87e session |
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Rapport III (Partie 1B) |
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Etude d'ensemble sur les travailleurs migrants |
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Travailleurs migrants en situation irrégulière
et/ou employés illégalement
289. Si le phénomène des migrations illégales
pour l'emploi n'est pas nouveau, ce qui frappe aujourd'hui c'est son ampleur
et le fait qu'il touche aussi bien les pays d'accueil que les pays de départ
des travailleurs migrants. Bien qu'il soit impossible en ce domaine de donner
des chiffres précis, l'Organisation internationale des migrations (OIM)
estime qu'entre 15 et 30 millions de personnes économiquement actives
dans un pays autre que le leur s'y trouvent en situation irrégulière,
qu'elles y soient entrées clandestinement et/ou qu'elles y occupent illégalement
un emploi(1) . Plus que cette augmentation
quantitative, c'est l'évolution de la nature même de ce phénomène
qui pose problème. En effet, non seulement les migrations illégales
sont en train de devenir une activité internationale hautement organisée
(voir encadré ci-après) mais elles sont désormais étroitement
liées à d'autres activités criminelles lucratives(2)
(trafic de stupéfiants, de faux papiers(3) ,
trafic d'armes, traite d'êtres humains, prostitution forcée, etc.).
Le trafic de main-d'œuvre(4) , qui avant
ne constituait qu'un faible pourcentage des migrations clandestines, est particulièrement
touché par cette évolution et pourrait bien devenir, s'il n'est
pas mieux maîtrisé, l'une des formes dominantes des migrations
abusives dans les années à venir. A cet égard, la commission
a pris note des observations de la Confédération mondiale du travail
selon lesquelles le trafic d'êtres humains (notamment celui des femmes
et des enfants), qu'elle qualifie «d'esclavage des temps modernes»,
est en constante augmentation dans certaines régions du monde(5) .
Encadré 4.1 Le trafic peut faire partie d'une activité commerciale bien organisée, aux mains d'agents opérant à grande échelle dans le cadre de réseaux internationaux et offrant toute une gamme de services: fourniture de documents de voyage (souvent falsifiés ou faux), transport et aide au passage des frontières, fourniture de refuges durant le voyage et de logements et d'emplois (illégaux ou clandestins) dans le pays d'accueil. Les éléments opérationnels du trafic, avant l'arrivée des personnes qui en font l'objet dans le pays d'accueil, comprennent l'organisation frauduleuse du passage en contrebande des intéressés, la collecte d'informations relatives aux documents de voyage afin de se procurer de faux documents ou des documents falsifiés, la collecte de renseignements relatifs au traitement des demandes d'asile pour prétendre à de faux droits, la fourniture de cachettes pour les migrants avant et durant le transport, ainsi que le camouflage des véhicules et des autres moyens de transport pour éviter de se faire prendre. [...] Disposant de moyens modernes, notamment en matière de télécommunication, les trafiquants peuvent garder le contact avec leur réseau mondial et mobiliser d'énormes ressources financières et moyens opérationnels. Source: Extrait du livre susmentionné de Ghosh Bimal, pp. 23-25. |
290. L'augmentation des migrations illégales, et notamment du trafic de main-d'œuvre, est due à une conjonction de facteurs que l'on pourrait résumer comme suit: a) d'une part, il y a de fortes pressions à l'émigration (catastrophes naturelles, famines, croissance démographique, disparités économiques entre les pays, violations des droits de l'homme, guerres civiles et autres conflits armés, etc.), et ce d'autant que des pans entiers de l'économie des pays d'accueil(6) basculent dans l'instabilité et la flexibilité face au poids croissant des contraintes productives et de la concurrence internationale; et b) d'autre part, confrontés à la restructuration de leurs économies et à la montée des tensions sociales, nombre de pays (et pas seulement les traditionnels pays d'immigration) ferment officiellement leurs frontières aux migrations pour l'emploi et multiplient l'adoption de textes réglementaires et législatifs répressifs(7) .
291. Cette dialectique du rejet juridique, d'une part, et de l'existence de forts facteurs d'appel économique à l'immigration clandestine, d'autre part, explique la persistance sinon l'extension du phénomène des migrations illégales. En outre, la surenchère juridique qui prévaut actuellement dans nombre de pays en matière d'entrée et de séjour des étrangers oblige les candidats à l'immigration à s'en remettre à des réseaux plus ou moins clandestins pour traverser les mailles du filet, lesquels réclament en retour des sommes de plus en plus exorbitantes(8) pour leurs services. La dette financière et morale (l'emploi clandestin se présentant souvent comme un «service rendu») ainsi contractée par les migrants les met alors dans une position de dépendance et d'enfermement propice à une exploitation sans retenue de leur force de travail, dans des conditions proches de l'esclavage.
292. Enfin, la commission attire l'attention des gouvernements sur la particulière vulnérabilité à l'exploitation et aux abus des travailleuses migrantes(9) , lesquelles représentent, selon certaines estimations, la moitié de la population migrante dans le monde aujourd'hui(10) . Longtemps abonnées au simple regroupement familial, les femmes constituent aujourd'hui une part croissante de la main-d'œuvre migrante: il y aurait ainsi actuellement plus d'un demi-million de Sri Lankaises émigrées au Moyen-Orient, tandis qu'on compte 12 femmes pour un homme parmi les migrants interasiatiques issus des Philippines. Dans certaines parties du monde(11) , les travailleuses migrantes sont devenues une source majeure de revenus pour leur pays d'origine au même titre que les travailleurs migrants. La commission note en particulier le phénomène croissant des travailleuses migrantes «importées» à des fins d'exploitation commerciale, y compris sexuelle, par le biais de mariages arrangés avec des étrangers ou de la signature de contrats de travail apparemment alléchants mais qui ne correspondent que rarement à la réalité. Cette vulnérabilité tient tout d'abord au fait qu'elles sont occupées à l'étranger, donc en dehors de la protection juridique de leur pays d'origine, mais également au fait qu'elles occupent bien souvent des emplois faiblement protégés par la législation sociale: domestiques(12) , ouvrières (agricoles, en usines ou dans les zones franches d'exportation), hôtesses ou artistes de variétés dans des cabarets ou night-clubs, etc. L'absence d'autonomie ou le fort lien de subordination qui caractérise les emplois qu'elles occupent généralement aggrave la situation, d'autant qu'il s'agit bien souvent de femmes jeunes, pauvres, craignant par-dessus tout de perdre leur emploi, obligées de laisser leur famille dans leur pays d'origine, ne connaissant pas la langue du pays d'emploi, ignorant qu'elles ont des droits qui sont violés et ne sachant généralement pas où s'adresser(13) . Dans ces circonstances, elles sont d'autant plus exposées à la violence et aux sévices qu'elles se trouvent en situation irrégulière dans le pays d'emploi ou qu'elles y sont employées illégalement.
