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87e session |
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Rapport III (Partie 1B) |
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Etude d'ensemble sur les travailleurs migrants |
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Champ d'application des instruments
83. Les deux conventions et les deux recommandations qui font l'objet de la présente étude visent toutes à protéger les travailleurs contre la discrimination et l'exploitation lorsqu'ils sont employés dans des pays autres que le leur. Les termes utilisés dans les titres et les textes de ces instruments, tels qu'ils ont été explicités au cours des travaux préparatoires à leur adoption, puis par la commission au cours du processus de contrôle, définissent la portée des éléments essentiels de ces instruments.
Section I. Résumé des instruments
A. Contenu des instruments de 1949
1. Convention (n ° 97) sur les travailleurs migrants (révisée), 1949
84. Cette convention est née des bouleversements de l'Europe de l'après-guerre et du désir de faciliter le déplacement des excédents de main-d'œuvre de ce continent vers d'autres parties du monde. Elle est composée de 12 articles opérationnels et de trois annexes.
85. Aux termes de l'article 11, paragraphe 1, de la convention, l'expression «travailleur migrant» désigne une personne qui émigre ou a émigré d'un pays vers un autre pays en vue d'y occuper un emploi autrement que pour son propre compte. Sont exclus du champ d'application de la convention no 97: les travailleurs frontaliers, les artistes ou les personnes exerçant une profession libérale pour une courte période et les gens de mer (art. 11, paragr. 2).
a) Mesures visant à réglementer les conditions dans lesquelle
les migrations aux fins d'emploi doivent avoir lieu
86. Aux termes de l'article 1, tout Etat Membre qui ratifie la convention no 97 s'engage à mettre à la disposition du BIT et de tout autre Etat concerné des informations sur sa politique et sa législation nationales relatives à l'émigration et à l'immigration; sur les dispositions particulières concernant les mouvements des travailleurs migrants et leurs conditions de travail et de vie; et sur les accords généraux et les arrangements particuliers conclus en la matière. Cet échange d'informations doit être complété par une coopération entre service de l'emploi et tout autre service s'occupant des migrations (art. 7); et, si cela s'avère utile, par une coopération en matière de lutte contre la propagande trompeuse (art. 3, paragr. 2). Enfin, l'article 10 invite les Etats Membres concernés à conclure des accords pour régler les questions d'intérêt commun éventuellement posées par l'application de la convention.
b) Dispositions générales de protection
87. Tout Etat Membre ayant ratifié la convention s'oblige à prévoir le maintien d'un service gratuit d'information et d'aide aux migrants (art. 2); à lutter contre la propagande trompeuse en matière d'émigration et d'immigration (art. 3, paragr. 1); à prendre des mesures destinées à faciliter le départ, le voyage et l'accueil des travailleurs migrants (art. 4); à prévoir des services médicaux appropriés (art. 5); ainsi qu'à prévoir la faculté pour les travailleurs migrants de transférer leurs gains et économies (art. 9). La convention interdit également l'expulsion des travailleurs migrants admis à titre permanent en cas d'incapacité de travail (art. 8).
c) Mesures visant à assurer aux travailleurs migrants
en situation régulière l'égalité de traitement
dans un certain nombre de domaines
88. L'article 6 interdit les inégalités de traitement entre les travailleurs migrants et les travailleurs nationaux qui pourraient résulter de la législation et de la pratique des autorités administratives dans quatre domaines, à savoir les conditions de vie et de travail, la sécurité sociale, les impôts liés au travail et l'accès à la justice.
d) Annexes
89. Aux termes de l'article 14, tout Etat Membre qui ratifie la présente convention peut exclure de sa ratification les trois annexes ou l'une d'entre elles par une déclaration expresse. En l'absence d'une déclaration d'exclusion, les dispositions des annexes déploient les mêmes effets que celles de la convention. Les deux premières annexes traitent des migrations aux fins d'emploi organisées, alors que la troisième, de portée plus générale, s'applique aux migrations aux fins d'emploi, qu'elles soient organisées ou spontanées.
i) Annexe I
90. L'annexe I, qui se compose de huit articles, traite du recrutement, du placement et des conditions de travail des travailleurs migrants qui ne sont pas recrutés en vertu d'arrangements relatifs à des migrations collectives intervenus sous contrôle gouvernemental.
ii) Annexe II
91. L'annexe II, qui se compose de 13 articles, vise le recrutement, le placement et les conditions de travail des travailleurs migrants recrutés en vertu d'arrangements relatifs à des migrations collectives intervenus sous contrôle gouvernemental.
iii) Annexe III
92. L'annexe III, qui se compose de deux articles, réglemente
l'importation des effets personnels, des outils et de l'équipement des
travailleurs migrants.
93. Cette recommandation, qui est divisée en huit parties (qui comprennent 21 paragraphes), préconise une série de mesures destinées à compléter les dispositions de la convention no 97, notamment en ce qui concerne l'information et l'aide aux migrants (partie III); le recrutement et la sélection (partie IV); l'égalité de traitement en matière d'accès à l'emploi et la surveillance des conditions d'emploi (partie V). Elle contient également des dispositions visant à protéger les travailleurs migrants contre l'expulsion pour des motifs fondés sur l'insuffisance de leurs ressources ou sur la situation du marché de l'emploi (partie VI). En annexe à la recommandation figure en outre un accord type précisant les méthodes d'application des principes posés par la convention no 97 et la recommandation no 86 - destiné à servir de modèle aux Etats lors de la conclusion d'accords bilatéraux.
B. Contenu des instruments de 1975
1. Convention (n ° 143) sur les travailleurs
migrants
(dispositions complémentaires), 1975
94. Lorsque la Conférence a adopté cette convention, en 1975, le contexte international, aussi bien économique que social, avait profondément changé depuis l'adoption des instruments de 1949. Il ne s'agissait plus désormais de faciliter le déplacement des excédents de main-d'œuvre vers d'autres parties du monde, mais de maîtriser les flux migratoires, et donc de mettre l'accent sur l'élimination des migrations illégales et de lutter contre les activités des organisateurs de mouvements de migrations clandestines et de leurs complices.
