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87e session
Genève, juin 1999


Rapport de la Commission de l'application des normes

Discussion en plénière
Rapport général


Convention no 87: Liberté syndicale et protection du droit syndical, 1948

Bangladesh (ratification: 1972). Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Le gouvernement du Bangladesh a déjà fourni des réponses détaillées aux questions soulevées par le Comité de la liberté syndicale et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations. Il réitère les réponses déjà communiquées à ces organes. Toutefois, conformément au souhait exprimé par la commission d'experts, le gouvernement désire communiquer les clarifications et informations complémentaires suivantes:

Fonctions de direction et d'administration

Le personnel employé à des tâches de direction et d'administration fait partie de la direction et, en tant que tel, il est obligé de négocier au nom des employeurs dans le cadre de la négociation collective avec les représentants des travailleurs (CBA). Du fait de cette situation juridique et pratique, l'inclusion du personnel de direction dans la définition du terme «travailleur» leur permettant de s'affilier à des syndicats (organisation de travailleurs) devrait être incompatible avec le tripartisme. L'article 38 de la Constitution de la République populaire du Bangladesh garantit le droit à la liberté syndicale à tous les citoyens, y compris le personnel de direction, sous réserve seulement de restrictions raisonnables imposées par la loi pour des raisons de moralité ou d'ordre public. La substance du droit d'association couvre tout emploi, profession, commerce, vocation ou métier légitime, et aucune restriction prévue en vertu de l'article 38 de la Constitution n'a encore été appliquée. Le personnel de direction et d'administration entre dans la définition du terme «employeur» en vertu de l'article 2 (viii) de l'Ordonnance sur les relations professionnelles (ORP) de 1969 et, en tant que tel, il peut également constituer son syndicat en vertu de l'article 2 (xxvi) de l'ORP. La commission d'experts se demande comment les non-citoyens occupant des fonctions de direction ou d'administration sont en mesure d'exercer le droit syndical puisque l'article 38 de la Constitution ne s'applique qu'aux citoyens. Il s'agit là d'une question juridique complexe qui mérite d'être examinée par le ministère de la Loi, de la Justice et des Affaires parlementaires. L'opinion juridique adéquate sera déterminée en consultation avec ce ministère et transmise à la commission d'experts en temps opportun. Les informations sur le nombre et la taille des associations des secteurs public et privé qui ont été constituées en vue de défendre les intérêts professionnels des travailleurs occupant des fonctions de direction et d'administration sont en train d'être recueillies et seront transmises en temps opportun à la commission d'experts.

S'agissant de l'exclusion des syndicats des fonctionnaires du gouvernement et des travailleurs de l'imprimerie de l'Office de la monnaie (Security Printing Press), le gouvernement indique que de telles questions font toujours l'objet d'examen par la Commission de révision du Code du travail, un organe tripartite chargé de la révision de l'ensemble du projet de Code général du travail préparé par la Commission nationale chargée de la réforme de la législation du travail. La Commission de révision du Code du travail fonctionne régulièrement et sa dernière réunion a eu lieu le 4 mars 1999. La commission d'experts a relevé que le gouvernement se réfère depuis de longues années à la préparation d'un nouveau Code général du travail. Le gouvernement espère que cette dernière voudra sans doute noter que le Code général du travail proposé va rassembler 44 lois du travail en un code d'ensemble, ce qui représente une tâche gigantesque. S'agissant de l'exclusion des syndicats du personnel de l'imprimerie de l'Office de la monnaie (Security Printing Press), le gouvernement ajoute que ces derniers sont engagés dans un travail confidentiel, et le fait de les autoriser à constituer des syndicats comporte de graves risques. La Commission de révision du Code du travail examine également avec attention le fait que certaines dispositions du Code de conduite des fonctionnaires du gouvernement de 1979 exigent que ces derniers aient l'autorisation préalable des autorités pour publier des documents autres que les publications sur la culture, les sports, les travaux de développement et les questions scientifiques. En outre, cette question doit faire et fera également l'objet d'examen par le Ministry of Establishment, qui est l'autorité compétente pour décider des questions touchant aux droits et privilèges des fonctionnaires du gouvernement. Les résultats de cet examen seront transmis à la commission d'experts en temps opportun.

Restrictions sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions dans un syndicat

La commission d'experts a observé que l'article 7-A (I) b) de l'ORP sur les relations professionnelles de 1969 interdit à toute personne n'appartenant pas ou n'ayant pas appartenu à un établissement ou à un groupe d'établissements d'être membre ou dirigeant d'un syndicat dans un tel établissement ou groupe d'établissements. Elle a également relevé qu'en prévoyant qu'un travailleur licencié pour inconduite ne peut devenir délégué syndical l'article 3 de la loi no 22 de 1990 comporte le risque d'une ingérence de l'employeur par le biais d'un licenciement de membres d'un syndicat ou de dirigeants syndicaux pour exercice d'activités syndicales légitimes. La commission a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier ces dispositions pour les mettre en conformité avec la convention. Le gouvernement informe la commission que l'employeur ne peut licencier un travailleur d'une manière arbitraire sans lui donner l'occasion de faire entendre sa cause. L'ORP de 1969 ne donne à l'employeur aucune possibilité d'ingérence arbitraire. En vertu de l'article 15 de cette ordonnance, tout licenciement d'un travailleur pour activités syndicales constitue une pratique abusive passible de sanctions à l'égard de l'employeur. En outre, un travailleur lésé peut intenter une action en réparation auprès du tribunal du travail. Le gouvernement estime que les travailleurs jouissent de la liberté totale d'élire leurs représentants; ainsi, aucune modification de la législation susvisée ne s'avère nécessaire. Le gouvernement prie instamment la commission d'experts de constater qu'il n'y a pas de contradiction entre la législation nationale actuelle et la convention. Il informe la commission que cette question sera également soumise à la Commission de révision du Code du travail pour examen dans un réel esprit de tripartisme.

Abus du contrôle externe

La commission d'experts a estimé qu'en vertu de l'article 10 de la réglementation de 1977 sur les relations de travail les pouvoirs conférés aux greffiers des syndicats ne paraissent souffrir d'aucune restriction en ce qui concerne l'introduction dans les locaux syndicaux, l'examen des documents, etc. En outre, ce pouvoir n'est pas soumis à un contrôle judiciaire. En conséquence, la commission a prié le gouvernement de modifier cette disposition pour la mettre en harmonie avec la convention. Le gouvernement réitère qu'à plusieurs occasions des membres de syndicats ont été dépourvus de leurs droits par les dirigeants syndicaux et que c'est pour sauvegarder leurs intérêts que l'article 10 susvisé a été établi. Par ailleurs, l'abus d'autorité et les excès, le cas échéant, du greffier des syndicats constituent des infractions, et le syndicat lésé peut intenter une action judiciaire auprès du tribunal du travail compétent. Le greffier des syndicats a toujours usé de ses pouvoirs d'inspection avec la discrétion nécessaire, et il n'y a eu aucune allégation relative à l'abus d'autorité du greffier. Parallèlement à la reconnaissance des droits des syndicats de fonctionner librement, la nécessité de réglementer les activités syndicales ne peut être évitée dans l'intérêt de sauvegarder les droits généraux des travailleurs.

Exigences concernant l'enregistrement

La commission a réitéré que les articles 7 (2) et 10 (1) g) de l'ORP de 1969 – qui prévoient qu'aucun syndicat ne peut être enregistré à moins de réunir 30 pour cent au minimum de l'effectif total des travailleurs occupés dans l'établissement ou le groupe d'établissements considéré – ne sont pas en conformité avec l'article 2 de la convention. En conséquence, les mesures nécessaires doivent être prises pour remédier à cette situation. Le gouvernement réitère que l'exigence d'un effectif de 30 pour cent vise à contrôler la multiplicité des syndicats dont la prolifération est évidemment contre-productive à l'égard des travailleurs. Selon le gouvernement, l'adoption de tels amendements ne s'avère pas utile dans la mesure où les dispositions de l'ORP sont, dans leur esprit, conformes à la convention. La commission d'experts a en outre noté que le Comité de la liberté syndicale a soulevé d'autres problèmes tels que l'absence de toute disposition légale permettant l'enregistrement d'un syndicat à l'échelon national dont les travailleurs sont employés par plusieurs employeurs et que, en application d'un jugement, l'enregistrement d'un syndicat comprenant des travailleurs de différents établissements appartenant à différents employeurs est interdit. La commission d'experts voudra sans doute noter qu'une telle règle judiciaire émanant de la plus haute cour – la Cour suprême – s'impose au gouvernement. Néanmoins, les dispositions susvisées de l'ORP sont également en cours d'examen devant la Commission de révision du Code du travail.

Les zones franches d'exportation

La commission d'experts a soutenu que la loi sur les zones franches d'exportation de 1980 instituant ces zones sans syndicat constitue une grave violation du droit fondamental d'association. Elle a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que les travailleurs des zones franches d'exportation puissent bénéficier de tous les droits contenus dans la convention.

A cet égard, le gouvernement avait informé la commission d'experts que, bien que les travailleurs occupés dans les zones franches d'exportation ne peuvent, pour l'instant, constituer des syndicats, ils ont leur association et résolvent leurs doléances par voie de dialogue direct. En fait, les travailleurs dans les zones franches d'exportation jouissent de conditions de travail et d'avantages spécifiques meilleurs que ceux des travailleurs d'autres secteurs. L'expérience a démontré que les travailleurs dans les zones franches d'exportation n'ont jamais soulevé de problèmes contre les employeurs en matière de salaires, de conditions de travail, etc. Les zones franches d'exportation sans syndicat ont attiré des investissements étrangers directs avec pour effet un nombre considérable de postes de travail et de création d'emplois dont les principaux bénéficiaires sont les travailleurs. Compte tenu du bas niveau de développement, les zones franches d'exportation au Bangladesh constituent une nécessité économique.

Les principes consacrés dans la Déclaration de Philadelphie constituent le fondement des conventions de l'OIT, et l'article 5 de cette Déclaration dispose notamment que la manière d'appliquer ces principes doit être déterminée en tenant dûment compte du niveau de développement économique et social atteint par chaque peuple. Ainsi, au regard des intérêts économiques d'un pays moins avancé comme le Bangladesh, les zones franches d'exportation sans syndicat sont considérées comme essentielles pour l'emploi et la création d'emplois.

Restrictions au droit de grève

S'agissant de l'opinion de la commission d'experts relative aux dispositions restrictives sur la grève et de l'invitation qu'elle a faite au gouvernement de modifier la législation confinant le droit de grève aux seules situations de crise aiguë, le gouvernement réitère les réponses fournies précédemment. Il assure également la commission d'experts que les activités syndicales dans le secteur bancaire n'ont pas été suspendues. En effet, aucune restriction n'est imposée aux grèves légales, celles-ci ne s'appliquant qu'aux grèves illégales. Lorsqu'une grève est interdite par le gouvernement, celui-ci doit immédiatement soumettre la question au tribunal du travail à charge de statuer. Les sanctions, y compris l'emprisonnement pour participation à une grève déclarée illégale, ne peuvent être imposées qu'après une décision judiciaire prise conformément à la loi; ainsi, les autorités ne peuvent recourir à aucune sanction pénale de manière arbitraire.

L'exposition du Bangladesh aux catastrophes naturelles est bien connue de l'OIT. Pas plus tard qu'en 1998 les pires inondations dans le pays ont entraîné des dommages massifs à l'agriculture et aux infrastructures nationales. La réhabilitation et la réparation des dommages causés par les inondations dureront plusieurs années. Dans de telles circonstances d'urgence, les restrictions à la grève et à d'autres formes d'actions professionnelles sont parfaitement motivées et en conformité avec les justifications admises par la commission d'experts.

Conformément à la demande de la commission d'experts, des informations relatives aux allégations concernant le rejet de plusieurs demandes d'enregistrement par des syndicats dans les secteurs du textile, de la métallurgie et de l'industrie du vêtement seront fournies.

Enfin, le gouvernement informe la commission d'experts que tous les points qu'elle a soulevés sont en cours d'examen devant la Commission tripartite de révision du Code du travail, dont la décision sera communiquée en temps opportun. Le gouvernement accueille favorablement l'assistance technique du Bureau en vue de conseiller le gouvernement sur la manière de mettre en œuvre la convention sur le plan national.

En outre, un représentant gouvernemental a souligné devant la commission que le Bangladesh était un pays pluraliste et démocratique pleinement empreint des valeurs du pluralisme et de la démocratie. En matière de prise de décisions et de mise en œuvre de ces décisions, le pays s'efforce d'œuvrer dans un système de transparence totale qui fait pleinement partie de ses traditions culturelles et politiques. Bien que fier de ces traditions, il est tout à fait conscient que, comme n'importe quelle autre société, son pays n'est pas parfait. Sur la question traitée par la commission aujourd'hui, au Bangladesh, comme partout ailleurs, beaucoup reste à faire. Cependant, plus que d'autres, le Bangladesh est conscient de ces déficiences. Il est aussi conscient que quelques fossés existent encore entre la législation en vigueur et les exigences de la convention. Il est donc reconnaissant à la commission d'avoir attiré l'attention sur certaines de ces questions qu'il souhaite aborder aujourd'hui avec le plus grand sérieux.

A cette fin, il a informé la commission que le ministère du Travail avait décidé d'établir un mécanisme pour examiner en profondeur la question et faire des recommandations visant à corriger toute divergence entre la convention et la législation en vigueur. Il s'est dit confiant que cette mesure ferait avancer le Bangladesh vers la réalisation de ses buts. Son pays a prouvé sa bonne volonté en fournissant une réponse point par point à toutes les questions qui ont été soulevées par la commission d'experts. Il a espéré que ces réponses donneraient satisfaction. Cependant, si quelques membres de la commission ne sont pas satisfaits de l'information fournie, cela n'est pas dû à une mauvaise volonté ou à un manque d'engagement politique de la part de son pays. On doit prendre en compte les contraintes nombreuses et variées auxquelles celui-ci doit faire face. Cependant, l'orateur s'est dit convaincu que le Bangladesh pourra parvenir à ses buts, particulièrement en raison du fait que les autorités ont accordé la plus haute priorité à la démocratisation de tous les aspects de la société. Il s'est ensuite référé à l'information sur le cas communiquée par écrit par le gouvernement.

Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations qu'il a fournies. Ils notent que la commission d'experts fait des commentaires sur ce cas depuis 1983 et que la Commission de la Conférence en a débattu en 1995 et en 1997. Toutefois, il apparaît que la plupart des éléments de ce cas sont identiques à 1995.

La commission d'experts a soulevé plusieurs questions relatives aux divers aspects de la législation du travail dans le pays. La première d'entre elles concerne le droit d'association du personnel de direction et d'administration. Le problème essentiel en cette matière est relatif à la manière dont sont déterminées ces catégories de personnel. La commission d'experts a également demandé des informations sur la situation relative aux travailleurs étrangers qui travaillent au niveau de la direction. Les informations fournies par le gouvernement indiquent que la question serait examinée par le ministère de la Loi, de la Justice et des Affaires parlementaires. Les commentaires de la commission d'experts ont donné l'impression qu'il y existait des limitations au droit d'association de ce type de personnel, et le gouvernement devrait dès lors être requis de fournir des informations précises à cet égard. Le problème tourne autour de l'application de l'article 38 de la Constitution, qui contient certaines restrictions. Néanmoins, le gouvernement a déclaré qu'aucune de ces restrictions n'avait jusque-là été appliquée. Des informations sont nécessaires quant à la situation réelle en la matière.

La seconde question concerne l'exclusion des fonctionnaires et des travailleurs de l'imprimerie de l'Office de la monnaie (Security Printing Press) du droit de constituer des syndicats. Le gouvernement continue de déclarer que ce problème fait toujours l'objet d'examen par la Commission tripartite de révision du Code du travail chargée de faire des propositions de révision de la loi. Toutefois, cela fait déjà un certain temps que le gouvernement répète cette déclaration. Combien de temps faudra-t-il encore attendre? Le gouvernement a-t-il réellement l'intention de modifier la loi et, si oui, quand? Cela fait au moins cinq ans qu'il se réfère au travail de la Commission de révision du Code du travail sur cette question.

La troisième question concerne les restrictions sur les catégories de personnes pouvant exercer des fonctions dans un syndicat. La commission d'experts s'inquiétait en particulier des restrictions à l'exercice de fonctions au sein de syndicats par des travailleurs ayant été licenciés pour inconduite, ce qui comporte le risque de licenciements arbitraires de membres syndicaux. Il serait nécessaire que la commission dispose d'informations sur l'impact pratique de cette disposition, en termes de nombre de cas constatés de licenciements arbitraires de dirigeants syndicaux.

Un quatrième problème concerne les pouvoirs de contrôle des syndicats conférés aux greffiers des syndicats. Le problème essentiel soulevé par la commission d'experts à cet égard est qu'il ne semble pas exister de limites aux pouvoirs des greffiers d'entrer dans les locaux syndicaux et d'inspecter les documents et que ces pouvoirs ne font l'objet d'aucun contrôle judiciaire. Le représentant gouvernemental s'est certes référé à la possibilité d'obtenir un redressement judiciaire, mais cela ne constitue pas une limite à l'exercice de ces pouvoirs dans le sens exprimé par la commission d'experts.

En référence aux exigences qu'un syndicat doive réunir 30 pour cent au minimum de l'effectif total des travailleurs occupés dans l'établissement ou groupe d'établissements considéré pour son enregistrement initial, ou le maintien de son enregistrement, les membres employeurs déclarent que ce pourcentage est fixé à un niveau arbitrairement élevé et constitue assurément un obstacle à la représentation syndicale, en particulier lorsqu'il n'y a pas de système de représentation exclusive. Le gouvernement avait, une fois encore, déclaré sur ce point qu'il était en cours d'examen par la Commission de révision du Code du travail.

Concernant les restrictions placées à la constitution de syndicats dans les zones franches d'exportation, la commission d'experts a souligné que la liberté syndicale est un droit fondamental qui ne peut être dénié, même temporairement. Une fois encore, des amendements ont été proposés par la Commission de révision de la législation nationale du travail, mais la question du temps que va prendre la procédure demeure.

En référence au droit de grève au Bangladesh, les membres employeurs se réfèrent à leur position bien connue sur la question. Le problème est une fois de plus que, sur les questions qui préoccupent la commission d'experts, aucune information n'est fournie sur l'impact pratique de la politique adoptée par le gouvernement. Les informations disponibles ne permettent pas de se faire une image précise de la mesure dans laquelle le droit de grève est restreint dans le pays.

Un grand nombre de problèmes soulevés dans ce cas ne se prêtent pas à des conclusions faciles. Un certain nombre d'entre eux ont été examinés par divers organes de révision, mais aucune proposition concrète ne semble avoir été avancée. Il est certain que le gouvernement ne peut continuer à se retrancher derrière ces organes de révision éternellement comme excuse à tout changement législatif. Il est dès lors nécessaire de faire quelque chose. Au vu du manque d'informations capables de fournir une base d'évaluation de l'impact des politiques nationales sur la liberté syndicale dans le pays, il est impératif de recommander incessamment au gouvernement de fournir des informations vérifiables et concrètes sur le problème examiné.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental des informations communiquées à la commission et l'ont assuré qu'ils sont pleinement conscients des défis que son gouvernement doit affronter du fait du faible niveau de développement du pays. Ils ont tenu, cependant, à rappeler que la convention institue des droits de l'homme fondamentaux, qui s'appliquent également à tous les pays, quel que soit leur niveau de développement. En fait, les membres travailleurs, de même que l'OIT dans son ensemble, sont depuis longtemps d'avis que le respect de la liberté syndicale, loin de constituer un obstacle, contribuerait grandement au développement du Bangladesh.

Après avoir écouté attentivement la déclaration du représentant gouvernemental, qui avait certes le ton de la sincérité, les membres travailleurs n'ont cependant pas la conviction que la commission ait entendu des informations nouvelles qui ne l'auraient pas déjà été lors des précédents examens de ce cas, en 1995 comme en 1997. Malheureusement, il ressort à l'évidence qu'aucune des mesures promises naguère par le gouvernement ne s'est matérialisée.

La Commission tripartite nationale de réforme de la législation du travail mentionnée par le représentant gouvernemental a été mise en place en 1992. Trois ans plus tard, en 1995, l'assurance a été donnée à la Commission de la Conférence que cette commission tripartite fonctionnait, ce qui l'avait conduite à espérer, en 1997, qu'elle mènerait rapidement à bien sa tâche de révision de la législation du travail et que le nouveau Code du travail tiendrait compte des observations nombreuses et réitérées de la commission d'experts et de la Commission de la Conférence. Deux années se sont écoulées sans qu'aucun progrès n'ait été constaté. De plus, il a été indiqué à la commission qu'un autre mécanisme serait mis en place, au sein du ministère du Travail, pour formuler des recommandations tendant à rendre la législation conforme à la convention. La relation entre ce nouveau mécanisme et la Commission de réforme du Code du travail n'était pas claire, de sorte que les membres travailleurs ont demandé au gouvernement des informations complémentaires sur ce point.

La commission d'experts a confirmé l'absence de progrès et a, une fois de plus, vivement critiqué plusieurs divergences entre la législation nationale et les articles 2 et 3 de la convention. Elle a notamment relevé le déni du droit de se syndiquer en ce qui concerne les travailleurs des ZFE, les restrictions des droits syndicaux des fonctionnaires et agents des services publics, l'absence de législation reconnaissant aux personnes exerçant des fonctions d'administration ou de direction le droit de se syndiquer ainsi que l'obligation, pour les syndicats, de compter dans leurs rangs au moins 30 pour cent des travailleurs employés dans l'établissement pour pouvoir être enregistrés. La commission d'experts a également critiqué le contrôle excessif exercé par les autorités sur les affaires internes des syndicats, l'obligation d'être employé dans l'établissement ou le groupe d'établissements concerné pour pouvoir exercer une fonction syndicale et l'interdiction, pour les travailleurs ayant été licenciés pour inconduite, de se porter candidat à une fonction syndicale. Les autres critiques visent les restrictions concernant le droit, pour les organisations de travailleurs, d'organiser leurs activités et formuler leurs programmes sans intervention de la part des pouvoirs publics, ainsi que l'impossibilité de faire enregistrer au niveau national un syndicat constitué de travailleurs de différentes entreprises relevant de différents employeurs. La commission d'experts a fait particulièrement mention des restrictions excessives au droit de grève. Elle formule depuis de nombreuses années des commentaires sur cette longue série de violations graves.

En ce qui concerne l'excès de contrôle externe, les membres travailleurs ont rejeté les arguments du gouvernement selon lesquels ce contrôle s'exercerait pour la sauvegarde des intérêts des travailleurs parce que ce seraient les dirigeants des syndicats qui priveraient souvent les affiliés de leur droit de grève. Se fondant sur leur expérience, les membres travailleurs peuvent affirmer que les travailleurs exercent normalement un contrôle efficace à l'égard de leurs dirigeants, dans la mesure où les structures syndicales en place sont transparentes et démocratiques. Ce sont des structures de cette nature que le gouvernement doit favoriser à travers la législation du travail s'il entend véritablement préserver les travailleurs contre les abus de pouvoir des dirigeants syndicaux.

Les membres travailleurs ont également jugé préoccupants les commentaires du représentant gouvernemental à propos des ZFE. Le gouvernement soutient qu'il est dans l'intérêt économique des pays les moins avancés, comme le Bangladesh, d'avoir des ZFE sans syndicats, afin de créer des emplois et d'attirer des investissements étrangers directs. Cette affirmation est un exemple flagrant de la pression qu'exerce la mondialisation sur les normes du travail lorsque les règles du jeu sont déséquilibrées et qu'il est fait totalement abstraction des normes fondamentales du travail. Il s'agit là d'une question particulièrement grave, si l'on veut bien considérer qu'une part croissante du secteur manufacturier du Bangladesh, notamment l'industrie textile et du vêtement, est implantée dans les ZFE, lesquelles se multiplient rapidement sur l'ensemble du territoire et emploient des centaines de milliers de travailleurs. Le Comité de la liberté syndicale a été saisi de plaintes pour de nombreuses violations, notamment dans le secteur du textile et de l'habillement, où les syndicats ne parviennent pas à obtenir leur enregistrement. La plupart des établissement du secteur sont assez petits et emploient moins de 100 travailleurs. Lorsque l'on ajoute à l'absence de liberté syndicale dans les ZFE la nécessité de compter 30 pour cent des effectifs pour obtenir l'enregistrement et le conserver, en tant que syndicat d'entreprise, et l'interdiction d'organiser un syndicat à l'échelle nationale ou de constituer un syndicat réunissant les travailleurs de plusieurs établissements relevant d'employeurs différents, on constate que le secteur manufacturier est en fait privé de l'essentiel des droits syndicaux.

L'un des autres exemples de la pression qu'exerce la mondialisation sur les normes du travail trouve son expression dans les rapports de la Banque mondiale appelant instamment le gouvernement à prendre des mesures législatives pour empêcher les travailleurs du secteur bancaire de constituer un syndicat. Bien que le gouvernement, quant à lui, affirme que les activités syndicales n'ont pas été suspendues, des articles de presse démontrent, de leur côté, que les activités syndicales de la Banque centrale ont été interdites au motif de ce que le gouvernement a qualifié d'activités syndicales excessives. Des problèmes ont également été signalés dans les autres banques commerciales, du secteur privé comme du secteur public. A ce sujet, les membres travailleurs demandent au représentant gouvernemental de fournir des informations plus actuelles.

La commission d'experts a renouvelé, une fois de plus, les observations qu'elle formule depuis de nombreuses années à propos des limitations dont le droit syndical fait l'objet dans le secteur public et a appelé instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires, sans aucun nouveau délai, pour garantir que tous les travailleurs, sans aucune distinction que ce soit, aient le droit de syndiquer. Bien que le gouvernement ait été prié de faire connaître tout progrès réalisé à cet égard, les membres travailleurs ne sont pas convaincus que le gouvernement prenne les recommandations de la commission d'experts au sérieux.

Enfin, s'agissant du droit de grève, les membres travailleurs ont demandé au représentant gouvernemental de faire connaître le nombre de grèves légales à caractère économique qui se produisent chaque année et le nombre de cas dans lesquels un employeur a été sanctionné pour violation de la législation à l'égard de travailleurs participant à une action revendicative, légale ou illégale. De telles statistiques permettraient de constater sans l'ombre d'un doute si, dans la pratique, comme l'affirme le représentant gouvernemental, les grèves légales ne font pas réellement l'objet de restrictions.

Les membres travailleurs ont rappelé que cette convention a été ratifiée par le Bangladesh depuis 27 ans. L'absence de progrès quant à son application en droit comme en pratique depuis tant d'années est extrêmement préoccupante, surtout lorsque l'on entend à nouveau, comme aujourd'hui, le gouvernement déclarer qu'il n'est pas dans son intention de l'appliquer dans certains secteurs clés où la situation n'est pas conforme à ses dispositions. Un problème de crédibilité se pose désormais quant à l'appréciation des intentions véritables du gouvernement. Il se trouve malheureusement que ses actes sont plus éloquents que ses paroles. Dans la pratique, la liberté syndicale est restreinte dans le secteur public, dans les ZFE, dans l'essentiel du secteur manufacturier et dans celui des services. Ces profondes préoccupations devraient être exprimées dans les conclusions de la commission dans les termes les plus vifs.

Le membre travailleur du Japon a rappelé que les divergences notées par la commission d'experts entre la loi nationale et la convention comprenaient les restrictions mises au droit d'association des fonctionnaires. Il a souligné à cet égard que la convention garantit la liberté d'association des travailleurs tant dans le secteur public que dans le secteur privé, avec comme seules exceptions l'armée et la police. Le gouvernement déclare que la législation du travail est en cours de révision; or celle-ci dure déjà depuis de nombreuses années. Aucune information n'est donnée quant à savoir si elle inclurait les principes de la liberté d'association des fonctionnaires. Il recommande instamment au gouvernement de conclure cette révision le plus rapidement possible et de fournir des informations sur les aspects spécifiques de la liberté d'association devant être garantis par la loi et dans la pratique.

Il a ajouté que son syndicat représentait des travailleurs dans les services publics et qu'il avait été consterné de constater qu'il n'y avait aucun représentant du Bangladesh à la récente réunion du comité exécutif de l'Internationale des services publics. La raison en était que le délégué en question n'avait pas réussi à obtenir un visa de sortie du Bangladesh. Il rappelle dès lors au représentant gouvernemental que la convention garantit le droit d'affiliation à des organisations internationales. Il est clair que cette exigence de la convention n'est pas respectée si les membres syndicaux ne sont pas autorisés à participer à des réunions internationales, qui sont d'une grande importance pour le mouvement des travailleurs.

Le membre travailleur du Pakistan, tout en comprenant les difficultés rencontrées par le pays et les efforts déployés pour promouvoir la démocratie, attire l'attention du gouvernement sur la nécessité d'appliquer la convention dans les pays à tous les niveaux de développement, dès lors qu'elle contient des principes qui constituent l'élément vital des libertés fondamentales de tous les travailleurs, quels qu'ils soient, y compris dans les zones franches d'exportation. Le pays a pris l'engagement de base de ratifier la convention et doit maintenant effectuer les démarches nécessaires pour la mettre en œuvre pleinement. Le Comité de la liberté syndicale a relevé dans plusieurs cas, au cours des années, les lacunes et contradictions entre la loi et la pratique nationales et les principes de la liberté syndicale. Malgré les promesses faites que ces insuffisances seraient réparées et que des organes de révision ont été créés pour examiner la législation du travail, les mêmes problèmes relatifs à l'application de la convention continuent d'être relevés par la commission d'experts. En outre, le membre travailleur du Japon a fourni des informations illustrant que le droit fondamental d'affiliation des travailleurs et employeurs à des organisations nationales et internationales n'était pas respecté en pratique. Il en appelle dès lors au gouvernement pour prendre les mesures nécessaires afin de donner effet à ses obligations internationales sans délai.

Le membre travailleur de l'Italie a admis que le Bangladesh est un pays très peuplé qui connaît des difficultés économiques et de nombreuses catastrophes naturelles. Cependant, le défi qui s'offre à lui est de miser sur le développement dans le respect de la démocratie. Comme il ressort des analyses et observations de la commission d'experts, l'un des piliers de la démocratie est la liberté syndicale. Sur 60 millions de travailleurs au Bangladesh, 5 millions sont dans le secteur formel, dont près de 2 millions sont syndiqués, mais à peine 20 pour cent des organisations d'entreprises sont affiliées aux centrales syndicales nationales enregistrées, habilitées à négocier. Une grande partie de la population ne bénéficie pas du droit d'association et est donc exclue de la négociation collective: il s'agit des fonctionnaires, des dizaines de milliers de travailleurs des zones franches d'exportation, de la totalité des travailleurs dépendant du secteur informel et de presque tous les travailleurs des petites et moyennes entreprises. Il faut que les travailleurs puissent bénéficier d'une législation qui leur donne le droit de s'organiser. Cela est essentiel pour la stabilité et la démocratie du pays. Le Bangladesh, qui a ratifié la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, devrait œuvrer dans ce sens en utilisant l'instrument du tripartisme.

Dans sa réponse, le représentant gouvernemental a remercié les membres travailleurs et employeurs pour avoir mis en évidence un certain nombre de questions qui suscitent la préoccupation de tous. Dans un monde moderne et technologique, où les informations peuvent être échangées extrêmement rapidement, de tels problèmes ne peuvent pas être dissimulés. Le Bangladesh reconnaît dès lors, de manière très franche, l'existence de divergences entre sa législation et sa pratique, d'une part, et la convention, d'autre part; il démontre également sa volonté politique de traiter les problèmes connexes. A titre plus personnel, le représentant gouvernemental a informé la commission que les associations de cadres deviennent progressivement des acteurs importants dans le pays.