293. Compte tenu de l'importance du phénomène des migrations clandestines aujourd'hui et de ses répercussions, en ce qui concerne le respect des droits de l'homme mais également au niveau économique(14) , la commission ne peut que regretter le peu d'informations fournies d'une manière générale sur l'ampleur de ce phénomène dans les Etats Membres(15) . Elle constate que certains gouvernements(16) se sont contentés d'indiquer qu'ils étaient peu ou pas du tout touchés par le phénomène des migrations clandestines ou d'affirmer, comme la Finlande ou le Kenya, qu'ils ne disposaient pas de statistiques sur l'ampleur de ce problème dans leur pays. La commission regrette également le peu d'informations fournies sur les mesures concrètes prises pour lutter contre les migrations dans des conditions abusives et l'emploi illégal et sur leur efficacité. Bien que la convention no 143 n'énonce pas d'obligation spécifique en ce qui concerne la lutte contre l'exploitation des travailleuses migrantes, la commission rappelle que l'article 6 de la convention no 97 demande aux Etats d'appliquer aux travailleurs migrants employés légalement sur leur territoire un traitement sans discrimination fondée - entre autres - sur le sexe. Elle a donc relevé avec intérêt les informations fournies sur ce point par certains pays(17) mais regrette que ces informations proviennent essentiellement de pays d'émigration plutôt que d'immigration. La commission exprime donc l'espoir qu'à l'avenir les rapports des gouvernements, au titre de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, prendront en considération cette évolution et qu'ils contiendront plus d'informations sur l'application spécifique des dispositions des conventions nos 97 et 143 aux travailleuses migrantes.
294. Dans ce chapitre, il sera d'abord question des normes minimales de protection dont tout travailleur migrant doit bénéficier - qu'il soit ou non en situation irrégulière - puis des migrations effectuées dans des «conditions abusives», c'est-à-dire impliquant un mode illégal de recrutement, d'introduction et de placement de travailleurs ou une propagande trompeuse(18) ; et enfin de l'emploi illégal.
Section I. Normes minima de protection
295. La convention no 143 contient un certain nombre de dispositions destinées à assurer aux travailleurs migrants un minimum de protection, même s'ils ont immigré ou sont employés de façon illégale et que leur situation ne peut être régularisée. Il est important de souligner que la convention ne porte aucunement atteinte au droit souverain de tout Etat Membre d'admettre ou de refuser un étranger sur son territoire et qu'elle laisse à chaque Etat le soin de déterminer de quelle manière il entend organiser l'entrée éventuelle de travailleurs migrants ou le refus de cette entrée.
A. Droits fondamentaux de l'homme
296. L'article 1 de la convention no 143 dispose que «tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants». Cet article se réfère aux droits fondamentaux de l'homme contenus dans les instruments internationaux adoptés par l'Organisation des Nations Unies en matière de droits de l'homme(19) , lesquels incluent certains des droits fondamentaux des travailleurs. Certains de ces droits ont récemment fait l'objet d'une considération spéciale, dans le cadre du domaine couvert par le mandat principal de l'OIT, par la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail adoptée par la Conférence internationale du Travail le 18 juin 1998, qui mentionne dans son Préambule la catégorie des travailleurs migrants comme devant être particulièrement protégée. Cette Déclaration énumère ces droits comme suit: «a) la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective; b) l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire; c) l'abolition effective du travail des enfants; d) l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession».
297. L'article 1 de la convention no 143 concerne tous les travailleurs migrants, quelle que soit leur situation légale dans le pays d'immigration. La jouissance des droits de l'homme fondamentaux ne saurait être liée à aucune exigence relative à la citoyenneté ou à la résidence légale dans le pays d'emploi. Il convient donc de distinguer les droits ainsi protégés de ceux accordés aux travailleurs migrants régulièrement admis - qui sont définis de manière plus détaillée à la partie II de la convention, qui peut être acceptée séparément.
298. La commission attire l'attention des gouvernements - notamment celle des pays(20) qui déclarent qu'ils ne peuvent ratifier la convention no 143 car leur droit national n'assure pas expressément l'égalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs étrangers - sur le fait que la différence établie par la convention entre les droits reconnus à tous les travailleurs migrants et ceux reconnus aux seuls travailleurs migrants en situation régulière, en vertu de la partie II de la convention no 143, dépend du degré d'engagement des Etats (c'est-à-dire du fait qu'ils ont accepté ou non les parties I et/ou II de l'instrument). En effet, les droits à l'égalité de chances et de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants qui se trouvent légalement sur le territoire d'un pays doivent être promus par une politique active impliquant l'adoption d'un certain nombre de mesures. Rien de tel n'est cependant exigé dans l'article 1 de la convention, lequel affirme simplement que l'irrégularité de sa situation ne doit pas priver le travailleur migrant de ses droits.
299. Bien que l'engagement à respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants concerne aussi bien les pays d'origine que les pays d'emploi, les droits à respecter ne sont généralement pas les mêmes. Autant certains pays d'émigration prennent des mesures concrètes pour protéger les droits de l'homme de leurs ressortissants travaillant à l'étranger, autant l'on constate que rares sont les dispositions générales visant à assurer le respect des droits fondamentaux des migrants dans les pays d'emploi. En règle générale, si certains droits sont reconnus aux migrants, ils ne le sont qu'aux migrants en situation régulière. Les migrants en situation irrégulière ne jouissent bien souvent d'aucun droit.
300. Pratiquement tous les gouvernements qui ont fourni des renseignements à ce sujet dans leurs rapports citent des dispositions de leur Constitution ou de leur législation nationale qui garantissent, en termes généraux, le respect des libertés et des droits fondamentaux de l'homme ou offrent cette protection aux résidents, ou garantissent spécialement certains droits aux étrangers qui se trouvent sur leur territoire, à l'exception notable des droits politiques(21) . Toutefois, la commission a relevé que nombreuses sont les Constitutions où les dispositions relatives à l'égalité de traitement en général ne s'appliquent qu'aux citoyens(22) . Elle a cependant noté que la Constitution de Gibraltar (Royaume-Uni) garantit le respect des droits fondamentaux de l'homme à toute personne, quel que soit son statut, et que le Code du travail du Togo s'applique à tout travailleur quel que soit son statut juridique. D'autres pays se sont contentés de répondre qu'ils avaient ratifié des instruments internationaux pertinents, tels que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales; la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples; etc. Enfin, la commission a relevé que, pour le Maroc, les droits fondamentaux mentionnés à l'article 1 englobent notamment les principes consacrés par les conventions fondamentales de l'OIT.
301. La commission note avec intérêt la déclaration du gouvernement des Etats-Unis selon laquelle, en vertu de la jurisprudence actuelle, tous les étrangers, y compris les étrangers en situation irrégulière, sont considérés comme des «salariés» aux termes de la loi nationale sur les relations professionnelles, et que, comme tels, ils sont protégés contre les pratiques abusives en matière d'emploi(23) . Toutefois, si, aux termes de cette loi, tous les travailleurs étrangers ont des droits en la matière, les recours ouverts aux travailleurs migrants en situation irrégulière peuvent être limités par rapport à ceux ouverts aux migrants en situation régulière.
B. Droits découlant d'emplois antérieurs
302. L'article 9, paragraphe 1, de la convention no 143 prévoit que «sans porter préjudice aux mesures destinées à contrôler les mouvements migratoires aux fins d'emploi en assurant que les travailleurs migrants entrent sur le territoire national et y sont employés en conformité avec la législation pertinente, le travailleur migrant doit, dans les cas où cette législation ne peut pas être régularisée, bénéficier pour lui-même et pour sa famille de l'égalité de traitement en ce qui concerne les droits découlant d'emplois antérieurs en matière de rémunération, de sécurité sociale et autres avantages». Le but de l'article 9, paragraphe 1, est de s'assurer que les travailleurs migrants illégalement employés ne sont pas privés de leurs droits relatifs au travail qu'ils ont réellement accompli. La question de la réalisation des droits découlant d'emplois antérieurs du travailleur migrant en situation irrégulière n'est pas abordée directement par les législations examinées. Certes, de par leur rédaction, les dispositions de la plupart des lois sur le travail s'appliquent au travailleur sans considération de nationalité. Cependant, un travailleur migrant en situation irrégulière aura des difficultés à faire reconnaître ses droits, notamment à accéder au tribunal. Outre les difficultés inhérentes à sa condition d'étranger (langue, méconnaissance des procédures, etc.), sa situation irrégulière constitue un obstacle important qui peut le dissuader d'avoir recours à l'autorité judiciaire, de crainte que sa situation ne soit officiellement reconnue et du risque d'expulsion qui s'ensuit.
