chapitre III, section III, articles 182 à 192, le nouveau dispositif juridique (le règlement de janvier 1999 portant application de la loi organique du travail) organise en une seule et même procédure la négociation collective, sous réserve de certaines particularités concernant l'administration publique nationale centrale, particularités qui sont d'ailleurs les mêmes que pour les instituts autonomes, les fondations, les associations et les entreprises de l'Etat, tandis qu'il classe à part les négociations collectives impliquant les collectivités locales (Gobernaciones) et les municipalités (Alcaldías). Il fait observer que, dans l'un et l'autre cas, les critères techniques et financiers doivent obligatoirement être pris en considération et sont, dans un cas, fixés par le Président de la République en Conseil des ministres et, dans l'autre, fixés par le gouverneur ou le maire. De même, le règlement en question dispose, sous son article 188:

Par conséquent, tous les projets de négociation collective concernant le secteur public sont assujettis à ce système prescrivant comme indispensable avant de pouvoir signer une nouvelle convention collective l'obtention du rapport technique susmentionné. Nonobstant, comme l'indique ledit règlement à son article 266, les procédures de négociation collective concernant le secteur public qui étaient en cours à la date d'entrée en vigueur de ce règlement obéiront aux dispositions du règlement portant partiellement application de la loi organique du travail pour la négociation des conventions collectives du travail des fonctionnaires et agents de l'administration publique nationale, conformément à l'instruction présidentielle no 6 susmentionnée.

584. En ce qui concerne les allégations relatives au non-accomplissement, de la part du gouvernement, de son obligation de favoriser et encourager l'exercice d'une négociation collective libre et volontaire, du fait qu'il «a ordonné, par le canal de la direction de l'Inspection nationale et des questions collectives du travail et à travers la décision administrative no 021, qu'il soit mis un terme au processus de négociation collective...» et selon lesquelles l'autorité administrative se serait uniquement fondée, pour prendre la décision susmentionnée, sur les arguments avancés par l'employeur et par les autres instances concernées (le bureau du Procureur général de la République et CORDIPLAN), le gouvernement précise qu'en vertu de l'article 519 de la loi organique du travail l'inspecteur du travail doit se prononcer sur les arguments opposés par la représentation patronale pour motiver son refus de discuter du projet présenté, ce qui se fait par la voie d'un acte administratif (en l'occurrence une décision administrative), et toute partie s'estimant lésée dans ses droits en conséquence de la décision prise par le fonctionnaire du travail peut, dans les formes prescrites par la loi, faire appel de cette décision administrative.

585. Le gouvernement déclare que, dans cette perspective, on aurait attendu de l'organisation plaignante qu'elle utilise les voies de recours qui ont été prévues pour garantir l'équilibre entre les partenaires à la négociation, en particulier qu'elle fasse appel de cette décision administrative.

C. Conclusions du comité

586. Le comité observe que, dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue des entraves à la procédure de négociation collective avec l'Institut vénézuélien de la recherche scientifique (IVIC). Plus précisément, le Syndicat des agents publics de l'Institut vénézuélien de la recherche scientifique (SEPIVIC) dénonce: 1) la lenteur et la lourdeur de la procédure de négociation collective pour les fonctionnaires et agents des services publics et la soumission des conventions collectives conclues de manière définitive à divers organismes, procédure qui expose ces textes au risque d'être modifiés, qui interdit jusqu'à ce stade la signature de la convention collective et qui l'assujettit à l'approbation finale d'autorités autres que l'employeur; 2) l'absence de bonne foi de la part de l'IVIC, qui a refusé de négocier des clauses d'une convention collective n'ayant pas d'incidences financières; 3) le tort de la direction de l'Inspection nationale et des questions collectives du travail, qui n'a pas tenu compte des arguments avancés par l'organisation plaignante lorsqu'elle a pris sa décision de septembre 1998 (décision administrative no 021) - ordonnant l'arrêt du processus de négociation collective - pour régler le litige entre le SEPIVIC et l'IVIC; et 4) la longueur des délais nécessités par l'examen du recours du SEPIVIC contre une décision administrative ordonnant l'arrêt du processus de négociation collective.