Il a assuré les membres de la commission qu'il avait pris note des questions soulevées, y compris des retards pris dans le processus de révision. Malheureusement, il n'est pas possible d'indiquer un calendrier pour la révision de la législation du travail. Cependant, à son retour dans le pays, il fera part aux autorités compétentes des préoccupations exprimées. Cela entraînera sans aucun doute une accélération du processus. Enfin, en ce qui concerne le droit de grève, le représentant gouvernemental a indiqué que la démocratisation a grandement progressé au cours des dix dernières années et que les travailleurs du Bangladesh exercent le droit de grève.

Tout en appréciant la bonne volonté manifestée par le représentant gouvernemental, les membres employeurs ont exprimé la crainte que cette bonne volonté ne serve qu'à dissimuler une situation dans laquelle aucun progrès n'est accompli. Le représentant gouvernemental devrait faire savoir à son gouvernement que la présente commission attend des mesures concrètes et réelles dans le cadre du processus de révision de la législation du travail. Des informations doivent être communiquées sur la situation réelle dans le pays en matière de liberté syndicale. Si des informations montrant que des progrès sont réalisés ne sont pas communiquées, la commission pourrait être dans l'obligation d'adopter une autre attitude à l'égard de ce cas à l'avenir.

La commission a pris note des informations écrites transmises par le représentant gouvernemental et de sa déclaration, ainsi que de la discussion qui a suivi. Elle a rappelé avec une grande préoccupation que ce cas a été examiné par la commission en 1995 et 1997. La commission s'est sentie obligée d'exprimer son profond regret face à la persistance de graves divergences entre la législation et la pratique nationales, d'une part, et les dispositions de la convention, d'autre part. Profondément préoccupée par l'absence totale de progrès dans l'application de cette convention, ratifiée il y a plus de 25 ans, la commission a exhorté le gouvernement à prendre des mesures sur les points suivants: le déni du droit de se syndiquer pour les travailleurs des zones franches d'exportation; la suspension des activités syndicales dans un certain nombre de secteurs; les conditions strictes imposées pour l'enregistrement des syndicats; les restrictions relatives aux catégories de personnes pouvant exercer des fonctions dans un syndicat; le contrôle externe dans les affaires internes des syndicats; les restrictions apportées au droit des syndicats de formuler leurs programmes d'action sans ingérence des autorités publiques; et les restrictions au droit d'association des fonctionnaires.

La commission a instamment prié le gouvernement d'indiquer, dans les plus brefs délais, les progrès substantiels réalisés dans l'application de la convention, et de fournir à la commission d'experts un rapport détaillé sur les mesures concrètes prises pour appliquer pleinement la convention en droit et dans la pratique. Elle a encouragé le gouvernement à demander l'assistance technique du BIT.

La commission a de nouveau exprimé le ferme espoir que la Commission nationale sur la législation du travail achève très rapidement la révision de la législation du travail et du Code du travail en tenant compte de toutes les observations de la commission d'experts et de la présente commission.

Cameroun (ratification: 1960). Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Le gouvernement réitère les explications suivantes fournies l'année dernière devant la Commission de la Conférence: l'article 6 (2) du Code du travail et la loi no 68/LF/19 du 18 novembre 1968 sur les syndicats et les associations de fonctionnaires sont en cours de modification dans le sens des observations de la commission d'experts. Le processus de révision des textes, initié en 1990, se poursuit conformément à la circulaire sur le travail gouvernemental. Il s'agit des textes touchant à tous les secteurs d'activités nationales qui devraient être conformes aux principes universels inscrits dans les diverses déclarations et chartes souscrites par le Cameroun. Ce travail est ardu et obéit à un calendrier. La commission peut donc être assurée que le travail se poursuit et qu'il aboutira dans le sens de sa préoccupation spécifique relative à la liberté syndicale, notamment avec l'harmonisation des textes nationaux aux dispositions de la convention.

Toutefois, sur le plan pratique, bien que les textes n'aient pas encore été modifiés, la liberté syndicale est effective avec l'existence des syndicats suivants: le Syndicat national des contractuels d'administration (SYNCAAE); le Syndicat national des fonctionnaires des services civils et financiers (SYNAFCIF); le Syndicat national des enseignants du primaire et de la maternelle (SNEPMA); l'Organisation nationale des enseignants du Cameroun (ONEC); le Syndicat national du personnel des services techniques de l'Etat (SYNAPTEC); le «Cameroon Public Service» (CPS); le Syndicat national des enseignants du Cameroun (SYNEC); le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES).

Ces syndicats exercent leurs activités en toute indépendance sans ingérence du gouvernement et sont affiliés à des organisations internationales, ainsi que l'attestent les nombreux déplacements à l'étranger de leurs responsables pour assister aux conférences organisées par celles-ci.

Comme la commission peut le constater, la liberté syndicale existe bel et bien au Cameroun. Dans le secteur public, l'ajustement des textes à la convention no 87 se fera en temps opportun, sans que cela puisse être interprété comme une volonté manifeste de bâillonner le mouvement syndical dans le secteur public camerounais.

Conformément aux suggestions de la commission, le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.

En outre, un représentant gouvernemental s'est référé devant la commission aux commentaires formulés par la commission d'experts en ce qui concerne son pays. En ce qui concerne l'autorisation préalable que les syndicats de fonctionnaires doivent obtenir de la part des autorités pour se constituer, l'orateur a indiqué que l'ensemble des lois et réglementations pertinentes étaient en cours de révision depuis 1990. Il a reconnu que le rythme de révision était lent, mais a souligné que cela pouvait s'expliquer par le fait que cette révision touche à des secteurs des plus divers. L'orateur a assuré que tous les textes ainsi examinés seront mis en conformité avec les dispositions de la convention.

L'orateur a insisté toutefois sur le fait que, au-delà de la logique formelle et théorique, doit primer la logique pratique et réaliste. L'accent a dès lors été mis sur le respect effectif de la convention dans la pratique. Il s'est notamment référé aux informations écrites fournies par le gouvernement dans lesquelles il est mentionné que de nombreux syndicats ont pu se constituer au cours des dernières années. L'orateur a donc estimé que, en pratique, le pluralisme syndical existe au Cameroun, tant dans la fonction publique que dans le secteur privé. Il a insisté sur le fait que les syndicats peuvent mener leurs activités en toute indépendance. Pour ce qui est de l'affiliation aux organisations internationales, il a indiqué que les syndicats pouvaient s'affilier aux organisations de leur choix, les nombreux déplacements des représentants syndicaux à l'étranger en faisant foi.

Il a conclu en insistant sur le fait qu'il faut surtout examiner la pratique en ce qui concerne la liberté syndicale, puisqu'une telle vérification permettra de conclure que rien ne peut être reproché au Cameroun.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour sa présence ainsi que pour les informations communiquées. Ils ont rappelé que le système de contrôle de l'OIT ne peut fonctionner que si les gouvernements satisfont à leurs obligations de faire rapport, qui présupposent un minimum de volonté de la part de ces derniers de prendre en considération les commentaires de la commission d'experts ainsi que de la commission. Il est regrettable que le gouvernement n'ait pas envoyé de rapport. Les informations communiquées montre qu'aucun élément nouveau n'a été fourni par le gouvernement. Le problème principal vient de la législation de 1968 concernant les syndicats des fonctionnaires. Les critiques formulées par la commission d'experts au sujet de divers aspects du Code du travail, à l'occasion des modifications intervenues en 1992, n'ont suscité aucune réaction de la part du gouvernement. Par ailleurs, depuis 1991, le gouvernement refuse de reconnaître le Syndicat national des enseignants du supérieur (SYNES). L'exigence de l'approbation préalable pour toute affiliation à une fédération internationale devrait être supprimée de la législation, l'affiliation devant être libre. En ce qui concerne le droit d'organisation dans la fonction publique, le gouvernement a déclaré au cours de la discussion de 1994 que les difficultés se situaient uniquement au niveau de la forme et des procédures. Bien que le gouvernement ait mentionné au cours de la discussion de 1996 la préparation d'un projet de loi sur le droit syndical des fonctionnaires, rien de nouveau n' a été rapporté au cours de la discussion de 1998. Notant la déclaration du gouvernement selon laquelle la procédure de la révision de la législation a démarré il y a neuf ans, les membres travailleurs ont exprimé le souhait d'être informés des délais précis prévus pour son adoption. Ils ont en outre évoqué des informations faisant état d'ingérences fréquentes du gouvernement dans les affaires intérieures des syndicats, ce qui représente plus que des questions de forme.

En conclusion, les membres travailleurs ont prié le gouvernement, d'une part, d'expliquer les raisons de ces atermoiements et, d'autre part, d'indiquer s'il est disposé à accepter l'assistance technique du BIT. Enfin, ils ont prié le représentant gouvernemental de préciser les délais dans lesquels son gouvernement se propose de mettre la législation en pleine conformité avec les dispositions de la convention et s'il considère qu'il s'agit là d'une réelle priorité. Le contenu des débats ne peut que présager d'un avenir préoccupant.

Les membres employeurs ont rappelé que, depuis 1981, en particulier l'an passé, ce cas a été examiné. Bien que la commission ait enjoint le gouvernement de prendre des mesures appropriées pour rendre conforme la législation nationale aux dispositions de la convention, le gouvernement n'a même pas adressé de rapport. La présence à la commission du représentant gouvernemental (ministre de l'Emploi) ne saurait compenser ce manquement.

La législation nationale prévoit qu'il faut une autorisation ministérielle pour qu'un syndicat ou une association professionnelle soient juridiquement reconnus. De plus, les syndicats, ainsi que les associations professionnelles d'agents de l'Etat, ne sont pas autorisés à s'affilier à des organisations professionnelles étrangères si elles ne disposent pas d'une autorisation ministérielle. En outre, on enregistre déjà des cas, en particulier dans le secteur de l'éducation, de syndicats d'agents de l'Etat dont l'enregistrement a été refusé. Ces cas constituent des violations flagrantes de la convention. Se référant à la déclaration faite par le représentant gouvernemental en 1998 à la commission, déclaration selon laquelle le gouvernement avait entrepris l'élaboration d'une nouvelle législation, les membres employeurs ont pris note que le représentant gouvernemental affirmait que la pratique est conforme aux principes consacrés dans la convention, ce qui a été démontré par le fait qu'il existait plusieurs syndicats dans le secteur de l'éducation. Les membres employeurs ont estimé que, si c'est le cas, il serait aisé d'adapter la législation nationale à cette pratique. Ils ont souligné que les divergences entre la législation et la pratique sont source de troubles, et que le fait que la loi autorise le gouvernement à intervenir à n'importe quel moment peut donner lieu à ces divergences. En conclusion, les membres employeurs ont estimé qu'il faudrait prier le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour rendre la législation conforme aux dispositions de la convention. En outre, dans les conclusions, il faudrait rappeler au gouvernement qu'il peut demander l'assistance technique du BIT afin de surmonter les difficultés qu'il pourrait avoir pour mettre en œuvre la convention. Etant donné qu'il ne semble pas qu'une modification de la législation soit envisageable dans un proche avenir, les conclusions devraient tenir compte des préoccupations de la commission.

Le membre travailleur de la France a noté que le fait que le représentant gouvernemental ait fait mention de l'existence de plusieurs syndicats dans la fonction publique ne signifie pas qu'une autorisation préalable des autorités compétentes n'ait pas été requise. La liberté de constituer des syndicats, garantie par la convention, ne saurait continuer à être interprétée restrictivement par le gouvernement. L'orateur s'est associé aux questions qui ont été posées préalablement au représentant gouvernemental et lui a dès lors demandé de préciser le calendrier de révision des lois et règlements relatifs à la liberté syndicale ainsi que la date à laquelle on pouvait espérer que ces textes soient en conformité avec les dispositions de la convention. Enfin, il a souhaité savoir si le gouvernement envisageait de donner rapidement une suite favorable à la proposition d'assistance technique du BIT pour l'élaboration d'un projet de législation conforme aux exigences de la convention.

Le membre travailleur de l'Afrique du Sud a spécifié que la principale question devant la commission est la violation de l'article 2 de la convention. Il a noté que la loi de 1968 exige que chaque syndicat ou association professionnelle de fonctionnaires obtienne son enregistrement auprès du ministre de l'Administration territoriale afin d'obtenir un statut légal. Les syndicalistes qui n'enregistrent pas leur organisation font face à des poursuites judiciaires. Cette disposition nie aux travailleurs du secteur public la représentation appropriée au regard des programmes d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international mis en œuvre au Cameroun.

La commission a discuté du cas du Cameroun en 1994 et 1996. Comme l'a noté la commission d'experts dans son rapport, le gouvernement a simplement réitéré les déclarations des années précédentes sans donner d'informations additionnelles sur les progrès concrets faits au regard de l'application de la convention.

Pour donner un exemple de violation de l'article 2 de la convention par le gouvernement, il s'est référé au refus d'enregistrer le Syndicat national de l'enseignement supérieur (SYNES) depuis 1991. Depuis plusieurs années, le gouvernement a indiqué qu'un projet de loi sur les syndicats et associations de fonctionnaires est en préparation et serait soumis à l'Assemblée nationale. Huit ans plus tard, le projet de loi n'a jamais été présenté à l'Assemblée nationale.

Au surplus, il a souligné que les syndicats ne sont pas admis dans les zones franches d'exportation. Il a aussi indiqué que le gouvernement s'est ingéré dans les affaires internes de la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun, depuis 1993, lorsque la confédération s'est opposée à la mise en œuvre des mesures d'austérité proposées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. De plus, le gouvernement a cherché à briser l'unité au sein de la confédération syndicale et dans les opérations des centres nationaux rivaux.

L'orateur a cité l'article 19 du décret 69 de 1969, exigeant l'approbation préalable du gouvernement afin que les syndicats et les associations de fonctionnaires puissent s'affilier à des confédérations internationales. Cette disposition viole l'article 5 de la convention. En conclusion, il a demandé au gouvernement de se prévaloir de l'assistance technique du BIT en vue d'élaborer des textes d'amendement à la législation dans le but de la rendre conforme aux dispositions de la convention, et plus particulièrement aux articles 2 et 5.

Le membre travailleur du Zimbabwe a fait observer que le Cameroun est l'un des Etats Membres qui persiste à ne pas respecter les conventions de l'OIT, organisation à laquelle ils ont adhéré librement. C'est inacceptable. Il estime que ce cas est extrêmement grave, comme l'ont souligné la commission d'experts et les membres travailleurs. Il s'agit de restrictions à la formation de syndicats dans le secteur public et de refus caractérisés d'enregistrer des syndicats dans le secteur de l'éducation. Le décret no 69/DE/1, article 19, oblige les syndicats ou associations professionnelles d'agents de l'Etat à obtenir une autorisation ministérielle pour s'affilier à des organisations internationales, ce qui est contraire à l'article 5 de la convention. L'orateur a demandé à la commission d'exhorter le gouvernement à tout mettre immédiatement en œuvre pour rendre sa législation et sa pratique conformes à la convention qu'il a librement ratifiée en 1960. Par ailleurs, l'orateur a prié le gouvernement de prendre des mesures dans les plus brefs délais et a fait observer qu'une assistance technique pourrait contribuer utilement à faire évoluer la situation plus vite, à condition que le gouvernement s'y engage et ait la volonté politique de le faire.

Le membre travailleur du Bénin a appuyé la déclaration des membres travailleurs. Il a noté que le représentant gouvernemental a fait une distinction entre organisations de fonctionnaires et syndicats, et a compris que les syndicats dans la fonction publique seraient, pour le gouvernement, de simples associations. Il a demandé au gouvernement combien de syndicats régulièrement constitués sont toujours en attente de leur reconnaissance officielle. Selon lui, la situation actuelle est loin de favoriser l'existence et le développement du mouvement syndical.

Le représentant gouvernemental s'est dit surpris de la redondance systématique et de la reprise de griefs qui sont, selon lui, erronés ou exagérés. S'agissant notamment de la révision de l'ensemble des textes réglementaires et législatifs pertinents, il a souligné que, pour son seul ministère, cet exercice vise 250 textes et que les travaux de la commission compétente sont en cours. Il a insisté sur le fait que le rythme des travaux ne peut pas être contrôlé et que la priorité doit être mise sur le respect effectif des dispositions de la convention. Il est erroné de croire ou d'affirmer que les syndicats de la fonction publique sont de simples associations; dans la pratique, il s'agit de véritables syndicats qui peuvent se constituer librement. L'autorisation préalable des autorités compétentes est de facto caduque. Il a, par la suite, commenté les différents refus d'enregistrement de syndicats mentionnés par les divers orateurs. Pour ce qui est du SYNES, il a considéré que le fait que ce syndicat fonctionne démontre qu'il n'existe pas de problème. En ce qui concerne la Confédération syndicale des travailleurs du Cameroun (CSTC), il a souligné que cette organisation fait face à de graves problèmes internes qui ont même entraîné, à la suite de son congrès annuel de décembre 1997, la création de deux bureaux confédéraux, situation tout à fait inacceptable à son avis. C'est donc dans ce contexte et de manière à ne pas s'ingérer dans les affaires internes de la CSTC qu'a été privilégiée une autre organisation syndicale pour la Conférence de l'OIT.

Enfin, pour ce qui est de l'assistance technique du BIT, l'orateur a insisté sur l'excellente collaboration qui existe entre son pays et le BIT, donnant à titre d'exemple les programmes communs qui ont été élaborés. Toutefois, comme il ne s'agit plus d'une question de rédaction mais bien plutôt d'une question d'adoption des textes législatifs et réglementaires, il n'a pas estimé que l'aide du BIT soit opportune à cet égard.

Les membres travailleurs ont exprimé leur regret quant à l'absence de perspectives de progrès pour le proche avenir. Le représentant gouvernemental ne fait preuve d'aucun esprit de coopération et n'apporte aucune information concrète. La présente commission travaille sur la base de documents fournis par la commission d'experts, laquelle est un organe indépendant dont la crédibilité est établie. L'approche du gouvernement selon laquelle cette commission traite de la situation d'une manière erronée n'est pas constructive. En conséquence, un paragraphe spécial est nécessaire concernant ce cas.

Les membres employeurs ont souligné que le cas a été examiné plusieurs fois et, étant donné que l'intervention du représentant gouvernemental ne démontre aucune volonté politique de modifier la législation nationale, les conclusions devraient reprendre les termes utilisés en 1998. Les préoccupations de la commission devraient figurer dans un paragraphe spécial.

La commission a pris note des informations détaillées fournies oralement et par écrit par le ministre de l'Emploi et du Travail, ainsi que des débats qui ont eu lieu. Elle a rappelé que, par le passé, elle avait examiné le cas à plusieurs reprises. Elle a également rappelé que, depuis plusieurs années, la commission d'experts a formulé des observations à propos de la non-application des articles 2 et 5 de la convention, dans la législation comme dans la pratique. Elle a souligné la nécessité de modifier la loi no 68/LF/19 de 1968, ainsi que le décret de 1969 correspondant, en vertu desquels une autorisation préalable des autorités administratives est nécessaire pour que les organisations d'agents de l'Etat soient juridiquement reconnues, et pour pouvoir s'affilier à une organisation professionnelle étrangère. De même, elle a insisté sur la nécessité d'abroger l'article 6 2) du Code du travail qui permet de poursuivre les personnes qui constituent un syndicat n'ayant pas encore été enregistré et qui agissent comme si le syndicat avait été enregistré. La commission a profondément déploré que, alors que le cas a déjà fait l'objet de débats, aucun progrès n'ait été fait. Elle a exhorté fermement le gouvernement à prendre des mesures effectives pour éliminer les entraves à la liberté syndicale, entraves qui sont dues à l'obligation d'obtenir une autorisation préalable pour constituer une organisation syndicale, et des mesures pour garantir que tous les travailleurs, y compris les agents de l'Etat et les travailleurs contractuels, aient le droit de constituer des organisations de leur choix et d'y adhérer. La commission s'est dite gravement préoccupée par le fait que le gouvernement n'a pas soumis, depuis plusieurs années, de rapports détaillés à la commission d'experts. De nouveau, la commission a exhorté vivement le gouvernement à communiquer un rapport détaillé à la commission d'experts, lors de sa prochaine session, sur les mesures prises pour rendre la législation et la pratique conformes à la convention. La commission a décidé de faire figurer ses conclusions sur ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport.

Canada (ratification: 1972). Un représentant gouvernemental du Canada, se référant à un document de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), a relevé que cette publication reconnaît la jouissance par les travailleurs canadiens, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, de la liberté syndicale qui leur permet de constituer et de joindre des syndicats. La législation canadienne interdit la discrimination antisyndicale et oblige les employeurs à réintégrer les travailleurs licenciés pour cause d'activité syndicale, y compris pour faits de grève. Le même document reconnaît que les travailleurs du secteur public (à l'exception de certains membres de la police) et du secteur privé disposent du droit d'organisation et du droit de négocier collectivement en vertu de la loi, même si ce n'est pas toujours le cas dans la pratique, et que la plupart des travailleurs ont le droit de faire grève.

L'orateur rappelle que le Canada reconnaît qu'il est extrêmement important de respecter les principes de l'OIT sur le droit d'organisation et la négociation collective, et de protéger les droits des travailleurs. Cependant, les gouvernements, y compris les autorités fédérales, provinciales et territoriales du Canada, sont élus afin de prendre des décisions et d'exercer leurs responsabilités pour le bien-être de l'ensemble de la population. Dans les sociétés démocratiques, les gouvernements ont le mandat et le devoir de réconcilier des intérêts légitimes mais divergents, ainsi que des demandes contradictoires, afin d'assurer le bien-être maximum de la société. En ce qui concerne les observations spécifiques de la commission d'experts relatives au Canada, la Constitution canadienne stipule que les provinces détiennent le contrôle complet sur les relations professionnelles à l'intérieur de leur juridiction. Par conséquent, les informations transmises à la présente commission sur la législation et la pratique des provinces ont été fournies par les gouvernements provinciaux concernés.

Pour ce qui est de l'observation de la commission d'experts sur la procédure de désignation des «salariés des services essentiels» en vertu de la loi sur la négociation collective dans la fonction publique de Terre-Neuve, le processus de consultation publique auquel la commission d'experts a fait référence est maintenant achevé. Le groupe de travail mixte employeurs-travailleurs du Conseil consultatif de l'économie a transmis au gouvernement concerné un rapport détaillé contenant ses recommandations. Une copie de ce rapport sera remise à la commission. Les recommandations du groupe de travail mixte concernant la désignation des salariés des services essentiels approuvent pour l'essentiel les dispositions pertinentes de la loi sur la négociation collective dans la fonction publique. En outre, un groupe de travail interministériel du gouvernement de Terre-Neuve a achevé son analyse des recommandations précitées et attend des orientations finales. Au début des années quatre-vingt-dix, le Conseil des relations professionnelles de la province a traité de certains cas liés à l'établissement de la procédure de désignation des travailleurs des services essentiels. Dans tous ces cas, les travailleurs et les employeurs se sont présentés volontairement devant le Conseil des relations professionnelles après avoir conclu un accord sur les travailleurs devant être considérés comme relevant des services essentiels. Cela démontre l'entière approbation des dispositions légales existantes par les travailleurs et par les employeurs. Le gouvernement de cette province n'envisage donc pas pour le moment d'adopter d'autres modifications à la législation relative aux travailleurs des services essentiels.

En ce qui concerne le droit de grève des salariés des hôpitaux en vertu de la loi sur les relations professionnelles dans la fonction publique de l'Alberta, l'orateur a expliqué que, dans cette province, les salariés des hôpitaux approuvés par le ministère de la Santé n'ont pas le droit de grève et les employeurs n'ont pas le droit de lock-out. Les hôpitaux approuvés comprennent les unités de soins intensifs, mais ne comprennent pas les services de santé communautaires, les établissements de santé mentale et certaines unités de soins continus. Dans ces unités et services, les salariés ont le droit de grève et les employeurs ont le droit de lock-out. En Alberta, l'existence ou non du droit de grève et de lock-out dépend de la nature de l'organisation fournissant le service plutôt que du type de travail exécuté par les salariés. En réalité, tout le système provincial des soins de santé a été régionalisé il y a environ cinq ans. Bien que le gouvernement n'envisage actuellement pas de modifier sa législation, il continue à suivre le fonctionnement du système de relations professionnelles au fur et à mesure de l'évolution et de l'intégration des prestations de service dans un système coordonné au niveau régional.

L'orateur s'est ensuite référé à l'observation de la commission d'experts sur les restrictions du droit d'organisation dans les domaines de l'agriculture et de l'horticulture dans les provinces de l'Alberta, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. En Alberta, bien que les travailleurs agricoles soient exclus du champ d'application de la législation sur les relations professionnelles, aucune disposition de la législation du travail n'interdit spécifiquement à ces travailleurs de mener des négociations volontaires avec leurs employeurs. Les négociations entre la province et l'association médicale de l'Alberta constituent un exemple de négociations volontaires menées en dehors du cadre de la législation statutaire du travail de l'Alberta. Ce groupe a négocié les barèmes provinciaux pour les médecins membres de l'association. Par ailleurs, les internes, qui sont également exclus du champ d'application de la loi, ont négocié leurs conditions d'emploi avec les hôpitaux universitaires de la province.

En Ontario, il existe des raisons légitimes d'exclure certains employés du droit statutaire de négociation en vertu de la loi sur les relations de travail, mais les travailleurs exclus restent libres de constituer des associations volontaires ou des syndicats en dehors du régime statutaire de négociation collective. Les caractéristiques uniques et la nature du travail dans le secteur agricole posent des questions importantes ayant trait à l'opportunité d'appliquer à ce secteur le régime de négociation collective prévu par la loi sur les relations de travail et, en particulier, les mécanismes de résolution des différends sur lesquels repose la négociation collective, à savoir le droit de grève et de lock-out, ainsi que l'arbitrage obligatoire.

L'exigence, dans la législation sur les relations professionnelles du Nouveau-Brunswick, qu'une unité comprenne au moins cinq travailleurs agricoles pour pouvoir mener des négociations collectives est nécessaire afin de libérer les petites fermes familiales de contraintes législatives inappropriées.

L'orateur a exprimé la satisfaction de son gouvernement suite à la remarque positive de la commission d'experts, au troisième paragraphe de l'observation, sur l'adoption du projet de loi C-19 modifiant le Code canadien du travail et, en particulier, sur l'interdiction faite aux employeurs de recourir aux travailleurs de remplacement dans le but de miner la capacité de représentation d'un syndicat. Enfin, il a insisté sur la volonté de son gouvernement de coopérer pleinement avec le système de contrôle de l'OIT pour les cas ayant été récemment soumis au Comité de la liberté syndicale.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour l'information fournie. Ils ont rappelé que le Canada avait ratifié la convention en 1992 et que la commission d'experts a fait état de plusieurs problèmes d'application concernant les articles 2 et 3 de la convention dans certaines provinces. Plus spécifiquement, le rapport de la commission d'experts demande d'abord plus d'informations sur la situation de la province de Terre-Neuve. Le gouvernement de cette province avait informé la commission d'experts qu'elle avait introduit une procédure efficace pour déterminer les travailleurs des services essentiels et que le comité conjoint employeurs-travailleurs avait déposé un rapport sur la révision des lois sur la liberté syndicale. A cet égard, les membres travailleurs demandent au gouvernement d'informer la commission d'experts des derniers développements.

La commission d'experts demande également des informations complémentaires pour la province d'Alberta concernant les services essentiels dans le secteur des soins de santé. A cet égard, ils souscrivent à la position fermement établie par la commission d'experts sur le droit de grève et sur les cas restreints où il peut être limité. Les membres travailleurs n'envisagent pas de discuter des modalités du droit de grève dans le cadre de la discussion de ce cas. Les membres travailleurs ont précisé que les problèmes syndicaux, tels qu'ils sont vécus sur le terrain, seront évoqués plus tard par le membre travailleur du Canada. Néanmoins, les membres travailleurs ont demandé au gouvernement de répondre aux questions de la commission d'experts et de garantir l'application de sa législation en conformité avec l'article 3 de la convention selon laquelle les organisations syndicales ont le droit de formuler leurs programmes d'action. De plus, les membres travailleurs ont souligné que le point 3 du rapport de la commission d'experts fait état de violation assez grave des articles 2 et 3 de la convention dans les provinces d'Alberta, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario. En particulier, les membres travailleurs ont dénoncé les lois récentes dans la province de l'Ontario qui sont en violation flagrante avec la convention.

Le Comité de la liberté syndicale a reçu récemment plusieurs plaintes et il a formulé des conclusions dans le cas no 1900 sur le déni du droit syndical aux travailleurs de l'agriculture et de l'horticulture, aux travailleurs domestiques, aux architectes, aux avocats, aux médecins et à d'autres catégories de travailleurs dans la province de l'Ontario. Selon certaines informations, plusieurs catégories de travailleurs avaient effectivement établi des syndicats et les organisations avaient conclu des conventions collectives. Dans le cas no 1900, le Comité de la liberté syndicale a aussi constaté que la nouvelle loi a également des effets négatifs sur le droit syndical en cas de rachat ou de reprise de la société par un entrepreneur dans le domaine de la construction. De plus, le Comité de la liberté syndicale traite actuellement les cas nos 1951 et 1975 concernant le déni du droit syndical pour certaines catégories de travailleurs comme les directeurs d'école et leurs adjoints et les personnes employées dans les programmes d'assistance sociale dans la province de l'Ontario. A cet effet, ils ont invité les membres de cette commission à lire attentivement le cas no 1900 sur le déni du droit syndical aux travailleurs de l'agriculture, de l'horticulture, aux travailleurs domestiques et à d'autres catégories de travailleurs. La loi de 1995 a modifié la loi sur les relations de travail de l'Ontario en excluant les catégories de travailleurs des lois essentielles pour garantir l'exercice effectif du droit syndical. Les membres travailleurs ont estimé qu'il s'agit de la négation explicite et délibérée d'un droit et d'un principe fondamental. Ils ont cité à cet égard la déclaration du gouvernement de l'Ontario reprise dans le paragraphe 181 du cas no 1900 auquel fait référence la commission d'experts: «Le comité note que le gouvernement de l'Ontario a un régime légal de relations de travail et que les mécanismes de résolution des différends collectifs ne sont pas appropriés aux travaux agricoles et aux lieux de travail non industriels en raison de faibles marges bénéficiaires et de relations de travail non structurées et hautement personnalisées.» Selon les membres travailleurs, si ce raisonnement est poursuivi, la grande majorité des travailleurs dans le monde et en particulier dans les pays en développement serait privée du droit syndical. En outre, le gouvernement de l'Ontario poursuit sa politique délibérée. La loi no 22 est entrée en vigueur le 18 décembre 1998 et elle poursuit un objectif précis et explicitement mentionné en tant que tel dans le texte: il s'agit de la loi visant à empêcher la syndicalisation des travailleurs en fin de droits mis au travail dans les programmes d'assistance sociale. Une autre loi du 1er décembre 1997 exclut les directeurs et directeurs adjoints d'école de la législation sur les relations du travail et affecte ainsi sensiblement les droits collectifs de ces travailleurs. Le gouvernement de l'Ontario ainsi que le gouvernement fédéral ont également utilisé l'argument selon lequel les catégories de travailleurs concernés ont la possibilité de s'associer sur la base de la common law. Mais, dans le système légal canadien, la liberté syndicale n'est pas effective en dehors du cadre des lois fondamentales sur les relations de travail.

Enfin, les membres travailleurs ont demandé de tenir compte dans les conclusions du fait que des droits et principes fondamentaux sont en cause en Alberta, au Nouveau-Brunswick et en Ontario. De plus, ils ont insisté sur l'importance des articles 2 et 3 de la convention. Tous les travailleurs sans distinction d'aucune sorte ont le droit de constituer des organisations syndicales, de s'affilier à ces organisations, et ces organisations ont le droit de formuler leur programme d'action. Finalement, les lois concernées devraient être instamment révisées afin que le Canada puisse respecter ses obligations internationales en rapport aux droits et principes fondamentaux reconnus par les articles 2 et 3 de la convention fondamentale.