303. La commission note que si l'article 9, paragraphe 1, préconise l'égalité de traitement il ne précise pas que cette égalité de traitement doive se faire «avec les nationaux». La commission rappelle à cet égard(24) que l'égalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs étrangers en situation régulière fait l'objet de la partie II de la convention no 143, qui peut être acceptée séparément. Etant donné le contexte, il semble donc que l'article 9, paragraphe 1, doive être interprété comme stipulant que les travailleurs migrants employés illégalement doivent bénéficier de l'égalité de traitement avec le migrant régulièrement admis dans le pays et employé légalement, et non pas avec les nationaux du pays d'immigration. Toute autre interprétation obligerait les Etats qui ne sont pas à même d'accepter la partie II, mais pourraient en revanche accepter la partie I, à accorder aux travailleurs migrants employés illégalement un traitement égal aux nationaux en ce qui concerne les droits découlant d'emplois antérieurs, notamment dans le domaine complexe de la sécurité sociale, même s'ils n'accordent pas une telle égalité de traitement aux travailleurs migrants employés régulièrement.
304. La reconnaissance du principe selon lequel le travailleur migrant en situation irrégulière a le droit de bénéficier des droits découlant d'emplois antérieurs en matière de rémunération et de sécurité sociale pose problème à de nombreux pays. Ainsi, l'Espagne affirme que seuls les travailleurs en situation régulière peuvent jouir des droits découlant d'emploi(s) antérieur(s). A la lecture des rapports, il semble que c'est plus dans le domaine de la sécurité sociale que de la rémunération que la reconnaissance de ce principe pose problème.
305. Certains pays(25) ont indiqué que la violation des dispositions légales sur l'emploi des étrangers entraînait la nullité du contrat de travail et donc l'absence de base contractuelle pour réclamer entre autres le paiement de la rémunération non versée, tandis que d'autres, tels le Paraguay ou la République tchèque par exemple, ont affirmé que le travailleur est à même de percevoir sa rémunération pour un emploi antérieur soit parce que l'absence de permis de travail n'affecte pas la validité du contrat de travail, soit parce que la législation lui accorde expressément envers l'employeur les mêmes droits qu'il aurait en vertu d'un contrat valide. Par contre, il ne semble pas que la convention prévoit que le travailleur puisse faire valoir à l'égard de l'employeur des droits allant au-delà de la durée effective de l'emploi. Il ne semble pas que l'article 9, paragraphe 1, ait pour objectif de traiter de questions qui font souvent l'objet de dispositions légales ou de décisions judiciaires complexes qui ne sauraient s'appliquer facilement dans une situation irrégulière (telles que, par exemple, le droit à une période de préavis). Enfin, comme indiqué précédemment, la commission a relevé l'existence de législations, comme par exemple celle du Mali, qui précisent que si l'emploi est illégal du fait de la négligence de l'employeur le travailleur peut prétendre à des dommages-intérêts.
2. En matière de sécurité sociale et autres avantages
306. La référence aux droits découlant d'emplois antérieurs en matière de sécurité sociale et autres avantages, à l'article 9, paragraphe 1, peut être examinée en rapport avec le paragraphe 34 de la recommandation no 151, selon lequel «tout travailleur migrant qui quitte le pays d'emploi devrait avoir droit, sans qu'il soit tenu compte de la légalité de son séjour dans ce pays, au solde de la rémunération due pour le travail qu'il a accompli, y compris les indemnités de fin de contrat normalement dues...» et, «conformément à la pratique nationale, à une indemnité compensatrice pour les congés annuels qu'il a acquis, mais non utilisés ...». La mesure dans laquelle un travailleur migrant en situation illégale doit pouvoir prétendre aux avantages de cette nature, qui ne sont pas expressément cités par la convention, doit être déterminée par rapport à la législation nationale et au principe de l'égalité de traitement. Par exemple, si dans un pays d'accueil donné le travailleur migrant légalement employé a droit à une période de préavis de licenciement, alors le travailleur migrant employé illégalement devrait bénéficier des mêmes droits, en dépit de sa situation irrégulière. A contrario, le travailleur migrant employé illégalement ne pourra prétendre qu'aux avantages que recevrait un travailleur migrant légalement employé dont l'emploi peut également être terminé sans préavis.
307. En ce qui concerne les prestations de sécurité sociale, on peut noter que la convention ne se réfère qu'aux droits «découlant d'emplois antérieurs en matière de sécurité sociale». Par conséquent, elle ne s'étend pas aux prestations qui sont accordées indépendamment d'une période d'emploi. En outre, on peut considérer que cette disposition concerne uniquement les droits que le travailleur a acquis du fait de sa période d'emploi et parce qu'il a rempli les autres conditions ouvrant droit aux prestations requises pour les migrants en situation régulière. La commission note que certains pays(26) ont indiqué que le travailleur migrant - en situation irrégulière - a droit au paiement des prestations relatives aux accidents du travail ou aux maladies professionnelles et renvoie à cet égard aux paragraphes 267 et 268 de son étude d'ensemble de 1980 sur les travailleurs migrants. Par contre, il ne semble pas que l'article 9, paragraphe 1, de la convention soit appliqué, si certaines prestations sont subordonnées à la condition d'être employé ou de résider légalement dans le pays comme en France par exemple(27) ou, comme au Liban ou au Royaume-Uni(28) , de posséder une autorisation de travail valide. Ces conditions aboutiraient à priver de son effet principal l'article 9, paragraphe 1.
308. Les considérations qui précèdent concernent les droits à la sécurité sociale afférents à une période d'emploi illégal. Toutefois, l'article 9, paragraphe 1, se réfère aux «droits découlant d'emplois antérieurs» d'une façon générale. Dans le contexte de la sécurité sociale, il faut entendre cet article comme englobant également, en particulier pour l'acquisition de droits à des prestations à long terme, toute période d'emploi légal dans le pays considéré qui aurait précédé l'emploi illégal, ainsi que tout emploi dans un autre pays qui pourrait normalement être pris en considération en vertu d'accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux, dans le calcul des droits aux prestations.
309. La disposition du paragraphe 2 de l'article 9, selon laquelle, en cas de contestation, le travailleur doit avoir la possibilité de faire valoir ses droits devant un organisme compétent, ne suscite apparemment pas de difficultés chez aucun des pays qui mentionnent cette question, telle la Grèce par exemple(29) . Le droit d'intenter une action en justice ou de faire appel auprès d'un organisme compétent, selon les mêmes principes que pour les nationaux, existe chez tous ces pays. Faute d'information, la commission ne peut se prononcer sur l'application pratique de cette disposition essentielle. Elle tient néanmoins à en souligner l'importance car, de sources extérieures aux rapports des gouvernements, des informations lui sont parvenues, selon lesquelles il arrive fréquemment qu'une fois saisi par les forces de l'ordre le travailleur migrant en situation irrégulière est immédiatement reconduit à la frontière sans avoir eu la possibilité de récupérer ses effets personnels, de solliciter le paiement de son salaire et de déposer un recours devant les instances judiciaires du pays d'emploi.