587. S'agissant de l'allégation concernant la lenteur et la lourdeur de la procédure de négociation collective pour les fonctionnaires et agents des services publics et la soumission des conventions collectives conclues de manière définitive à divers organismes, procédure qui expose ces textes au risque d'être modifiés, qui interdit jusqu'à ce stade la signature de la convention collective et qui l'assujettit à l'approbation finale d'autorités autres que l'employeur, le comité observe que le décret portant règlement partiel de la loi organique du travail relatif à la négociation de conventions collectives du travail pour les fonctionnaires ou les agents de l'administration publique nationale (décret no 1599 de 1991), qui a été appliqué en l'espèce, prévoit ce qui suit dans ses articles 8 à 17:

588. Le comité observe qu'après cette procédure une autre démarche peut être nécessaire devant le Conseil des ministres, étant donné que l'article 527 de la loi organique du travail prévoit en son deuxième alinéa que: «Si une convention collective implique des dépenses ayant une incidence sur des exercices budgétaires autres que celui qui est en cours, elle doit être approuvée par le Conseil des ministres» (selon l'organisation plaignante, tous les accords collectifs conclus doivent être soumis à cette instance du fait que la législation prévoit que leur durée ne peut pas être supérieure à trois ans ni inférieure à deux).

589. Le comité constate que les démarches (prévues par le règlement de 1991 portant application partielle de la loi organique du travail en ce qui concerne la négociation collective pour les fonctionnaires et agents de l'administration publique nationale) qui doivent être entreprises pour négocier une convention collective dans le secteur public peuvent être extrêmement longues - dans le présent cas, l'organisation plaignante allègue que neuf mois se sont écoulés avant que les parties n'aient pu commencer à négocier - et que l'accord définitif auquel les parties sont arrivées doit être approuvé par un ou plusieurs organes, selon le cas (le Procureur général de la République et aussi éventuellement le Conseil des ministres).

590. Le comité, sans méconnaître la spécificité des problèmes que pose la négociation collective dans le secteur public (par exemple les rémunérations et d'autres conditions d'emploi des fonctionnaires qui impliquent des dépenses supplémentaires doivent être abondées par des budgets publics dont l'approbation est du ressort d'organes qui ne sont pas toujours les employeurs desdits fonctionnaires et qui doivent tenir compte dans leurs décisions de la situation économique du pays et de l'intérêt général), rappelle que lors de l'examen d'allégations relatives à ce genre de questions il a été d'avis que, dans la mesure où les revenus des entreprises et organismes publics dépendent des budgets de l'Etat, il n'y aurait pas d'objection à ce que - après discussions et consultations approfondies entre les employeurs et les organisations syndicales concernées, dans le cadre d'un système qui recueille la confiance des parties - soient fixés des plafonds de salaires dans les lois visant le budget de l'Etat. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 896.] De même, le comité a estimé qu'il était acceptable que, dans le cadre de la procédure de négociation, la partie employeur qui représente l'administration publique demande l'avis du ministère des Finances ou d'un organe chargé du contrôle des incidences financières des projets de conventions collectives [voir 306e rapport du comité, cas no 1878 (Pérou), paragr. 537], à condition que «les organisations syndicales et les employeurs et leurs organisations dans le secteur public soient consultés et puissent faire connaître leur point de vue à l'autorité chargée du contrôle des incidences financières des projets de conventions collectives». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 897.]

591. Sans préjudice de ce qui précède, le comité note que le gouvernement fait savoir que le nouveau règlement du 20 janvier 1999 (postérieur à la date d'introduction de la plainte) portant application de la loi organique du travail régit la négociation collective dans le secteur public. Compte tenu de ces éléments, le comité invite l'organisation plaignante à formuler ses commentaires à ce sujet.

592. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'IVIC n'a pas agi de bonne foi en refusant de négocier certaines clauses d'une convention collective après que le Procureur général de la République eut exclu les clauses à incidence économique, le comité a le regret de constater que le gouvernement n'a pas communiqué d'observations à ce sujet. A cet égard, le comité rappelle qu'«il importe qu'employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 815.] Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de s'efforcer de promouvoir la négociation d'une convention collective entre le Syndicat des agents publics de l'Institut vénézuélien de la recherche scientifique (SEPIVIC) et l'Institut vénézuélien de la recherche scientifique (IVIC) et de le tenir informé à cet égard.

593. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la direction de l'Inspection nationale et des questions collectives du travail s'est mise dans son tort en ne tenant pas compte des arguments présentés par le SEPIVIC lorsqu'elle a rendu sa décision de septembre 1998 (décision administrative no 021) - ordonnant l'arrêt du processus de négociation collective -, le comité note que le gouvernement déclare qu'en vertu de la loi organique du travail toute partie s'estimant lésée dans ses droits en conséquence de cette décision administrative peut faire appel contre cette décision. Le comité observe que le plaignant a fait appel de cette décision administrative et qu'il souligne la longueur des délais écoulés sans que le recours du SEPIVIC contre ladite décision n'ait été examiné. A cet égard, le comité regrette la longueur des délais écoulés sans que les autorités ne soient intervenues et exprime l'espoir que ce recours sera examiné dans un avenir très proche. Il prie le gouvernement de le tenir informé de la décision finale des autorités administratives à cet égard.

594. Enfin, le comité signale à l'attention de la commission d'experts les aspects législatifs de ce cas.

Recommandations du comité

595. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Cas no 1976

Rapport intérimaire

Plainte contre le gouvernement de la Zambie
présentée par
le Congrès des syndicats de la Zambie (ZCTU)

Allégations: gel des salaires dans la fonction publique;
non-paiement des salaires par les autorités locales

596. Dans une communication datée du 17 juillet 1998, le Congrès des syndicats de la Zambie (ZCTU) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Zambie.

597. Le gouvernement a fait part de ses observations dans une communication du mois de mai 1999.

598. La Zambie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

599. Dans sa plainte du 17 juillet 1998, le ZCTU affirme que le gouvernement a imposé à l'ensemble du personnel de la fonction publique et des institutions financées par le gouvernement un gel des salaires pour toute l'année 1998. En outre, les autorités locales n'ont pas versé de salaires aux travailleurs pour des périodes allant de deux à dix-neuf mois.

600. Plus précisément, le ZCTU allègue qu'à la fin du mois de novembre 1997 le gouvernement a annoncé, par l'intermédiaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, un gel des salaires pour l'ensemble du personnel de la fonction publique et de toutes les institutions financées par le gouvernement pour toute l'année 1998. Ce gel des salaires a été imposé sans que les travailleurs concernés aient été consultés à travers leurs syndicats ou le ZCTU. La réunion du Conseil consultatif tripartite du travail qui s'est tenue en septembre 1997 n'a jamais fait mention de ce gel des salaires. Le ZCTU souligne que les efforts des syndicats visant à impliquer le gouvernement dans un dialogue effectif sur la question ont tous échoué, le gouvernement ayant refusé de rencontrer le ZCTU et de discuter de la question avec lui. Le ZCTU explique que ce gel des salaires a touché l'ensemble du personnel de la fonction publique et les institutions qui reçoivent une aide de l'Etat, comme les hôpitaux, les universités, etc. Le nombre total des travailleurs qui ont souffert terriblement de ce gel des salaires est nettement supérieur à 150 000, ce qui correspond à plus de 600 000 personnes si l'on tient compte des familles et des personnes à charge. Le ZCTU affirme que l'imposition de ce gel des salaires par le gouvernement constitue une violation des conventions nos 98, 144 et 151 de l'OIT, qui ont toutes été ratifiées par la Zambie.