Les membres employeurs ont pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental, qui complètent celles contenues dans l'observation de la commission d'experts. Une partie des commentaires de la commission d'experts souligne les développements législatifs récents qui sont intervenus dans le pays. Cependant, les membres employeurs ne peuvent pas être d'accord avec certains aspects de l'observation. Le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations de leur choix sans autorisation préalable, y compris le droit de formuler leurs programmes d'action, droit consacré par les articles 2 et 3 de la convention, constitue un bon point de départ pour les commentaires de la commission d'experts. En ce qui concerne la situation à Terre-Neuve, l'orateur a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental, aux termes de laquelle les partenaires sociaux ont convenu de la procédure à suivre pour la réforme législative qui apparaît nécessaire et qui a révélé que des consultations tripartites ont eu lieu à ce sujet. A cet égard, l'orateur a appuyé le souhait de la commission d'experts d'être tenue informée des développements en la matière. Pour ce qui est de la province de l'Alberta, la situation est différente et les restrictions au droit de grève des salariés des hôpitaux ont été imposées par la loi. Cependant, l'interdiction de la grève n'est applicable qu'à certains hôpitaux. De l'avis de la commission d'experts, le droit de grève est un corollaire de la liberté syndicale et les restrictions relatives à ce droit devraient par conséquent se limiter aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme et comme défini par la commission d'experts. Au contraire, les membres employeurs estiment que l'Etat a le droit de définir les termes «services essentiels». Le concept de «services essentiels» ne peut pas être compris par simple référence au texte de la convention no 87. Bien que la commission d'experts puisse souhaiter ouvrir une discussion sur la question de savoir si le travail des aides de cuisine, des portiers et des jardiniers constitue des services essentiels dans les hôpitaux, une telle discussion ne peut pas faire partie de l'examen de l'application de la convention. En ce qui concerne l'observation plutôt positive relative à l'adoption du projet de loi C-19 modifiant le Code canadien du travail (partie I) qui, selon les experts, a mis la législation en plus grande conformité avec les principes de la liberté syndicale, l'orateur a estimé à cet égard que les dispositions concernant le droit de grève et le droit de lock-out ne concernent pas la mise en œuvre du principe de la liberté syndicale. La législation présente certaines lacunes en ce qui concerne le droit d'organisation dans les domaines de l'agriculture et de l'horticulture. Cependant, la question de savoir si le droit de grève fait ou non l'objet de restrictions dans ce secteur ne relève pas de la convention et n'a d'ailleurs pas été soulevée dans l'observation de la commission d'experts. En conclusion, l'orateur a rappelé que les membres employeurs et les membres travailleurs ont toujours eu des opinions différentes en ce qui concerne le droit de grève, et les membres employeurs conviennent que les deux groupes ne soient pas d'accord sur ce point. C'est pour cette raison qu'il s'est abstenu de répéter une fois de plus les arguments bien connus des membres employeurs sur la question. Les arguments qui sous-tendent la position des membres employeurs peuvent néanmoins être lus aux paragraphes 115 à 134 du rapport de la Commission de la Conférence de 1994, ainsi que des explications concernant le rôle de la commission d'experts qui existe depuis 1926.

Le membre travailleur du Canada a déclaré que la violation par le Canada de la convention est une réalité qui persiste. D'ailleurs, le Comité de la liberté syndicale a été saisi d'un grand nombre de cas concernant le Canada, à propos desquels le comité, dans ses conclusions, a demandé au gouvernement de prendre des mesures pour que la convention soit respectée. L'orateur a déploré que, parmi ces conclusions lorsqu'il y en a eu, rares sont celles à avoir été suivies d'effets. Il a rappelé que, en 1985, une mission d'études et d'informations avait été dépêchée au Canada en raison des nombreux cas de violations des principes fondamentaux de la liberté syndicale. Dix ans plus tard, en 1995, le gouvernement a rejeté la recommandation du Comité de la liberté syndicale visant à ce qu'il ait recours à l'assistance du BIT, en particulier par le biais d'une mission consultative. Toutefois, peu de temps après, a été adopté le projet de loi no 7 du gouvernement de l'Ontario en vertu duquel: les travailleurs agricoles, les travailleurs domestiques et ceux de certaines professions libérales se sont vu refuser l'accès à la négociation collective et au droit de grève; il a été mis fin aux droits d'organisation existants de ces travailleurs; ont été annulées leurs conventions collectives et supprimées les mesures de protection contre la discrimination syndicale et les actes d'ingérence de l'employeur; ont été supprimées les obligations de l'employeur (obligations du successeur) acquéreur d'une entreprise et des droits corollaires à l'égard des employées de la Couronne, ainsi que la protection des travailleurs contre l'employeur successeur dans le secteur des services de la construction. Le projet de loi no 7 a donné lieu à un autre cas (cas no 1900) soumis au Comité de la liberté syndicale. Le Comité de la liberté syndicale a fermement recommandé: de prendre des mesures afin que ces travailleurs bénéficient de la protection nécessaire pour pouvoir constituer des organisations de leur choix et s'y affilier, et afin qu'ils ne se voient pas nier le droit de grève; de garantir l'accès de ces travailleurs au mécanisme et aux procédures facilitant la négociation collective; de s'assurer que ces travailleurs jouissent effectivement d'une protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence de l'employeur; de faire en sorte que les organisations retrouvent leur reconnaissance; de rétablir la validité des conventions collectives concernant les travailleurs de l'agriculture et les membres de professions libérales, et d'assurer la protection adéquate du droit d'organisation et des droits de négociation collective dans les services de la construction. Enfin, le comité avait attiré l'attention de la commission d'experts sur les aspects législatifs de ce cas. L'orateur a déclaré que ces recommandations n'avaient pas été encore suivies d'effets. Au contraire, dans le 309e rapport (mars 1998) du Comité de la liberté syndicale, le gouvernement a indiqué qu'il n'entendait amender la législation en vue de supprimer l'exclusion des travailleurs agricoles de quelque système statutaire de relations du travail que ce soit. L'orateur a estimé que cette attitude est tout à fait critiquable si l'on tient compte du fait que les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques figurent parmi les catégories de travailleurs les plus vulnérables, et que ce type de tâches est souvent effectué, dans de mauvaises conditions de travail, par des immigrants. Le gouvernement avait également indiqué que le projet de loi no 7 avait créé un équilibre de pouvoir correct entre les syndicats et les employeurs, et facilité des négociations collectives productives, que le gouvernement considérait comme un élément important de sa stratégie visant à renforcer l'économie et à créer des emplois. L'orateur a estimé que priver certaines catégories de travailleurs de droits aussi fondamentaux que le droit d'adhérer à un syndicat, le droit de grève et le droit de négociation est une façon curieuse d'établir un équilibre de pouvoir correct. Cela est également valable pour le cas de l'Alberta dans lequel le droit de grève est également refusé à une catégorie de travailleurs qui, dans certains hôpitaux, n'assurent pas des services essentiels, tels que les jardiniers.

L'orateur a pris note des informations que le gouvernement a fournies à propos du cas de Terre-Neuve et s'est dit impatient
de pouvoir examiner le rapport auquel le gouvernement a fait référence.

L'orateur a ensuite rappelé que, depuis le cas no 1990, le Comité de la liberté syndicale a été saisi de six autres cas. Le premier porte sur les enseignants du Manitoba qui ont été privés du droit de grève et pour qui certaines questions ont été exclues du champ de la négociation collective, voire soustraites à la compétence des arbitres des différends (cas no 1928, Canada/Manitoba, 310e rapport).

Le deuxième porte sur l'ingérence du gouvernement dans les tribunaux d'arbitrage et du travail (310e et 311e rapports).

Le troisième cas, pour lequel l'assistance du BIT a été recommandée, a trait: au déni du droit des directeurs d'école et des directeurs adjoints de s'organiser, de négocier collectivement et de faire grève, droit dont ils jouissaient auparavant; à l'ingérence de l'employeur dans la négociation collective et à l'élimination d'autres protections (cas no 1951, Ontario).

Le quatrième porte sur une loi visant à empêcher la syndicalisation. En vertu de cette loi, les personnes qui ont droit à une aide sociale et qui, pour en bénéficier, alors qu'elle est souvent inférieure au salaire minimum, sont tenues de travailler pour l'Etat, n'ont pas le droit de s'affilier à un syndicat pour négocier leurs conditions de travail alors qu'auparavant elles possédaient ce droit. Au Canada, on utilise désormais l'expression «Programme de participation communautaire» («workfare») au lieu de l'expression «travail forcé» (cas no 1975, Ontario).

Le cinquième porte sur une loi visant à obliger à reprendre le travail. Cette loi a été mise en œuvre pour mettre un terme à une grève du service des postes. Là encore, cette loi est entrée en vigueur dès le début de la grève pour que les travailleurs ne puissent pas recourir au droit de grève prévu par la législation. Dans ce droit, le droit de grève a été supprimé afin que les travailleurs n'aient plus la force collective de négocier – raison de s'affilier à un syndicat –, de sorte que le gouvernement puisse imposer à l'arbitre désigné conformément à la loi certaines des dispositions favorables à l'employeur. L'orateur s'est demandé si, dans ce cas, le gouvernement fédéral, à l'instar du gouvernement de l'Ontario, estime que supprimer les droits des travailleurs consacrés par la loi revient à établir un équilibre de pouvoir correct entre les syndicats et les employeurs (cas no 1985).

Enfin, le sixième cas traite également d'une législation destinée à obliger à reprendre le travail, législation qui va à l'encontre des travailleurs du secteur de l'énergie (cas no 1999, Saskatchewan). En outre, l'orateur a signalé que, récemment, au Saskatchewan et à Terre-Neuve, ont été introduites au niveau fédéral des lois qui privent les travailleurs du droit de grève.

En conclusion, l'orateur a dit qu'il se rangeait à l'avis des membres travailleurs. Il a souligné que le droit de grève fait partie de la force collective que recherchent les travailleurs quand ils s'affilient à un syndicat. Si ce n'était pas le cas, quelle raison aurait-on de former des syndicats?

Le membre travailleur des Etats-Unis a appuyé les commentaires formulés par les membres travailleurs ainsi que par le membre travailleur du Canada. Il a estimé nécessaire d'intervenir sur le cas canadien et évoqué les relations commerciales et financières étroites entre les Etats-Unis et le Canada. Les deux pays présentent de grandes similitudes dans leur structure, y compris le système d'accréditation de syndicats fondé sur l'autorisation de la majorité des travailleurs dans certaines unités de négociation ainsi que le système de négociation collective dans le secteur privé. En outre, de nombreuses structures syndicales nord-américaines sont issues du commerce, de l'artisanat et de l'industrie et ont une base internationale avec des adhérents du Canada et des Etas-Unis. Malgré ces ressemblances, le mouvement du travail des Etats-Unis a toutefois également noté des différences importantes entre les deux systèmes. Par exemple, dans les provinces canadiennes, il existe des procédures d'accréditation d'unités de négociation plus rapides qu'une législation limitant ou interdisant le remplacement définitif des grévistes. De telles différences expliquent en partie le haut niveau d'organisation des travailleurs au Canada par rapport aux Etats-Unis. Les développements de la législation canadienne du travail ainsi que la pratique limitant les droits des travailleurs canadiens d'exercer des libertés syndicales et augmentant les possibilités pour l'employeur de s'ingérer dans l'exercice de leurs droits syndicaux, de grève et de négociation collective sont préoccupants. Se référant au rapport de la commission d'experts et à l'étude annuelle de la CISL sur les droits au travail, l'orateur a relevé que certaines catégories d'emplois sont exclues de la protection de la loi dans différentes provinces canadiennes. En Ontario, la législation du travail exclut les travailleurs agricoles, les travailleurs domestiques, les architectes, les dentistes, les arpenteurs, les avocats et les médecins des garanties juridiques assurant les droits d'organisation et de négociation collective des travailleurs. Sont exclues d'autres catégories de travailleurs tels les travailleurs contractuels comme les agents de service de nettoyage, les travailleurs de la restauration et les agents de sécurité dans les cas de reprise d'affaires ou de changement de partenaire. En outre, suite aux modifications de la législation de l'Ontario, il est interdit aux travailleurs participant à des programmes de travaux communautaires («workfare»), comme condition pour recevoir des allocations sociales, de créer des syndicats, de négocier collectivement ou de faire grève. Cette question préoccupe tout particulièrement les travailleurs des Etats-Unis au regard des réformes sociales. Des modifications récentes de la législation du travail de l'Ontario ont supprimé des dispositions antibriseurs de grève permettant ainsi aux employeurs de remplacer de manière définitive les travailleurs grévistes. En ce qui concerne la législation de l'Alberta, le rapport de la commission d'experts met l'accent sur la définition déraisonnable de la notion de services essentiels. La jurisprudence récente du Canada affirme que les facteurs des zones rurales sont en fait des travailleurs en régime de sous-traitance et non des employés à qui on a dénié les garanties légales de s'organiser et de négocier collectivement. En conclusion, l'orateur a appuyé pleinement les commentaires de la commission d'experts et instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue d'amender sa législation de manière à en assurer la conformité avec la convention. De telles mesures produiront certainement un impact sur le bien-être de tous les travailleurs nord-américains.

Le membre travailleur de l'Afrique du Sud a d'abord souligné l'importance de la convention et a dit que sa pleine application est essentielle pour l'exercice de la démocratie et de la justice sociale. Il a appuyé les déclarations des membres travailleurs et noté avec une profonde préoccupation le fait que les travailleurs agricoles et domestiques qui constituent les groupes de travailleurs les plus vulnérables sont privés du droit de s'organiser. Il a ajouté qu'un grand nombre de travailleurs agricoles au Canada sont des immigrants, lesquels ont particulièrement besoin de protection. En outre, il a fait observer que le déni de droit de grève à l'encontre de certaines catégories d'employés d'hôpitaux publics en Alberta va totalement à l'encontre des principes que défend depuis longtemps le Comité de la liberté syndicale. Enfin, il s'est dit préoccupé qu'au Manitoba les enseignants se voient refuser le droit de grève. Il a fermement exhorté le gouvernement fédéral à faire en sorte que la législation interne soit modifiée et alignée sur la convention no 87.

Le membre travailleur de l'Allemagne a souscrit pleinement à la déclaration des membres travailleurs et a indiqué que le cas du Canada revêtait une importance fondamentale concernant les principes contenus dans la convention. Il rappelle que le Comité de la liberté syndicale a examiné de nombreux cas concernant le Canada et qu'il a toujours exprimé sa profonde préoccupation concernant les limitations aux droits prévus par la convention. Concernant les restrictions au droit de grève prévu par la législation de la province de l'Alberta, il a souligné que les commentaires de la commission d'experts expriment clairement qu'aucune restriction ne devrait entraver le droit de grève. Ainsi, le gouvernement et les employeurs devraient expliquer pourquoi certaines catégories de travailleurs telles que le personnel de cuisine et les jardiniers œuvrant dans le domaine de la santé devraient être privés de ce droit. A cet égard, il a prié instamment le gouvernement de tenir compte des commentaires de la commission d'experts et de prendre immédiatement des mesures afin de mettre la législation en pleine conformité avec les dispositions de la convention. Se référant aux commentaires des membres employeurs lors de la discussion générale sur le droit de grève et les références y relatives de ce jour, il a noté que plusieurs de ces arguments présentent un caractère historique et il a indiqué que la commission d'experts a, pour sa part, adopté une interprétation plus systématique et objective concernant cette question. Il a rappelé que, ce jour, les membres travailleurs célèbrent le 50e anniversaire de la convention no 98, comme ils avaient célébré le cinquantenaire de la convention no 87 l'année dernière. Le cas du Canada devant cette commission, qui se rapporte à des questions de liberté syndicale, de négociation collective et de droit de grève, démontre clairement que ces questions sont toujours des sujets d'actualité même dans les pays industrialisés. Enfin, il a exprimé l'espoir que le Canada servira d'exemple aux autres pays en appliquant pleinement et sans délai les principes contenus dans la convention no 87, sinon cela donnera l'impression que seuls les pays en développement subissent des pressions spéciales pour appliquer les conventions de l'OIT.

Le membre gouvernemental de l'Australie a observé que, au sujet de la non-application des textes législatifs cités par la commission d'experts à certaines catégories de travailleurs, le gouvernement canadien a expliqué que ces catégories ont la liberté de créer des syndicats sur une base volontaire et de négocier collectivement en dehors du cadre statutaire formel. Le gouvernement australien estime que le rapport de la commission d'experts sur l'application de la convention no 87 au Canada ne contient pas d'informations suffisantes susceptibles de permettre aux membres de la présente commission d'apprécier les problèmes soulevés. Une description plus exhaustive de la situation est nécessaire à cet effet. Le rapport de la commission d'experts ne pouvait manifestement pas contenir un examen approfondi des informations soumises par le gouvernement canadien, la commission d'experts ayant demandé au gouvernement canadien de fournir des informations complémentaires au sujet de certaines questions. Dans ces circonstances, il serait plus utile, plutôt que de continuer à examiner ce cas à ce stade, de donner au gouvernement canadien l'opportunité de fournir à la commission d'experts les informations complémentaires demandées.

Le membre travailleur de la Finlande, s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, a appuyé les déclarations des membres travailleurs ainsi que du membre travailleur du Canada. Il a remercié le représentant gouvernemental des informations fournies. Considérant que le Canada a ratifié la convention no 87 mais non la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, il a exprimé son intérêt pour les propos tenus par le représentant gouvernemental dans le cadre de la discussion générale, indiquant que le gouvernement entend poursuivre le dialogue avec l'OIT en vue d'une ratification éventuelle de ce deuxième instrument. Il a cependant déploré qu'un pays développé et industrialisé tel que le sien ne puisse satisfaire aux dispositions de la convention, notamment en ce qui concerne le droit de grève et le droit de se syndiquer et de négocier collectivement. Il a déclaré que les violations de la convention sont devenues une réalité persistante au Canada. Relevant qu'il a été procédé à quelques modifications législatives mineures pour rendre le Code du travail canadien plus conforme aux principes de la liberté syndicale, l'intervenant a exprimé l'espoir que le gouvernement sera en mesure, dans un proche avenir, de faire état d'autres développements positifs. La persistance des membres employeurs à remettre en question l'interprétation des organes de contrôle de l'OIT concernant le droit de grève suscite des préoccupations, de même que le fait que le gouvernement semble se rallier à cette remise en question. Le droit de grève est un droit universel qu'impliquent tacitement la Constitution de l'OIT ainsi que l'interprétation des conventions nos 87 et 98 par la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale. Le droit de grève a été reconnu comme un moyen non seulement légitime mais encore essentiel dont les travailleurs disposent pour défendre leurs intérêts professionnels. De l'avis de l'intervenant, les interprétations données par les organes de contrôle de l'OIT se fondent valablement sur les articles 3, 8 et 10 de la convention. Conformément à l'article 8 de la convention, l'exercice des droits prévus par cet instrument ne porte pas atteinte à la législation du pays; cependant, cette législation ne doit pas elle-même altérer les garanties prévues par la convention. Pour ce qui est notamment du droit de grève dans le secteur public de la province de l'Alberta, si une interdiction généralisée de la grève est contraire à la convention, certaines restrictions de ce droit sont néanmoins admissibles, notamment dans le cas des services essentiels au sens strict du terme et des fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l'Etat. Dans ce contexte, on peut dire que la législation et la pratique de la province de l'Alberta ne satisfont pas aux exigences de la convention telles qu'interprétées par les organes de contrôle. Pour conclure, l'intervenant a appelé le gouvernement à prendre ses responsabilités vis-à-vis de ce qui se passe dans les différentes provinces.

Le membre travailleur du Zimbabwe a rappelé que le principe du droit de grève découle de l'article 10 de la convention qui dispose que les organisations de travailleurs signifie toute organisation ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts de ses membres. Cette définition est d'une importance fondamentale car elle fixe la raison d'être de ces organisations. De plus, contrairement à ce que les membres employeurs semblent croire, les travailleurs des services essentiels sont définis au sens strict du terme dans le Recueil des décisions du Comité de la liberté syndicale. En conséquence, il n'y a aucun doute que le personnel de cuisine, les porteurs et jardiniers, tels que mentionnés dans l'amendement du Code du travail de l'Alberta, ne sont pas inclus dans la catégorie de travailleurs des services essentiels malgré le fait qu'ils travaillent en milieu hospitalier. De plus, l'amendement au Code du travail du Nouveau-Brunswick qui exclut certaines catégories de travailleurs de cette protection constitue une violation directe de la convention. Enfin, il a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender sa législation afin de la rendre conforme aux principes de la liberté syndicale, tel que la commission d'experts l'a observé.

Le membre travailleur de la Grèce s'est dit perplexe face à la longue discussion qui a eu lieu pendant plus de deux heures et qui conserve l'application d'une convention fondamentale par un pays tel que le Canada, admirable à plein d'égards. Se référant aux observations des membres employeurs, il a relevé que, bien que les Etats soient libres de choisir les moyens visant à mettre en œuvre la convention, ils doivent toutefois en assurer le respect. Egalement pour ce qui est de l'opposition entre droit de grève et lock-out, il a indiqué que, dans son pays, le lock-out est interdit depuis 1982 sans que les employeurs ne s'en soient plaints. L'égalité entre travailleurs et employeurs ne s'évalue pas à la lumière de la reconnaissance ou non du droit de grève et du lock-out; selon l'orateur, il ne pourra être question d'égalité que lorsque les travailleurs bénéficieront du même pouvoir que les employeurs. Enfin, il a soumis que le Canada devrait faire tout ce qui est possible pour mettre sa législation en conformité avec la convention afin – à tout le moins – d'éviter la situation embarrassante dans laquelle il se trouve aujourd'hui et la mauvaise publicité qu'il en tire.

Le membre gouvernemental de l'Afrique du Sud a déclaré que son gouvernement a noté avec préoccupation les commentaires de la commission d'experts dans le cas du Canada eu égard à la convention. Il y a cinq ans, son gouvernement s'est attaqué et a résolu les défis que le gouvernement canadien avait promis de résoudre quelque vingt-sept années auparavant. Le gouvernement de l'Afrique du Sud a aussi reconnu que les travailleurs agricoles et les travailleurs domestiques représentent les groupes de travailleurs les plus vulnérables et que cette situation est sûrement la même qui prévaut au Canada. Son gouvernement prie instamment le gouvernement canadien d'amender la législation et la pratique en conformité avec la convention, et ce dès que possible.

Le représentant gouvernemental a remercié l'ensemble des participants à la discussion pour leur contribution. Il a assuré que toutes les opinions exprimées, ainsi que les conclusions de la commission, seraient transmises aux autorités compétentes du pays.

Les membres employeurs ont déclaré que, même s'ils ne partagent pas toutes les opinions qui ont été exprimées au cours de la discussion en ce qui concerne la liberté syndicale et la négociation collective, il existe un consensus général sur la question. Les divergences d'opinions exprimées concernent des questions spécifiques. Il ne faut pas réouvrir le débat fondamental sur le droit de grève, mais le Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale (CLS), qui a été mentionné à plusieurs reprises, est une simple compilation de commentaires et d'observations faits par le CLS. A cet égard, les références au recueil ont acquis un statut autonome dans le débat. En ce qui concerne la déclaration par un membre travailleur de l'Allemagne, selon lequel les restrictions apportées au droit de grève constituent une limitation d'un droit fondamental, l'orateur a estimé que les termes «droit fondamental» doivent d'abord être définis. En principe, les membres employeurs ne sont pas opposés à la reconnaissance du droit d'engager des actions collectives, qui comprend le droit de grève ou de lock-out. Cependant, ce droit ne dérive pas de la convention. Le droit de mener des actions revendicatives étant reconnu, la question qui se pose est celle de la base juridique du droit de grève. En ce qui concerne les questions de détail, reprenant la position générale des employeurs sur la question, il s'est référé au rapport de 1994 de la commission (paragr. 115 à 134). En conclusion, la convention ne constitue pas la base juridique du droit de grève. Cependant, au vu des divergences entre l'opinion des membres employeurs et celle des membres travailleurs sur ce sujet, les membres employeurs soulignent que les points de concordance entre les positions des employeurs et des travailleurs concernant la plupart des éléments de la liberté syndicale devraient aussi être relevés, dès lors que l'OIT et ses Etats Membres attachent une grande importance à la liberté syndicale. En outre, le gouvernement devrait fournir des informations complémentaires en ce qui concerne les mesures prises en vue de mettre la législation en conformité avec les dispositions de la convention.

Se référant aux observations des membres employeurs, les membres travailleurs ont rappelé que tous connaissent les divergences qui les opposent en ce qui concerne le droit de grève et notamment son inclusion dans le champ couvert par la liberté syndicale. Bien que les membres travailleurs aient regretté qu'il n'y ait pas de progrès à cet égard cette année, ils ont exprimé l'espoir que les membres employeurs continuent à analyser les situations qui prévalent dans les différents pays et notamment l'interprétation faite par ces pays de la liberté syndicale et de ce qu'elle signifie, et que le dialogue et les échanges à cet égard soient poursuivis au sein de la commission.

La commission a noté la déclaration du représentant gouvernemental et la discussion qui a eu lieu par la suite. La commission a également noté l'information relative à l'établissement d'une procédure effective pour la détermination des «travailleurs des services essentiels» mise sur pied par le gouvernement de Terre-Neuve à la suite d'une consultation tripartite. Tout en notant avec intérêt l'adoption du projet de loi C-19, modifiant le code canadien du travail, la commission a observé que, depuis de nombreuses années, la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale ont formulé des commentaires sur différentes questions relatives à la convention. Ces questions concernent les restrictions excessives au droit des organisations de travailleurs de formuler leurs programmes d'action sans ingérence de la part des autorités publiques découlant des interventions législatives fédérales et/ou provinciales. La commission a également noté que les lois du travail dans quelques provinces (Alberta, Ontario, Nouveau-Brunswick) excluent des travailleurs de leur champ d'application, incluant des travailleurs œuvrant dans l'agriculture et l'horticulture ainsi que des travailleurs domestiques, leur niant ainsi la protection au regard des droits de s'organiser et de négocier collectivement. La commission, comme la commission d'experts, a souligné que les garanties prévues au regard de la convention s'appliquent à tous les travailleurs sans distinction d'aucune sorte et que tous les travailleurs doivent bénéficier du droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que de s'affilier à ces organisations en vue de promouvoir et défendre leurs intérêts. La commission a également souligné que les organisations de travailleurs doivent jouir du droit de formuler leurs programmes sans ingérence de la part des autorités publiques. La commission a exprimé l'espoir que le gouvernement fournisse un rapport détaillé à la commission d'experts sur les mesures concrètes prises en vue de mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec la convention.

Ethiopie (ratification: 1963). Un représentant gouvernemental s'est dit surpris que la commission lui ait demandé d'assister à la présente session, étant donné que les cas ayant fait l'objet de commentaires de la commission d'experts ont été examinés par la commission à la 86e session de la Conférence internationale du Travail. A cette occasion, la délégation éthiopienne avait fourni à la commission des explications détaillées pour apaiser les préoccupations que suscitait l'application, par l'Ethiopie, de la convention no 87. Dans ses conclusions, la Commission de la Conférence avait formulé des recommandations et demandé au gouvernement éthiopien de fournir un rapport détaillé pour la session suivante de la commission d'experts. Ainsi, des rapports détaillés ont été adressés à la commission d'experts et au Comité de la liberté syndicale, avec les documents nécessaires, y compris la traduction d'une décision de justice. Dans ses rapports, le gouvernement avait indiqué quelles mesures concrètes avaient été prises pour garantir la pleine conformité de la loi et de la pratique avec la convention no 87. A cet égard, des consultations se poursuivent avec les partenaires sociaux en vue de modifier la proclamation sur le travail en question. Cela illustre bien les efforts que le gouvernement déploie pour continuer de satisfaire pleinement aux dispositions de la convention. Ainsi, il est tenu compte des commentaires de la commission d'experts et des débats qui ont eu lieu l'an passé au sein de la commission. Le gouvernement se félicite de ces commentaires et suggestions qui vont dans le sens du dialogue tripartite en cours dans son pays, mais il a estimé qu'il n'y a pas lieu, cette année, de reprendre cette question et que la commission aurait dû attendre les conclusions à ce sujet du Comité de la liberté syndicale. La délégation éthiopienne n'a pas voulu surcharger de travail la commission en réitérant les informations que le gouvernement avait données l'année précédente sur les mêmes questions. Elle s'est limitée à certaines d'entre elles: à propos du comité directeur de l'Association des enseignants éthiopiens, la Haute Cour fédérale d'Addis-Abeba a dit dans sa décision que, comme son nom l'indique, cette association a été créée par des enseignants. Par conséquent, seuls les membres de l'association peuvent élire, selon les règlements applicables, les représentants de l'association. La Cour n'était donc pas compétente pour déterminer lequel des comités directeurs en présence représentait légalement l'association. Cela incombe à l'assemblée générale de l'association. Ainsi, la Cour n'a pas déterminé la légitimité de l'un ou l'autre des comités directeurs, dont celui conduit par M. Taye Woldesmiate. Au contraire, elle a établi la compétence de l'assemblée générale de l'association pour se prononcer sur ce point. Comme suite à cette décision, l'assemblée générale de l'association a été convoquée le 18 octobre 1995 et a librement élu les nouveaux membres du comité directeur. La Cour s'est également prononcée sur l'administration du patrimoine et des actifs de l'association. A ce sujet, le gouvernement n'est pas intervenu de manière unilatérale. Le Comité de la liberté syndicale a reçu une réponse détaillée du gouvernement, ainsi que la traduction anglaise de la décision de la Haute Cour de justice. A propos de M. Taye Woldesmiate, qui est un ancien membre du comité directeur de l'association, le représentant gouvernemental a rappelé que, à maintes reprises, le gouvernement a exposé les faits qui ont conduit à son arrestation et au procès dont il fait en ce moment l'objet. Actuellement, les cas de cette personne et de ses complices sont examinés par la deuxième Chambre de la Haute Cour fédérale. M. Taye Woldesmiate est détenu dans des conditions respectueuses de sa personne. Les allégations de mauvais traitements à son égard sont donc totalement infondées. Il est jugé pour des faits qui n'ont rien à voir avec les activités qu'il a exercées alors qu'il était membre du comité directeur de l'association. En fait, les accusations portent exclusivement sur le rôle qu'il a joué dans une tentative de soulèvement armé, avec les autres justiciables, visant à renverser l'ordre constitutionnel en Ethiopie. A propos des recommandations en vue d'une modification de la proclamation sur le travail, le représentant gouvernemental a rappelé que le ministère examine cette question en consultation avec les partenaires sociaux, de façon à présenter en temps voulu des propositions concrètes au gouvernement. Ce type de réforme législative ou la promulgation d'une nouvelle loi seront effectués conformément aux priorités et au programme de travail de la législature. En conclusion, le représentant gouvernemental a réitéré que le gouvernement continuera de coopérer pleinement avec les mécanismes de supervision de l'OIT. Par ailleurs, la ratification par l'Ethiopie de trois conventions fondamentales de l'OIT démontre son total attachement aux principes fondamentaux de l'Organisation.

Les membres travailleurs ont rappelé que ce cas avait été examiné l'année précédente. Au cours des douze derniers mois, la répression par le gouvernement des syndicats qui ne sont pas sous son influence ou qui ne l'appuient pas s'est poursuivie. Par exemple, ils ont indiqué que la centrale nationale des syndicats, la Confédération des syndicats éthiopiens (CETU), a vu son enregistrement annulé par voie administrative en 1994 – conformément aux dispositions de la loi du travail de 1993 – après qu'elle eut critiqué la rigoureuse politique d'ajustement structurel mise en œuvre dans le pays. Les autorités ont à nouveau enregistré la confédération en 1997 avec, à sa tête, une nouvelle direction acceptable pour le gouvernement. Les neuf fédérations affiliées à la CETU sont passées sous l'influence du gouvernement, à l'exception d'une seule, la Fédération industrielle des syndicats de banques et d'assurances, qui s'est retirée pour conserver son indépendance en 1998. Il semblerait que les autorités interviennent constamment dans les affaires des syndicats qui lui sont affiliés. Une réunion aurait été organisée à la Corporation éthiopienne des assurances alors qu'une minorité seulement de membres était présente et au cours de laquelle de nouveaux dirigeants auraient été nommés. Des faits analogues se seraient produits à la Banque pour la construction et les affaires. En 1998, le président de la Fédération des banques et assurances a dû se démettre de ses fonctions à la Corporation éthiopienne des assurances lorsqu'il a été procédé aux premières compressions d'effectifs – malgré le fait que, selon la loi, les syndicalistes ne devraient être licenciés qu'en dernier lieu. Ayant perdu son emploi, il ne pouvait plus demeurer président de son syndicat. Soixante-neuf autres syndicalistes ont perdu leur emploi à la corporation des assurances.