95. La convention no 143 se compose de trois parties: la partie I (art. 1-9) constitue la première tentative de la communauté internationale pour aborder les problèmes relatifs aux migrations clandestines et à l'emploi illégal des migrants qui étaient devenus particulièrement aigus au début des années soixante-dix. Les dispositions de la partie II (art. 10-14) élargissent considérablement le champ de l'égalité entre travailleurs migrants en situation régulière et travailleurs nationaux, notamment en l'étendant à l'égalité de chances. Enfin, la partie III (art. 15-24) comprend les dispositions finales usuelles, notamment l'article 16, aux termes duquel tout Etat Membre qui ratifie la convention peut, lors de la ratification, exclure de son acceptation l'une ou l'autre des deux premières parties.
a) Partie I
96. L'article 1 énonce l'obligation générale de respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants. Il s'agit là d'affirmer, sans mettre en cause le droit des Etats de réglementer les flux migratoires, le droit des travailleurs migrants d'être protégés, qu'ils soient entrés dans le pays d'emploi régulièrement ou non, avec ou sans papiers officiels. La lutte contre l'immigration clandestine requiert de la part des Etats Membres concernés l'adoption d'un certain nombre de mesures pour déterminer systématiquement s'il existe des migrants illégalement employés sur son territoire et s'il existe, en provenance ou à destination de leur territoire ou en transit par celui-ci, des migrations aux fins d'emploi dans lesquelles les migrants sont soumis au cours de leur voyage, à leur arrivée ou durant leur séjour et leur emploi à des conditions contrevenant aux instruments ou accords internationaux, multilatéraux ou bilatéraux, pertinents ou à la législation nationale (art. 2). Parallèlement, l'Etat Membre doit, si nécessaire en collaboration avec d'autres Etats Membres concernés, supprimer les migrations clandestines ou illicites et l'emploi illégal de migrants et punir les organisateurs de migrations clandestines et les utilisateurs de travailleurs ayant émigré dans des conditions illégales, le but de ces mesures étant de prévenir et éliminer les abus (art. 3).
97. Au plan national, la convention prévoit l'adoption et l'application de sanctions à l'encontre des personnes qui encouragent sciemment l'immigration clandestine ou illégale; des personnes qui emploient illégalement des travailleurs migrants (l'employeur faisant l'objet de poursuites sous ce motif devant avoir le droit d'apporter la preuve de sa bonne foi); ainsi que des organisateurs de migrations clandestines ou illégales (art. 6). Au plan international, des contacts et échanges systématiques d'informations sur ces questions doivent avoir lieu entre Etats Membres concernés (art. 4). L'un des objectifs de cette coopération est de pouvoir poursuivre les auteurs de trafic de main-d'œuvre, quel que soit le pays d'où ils exercent leurs activités (art. 5). Les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs doivent être consultées à propos de la législation et des autres mesures prévues pour prévenir et éliminer les migrations dans des conditions abusives, et la possibilité de prendre des initiatives à cet effet doit leur être reconnue (art. 7). La partie I de la convention contient également certaines mesures de protection en faveur des travailleurs migrants ayant perdu leur emploi (art. 8) ainsi qu'en faveur de ceux qui se trouvent en situation irrégulière (art. 9).
b) Partie II
98. Alors que les dispositions des instruments de 1949 visent à proscrire les inégalités de traitement qui résultent principalement de l'action des pouvoirs publics, la partie II de la convention no 143 vise la promotion de l'égalité de chances et de traitement et l'élimination des discriminations dans la pratique. La Conférence a estimé que l'élimination de la législation ou de la pratique nationales des dispositions ou des mesures discriminatoires n'est pas suffisante, dans la mesure où les migrants sont, plus que d'autres, victimes de préjugés et d'attitudes discriminatoires en matière d'emploi. C'est la raison pour laquelle les instruments de 1975 vont au-delà et s'inspirent des dispositions de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. Ils s'en distinguent néanmoins sur deux points: premièrement, la politique nationale doit non seulement promouvoir mais également garantir l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession aux travailleurs migrants résidant légalement sur le territoire de l'Etat d'emploi et aux membres de leur famille; deuxièmement, cette égalité de chances et de traitement s'étend également à la sécurité sociale, aux droits syndicaux et culturels, et aux libertés individuelles et collectives (art. 10). Tout en réservant aux Etats la latitude d'agir par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, la convention définit toute une série de mesures à cet effet (art. 12). L'article 14 autorise cependant des restrictions en matière d'égalité d'accès à l'emploi, mais elles sont limitées. Enfin, l'article 13 demande aux Etats de faciliter le regroupement familial des travailleurs migrants résidant légalement sur leur territoire.
99. Aux fins de l'application de la partie II de la convention no 143, la définition de l'expression «travailleur migrant» exclut de son champ - outre les catégories spécifiées dans les instruments de 1949 - deux autres catégories de travailleurs: les personnes venues spécialement à des fins de formation et d'éducation et les personnes admises temporairement dans un pays à la demande de leur employeur pour remplir des fonctions ou des tâches spécifiques, pour une période limitée et déterminée, et qui sont tenues de quitter le pays une fois ces fonctions ou tâches accomplies (art. 11).
100. Cette recommandation se compose de trois parties: la partie I précise les mesures devant être prises pour assurer le respect du principe d'égalité de chances et de traitement entre les travailleurs migrants qui se trouvent légalement sur le territoire d'un Etat Membre et ses nationaux; la partie II définit les principes de politique sociale destinée à permettre aux travailleurs migrants et à leur famille de bénéficier des avantages accordés aux nationaux tout en tenant compte des besoins particuliers qu'ils peuvent avoir jusqu'au moment où leur adaptation est réalisée; et la partie III préconise l'adoption d'un certain nombre de normes minimales de protection, notamment en cas de perte d'emploi, d'expulsion et de départ du pays.
Section II. Personnes couvertes par les instruments
A. Définition de l'expression «travailleurs migrants»
101. Le champ d'application des instruments de l'OIT relatifs aux migrations est délimité principalement par le mandat qui a été confié à l'Organisation de protéger les droits et les libertés des travailleurs. Autrement dit, ces instruments traitent avant tout des travailleurs migrants par opposition aux migrants en général. Pendant les débats qui ont abouti à l'adoption des instruments de 1949, on a en effet estimé que l'OIT n'était pas l'institution la plus qualifiée pour examiner les problèmes nombreux et variés auxquels doivent faire face les migrants en général. Il a toutefois été précisé que les dispositions des instruments considérés dans le cadre de cette étude ont pour but de protéger les réfugiés et les personnes déplacées, pour autant qu'il s'agisse de travailleurs employés hors de leur pays d'origine(1).