601. Le ZCTU ajoute que depuis 1992 le gouvernement n'a pas versé de salaire au personnel de la plupart des autorités locales pendant des périodes allant de deux à dix-neuf mois, poussant ainsi les travailleurs, leurs familles et les personnes à leur charge à la pauvreté et la mendicité. Ceux des travailleurs qui ont essayé de protester contre cet état de fait ont été sanctionnés, et certains ont même été licenciés. La situation est chaotique et déplorable. Selon le ZCTU, près de 10 000 travailleurs sont victimes de cette carence du gouvernement. Lorsqu'on tient compte des familles et des personnes à leur charge, le nombre des personnes affectées est de 100 000.

602. Le ZCTU conclut en soulignant que cette violation des normes internationales du travail et des droits syndicaux se poursuit sans discontinuer et sans que l'on puisse entrevoir une solution. Il y a eu de nombreuses réunions avec les autorités gouvernementales, y compris le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, sans aucun résultat positif.

B. Réponse du gouvernement

603. Dans sa réponse du mois de mai 1999, le gouvernement se réfère aux allégations du ZCTU selon lesquelles les efforts déployés par les membres qui travaillent dans la fonction publique pour impliquer le gouvernement dans un dialogue effectif sur la question auraient tous échoué et que l'imposition d'un gel des salaires serait une violation des conventions nos 98, 144 et 151 de l'OIT, qui ont toutes été ratifiées par la Zambie.

604. Le gouvernement souligne tout d'abord qu'il tient sincèrement à promouvoir la négociation collective dans tous les secteurs de l'économie. Preuve en est, d'après lui, la promulgation de la loi de 1993 sur les relations professionnelles telle qu'amendée par la loi no 30 de 1997, et en particulier les parties VII et VIII, qui visent à promouvoir la négociation collective. Le gouvernement explique que la décision qu'il a prise de geler les salaires ne va pas à l'encontre des principes de la négociation collective et qu'il s'agit d'une mesure temporaire destinée à faciliter la mise en œuvre du programme de réformes de la fonction publique. Le gouvernement s'est lancé dans un programme de réformes de la fonction publique dont l'objectif est d'accroître l'efficacité et la rentabilité de la prestation de services de qualité au peuple de Zambie en créant un service public motivé, bien rémunéré et de petite taille.

605. Selon le gouvernement, ce programme de réformes prévoit notamment de restructurer la fonction publique afin de faciliter la réalisation de cet objectif. Ce programme vise, entre autres: a) une compression des effectifs de la fonction publique, qui doit passer de 136 000 à 80 000 fonctionnaires et de 28 000 à 13 500 titulaires, ce par un gel du recrutement, des licenciements et des départs volontaires; b) une restructuration des ministères, provinces et autres institutions gouvernementales; c) la création d'un système efficace de contrôle des établissements et des salaires; d) un gel des salaires pour l'ensemble du personnel de la fonction publique pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1998; et e) une augmentation des salaires du reste du personnel de la fonction publique, qui doivent atteindre des niveaux comparables à ceux du secteur privé.

606. Le gouvernement souligne que la Fédération des fonctionnaires de Zambie et l'Union nationale du personnel de la fonction publique, qui représentent le personnel de la fonction publique, sont étroitement associées à la mise en œuvre du programme de réformes et ont été pleinement informées de la nécessité de restreindre les salaires en 1998 dans le cadre du programme de réformes. Le gouvernement ajoute que ce gel des salaires n'a pas empêché la négociation collective dans la fonction publique de se poursuivre. Ces deux syndicats ont engagé des négociations avec le gouvernement, mais ces négociations ont abouti à une impasse, et l'affaire a été soumise à conciliation, puis renvoyée devant le tribunal du travail, conformément aux procédures de règlement des conflits. En 1998, le gouvernement a annoncé, en signe de bonne foi et de sincérité, que le gel des salaires prendrait fin à la fin du mois de décembre 1998 et a invité les syndicats de la fonction publique à ouvrir immédiatement des négociations sur les salaires pour 1999. Par conséquent, le gouvernement ne considère pas son action comme une action allant à l'encontre du principe de négociation collective.