Pour les membres travailleurs, l'Association, non affiliée, des enseignants éthiopiens (ETA) continue de faire l'objet des harcèlements les plus graves. Ils ont rappelé que, en décembre 1994, à la suite d'une action intentée par un groupe dissident, appuyé par le gouvernement, de l'ETA, un tribunal avait déterminé que M. Taye Woldesmiate était en fait le dirigeant légitime de l'ETA. Le groupe dissident a fait appel de cette décision et le tribunal a gelé les avoirs bancaires de l'ETA. Il semble que tous les bureaux de l'ETA ont été occupés par les forces de police et que l'usage en a été accordé au groupe dissident. Ces mesures contre l'ETA ont fait suite aux critiques prononcées par l'association à l'égard de la politique gouvernementale sur l'éducation et au début de la négociation collective de l'ETA sur les salaires des enseignants. Qui plus est, en 1997, le secrétaire général adjoint de l'ETA, M. Assefa Maru, a été tué par les forces de l'ordre. Aucune enquête indépendante n'a été menée sur ce meurtre. Peu après, le secrétaire général de l'ETA, M. Gemoraw Kassa, a dû s'exiler. En outre, le 13 octobre 1998, le siège de l'ETA a été occupé par un groupe de 30 personnes composé de policiers et de membres du groupe dissident, puis fermé. Deux membres du comité directeur du syndicat ont été détenus pendant sept heures. On a dit aux locataires de l'immeuble, à cette occasion, de payer à l'avenir leur loyer au gouvernement et non à l'ETA. Les membres travailleurs ont aussi signalé que la police avait interrompu un séminaire organisé par l'ETA, pénétré dans les bureaux de l'ETA et arrêté certains de ses membres. Après avoir comparu à deux reprises devant le tribunal, les membres de l'ETA arrêtés n'ont fait l'objet d'aucune condamnation. L'un d'entre eux, le secrétaire général intérimaire de l'ETA, M. Shimales Zewdie, qui souffrait de tuberculose, a été détenu dans une cellule avec 12 autres personnes et s'est vu refuser des soins médicaux. Ils ont été libérés le 15 octobre. Malheureusement, M. Shimales Zewdie est décédé en avril dernier, sa santé s'étant gravement détériorée à la suite de sa détention.

Les membres travailleurs ont rappelé que le président de l'ETA, le docteur Taye Woldesmiate, a été arrêté en mai 1996 et qu'il est détenu depuis maintenant trois ans. Il est accusé d'un complot commis en août 1996 contre de hauts fonctionnaires du gouvernement et, bien sûr, il s'est vu refuser sa libération sous caution. Au début de 1997, deux des accusations les plus graves contre lui ont été abandonnées. Deux des témoins principaux à charge se sont rétractés et ont affirmé que leur témoignage avait été obtenu sous la torture. L'un de ceux-ci, aussi coprévenu dans l'affaire, M. Kebite Desita, président de l'Association des enseignants retraités, organisation affiliée à l'ETA, après avoir été arrêté en mars 1996, est demeuré en prison pendant trois ans. Le docteur Taye Woldesmiate a comparu à nouveau devant le tribunal en juillet 1998 et, à cette occasion, il a déclaré que des gardiens l'avaient harcelé et menacé de mort. Le juge a alors déclaré qu'il n'avait aucune autorité sur l'administration pénitentiaire et a ordonné qu'il soit menotté jusqu'à sa comparution prochaine fixée au 15 septembre. Il est en fait resté menotté jusqu'au 28 septembre. Les menottes étaient enlevées une fois par jour pour lui permettre d'aller aux toilettes. En août 1998, Amnesty International a même lancé un appel urgent à son sujet pour traitement cruel, inhumain et dégradant. Amnesty a indiqué que sa cellule était obscure et qu'une ampoule électrique y était allumée 24 heures sur 24. En 1999, le docteur Taye Woldesmiate a comparu à de nombreuses reprises devant le tribunal mais, à chaque fois, son cas a dû être ajourné en raison de la maladie du codéfendeur, M. Kebede Desita. Le 29 mars de cette année, celui-ci est mort en prison après trois ans de détention et de mauvais traitements. Le 3 juin 1999, Taye Woldesmiate a été condamné injustement pour conspiration contre l'Etat. Cette condamnation est passible d'une peine de vingt-cinq ans d'emprisonnement ou de la peine de mort. Les membres travailleurs sont scandalisés par cette condamnation. Il va sans dire que de sérieux doutes se posent à propos du déroulement du procès. Les changements intervenus dans le système judiciaire suscitent de graves inquiétudes quant à son indépendance.

Les membres travailleurs ont relevé que, dans son observation, la commission d'experts a noté avec une profonde préoccupation les graves allégations dont le Comité de la liberté syndicale a été saisi au sujet de l'Ethiopie. La commission d'experts a également noté que la Proclamation sur le travail de 1993 exclut les enseignants de son champ d'application. En outre, les salariés de l'administration de l'Etat, les juges et les procureurs ne peuvent pas adhérer à des syndicats. Le droit de grève subit de grandes restrictions et la définition des services essentiels est très ample. Les différends du travail peuvent être portés devant le ministre du Travail pour conciliation et arbitrage obligatoire par l'une des parties au différend. L'année dernière, les membres travailleurs ont exprimé le souhait que la commission revienne cette année sur ce cas afin d'examiner si des progrès avaient été enregistrés. Cependant, en dépit des efforts déployés par les membres travailleurs pour dialoguer avec le gouvernement, la situation a empiré. Les conclusions de la commission priant le gouvernement d'ouvrir à nouveau le dialogue avec l'ETA n'ont pas été suivies d'effet. Au lieu de cela, en raison de leurs activités syndicales, trois dirigeants syndicaux sont morts, et un autre est toujours en prison. Les membres travailleurs ont demandé la libération immédiate de Taye Woldesmiate et prié le gouvernement d'assurer la sécurité des dirigeants de l'ETA lorsqu'ils essaient de rencontrer leurs membres dans les différentes régions du pays. Aux yeux des membres travailleurs, l'Ethiopie impose les traitements les plus violents aux dirigeants syndicaux. Les termes les plus fermes devraient être employés et la conclusion adoptée l'année dernière par la commission devrait être réitérée.

Les membres employeurs ont déclaré qu'aucune nouvelle information n'avait été fournie depuis le dernier examen de ce cas à la Conférence de 1998. Concernant le problème de l'exclusion des enseignants de l'application des dispositions de la convention, ils soulignent que le gouvernement avait déjà indiqué en 1995 qu'un projet de loi sur ce point était en préparation. Ainsi, cette législation n'est toujours pas en conformité avec la convention. En ce qui concerne la question relative au remplacement de dirigeants syndicaux, ils notent que le rapport de la commission d'experts indique que le gouvernement a fait appel de cette décision. Bien que le représentant gouvernemental ait fourni certaines informations sur cette question, des informations écrites sont nécessaires afin de permettre à la commission de s'assurer du plein respect des principes contenus dans la convention. Ils notent également que le ministère du Travail a annulé l'enregistrement de l'ancienne Confédération des syndicats éthiopiens (CETU), ce qui constitue, d'une part, une ingérence flagrante de la part du gouvernement en ce qui concerne le droit de liberté syndicale et, d'autre part, une violation de la convention. Concernant les limitations au droit de grève imposées par le Code du travail, les membres employeurs expriment leur désaccord avec les commentaires de la commission d'experts pour ce qui est de sa définition des services essentiels, qu'ils estiment trop ample. Ainsi, on ne devrait pas exiger du gouvernement qu'il suive les recommandations de la commission d'experts concernant la définition des services essentiels. En conclusion, les membres employeurs soulignent les nombreuses divergences entre la législation nationale et les dispositions de la convention. Cette commission devrait donc prier instamment le gouvernement d'adopter sans délai des mesures afin de mettre sa législation et sa pratique en conformité avec la convention.

Le membre travailleur de l'Ethiopie s'est déclaré en désaccord avec les observations de la commission d'experts selon laquelle les dirigeants syndicaux seraient destitués et nommés par les autorités administratives. Aucun dirigeant syndical n'a été proposé par le gouvernement. Comme le précise clairement la Proclamation sur le travail, les travailleurs élisent librement leurs représentants. En ce qui concerne la nécessité de modifier la Proclamation sur le travail, l'orateur a reconnu que cette dernière ne vise pas certaines questions importantes et que certains articles sont ambigus. Il a fermement appuyé la demande de la commission d'experts visant à ce que la législation du travail soit modifiée. Sa confédération œuvre à cette fin en coopération avec d'autres organisations. Après avoir identifié des lacunes de la législation du travail, les travailleurs ont préparé des propositions d'amendements qui seront soumises au symposium national en juillet. L'Equipe multidisciplinaire pour l'Afrique orientale joue un rôle important de soutien en coordonnant et en mettant les partenaires sociaux en contact. Enfin, l'orateur a souligné que l'Ethiopie a ratifié 19 conventions de l'OIT dont 6 conventions fondamentales. Il a incité le gouvernement à ratifier d'autres conventions de façon à accroître la protection des droits des travailleurs.

Le membre travailleur des Pays-Bas a souligné que le gouvernement actuel avait promis des changements importants dans la législation, mais que ces changements n'étaient pas encore intervenus. Il a déclaré que le gouvernement, tout comme l'ancien régime Dergue, tente d'utiliser le mouvement syndical comme une courroie de transmission pour ses propres fins politiques. Cela est clairement démontré par le fait que la Confédération éthiopienne des syndicats (CETU) s'est abstenue de critiquer le gouvernement. Il a par la suite attiré l'attention de la commission sur un certain nombre de syndicalistes, dont il a cité les noms, qui ont récemment disparu. Il a accusé le gouvernement de profiter du conflit avec l'Erythrée pour faire enlever des syndicalistes. Enfin, il a de nouveau critiqué l'attitude des membres employeurs concernant le droit de grève, et en particulier les divergences entre leurs positions à la Commission de la Conférence, d'une part, et à la Commission de la liberté syndicale, d'autre part.

Le membre travailleur du Ghana a souscrit entièrement aux déclarations des membres travailleurs mais a souhaité développer certains points particulièrement préoccupants. L'argumentation du gouvernement relative aux violations graves de la convention n'est que trop connue. En fait, selon lui, il n'y a eu absolument aucun progrès en Ethiopie pour ce qui est du cas à l'examen. Depuis 1994, le gouvernement a déclaré dans son rapport qu'une nouvelle loi allait être adoptée «dans un très proche avenir» en vue de régler la question des violations de la convention soulevées par la commission d'experts. Cinq ans plus tard, cette loi n'est toujours pas adoptée. Il est clair que le gouvernement n'a absolument pas l'intention de faire quoi que ce soit pour améliorer la situation; les enseignants et autres travailleurs de l'Ethiopie continueront à se voir dénier leurs droits fondamentaux. En outre, le gouvernement de l'Ethiopie ou, pour cette question, tout autre gouvernement n'a pas à décider au nom des travailleurs à quelle association ou à quel syndicat ces derniers devraient s'affilier. Une telle intervention constitue une violation grave et flagrante de la convention, ce qui ne saurait être toléré. Il a dès lors suggéré que le gouvernement soit critiqué dans les termes les plus sévères, mais qu'il doit également être prié de mettre dans les plus brefs délais la loi et la pratique en conformité avec les dispositions de la convention. A titre de conclusion et en se référant à la déclaration du membre travailleur de l'Ethiopie, il a dénoncé les efforts manifestes que le représentant gouvernemental déploie pour que, du côté des membres travailleurs, on appuie l'action du gouvernement. Il a exprimé l'espoir que la commission serait en mesure d'évaluer à sa juste valeur la déclaration prononcée.

Le membre travailleur de l'Allemagne a noté avec une profonde préoccupation la situation actuelle dans le pays en matière de liberté syndicale, telle qu'exposée par la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale. Un rapport publié il y a quelques jours par la CISL témoigne également des graves violations de la convention. C'est pour cette raison qu'un syndicat allemand s'est adressé au ministre allemand des Affaires étrangères et au Premier ministre d'Ethiopie. Un dirigeant syndical, M. Assefa Maru, a été assassiné à Addis-Abeba il y a deux ans. En outre, le secrétaire de l'Association éthiopienne des enseignants (ETA), M. Tange, a été arrêté mais n'a pas encore été jugé. D'une manière générale, les dirigeants syndicaux sont souvent arrêtés, destitués, voire torturés. Par ailleurs, il existe de graves restrictions au droit de grève. Se référant au secteur des télécommunications en voie de privatisation, l'orateur a estimé que ce secteur ne constitue pas un service essentiel. En conclusion, l'orateur a instamment prié le gouvernement de se conformer aux recommandations de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale.

Le membre travailleur du Sénégal a souscrit aux observations des membres travailleurs et a relevé la longue liste des faits qui témoignent de violations sérieuses de la convention. Il a insisté sur l'importance de les dénoncer devant des forums internationaux, telle la commission. Pour ce qui est de l'observation de la commission d'experts qui sert de base aux travaux de la commission, il a noté que plusieurs problèmes relevés sont tout à fait inacceptables, telle la question de la destitution forcée de dirigeants syndicaux. Il a insisté sur l'importance de la fonction normative de l'OIT dans l'arsenal juridique des Etats Membres; il a toutefois exprimé un doute au sujet de l'annonce des mesures législatives qui seront prises: elles servent parfois de mesures dilatoires. Il s'est aussi interrogé sur la mesure et l'étendue de l'ingérence des autorités aux fins de remplacer des organisations librement constituées par d'autres qu'elles contrôlent.

Le représentant gouvernemental de l'Ethiopie a remercié les orateurs pour leurs commentaires et a fait bon accueil à plusieurs des opinions exprimées. Cependant, il a exprimé sa grande déception face aux déclarations de certains orateurs et a catégoriquement rejeté l'opinion selon laquelle le gouvernement viole de façon flagrante la convention. Il a mentionné que, pour la première fois dans l'histoire de son pays, les syndicats jouissent réellement de la liberté syndicale. Il a également manifesté son appréciation pour les observations constructives de la commission d'experts et a déclaré que les amendements à la Proclamation du travail viendraient en temps opportun. Cependant, il a souligné que de tels amendements peuvent prendre un certain temps, tout dépendant du programme d'action du gouvernement en matière législative. Pour ce qui est de Taye Woldesmiate, il a rappelé que les charges contre lui sont toujours en instance devant le tribunal et que, dans tous les cas, elles ne sont pas liées à ses activités syndicales. En ce qui concerne l'incident entre les forces de police et M. Assefa Maru, il a également rappelé que ce dernier a été tué à la suite d'un échange de coups de feu lorsqu'il a refusé de se rendre et que ces faits ont été clairement établis. Pour ce qui est de la question de l'expulsion de certaines personnes, il a indiqué que la commission tripartite était en train de l'examiner. Cette question a été introduite au Conseil d'administration sous des prétendues allégations de violation de conventions ratifiées, et le Conseil d'administration a nommé une commission tripartite pour examiner l'affaire. Celle-ci sera donc adéquatement traitée par cette commission. Il a indiqué que, sans aller dans les détails, il souhaitait informer la commission que cette déportation a lieu dans le respect total des obligations internationales, ainsi que des lois nationales pertinentes. Enfin, il a réitéré l'engagement formel de son gouvernement au respect des principes de l'OIT.

Le représentant gouvernemental de l'Erythrée a tout d'abord remercié la commission pour ses efforts en vue de mettre un terme aux violations flagrantes des droits de la personne en Ethiopie. Il a regretté d'entendre un travailleur trahir les principes que les travailleurs défendent et a souhaité mentionner des cas de violations de la convention dont il a connaissance. Il a déclaré que des milliers de travailleurs, membres de directions syndicales, ont été expulsés d'Ethiopie vers l'Erythrée au motif qu'ils seraient des ressortissants de ce dernier pays. Il a allégué que près de 60.000 travailleurs ont été ainsi expulsés et que leurs salaires ne leur ont pas été versés. Il a également dénoncé la pratique qui consiste à détenir des personnes dans des conditions présentant des risques graves pour leur santé. Il a conclu en condamnant les pratiques actuelles du gouvernement de l'Ethiopie dans les termes les plus sévères.

Le représentant gouvernemental a souhaité que soit consigné au procès-verbal son désaccord profond avec les déclarations erronées du représentant gouvernemental de l'Erythrée. Selon lui, les déclarations prononcées constituent un grave affront à la commission et un abus flagrant de ces procédures d'examen. La commission ne doit pas être utilisée à des fins de politique politicienne. Dans tous les cas, il a souhaité préciser que la déportation de ressortissants d'Erythrée, qui a eu lieu en Ethiopie, concerne des personnes dont la présence clandestine en Ethiopie ne pouvait être acceptée pour des raisons liées à la sécurité nationale. Ces faits n'ont aucun lien avec les questions qui sont présentement discutées.

Le membre travailleur des Pays-Bas a déclaré qu'il estime que les deux interventions précédentes ne sont pas pertinentes dans le cadre des travaux de la commission.

Les membres travailleurs ont prié la Confédération des syndicats éthiopiens (CETU) de bien vouloir démontrer qu'ils représentent les intérêts des travailleurs et non ceux du gouvernement. En ce qui concerne la position des membres employeurs sur le droit de grève, ils se sont référés aux deux résolutions qui ont été adoptées par la Conférence en 1957 et 1970.

Les membres employeurs se sont référés à la question, d'un ordre plus technique, posée par les membres travailleurs sur l'expression des opinions des employeurs en matière de droit de grève. Ils ont rappelé l'article 7 du Règlement de la Conférence, qui définit le mandat de la commission. Cette commission existe depuis 1926 et son mandat diffère de celui de la commission d'experts. En outre, le Comité de la liberté syndicale, établi en 1950, exerce des fonctions similaires à celles de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale. Il a pour rôle de dresser un inventaire des faits et de mener une première évaluation. A cet égard, peu importe si l'Etat a ratifié ou non la convention. Au contraire, le mandat de la commission est d'examiner l'application des conventions ratifiées. Dans un premier temps, les membres employeurs ont discuté entre eux et leur porte-parole a ensuite présenté leur opinion.

La commission a noté la déclaration du représentant gouvernemental et la discussion qui a eu lieu par la suite. Comme la commission d'experts, elle s'est dite gravement préoccupée que le Comité de la liberté syndicale ait examiné à nouveau des plaintes très graves contre le gouvernement. Ces plaintes se réfèrent à la destitution de dirigeants syndicaux élus, à la nomination de membres des instances dirigeantes des syndicats par les autorités administratives, à l'annulation de l'enregistrement d'une confédération ainsi qu'à la détention de dirigeants syndicaux. Elle a, de plus, déploré que le gouvernement n'ait pas réenregistré l'Association éthiopienne des enseignants (ETA), malgré le fait qu'un tribunal lui ait ordonné de le faire; elle a demandé des informations sur la manière dont les associations d'enseignants peuvent promouvoir leurs intérêts, étant entendu qu'elles sont exclues du champ d'application de la Proclamation sur le travail. Rappelant que, l'année dernière, la commission avait exprimé le ferme espoir que le gouvernement reprenne le dialogue avec l'ETA, la commission s'est dite gravement préoccupée que le Comité de la liberté syndicale ait déploré le fait que des dirigeants syndicaux soient détenus depuis plus de trois ans sans procès. Enfin, la commission a insisté sur le besoin pressant d'éliminer les divergences entre la loi et la pratique et la convention. Elle a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires sans délai pour garantir que le droit d'organisation soit reconnu aux enseignants en vue de défendre leurs intérêts et que les organisations de travailleurs puissent élire leurs représentants sans intervention de la part des autorités publiques et que les organisations de travailleurs ne soient pas dissoutes par voie administrative, conformément aux articles 2, 3 et 4 de la convention. La commission a prié le gouvernement de respecter pleinement les libertés publiques qui sont essentielles pour la mise en œuvre de la convention. La commission a exprimé l'espoir que le gouvernement fournira des informations détaillées dans le rapport soumis à la commission d'experts cette année sur les mesures concrètes prises en vue d'assurer la conformité de la convention, tant dans la loi que la pratique.

Guatemala (ratification: 1952). Un représentant gouvernemental a déclaré qu'en avril 1997 le ministère du Travail du Guatemala a soumis à la consultation de la Commission tripartite des questions internationales du travail les observations concernant les divergences qui, de l'avis de la commission d'experts, existent entre la législation nationale ordinaire et la convention no 87. Il n'a pas été possible, au terme de cette première tournée de consultations, de parvenir à un consensus sur un projet de réformes, ce dont la commission d'experts a pris note dans son rapport de cette année. De même, elle a pris note des difficultés de caractère interne qui ont empêché, depuis le début de 1998, l'installation de la commission tripartite. C'est un mois après que le représentant gouvernemental ait pris ses fonctions de ministre du Travail, en juillet 1998, que la commission tripartite a pu être mise en place. L'une des principales tâches dont cette commission a été investie est d'approuver un calendrier de travail dans le cadre duquel le ministère du Travail a jugé prioritaire l'analyse des recommandations de la commission d'experts. Ce calendrier sera proposé par une sous-commission tripartite, constituée pour la circonstance. Cette sous-commission, de même que celles qui ont pour mission de réviser un avant-projet de loi tendant à renforcer le régime des sanctions prévues par le Code du travail, n'a pas communiqué sa proposition de calendrier. Il convient de souligner également que le fonctionnement de la commission a été irrégulier, en raison des difficultés de réunir un quorum. C'est ainsi, par exemple, que, dans le courant de 1999, cinq seulement des quinze sessions prévues ont eu lieu. Le gouvernement, conformément aux engagements souscrits avec les accords de paix, privilégie le dialogue tripartite, dans lequel il voit l'instrument le plus approprié pour aborder les différents domaines constitutifs des relations du travail, y compris des questions telles que l'harmonisation concertée des dispositions de la législation ordinaire avec la convention no 87. Le gouvernement a conscience que la question de la conformité à la convention no 87 est au centre du débat depuis plusieurs années, tant au sein de la commission d'experts que de la Commission de la Conférence, de sorte que son examen ne saurait être différé. Pour ces raisons, le ministère du Travail entend demander à la commission tripartite que cette question soit déclarée prioritaire, afin que le débat s'ouvre le plus vite possible, en se fixant des délais raisonnables pour parvenir à des conclusions, étant entendu que, si aucun résultat n'est enregistré entre-temps dans ce domaine, le ministère du Travail élaborera un avant-projet de réforme qui sera soumis à l'examen de l'organe législatif. L'intervenant a également jugé opportun de signaler que, dans ce processus, l'assistance technique du BIT est attendue, afin que les propositions de la commission tripartite, ou à défaut, celle que le ministère du Travail formulera, bénéficient de l'appui technique adéquat. Cet appui technique sera nécessaire pour la dernière question signalée par le rapport de la commission d'experts concernant les services publics essentiels. En proposant les mesures ainsi présentées, le gouvernement estime démontrer sa volonté effective de parvenir à un consensus et à une solution de cette question qui mobilise l'attention de la commission.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental du Guatemala pour les informations complémentaires qu'il a fournies et ont rappelé que ce cas était examiné par la commission depuis de nombreuses années. La situation de la liberté syndicale au Guatemala a fait l'objet, en 1984, d'un paragraphe spécial et a également été examinée en 1991, 1993, 1995, 1996 et 1997; en outre, une mission de contacts directs a déposé ses conclusions en février 1995. Déjà en 1996, le groupe des travailleurs avait qualifié ce cas de très grave en raison du contexte de violence et de répression régnant dans le pays. En 1997, face au processus de paix entamé, la commission ainsi que la commission d'experts, tout en faisant preuve de compréhension, ont demandé au gouvernement de prendre, dans les plus brefs délais, les mesures nécessaires pour qu'il soit mis fin à l'ingérence des autorités publiques dans les activités des organisations syndicales et autres restrictions à l'exercice du droit syndical.

Les observations de la commission d'experts font, cette année, de nouveau référence aux violations des droits syndicaux essentiels telles que la surveillance des activités des syndicats, les multiples restrictions au droit de se syndiquer basées sur la nationalité, l'existence d'un casier judiciaire, les aptitudes ou l'appartenance à la profession et les limitations au droit de grève par l'imposition de peines de prison allant jusqu'à cinq ans. Il convient, par ailleurs, de rappeler les nombreuses plaintes toujours en instance devant le Comité de la liberté syndicale.

Le rapport de la commission d'experts fait état de l'intention du gouvernement d'examiner la question des services non considérés comme essentiels dans le cadre du droit de grève. Toutefois, en ce qui concerne les autres points soulevés, le gouvernement renvoie à la Commission tripartite des questions internationales. L'évolution de la situation ne saurait être considérée comme satisfaisante. En effet, il y a deux ans, le groupe des travailleurs avait déjà exprimé sa crainte en indiquant que «l'existence de structures purement formelles n'est pas seulement insuffisante mais peut aussi être à l'origine de nouvelles lenteurs permettant aux abus et à l'impunité de se perpétuer». Il est regrettable de constater qu'aucune mesure n'a été prise pour mettre le Code du travail en conformité avec les dispositions de la convention. Le gouvernement semble se servir de ladite commission tripartite pour justifier son immobilisme dans la mesure où, jusqu'à ce jour, aucune initiative n'aurait apparemment été prise pour inscrire les questions soulevées par la commission d'experts à son ordre du jour.

A ce manque de progrès s'ajoute un climat social difficile et violent. Les plaintes déposées récemment devant le Comité de la liberté syndicale par la CGT du Guatemala, la CLAT et la CMT, d'une part, et la CISL, d'autre part, font état d'une situation où prévalent l'insécurité et l'instabilité du travail, les licenciements arbitraires pour des motifs syndicaux, les menaces et les actes antisyndicaux multiples parmi lesquels l'enlèvement et même l'assassinat de dirigeants et militants syndicaux. Cette situation, ajoutée à l'impunité des auteurs de ces crimes, requiert une grande vigilance. Il est inacceptable et effrayant de constater que l'inertie des autorités se paie au prix de vies humaines.

Malgré les observations qui ont été formulées à maintes reprises, aucun progrès n'a été constaté depuis 1991. Face à des problèmes continus et sérieux d'application, les conclusions de la commission devraient être reprises dans un paragraphe spécial et le gouvernement une nouvelle fois exhorté à adopter dans les plus brefs délais les mesures requises pour assurer l'application des dispositions de cette convention fondamentale tant en droit qu'en pratique. Le groupe des travailleurs a l'intention de discuter de ce cas l'année prochaine et espère constater des progrès dans l'application de la convention, en l'absence desquels les conclusions de la commission devront être reprises sous une autre forme.

Les membres employeurs ont indiqué que la commission avait traité ce cas à quelques reprises dans les années quatre-vingt et cinq fois dans les années quatre-vingt-dix, dont la plus récente il y a deux ans. Ils ont noté que le cas portait sur de nombreuses restrictions à la liberté syndicale. Bien que plusieurs problèmes puissent être liés à la longue guerre civile, depuis la signature de l'Accord de paix de 1996, les conditions nécessaires pour un changement positif existent. En 1997, le ministre a annoncé l'intention du gouvernement de faire les changements législatifs nécessaires et, dans ce contexte, d'établir une commission tripartite. Il est maintenant clair que la commission tripartite ne fonctionne pas. Ils ont noté que, selon le gouvernement, certains des retards résultaient du fait que le groupe des travailleurs ne pouvait se mettre d'accord au sujet de sa présence à la commission et que donc seules quelques réunions programmées ont pu avoir lieu. Cependant, cela ne peut pas justifier un grand nombre de critiques qui ont été formulées par la commission d'experts, en particulier en ce qui concerne l'ingérence dans l'administration interne des syndicats. L'Etat n'a pas le droit de s'ingérer dans l'administration interne des syndicats et, à cet égard, il y a eu clairement violation de la convention.

S'agissant des observations de la commission sur le droit de grève, ils ne sont pas d'accord avec l'opinion exprimée par la commission d'experts. Les membres employeurs sont d'avis que, puisque la convention ne contient pas de règles détaillées à cet égard, on ne doit pas les déduire. Les interprétations de la commission d'experts au sujet du droit de grève vont trop loin et ne découlent pas des dispositions de la convention. Les membres employeurs ne peuvent souscrire aux recommandations adressées par la commission d'experts au gouvernement sur ce point. Ils se sont félicités de ce que les questions concernant les relations du travail soient abordées dans le cadre de consultations nationales tripartites. Ils considèrent cependant que, les questions de conflits du travail étant du domaine interne, il n'appartient pas à la commission de se prononcer à ce sujet.

En ce qui concerne l'ingérence des autorités publiques dans l'administration interne, les programmes et la structure des syndicats, les membres employeurs ont souligné que des changements sans retard sont demandés puisque ces sujets sont en discussion depuis de nombreuses années. Bien que les retards dans la suppression des violations puissent être attribués en partie aux partenaires sociaux eux-mêmes, ils ont souligné que le gouvernement devait prendre en définitive la responsabilité d'assurer la mise en conformité avec la convention. Ils ont admis qu'il y avait une différence entre l'accord de paix et la paix réelle et qu'il était vraisemblable que les difficultés à changer la législation et la pratique soient une conséquence de la longue guerre civile. A leur avis, la commission devrait prier instamment le gouvernement de prendre davantage de mesures effectives que par le passé pour réaliser les changements nécessaires et ils ont demandé à la commission de lancer un appel urgent au gouvernement à cet égard, y compris en demandant tous les rapports pertinents. Ils ont indiqué que, si aucun progrès n'était constaté, ce cas devrait être examiné à nouveau par la commission mais dans une forme différente.

Le membre travailleur du Guatemala a insisté sur la nécessité de demander au gouvernement de son pays de cesser, une fois pour toutes, de tromper la communauté nationale et internationale avec son discours fallacieux dans la mesure où la démocratie et la paix ne peuvent s'obtenir avec des discours et des promesses, et moins encore avec la signature de papiers. La démocratie et la paix se construisent avec des actions concrètes qui impliquent notamment l'existence de la liberté syndicale et le respect des droits fondamentaux de l'homme prévus dans les conventions de l'OIT et, dans ce cas précis, la convention no 87.

En dépit des nombreuses observations de la commission d'experts et de la discussion de ce cas au sein de la présente commission depuis plusieurs années, la législation du Guatemala n'est toujours pas conforme aux dispositions de la convention. La nécessité de recourir, en 1995, à une mission de contacts directs relative à la violation des droits syndicaux et à l'absence de liberté syndicale dénoncée par le mouvement syndical guatémaltèque, révèle le manque de volonté politique du gouvernement. Même si ce gouvernement s'est, comme toujours, engagé à respecter la liberté syndicale et à mettre sa législation en conformité avec les observations de la commission d'experts, la situation demeure inchangée. Le problème de la non-observation de la convention no 87 fait l'objet d'un rapport des Nations Unies de 1999 qui reprend les commentaires de la commission d'experts en les illustrant d'exemples concrets.

Il est regrettable que le gouvernement justifie le fait qu'il n'ait pas été possible de mettre en conformité la législation nationale avec les observations de la commission d'experts en se basant sur de faux arguments, à savoir l'absence de consensus au sein de la commission tripartite. Après avoir précisé qu'il est membre titulaire de la commission tripartite, en place depuis 1998, l'orateur a souligné que, depuis cette date, aucun projet de loi n'a été proposé en vue de mettre la législation nationale en conformité avec les observations de la commission d'experts.