2. Les familles des travailleurs migrants
102. Lors de l'élaboration des conventions et des recommandations, objets de la présente étude, il a aussi été tenu compte du fait que les migrations ne sont pas un simple phénomène économique, mais qu'elles sont aussi un phénomène social et que, souvent, la migration aux fins d'emploi a des conséquences non seulement pour la personne concernée par la relation d'emploi mais aussi pour les membres de sa famille. C'est pourquoi, dans ces instruments, la protection d'un grand nombre de droits qui n'ont pas un rapport direct avec la relation d'emploi en tant que telle est expressément étendue aux membres des familles des travailleurs migrants. Il y a lieu de faire observer à cet égard que dans la convention no 97 et dans la partie II de la convention no 143 ces dispositions s'appliquent uniquement aux membres de la famille qui sont autorisés par la loi à accompagner la personne migrante.
103. Dans la convention no 97, ces dispositions portent principalement sur le processus migratoire lui-même, c'est-à-dire sur le départ d'un migrant de son pays et son entrée dans un autre pays. La convention no 143 élargit les obligations des Membres puisqu'elle dispose en son article 13 que ceux-ci doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour «faciliter le regroupement familial de tous les travailleurs migrants résidant légalement sur leur territoire»(2). Il est précisé, au paragraphe 2 de l'article 13 de la convention no 143, que le terme «famille» désigne «le conjoint du travailleur migrant, ses enfants et ses père et mère». Certains Etats ont choisi d'interpréter ce terme de manière plus large(3).
3. Les migrations internationales
104. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 11 de la convention no 97, l'expression «travailleur migrant» désigne «une personne qui émigre d'un pays vers un autre pays en vue d'occuper un emploi autrement que pour son propre compte; elle inclut toute personne admise régulièrement en qualité de travailleur migrant». On retrouve à l'article 11, paragraphe 1, de la convention no 143, la même définition, sur laquelle reposent les dispositions de la partie II de cet instrument. Il convient de relever que cette définition ne couvre que les migrations entre pays, autrement dit ne sont considérées comme migrants que les personnes qui franchissent les frontières internationales aux fins d'emploi. Elle ne comprend donc pas les travailleurs qui se déplacent à l'intérieur d'un même pays aux fins d'emploi.
4. Migrations clandestines et emploi illégal
105. Les dispositions de la convention no 97, de la recommandation no 86 et de la partie II de la convention no 143 portent uniquement sur la protection des travailleurs migrants qui ont été «admis régulièrement» aux fins d'emploi. Autrement dit, les personnes qui sont entrées illégalement dans un pays ne sont pas couvertes par ces dispositions. Toutefois, la partie I de la convention no 143 et certaines dispositions de la recommandation no 151 traitent expressément de la suppression des migrations clandestines et de la protection des migrants en situation irrégulière.
106. L'article 1 de la convention no 143 dispose que tous les Membres pour lesquels la présente convention est en vigueur s'engagent à protéger les droits de l'homme fondamentaux de «tous les travailleurs migrants», et l'article 3 dispose qu'il faut supprimer à la fois les migrations clandestines et l'emploi illégal de migrants. L'introduction de la protection des travailleurs migrants en situation irrégulière dans la convention no 143 pourrait apparaître à première vue comme la cause du petit nombre de ratifications. Or la plupart des Etats qui ont fourni des informations dans le cadre de la présente étude ne considèrent pas cela comme un obstacle important. Il convient de noter à cet égard que, sur les 18 Etats qui ont ratifié la convention no 143, seule la Norvège a annexé à sa ratification une déclaration excluant de son acceptation la partie I de cet instrument, en vertu de l'article 16, paragraphe 1(4). Par ailleurs, certains Etats ont affirmé que, sur leur territoire, la question des migrations clandestines et de l'emploi illégal ne se posait pas. C'est pourquoi plusieurs d'entre eux ont estimé que la partie I de la convention ne présentait pour eux qu'un intérêt limité.
107. Les quatre instruments qui font l'objet de la présente étude ne font en général pas de distinction entre les travailleurs qui ont immigré dans un pays en vue de s'y installer de façon permanente et ceux qui ont immigré pour un emploi de courte durée ou même pour un travail saisonnier. Les Etats ne sont autorisés à exclure de l'application des dispositions de ces instruments aucune catégorie de travailleurs migrants entrés régulièrement sur leur territoire autre que celles qui sont mentionnées expressément dans ces instruments. Autrement dit, aucune distinction ne peut être faite, s'agissant des dispositions des instruments, entre les travailleurs migrants qui comptent s'installer dans le pays de façon permanente et les travailleurs migrants qui n'ont pas l'intention de séjourner très longtemps dans le pays d'emploi, par exemple les travailleurs saisonniers(5).
108. Toutefois, certaines dispositions portent uniquement sur les travailleurs migrants et les membres de leur famille qui résident à titre permanent dans le pays d'emploi, en particulier celles de l'article 8 de la convention no 97, dont le but est d'empêcher qu'un travailleur migrant qui a été admis à titre permanent (et les membres de sa famille) puisse être expulsé du pays d'emploi au simple motif que ce travailleur est dans l'incapacité de travailler. Il convient de noter à cet égard que quelques gouvernements, notamment ceux du Ghana(6), du Kenya(7), et même certains qui ont ratifié la convention no 97, par exemple Hong-kong(8) et Israël(9), ont affirmé qu'il n'y avait pas sur leur sol de migrants admis à titre permanent, et que, par conséquent, ces dispositions étaient pour eux sans objet. La commission prend note du rapport de l'Australie qui affirme que «la partie II de la convention no 143 ne s'applique pas aux travailleurs migrants au bénéfice de visas d'entrée temporaire». La commission souligne qu'aux termes de l'article 11, paragraphe 2, de la convention no 143, les travailleurs migrants temporaires ne peuvent pas être exclus des dispositions de cet instrument. L'article 11, paragraphe 2 e), de la convention no 143, qui exclut de son champ d'application certains travailleurs temporaires, sera examiné plus en détail au paragraphe 115 ci-après.