310. L'article 9, paragraphe 3, de la convention no 143 prévoit qu'en «cas d'expulsion du travailleur ou de sa famille ceux-ci ne devront pas en supporter le coût». Il faut bien distinguer ce cas, à savoir celui où le travailleur migrant est en situation irrégulière pour des raisons qui lui sont imputables - auquel cas, il devra s'acquitter des frais de transport mais pas des frais d'expulsion -, de celui où le travailleur migrant est en situation irrégulière pour des raisons qui ne lui sont pas imputables (par exemple, licenciement avant le terme prévu de son contrat, l'employeur n'a pas rempli correctement les formalités administratives nécessaires à l'engagement d'un travailleur étranger, etc.), auquel cas tous les frais - y compris les frais de transport - entraînés par son retour et celui de sa famille ne devraient pas être à sa charge(30) . Rares sont les gouvernements qui, comme le Royaume-Uni (Jersey), ont indiqué que dans tous les cas l'expulsion se fait aux frais des pouvoirs publics. Certains, telles la Grèce ou la République tchèque, ont déclaré que le coût de l'expulsion relève en premier lieu du travailleur migrant en situation irrégulière et ce n'est que s'il est dans l'incapacité d'y faire face que les pouvoirs publics en assument la responsabilité ou se retournent contre la compagnie de transport ou l'employeur du travailleur concerné.
311. Certains gouvernements semblent avoir compris cette disposition comme englobant tous les frais suscités par l'expulsion du travailleur migrant en situation irrégulière et de sa famille vers son pays d'origine. Ainsi, le Liban a demandé à la commission de préciser la nature des frais qui ne doivent pas être à la charge du travailleur en cas d'expulsion. En fait, il semble que la convention ne vise pas les frais du voyage de retour mais seulement les frais d'expulsion, à savoir le montant des frais encourus par un Etat pour s'assurer que le travailleur clandestin quitte son territoire, par exemple les frais de procédures administrative ou judiciaire occasionnés par la prise d'un arrêté d'expulsion ou par l'exécution de cet arrêté (à savoir les frais engagés par l'Etat Membre en relation avec l'expulsion, tels que par exemple les frais encourus pour accompagner le travailleur et sa famille hors de son territoire). Lorsque la législation prévoit que ces frais peuvent être réclamés au travailleur migrant, la convention n'est pas pleinement appliquée(31) . Sur ce point précis, la commission renvoie à ses nombreux commentaires(32) formulés sur la question, et notamment à ses demandes directes de 1993 et 1995 adressées à la Norvège, où elle a considéré que «le coût de la surveillance mentionné à l'article 46 de la loi sur l'immigration(33) constitue un coût administratif s'inscrivant dans le cadre des coûts liés à l'escorte du travailleur migrant à la frontière, lesquels doivent être supportés par l'Etat qui souhaite veiller à ce que le travailleur et sa famille quittent effectivement le pays à la suite de la décision d'expulsion». Toutefois, les pays qui mettent à la charge du travailleur migrant expulsé ses frais de voyage ne contreviennent pas, pour cette raison, à cette disposition de la convention. Ce point de vue est confirmé par le fait que, si le coût de l'expulsion incluait les frais de voyage, la situation du migrant clandestin serait plus favorable que celle du travailleur migrant régulier et pourrait même encourager les travailleurs migrants à demeurer dans le pays après l'expiration de leur permis de séjour, afin de se faire expulser et, de ce fait, être rapatriés gratuitement.
D. Régularisation de la situation
312. Aux termes de l'article 9, paragraphe 4, de la convention no 143, «rien dans la présente convention n'empêche les Membres d'accorder aux personnes qui résident ou travaillent de manière illégale dans le pays le droit d'y rester et d'y être légalement employées». Peu de pays ont signalé leurs pratiques concernant la légalisation de la situation des travailleurs migrants en situation irrégulière. Cette disposition de la convention a, de toutes les façons, le caractère d'une simple déclaration et n'exige aucune mesure précise des Etats qui ont ratifié la convention. La recommandation no 151 suggère que la décision de régulariser ou pas la situation d'un travailleur migrant soit prise rapidement, et qu'une fois sa situation régularisée le migrant bénéficie de tous les droits accordés aux travailleurs migrants régulièrement admis sur le territoire de l'Etat Membre. La lecture des rapports montre qu'il ne semble pas y avoir de difficulté d'application de la recommandation sur ces points.
313. La commission constate que parfois l'on permet aux travailleurs migrants d'être employés illégalement pendant des années dans un pays, avant que ne soit prise une décision relative à leur situation. Cela les met dans une situation d'insécurité permanente qui les rend beaucoup plus vulnérables aux conditions abusives. Pour éviter ce genre de situation, la commission souligne à nouveau l'importance d'une détection rapide des travailleurs migrants en situation irrégulière ainsi que d'une prise de décision rapide quant à la possibilité de les régulariser. L'emploi illégal de travailleurs migrants est en partie le résultat d'une certaine tolérance des Etats. Les conséquences de la lenteur des procédures en vigueur et de l'incapacité des Etats à détecter s'il existe des migrants illégalement employés sur leur territoire ne sauraient retomber exclusivement sur les travailleurs migrants en situation irrégulière. Bien que cette question ne soit pas abordée explicitement par les instruments examinés dans le cadre de la présente étude, la commission considère que dans de tels cas, pour des questions d'équité, l'Etat concerné devrait examiner, au cas par cas, la situation de chaque travailleur migrant en situation irrégulière et séjournant dans le pays depuis un certain temps et étudier la possibilité de lui octroyer un permis de résidence.
314. L'examen des rapports soumis à la commission révèle que les Etats(34) procèdent régulièrement à des opérations de régularisation dans le but de remettre les compteurs à zéro et d'éradiquer une fois pour toutes les migrations clandestines et l'emploi illégal mais également pour des raisons humanitaires(35) . Il s'agit parfois de tenter de sortir de véritables imbroglios juridiques desquels il ressort que certains de ces clandestins ne sont ni expulsables ni régularisables, comme par exemple en France; ou encore de faire face à des situations imprévues, telle celle décrite par la Grèce, qui a expliqué à la commission que pour faire face à l'énorme vague de migration clandestine en provenance des pays voisins (Albanie, Bulgarie, Pologne, pays de l'ancienne URSS) qu'elle connaît actuellement, le gouvernement a dû adopter deux décrets présidentiels qui légalisent temporairement la situation de ces étrangers en leur délivrant, sous certaines conditions, des cartes de séjour, lesquelles leur donnent accès aux prestations d'assurance prévues par la législation.
Amnisties
315. Bien que l'article 9, paragraphe 4, de la convention no 143 parle de régularisation, la commission a noté que certains pays pratiquent plutôt ce qu'ils appellent des amnisties. Ces amnisties annulent les conséquences pénales des infractions commises par les migrants en pénétrant et/ou travaillant illégalement sur leur territoire: ainsi, tel est le cas de l'Arabie saoudite, qui a récemment décrété une amnistie afin de permettre aux travailleurs migrants en situation irrégulière sur son territoire de quitter le pays sans risquer des sanctions. Souvent, toutefois, l'amnistie est un premier pas vers la régularisation: ainsi, les Etats-Unis ont adopté le 19 novembre 1997 une loi qui amnistie les ressortissants de Cuba et du Nicaragua qui vivent aux Etats-Unis depuis au moins deux ans. Cette loi permet également aux ressortissants d'El Salvador, du Guatemala, de l'ancienne Union soviétique et de certains pays d'Europe de l'Est de demander une suspension des ordonnances d'expulsion en application de la réglementation plus souple qui était en vigueur avant l'adoption, en 1996, de la loi sur la réforme de l'immigration illégale et sur la responsabilité des immigrants. Depuis mars 1996, le gouvernement allemand a également mis en place un programme d'amnistie pour la légalisation du statut des requérants d'asile résidant en Allemagne et qui ont déposé leur demande depuis au moins cinq ans. Le gouvernement des Philippines a également pratiqué une amnistie en 1995(36) .