Un autre membre travailleur du Guatemala a déclaré que les ingérences des pouvoirs publics dans les activités des syndicats trouvent leur expression dans l'action menée par l'inspection générale du travail pour compromettre les projets d'organisation syndicale des travailleurs. C'est ainsi que, dans l'entreprise Hidrotécnica SA, l'inspection du travail a falsifié les archives en février 1997 afin que l'employeur puisse licencier tous les travailleurs faisant partie du syndicat. Suite aux plaintes des syndicats, le précédent ministre du Travail avait intenté une action en justice pour délit de falsification de documents, mais à ce jour l'affaire n'a toujours pas été tranchée, les travailleurs en question restent licenciés et le syndicat est anéanti.

L'intervenant a signalé que la réglementation du Code pénal, qui permet d'inculper toute personne ayant l'intention de paralyser ou perturber le fonctionnement d'une entreprise, a été utilisée par les ennemis du syndicalisme pour engager des poursuites pénales contre ceux qui entreprennent de constituer un syndicat. C'est ce qui se passe dans certaines plantations de café et de bananes, où près de 200 travailleurs font l'objet de poursuites pénales du simple fait qu'ils sont syndicalistes. Ceux qui estiment que les syndicats portent préjudice aux entreprises et à l'économie nationale utilisent cette réglementation afin de battre en brèche les syndicats et en font un véritable instrument criminel. A l'époque de la guerre civile, on assassinait les syndicalistes. Aujourd'hui, dans le cadre du processus de paix, on les incarcère, on use à leur encontre de procédures judiciaires viciées, drapées dans les apparences de la légalité.

Les travailleurs du secteur public n'ont désormais plus le droit de négociation collective et de grève et sont soumis à l'arbitrage obligatoire, en violation des conventions nos 87 et 98. Depuis l'entrée en vigueur de la loi 35-96 du 27 mai 1996, qui interdit la négociation collective et la grève, aucun cas d'arbitrage n'est intervenu, autant dire que ces travailleurs ont perdu tous leurs droits. Il ressort du rapport de la commission d'experts que la législation du travail de ce pays viole les principes de la liberté syndicale, de la négociation collective et du droit de grève à la base des conventions ratifiées. Cette politique globalement antisyndicale est le fait de ceux qui refusent de reconnaître les droits des travailleurs afin de faire renaître la violence, comme on l'a vu en 1998 avec l'affaire de la plantation de bananes El Paraíso. A deux reprises, des travailleurs agricoles ont été visés par des tirs d'armes à feu depuis un hélicoptère. L'un d'eux a été blessé dans l'un et l'autre cas, tandis que leur agresseur se trouve toujours en liberté. Cette année, deux travailleurs de Zacapa ont été assassinés en raison de leur activité syndicale, l'instigateur de ce crime restant en liberté. Des dirigeants syndicaux ont récemment fait l'objet de diverses menaces de mort.

L'intervenant a lancé un appel à la communauté internationale, réunie dans le cadre de cette Conférence de l'OIT, afin que le pays ne retombe pas dans le passé d'horreurs et de destructions qu'il a connu pendant la guerre civile et qu'il respecte les engagements souscrits, se conforme à un véritable règne du droit et mette fin à l'impunité des violations des droits des travailleurs. Enfin, l'intervenant a demandé que le Guatemala fasse l'objet d'un paragraphe spécial en raison de l'absence de résultats positifs de la mission de contacts directs effectuée en 1995; que, depuis juillet 1998, date à laquelle la commission tripartite a été installée, le gouvernement n'a présenté aucune question en relation avec les commentaires de la commission d'experts.

Le membre travailleur du Brésil a déclaré que l'attitude du gouvernement du Guatemala à l'égard des syndicats de travailleurs est particulièrement préoccupante, caractérisée qu'elle est par des persécutions et même des assassinats de dirigeants syndicaux. Considérant que la convention no 87 est l'un des piliers des droits fondamentaux de l'OIT, la situation actuelle au Guatemala est assurément incompatible avec les principes énoncés à l'article 2 de cet instrument. Les travailleurs devraient pouvoir organiser leurs syndicats sans ingérence de la part des pouvoirs publics et avoir la possibilité, conformément aux articles 2 et 3 de la convention, de définir librement leurs statuts et donc d'élire librement ceux d'entre eux qu'ils désirent voir siéger dans les instances dirigeantes de ces organisations. Les mêmes observations s'appliquent au droit de grève. Plus qu'un droit, la grève constitue une des manifestations de la liberté. Pour conclure, l'intervenant a souligné que l'on ne peut donner à la notion de services essentiels un sens illimité, de sorte que la liberté d'action des syndicats guatémaltèques se trouve paralysée. C'est dans ce sens que se conçoit la teneur des décisions des organes de contrôle de l'OIT.

La membre travailleur de la Norvège, s'exprimant au nom des membres travailleurs des pays nordiques, a appuyé sans réserve la déclaration formulée par ses collègues travailleurs concernant les problèmes d'application, par le Guatemala, de cette convention qu'il a ratifiée en 1952. La commission d'experts, rappelant les commentaires qu'elle a déjà formulés sur ce cas, énumère un certain nombre de restrictions que le Code du travail de ce pays fait peser sur les libertés syndicales et le droit de grève. Ces restrictions, qui concernent la création des syndicats, leurs activités ainsi que le droit de grève, sont représentatives de l'attitude inacceptable que le gouvernement a eue par le passé à l'égard des organisations syndicales et de leurs activités. Ce cadre juridique constitue le terreau des atteintes caractérisées aux droits du travail légitime et des abus de la part des employeurs et des pouvoirs publics. Minugua, qui est l'Organisation des droits de l'homme des Nations Unies agissant au Guatemala, confirme que la liberté syndicale se trouve gravement limitée, du fait que les autorités ne protègent pas les droits du travail. En ne rendant pas son cadre juridique conforme aux dispositions de la convention, le gouvernement rend possibles et même contribue à aggraver les violations de la convention. Des travailleurs sont licenciés sans aucune autre raison que leur affiliation syndicale. Dans les rares cas où les tribunaux ont ordonné la réintégration des travailleurs licenciés, leurs décisions n'ont pas été appliquées. Les autorités elles-mêmes participent au harcèlement des syndicalistes. A l'issue d'une grève dans la plantation bananière COBSA, des mandats d'arrestation ont été délivrés à l'encontre de 131 membres de l'UNSITRAGUA. Les dénonciations, basées sur les manques à gagner du fait de la grève, avaient été lancées par l'association solidariste agissant conjointement avec les planteurs de la COBSA. C'est ainsi qu'un conflit du travail a été transformé en une affaire pénale. Ces dénonciations et arrestations n'ont été révélées que récemment, alors que la grève remonte déjà à un certain temps. Dans les plantations en cause, 585 des 700 travailleurs affiliés à l'UNSITRAGUA ont été licenciés, tandis que les 355 membres de l'association solidariste ont conservé leur emploi.

La passivité du Département du travail à l'égard des industries des zones franches d'exportation est notoire. Alors que le secteur comptait 11 syndicats en 1996, il n'en reste plus un seul aujourd'hui. Les patrons d'usine ont licencié les travailleurs syndiqués, «fermé» les entreprises dans lesquelles ils estimaient qu'il y avait «trop» de travailleurs syndiqués, pour les rouvrir ensuite et engager de nouveau les travailleurs les plus dociles. Les travailleuses sont particulièrement vulnérables aux mesures de harcèlement de leurs employeurs.

Au Guatemala, on continue d'assassiner des dirigeants syndicaux. Deux d'entre eux ont été tués à Zacapa en mars 1999. Dans le climat de peur qui en résulte, les travailleurs n'osent plus se syndiquer ni s'impliquer activement dans le mouvement syndical. L'oratrice appelle donc instamment la commission à prendre les mesures les plus énergiques possibles pour que le gouvernement modifie son cadre juridique de manière à ce que la loi et la pratique deviennent conformes à la convention et garantissent de ce fait la protection effective du droit, pour tous les travailleurs, de se syndiquer et de prendre part à l'action revendicative.

Le membre travailleur de l'Uruguay a indiqué que le rapport de la commission d'experts est plus que concluant sur ce cas. Comment est-il possible que, pour être élu dirigeant syndical, au moins trois travailleurs doivent, chose incroyable, savoir lire et écrire? Cette exigence est une atteinte aux droits les plus élémentaires de l'homme. Une personne qui n'a pas eu accès à l'éducation ne peut être élue par ses compagnons pour défendre leurs revendications sociales. Il faudrait demander au représentant gouvernemental si, par hasard, ces personnes sont responsables de ne pas avoir pu apprendre à lire et à écrire, s'il existe des programmes d'éducation et quel est le pourcentage du PIB destiné à l'éducation. Le cas d'un avocat qui, conseillant une agence de placement de personnel, indiquait comment procéder à la discrimination des travailleurs militants syndicaux ou à la destruction des syndicats est révélateur de la situation qui prévaut au Guatemala. Il constitue un exemple significatif d'une personne qui, ayant fait des études, a utilisé ses qualifications pour attaquer les syndicats en recommandant la violation d'une des conventions fondamentales de l'OIT. Il convient de s'interroger sur l'attitude du gouvernement face à de tels faits. Après avoir pris connaissance de l'élection du Guatemala au Conseil d'administration, l'orateur se demande comment ce pays va collaborer à l'administration de la justice sociale vis-à-vis des autres pays. Ne serait-il pas plus approprié que le gouvernement du Guatemala mette sa législation en conformité avec la convention no 87 et puisse ainsi exiger des autres pays le respect des droits de l'homme les plus élémentaires?

Le membre travailleur des Etats-Unis a regretté que, bien que la commission ait examiné ce cas de manière approfondie à maintes reprises, il n'ait pas été remédié à la plupart, si ce n'est à toutes les violations soulevées. Il a affirmé que les violations de la convention étaient intervenues tant par des omissions que par des actes. Il ne s'agit donc pas seulement de limitations légales à la liberté d'association qui contreviennent à la convention, mais aussi du fait que le gouvernement ne prévient pas efficacement et ne remédie pas à l'ingérence d'autres parties dans l'exercice par les travailleurs du droit d'association, dans des situations telles que des grèves pacifiques et en relation avec l'organisation et la négociation collective.

Il s'est référé au rapport de la CISL de 1999 sur le Guatemala qui indique «que toutes les méthodes qui existent sont utilisées pour détruire les syndicats». Il a aussi mentionné la procédure de révision des droits des travailleurs et de la liberté d'association du système général de préférence dans la loi commerciale des Etats-Unis. En mai 1997, le représentant du commerce des Etats-Unis, après avoir procédé à un examen du dossier Guatemala, a indiqué que le pays avait besoin de faire des progrès et de procéder à des changements substantiels et il s'est réservé le droit d'effectuer un nouvel examen, si nécessaire. Cependant, le gouvernement n'a pas réalisé ces progrès et changements substantiels. L'orateur a affirmé que les restrictions du pays au droit de faire grève contrevenaient clairement à la convention. Dans ce contexte, il a mentionné les articles 243 à 249 du Code du travail et l'article 390, alinéa 2), du Code pénal qui, à son avis, interdisent toute grève à la fois dans le secteur rural et urbain. Il a affirmé que les déclarations faites durant la commission ne faisaient que confirmer que les mesures législatives nécessaires pour corriger les violations fondamentales de la convention n'avaient pas été mises en œuvre. Il a exprimé le regret que la commission tripartite qui était supposée formuler ces mesures semblait ne pas avancer depuis juillet 1998.

Il a souligné que la capacité administrative et judiciaire d'un Etat à protéger et faire progresser la liberté d'association était une clé de sa mise en conformité avec la convention, et qu'en mai 1998 une réforme globale du Code du travail avait été adoptée clairement à cette fin. Cependant, cette réforme n'a pas du tout amélioré la capacité d'application de la convention, puisqu'elle n'a pas institué d'amendes pour les violations et ne donne pas autorité au ministre du Travail pour imposer les sanctions sans attendre les actions en justice. En outre, la réforme du Code du travail n'a pas réussi à assurer la mise en œuvre de l'article 380, qui dispose que les travailleurs qui ont été licenciés illégalement ou sont persécutés doivent être réintégrés dans les 24 heures; plusieurs syndicalistes licenciés attendent réparation depuis des années. Il s'est associé à de nombreux autres orateurs en priant instamment la commission, étant donné le manque total de progrès même à la suite de missions de contacts directs, d'inclure ce cas dans un paragraphe spécial.

Le membre travailleur de la Colombie a déclaré qu'il ne serait pas honnête de ne pas reconnaître le profond préjudice qui résulte de la violation continue de la convention no 87 par le gouvernement du Guatemala et par nombre d'employeurs. Il suffit de jeter un coup d'œil au rapport de la commission d'experts pour constater que les droits des travailleurs sont violés et bafoués en toute impunité. La Constitution politique et le Code du travail décrivent les droits et les garanties des travailleurs mais, dans les faits, ceux-ci restent lettre morte. Il convient de citer les cas de licenciements et de persécutions subis par les travailleurs ainsi que les cas de syndicalistes menacés de mort. L'orateur exprime l'espoir que le gouvernement prendra les mesures appropriées pour protéger la vie des syndicalistes et que l'exercice du droit syndical, du droit à la négociation collective et du droit de grève sera garanti. Il est inutile de signer la paix quand la guerre continue.

Le membre travailleur de l'Espagne a déclaré que, même si le rapport de la commission d'experts ne consacre qu'une seule page à l'application de la convention no 87 au Guatemala, les atteintes à la liberté syndicale se produisent systématiquement dans ce pays. En mars 1994, une mission de contrôle des Nations Unies au Guatemala a publié son neuvième rapport dans lequel sont détaillées les atteintes contre les syndicats. Ce rapport dénonce la connivence qui existe entre les juges et le gouvernement et fournit, à cet égard, de nombreux exemples de persécutions de syndicalistes. Le rapport des Nations Unies cite un cas dans lequel les juges ont accusé plusieurs syndicalistes du crime d'avortement. Ce procès a donné lieu à une saisie conservatoire qui, même si elle n'est que provisoire, fragilise la structure des syndicats. En outre, un journal a fait état d'un plan visant à détruire le mouvement syndical. L'orateur mentionne également le cas d'une entreprise qui avait licencié ses travailleurs et, après quatre ou cinq mois, a réembauché les travailleurs qui n'avaient pas d'antécédents syndicaux.

Le membre travailleur de la Bolivie a déclaré qu'il est inacceptable, de quelque point de vue que l'on se place, d'interdire le droit de grève et d'imposer dans ce cadre des peines de prison allant de un à cinq ans. L'intervenant s'est interrogé sur les raisons qui peuvent conduire à porter atteinte aux droits syndicaux, alors que ce sont les travailleurs qui sont les piliers des démocraties. Il a rappelé que la convention no 87 est entrée en vigueur le 4 juillet 1950 et que le gouvernement du Guatemala l'a ratifiée le 13 février 1952. Cependant, depuis, il n'y a aucun nouveau développement. Il a lancé un appel pour que la convention soit pleinement respectée.

Le représentant gouvernemental de l'Uruguay s'est déclaré préoccupé par la situation concernant l'application de la convention no.87 au Guatemala. Il a souhaité que les efforts évoqués par le gouvernement de ce pays se concrétisent, de sorte que la législation et la pratique deviennent conformes à la lettre et à l'esprit de cet instrument. Il a signalé qu'une commission tripartite du ministère du Travail du Guatemala s'est rendue récemment en Uruguay afin de procéder à une analyse des différents aspects du développement du tripartisme en Uruguay. Il y a lieu de croire au sens des responsabilités et à l'intérêt que les membres de cette commission tripartite ont manifestés à la perspective de l'ensemble des initiatives proposées. Avec ce précédent particulièrement récent, l'intervenant veut croire que le gouvernement est animé de la volonté d'accélérer et approfondir les modifications inévitables de sa législation et de sa pratique, au regard de la convention no 87, afin que le processus de pacification et de démocratisation devienne tangible dans le domaine des relations du travail. Cette responsabilité s'impose à l'évidence si l'on veut bien considérer que le Guatemala s'apprête à siéger au Conseil d'administration du BIT.

Le membre employeur du Guatemala a regretté, comme l'a mentionné la commission d'experts dans son rapport, que ce cas n'ait pas pu être discuté au sein de la commission tripartite, entre autres raisons, parce que les syndicalistes n'ont pu se mettre d'accord sur les personnes qui les représenteraient. Cela est regrettable dans la mesure où les employeurs partagent la préoccupation des travailleurs face au non-respect de la convention no 87. Il convient également de signaler la survenance de faits tels que les 116 débrayages illégaux, l'invasion des propriétés et l'occupation des entreprises. Dans ces conditions, les employeurs ne peuvent accepter la mention de ce cas dans un paragraphe spécial.

Le représentant gouvernemental a déclaré, au sujet des affrontements qui ont déchiré son pays pendant 36 ans, que les accords de paix conclus ne sont pas seulement des papiers mais constituent des engagements solennels du gouvernement devant la communauté nationale et internationale, et représentent le début d'un processus perfectible. Le conflit armé n'est pas uniquement dû à la pauvreté et à l'absence de démocratie mais également à la guerre froide et à la présence d'idéologies visant à remplacer la démocratie par une dictature alimentée par la lutte des classes.

La commission tripartite chargée des affaires internationales constitue un forum pour la recherche de solutions dans les domaines du travail et non un prétexte pour éluder les obligations internationales. Cependant, en son sein, les travailleurs n'ont pas fait le pas qui mène de la revendication au dialogue et n'ont pas formulé de propositions concrètes. Le ministère du Travail a proposé l'actualisation du régime des sanctions dans le Code du travail mais presque une année s'est écoulée depuis sans qu'aucune réponse ne soit intervenue de la part des employeurs ou des travailleurs. Sur les dix séances suspendues, huit l'ont été en raison de l'absence des travailleurs, une à cause de celle des employeurs et une à cause de celle du gouvernement.

En ce qui concerne les assassinats mentionnés, on en parle avec une grande irresponsabilité. Par exemple, dans le cas des deux dirigeants assassinés à Zacapa, les enquêtes de la Minugua indiquent que ces derniers ainsi que d'autres personnes n'appartenant pas au syndicat ont été assassinés pour avoir dénoncé des actes de corruption attribués à des fonctionnaires municipaux de cette ville. Des membres travailleurs ont fait des déclarations sans fondement, notamment lorsqu'ils ont évoqué une connivence entre le gouvernement et les juges, alors que ces derniers appartiennent à un organe indépendant du pouvoir exécutif.

Quant aux menaces de mort reçues par M. José Pinzon, secrétaire général de la CGTG, elles ont été dénoncées devant la commission tripartite, laquelle les a condamnées; le ministère du Travail a demandé aux autorités concernées de diligenter une enquête et a suivi le cas. A la demande de production d'une copie du fax contenant les menaces de mort qu'il avait reçues, M. Pinzon a répondu qu'il avait détruit le document. Le gouvernement a réaffirmé son engagement solennel à poursuivre sa collaboration avec la commission tripartite en vue d'arriver à un accord sur un projet de loi qui tienne compte des commentaires formulés.

Les membres travailleurs ont fait remarquer, à propos des déclarations du représentant gouvernemental, des membres employeurs et du membre employeur du Guatemala, que d'autres motifs à la base du non-fonctionnement de la Commission tripartite des questions internationales ont été mentionnés.

La commission a pris note des informations présentées oralement par le représentant gouvernemental et du débat qui a fait suite. Elle note avec regret que, malgré la mission de contacts directs effectuée en février 1995 et les nombreux débats tenus en son sein au cours de la dernière décennie, il existe encore de profondes divergences entre la législation et la convention. Elle avait noté précédemment qu'un accord de paix solide et durable avait été conclu sous les auspices des Nations Unies et avec la participation du bureau de zone de l'OIT. Elle avait exprimé l'espoir que cet accord déboucherait sur une ère de paix et de dialogue social qui permettrait de donner pleinement effet, en droit comme en pratique, à cette convention fondamentale, ratifiée par le Guatemala 47 ans plus tôt. Constatant avec un profond regret l'absence de progrès, la commission appelle à nouveau instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que disparaissent sans délai, en droit comme en pratique, le contrôle des autorités publiques sur les syndicats, les restrictions frappant les personnes non ressortissantes du Guatemala quant à l'exercice de fonctions syndicales et les autres restrictions à l'exercice du droit syndical. Notant avec préoccupation la gravité du cas dont le Comité de la liberté syndicale a été saisi, la commission prie instamment le gouvernement de respecter pleinement les libertés civiles essentielles à la mise en œuvre de la convention. Elle demande enfin instamment que le gouvernement soit prié de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts à la session de 1999 sur les mesures effectivement prises pour donner pleinement effet à la convention, en droit comme en pratique.

Myanmar (ratification: 1955). Un représentant gouvernemental du Myanmar a déclaré que, depuis la discussion qui s'est tenue sur cette question au sein de la présente commission en 1998, le ministre du Travail a présenté à l'organe central d'examen un projet de loi sur les syndicats. Après avoir été revu par cet organe, le projet de loi a été renvoyé au ministre du Travail pour être examiné par son Comité de révision des lois et pour que des discussions interdépartementales soient menées en tenant compte des commentaires de l'organe central susvisé. Il a souligné que, pour que le projet de loi sur les syndicats soit correctement rédigé, il doit être discuté avec les organisations d'employeurs et de travailleurs.

Durant l'année 1998-99:

L'orateur a cité un certain nombre d'organisations avec lesquelles des discussions sont menées. Parmi elles, des associations d'employeurs (entités indépendantes des employeurs), la Fédération des employeurs du commerce et de l'industrie et plusieurs autres organisations de travailleurs à différents niveaux. Ces discussions sont menées au profit de ces organisations et de différentes structures de travailleurs. Pour l'élaboration du projet de loi sur les syndicats, le ministre du Travail doit tenir compte de l'avis de ces organisations, mais également de l'impact de la crise financière dans la région sur les investisseurs étrangers. En outre, il est également important de considérer les modifications intervenues suite à la décision du pays en 1998 de se tourner vers un système d'économie de marché ainsi que l'élaboration d'une nouvelle Constitution. Le projet sera d'autant mieux rédigé que les discussions auront été nombreuses. Le représentant gouvernemental a souligné qu'on ne doit pas avoir une vision mécanique en matière d'élaboration d'une nouvelle législation, chaque pays se caractérisant par ses propres situation et circonstances, une approche efficace pour un pays pouvant se révéler inappropriée pour un autre. A cet égard, l'orateur a cité les commentaires du Directeur général à la séance plénière du 1er juin 1999 de la Conférence internationale du Travail: «Il faut comprendre les spécificités régionales et sous-régionales, comme celles des pays en transition d'Europe centrale et orientale, ou des pays qui traversent une crise en raison des effets du système monétaire international ou à cause d'une catastrophe naturelle. Il faut soutenir la capacité d'une OIT dotée de sensibilité, capable de comprendre les différences et de saisir les nuances des diverses formes que peut revêtir un même problème dans des sociétés distinctes. Il me paraît absolument indispensable de développer cette capacité institutionnelle, car je crois qu'il est important de «sentir» la culture du développement. Ceux d'entre nous qui ont une véritable expérience de ces problèmes savent que l'on ne peut comprendre les problèmes de développement avec une vision mécanique. On ne peut proposer des solutions tout simplement parce qu'elles ont fonctionné ailleurs. Nous avons besoin d'une richesse de perception, d'une capacité de différenciation, d'une compréhension des difficultés pour répondre à des problèmes réels, et non proposer des solutions toutes faites.» Le représentant gouvernemental a souligné une nouvelle fois qu'on ne peut trouver deux pays semblables, chacun devant être considéré en fonction de ses propres situation et pratique. Il a estimé que la commission devrait en conséquence tenir compte des différents niveaux de culture et de développement des Etats Membres. En conclusion, il a déclaré que, depuis l'examen de cette question par la commission en 1998, des progrès ont effectivement été réalisés en vue de l'élaboration des projets de textes de la nouvelle Constitution et de la loi sur les syndicats ainsi que des discussions élargies sur le contenu de celle-ci, et que la commission devrait tenir compte de ces progrès.

Les membres travailleurs ont fait observer que, même si, cette année, les commentaires de la commission d'experts sont relativement brefs, il n'en reste pas moins que la répression de la liberté syndicale au Myanmar est l'un des cas les plus tenaces et graves de non-respect de la convention. Etant donné l'absence absolue de progrès à cet égard au cours des années, la commission d'experts, de fait, ne peut pas en dire beaucoup plus. Toutefois, la gravité du cas est mise en évidence par le fait que, pour la treizième fois en dix-huit ans, et pour la neuvième année de suite, la commission l'examine. A six reprises, la commission a formulé ses conclusions dans un paragraphe spécial du rapport et, depuis trois ans, elle a indiqué que le Myanmar constitue un cas de défaut flagrant d'application de la convention. Voilà un bilan assez douteux pour un gouvernement qui ne cesse d'affirmer, comme il le fait encore aujourd'hui, qu'il coopère avec l'OIT. Par ailleurs, les membres travailleurs rappellent qu'une mission de contacts directs a été brusquement annulée en 1996, sans que le gouvernement n'apporte d'explication. Depuis trois ans, il ne semble pas y avoir eu une volonté de reprogrammer cette mission. Les membres travailleurs ont demandé au représentant gouvernemental de prier son gouvernement de s'engager à prévoir une mission de contacts directs cette année. Cet engagement aura plus de sens que la simple formulation d'une ordonnance relative à la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, avant l'ouverture de la Conférence de l'OIT.

L'orateur a déclaré que, depuis de nombreuses années, le gouvernement ne soumet même pas de rapport, comme la commission d'experts l'a déploré profondément l'an passé. Cette année, le gouvernement a enfin présenté un rapport dans lequel il indique à la commission d'experts qu'une nouvelle Constitution est en cours d'élaboration, ainsi qu'un Code du travail révisé. Le gouvernement semble affirmer que ce n'est que lorsque cette procédure sera achevée et qu'un nouveau Code du travail sera adopté qu'il pourra démontrer dans les faits son respect de la liberté syndicale. La commission d'experts a rappelé que l'élaboration d'une nouvelle législation du travail et d'une nouvelle constitution est en cours depuis de nombreuses années, mais qu'aucun progrès réel n'a été communiqué à ce sujet. Dans ses déclarations, le représentant gouvernemental n'a fait mention d'aucun calendrier. Les membres travailleurs lui ont demandé si son gouvernement est disposé à indiquer à la commission quand cette procédure arrivera à son terme. Egalement, il serait très utile que le gouvernement communique, avant la fin de l'année, à la commission d'experts des projets de textes sur ce point.

Les membres travailleurs estiment qu'il n'existe pas au Myanmar de législation en vigueur sur les syndicats, pas plus qu'il n'y a un cadre juridique pour la protection de la liberté syndicale. Comme cela a été indiqué l'an dernier, il existe un décret, émis en 1988 par les militaires, à savoir la loi (no 6/88) sur la formation des associations et organisations, en vertu duquel ces associations et organisations, pour être créées, doivent obtenir une autorisation du ministère de l'Intérieur et des Affaires religieuses. Cette loi indique que les associations et autres organisations seront dissoutes si elles tentent de porter atteinte à la loi, à l'ordre public, à la sécurité publique ou au bon fonctionnement des transports et des communications, si elles incitent à commettre ces infractions ou si elles y participent. Les membres travailleurs se sont demandés si cette loi fait partie de celles en cours de révision et, dans l'affirmative, ils ont demandé au gouvernement de fournir des renseignements sur sa révision.

Les membres travailleurs ont souligné la présence de M. Maung Maung, secrétaire général de la Fédération des syndicats libres de Birmanie (FTUB), à la réunion de la commission. C'est le Conseil pour la loi et le rétablissement de l'ordre (SLORC) qui a invoqué, il y a onze ans, la loi no 6/88 pour écarter M. Maung Maung et six autres personnes du Syndicat birman des mines. Les membres travailleurs ont fait observer que le représentant gouvernemental persiste à déclarer à la commission que l'adoption de la nouvelle législation pourrait prendre un certain temps. Sur ce point, les membres travailleurs ont noté que la législature qui a été élue il y a dix ans n'a jamais été autorisée à se réunir. De fait, de nombreux membres élus du Parlement ont été arrêtés plusieurs fois depuis lors. Les membres travailleurs ont rappelé que le représentant gouvernemental a indiqué que le Conseil d'Etat pour la paix et le développement (SPDC), qui a succédé au SLORC et est en fait la junte militaire au pouvoir, est un organe législatif. Comment une junte militaire peut-elle se transformer en organe législatif? Bien plus, de combien de temps son gouvernement aura-t-il besoin pour réviser ses lois de façon à les mettre en conformité avec la convention?

Les membres travailleurs estiment qu'une modification de la législation – si cela devait jamais se produire, sans parler de la conformité de cette législation avec la convention – n'est qu'une première mesure en vue de la protection de la liberté syndicale, en droit et dans la pratique. Il n'existe pas aujourd'hui de syndicat indépendant au Myanmar et toute tentative visant à en constituer est impitoyablement traitée. Les quelques personnes qui essaient courageusement de faire valoir leurs droits au regard de la convention le font à leurs risques et périls. Des représentants de la FTUB sont encore incarcérés et purgent de longues peines. Le régime les considère comme des terroristes. Ils ont noté que le délégué travailleur du Myanmar figure dans la liste des délégations en tant que superviseur des exploitations de pétrole et des sites de production de l'entreprise du pétrole et du gaz du Myanmar. Or il ne figure pas en tant que membre d'une association ou organisation de travailleurs. En fait, c'est précisément cette entreprise publique qui, depuis des années, aurait recours au travail forcé pour construire le gazoduc de Yadanar de mauvaise réputation.

En conclusion, les membres travailleurs ont noté que, de nouveau, la commission demande que l'on croie l'affirmation du gouvernement selon laquelle la situation est en train d'évoluer. La commission ne devrait pas baisser les bras face à l'absence, cette année encore, de véritables progrès. Au contraire, la persistance avec laquelle le gouvernement fait fi des observations de la commission devrait l'encourager à insister, une fois de plus, dans les termes les plus énergiques qui soient, sur le fait que le Myanmar doit s'en tenir à ses obligations au titre de la commission. Il ne s'agit pas de mettre le Myanmar à l'index, comme l'a déclaré bien des fois le gouvernement. Le gouvernement doit être convaincu que la commission supprimera ce cas de sa liste dès que le Myanmar satisfera à ses obligations. Mais, aussi longtemps qu'il persistera dans son attitude, la commission examinera le cas, pendant quarante années encore s'il le faut.

Les membres employeurs ont exprimé au gouvernement des remerciements pour les informations communiquées à cette commission. Le contexte de ce cas particulier est important. Le gouvernement a ratifié la convention il y a quarante-quatre ans et son manquement à adopter une législation sur la liberté syndicale est une violation fondamentale de ses obligations internationales. Le droit d'organisation n'existe tout simplement pas au Myanmar, et depuis longtemps le gouvernement témoigne au système de contrôle de l'OIT ainsi qu'à cette commission un mépris manifeste. Depuis 1980, ce cas a été discuté une douzaine de fois et a donné lieu à de nombreux paragraphes spéciaux sans qu'il ait été mis fin au défaut continu d'application de la convention.

Ce cas présente un lien avec celui relatif à la convention no 29 sur le travail forcé, 1930. En fait, si la liberté syndicale était assurée dans le pays, le mouvement syndical entreprendrait la lutte pour l'élimination du travail forcé. Or il y a une absence totale de législation efficace sur le droit d'organisation et il n'existe aucun moyen d'appréhender la véritable nature des organisations. La question qui se pose est celle des délais dans lesquels le gouvernement se propose de remédier à ces problèmes. Au regard des quarante-quatre ans de défaut continu d'application de la convention, les employeurs ont fait part de leur scepticisme en ce qui concerne l'engagement du gouvernement, ce scepticisme étant d'ailleurs conforté par l'abstention du gouvernement lors de l'adoption de la Déclaration.