109. Indépendamment des paramètres mentionnés plus haut, il convient de relever que la règle de la réciprocité ne s'applique ni aux dispositions des instruments de 1949 ni à celles des instruments de 1975 (contrairement à la convention (no 66) de l'OIT sur les travailleurs migrants, 1939, qui n'est jamais entrée en vigueur faute de ratification). Autrement dit, pour que les dispositions de ces instruments s'appliquent à un travailleur migrant, il n'est pas nécessaire que celui-ci soit ressortissant d'un Etat qui les a ratifiés ou qui garantit l'égalité de traitement aux ressortissants des Etats qui les ont ratifiés. Au cours des dernières années, la commission a formulé de nombreux commentaires sur ce point, rappelant aux Etats concernés(10) que l'application des dispositions de ces instruments n'est pas subordonnée à l'existence d'un régime de réciprocité. Cela n'a pas empêché certains Etats, telle la Norvège(11), de fournir, dans le cadre de la présente étude, des informations concernant exclusivement des migrants originaires de certains pays bien précis, à savoir des pays qui avaient signé des accords de réciprocité avec elle; ou d'autres Etats, tels les Etats-Unis, de souligner que les droits reconnus aux migrants dépendent, pour une grande part, de la réciprocité ou non en la matière du pays d'origine du migrant concerné, vis-à-vis des ressortissants américains.
110. Les conventions et recommandations examinées dans la présente étude mentionnent expressément les catégories de travailleurs auxquelles leurs dispositions ne s'appliquent pas. Par exemple, au paragraphe 2 de son article 11, la convention no 97 dispose qu'elle ne s'applique pas «a) aux travailleurs frontaliers; b) à l'entrée, pour une courte période, de personnes exerçant une profession libérale et d'artistes; et c) aux gens de mer». Ces trois catégories sont également exclues du champ d'application de la recommandation no 86 et de la convention no 143. Le paragraphe 2 de l'article 11 de la convention no 143 dispose, en outre, qu'elle ne s'applique pas «d) aux personnes venues spécialement à des fins de formation ou d'éducation; et e) aux personnes employées par des organisations ou des entreprises œuvrant dans le territoire d'un pays, qui ont été admises temporairement dans ce pays, à la demande de leur employeur, pour remplir des fonctions ou des tâches spécifiques, pour une période limitée et déterminée et qui sont tenues de quitter ce pays lorsque ces fonctions ou ces tâches ont été accomplies». Il convient de relever que l'exclusion du champ d'application de la convention no 143 des catégories de travailleurs migrants décrites à l'article 11, paragraphe 2, n'est valable que pour la partie II de l'instrument. La partie I ne permet en effet l'exclusion explicite d'aucune catégorie de travailleurs migrants(12). La recommandation no 151 ne mentionne explicitement aucune exception. Aux catégories susmentionnées, il convient d'ajouter les travailleurs migrants travaillant pour leur propre compte, qui sont exclus par définition du champ d'application des quatre instruments.
111. La commission note que, si l'exclusion des instruments des migrants travaillant pour leur propre compte était justifiée à l'époque de leur adoption, aujourd'hui elle n'est plus aussi appropriée. En effet, nombreux sont les travailleurs migrants, en situation régulière ou pas, qui exercent un emploi autonome ou semi-autonome et même qui travaillent dans le secteur informel ou marginal(13). Ces travailleurs migrants ne jouissent d'aucune protection aux termes des conventions considérées dans le cadre de cette étude. C'est pourquoi la commission suggère que ce point figure à l'ordre du jour de toute réflexion sur ces instruments.
112. L'expression «travailleur frontalier» n'est définie dans aucune des deux conventions. C'est pourquoi il est demandé aux Etats qui les ont ratifiées, dans le formulaire de rapport relatif à l'application de ces conventions adopté par le Conseil d'administration, de préciser quel est, selon eux, le sens de cette expression d'un point de vue juridique(14). Certains Etats, notamment Antigua-et-Barbuda, la Grenade, le Guyana et le Malawi, ont indiqué à la commission que la notion de travailleurs frontaliers ne s'applique pas à eux, souvent pour des raisons d'ordre géographique. Dans le passé, il est arrivé que la définition de cette expression pose des problèmes d'interprétation à des Etats Membres(15). De même, on constate que la définition de l'expression «entrés dans le pays pour une courte période» varie beaucoup d'un Etat à l'autre(16). La troisième exception, les «gens de mer», a été incluse dans les conventions nos 97 et 143, principalement parce qu'un corps de règles nationales et internationales - notamment un nombre important de conventions de l'OIT - avaient déjà été élaborées à l'intention de cette catégorie de travailleurs dont on estimait qu'elle méritait une protection distincte.
113. L'exclusion des «personnes exerçant une profession libérale et des artistes», dont les migrations ne posaient pas de problèmes majeurs à l'époque où les conventions de 1949 et de 1975 ont été rédigées, revêt aujourd'hui une importance particulière, notamment pour les femmes migrantes, en raison d'une pratique relativement récente qui consiste à recruter des femmes pour un travail à l'étranger et à leur délivrer des permis les autorisant à travailler comme danseuses dans des boîtes de nuit ou comme hôtesses dans des bars, alors qu'en réalité ces femmes seront obligées de travailler dans l'industrie du sexe. Ce problème, qui n'était pas un élément important des migrations il y a cinquante ans, prend aujourd'hui des proportions préoccupantes(17).
114. L'exclusion des personnes, venues à des fins de formation et d'éducation, du champ d'application de la partie II de la convention no 143 semble être reflétée dans la législation d'un certain nombre de pays examinés, comme la Finlande(18) par exemple, qui les exclut expressément de la législation relative aux travailleurs migrants. La commission note que, dans son rapport, la République de Corée indique que les stagiaires en formation professionnelle («industrial trainees») dépassent de beaucoup le nombre des travailleurs étrangers et qu'ils ne sont pas couverts par la législation du travail. Le gouvernement de la République de Corée a demandé à la commission si cette situation est conforme à la convention no 143. La commission rappelle qu'aux termes de l'article 11, paragraphe 2 d), de la convention no 143 les personnes venues dans un pays étranger à des fins de formation sont effectivement exclues de la définition des travailleurs migrants, mais tient à souligner que cela ne s'applique qu'à la partie II.