Section II. Migrations dans des conditions abusives
316. La question des travailleurs migrants en situation irrégulière ou employés illégalement est traitée essentiellement par la convention no 143 (partie I). Les instruments de 1949 abordent la question indirectement: d'abord, en demandant aux Etats de prendre les mesures appropriées contre la propagande trompeuse concernant l'émigration et l'immigration; puis en reconnaissant au travailleur migrant en situation irrégulière le droit de ne pas avoir à supporter les frais entraînés par son retour et celui de sa famille - pour autant que la responsabilité de cette situation ne puisse lui être imputée(37) . Des dispositions sont également prévues dans la recommandation no 86 pour éviter «autant que possible» que le migrant qui a été, dans un premier temps, régulièrement admis sur le territoire d'un Membre soit éloigné de ce territoire du fait d'un changement dans sa situation qui ne lui soit pas imputable, tel que par exemple la détérioration du marché du travail dans le pays d'emploi.
317. Seule la partie I de la convention
no
143 intitulée «Migrations dans des conditions abusives»
traite spécifiquement des migrations clandestines ou illégales
et de l'emploi illégal de travailleurs migrants. Aux termes des dispositions
contenues dans cette première partie de la convention
no
143, les Etats ayant souscrit aux obligations de cette partie de la convention
doivent prendre des mesures pour, d'une part, détecter, supprimer
et sanctionner les migrations clandestines abusives et l'emploi illégal
de travailleurs migrants, et, d'autre part, assurer aux travailleurs en situation
irrégulière un minimum de protection.
Encadré 4.2 Principes d'action
Toutefois, elles entraînent la perte de ressources humaines pour de nombreux pays d'origine et peuvent être source de tensions politiques, économiques et sociales dans les pays d'accueil. Pour être efficaces, les politiques en la matière doivent prendre en considération les contraintes économiques du pays d'accueil, l'impact des migrations sur la société d'accueil et leurs effets sur les pays d'origine. Si l'on veut que les migrations internationales restent à long terme dans des limites raisonnables, il faut donner à chacun des raisons de rester dans son propre pays. Une croissance économique durable dans le respect de l'équité et des stratégies de développement allant dans le sens de cet objectif constituent un moyen essentiel à cette fin. Il serait en outre possible d'utiliser plus efficacement la contribution que les expatriés sont susceptibles d'apporter au développement économique de leur pays d'origine. [...] Chaque Etat-nation a le droit de décider souverainement qui pourra entrer sur son territoire et y séjourner, et dans quelles conditions. Toutefois, quand un Etat exerce ce droit, il doit veiller à éviter toute action ou politique raciste ou xénophobe. Les migrants en situation irrégulière sont ceux qui ne remplissent pas les conditions requises par le pays de destination pour entrer dans ce pays, y séjourner ou y exercer une activité économique. Etant donné que, dans un certain nombre de pays en développement, les travailleurs sont de plus en plus incités à émigrer, du fait notamment que leur nombre ne cesse de croître, il faut s'attendre à voir augmenter les effectifs des migrants en situation irrégulière. Mesures à prendre
Les gouvernements des pays concernés par les migrations internationales sont invités à coopérer en vue de faire une place à la question dans leurs programmes politiques et économiques, et à fournir une coopération technique en vue d'aider les pays en développement et les pays en transition à faire face aux effets des migrations internationales. Les gouvernements sont instamment priés d'échanger des données d'information concernant leurs politiques vis-à-vis des migrations internationales et les réglementations régissant l'admission et le séjour des migrants sur leur territoire. Les Etats qui ne l'ont pas encore fait sont invités à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Source: Chap. X du rapport de la Conférence internationale sur la population et le développement (Le Caire, 5-13 sept. 1994), op. cit. |
318. La convention utilise diverses expressions - «migrations dans des conditions abusives», «migrations clandestines», «mouvements illicites ou clandestins de migrants aux fins d'emploi» et «travailleurs ayant immigré dans des conditions illégales». A priori, il semble qu'il faille distinguer entre: a) les migrations clandestines, où le migrant élude les contrôles à la sortie du pays d'émigration et/ou à l'entrée dans le pays d'immigration, par exemple en franchissant la frontière à un endroit interdit; et b) les migrations illégales ou illicites, où la sortie ou l'entrée peut se faire ouvertement et légalement en apparence, mais avec un objectif dissimulé. C'est, par exemple, le cas de personnes qui voyagent comme touristes, puis prennent un emploi sans autorisation ou, si elles sont admises en qualité de travailleurs saisonniers ou comme titulaires d'un permis de travail pour une durée limitée, demeurent dans le pays pour y travailler après expiration de leur autorisation de travailler. Au regard des législations examinées, la commission estime que cette distinction entre travailleurs ayant immigré dans des conditions illégales et migrants employés illégalement n'est pas très pertinente car, dans les deux cas, le travailleur migrant risque l'expulsion.
319. Aux termes de l'article 2, paragraphe
1, de la convention
no
143, les migrations aux fins d'emploi dans des conditions abusives sont
des migrations dans lesquelles les migrants sont soumis au cours de leur voyage,
à leur arrivée ou durant leur séjour et leur emploi à
des «conditions contrevenant aux instruments ou accords internationaux,
multilatéraux ou bilatéraux, pertinents ou à la législation
nationale». De cette définition, il ressort que: a) les
conditions abusives dont il s'agit sont celles qui sont prohibées par
les instruments internationaux pertinents(38)
ou par la législation nationale; b) si la convention vise essentiellement
les mouvements organisés de migrants sous la conduite de trafiquants
de main-d'œuvre, elle s'applique aussi à la migration illégale
ou clandestine d'individus agissant isolément ou en petits groupes; et
c) les migrations clandestines ou illégales aux fins d'emploi,
effectuées dans des conditions qui ne sont pas abusives, au
sens de l'article 2, n'entrent pas dans le champ d'application de la présente
convention. On peut donc considérer que la convention a pour but d'empêcher
toutes les formes de migrations illégales ou clandestines aux
fins d'emploi dès lors qu'elles sont réalisées dans des
conditions abusives. La commission est toutefois consciente que, pour lutter
efficacement contre les migrations clandestines prohibées à l'article 2,
paragraphe 1, de la convention, les Etats doivent lutter contre toutes
les migrations clandestines et pas seulement contre celles qui sont abusives
au regard de la convention. Dans la pratique, la distinction entre des migrations
effectuées dans des conditions abusives et celles effectuées dans
des conditions illégales est difficile à établir avec précision.
Pour se faire une idée plus concrète des conditions abusives prohibées
par la convention, la commission renvoie les gouvernements à la liste
ci-après (non exhaustive) de pratiques abusives en matière de
migration identifiées par la Réunion tripartite d'experts sur
les activités futures de l'OIT dans le domaine des migrations en avril
1997.