Le membre travailleur du Japon s'est rangé à l'avis des membres travailleurs, et a réitéré que ce cas est l'un des pires qu'ait examiné la commission d'experts. Depuis quarante ans, la commission formule des observations sur les violations par le Myanmar, en droit et dans la pratique, de la convention. A propos des violations de la convention dans la pratique, l'orateur a demandé au gouvernement de fournir des informations sur la situation de deux dirigeants syndicaux, MM. Myo Aung Thant et U Khin Kyan. Il a demandé s'ils ont été libérés de prison et s'ils sont en mesure de participer à des activités syndicales. Par ailleurs, selon des informations d'Amnesty International, M. Than Niang a été arrêté en 1977 à la suite d'une manifestation, puis condamné à cinq ans d'emprisonnement. Après sa libération en 1982, il n'a pas été réintégré dans son poste de la fonction publique et est devenu libraire et écrivain. A la suite de troubles sociaux en 1988, M. Than Niang a été de nouveau arrêté et, sans qu'il n'y ait eu de procès en bonne et due forme, condamné à la prison à vie. Le gouvernement du Myanmar est prié d'indiquer si M. Than Niang a été relâché en 1998, conformément à la loi de 1992 en vertu de laquelle toutes les peines d'emprisonnement à vie ont été commuées en des peines de dix ans d'emprisonnement. De plus, l'orateur a demandé au gouvernement d'expliquer pour quel motif aucun délégué syndical n'a été autorisé à se rendre à la Conférence cette année. La personne désignée délégué travailleur ne semble pas être affiliée à un syndicat. Enfin, l'orateur demande au gouvernement de fournir une liste de syndicats qui sont autorisés à fonctionner librement au Myanmar et d'expliquer les raisons pour lesquelles la Fédération des syndicats libres de la Birmanie (FTUB) est obligée de mener ses activités en dehors du pays.

Le membre travailleur de l'Afrique du Sud a appuyé les déclarations faites par les membres travailleurs. Il a souligné que, depuis dix ans, le représentant gouvernemental déclare que son pays a entamé le processus de révision de la législation, mais qu'aucun progrès n'a été accompli à cet égard. Le représentant gouvernemental a fait les mêmes déclarations il y a dix ans. Lesdites déclarations ne sont que des répétitions et aucun changement substantiel ne peut être noté. Il souligne qu'il n'existe aucun syndicat au Myanmar et qu'aucune structure juridique n'est prévue afin de protéger les syndicats. De plus, il n'existe aucun mécanisme garantissant la négociation collective ou protégeant les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. La Fédération des syndicats libres de Birmanie (FTUB) est contrainte d'exercer ses activités depuis l'extérieur du pays. L'orateur a rappelé que la FTUB a été créée en 1991 par des syndicalistes qui ont été par la suite licenciés de leur emploi par le régime militaire. La FTUB coordonne ses activités avec la Ligue nationale pour la démocratie. Cette dernière avait remporté les élections de 1990, mais a été empêchée d'exercer le pouvoir par le régime militaire qui a annulé les résultats des élections. La FTUB demeure sous surveillance permanente de la police gouvernementale ainsi que des services de renseignement militaires. L'orateur attire l'attention de la commission sur le fait que le cas du Myanmar est discuté année après année, mais qu'aucun progrès n'a été encore réalisé. Au contraire, le gouvernement continue de faire des promesses et de nier qu'il viole les dispositions de la convention. Se référant aux discussions antérieures de la commission sur le travail forcé au Myanmar, il estime que ce problème a un lien direct avec l'application de la convention.

Il cite un rapport de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) qui se réfère à l'arrestation et à la détention de certains syndicalistes qui sont toujours emprisonnés. Au vu des violations systématiques des dispositions de la convention, la commission devrait imposer au Myanmar les sanctions les plus sévères prévues en vertu de la Constitution de l'OIT.

Le membre travailleur de l'Inde a indiqué que la description que le représentant gouvernemental fait de la situation de ce pays n'est pas confirmée par les informations émanant des personnes qui voyagent de l'Inde au Myanmar. Son organisation a essayé à maintes reprises de prendre contact avec des syndicats au Myanmar, en vain. S'il existe des syndicats libres au Myanmar, pourquoi est-il impossible de les rencontrer? Par ailleurs, aucun des syndicats de son pays n'a pu prendre contact avec des syndicats birmans. Le gouvernement doit apporter des éclaircissements sur cette situation. Il a également souligné que, même si le Myanmar élabore une nouvelle législation, il restera à savoir si cette législation garantira véritablement le droit des travailleurs de s'organiser et la liberté syndicale. Il a souligné la nécessité de garantir que les syndicats puissent fonctionner ouvertement dans ce pays. Il a demandé au représentant gouvernemental de fournir une liste de syndicats en place, afin que l'Inde puisse prendre contact avec eux. Le gouvernement du Myanmar devrait adopter des lois consacrant le droit de s'organiser et le droit de s'associer avec des organisations internationales. L'orateur a exhorté le gouvernement du Myanmar à restaurer et à respecter la longue tradition démocratique du Myanmar, et à tenir compte des recommandations de la commission sur l'application de la convention.

Le membre gouvernemental du Royaume-Uni a déclaré qu'il a été plus déçu que surpris que la commission ait encore à débattre du défaut d'application continu d'application de cette convention fondamentale par la Birmanie. Une nouvelle fois, cela reflète le mépris manifesté par le régime à l'égard de l'OIT ainsi qu'à l'égard du peuple de la Birmanie. Il a pleinement appuyé l'appel adressé par la commission d'experts aux autorités de la Birmanie pour que des mesures immédiates soient prises tendant à assurer une liberté syndicale effective. Eu égard au paragraphe spécial et à la discussion au sujet de la convention no 29, il a estimé que la commission devrait adresser à la délégation de la Birmanie un signal des plus vigoureux l'avertissant qu'elle ne tolérerait plus le refus du gouvernement d'honorer ses obligations internationales en matière de droits de la personne.

Le représentant gouvernemental a expliqué que les associations qu'il a mentionnées sont des quasi-syndicats. Elles sont enregistrées au ministère de l'Intérieur et indépendantes des structures gouvernementales et agissent de manière indépendante. En réponse à la demande du gouvernement, formulée par les membres travailleurs, au sujet des délais dans lesquels la révision de la législation du Myanmar sera achevée, il est nécessaire de tenir compte des conditions nationales ainsi que des discussions relatives à ces révisions. Ainsi qu'il l'a indiqué dans son dernier rapport à la commission d'experts, la capacité du gouvernement de faire rapport des progrès réalisés dans le cadre de la modification de sa Constitution et de ses lois dépend de ces conditions. La commission devrait accorder au gouvernement le temps nécessaire, et le projet de législation sera adopté en temps utile. La copie du projet de loi ne peut être soumise en raison de ce que tous les projets de loi sont couverts par la loi sur les secrets officiels de l'Etat (loi indienne no XIX du 2 avril 1923), remplacée par l'arrêté de 1948 de l'Union de la Birmanie sur l'adaptation des lois reconduite par le Myanmar lorsqu'il a acquis son indépendance. Elle a force de loi. Par ailleurs, en réponse aux commentaires formulés par le membre travailleur du Japon au sujet des mesures prises par le gouvernement contre certaines personnes, y compris celles qui n'ont pas été autorisées à réintégrer la fonction publique, celles-ci sont motivées par la violation de lois pénales par ces personnes, notamment par des actes terroristes. Aucun système juridique, pas même celui du Japon, n'est indulgent avec les terroristes. Le Myanmar n'a pas non plus d'indulgence pour de tels actes. Dans tous les pays, la fonction publique a également sa réglementation propre. Au Myanmar, comme dans bien d'autres pays, lorsqu'un fonctionnaire commet une infraction et qu'il est condamné, il ne peut réintégrer la fonction publique. Le projet de loi est en cours d'élaboration, mais son contenu ne peut être porté à la connaissance de la commission d'experts avant sa soumission aux autorités législatives du Myanmar, car les projets de loi relèvent du secret d'Etat, conformément à la loi précédemment expliquée. Toutefois, le gouvernement sera heureux de fournir copie de la nouvelle législation en temps utile. En réponse aux commentaires du membre travailleur de l'Inde, l'orateur a indiqué que son gouvernement détient des informations complètes concernant les personnes détenues et qu'il est disposé à les communiquer. Il a évoqué les bonnes relations qui règnent entre le Myanmar et l'Inde. Il y a notamment des hommes d'affaires qui investissent au Myanmar. Des relations d'affaires se développent. Le membre travailleur de l'Inde devrait prendre contact avec les différentes organisations d'employeurs et de travailleurs susmentionnées. En ce qui concerne la représentativité du représentant des travailleurs du Myanmar, une correspondance a déjà été adressée à la commission d'accréditation par lettre no 223/3-20/26 du 7 juin 1999. Rappelant que le BIT mène actuellement une campagne visant à amener les pays à ratifier un grand nombre de conventions fondamentales, il a estimé qu'il serait malencontreux, dans ce contexte, qu'un pays tel que le Myanmar soit injustement isolé. L'orateur a appelé l'attention sur le risque d'une telle attitude qui pourrait avoir pour effet de dissuader d'autres pays de ratifier de nouvelles conventions.

Les membres travailleurs et les membres employeurs ont demandé que ce cas soit mentionné dans un paragraphe spécial.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion détaillée qui a eu lieu par la suite. Elle a rappelé que ce cas a été discuté de manière constante depuis une décennie. La commission n'a pu que déplorer à nouveau qu'aucun progrès n'ait été fait dans le sens de l'application de cette convention fondamentale, malgré les appels répétés adressés au gouvernement tant par la présente commission que par la commission d'experts. La commission a également été obligée d'exprimer à nouveau son profond regret sur le fait que de graves divergences persistent entre, d'une part, la législation et la pratique nationales et, d'autre part, les dispositions de la convention. Elle n'a pu que déplorer à nouveau l'absence de coopération réelle de la part du gouvernement à cet égard. Extrêmement préoccupée de l'absence totale de progrès dans l'application de la convention, la commission a prié instamment le gouvernement d'adopter, en toute urgence, les mesures et mécanismes nécessaires en vue de garantir, dans la législation et la pratique, à tous les travailleurs et employeurs, sans distinction d'aucune sorte et sans autorisation préalable, le droit de s'affilier aux organisations de leur choix en vue de protéger leurs intérêts et le droit de s'affilier aux fédérations, confédérations et organisations internationales, sans ingérence de la part des autorités publiques. La commission a prié instamment le gouvernement de faire, sans délai, des progrès substantiels dans l'application de la convention, dans la loi et la pratique, et a prié le gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts.

La commission a décidé que ces conclusions devaient figurer dans un paragraphe spécial de son rapport. Elle a également décidé de mentionner ce cas parmi les cas de défaut continu d'application de la convention.

Swaziland (ratification: 1978). Un représentant gouvernemental a indiqué que le Swaziland appuie les principes que l'OIT représente ainsi que les mécanismes que l'Organisation a mis en place pour s'acquitter de son mandat. Son gouvernement est également conscient des obligations qui lui incombent en tant qu'Etat Membre de l'OIT, en particulier celle de participer à l'élaboration des normes internationales du travail et de les faire respecter.

Il a rappelé que le Swaziland a figuré dans la section du rapport relative aux cas spéciaux jusqu'en juin 1998 mais que les mesures prises pour élaborer un nouveau projet de loi sur les relations du travail ont été prises en compte lors de la dernière session de la commission, en juin 1998. Le représentant gouvernemental a indiqué qu'il s'était efforcé de faire adopter le projet de loi avant la dissolution du parlement, laquelle s'est produite plus tard en 1998, car cette dissolution faisait craindre que le projet ne tombe dans l'oubli. Le représentant gouvernemental a indiqué par ailleurs que, malgré la dissolution du parlement, d'autres procédures législatives permettaient de faire adopter le projet. Cette année-là, le Cabinet du Swaziland a examiné le projet de loi et lui a donné priorité. Ainsi, le projet de loi no 13 de 1998 sur les relations du travail a été approuvé et publié le 5 août 1998. Ce projet ne différait pas, pour l'essentiel, de l'esprit et de la lettre du projet que le Conseil consultatif en matière du travail avait soumis au ministre des Entreprises et de l'Emploi.

Le représentant gouvernemental a toutefois indiqué que, dans le cadre des règles démocratiques de son pays, la législature du sixième parlement du Swaziland était arrivée à son terme en août 1998. Il a donc fallu dissoudre le parlement pour que des élections soient organisées. Elles ont eu lieu alors qu'on était sur le point de soumettre le projet au parlement. Aussi le projet a-t-il été présenté au Conseil des ministres (16), lequel, en l'absence d'un parlement, était autorisé à légiférer. Le conseil a longuement débattu du projet. En novembre 1998, le Premier ministre, dans une déclaration publique, a expliqué qu'après avoir examiné le projet le Conseil des ministres avait conclu que, en raison de son importance, il devait être examiné en vue de son adoption par le parlement. Il a donc été nécessaire d'attendre la nouvelle législature. Après les élections, alors qu'il venait d'entrer en fonctions, le parlement a donné priorité au projet de loi et, le 23 avril 1999, la Chambre de l'Assemblée a convenu de l'instrument de proposition du projet. La loi sur les relations du travail a été présentée le 12 mai 1999. Le 17 mai 1999, la Chambre de l'Assemblée a décidé de saisir du projet la commission de l'Assemblée qui, en séance plénière, a entamé ses travaux le 24 mai 1999. Ces travaux ont beaucoup avancé et, à ce jour, plus de 30 articles du projet ont été examinés et approuvés. Le représentant gouvernemental a indiqué que le parlement a adopté des modifications mineures qui ne vont pas à l'encontre des dispositions des conventions internationales du travail que son pays a ratifiées. En outre, il a estimé que le fait que son pays a passé plus de temps que prévu pour l'adoption de la loi en question ne veut pas pour autant dire qu'aucun progrès n'ait été fait.

En ce qui concerne la crainte que la loi de 1963 sur l'ordre public et le décret de 1973 sur les droits des organisations ne soient utilisés à l'encontre d'organisations exerçant des droits consacrés dans les conventions de l'OIT, l'orateur a signalé que la loi sur les relations du travail que le parlement est en train d'examiner dissipera cette crainte.

L'orateur a souligné que, dans son pays, des progrès considérables ont été accomplis pour garantir des relations du travail stables et sereines. Tous les partenaires sociaux ont pris conscience de leur rôle, ce qui est bénéfique pour les droits des travailleurs. D'ailleurs, le cas échéant, le tribunal du travail veille à la protection des intérêts de chacun. Ainsi, récemment, les agents de l'Etat ont intenté un procès contre l'Etat, lequel a accepté la décision de la justice. L'adoption de la loi sur les relations du travail fera comprendre à tous les partenaires sociaux quelles sont leurs responsabilités, le rôle des partenaires sociaux ayant une importance décisive, dans son pays et partout dans le monde.

En conclusion, l'orateur a réaffirmé que la nouvelle loi sur les relations du travail ne représente pas les intérêts d'un seul partenaire social, et que son gouvernement appuie les objectifs de l'OIT et mettra tout en œuvre pour s'acquitter de ses obligations.

Les membres travailleurs ont observé que le Swaziland est un client régulier de cette commission depuis quatre ans en ce qui concerne la violation de la convention à la fois en droit et en pratique. Le Comité de la liberté syndicale examine toujours le suivi de la plainte présentée par la CISL en 1996. Au cours des discussions de cette commission en juin 1997, lorsque le cas a été mentionné dans un paragraphe spécial du rapport, le gouvernement avait fait la promesse ferme de modifier la loi de 1996 sur les relations professionnelles au mois d'août de la même année, promesse confirmée par le ministre. Non seulement cette promesse n'a pas été tenue mais la loi est toujours en vigueur. Elle perpétue les restrictions des droits syndicaux de la loi de 1980 sur les relations professionnelles et viole gravement le droit syndical et le droit de grève à divers égards, imposant des sanctions pénales à l'encontre d'activités syndicales légitimes, autorisant le commissaire au travail à refuser l'enregistrement d'un syndicat s'il en existe déjà un dans le secteur, interdisant aux fédérations d'appeler à des ralliements ou à des meetings et interdisant à une fédération ou à l'un quelconque de ses représentants de provoquer ou d'initier la cessation ou le ralentissement du travail ou de l'activité économique sous peine d'emprisonnement.

En juin 1998, le gouvernement était instamment invité à prendre des mesures urgentes en vue de soumettre un nouveau projet de loi au parlement tendant à modifier la loi de 1996. Il est urgent de le faire avant la dissolution du parlement en raison des élections. Un projet d'amendement a été préparé par la Commission nationale tripartite avec l'assistance technique du BIT. Le gouvernement n'a toujours rien fait. Au contraire, au mois de juillet de l'année dernière, peu de temps après la Conférence, la presse rapportait que le gouvernement menaçait de se retirer de l'OIT parce que le BIT l'avait accusé d'avoir violé les droits syndicaux fondamentaux et les libertés civiles. La persécution de la Fédération des syndicats du Swaziland (SFTU) et de ses responsables n'a pas cessé. En octobre 1998, le Commissaire au travail a prononcé la suspension de la SFTU pour un mois avec menace d'annuler son enregistrement car le syndicat n'avait pas soumis aux autorités le rapport financier annuel. Pourtant, la SFTU ayant décidé de clôturer son exercice financier le 30 septembre, les comptes étaient sous audit. Le même mois, l'ancien trésorier de la SFTU, Mxolisi Mbata, est décédé des suites de brutalités policières subies en février 1997 lors de la dissolution d'un meeting du Conseil général de la SFTU à la veille d'un arrêt de travail national. Tous les membres exécutifs ont été obligés de se rendre au commissariat de police, y compris le trésorier de la SFTU, handicapé physique qui a été jeté de son fauteuil roulant et contraint de ramper jusqu'au commissariat. Ils ont tous été enfermés dans une salle remplie de gaz lacrymogène jusqu'au lendemain où ils furent passés à tabac puis interrogés.

En novembre, au lieu de soumettre au parlement les amendements à la loi sur les relations professionnelles de 1996, le gouvernement a trouvé le temps de prendre l'arrêté administratif du Swaziland appelé la loi des chefs qui autorise le travail forcé et permet aux chefs de villages d'ordonner à des citoyens d'exécuter des travaux, notamment de désherber leurs terres sous peine d'emprisonnement ou d'amende. Le même mois, le secrétaire général de la SFTU, Jan Sithole, un autre responsable, Donald Dlamini, ainsi que deux autres ont été arrêtés. Ils ont été relâchés plus tard à l'exception de Jan Sithole, tenu au secret jusqu'au lendemain. La police a indiqué que ces arrestations étaient en relation avec l'explosion d'une bombe quelques semaines auparavant, attentat pourtant sévèrement condamné par la SFTU. Un membre du Syndicat des travailleurs du transport de la SFTU, Patricia Mamba, a été arrêté à la fin du mois de novembre lors d'un raid de la police sur les locaux du syndicat avec confiscation de leur équipement. Elle n'a pas été autorisée à voir un avocat.

Les persécutions et intimidations se sont poursuivies en 1999, et le président de la SFTU, Richard Nxumalo, et le vice-président, Eliot Mkhatshwa, ont été arrêtés et maintenus en garde à vue à plusieurs reprises. La famille de Jan Sithole a reçu des lettres anonymes et des appels téléphoniques avec menaces. Le 12 janvier, le secrétaire général adjoint, Barbara Dlamini, et la secrétaire du secrétaire général, Zodwa Nkhonta, ont été arrêtées et maintenues en garde à vue plusieurs heures. En mars, pendant les négociations collectives entre les fonctionnaires, le personnel infirmier, les professeurs et le gouvernement, le ministre de la Fonction publique a réuni une conférence de presse et annoncé que tous ceux qui voulaient une augmentation de salaire devraient se rendre à son bureau et signer un formulaire pour recevoir leur argent. De cette manière, il a contourné de façon flagrante la reconnaissance des conventions syndicales. Cette mesure a été sévèrement condamnée par le tribunal du travail qui a statué de manière nette et juste en faveur des syndicats. Le tribunal a déclaré que le gouvernement avait porté atteinte à la négociation collective et enfreint son devoir de négocier de bonne foi. Lorsque les trois syndicats du secteur public ont tenté d'organiser une marche de protestation, la police a annoncé qu'elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour assurer que la marche n'aurait pas lieu. Le décret de 1973 sur les réunions et les manifestations a été mis en œuvre pour empêcher la marche malgré le fait que le gouvernement ait déclaré à plusieurs reprises au sein même de cette commission que la loi ne s'applique pas aux organisations syndicales. Les travailleurs participant à la marche ont été brutalement battus par la police avec un matériel anti-émeutes. En outre, les membres travailleurs ont ajouté que le décret de 1973 était utilisé pour les empêcher de saisir la Commission constitutionnelle, installée en 1996. Seuls des recours individuels sont recevables et, en raison d'une récente décision du gouvernement, tous les recours ont maintenant lieu à huis clos. En avril, le Parlement du Swaziland a réclamé la déportation du secrétaire général de la SFTU, Jan Sithole, et du président, Richard Nxumalo, au motif fallacieux qu'ils n'étaient pas ressortissants du Swaziland. Un tel argument a été également utilisé quatre ou cinq ans auparavant pour intimider les dirigeants de la SFTU.

Ainsi que le ministre l'a dit devant cette commission, un peu avant la Conférence du BIT, le 12 mai, le gouvernement a finalement soumis au parlement le projet d'amendement de la loi sur les relations professionnelles. Les membres travailleurs ont indiqué que le parlement a entrepris d'amender le projet et que le groupe des travailleurs est préoccupé de ce qu'un texte législatif puisse une nouvelle fois entrer en contradiction avec la convention. Le parlement a annoncé qu'il n'allait pas se précipiter pour délibérer sur le projet parce que la SFTU a boycotté les élections de 1998. Heureusement, une motion parlementaire tendant à renvoyer le projet à l'examen d'une commission de révision a échoué.

Les membres travailleurs ont par ailleurs relevé que le climat des relations sociales au Swaziland est toujours loin d'être serein. Le gouvernement a trahi les promesses faites à plusieurs reprises devant cette commission. Le décret de 1973 et la loi sur l'ordre public de 1963 sont toujours en vigueur, ont été et sont toujours mis en œuvre en vue d'empêcher les activités légitimes des syndicats. La loi sur les relations professionnelles s'applique toujours et le projet soumis au parlement est actuellement amendé alors qu'il a fait l'objet d'un accord entre les partenaires sociaux et le BIT.

Dans ses conclusions de l'année dernière, la commission avait demandé au gouvernement de diligenter des enquêtes indépendantes sur l'enlèvement de Jan Sithole en 1995 et sur la mort d'un enfant, Noxolo Mdluli, au cours d'une manifestation. Cela non plus n'a pas été fait. Les membres travailleurs ont réitéré les conclusions de juin 1998 de cette commission et demandé au gouvernement de faire rapport à la commission d'experts des progrès réalisés. Le gouvernement doit appliquer la convention aussi bien en droit qu'en pratique de même qu'il doit respecter pleinement les libertés civiles, mettre fin aux persécutions, aux menaces, aux arrestations arbitraires, aux intimidations et aux accusations contre les dirigeants syndicaux.

En conclusion, eu égard aux circonstances alarmantes qui persistent au Swaziland, le BIT devrait envoyer une autre mission de contacts directs de haut niveau en vue d'assurer le suivi de la mission de 1996. Les membres travailleurs espèrent qu'une telle mission sera envoyée rapidement et que le gouvernement voudra bien accepter cette proposition.

Les membres employeurs ont indiqué que la Conférence avait examiné plusieurs fois ce cas et qu'une mission de contacts directs avait été envoyée en 1996. Ce qui est en question, ce sont les nombreuses discordances entre la loi de 1996 sur les relations du travail et les dispositions de la convention. Une commission nationale tripartite a été mise en place et s'est mise d'accord sur les modifications à apporter afin de mettre la législation en conformité avec les principes que consacre la convention. Le fait que la commission n'a pas reçu d'informations détaillées sur le contenu du projet de loi n'importe pas, dès lors que les partenaires sociaux et le parlement se sont mis d'accord sur les modifications à apporter à la législation. Les membres employeurs ont fait observer que le décret de 1973 et la loi de 1963 dont il est question dans le rapport de la commission d'experts peuvent conduire à des troubles sociaux. Par le passé, leurs dispositions auraient été utilisées pour mettre un terme aux activités syndicales licites. Les membres employeurs ont rappelé les conclusions de 1998 sur ce cas, dans lesquelles la commission avait exhorté à adopter, avant la dissolution du parlement, le projet de loi visant à modifier la loi sur les relations du travail. Or un nouveau parlement est entré en fonctions entre-temps. A ce sujet, les membres employeurs ont pris note de l'indication du représentant gouvernemental selon laquelle le projet de loi a été soumis au parlement en mai 1999. En conclusion, le gouvernement devrait être exhorté à redoubler d'efforts en vue de l'adoption d'une législation destinée à modifier toutes les dispositions contraires à la convention. De plus, le gouvernement devrait fournir des informations complètes de façon à ce que la Commission de la Conférence puisse, le cas échéant, examiner de nouveau le cas.

Le membre travailleur du Swaziland a présenté l'historique de ce cas tel que décrit dans le cas no 1884 dont le Comité de la liberté syndicale est saisi. A la suite de la mission de contacts directs, qui a eu lieu en raison de plaintes soumises par les travailleurs, la commission a conclu que la loi de 1996 sur les relations du travail est incompatible avec les principes de la liberté syndicale et doit être amendée, en prenant en considération les propositions de la Commission consultative tripartite du travail. La commission a également noté que l'article 12 du décret de 1973, limitant les droits des organisations de tenir des réunions et des manifestations, doit être abrogé. Elle a prié le gouvernement de diligenter immédiatement des procédures sur la mort d'une écolière de 16 ans qui aurait été battue et tuée par les forces de police lors d'une démonstration pacifique ainsi que sur l'enlèvement du secrétaire général de la SFTU, de telle sorte que les coupables soient traduits en justice. En outre, on a requis le gouvernement de garantir que l'ordonnance de 1963 sur l'ordre public ne soit pas utilisée pour interdire les grèves ou pour entraver les grèves légitimes et pacifiques. Bien que le gouvernement ait promis de traiter ces questions, aucun résultat concret ne peut être constaté à ce jour. Au contraire, les violations persistent et la dignité humaine ainsi que la justice sociale se voient érodées par des actions futiles et par de nouveaux décrets.

L'orateur a rappelé que le gouvernement avait promis à la commission l'année dernière et lors de certaines rencontres informelles avec des hauts fonctionnaires du BIT que le projet de loi serait adopté avant que le parlement ne soit dissous. Il a noté la promesse du représentant gouvernemental que, même si le parlement était dissous, le Conseil des ministres avait l'autorité pour adopter le projet de loi en son absence. En outre, le gouvernement avait promis que le projet de loi se verrait accorder la priorité immédiatement après les débats sur le budget. Aucune de ces promesses n'a été tenue. En fait, le projet de loi n'a été présenté au parlement que le 12 mai 1999. Les membres du parlement ont indiqué qu'ils ne désiraient pas précipiter les débats sur ce projet, s'interrogeant sur la raison pour laquelle ils devraient se préoccuper d'un projet de loi sur les travailleurs alors que ces derniers ont boycotté les élections tenues en octobre 1998.

Rappelant à la commission que le gouvernement n'avait pas tenu ses promesses, l'orateur s'est référé à de nombreux faits de harcèlement de syndicalistes qui se sont produits en 1997 et 1998. Ce harcèlement inclut des descentes de police dans les locaux syndicaux ou aux domiciles des dirigeants syndicaux, souvent sans mandat. Nombre de ces événements impliquent des actes de violence physique ou des menaces contre les dirigeants syndicaux.

Une référence a été faite aux tentatives des travailleurs de célébrer le 1er Mai. Le gouvernement de la ville de Manzini a refusé aux travailleurs l'autorisation de le célébrer sur des terrains publics. La célébration a finalement eu lieu sur les propriétés d'une société privée. Toutefois, lorsque les travailleurs ont sifflé durant la célébration, pour exprimer semble-t-il leur excitation, le gouvernement et les personnes âgées ont menacé d'imposer des sanctions pénales.

Le membre travailleur a estimé que la législation du Swaziland est en violation avec les dispositions de la convention, se référant à la soi-disant Commission de révision constitutionnelle (CRC) qu'il a décrite comme non démocratique et exclusive pour ce qui est de ses membres et de la recevabilité des arguments. Il a cité le projet de loi sur le conseil des médias, qui limite le droit d'expression et de journalisme libre, et le décret de 1973 qui retire les protections prévues au regard de la Charte des droits.

Il a souligné que le décret de 1973 a été examiné par la Cour suprême du pays. Ce décret a détourné la Constitution du Swaziland, incluant la Charte des droits, la liberté d'expression, d'association et d'assemblée. En 1996 et 1998, la commission d'experts a informé le gouvernement que l'ordonnance administrative de 1950 n'était pas en conformité avec la convention. Le 13 novembre 1998, le gouvernement a adopté l'ordonnance de 1998 qui s'avère encore pire que les lois qu'elle a eu pour effet d'abroger. L'orateur a décrit l'ordonnance de 1998 comme draconienne et a soutenu qu'elle n'a que pour but de nourrir la peur et l'oppression. Il a déclaré que l'ordonnance de 1998 viole les droits fondamentaux des travailleurs, soulignant qu'il est permis aux chefs locaux de police d'avoir recours au travail forcé et à la servitude et d'imposer des peines dans les cas de non-respect. Les peines que les chefs peuvent imposer incluent amendes, emprisonnement, abolition des structures, éviction sans indemnisation, prise ou vente de la propriété dans les cas où les amendes imposées ne sont pas payées. L'ordonnance nie également le droit de représentation devant le président de la Cour et dispose qu'aucun autre tribunal n'a compétence pour casser les ordonnances du président. Il a indiqué que ces tribunaux «kangourous» sont inacceptables et ne doivent pas être autorisés. Selon lui, le gouvernement veut donner l'impression que la nouvelle loi sur les relations du travail permettra à la législation du Swaziland d'être en conformité avec la convention. Cependant, tant que les lois mentionnées sont encore en vigueur, toute nouvelle législation adoptée en sera affectée. Il a indiqué que, bien que le gouvernement fasse des promesses à la commission et au niveau international, les lois nationales adoptées sont contraires à ces promesses. Il a indiqué que le Swaziland a ratifié les conventions de l'OIT et qu'il est donc responsable au niveau international de l'application pratique de ces conventions. Il a prié dès lors le gouvernement de rendre sa législation en conformité avec la convention et de mettre en œuvre ces dispositions dans la loi et la pratique.

Le membre employeur du Swaziland, à l'instar des orateurs précédents, a déploré la lenteur de la procédure d'adoption du projet de loi. Il a néanmoins estimé que la situation progresse. Le projet de loi est parvenu au parlement en moins de deux semaines. Il a estimé que ce projet devrait être adopté avant la fin de l'année. Les modifications proposées jusqu'à présent ne vont pas à l'encontre des accords conclus avec les partenaires sociaux. Tout en admettant que le gouvernement n'a peut-être pas mené à bien, par le passé, une action satisfaisante aux yeux de l'OIT, il estime qu'aujourd'hui il doit être encouragé. Il n'est pas utile de critiquer trop sévèrement le représentant gouvernemental. L'orateur a prié la commission de demander au gouvernement de hâter l'adoption du projet de loi.