115. L'article 11, paragraphe 2 e), ajoute à la liste des personnes exclues de la définition des travailleurs migrants énoncée par la convention no 143 «les personnes employées par des organisations ou des entreprises œuvrant dans le territoire d'un pays, qui ont été admises temporairement dans ce pays, à la demande de leur employeur, pour remplir des fonctions ou des tâches spécifiques, pour une période limitée et déterminée et qui sont tenues de quitter ce pays lorsque ces fonctions ou ces tâches ont été accomplies». Les travaux préparatoires(19) à l'adoption de la convention no 143 montrent que cette disposition vise essentiellement la situation des personnes possédant des qualifications spéciales et qui se rendent dans un pays pour y effectuer des tâches techniques précises de courte durée(20). Cette disposition n'implique pas que tous les travailleurs migrants recrutés pour un emploi ou une activité économique limitée dans le temps puissent être exclus des dispositions de la partie II de la convention no 143, contrairement à ce que semble croire l'Australie qui a affirmé dans son rapport que la partie II ne s'applique pas aux travailleurs temporaires. En ce qui concerne le cas spécifique des travailleurs saisonniers, les travaux préparatoires à l'adoption de la convention no 143(21) montrent que la définition de la notion de travailleurs migrants «ne fait pas de distinction entre les travailleurs saisonniers et les autres catégories de travailleurs migrants (bien que les premiers ne puissent pas toujours bénéficier en fait de toutes les dispositions envisagées)»(22).
D. Migrations spontanées et migrations organisées
116. En principe, les dispositions des instruments s'appliquent à la fois aux migrations spontanées et aux migrations organisées. Elles couvrent donc à la fois les travailleurs recrutés en vertu d'arrangements de nature privée ou intervenus sous contrôle gouvernemental et les travailleurs qui émigrent en dehors de tels arrangements afin de trouver un emploi. Toutefois, certaines dispositions, notamment les annexes I et II de la convention no 97, ne concernent que les travailleurs qui ont reçu une offre concrète d'emploi avant d'entrer dans le pays d'immigration. Le fait que les dispositions de la convention soient applicables d'une manière générale à la fois aux migrations spontanées et aux migrations organisées semble empêcher certains Etats, telle la Grenade(23) par exemple, d'appliquer pleinement ces dispositions.
117. Ces instruments s'appliquent sans discrimination à toutes les catégories de travailleurs, à l'exception de celles qu'ils excluent expressément de leur champ d'application et qui sont énumérées plus haut. Pour être plus précis, leurs dispositions doivent s'appliquer d'une manière égale à tous les non-nationaux économiquement actifs. Les Etats ne sont pas autorisés à établir de distinctions entre les travailleurs migrants fondées sur le type d'activité professionnelle qu'ils exercent, sur la nature de leurs tâches ou sur le niveau de leur salaire. Dans le passé, la commission a dû rappeler ce principe à divers pays, en soulignant que le personnel de direction et d'encadrement ainsi que les techniciens hautement qualifiés sont bien des travailleurs migrants au sens de l'article 11 de la convention. Il était en effet difficile de déterminer, à la lecture des rapports de certains pays, dans quelle mesure ces groupes étaient protégés par la loi et dans la pratique(24). A l'évidence, exclure certaines catégories de travailleurs en raison de leur niveau d'instruction, de la nature de leur activité professionnelle ou du niveau de leur salaire est contraire à l'esprit, sinon à la lettre, des instruments.
Section III. Portée des mesures à prendre
A. Flexibilité des instruments
118. Que ce soit en 1949 ou en 1975, la CIT s'est efforcée d'élaborer des instruments qui accorderaient au plus grand nombre possible de migrants, dans le plus grand nombre possible d'Etats, une protection contre des conditions d'emploi abusives ainsi que l'égalité de chances et de traitement. En ce qui concerne la forme, les instruments de 1949 constituent une innovation dans la mesure où ils contiennent des dispositions qui sont rédigées en termes souples et qui mentionnent uniquement les droits fondamentaux des travailleurs migrants en situation régulière. Par ailleurs, les annexes de la convention no 97, qui peuvent être exclues de la ratification, fournissent des détails sur les moyens de parvenir à ces fins. Ces trois annexes portent respectivement sur les migrants recrutés individuellement, sur les migrants recrutés en vertu d'arrangements relatifs à des migrations collectives et sur l'importation des effets personnels, des outils et de l'équipement des travailleurs migrants. Cette forme expérimentale a été conçue pour inciter le plus d'Etats possible à envisager la ratification et pour éviter de placer les gouvernements devant des obligations rigides qui pourraient ne pas tenir compte de la situation particulière de chaque pays. A l'époque où cet instrument a été élaboré, il a été dit que les résultats de cette expérience se mesureraient «au nombre de ratifications non seulement de la convention elle-même mais aussi de l'une ou l'autre de ses annexes»(25). Il convient à ce propos de préciser que, sur les 41 pays qui ont ratifié la convention, 16 seulement ont ratifié toutes les annexes.
119. C'est également dans le but de permettre au plus grand nombre d'Etats possible de la ratifier qu'on a donné à la convention no 143 la forme qu'on lui connaît. La division de l'instrument en deux parties (la première étant consacrée à la lutte contre les migrations dans des conditions abusives et la seconde à l'égalité de chances et de traitement entre les travailleurs migrants admis régulièrement en qualité de travailleurs migrants et les travailleurs nationaux) et la possibilité, en vertu du paragraphe 1 de l'article 16, de ne pas ratifier l'une de ces deux parties ont suscité autant de controverses que la structure de la précédente convention. Il convient cependant de noter que, si les Etats peuvent exclure de leur acceptation l'une des deux parties, ils sont tenus, en vertu du paragraphe 3 de l'article 16, d'indiquer dans leurs rapports dans quelle mesure ils ont donné effet aux dispositions de la partie qu'ils n'ont pas ratifiée et pour quelles raisons ils n'ont pas ratifié ladite partie.
120. La nouveauté des deux conventions tient non seulement au caractère expérimental de leur structure mais aussi à la souplesse des termes dans lesquels certaines obligations sont formulées. A titre d'exemple, on citera l'article 3 de la convention no 97 qui dispose que «tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage, dans la mesure où la législation nationale le permet, à prendre toutes mesures appropriées contre la propagande trompeuse concernant l'émigration et l'immigration»; ou encore, l'article 10 de la convention no 143, qui stipule que «tout Membre pour lequel la convention est en vigueur s'engage à formuler et à appliquer une politique nationale visant à promouvoir et à garantir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l'égalité de chances et de traitement».