Encadré 4.3 Il y a pratique abusive lorsque le traitement des travailleurs migrants et de leur famille n'est pas conforme à la législation nationale et à la réglementation ou aux normes internationales ratifiées et lorsque ce traitement est répété et délibéré. Il y a exploitation par exemple, lorsque ce traitement entraîne de graves conséquences pécuniaires ou autres; que les migrants sont spécifiquement sujets à des conditions de travail et de vie insupportables ou qu'ils sont confrontés à des dangers mettant leur sécurité ou leur vie en péril; qu'on impose aux travailleurs des transferts de leurs gains sans leur libre consentement; que les candidats à l'immigration soient incités à accepter des emplois à la suite de promesses fallacieuses; que les travailleurs souffrent de traitements dégradants ou que les femmes soient abusées ou contraintes à la prostitution; que des intermédiaires fassent signer aux travailleurs des contrats de travail en sachant que ces contrats ne seront probablement pas honorés au moment de commencer le travail; qu'on confisque le passeport des migrants ou autres papiers d'identité; que les travailleurs soient congédiés ou qu'on les mettre sur une liste noire quand ils s'affilient à un syndicat ou constituent des organisations syndicales; qu'ils soient victimes de retenues sur leurs salaires qu'ils ne pourront récupérer que s'ils retournent dans leur pays d'origine; que les travailleurs migrants soient l'objet de mesures d'expulsion sommaire les dépouillant des droits qu'ils tirent d'un emploi, d'un séjour ou d'un statut antérieurs. Source: Extrait du rapport de la Réunion tripartite d'experts sur les activités futures de l'OIT dans le domaine des migrations, op. cit. , annexe III, paragr. 1.2. |
B.
Détection et élimination des migrations effectuées
dans des conditions abusives
320. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, et de l'article 3 de la convention no 143, tout Membre pour lequel celle-ci est en vigueur doit, dans un premier temps, «s'attacher à déterminer systématiquement s'il existe [...], en provenance ou à destination de son territoire ou en transit par celui-ci, des migrations aux fins d'emplois dans lesquelles les migrants sont soumis au cours de leur voyage, à leur arrivée ou durant leur séjour et leur emploi» aux conditions abusives définies ci-dessus. Dans un deuxième temps, il doit prendre «les mesures nécessaires et appropriées, qu'elles relèvent de sa compétence ou qu'elles appellent une collaboration avec d'autres Etats, pour supprimer les migrations clandestines [et] à l'encontre des organisateurs de mouvements illicites ou clandestins [...] afin de prévenir et d'éliminer les abus» prohibés par les instruments ou accords internationaux, multilatéraux ou bilatéraux pertinents ou la législation nationale.
321. Les mesures à prendre pour atteindre ces objectifs sont indiquées par la convention: a) il s'agit tout d'abord d'établir des contacts et échanges systématiques d'information avec les autres Etats (art. 3 et 4); b) de consulter les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs (art. 2, 4 et 7); c) de poursuivre les auteurs de trafic de main-d'œuvre quel que soit le pays d'où ils exercent leurs activités (art. 5); et enfin d) de définir et appliquer des sanctions administratives, civiles et pénales (allant jusqu'à l'emprisonnement) en ce qui concerne l'organisation de migrations effectuées dans des conditions abusives et l'assistance sciemment apportée, à des fins lucratives ou non, à de telles migrations (art. 6).
322. La commission note que très peu de pays ont communiqué dans leur rapport des informations sur les mesures concrètes prises par eux pour déterminer systématiquement s'il existe, sur leur territoire, des migrations aux fins d'emploi effectuées dans des conditions abusives. D'une manière générale, les informations fournies par les pays ont tendance à renvoyer la commission aux lois de police régissant l'entrée et le séjour des étrangers (dont l'objectif principal n'est pas la détection des immigrants en situation irrégulière) plutôt qu'à une véritable politique nationale d'immigration. En outre, elle relève que ces informations concernent plus la lutte contre les migrations clandestines ou illicites en général que la lutte contre les migrations clandestines ou illicites effectuées dans des conditions abusives qui est l'objet de la partie I de la convention no 143.
a) Mesures prises pour détecter les migrations
dans des conditions abusives
323. Comme rappelé ci-dessus, l'article 2, paragraphe 1, de la convention no 143 demande aux Etats de s'attacher à déterminer systématiquement, par les mesures qu'il juge les plus appropriées, s'il existe, en provenance ou à destination de leur territoire ou en transit par celui-ci, des migrations aux fins d'emploi abusives. Il ne s'agit pas d'exiger des Etats, comme les Pays-Bas semblent avoir interprété cet article, qu'ils contrôlent systématiquement et en permanence la légalité du séjour et de l'emploi occupé par toute personne dont l'apparence physique semble indiquer qu'elle est étrangère. Le Royaume-Uni a indiqué qu'il ne lui est pas possible d'accepter le type de contrôle énoncé à l'article 2, paragraphe 1, tandis que le Luxembourg a indiqué que le gouvernement n'avait pas jugé nécessaire d'instaurer un appareil de contrôle systématique compte tenu du peu d'abus constaté jusqu'ici. A cet égard, la commission souligne à nouveau qu'il appartient à chaque Etat de mettre en œuvre les mesures qu'il juge adéquates pour détecter efficacement les migrations clandestines ou illicites effectuées dans des conditions abusives, en provenance ou à destination de son territoire ou en transit par celui-ci.
324. La lecture des rapports a permis à la commission de relever deux points communs à la grande majorité des Etats en matière de détection des mouvements clandestins de migration: d'une part, la multiplication des contrôles policiers aux frontières mais également des contrôles inopinés à l'intérieur des frontières ainsi qu'une responsabilisation accrue des compagnies de transport (aérien, terrestre ou maritime) en ce qui concerne la vérification des titres de transport et de séjour de leurs passagers(39) . Plus concrètement, la commission a relevé les mesures suivantes en matière de détection de migrations clandestines ou illicites: la création de comptoirs spécialisés dans la détection de migrants clandestins «aux fins d'emploi» dans les aéroports(40) ; la fouille systématique des moyens de transport susceptibles de transporter clandestinement des émigrants(41) ; la communication obligatoire des listes de passagers aux fonctionnaires de l'immigration(42) ; la surveillance particulière des régions à forte intensité de travailleurs étrangers(43) ou des voyageurs en provenance de ports identifiés comme des points de départ potentiels pour des candidats à une immigration illégale(44) ; la coopération des services de l'emploi tenus de vérifier, lors de l'inscription du travailleur étranger, la validité de ses titres de séjour et de travail(45) , des organisations de travailleurs(46) , des hôtels et pensions(47) ; l'utilisation de l'informatique(48) ; la création d'unités spéciales chargées de lutter contre les pratiques illicites en matière d'entrée, de séjour et d'exploitation des migrants(49) ; etc.
b) Mesures prises pour prévenir et éliminer
les migrations dans des conditions abusives
325. Outre l'obligation quasiment généralisée, sauf exception(50) , pour tout étranger désireux de séjourner dans un pays autre que le sien d'obtenir un visa(51) , pratiquement tous les pays qui ont fait rapport, qu'ils soient considérés comme des pays d'émigration ou d'immigration, estiment que le meilleur moyen d'empêcher ou d'éliminer les mouvements illicites ou clandestins de travailleurs migrants - y compris dans des conditions abusives - est d'adopter et de faire observer strictement des mesures appropriées régissant le recrutement de ces travailleurs, leur départ du pays d'origine et leur entrée et placement dans le pays d'emploi, c'est-à-dire des mesures de la nature de celles envisagées par la convention no 97 et décrites aux paragraphes 131-288 de la présente étude. Le choix des moyens de recrutement ne dépend pas vraiment de la distinction entre pays d'émigration et pays d'immigration. Toutefois, selon le type de pays, la perspective sera différente car ce qui est considéré comme un recrutement par le pays d'emploi est considéré comme un placement par le pays d'origine du travailleur migrant. Il en résultera inévitablement une différence d'approche.