Le membre travailleur des Etats-Unis a appuyé les commentaires formulés par les membres travailleurs et par le membre travailleur du Swaziland. L'AFL-CIO a soumis une pétition au Bureau du représentant du commerce demandant la suspension de certains privilèges commerciaux actuellement accordés au Swaziland en vertu du programme américain du système généralisé de préférences, en raison de la violation systématique des droits des travailleurs. Selon la pétition, l'adoption du projet de Code du travail est la mesure primordiale indiquant si le Swaziland est déterminé à mettre en œuvre des actions en vue du respect des droits fondamentaux des travailleurs pour conserver les privilèges accordés par le SGP. Etant donné les assurances données par le représentant gouvernemental l'année dernière, on ne peut, sans anticiper, affirmer que le nouveau Code du travail est actuellement mis en œuvre. L'orateur a déploré que ce ne soit pas le cas et que le gouvernement ait montré si peu d'empressement à soumettre le projet au parlement. En conséquence, l'AFL-CIO soumettra au gouvernement américain des informations complémentaires exprimant sa déception quant à l'absence de progrès à cet égard et renouvelant sa demande de suspension des privilèges accordés par le SGP au Swaziland en raison de la violation systématique des droits des travailleurs.

Le membre travailleur de l'Afrique du Sud, rappelant que des liens politiques, économiques, sociaux et culturels très forts existent entre son pays et le Swaziland, justifiant qu'il suive les développements survenant au Swaziland de près, a appuyé les opinions exprimées par les membres travailleurs. Il a pris note des informations fournies par le gouvernement et des engagements pris afin de mettre en conformité la législation du travail avec les dispositions de la convention. Il a observé, avec un certain scepticisme, que ces mêmes déclarations ont été prononcées par les ministres du Travail qui l'ont précédé depuis les cinq dernières années sans qu'aucun progrès ne soit vraiment constaté. Il a insisté sur le fait que la façon dont un pays se conforme aux dispositions de la convention démontre l'importance qu'il porte au respect des droits civils, incluant particulièrement la liberté syndicale. Il a insisté sur l'importance que soient amendés et/ou abrogés la loi de 1996 sur les relations du travail ainsi que le décret de 1973 et l'ordonnance de 1963 sur l'ordre public.

Le membre employeur de l'Afrique du Sud a fait bon accueil à l'information du ministre selon laquelle le projet de loi sur les relations du travail est examiné en ce moment par le parlement, et s'est félicité des efforts que le ministre en personne a déployés pour faire avancer l'adoption du projet. L'élaboration de ce projet par une commission tripartite, avec l'assistance du BIT, contribue beaucoup à faire concorder, au Swaziland, la législation du travail avec les normes internationales. L'orateur a déploré que le gouvernement n'ait pas pu faire en sorte, comme l'y avaient exhorté la commission d'experts et la commission, que le projet soit adopté avant la dissolution, l'an passé, du parlement. Toutefois, tant que la loi n'aura pas été adoptée et promulguée, on ne pourra pas parler de succès. L'orateur a fait noter qu'il ne semble pas que l'alignement de la législation sur les instruments internationaux auxquels le Swaziland a adhéré soit un objectif prioritaire, ni qu'il soit un souci impérieux. Selon la presse swazie, la procédure législative est lente. Le 15 mai 1999, un rapport a été publié qui fait mention de déclarations de députés selon lesquelles le projet de loi n'a pas encore été adopté parce que les syndicats n'ont pas participé l'an dernier aux élections. Ces informations, et le fait qu'un député a demandé que le président-fondateur de la Fédération des syndicats du Swaziland soit expulsé du pays, montrent que les conditions ne sont pas réunies pour adopter le projet de loi dans de brefs délais. Toutefois, l'orateur a observé que la situation a progressé depuis l'an dernier, ce qu'il convient de noter. Mais la commission ne saurait conclure à des résultats satisfaisants en qui concerne le cas.

Le représentant gouvernemental a remercié les membres de la commission pour leurs commentaires. Il a pris note des questions soulevées et a indiqué que son gouvernement ne ménageait aucun effort pour que des progrès soient accomplis. Il a indiqué que le gouvernement était prêt à discuter avec les partenaires sociaux afin de résoudre les problèmes. Il a de plus mentionné que les préoccupations exprimées par le membre employeur du Swaziland avaient été référées au Conseil consultatif du travail mais que le rapport du conseil n'avait toujours pas été reçu, ce qui empêchait de déterminer la meilleure façon de procéder. Concernant le point soulevé par le membre travailleur du Swaziland sur les sifflements qui eurent lieu durant les célébrations du 1er Mai, il a souligné qu'il ne s'attendait pas à ce que la commission comprennent toutes les implications de cet incident, mais il a exprimé l'espoir que ce problème pourrait trouver une solution avec les partenaires sociaux du Swaziland. Il a réitéré sa compréhension face aux préoccupations soulevées et a assuré la commission que son gouvernement faisait tout ce qu'il pouvait en vue de mener à bien l'adoption du projet de loi.

Les membres travailleurs ont apprécié le fait que le gouvernement essaie d'avancer dans la bonne direction. Toutefois, ils ont demandé au représentant gouvernemental de fournir une réponse quant à la demande d'envoi d'une mission de contacts directs.

Répondant à la requête des membres travailleurs, le représentant gouvernemental a indiqué que le gouvernement du Swaziland ne voyait pas le besoin de l'envoi d'une mission de contacts directs de haut niveau dans le pays. Le gouvernement avait lancé une invitation au BIT de se rendre au Swaziland. Toutefois, si cette commission venait à la conclusion qu'il était nécessaire d'envoyer une mission de haut niveau, le gouvernement accepterait cette décision.

Les membres employeurs n'ont pas accepté la proposition des membres travailleurs d'envoyer une mission de contacts directs étant donné que, dans le pays, les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur la nécessité de modifier la législation et que le parlement devrait bientôt adopter ces modifications. Une mission de contacts directs pourrait éventuellement être envisagée l'an prochain, en fonction de l'évolution de la situation et des informations qu'apportera la commission d'experts. Les membres employeurs n'ont pas vu d'inconvénient à ce que, comme l'ont demandé les membres travailleurs, la commission réitère ses conclusions de l'an passé qui portaient sur des enquêtes relatives à certains actes de violence.

La commission a noté la déclaration faite par le représentant gouvernemental et la discussion qui a eu lieu par la suite. Elle a rappelé avec préoccupation que ce cas avait été discuté par la commission en 1996, 1997 et 1998. Elle a rappelé que la commission d'experts s'est dite préoccupée par de nombreuses dispositions de la loi de 1996 sur les relations du travail limitant considérablement le droit des organisations de travailleurs d'exercer leurs activités sans intervention de la part des autorités publiques conformément aux articles 2 et 3 de la convention. Elle a rappelé avec regret que la commission a observé que le décret de 1973 sur les réunions et manifestations fait peser d'importantes restrictions sur le droit, pour les organisations, de tenir des réunions et des manifestations et que l'ordonnance de 1963 sur l'ordre public a été en fait utilisée pour entraver des activités syndicales légitimes. L'année dernière, la commission s'était félicitée des informations du gouvernement selon lesquelles un nouveau projet de loi sur les relations du travail avait été rédigé, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l'assistance technique du BIT, en vue de rendre la législation en conformité avec la convention. Regrettant profondément que ce nouveau projet de loi n'ait pas été adopté avant la dissolution du parlement, elle a prié à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour adopter le projet de loi et pour garantir que le décret de 1973 ainsi que l'ordonnance de 1963 sur l'ordre public n'affectent pas le droit, pour les organisations de travailleurs, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action. La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement diligente des enquêtes indépendantes sur l'enlèvement du secrétaire général de la Fédération des syndicats du Swaziland et le meurtre d'un enfant au cours d'une manifestation. Elle a prié le gouvernement de garantir pleinement les libertés publiques essentielles à la mise en œuvre de la convention. La commission a également instamment prié le gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts sur les mesures concrètes prises en vue d'assurer la conformité avec la convention, tant dans la loi que dans la pratique.

Venezuela (ratification: 1982). Un représentant gouvernemental du Venezuela a indiqué, en réponse aux observations de la commission d'experts relatives à l'application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que, dans le cadre de la réforme de l'Etat et de ses institutions, il n'était pas prévu, à court terme, de procéder à la révision de la législation du travail, excepté en ce qui concerne le système de sécurité sociale et ses différents régimes. Cette réforme a été approuvée par le Congrès de la République, à travers la loi d'habilitation no 36 687, publiée dans la Gazette officielle le 26 avril 1999. Cette loi permettra au Président de la République de prendre, pendant six mois, dans l'intérêt public, des mesures exceptionnelles dans le domaine de l'économie et des finances. Le point 4, alinéa a), de ladite loi relatif au secteur économique prévoit ce qui suit: «réformer la loi organique de sécurité sociale intégrale ainsi que les régimes de santé, pension, logement et chômage involontaire afin de prévoir des mécanismes aptes à protéger les différents secteurs sociaux, garantir la surveillance et le contrôle de l'Etat sur les différents fonds et prendre en compte les répercussions économiques et financières».

Il est envisagé de procéder à l'élaboration d'une nouvelle constitution nationale aux fins de consolider les bases d'un véritable Etat de droit dont la structure juridique assurera dans la pratique une véritable démocratie sociale et participative, aboutissant ainsi à l'adaptation du cadre institutionnel et à la transformation de l'Etat par la participation des citoyens.

Avec la mise en place de l'Assemblée nationale constituante prévue pour début août 1999, il pourra être donné effet aux traités et accords internationaux relatifs aux droits fondamentaux des travailleurs et au respect des principes démocratiques, ratifiés par le Venezuela. Cela se fera dans le respect absolu des engagements acceptés par le gouvernement en renforçant le tripartisme et en encourageant le dialogue social, tel que prévu dans l'accord tripartite conclu le 12 mai 1998. Cet accord est un héritage que le gouvernement actuel n'entend pas ignorer, et un cadre a été mis en place afin de redonner une légitimité aux protagonistes sociaux, à l'image du contexte politique du pays. Il convient de relever la volonté exprimée par les travailleurs de réviser leurs statuts afin de suivre les changements et les transformations que connaît actuellement le pays.

En ce qui concerne les commentaires de la commission d'experts relatifs aux articles 2 et 3 de la convention no 87, le gouvernement n'a pas l'intention d'ignorer l'engagement qu'il a pris en ratifiant la convention. A cet égard, il convient de rappeler la façon dont a été traitée la réclamation présentée par la FEDECAMARAS, à travers la signature, le 12 mai 1998, dudit accord tripartite. D'après cet accord, les instruments nécessaires à la mise en conformité de la législation et de la pratique nationales avec les conventions internationales du travail ratifiées par le Venezuela devront être élaborés. Ainsi, s'il est certain que la commission ad hoc, chargée de donner suite à cette proposition, n'a pas encore été instituée, cela ne signifie pas que cet engagement soit rompu; ce retard s'explique par la conjoncture politique et électorale de la deuxième moitié de l'année 1998.

En outre, la victoire de l'option visant à la transformation de l'Etat vénézuélien a permis d'initier la révision des anciennes pratiques juridiques en vigueur sans perdre de vue l'esprit et l'enjeu du dialogue tripartite. Il s'agit ainsi de respecter les obligations découlant des conventions et recommandations de l'OIT, et plus précisément la convention no 87, et de donner une réponse appropriée aux préoccupations dont avaient fait état les employeurs en 1992.

Le gouvernement n'a pas l'intention d'ignorer le tripartisme, principe fondamental du dialogue social, mais plutôt de le renforcer. Cela a pu être constaté lors des dernières discussions qui ont permis d'aboutir à la revalorisation du salaire minimum de 20 pour cent à partir du 1er mai dernier et à l'association à la table de négociation des autres acteurs représentant les travailleurs qui avaient, par le passé, sollicité une telle participation.

Finalement, l'orateur a indiqué que la discussion sur l'emploi et la sécurité sociale est en cours; cette discussion permettra de réaffirmer le tripartisme comme un élément essentiel du dialogue social.

Les membres employeurs ont pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et ont déclaré que, bien qu'ils eussent aimé pouvoir y souscrire, ils étaient conscients du fait qu'en réalité la situation est très différente. Ils ont rappelé que la commission a déjà examiné le cas de ce pays à propos du non-respect des conventions nos 87 et 98 et que, la dernière fois que la commission a été saisie de ce cas, le représentant gouvernemental a déploré d'avoir à s'exprimer à ce sujet devant la commission, du fait surtout que la question a été soulevée par les membres employeurs. Ces derniers ont rappelé à cet égard que les dispositions de fond de la convention s'appliquent sans ambiguïté aussi bien aux employeurs qu'aux travailleurs et ils ont souligné que les violations de cette convention les concernent de la même manière, employeurs et travailleurs du Venezuela.

Les membres employeurs ont déploré que le gouvernement n'ait pas précisé si et, dans l'affirmative, de quelle manière les limitations dont ces droits font l'objet seront levées. Ils ont évoqué les points soulevés par la commission d'experts: i) la période de résidence excessive imposée aux travailleurs étrangers pour pouvoir faire partie des organes dirigeants d'un syndicat; ii) l'énumération trop longue et trop détaillée des fonctions et des buts des organisations de travailleurs et d'employeurs; iii) le nombre trop élevé de travailleurs requis pour pouvoir former un syndicat de travailleurs indépendants; iv) le nombre trop élevé d'employeurs requis pour pouvoir constituer une organisation d'employeurs. A leur avis, l'Etat intervient manifestement de manière excessive, en violation du droit de s'associer librement, pour les travailleurs comme pour les employeurs. Bien que le gouvernement ait exprimé son désaccord avec les commentaires que la commission d'experts formule depuis un certain nombre d'années, le représentant gouvernemental s'est engagé, devant la Commission de la Conférence, à prendre les mesures nécessaires pour répondre aux exigences de la convention, et cela les préoccupe. Ils déplorent également que le gouvernement n'ait pas tenu ses promesses de procéder à des consultations tripartites et particulièrement que la loi organique du travail de 1990 ait été adoptée en l'absence de telles consultations.

Ils ont également évoqué la réclamation présentée sur la base de l'article 24 de la Constitution de l'OIT par l'Organisation internationale des employeurs et par la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS) en 1992, dans laquelle était soulignée l'absence de consultations tripartites pour l'élaboration de la législation. Après renvoi de la question par le Conseil d'administration devant le Comité de la liberté syndicale, ce dernier a adopté dans le cas no 1612 un certain nombre de conclusions et recommandations priant le gouvernement de modifier la loi organique du travail en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs. Or, six ans après l'adoption de ces recommandations, la législation n'a toujours pas été modifiée et des consultations tripartites n'ont toujours pas eu lieu. Les membres employeurs ont aussi déploré l'attitude du gouvernement concernant certaines autres questions, notamment son refus persistant d'envoyer une délégation tripartite à Genève, attitude qui illustre elle aussi le manque d'engagement du gouvernement envers le tripartisme. Ils ont enfin demandé que la commission prenne note des diverses critiques qui ont été adressées antérieurement au gouvernement et qu'elle appelle ce dernier à consulter les organisations les plus représentatives.

Les membres travailleurs ont rappelé à leur tour que le cas avait déjà été discuté en 1995, 1996 et 1997. Plusieurs divergences entre la législation et la convention no 87, à propos de la création, du fonctionnement et des objectifs des organisations d'employeurs et de travailleurs indépendants, sont en cause. La liberté syndicale est un droit fondamental tant pour les organisations de travailleurs que pour les organisations d'employeurs. La législation vénézuélienne impose un nombre précis d'employeurs pour pouvoir constituer une organisation d'employeurs. Selon la convention no 87 et les positions prises par les organes de contrôle, de telles prescriptions relèvent des statuts des organisations. Une distinction doit être faite entre la question de la création des organisations et la question de la notion des organisations les plus représentatives. La législation impose en outre une période de résidence trop longue (dix ans) aux travailleurs étrangers pour pouvoir être éligibles aux organes dirigeants d'une organisation de travailleurs ou d'employeurs. Les membres travailleurs ont déjà critiqué les prescriptions relatives à la nationalité lors de la discussion de l'étude d'ensemble sur les travailleurs migrants. L'énumération des fonctions et buts des organisations de travailleurs et d'employeurs est trop longue et trop détaillée.

Le gouvernement avait annoncé en 1996 et en 1997 devant la commission qu'il était disposé au dialogue tripartite après une période difficile sur le plan socio-économique et du dialogue social. Cette déclaration est réitérée aujourd'hui. Un changement de politique de la part du nouveau ministre du Travail était attendu. Les organisations nationales des travailleurs et des employeurs du Venezuela avaient confirmé en effet que le nouveau ministre semblait disposé à rechercher le dialogue tripartite. Elles avaient exprimé l'espoir que ces bonnes intentions pourraient effectivement être concrétisées. Le gouvernement a indiqué l'an dernier, à la veille de la Conférence, qu'un accord tripartite avait été conclu le 12 mai 1998 en vertu duquel, dans les deux mois, une commission tripartite ad hoc devait être instaurée pour l'élaboration d'une législation et d'une politique conformes à la convention no 87. Depuis lors, le gouvernement n'a pas indiqué si des progrès réels ont été accomplis. Au contraire, le rapport de la commission d'experts se réfère aux observations du gouvernement manifestant son désaccord avec les commentaires formulés depuis plusieurs années par la commission.

La commission d'experts et la présente commission ont déjà à plusieurs reprises demandé au gouvernement de changer instamment sa loi organique du travail. Le gouvernement a formulé de nombreuses fois, et aujourd'hui encore, ses bonnes intentions, mais les promesses n'ont pas été honorées. Les membres travailleurs considèrent que le gouvernement doit donner à la commission des assurances sur la réalisation des intentions annoncées et que des mesures concrètes doivent être prises. Le gouvernement doit également donner toutes informations au BIT à cet égard.

Le membre travailleur du Venezuela a déclaré que les conventions collectives dont le ministre du Travail a fait mention sont en fait bénéfiques non seulement aux travailleurs mais aussi aux employeurs et au gouvernement lui-même. Le Venezuela connaît actuellement de profonds changements; il s'apprête à élaborer une nouvelle Constitution qui, il faut l'espérer, tiendra compte des engagements internationaux auxquels le pays a souscrit. L'intervenant a cependant dénoncé les menaces incessantes dont font l'objet les organisations syndicales et les organisations d'employeurs. Il a indiqué enfin que les structures syndicales sont elles aussi en
cours de changement et procèdent à des réformes de leur système électoral.

Le représentant gouvernemental a réaffirmé la volonté du gouvernement de résoudre les problèmes soulevés par les membres travailleurs, dans l'optique d'un renforcement du dialogue social. Il a mentionné l'existence d'un projet majeur de réforme de la législation, en perspective de l'élaboration de la nouvelle Constitution, cadre dans lequel il sera possible d'examiner les questions soulevées par la commission depuis 1993. Des informations seront fournies sur les mesures qui seront prises. L'intervenant a par ailleurs estimé qu'il n'y avait pas lieu d'accorder du crédit aux propos du membre travailleur du Venezuela, puisque le BIT n'a pas été saisi de réclamations concernant la persécution de dirigeants syndicaux, l'interdiction de syndicats ou la confiscation d'entreprises. Enfin, selon lui, la volonté de son gouvernement est bien de faire progresser la politique engagée, comme en attestent les accords dont il a été fait mention par ailleurs.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a rappelé qu'elle avait discuté ce cas durant les cinq dernières années et que le gouvernement avait donné l'assurance qu'une commission tripartite ad hoc entreprendrait l'élaboration d'amendements pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec les exigences de la convention. La commission a exprimé le ferme espoir que, dans ce contexte, le gouvernement consulterait les organisations d'employeurs et de travailleurs, comme il l'avait promis lors des discussions. La commission a regretté le manque de progrès faits à cet égard. La commission, comme la commission d'experts, a insisté sur la nécessité de supprimer les divergences entre la législation et les articles 2 et 3 de la convention et de réduire le nombre d'employeurs et de travailleurs nécessaires pour former des organisations respectivement d'employeurs et de travailleurs indépendants; de supprimer la condition d'une période de dix ans de résidence dans le pays pour qu'un travailleur étranger puisse être candidat à la direction du syndicat; de supprimer la longue liste d'obligations imposées aux organisations d'employeurs et de travailleurs afin d'assurer que les employeurs et les travailleurs sans aucune distinction puissent constituer leurs organisations librement et que ces organisations puissent élire leurs représentants en pleine liberté et régir leur administration et leurs activités sans interférence des autorités publiques.

La commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement fournirait un rapport détaillé à la commission d'experts sur les mesures concrètes prises pour assurer dans un avenir très proche une pleine conformité de la législation et de la pratique avec les exigences de la convention.

Convention no 95: Protection du salaire, 1949

Fédération de Russie (ratification: 1961). Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Informations sur le paiement des salaires aux travailleurs occupés dans le secteur subventionné des territoires de la Fédération de Russie

Au 1er mai 1999, selon la Commission des statistiques d'Etat de la Fédération de Russie, l'ensemble des arriérés de salaires résultant du déficit budgétaire à tous les niveaux, ainsi que des ressources propres des organisations, s'élevait à 16.348 millions de roubles, dont 12.088 millions de roubles provenant des déficits à tous les niveaux.

En comparaison avec les indicateurs des mois antérieurs, l'ensemble des arriérés de salaires a chuté de 1.578 millions de roubles (8,8 pour cent), dont 1.401 millions de roubles (10,4 pour cent) provenant des déficits à tous les niveaux.

La proportion du déficit budgétaire était de 19 pour cent du budget fédéral et de 80,4 pour cent des budgets territoriaux.

Dans le secteur social, les arriérés imputables au déficit du budget fédéral ont diminué dans 57 territoires constituants, alors que ceux imputables aux budgets territoriaux ont diminué dans 68 régions.

Au 1er mai1999, les arriérés de salaires payés par le budget fédéral ont été liquidés dans les régions autonomes de Nenetsk, Evenkij, Aginski Buryatsk, Koryaksk, et virtuellement liquidés dans la République de Dagestan, le district de Belgorodsk, ainsi que dans les régions autonomes de Tajmyrsk et Yamalo-Nenetsk. Dans les Républiques de Kabardino-Balkarsk, Tyva, Marij-El, Altaj, les districts de Vologodsk, Bryansk, Kostromsk, Tambovsk, Orlovsk et Smolensk, ainsi que dans les régions autonomes de Komi-Permyatsk, les arriérés de salaires s'élèvent de 0,2 à 0,6 million de roubles.

Environ 46 pour cent de l'ensemble des arriérés de salaires en suspens résultant du déficit budgétaire proviennent de Moscou
(239 millions de roubles), du district de Moscou (152 millions de roubles) et de Saint-Pétersbourg (146 millions de roubles).

Au 1er mai 1999, des arriérés de salaires dans le secteur social résultant de déficits dans les budgets territoriaux ont été enregistrés dans tous les territoires constituants de la Fédération de Russie. Toutefois, les arriérés de salaires en suspens ont diminué dans
68 régions. La plus importante proportion d'arriérés de salaires, résultant des déficits dans les budgets territoriaux et enregistrée dans le secteur social, provient des Républiques de Saha (Yakutia: 462,2 millions de roubles), Krasnoïarsk Krai (675,5 millions de roubles), ainsi que des districts de Kemerovsk (647 millions de roubles), Tumenesk (454,6 millions de roubles), Sverdlovsk (419,8 millions de roubles) et Irkutsk (464,2 millions de roubles).

Le gouvernement fédéral est en train de mettre en œuvre, en collaboration avec l'exécutif des territoires constituants, des mesures visant à garantir le paiement aux travailleurs occupés dans les secteurs subventionnés. Au premier trimestre de cette année, des transferts et une assistance financière provisoire octroyés à temps par le budget fédéral ont fait passer les arriérés de salaires en suspens de ces travailleurs de 16.517 millions de roubles à 12.088 millions de roubles. Au même moment, plus de la moitié des régions ont honoré, par leurs propres ressources, le paiement des salaires en cours.

Le rapport de 1998 des services d'inspection du travail russes (Rostrudinspektsiya)

En 1998, les services d'inspection du travail russes (Rostrudinspektsiya) ont organisé des visites d'inspection en vue d'assurer la conformité avec la législation nationale, la protection de l'emploi et les droits des travailleurs.

Au terme de 264.000 inspections du travail, plus de 2 millions de violations flagrantes ont été mises à jour et éliminées, de même des centaines de milliers de travailleurs ont vu leurs droits restaurés. Le degré de difficulté pour assurer le respect des droits des travailleurs a été illustré par les statistiques du ministère russe de la Justice qui démontrent qu'en 1998 les tribunaux ont été saisis de plus de 1,4 million de conflits du travail, dont 97 pour cent ont été jugés fondés et résolus.

En 1998, les services d'inspection du travail ont réalisé plus de 45.000 visites d'inspections d'organisations, suite à l'ampleur des arriérés de salaires et ses répercussions sociales aiguës. Ces inspections ont révélé plus de 32.000 violations de la législation sur les salaires. Ainsi, plus de 35.000 ordonnances judiciaires ont été publiées, et les paiements de salaires aux travailleurs ont atteint la somme de 9 milliards de roubles comparés aux 7,7 milliards de 1997 et 6 milliards de 1996.

Une des quatre inspections a été opérée dans le secteur subventionné, à tous les niveaux. Suite aux demandes faites par l'inspection du travail et à la mise en œuvre d'autres mesures, les travailleurs de ces secteurs ont touché des arriérés de salaires dépassant 1,2 milliard de roubles.

Le service d'inspection a mené, conjointement avec le Bureau du procureur, l'inspection des impôts, la police des impôts, les agences de travail, le Trésor fédéral et le ministère russe des Finances, plus de 5.000 inspections au cours desquelles des mesures ont été adoptées pour freiner les violations de la législation sur les salaires par les employeurs, ainsi que le détournement des fonds alloués par le budget fédéral pour le paiement des salaires.

Ces mesures ont entraîné la liquidation d'arriérés de salaires dans les districts de Voronezh (61,4 millions de roubles), Kursk (85,8 millions de roubles) et Novosibirsk (93,2 millions de roubles), à Algarsk Krai (20,9 millions de roubles) et Krasnodarsk Krai
(81,8 millions de roubles), ainsi que dans les Républiques de Karelia (11,7 millions de roubles) et Buryatia (12,4 millions de roubles).

Les inspections ont révélé que plusieurs employeurs ont utilisé la rétention des salaires comme moyen de résoudre leurs problèmes financiers aux dépens du gouvernement et de leurs propres employés.

L'inspection du travail a verbalisé plus de 6.400 employeurs et dirigeants d'organisations pour un montant de 4,4 millions de roubles pour violations flagrantes de la législation sur les salaires et détournement de fonds alloués par le budget pour le paiement des salaires.

Les mesures préventives, ainsi que les sanctions juridiques éventuelles à l'encontre des personnes jugées coupables de violation de la législation sur les salaires, sont pratiquement inexistantes en Russie du fait que le Code pénal en vigueur ne prévoit pas de responsabilité pénale ou juridique pour ces violations.

Les arriérés de salaires, les bas salaires et le sous-emploi ont entraîné un net accroissement des emplois secondaires et informels. Les experts estiment qu'en 1998 environ 8 millions de travailleurs ont effectué des emplois secondaires dont 7,5 millions dans le secteur informel. Pour les travailleurs occupés dans le secteur informel, il s'agit de la seule source de revenu. Cela a entraîné un grand nombre de violations de la législation du travail. En outre, les salaires perçus dans le secteur informel ne contribuent pas au budget public ou au fonds social, ce qui a exacerbé la situation économique déjà difficile en Russie.

Les raisons fondamentales de la multiplication des violations des droits des travailleurs sont:

Ayant à l'esprit ce qui précède – et dans la perspective d'assurer la conformité avec la législation relative au travail, à la santé et la sécurité, tout en améliorant la protection des droits du travail des citoyens –, le gouvernement estime nécessaire d'entreprendre les actions suivantes:

  1. Accélérer le processus d'adoption de la législation relative au contrôle étatique et à la supervision de la conformité à la législation relative au travail et à la santé et la sécurité, dont la nécessité a été confirmée par le décret présidentiel no 850 du 5 mai 1994, ainsi que la loi fédérale no 109 F-Z du 18 juillet 1995.
  2. Examiner et adopter instamment le nouveau projet de Code du travail que le gouvernement a soumis à la Douma d'Etat.
  3. Prendre les mesures nécessaires pour assurer une administration efficace des entreprises financièrement contrôlées et autres entreprises d'Etat, ainsi qu'un contrôle financier sur leurs activités, tout en renforçant le pouvoir réglementaire de l'Etat dans les questions de paiement de salaires et la responsabilité des dirigeants d'entreprises d'Etat et d'entreprises municipales engageant l'Etat.
  4. Développer un système efficace de supervision d'activités économiques et financières et formuler des mesures pour créer un cadre juridique pour les activités des fonctionnaires d'Etat dans les organes de gestion des entreprises à fonds mixtes, tout en s'assurant de la responsabilité de ces derniers en cas de mauvaise gestion des intérêts de l'Etat.
  5. Prendre des mesures assurant que les propriétaires d'installations socialement importantes soient responsables de tout usage socialement nuisible de celles-ci (principe de la responsabilité du propriétaire)
  6. Obliger les autorités étatiques à tous les niveaux – lors de la formulation et de l'adoption d'accords généraux, sectoriels (en matière de salaires) et professionnels avec les syndicats aux niveaux (fédéral) et régional – à n'établir dans ces accords que des niveaux de salaires et d'avantages sociaux qui ne dépassent pas les moyens dont disposent les parties et qui n'entraînent pas une détérioration de la situation économique des organisations individuelles, des branches d'activités, ou du pays dans son ensemble.
  7. Fournir le financement nécessaire pour: i) le matériel et l'équipement indispensables pour mettre en œuvre des mesures de sécurité dans l'industrie; ii) la protection des travailleurs et la recherche nécessaire à cet effet; iii) l'institution et le développement des départements de sécurité et santé aux niveaux des organes exécutifs, des autorités locales et des organisations.
  8. Accélérer le processus anormalement lent de mise au point et d'adoption d'un Code de la fonction publique dont l'objectif est de systématiser et d'améliorer les dispositions relatives aux droits, obligations et responsabilités des fonctionnaires.
  9. Conformément aux obligations internationales découlant de la ratification par la Russie de la convention (no 81) sur l'inspection du travail, 1947, du Protocole de 1995, décider de toute urgence s'il y a lieu: i) de confirmer le statut de facto de l'inspection du travail (Rostrudendinspektsiya) en tant qu'autorité étatique spécialement responsable du contrôle, de la supervision, de l'agrément et d'autres fonctions relatives à la mise en œuvre de la législation du travail, de la santé et de la sécurité; ii) d'étendre la législation concernant le service public de manière à ce qu'elle couvre les employés de la Rostrudendinspektsiya.

Enfin, le gouvernement a annexé au rapport des informations fournies par le Service d'inspection de la Fédération de Russie, la Rostrudendinspektsiya, concernant des inspections effectuées en vue d'assurer la conformité avec la législation sur le paiement des salaires (au 1er avril 1999).