B. Hiérarchie
des dispositions juridiques
relatives aux travailleurs migrants
121. S'agissant des législations nationales, l'application des normes concernant les travailleurs migrants est assurée par un éventail très large de lois et de règlements couvrant tous les aspects des instruments et même au-delà. Avant d'examiner, dans les chapitres suivants, certains domaines dans lesquels les dispositions de la législation nationale et les dispositions des instruments coïncident, il convient à ce stade de formuler quelques remarques générales.
122. Dans leurs rapports, les gouvernements se réfèrent tout particulièrement à deux types différents de lois et de règlements: a) à des textes de portée générale, tels que les codes du travail et la législation du travail, qui s'appliquent aux nationaux comme aux non-nationaux, et b) à des textes plus précis qui visent avant tout les migrations. A l'intérieur de cette dernière catégorie de textes, on peut établir une distinction entre ceux qui visent à réglementer les flux migratoires et ceux qui visent à protéger les travailleurs migrants contre l'exploitation et les pratiques abusives. Ces deux politiques ne convergent pas nécessairement. Dans les pays d'emploi, la réglementation des flux migratoires peut entraîner une réduction considérable du nombre de migrants entrant légalement dans le pays, ce qui ne se traduit pas forcément au bout du compte par une meilleure protection des travailleurs qui sont admis légalement dans le pays. Si, bien souvent, la lecture des textes de loi ne permet pas de mettre en évidence ces divergences, celles-ci peuvent apparaître dans la pratique lorsque les dispositions de la loi ne trouvent pas leur expression dans les pratiques administratives. C'est pourquoi ces pratiques doivent être examinées de très près(26).
123. Dans leurs rapports, les gouvernements citent des textes de portée générale et principalement les dispositions relatives à l'égalité de chances et de traitement. Les Etats font souvent figurer, dans leur Constitution ou dans d'autres lois fondamentales(27), une disposition générale antidiscriminatoire, encore que dans certains cas, notamment à Antigua-et-Barbuda(28), au Bélarus(29) et au Canada(30), il est explicitement précisé que cette disposition ne s'applique qu'aux nationaux. Quelles que puissent être les dispositions constitutionnelles, la portée de la législation du travail dépend en principe de l'existence d'une relation de travail et non de la nationalité du travailleur considéré. En effet, les codes ou législations du travail précisent en général que la loi s'applique «aux travailleurs», quelle que soit leur nationalité, comme c'est le cas par exemple en Jordanie(31) et en Lituanie(32). Lorsque, dans la définition du terme «travailleur», il n'est pas fait mention de la nationalité, comme c'est par exemple le cas en Egypte et au Liban, le libellé est suffisamment général pour couvrir les travailleurs étrangers. Cela vaut également pour des législations telles que celles de la Bolivie et de la Norvège, dont la portée est fonction des établissements couverts, ou celle de la Croatie(33) en ce qui concerne sa législation sur l'assurance maladie.
124. D'une manière générale, les dispositions des législations nationales sur les migrations ont une portée plus grande que celle des instruments étudiés. Ainsi, de nombreux pays, notamment la France(34) et l'Inde(35), ont adopté des lois qui définissent les conditions d'entrée et de séjour des étrangers, dans lesquelles le fait que ceux-ci soient ou non des travailleurs n'entre pas en ligne de compte.
125. Il convient à cet égard de noter qu'au regard de la législation nationale le travailleur migrant relève de plusieurs catégories juridiques. Avant tout, il est considéré comme un étranger soumis à la réglementation en matière d'immigration. Deuxièmement, en tant que migrant aux fins d'emploi, il peut être également soumis à des règles particulières, l'octroi du permis de séjour étant par exemple subordonné à l'obtention d'un permis de travail. Troisièmement, comme on l'a mentionné plus haut, le travailleur migrant est souvent classé avec les nationaux dans la catégorie des travailleurs et, à ce titre, soumis aux dispositions de la réglementation du travail. Quatrièmement, la législation relative à la sécurité sociale est aussi généralement libellée de façon à couvrir à la fois les nationaux et les non-nationaux, même si elle contient souvent des dispositions qui ne s'appliquent qu'aux travailleurs étrangers. Enfin, en tant que résidant dans le pays d'emploi, il peut être soumis à certaines règles concernant l'accès à certains services sociaux et au logement(36).
Section IV. Pays d'origine et pays d'accueil
126. Les instruments de 1949 et 1975 ont été conçus pour avoir une couverture aussi large que possible de sorte que le plus de pays possible puissent les ratifier et les appliquer. C'est pourquoi, leurs dispositions ont été rédigées en des termes souples et sont applicables non seulement aux pays d'accueil mais aussi aux pays d'origine, ainsi qu'aux pays tiers ou pays de transit, dans certains cas. Quelques Etats qui ont fourni des informations dans le cadre de la présente étude ont expliqué que, s'ils n'avaient pas ratifié ces instruments, c'est parce qu'ils étaient principalement des pays d'émigration par opposition aux pays d'immigration. Plusieurs pays, notamment la Grenade, le Mexique et le Pakistan(37), ont affirmé que c'est aux Etats d'accueil qu'il incombait de mettre en œuvre les instruments. Il convient de faire observer que ces instruments s'appliquent à la fois aux pays d'origine et aux pays d'accueil, même si, à l'évidence, certaines de leurs dispositions traitent de l'obligation faite aux pays d'emploi de protéger les travailleurs étrangers, notamment les articles relatifs à l'accueil des travailleurs migrants dans le pays d'emploi, à la fourniture d'un logement adéquat et au traitement des travailleurs migrants à égalité avec les nationaux en ce qui concerne les conditions de travail et les prestations de la sécurité sociale. Toutefois, d'autres dispositions peuvent également être appliquées par l'Etat d'origine, notamment celles réglementant le transfert des gains et des économies, la fourniture d'informations avant le départ, les mesures visant à assurer l'égalité de traitement en ce qui concerne le contenu du contrat de travail ou encore les mesures visant à supprimer les migrations clandestines.