607. Pour ce qui est de l'allégation de violation de la convention no 98, le gouvernement signale qu'il a inclus dans la loi sur les relations professionnelles des dispositions qui visent à promouvoir le syndicalisme et la négociation collective afin de réglementer les conditions d'emploi au moyen de conventions collectives. Ces mesures figurent dans les articles 5, 63, 65, 69 et 70 à 73 de la loi. Il convient de noter que l'article 69 de cette loi dispose que c'est à l'unité de négociation, formée de la direction de l'entreprise et du syndicat qui représente le personnel de cette entreprise, qu'il incombe d'ouvrir des négociations dans le but de conclure une convention collective. Dans ce cas précis, il y a bien eu négociation entre le gouvernement et la Fédération des fonctionnaires de Zambie, ainsi que l'Union nationale du personnel de la fonction publique, mais ces négociations n'ont rien donné, le gouvernement n'étant pas en mesure de faire des concessions monétaires sur certaines conditions d'emploi, et ce pour les raisons évoquées précédemment. Le conflit qui en a résulté est aujourd'hui devant le tribunal du travail.

608. S'agissant de l'allégation de violation de la convention no 144 sur les consultations tripartites, le gouvernement affirme qu'il tient sincèrement à promouvoir les consultations tripartites dans le domaine du travail et de l'emploi. Il précise, à cet égard, que la partie X de la loi sur les relations professionnelles, telle qu'amendée par la loi no 30 de 1997, contient des dispositions qui prévoient la création du Conseil tripartite consultatif du travail. Depuis la création de ce conseil, le ZCTU a participé pleinement à ses réunions. Le gouvernement tient toutefois à faire la distinction entre consultations tripartites et négociation collective, les consultations tripartites donnant comme résultat un consensus sur l'approche et l'application des questions de travail et d'emploi, et la négociation collective des accords qui s'imposent aux parties concernées, qui sont généralement au nombre de deux. Selon le gouvernement, les questions négociables relatives aux conditions d'emploi ne peuvent donc pas faire l'objet de consultations tripartites, car c'est par les parties à la négociation qu'elles peuvent le mieux être résolues, avec, en cas de désaccord, recours aux procédures nationales de règlement des conflits, comme dans le cas d'espèce.

609. S'agissant de l'allégation de violation de la convention no 151, le gouvernement insiste sur le fait que le personnel de la fonction publique jouit, comme tous les autres travailleurs des entreprises privées et paraétatiques, de la liberté syndicale, du droit d'organisation et de la négociation collective. Il en donne pour preuve l'annonce, par la Fédération des fonctionnaires de Zambie et l'Union nationale du personnel de la fonction publique, d'un conflit avec le gouvernement de Zambie, faute d'accord sur les conditions d'emploi. Ce conflit a ensuite été soumis à conciliation, puis à arbitrage auprès du tribunal du travail, dont on attend encore la décision. Par ailleurs, et selon le gouvernement, un désaccord en cours de négociation ne saurait être défini comme contraire aux dispositions de cette convention. Une telle allégation aurait été raisonnable si le gouvernement avait refusé délibérément et sans raison valable de rencontrer les organisations du personnel de la fonction publique, ce qui n'est pas le cas ici car il y a eu des rencontres et des négociations, même si celles-ci ont abouti à une impasse. Par conséquent, cette allégation est infondée étant donné les faits et les circonstances dans le cas d'espèce.