En outre, un représentant gouvernemental s'est référé à la question de la conformité de la législation sur les salaires et les arrérages sur les territoires de la Fédération de Russie. Il a déclaré que la situation sociale et économique prévalant dans la Fédération de Russie est toujours grave. Au cours du premier semestre de 1998, des efforts ont été entrepris pour stabiliser la situation eu égard à la devise et au marché boursier dans l'espoir de résoudre les sérieux problèmes du budget fédéral. En août et septembre 1998, une crise économique grave a sévi, ce qui a entraîné une forte dévaluation du rouble, une spirale inflationniste et une aggravation des conditions de vie. Depuis 1998, des mesures extraordinaires ont été adoptées pour contrecarrer les effets de la crise, mettre un terme aux conséquences sociales et économiques négatives et pour indemniser partiellement la population russe pour la perte de revenu. En mars et avril 1999, l'économie russe a commencé à montrer des signes de rétablissement. Le résultat le plus significatif de cette période a été la capacité du gouvernement russe de contenir la crise économique et d'éviter par exemple l'hyperinflation, le déficit commercial, une demande trop forte des consommateurs sur le marché des biens et services, un nouvel affaiblissement de la devise, une aggravation de la récession et une explosion sociale. L'orateur a noté que, à la suite de la crise d'août-septembre 1998, l'économie s'est adaptée en raison des mesures mises en œuvre pour équilibrer la balance des paiements, appuyer le secteur manufacturier, résoudre les problèmes sociaux les plus aigus et stabiliser le rouble. Toutefois, les conséquences de la crise n'ont pas été complètement enrayées. Il existe toujours de sérieuses difficultés au regard du budget, particulièrement des difficultés de remboursement de la dette extérieure. Au surplus, une crise économique dans le secteur manufacturier persiste. Le fait que l'économie dépende de facteurs extérieurs est aussi perceptible, des difficultés demeurent dans la résolution des questions concernant le remboursement et la liquidation de la dette extérieure. Dans le secteur social, la situation est loin d'être satisfaisante. Le revenu d'emploi de la population en 1999 est de moins de 75 pour cent par rapport à l'année précédente et le salaire brut d'approximativement 60 pour cent en 1998. Le salaire mensuel moyen per capita est de moins de 55 dollars E.-U. et la pension moyenne de moins de 20 dollars E.-U. Au cours du premier semestre de 1999, 55 millions (38 pour cent) de Russes ont reçu moins que le salaire minimum. La baisse générale des revenus a entraîné un changement dans les habitudes de consommation et d'épargne, avec approximativement 85 pour cent des revenus dépensés pour des besoins et services essentiels. Le marché du travail russe a souffert de façon significative à la suite des conséquences négatives de la crise, enregistrant une baisse graduelle dans la demande de main-d'œuvre. L'orateur a mentionné que le marché général de l'emploi a atteint un niveau inquiétant. Presque 9 millions de travailleurs (12,4 pour cent) faisant partie de la population active sont sans emploi (calculé selon les critères du BIT). Le nombre de travailleurs sans emploi enregistrés auprès des bureaux d'emploi équivaut à 1,9 million de travailleurs composant la population active (2,7 pour cent). Les organisations syndicales russes ont appuyé les préoccupations du gouvernement concernant la situation de l'emploi et des arrérages de salaires. Au cours de cette période difficile, le représentant gouvernemental a noté que tous les efforts ont été entrepris pour enrayer les effets de la crise sur la population russe, au niveau tant social qu'économique. Les salaires dans le secteur subventionné ont été augmentés d'une fois et demie, des indemnités ont été payées aux retraités et les pensions gouvernementales augmentées de 12 pour cent. Le gouvernement a mis en œuvre des mesures considérables pour liquider les arrérages de salaires, les pensions et indemnités; les salaires actuels dans le secteur des finances et les pensions ont été payés à temps. Les ressources existantes n'ont pasété suffisantes toutefois pour enrayer toutes les conséquences de la crise.

Le représentant gouvernemental a noté que la tâche la plus importante à laquelle doit s'attaquer le pouvoir exécutif est d'accroître l'efficacité des ressources allouées aux besoins sociaux. Dans un climat de crise économique, la politique sociale doit être développée en fonction de priorités et afin de résoudre graduellement les problèmes sociaux, en accord avec les obligations du gouvernement et les possibilités réelles de financement de ces obligations. L'adoption d'une série de mesures a été envisagée pour améliorer la forme et les méthodes de paiement des salaires, stabiliser et augmenter les conditions de vie de la population et le pouvoir d'achat des consommateurs. En particulier, les mesures visant à réformer en profondeur les modalités de paiement des salaires dans le secteur privé et à instituer les échelles de salaires recommandées sont élaborées dans le cadre d'accords entre organisations d'employeurs et organisations de travailleurs. Le paiement des salaires dans le secteur subventionné devrait être amélioré davantage comme suit: application d'une échelle de salaires unique dans le cadre d'un système obligatoire de paiement des salaires dans le secteur subventionné, à l'échelle fédérale et à l'échelle des territoires, et dans le cadre des systèmes municipaux d'éducation; maintien et élaboration d'un système unique de paiement, qui sera fonction des responsabilités et de la profession ainsi que de la complexité des tâches et des qualifications du travailleur; définition des principes d'échelle et de sous-échelle, et élaboration de principes en vue de la création d'un fonds budgétaire pour le paiement des salaires, à tous les niveaux qui relèvent du secteur subventionné.

Voilà la situation en ce qui concerne le paiement des salaires dans le secteur subventionné. Selon la Commission d'Etat des statistiques de la Fédération de Russie, le 1er mai 1999, le total des arriérés de salaires dus à une insuffisance du financement budgétaire à tous les niveaux et à une insuffisance des fonds émanant d'organisations s'élevait à 16.348 millions de roubles. De ce total, des arriérés équivalant à 12.088 millions de roubles étaient dus à une insuffisance du financement budgétaire à tous les niveaux. Par rapport aux indicateurs du mois précédent, on enregistrait une baisse du montant total des arriérés de salaires de 1.578 millions de roubles (8,8 pour cent). De ce total, des arriérés équivalant à 1.401 millions de roubles (10,4 pour cent) étaient dus à une insuffisance du financement budgétaire à tous les niveaux. L'insuffisance du financement budgétaire représentait 19,6 pour cent du budget fédéral et 80,4 pour cent des budgets territoriaux. Dans le secteur social, les arriérés attribuables à une insuffisance du financement issu du budget fédéral ont diminué dans 57 territoires et, en ce qui concerne le financement issu des budgets territoriaux, dans 68 régions. Le 1er mai 1999, des arriérés de salaires, qui ont été payés sur le budget fédéral, ont été liquidés dans plusieurs régions. Environ 46 pour cent du total des arriérés de salaires qui sont dus à une insuffisance du budget fédéral sont attribuables à Moscou (239 millions de roubles), au district de Moscou (152 millions de roubles) et à Saint-Pétersbourg (146 millions de roubles). Le 1er mai 1999, on enregistrait dans tous les territoires de la Fédération de Russie des arriérés de salaires dans les secteurs sociaux, arriérés qui résultaient d'une insuffisance des budgets territoriaux. Toutefois, les arriérés de salaires ont diminué dans 68 régions.

Le gouvernement fédéral a indiqué que des mesures sont prises pour garantir, en collaboration avec les autorités des territoires, le paiement des salaires et des arriérés de salaires en cours aux travailleurs des secteurs subventionnés. Pendant le premier trimestre de 1999, des virements effectués en temps voulu et une aide financière temporaire, tirés sur le budget fédéral, ont permis de faire passer de 16.517 millions de roubles à 12.088 millions de roubles les arriérés de salaires qui concernaient cette catégorie de travailleurs. Dans le même temps, plus de la moitié des régions ont été en mesure de payer les salaires avec leurs propres ressources. La Fédération de Russie a de nouveau exprimé son intention de régler 50 pour cent des arriérés de salaires provenant du budget fédéral et a indiqué que les autres 50 pour cent seraient réglés sur les budgets des gouvernements locaux.

Le représentant gouvernemental a indiqué que l'inspection du travail, en collaboration avec le bureau du procureur, l'administration fiscale et l'inspection des taxes, effectue des enquêtes à grande échelle afin de garantir le respect de la législation concernant les salaires et le paiement des sommes prévues à cet effet pour le règlement des salaires. Depuis le 1er janvier jusqu'au 1er avril 1999, l'inspection du travail a effectué plus de 11.000 inspections afin de garantir le respect de la législation concernant les salaires. Ces inspections ont révélé plus de 7.000 cas de violations de cette législation. Suite à des enquêtes effectuées par le département administratif de certaines entreprises, plus de 8.000 injonctions ont été émises afin de stopper lesdites violations. Suite aux demandes formulées par l'inspection du travail, les travailleurs ont reçu le paiement de leurs arriérés de salaires, équivalant à 2,2 milliards de roubles. Les inspecteurs gouvernementaux, conjointement avec les organisations syndicales sectorielles, ont contribué aussi à la réalisation d'inspections spontanées en vue d'assurer le respect de la législation en matière de salaires. Les employeurs qui ont été jugés coupables de violations flagrantes de la législation sur les salaires et de mauvaise utilisation des ressources budgétaires ont dû rendre des comptes à l'inspection du travail. Ainsi, du 1er janvier au 1er avril 1999, l'inspection du travail a imposé des amendes totalisant 1.246.000 roubles à 1.489 employeurs, y compris 178 employeurs dans le secteur des finances et du budget.

Le représentant gouvernemental a déclaré que la Douma a adopté, le 17 février 1999, un amendement au Code pénal de la Fédération de Russie. L'article 145 du Code pénal du 17 février 1999 relatif au non-paiement des salaires, pensions, bourses, allocations et autres bénéfices, entré en vigueur le 15 mars 1999, dispose que:

1) Le propriétaire de toute entreprise, fondation ou organisation, peu importe la forme de propriété, qui retient le paiement de salaires, pensions, allocations ou autres bénéfices en vue de son enrichissement ou dans un intérêt personnel sur une période excédant deux mois, pourra se voir imposer une amende de 100 à 200 fois le salaire minimum ou toute autre forme de paiement de salaire pour une période de un à deux mois, ou se voir interdire la nomination à toute position ou toute responsabilité particulière pour une période pouvant aller jusqu'à cinq ans, ou l'emprisonnement pour une période maximum de deux ans.

2) Pour les mêmes activités, impliquant des conséquences graves, la personne coupable devra se voir imposer une amende de 300 à 700 fois le salaire minimum ou toute autre forme de paiement de salaire pour une période de trois à sept mois, ou se voir interdire la nomination à toute position ou toute responsabilité particulière pour une période minimale de trois ans jusqu'à une période pouvant être indéterminée.

Le représentant gouvernemental a conclu en déclarant que la Fédération de Russie comprenait pleinement l'importance de la convention et prenait les mesures nécessaires en vue d'assurer son respect.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour l'information transmise. Ils ont rappelé que ce cas avait été discuté en 1995 et 1998. En raison d'une réclamation présentée au regard de l'article 24 de la Constitution, ce cas n'a pas été discuté en 1997. Ils ont noté que le gouvernement n'a pas fourni le rapport détaillé requis par la commission d'experts dans son rapport précédent ni les informations complémentaires formulées dans les conclusions de la commission. Les informations écrites fournies par le gouvernement sont fragmentaires et ne permettent pas d'avoir une vue d'ensemble de la situation réelle qui prévaut. Tout en observant que le gouvernement annonce différentes mesures et lois, les membres travailleurs ont regretté que cette information soit fournie si tardivement puisqu'elle ne peut dès lors être soumise à un examen approfondi et une analyse détaillée. Les membres travailleurs ont rappelé que des informations détaillées avaient été demandées sur toute mesure prise et sur les résultats obtenus; ces informations devaient inclure des données statistiques ainsi que le calendrier fixé pour le règlement des arriérés. De plus, le gouvernement n'a pas répondu à la demande d'information sur l'application d'autres dispositions de la convention comme l'article 4 sur le paiement en nature, les privilèges des salariés en cas de faillite, les sanctions, etc. Enfin, le gouvernement n'a pas répondu aux observations formulées par les organisations syndicales russes. Les membres travailleurs ont considéré que le manque de réponse est contraire aux déclarations faite l'année dernière par le représentant gouvernemental qui avait souligné la volonté de son pays de coopérer de manière constructive avec les organes de contrôle de l'OIT. Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que les travailleurs russes, aussi bien dans les secteurs privés que publics, sont confrontés à des problèmes majeurs concernant les arriérés de salaires. Bien que les organes de contrôle de l'OIT aient formulé des conclusions à cet égard à plusieurs reprises, le problème est loin d'être résolu. Les membres travailleurs se sont dits très préoccupés par la situation dans laquelle se trouvent des millions de travailleurs et leurs familles en Russie. Selon les informations fournies par les différents syndicats russes et par le gouvernement, l'année dernière, le montant total des arriérés s'élève à des dizaines de milliards de roubles. Des informations complémentaires ont été reçues des syndicats russes. Par exemple, en janvier 1999, les enseignants ont fait grève dans 6.218 écoles et institutions scientifiques. Plus de 200.000 hommes et femmes ont été mobilisés à cette occasion. Il semble que le montant dû aux travailleurs concernés était estimé à 665 millions de dollars E.-U. S'ajoutaient des arriérés de 243 millions de dollars E.-U. de contributions aux fonds de pension et à la sécurité sociale. A la suite de ces mesures revendicatives, le gouvernement a répété ses promesses. Les membres travailleurs ont rappelé que des actions importantes ont été aussi entreprises par les travailleurs œuvrant dans le domaine des mines et de l'industrie ainsi que dans le secteur social et les chemins de fer. Les membres travailleurs, tout comme la commission d'experts, ont considéré que la situation semble s'aggraver plutôt que de s'améliorer. Tout en prenant note de l'information fournie par le représentant gouvernemental, les membres travailleurs ont insisté sur l'importance d'analyser les statistiques qui ont été présentées de manière à vérifier précisément l'état de la situation. Toutefois, à priori, il semblerait que les montants mentionnés ne soient pas très élevés si on les compare au chiffre total de dettes estimé à des dizaines de milliards de roubles. Les membres travailleurs ont aussi noté que les 75 projets de lois fédérales portant sur le paiement des salaires n'ont pas encore été adoptés par le Parlement. Ils ont insisté sur le fait que l'ensemble des autorités russes, à la fois aux niveaux fédéral et régional, prennent des mesures et actions décisives et opérationnelles à cet égard. De plus, les engagements pris doivent être honorés.

Les membres travailleurs ont rappelé que les conclusions précédentes de la commission étaient très sévères et ils ont insisté sur l'importance que soient formulées des conclusions aussi précises et opérationnelles que possible. Ils ont dès lors demandé que le gouvernement s'engage véritablement à mettre fin aux violations importantes de la convention et que les mesures soient prises pour que soient payés les salaires dans les délais ainsi que les arriérés dus, et ce, à la fois dans les entreprises privées et publiques et dans les secteurs de service comme les soins de santé et de l'enseignement, et dans les administrations. Les membres travailleurs ont insisté pour que le gouvernement mette effectivement en œuvre les recommandations du comité tripartite adoptées par le Conseil d'administration à la suite de la réclamation présentée au regard de l'article 24 de la Constitution de l'OIT. Les membres travailleurs ont demandé que le gouvernement fournisse au BIT, et ce dans les délais, des informations détaillées sur les contrôles, sanctions, règlements des arriérés, législation et mesures prises pour prévenir le détournement des fonds réservés pour le paiement des salaires. Il faut que le gouvernement précise les résultats obtenus et les mesures concrètes et spécifiques prises à cet égard. Les membres travailleurs ont également demandé que le gouvernement fournisse des informations détaillées sur les autres dispositions de la convention tels l'interdiction du paiement sous forme de billets à ordre ou de coupons, les paiements en nature, etc. Les membres travailleurs ont terminé en insistant sur le fait que les organes de contrôle doivent, dans ce cas, suivre les développements de près. La commission doit être en mesure de revenir sur ce cas dans une session prochaine s'il n'y a pas de progrès noté entre-temps.

Les membres employeurs ont noté que ce cas était traité par les organes de contrôle de l'OIT depuis 1995, y compris par le Conseil d'administration en novembre 1997, qui ont formulé les recommandations appropriées. Ces organes ont examiné le problème de la rémunération des travailleurs en prenant en considération les difficultés économiques que rencontre le pays actuellement. Malgré les indications données par le représentant gouvernemental, concernant les efforts de son gouvernement pour résoudre le problème, ils notent qu'il n'est fait aucune référence à l'adoption des décrets présidentiels et arrêtés mentionnés l'année dernière devant la commission. Pour cette raison, ils se demandent s'il n'y a pas eu un léger recul dans les efforts du gouvernement pour assurer le paiement des arriérés pendant cette dernière année. Les divergences entre les informations communiquées par écrit et la déclaration du représentant gouvernemental devant la commission mettent en exergue la nécessité, pour le gouvernement, de fournir les informations en temps utile, afin de permettre une appréciation complète de l'affaire par la commission d'experts. En outre, ils notent qu'il n'y a toujours pas d'informations définitives concernant le nombre de travailleurs affectés par les arriérés de paiement des salaires et qu'aucune référence n'est faite à un calendrier pour ce paiement. Les membres employeurs soulignent qu'il s'agit d'une affaire extrêmement grave, car rien n'est plus fondamental que le paiement du salaire aux travailleurs, qui se chiffre ici en milliards, voire en trillions de roubles. Les employeurs sont d'avis que l'attention du gouvernement devrait se porter sur son système d'inspection, les sanctions pour non-paiement et la nécessité de réparer le préjudice subi par les travailleurs du fait du non-paiement de leur salaire. Toutefois, le représentant gouvernemental semble traiter le problème seulement comme une affaire de déficits budgétaires. Cela indique qu'il y a toujours concentration du paiement des travailleurs par le secteur public, et que le problème réside en partie dans le fait que la transition vers une économie de marché n'est pas assez rapide. A cet égard, les membres employeurs ont déclaré que des informations suffisamment claires n'ont pas été fournies sur les parts de déficit imputables respectivement au secteur public et au secteur privé ni sur le montant exact de roubles en cause. Ils soulignent que ce qui est nécessaire est une administration du travail et un système judiciaire efficaces, de sorte que les travailleurs disposent de recours appropriés, tant auprès de l'administration du travail qu'auprès des tribunaux.

Les membres employeurs ont noté que les informations communiquées par écrit font référence à 250.000 visites d'inspection, dont seulement 5.000 relatives aux salaires. Cependant, le représentant gouvernemental déclare devant la commission qu'il y a eu 11.000 visites d'inspection concernant le paiement des salaires, au lieu de 5.000. Cela illustre une fois de plus la nécessité de communiquer les informations suffisamment tôt pour que la commission puisse avoir une meilleure appréciation du problème. Tandis que les informations susmentionnées indiquent que 6.400 employeurs ont fait l'objet d'une amende, aucune information n'est donnée sur leur responsabilité financière quant au montant des salaires impayés, et il apparaît qu'une amende relativement légère leur ait été infligée. La loi adoptée le 15 mars 1999 prévoyait des amendes relativement agressives, mais à cet égard l'approche du gouvernement est inappropriée. Il aurait été préférable que ces fonds soient directement affectés aux travailleurs impayés, au lieu d'être versés au gouvernement. Les membres employeurs ont estimé qu'il reste beaucoup à faire, en particulier que le gouvernement fournisse les informations additionnelles demandées dans le rapport de la commission d'experts relativement à l'interdiction de paiements au moyen de billets à ordre ou de coupons, de paiements en nature ou par le traitement des salaires en tant que créances privilégiées en cas de faillite. Ils ont accepté les déclarations du gouvernement telles que figurant dans sa communication écrite: «le temps se prête... à l'introduction d'un nouveau Code du travail optimisant la législation du travail». Considérant le fait que le gouvernement a besoin des connaissances techniques nécessaires pour traiter ces problèmes dans le nouveau Code du travail, ils proposent que l'assistance technique de l'OIT soit fournie, tant pour l'élaboration d'une législation relative aux salaires que pour sa mise en œuvre effective. Ils se sont dits en accord avec les membres travailleurs sur le fait que la plupart des commentaires de la commission en 1998 sont toujours valables cette année. Le besoin pour le gouvernement de fournir des informations supplémentaires est clair, tant pour cette commission que pour permettre au gouvernement lui-même de trouver une solution au problème. Aucune preuve claire n'est également donnée pour permettre de conclure que des démarches concrètes aient été entreprises par le gouvernement. Les membres employeurs ont conclu leur déclaration en exprimant leur accord avec la déclaration des membres travailleurs aux termes de laquelle le gouvernement doit appliquer complètement les recommandations de la commission et du Conseil d'administration.

Le membre travailleur de la Fédération de Russie a entièrement partagé les conclusions faites par les membres travailleurs. Il admet qu'il y a eu récemment une légère diminution dans les arriérés de salaires. Il note qu'entre novembre 1998 et avril 1999 les arriérés de salaires ont décru de 28 pour cent. En outre, de nouvelles normes ont été introduites dans le Code pénal afin d'imposer des sanctions en cas de non-paiement. Cependant, il a fait observer que le rapport du gouvernement ne tient pas compte de toutes les implications qu'ont les problèmes d'arriérés de salaires en Russie. A cet égard, il a souligné que les problèmes des arriérés de salaires ne sont pas seulement liés à des problèmes budgétaires puisque les arriérés dans le secteur public représentent seulement 25 pour cent du total des arriérés de salaires. En effet, les 75 pour cent restants sont imputables au secteur privé. Le gouvernement est dès lors tenu de faire rapport sur les arriérés de salaires dans leur ensemble, y compris ceux du secteur privé, et non seulement du secteur public. Il souligne que le problème des arriérés de salaires n'est pas lié uniquement à la crise financière d'août 1998. A son avis, la crise a amélioré les possibilités pour les employeurs de payer les salaires, du fait de la dévaluation considérable du rouble. Concernant les 11.000 visites d'inspection effectuées, il mentionne que ce chiffre est insignifiant par rapport aux quelque 500.000 violations qui ont été commises en Russie. Il considère également que l'élimination du problème des arriérés ne tient compte que du montant nominal des arriérés et non de la baisse réelle du pouvoir d'achat que subit le peuple russe, suite à la dévaluation du rouble. A cet égard, il considère que le montant des arriérés de salaires devrait être indexé. Il critique également le fait que les informations fournies par le gouvernement à la commission n'aient pas été soumises simultanément aux travailleurs, qui ne les ont reçues que ce matin. En conclusion, il admet que les discussions sur la violation de la convention ont permis de progresser vers une solution du problème. Tout en notant les éléments positifs, il insiste sur le fait que l'OIT devrait continuer à contrôler la mise en œuvre des recommandations de la commission d'experts en soutenant l'idée d'accroître l'assistance technique en vue d'une meilleure solution. Il souligne une fois de plus que le gouvernement doit fournir plus d'informations sur l'ensemble de l'économie et non seulement sur le secteur public. A cet égard, il mentionne que, si cela n'était pas fait d'ici à novembre prochain, l'on devrait envisager de consacrer un paragraphe spécial à ce cas. Enfin, il a fait référence à plusieurs grèves importantes qui ont eu lieu en avril 1999 pour protester contre le non-paiement des salaires.

Le membre travailleur de la Norvège, parlant au nom de tous les pays nordiques, a exprimé son soutien total aux déclarations des membres travailleurs ainsi qu'à celle du membre travailleur de la Fédération de Russie. Elle a exprimé sa solidarité avec les travailleurs russes et la Fédération des syndicats indépendants de Russie dans leur lutte pour le respect du droit fondamental de tous les travailleurs d'être rémunérés pour leur travail. Elle a regretté que les travailleurs russes aient souffert de baisses de salaires, de la détérioration de leur niveau de vie, de l'augmentation du chômage, de retards dans le paiement de leur salaire, et de considérables arriérés de salaires. La situation en Russie, suite à la crise économique d'août 1998 et à la dévaluation du rouble qui s'en est suivie, est d'une extrême gravité, et rien ne laisse supposer que le gouvernement ait été capable d'élaborer des solutions au problème. L'oratrice s'est référée au rapport de la commission d'experts sur les violations de la convention en tant que preuve supplémentaire de l'incapacité apparente du gouvernement de résoudre la situation. Il y a un besoin urgent pour le gouvernement de prendre des mesures spécifiques pour assurer que les salaires soient payés à temps. Elle s'est interrogée sur le fait de savoir si le nombre de visites d'inspection était suffisant, et les sanctions pour non-paiement des salaires suffisamment efficaces pour empêcher de futures violations de la convention. Malheureusement, le gouvernement n'a pas fourni les informations demandées par la commission et, en fait, les nouvelles informations présentées par le représentant gouvernemental n'ont fait que renforcer ses doutes quant à la capacité du gouvernement de résoudre le problème. En outre, notant le fait que le gouvernement n'a pas répondu aux commentaires formulés sur le paiement des salaires en billets à ordre ou en nature, au lieu du paiement en espèces, elle insiste sur l'importance de cette question. Elle a également exprimé son inquiétude quant au manque d'informations fournies par le gouvernement sur les mesures spécifiques prises pour empêcher les gestionnaires des fonds destinés au paiement des salaires de détourner ces fonds à d'autres fins, telles que la spéculation financière. Le gouvernement aurait également dû répondre aux commentaires faits par les organisations de travailleurs en août et octobre 1998 concernant l'application de l'article 12 de la convention. L'oratrice a considéré comme particulièrement grave que les secteurs de l'éducation et de la santé du pays soient affectés, soulignant que, en ne payant pas les enseignants et les travailleurs du secteur de la santé, la Russie met en danger sa propre croissance future. Elle a terminé en insistant sur le fait que les travailleurs ne peuvent attendre plus longtemps et que les salaires doivent être payés maintenant. C'est pourquoi elle a assuré le mouvement syndical russe de son soutien.

Le membre travailleur de la Croatie a noté que la déclaration du représentant gouvernemental n'était qu'une promesse générale de mettre en œuvre la convention. Selon elle, les travailleurs et leurs familles ne peuvent payer leurs dépenses avec des promesses. Les travailleurs russes ont besoin de salaires versés en espèces, non en nature, afin de leur permettre de payer leurs dépenses de base telles que l'essence, l'électricité, les médicaments et les manuels scolaires pour les enfants. Elle s'est dite préoccupée de la situation des travailleurs russes dans ces temps difficiles.

Le membre travailleur de l'Espagne a souligné que la convention est un instrument essentiel et que son non-respect par la Fédération de Russie a des proportions scandaleuses. Il se dit gravement préoccupé par les cas de malversations de fonds et de détournement à des fins illicites des salaires des travailleurs mentionnés par la commission d'experts. Dans l'immense majorité des pays, ces agissements constituent des délits dont les auteurs sont poursuivis d'office. Il demande au représentant gouvernemental si c'est le cas dans son pays et, dans l'affirmative, d'indiquer le nombre d'entrepreneurs qui sont poursuivis pour des délits de ce type.

Le membre travailleur de l'Afrique du Sud a d'abord dit qu'il partage les déclarations des membres travailleurs et celles du membre travailleur de la Fédération de Russie. Il a également pris note de la réponse du représentant gouvernemental. Bien qu'il ait été fait mention des signes d'une amélioration, il demeure préoccupé par la situation. En particulier, il s'est demandé si la nouvelle législation, qui prévoit des sanctions en cas de non-paiement des arriérés de salaires, est efficace. Il a fait observer que la législation fiscale en vigueur donne priorité au paiement des impôts sur celui des salaires, et que le non-paiement des arriérés de salaires n'entraîne pas une saisie des biens de l'employeur. Il a mis l'accent sur la gravité des problèmes sociaux que connaissent les travailleurs en raison du non-paiement de leurs salaires, en particulier sur les grandes difficultés qu'ils ont pour subvenir aux frais de santé et d'éducation. Par ailleurs, la situation actuelle constitue un motif de profonde préoccupation en ce qui concerne l'attitude à adopter vis-à-vis des produits venant de la Fédération de Russie. En particulier, il s'est demandé s'il est opportun de continuer à avoir des échanges commerciaux avec la Fédération de Russie alors que les travailleurs qui produisent ces biens ne sont pas payés. Il a exhorté instamment le gouvernement à prendre les mesures que recommande la commission d'experts et à faire connaître les mesures spécifiques prises pour remédier à la situation actuelle.

Le membre travailleur de l'Inde a estimé que la réponse du gouvernement est inappropriée et qu'elle n'est qu'une promesse faite à la commission. Les mesures prises par le gouvernement ne démontrent pas qu'il est résolu à respecter les dispositions de la convention. L'orateur a fait ensuite mention d'un rapport du PNUD dont il ressort que l'espérance de vie des Russes a diminué au cours des dernières années. De plus, il s'est référé à un bulletin d'information émanant de syndicats indépendants qui montre clairement que la situation de l'emploi s'est détériorée en Russie. Selon ce document, alors que le gouvernement affirme que les conditions de travail s'améliorent, les institutions internationales affirment le contraire. Légiférer ne suffit pas. Sur la base des nouvelles dispositions du Code pénal, combien d'employeurs ont été sanctionnés à ce jour? De plus, il a déploré que le gouvernement n'ait pas consulté les organisations syndicales et a réitéré que le dialogue avec les partenaires sociaux est essentiel. Enfin, il a estimé qu'il est urgent d'appliquer pleinement la convention.

Le représentant gouvernemental a remercié les orateurs et indiqué qu'il partage leurs préoccupations. Il informera la commission des faits nouveaux en ce qui concerne la question à l'examen et transmettra à son gouvernement ce qui est ressorti du débat, en particulier la nécessité de s'acquitter des obligations de la convention afin de l'appliquer pleinement. Son gouvernement s'efforcera dans un proche avenir de communiquer les informations demandées, notamment l'évolution de la situation relative au paiement des salaires. Il fait bon accueil aux programmes spéciaux avec l'OIT et assure que son gouvernement mettra tout en œuvre pour résoudre ce grave problème.

Les membres employeurs ont fait observer que la situation actuelle en Russie est extrêmement grave. Ils ont estimé que le gouvernement ne s'occupe de la question du paiement des salaires que d'une manière limitée. A son sens, le système russe d'inspection du travail ne traite qu'un pour cent des cas de non-paiement, et il est remédié à une proportion encore plus faible de cas de ce type. A propos des observations des membres travailleurs sur les arriérés de salaires en Russie, ils ont souligné qu'il est nécessaire de prendre des mesures dans les délais les plus brefs, en particulier parce que les sommes dues au titre des salaires perdent de leur valeur réelle. Ils ont pris note de l'engagement du gouvernement à prendre les mesures nécessaires. Le gouvernement devrait, premièrement, fournir à la commission d'experts les informations concrètes dont elle a besoin pour évaluer la situation; deuxièmement, mettre en œuvre la convention de manière énergique en prévoyant une législation et des inspections du travail adéquates, ainsi que des sanctions appropriées en cas de non-respect; troisièmement, le gouvernement devrait établir un calendrier pour le paiement des salaires. Enfin, il devrait recourir à l'assistance technique que l'OIT pourra fournir afin de résoudre pleinement tous les aspects de la situation en question.

La commission a noté les informations orales et écrites fournies par le représentant gouvernemental ainsi que la discussion qui a suivi. Elle a également noté les informations additionnelles concernant le paiement des arriérés de salaires ainsi que les résultats des inspections du travail qui ont été effectuées. La commission a noté avec une grave préoccupation qu'aucun rapport détaillé contenant des données statistiques ainsi que l'information requise par la commission d'experts, le Conseil d'administration et la commission en 1998 n'a été soumis. Elle a noté également avec regret que le gouvernement n'a fourni aucun élément de réponse aux commen-
taires formulés par les différentes organisations de travailleurs. La commission a insisté sur le fait que, sans l'information et les données statistiques demandées, il serait très difficile pour la commission d'experts d'évaluer les progrès accomplis par le gouvernement concernant le règlement des arriérés de salaires dans le cadre du respect des dispositions de la convention. La commission a noté que le gouvernement a entamé la procédure d'examen d'un nouveau code du travail soumis à la Douma. Elle a noté également l'entrée en vigueur, en date du 15 mars 1999, d'une nouvelle loi établissant un système d'amendes. La commission a prié instamment le gouvernement de fournir à la commission d'experts copie de cette nouvelle législation. Elle a insisté de nouveau sur l'importance qu'elle attache à la convention, établissant des droits et principes fondamentaux affectant le quotidien des travailleurs et de leurs familles. La commission a continué d'estimer que la situation concernant le paiement des arriérés de salaires est extrêmement grave et entraîne des conséquences sociales graves. La commission a prié instamment le gouvernement de mettre en œuvre toutes les recommandations du comité établi par le Conseil d'administration aux termes de l'article 24 de la Constitution de l'OIT et qui ont été adoptées par le Conseil d'administration en novembre 1997. Elle a prié également instamment le gouvernement de fournir à la commission d'experts un rapport détaillé concernant les données statistiques et l'information précédemment requise, y compris des informations sur les mesures concrètes et spécifiques prises afin de mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec les dispositions de la convention. A cet égard, la commission a voulu croire que le gouvernement continuera à bénéficier de l'assistance technique offerte par l'OIT et que, en consultation avec les partenaires sociaux, il continuera d'adopter des mesures afin de garantir que tous les obstacles, tant législatifs que pratiques, à un rapide règlement des arriérés de salaires et à la pleine application de la convention soient levés.


Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.