127. L'article 1 a) de la convention no 97 dispose que tous les Etats parties doivent mettre à la disposition du BIT et des autres Membres des informations sur la politique et la législation nationales relatives à l'émigration et à l'immigration. Il ressort des rapports qui ont été reçus que de nombreux Etats, par exemple la République centrafricaine(38), le Malawi(39) et Sri Lanka(40), ont ignoré l'un des deux volets de cette disposition et ont donné des informations soit sur leur législation et leurs pratiques en matière d'émigration, soit sur leur législation et leurs pratiques en matière d'immigration.
128. Les outils mis au point par divers pays d'origine pour contribuer à la protection de leurs nationaux à l'étranger sont variés(41) et témoignent d'un esprit imaginatif. On citera, à titre d'exemple, les Philippines et Sri Lanka qui ont organisé la protection de leurs nationaux à l'étranger en veillant à ce que tous les contrats des travailleurs s'apprêtant à quitter le pays pour travailler à l'étranger soient approuvés par l'Etat, en s'assurant que les conditions de travail et le contrat sont tels que le travailleur ne sera pas exploité et en faisant contrôler les conditions de travail réellement subies par leurs ressortissants par des attachés du travail affectés dans les principaux pays d'emploi(42).
129. L'article 3, paragraphe 2, et l'article 7 de la convention no 97 prévoient l'instauration d'une coopération entre le pays d'origine et le pays d'emploi, qu'il s'agisse de la politique migratoire ou encore de la coordination entre les services de l'emploi du pays d'accueil et du pays d'origine. L'accord type qui a été annexé à la recommandation no 86 témoigne de l'importance du rôle joué par la coopération entre l'Etat d'origine et l'Etat d'emploi, un rôle qui a plutôt pris de l'importance depuis l'élaboration des instruments(43). L'article 15 de la convention no 143, aux termes duquel «la présente convention n'empêche pas les Membres de conclure des accords multilatéraux ou bilatéraux en vue de résoudre les problèmes découlant de son application», a été inséré dans la convention pour qu'il soit bien clair que les Etats qui ont conclu de tels accords ne sont pas pour autant dispensés de ratifier cet instrument.
130. Pour conclure la présente section, on notera que la portée et la nature des dispositions des instruments examinés dans le cadre de cette étude ont été précisées à maintes occasions. Or aucune des deux conventions n'a été ratifiée par un nombre important d'Etats, et il ressort d'un grand nombre de rapports présentés au titre des articles 19, 22 et 35 de la Constitution de l'OIT que nombreux sont les Etats qui ne comprennent pas pleinement la portée des instruments. L'un des premiers objectifs de la présente étude sera de déterminer dans quelle mesure le déclin du taux de ratification des conventions considérées est dû à une interprétation erronée des dispositions de ces instruments et dans quelle mesure il est difficile, pour diverses raisons, à un nombre important d'Etats de les ratifier.
1. Voir à cet égard CIT, 32e session, Genève, 1949, Compte rendu des travaux, p. 282.
2. Voir ci-après paragr. 470-500.
3. Pour plus de détails sur l'application de la disposition relative aux familles des travailleurs migrants, voir paragr. 483-487 ci-après.
4. La Suède a annexé à sa ratification une déclaration excluant la partie II de la convention no 143.
5. Pour plus d'informations sur l'application des instruments aux travailleurs saisonniers, voir CIT, 32e session, Genève, 1949, Compte rendu des travaux, p. 282, et annexe XIII, p. 575.
6. La durée maximale du séjour pour les travailleurs migrants au Ghana est de deux années.
7. Le Kenya ne délivre des permis que pour une durée et un travail déterminés.
8. La durée maximale de séjour pour les migrants est de douze mois. Il convient de préciser que la commission d'experts a reçu le dernier rapport de Hong-kong avant le 1er juillet 1997, date à laquelle la Chine a recouvré son autorité sur le territoire. Toutes les références faites à Hong-kong dans cette étude portent donc sur la législation et la pratique qui étaient en vigueur lorsque le territoire relevait de la juridiction du Royaume-Uni.
9. La durée maximale du séjour, prolongations comprises, est de vingt-sept mois, à l'issue desquels le travailleur migrant doit quitter le pays, à l'exception des fournisseurs de soins (care givers) qui peuvent séjourner cinq ans dans le pays.
10. Par exemple: Bénin, Brésil, Burkina Faso, Cameroun, Guinée, Portugal.
11. Le rapport de la Norvège, par exemple, porte essentiellement sur les migrants originaires de pays de l'Union européenne et contient peu d'informations sur les travailleurs migrants originaires d'autres pays.
12. L'emplacement de la définition de l'expression «travailleurs migrants» a été l'objet de discussions lors du débat précédant l'adoption des instruments de 1975. Voir CIT, 60e session, Genève, 1975, Compte rendu des travaux, p. 842.
13. Voir à cet égard le paragraphe 16 ci-dessus.
14. Pour l'Allemagne, l'expression «travailleur frontalier» désigne «une personne qui a son domicile dans la région frontalière d'un pays donné, est employée comme salarié dans la région frontalière d'un pays voisin et regagne son domicile au moins une fois par semaine». La compatibilité de cette définition avec les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance de 1990 concernant les règles exceptionnelles régissant l'octroi de permis de travail aux travailleurs étrangers nouvellement arrivés a fait l'objet d'une demande directe adressée au gouvernement allemand en 1995 (voir note de bas de page ci-dessous). La Malaisie par exemple, si elle n'a pas de définition juridique, désigne toutefois sous cette expression «les personnes qui franchissent des frontières nationales munies de permis ou de visas de travail temporaires et qui repassent la frontière à la fin de chacune de leur journée de travail ou après une courte période de travail continue, par exemple un mois ou une semaine».
15. Par exemple, en 1995, la commission a adressé à l'Allemagne une demande directe sur cette question, dans laquelle elle se demandait si la définition donnée à l'article 6 de l'ordonnance de 1990 mentionnée dans la note précédente, aux termes de laquelle un travailleur frontalier doit franchir la frontière quotidiennement et limiter son activité professionnelle à deux jours par semaine, était en contradiction avec la définition donnée dans les rapports précédents soumis au Bureau (à savoir une fois par semaine).
16. Par exemple, en Malaisie, l'expression «travailleurs de courte durée» «s'applique généralement à un migrant qui entre dans le pays pour une courte période afin d'y exercer un emploi pendant une durée allant de deux semaines à trois ou six mois au maximum». Dans son rapport, le Royaume-Uni affirme que les entrées de courte durée ne sauraient dépasser en principe six mois.