326. Le principe retenu par la convention no 97 en matière de recrutement de travailleurs étrangers est celui de l'intervention des services publics de l'emploi et autres organismes officiels aussi bien du pays d'origine que du pays d'accueil. Pourtant, sauf dans les cas où les migrations de travailleurs font l'objet d'accords bilatéraux entre le pays d'origine et le pays d'emploi(52) , les services publics jouent actuellement un rôle minime et de moins en moins important dans le recrutement et le placement des travailleurs migrants: ainsi, par exemple, le recrutement et le placement de millions de migrants d'Asie du Sud et du Sud-Est qui vont travailler au Moyen-Orient ne sont régis par aucun accord de ce genre. En fait, les agences privées de recrutement gèrent actuellement près de 80 pour cent des migrations vers les pays arabes du Golfe(53) . Peu nombreux sont aujourd'hui les pays, comme par exemple le Cameroun, la Croatie, la Lituanie et le Luxembourg(54) , où le recrutement de travailleurs étrangers est du seul domaine des pouvoirs publics ou bien où il n'existe pas du tout de systèmes d'agences privées de recrutement(55) , ou encore, comme la Grèce et Saint-Marin, où ces agences sont strictement interdites. La perspective tracée par les instruments de l'OIT est plus celle de migrations organisées par l'Etat ou par l'employeur que celle de migrations spontanées d'individus. Toutefois, les dispositions des annexes de la convention no 97 sont rédigées en termes suffisamment souples pour permettre plusieurs modalités de recrutement. Comme expliqué aux paragraphes 188-189, le recrutement direct par l'employeur ou son mandataire ou par des bureaux d'emploi privés peut être autorisé par la législation nationale ou un accord bilatéral, sous réserve du contrôle des pouvoirs publics. L'adoption par la Conférence internationale du Travail de la convention no 181 sur les agences d'emploi privées en juin 1997, révisant la convention no 96 sur les bureaux de placement payants (révisée) de 1949 - dont l'un des objectifs était la suppression progressive des bureaux de placement payants à fin lucrative -, marque la reconnaissance par les Etats Membres de l'OIT du rôle que ces agences peuvent jouer dans le bon fonctionnement du marché du travail, si elles sont étroitement surveillées par les pouvoirs publics. Compte tenu de la part croissante des agences privées d'emploi dans le marché du recrutement, placement et introduction des travailleurs migrants et des pratiques frauduleuses ou abusives qui leur sont souvent reprochées, toute politique de prévention et suppression des migrations clandestines abusives (aussi bien de la part des pays d'origine que des pays d'accueil des travailleurs migrants) se doit désormais de prendre en considération cette évolution et donc de mettre l'accent sur le contrôle des activités de ces agences et sur la définition de sanctions appropriées(56) .
327. En examinant la législation des pays relative à la prévention et à la suppression des migrations dans des conditions abusives, la commission a relevé le cas d'un pays, Antigua-et-Barbuda, dont la législation prévoit que lorsqu'il est avéré que les conditions de travail des travailleurs migrants dans un pays d'immigration particulier ne sont pas satisfaisantes, le gouvernement a la possibilité d'interdire toute émigration de ses ressortissants vers ce pays. Dans le même ordre d'idée, elle a noté que, face à certains abus dont ont été victimes leurs ressortissants travaillant à l'étranger et aux nombres de plaintes enregistrées, des pays(57) ont décidé d'interdire tout recrutement de leurs nationaux pour occuper certains types d'emplois dans ces pays; tandis que d'autres(58) ont décidé d'imposer des conditions spéciales à l'obtention de toute autorisation de sortie du territoire national, dans le but de protéger certaines catégories de migrants. L'application de dispositions interdisant la sortie du territoire national peut être en contradiction avec l'article 12, paragraphes 2 et 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en vertu duquel «toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien» et, dans le cas spécifique de migrants pour l'emploi, avec les dispositions de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, dans la mesure où les catégories visées se définiraient en vertu d'un des critères de discrimination figurant à l'article 1, paragraphe 1 a), de cet instrument (par exemple le sexe). Certaines dispositions législatives examinées par la commission mériteraient d'être revues à la lumière des principes de nécessité de non-discrimination et de proportionnalité: par exemple, les restrictions à l'émigration imposées à certaines personnes considérées comme inaptes à émigrer ou immigrer car susceptibles de commettre des actes contraires à la dignité de l'Etat ou violant la politique de l'Etat(59) ou parce qu'elles sont handicapées ou homosexuelles(60) ou encore parce qu'elles ont un casier judiciaire(61) , etc.
328. Les régimes d'autorisation d'exercer un emploi restent considérés par la majorité des Etats Membres comme l'instrument fondamental pour combattre les pratiques abusives. C'est pourquoi rares sont les pays examinés où les candidats à l'émigration ne doivent pas obligatoirement recourir au système de recrutement pour l'étranger organisé par les pouvoirs publics de leur pays d'origine, ou du moins obtenir une autorisation de sortie du territoire aux fins d'emploi(62) et/ou, s'ils ont recours aux services des agences privées de recrutement, prouver à l'autorité compétente de leur pays d'origine qu'ils possèdent un permis de travail ou un contrat de travail, comme au Congo par exemple, ou un visa d'entrée les autorisant à travailler dans le pays où ils souhaitent immigrer, comme en Chine par exemple. Certains pays d'émigration sont très vigilants, tel le Pakistan par exemple, qui exigent que les termes et conditions des offres d'emploi soient examinés par des services spécialisés (en l'occurrence par le Bureau d'émigration et d'emploi à l'étranger et le Protectorat des émigrants) et que la validité de ces offres soit certifiée par leurs ambassades situées dans le pays de provenance de l'offre d'emploi. La majorité des pays exigent, sauf exception (notamment pour les ressortissants d'ensembles régionaux, telles la CARICOM ou l'Union européenne), avant tout commencement d'exécution du contrat de travail, l'autorisation expresse du service de l'emploi ou du ministère du Travail(63) ou encore la conclusion d'un accord avec le pays d'origine du candidat.
329. En réglementant et contrôlant les conditions de départ et d'arrivée des travailleurs migrants, les pays espèrent prévenir et éliminer tout mouvement de migrations clandestines, y compris les migrations effectuées dans des conditions abusives. Pour autant, la persistance avérée des fraudes et des pratiques abusives en matière de recrutement de travailleurs migrants montre à quel point il est difficile de moduler l'impact des forces du marché(64) sur les processus migratoires, au moyen des seules mesures réglementaires ou législatives. Les problèmes pratiques des pays qui possèdent des frontières terrestres et maritimes étendues ont été mentionnés par un pays, le Yémen(65) .