610. Enfin, s'agissant de l'allégation selon laquelle les travailleurs de la plupart des autorités locales doivent attendre deux à dix-neuf mois avant d'être payés par le gouvernement et que certains auraient été menacés de licenciement lorsqu'ils se sont plaints, le gouvernement souligne que les travailleurs dans les autorités locales ne sont pas employés par le gouvernement de la République de Zambie, mais par des conseils locaux de district, qui gèrent leurs activités eux-mêmes, y compris pour le recrutement du personnel, les mesures disciplinaires et le paiement des salaires, sans aucune intervention de la part du gouvernement. C'est donc aux différents conseils locaux qu'il appartient de verser ces salaires, et non au gouvernement. Celui-ci conclut en soulignant que l'Union du personnel des autorités locales de Zambie a poursuivi en justice certains de ces conseils dans l'espoir d'obtenir rapidement le versement des salaires restant dus.

C. Conclusions du comité

611. Le comité note que les allégations, dans le cas présent, concernent l'imposition d'un gel des salaires dans la fonction publique pour lequel les syndicats concernés n'ont pas été consultés, ainsi que le non-paiement des salaires des travailleurs de certaines autorités locales.

612. Le plaignant (ZCTU) affirme que le gel des salaires a été imposé pour toute l'année 1998 sans que les travailleurs concernés aient été consultés par le biais de leurs syndicats ou du ZCTU. Le gouvernement maintient qu'il tient sincèrement à promouvoir les consultations tripartites dans le domaine du travail et de l'emploi et que le ZCTU a participé pleinement aux réunions du Conseil consultatif tripartite depuis sa création. Le comité observe cependant que le gouvernement ne réfute pas l'allégation du ZCTU selon laquelle le gel des salaires prévu n'a été mentionné à aucun moment à la réunion du Conseil consultatif tripartite du travail qui s'est tenue en septembre 1997. Il fait également remarquer qu'au dire même du gouvernement la Fédération des fonctionnaires de Zambie et l'Union nationale du personnel de la fonction publique auraient été pleinement informées de la nécessité de diminuer les salaires en 1998 dans le cadre du programme de réformes de la fonction publique. Selon le comité, cela confirmerait ce qui a été dit par le ZCTU, à savoir que le gouvernement a annoncé à la fin du mois de novembre 1997, par le biais du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, un gel des salaires pour toute l'année 1998 et pour l'ensemble du personnel de la fonction publique et des institutions qui reçoivent une aide de l'Etat, sans que les travailleurs concernés aient été consultés par le biais de leurs syndicats ou du ZCTU. Le comité fait remarquer, par ailleurs, que les négociations entamées par le gouvernement avec les syndicats de la fonction publique, alors que le gel des salaires se poursuivait en 1998, et qui ont d'ailleurs abouti à une impasse, de sorte que la question a été soumise à conciliation et, pour finir, au tribunal du travail dans le cadre des procédures de règlement des conflits, ne l'ont été que pour définir les conditions d'emploi du personnel de la fonction publique en 1999.

613. Ceci étant, le comité conclut qu'il n'y a eu ni négociation ni consultation entre le gouvernement et les syndicats concernés avant que le gouvernement ne décide d'imposer un gel des salaires pour 1998 à l'ensemble du personnel de la fonction publique et des institutions qui reçoivent une aide de l'Etat. A cet égard, le comité souligne que, lorsqu'un gouvernement cherche à modifier les structures de négociation dans lesquelles il agit directement ou indirectement en tant qu'employeur, il importe particulièrement qu'il procède aux consultations voulues, de façon que tous les objectifs considérés comme allant dans le sens de l'intérêt national général puissent être examinés par l'ensemble des parties intéressées, conformément aux principes fixés dans la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, ce qui implique que les consultations doivent être réalisées de bonne foi et que les deux parties disposeront de toutes les informations nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 856 et 941.] Le comité veut croire que le gouvernement suivra, dans le futur, un processus de consultation approprié lorsqu'il cherche à modifier des structures de négociation dans lesquelles il agit directement ou indirectement à titre d'employeur.