17. Voir paragr. 23 ci-dessus.
18. Article 15 de la loi no 378/1991 sur les étrangers.
19. Voir notamment CIT, 60e session, Genève, 1975, rapport V (2), commentaires du Bureau, p. 20. Il convient également de signaler qu'au cours de la seconde discussion la proposition visant l'adjonction d'une disposition plus générale, «excluant tous les types de travailleurs à court terme admis pour accomplir des fonctions ou des tâches spécifiques pour une période limitée et déterminée et qui doivent quitter le pays lorsque cet emploi a pris fin», n'a pas été adoptée (Compte rendu des travaux, annexe 34, paragr. 68).
20. Cette exclusion fait référence aux cas de travailleurs déjà employés par des organisations ou entreprises d'un pays qui ont des activités dans un pays tiers et dans lequel ces travailleurs sont détachés temporairement pour y exercer des fonctions spécifiques. La Communauté européenne a abordé cette question dans sa directive no 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.
21. Compte rendu des travaux, CIT, 60e session, Genève, 1975, annexe 34, paragr. 69.
22. Voir aussi paragr. 378 ci-après.
23. La Grenade ne fournit des services médicaux à l'entrée dans le pays qu'aux personnes qui participent à des programmes de migration intervenus sous le contrôle du gouvernement mais pas aux personnes recrutées par des personnes privées ou qui migrent de façon indépendante.
24. A titre d'illustration, on citera une information fournie par Hong-kong selon laquelle «la plupart des personnes qui viennent à Hong-kong aux fins d'emploi sont des cadres et des personnes très qualifiées et sont considérées comme étant suffisamment armées pour subvenir elles-mêmes à leurs propres besoins».
25. CIT, 32e session, Genève, 1949, Compte rendu des travaux, p. 284.
26. Voir Picard, L.: «Conventions internationales du travail et législations nationales sur les travailleurs migrants: convergences et divergences»; projet interdépartemental concernant les travailleurs migrants, BIT, Genève, 1996, p. 5.
27. Par exemple, la Constitution finlandaise a été amendée le 17 juillet 1995 de façon à conférer à toutes les personnes relevant de la juridiction de la Finlande tous les droits fondamentaux qui faisaient précédemment l'objet de restrictions fondées sur la nationalité, à l'exception du droit de vote aux élections nationales. Pour d'autres exemples de dispositions constitutionnelles générales antidiscriminatoires, voir paragr. 169-202 de l'étude spéciale de la commission d'experts sur l'égalité dans l'emploi et la profession relative à la convention no 111 (1996).
28. L'ordonnance constitutionnelle de 1981 dispose en son article 14(4)(b) que l'interdiction générale de la discrimination qui est énoncée ne s'applique pas «en ce qui concerne les étrangers».
29. L'article 11 de la Constitution dispose que «les étrangers et les apatrides se trouvant sur le territoire du Bélarus ont les mêmes droits, les mêmes libertés et les mêmes obligations que les citoyens du Bélarus à moins que la Constitution, les lois et les accords internationaux n'en disposent autrement».
30. La loi constitutionnelle du Canada de 1982 illustre dans son annexe B, de la partie I (Charte canadienne des droits et libertés), la distinction entre les dispositions s'appliquant uniquement aux citoyens et celles qui s'appliquent à toutes les personnes se trouvant dans le pays: dans les articles 2, 7, 8 et 9, on utilise le terme «chacun», tandis que dans les articles 3, 6(1) et 6(2) relatifs aux droits politiques et à la liberté de circulation c'est l'expression «tout citoyen canadien» qui est utilisée.
31. Le Code du travail de Jordanie (loi no 8 de 1996) définit comme travailleur «toute personne de sexe masculin ou féminin, réalisant un travail contre rémunération pour un employeur et sous sa direction, y compris des mineurs, des apprentis et des employés engagés à l'essai». Dans le rapport présenté par le gouvernement jordanien, il est dit que «cette définition est absolue et qu'il n'existe aucune discrimination fondée sur le sexe ou la nationalité ... et que les travailleurs nationaux et non nationaux jouissent des mêmes droits et bénéficient des mêmes avantages prévus par la loi».
32. En Lituanie, la loi sur les contrats de travail dispose en son article 2 que les relations professionnelles seront régies en tenant compte de l'égalité de droits sans égard, respectivement, au genre, à la race, à la nationalité, à la citoyenneté, aux convictions politiques, etc., des intéressés.
33. En Croatie, la loi sur l'assurance maladie de 1997 ne contient aucune disposition visant spécialement les travailleurs non nationaux, étant entendu que les dispositions de la loi sont suffisamment vastes pour couvrir à la fois les nationaux et les non-nationaux.
34. Loi no 98-349 du 11 mai 1998 (modifiant l'ordonnance du 2 novembre 1945) relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers.
35. Loi sur les étrangers, 1946.
36. Cette hiérarchie des dispositions juridiques relatives aux travailleurs migrants a constitué l'un des résultats de l'étude entreprise par le projet interdépartemental concernant les travailleurs migrants à partir de 1994-95. Pour les références complètes de cette étude, se reporter à la note de bas de page no 26 du présent chapitre.
37. Le Pakistan déclare dans son rapport qu'«à l'heure actuelle la ratification des conventions n'est pas à l'ordre du jour, [...] le Pakistan n'importe pas de main-d'œuvre et la ratification devrait donc [...] intéresser davantage les pays importateurs de travailleurs». La Grenade et le Mexique ont fourni une explication similaire.
38. Le rapport de la République centrafricaine porte uniquement sur les procédures d'immigration en vigueur dans ce pays.
39. Le rapport du Malawi porte uniquement sur les procédures d'émigration et sur la protection des ressortissants du Malawi à l'étranger.
40. Sri Lanka déclare que des mesures concernant l'immigration n'ont pas lieu d'être puisqu'«il n'existe pas d'immigration aux fins d'emploi».
41. Par exemple, la Constitution de 1970 du Guyana dispose en son article 31 qu'«il incombe à l'Etat de protéger les droits et les intérêts légitimes des citoyens à l'étranger».
42. Par exemple, Sri Lanka a des attachés du travail en Arabie saoudite, dans les Emirats arabes unis, au Koweït, au Liban, à Oman et à Singapour.
43. Voir paragr. 76-77 sur le développement des accords bilatéraux et multilatéraux.
Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.