614. S'agissant de la compatibilité de la mesure de restriction des salaires avec les principes de la négociation collective, le comité a reconnu que lorsque, pour des raisons impérieuses d'intérêt économique national et dans le cadre de sa politique de stabilisation, un gouvernement estime que le taux de salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociations collectives, toute restriction qui est imposée doit l'être à titre exceptionnel, et seulement dans la mesure où elle est nécessaire et sans dépasser une période raisonnable, et devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 883.] La commission d'experts a adopté une approche similaire sur cette question. [Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 260.]

615. Pour ce qui est des aspects concrets de cette affaire, le comité note que le gel des salaires était l'une d'une série de mesures qui, selon le gouvernement, ont été prises pour faciliter la mise en œuvre d'un programme de réformes de la fonction publique. Il note par ailleurs que le gel des salaires a été imposé pour une période de douze mois, après quoi la négociation collective a repris dans la fonction publique, même si les négociations ont finalement abouti à une impasse et si le conflit qui en a résulté a été soumis à conciliation et, pour finir, au tribunal du travail dans le cadre des procédures de règlement des conflits prévues par la loi sur les relations professionnelles. Par conséquent, de l'avis du comité, le gel des salaires semble avoir constitué une mesure exceptionnelle et de nature temporaire. Il note, toutefois, qu'il n'était accompagné d'aucune garantie permettant de protéger le niveau de vie des travailleurs, et surtout des travailleurs à bas revenu. D'ailleurs, le ZCTU allègue que beaucoup de personnes ont souffert terriblement de ce gel des salaires et, au lieu de réfuter cet argument, le gouvernement se contente de souligner que cette mesure, comme d'autres, était nécessaire dans le cadre du programme de réformes de la fonction publique.

616. Au vu de ce qui précède, le comité regrette que le gouvernement n'ait pas donné la priorité à la négociation collective pour définir les conditions d'emploi des fonctionnaires, et qu'il ait, au contraire, gelé unilatéralement les salaires des fonctionnaires sans consulter les syndicats concernés. Le comité observe cependant que cette mesure de restriction des salaires était limitée à une période de douze mois et que la négociation collective libre a repris par la suite. Le comité veut croire que le gouvernement s'abstiendra à l'avenir de prendre de telles mesures. En outre, vu l'absence d'informations adéquates du gouvernement sur les raisons justifiant le gel des salaires, le comité prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.

617. S'agissant de l'allégation selon laquelle le gouvernement n'aurait pas payé les travailleurs dans la plupart des autorités locales pendant des périodes allant de deux à dix-neuf mois, le comité rappelle que son mandat consiste à déterminer si telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ces sujets. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 6.] Dans le cas présent, dans la mesure où aucun des travailleurs qui sont employés par les autorités locales concernées n'a été payé, le comité estime que la question dont il est saisi, si sérieuse qu'elle soit, ne relève pas des conventions sur la liberté syndicale, mais plutôt de la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949, qui a été ratifiée par la Zambie en 1979. Il conclut, par conséquent, que cet aspect de l'affaire n'appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandations du comité

618. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:

Genève, le 12 novembre 1999.

Max Rood,
Président.

Points appelant une décision:

    paragraphe 102;

paragraphe 297;

paragraphe 430;

    paragraphe 118;

paragraphe 308;

paragraphe 462;

    paragraphe 171;

paragraphe 323;

paragraphe 472;

    paragraphe 187;

paragraphe 352;

paragraphe 516;

    paragraphe 207;

paragraphe 371;

paragraphe 533;

    paragraphe 219;

paragraphe 384;

paragraphe 567;

    paragraphe 231;

paragraphe 392;

paragraphe 595;

    paragraphe 271;

paragraphe 404;

paragraphe 618.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.