330. La convention no 143, tout comme les instruments de 1949, s'efforce de promouvoir la coopération entre Etats(66) . Pour être véritablement efficace, la lutte contre les migrations dans des conditions abusives requiert certes l'adoption de mesures au plan national mais, le trafic illicite de main-d'œuvre se révélant fréquemment comme une activité criminelle organisée de portée internationale, elle doit également faire l'objet d'une coopération internationale(67) et impliquer tous les pays concernés - Etats de départ, Etats de transit ou Etats d'arrivée - de travailleurs migrants en situation irrégulière. La collaboration entre Etats, à laquelle se réfère la convention no 143 (comme la convention no 97 d'ailleurs), n'est pas - sauf indication contraire - sujette à la ratification de ces mêmes instruments par les autres Etats. Sous les habituelles réserves, l'obligation de coopérer pèse sur l'Etat qui a ratifié la ou les conventions sans qu'il y ait d'autre réciprocité que la volonté libre et souveraine de la part des Etats concernés de répondre à la volonté de coopérer.
331. Aux termes de la convention, cette collaboration consiste à prendre des mesures: a) pour supprimer les migrations clandestines et l'emploi illégal de migrants (art. 3 a)); b) à l'encontre des organisateurs de mouvements illicites ou clandestins de migrants aux fins d'emploi et à l'encontre de ceux qui emploient des travailleurs ayant immigré dans des conditions illégales (art. 3 b)); c) en vue d'établir des contacts et des échanges systématiques d'information (art. 4); et enfin d) visant à ce que les auteurs de trafic de main-d'œuvre puissent être poursuivis quel que soit le pays d'où ils exercent leurs activités (art. 5).
332. Les mesures faisant appel à la coopération entre les Etats ne figurent généralement pas dans les législations nationales, à l'exception notable des pays appartenant à un même ensemble régional(68) . A cet égard, la commission a relevé la recommandation très complète prise au niveau de l'Union européenne (du 27 septembre 1996) sur la lutte contre l'emploi illégal de ressortissants d'Etats tiers(69) . En réalité, la collaboration entre pays en matière de lutte contre les migrations dans des conditions abusives et contre les organisateurs de mouvements illicites ou clandestins de migrants aux fins d'emploi est essentiellement mise en œuvre à travers la conclusion d'accords bilatéraux ou multilatéraux entre pays concernés(70) . Les rapports des gouvernements, tel celui de la Nouvelle-Zélande, mentionnent l'existence d'une certaine collaboration interétatique sans autre ou, tel celui de la Suisse(71) , l'existence d'accords bilatéraux ou multilatéraux mais fournissent très peu d'informations relatives à la coopération internationale portant spécifiquement sur la lutte contre les migrations clandestines ou illicites(72) . La commission note avec intérêt, à cet égard, les activités de la Commission binationale Mexique-Etats-Unis qui, bien que ne traitant pas uniquement des questions relatives aux migrations clandestines et à l'emploi illégal de migrants, peuvent être une source d'inspiration en matière de coopération interétatique(73) . Certains gouvernements, tels ceux de l'Australie ou des îles Falkland (Malvinas), ont déclaré que, même s'il n'existe pas de mécanisme formel de coopération, ils sont prêts à répondre à toute demande d'information présentée par un autre Etat. Dans ces conditions, il est difficile d'évaluer dans quelle mesure cet aspect de la convention est véritablement mis en œuvre par les Etats Membres(74) .
333. La collaboration entre les Etats prônée par la convention n'intéresse pas seulement les Etats de départ et les Etats d'arrivée de travailleurs ayant immigré dans des conditions illégales mais aussi les Etats de transit. Pour ces derniers, les mesures à prendre en la matière sont les mêmes que celles des Etats de départ et d'arrivée, c'est-à-dire détecter l'existence d'éventuels mouvements migratoires illicites à partir de leur territoire, prendre des mesures pour les supprimer et ensuite prévoir des sanctions en cas d'abus. Les rapports des gouvernements ne font pas mention de mesures prises par des Etats de transit pour lutter, à leur niveau, contre les migrations dans des conditions abusives. La Roumanie a simplement exprimé la crainte, face au nombre croissant de personnes qui pénètrent illégalement sur son territoire, que celui-ci ne devienne un lieu d'immigration temporaire. Quant à la République tchèque, elle a déclaré que depuis les changements politiques intervenus en 1989 son territoire est devenu un pays de transit pour nombre de candidats migrants cherchant à immigrer clandestinement vers des pays d'Europe de l'Ouest, notamment l'Allemagne. Bien qu'elle ne l'ait pas précisé, on peut penser que la décision de centraliser et informatiser l'enregistrement de tous les étrangers résidant sur son territoire constitue un des moyens mis en œuvre par ce pays pour y remédier.
334. L'un des objectifs de cette collaboration internationale en matière de lutte contre les migrations dans des conditions abusives est, selon l'article 5 de la convention no 143, «que les auteurs de trafics de main-d'œuvre puissent être poursuivis quel que soit le pays d'où ils exercent leurs activités». La référence aux articles 3 et 4 montre que le problème des poursuites à intenter contre les auteurs de trafics de main-d'œuvre fait partie de ceux qui doivent être réglés grâce à la collaboration entre les Etats, comme le souligne l'Australie(75) , et aux contacts et échanges systématiques d'informations. En fait, le but de cette disposition est d'obtenir que les Etats se fournissent, les uns aux autres, l'assistance nécessaire pour que les auteurs de trafics de main-d'œuvre puissent être poursuivis dans une juridiction appropriée.
335. L'article 6, paragraphe 1, de la convention énumère les types de sanctions administratives, civiles et pénales (allant jusqu'à l'emprisonnement) qui doivent être prévues et appliquées aux termes de la législation nationale, en ce qui concerne l'organisation de migrations aux fins d'emploi dans des conditions abusives et l'assistance sciemment apportée, à des fins lucratives ou non, à de telles migrations. L'importanc e attachée par les gouvernements aux sanctions comme moyens de lutter contre les migrations illégales est illustrée par le fait que pratiquement toutes les législations examinées définissent des sanctions contre les organisateurs de trafic de main-d'œuvre, lesquelles sont périodiquement aggravées en vue de renforcer les peines déjà applicables ou de définir de nouvelles infractions pour décourager les mouvements migratoires illicites(76) .
336. Au cours des travaux préparatoires en vue de l'adoption de la convention no 143(77) , les participants se sont demandé si les dispositions concernant les «sanctions civiles, administratives et pénales» signifiaient qu'il fallait appliquer simultanément ces trois types de sanctions. Il a été répondu à la question de façon négative, en précisant toutefois que cette possibilité n'était pas exclue dans certains cas particulièrement graves. Comme l'article 6, paragraphe l, laisse aux législations ou réglementations nationales le soin de définir les sanctions, il semble en découler qu'il appartient à chaque pays de décider la forme précise des sanctions à prévoir pour des infractions déterminées - à la condition expresse qu'elles incluent la possibilité de l'emprisonnement. La convention donne certaines indications sur les infractions entrant en ligne de compte mais laisse à chaque Etat le soin de les définir en détail.
337. En règle générale, les dispositions relatives à l'émigration clandestine qui figurent dans les législations nationales sont de trois ordres: les dispositions qui visent les travailleurs migrants en situation irrégulière; les dispositions qui visent à punir les personnes qui organisent ou qui facilitent les migrations clandestines ou illicites; et les dispositions qui répriment le recrutement et l'emploi illégal de travailleurs migrants(78) .
a) Mesures visant les travailleurs migrants
338. La commission rappelle que les mesures préconisées dans la partie I de la convention no 143 pour lutter contre les migrations clandestines visent avant tout la demande de travail clandestin plutôt que l'offre. Les instruments de l'OIT n'abordent donc pas la question des sanctions visant les travailleurs migrants en situation irrégulière. L'examen des législations nationales révèle toutefois que, contrairement à l'esprit des instruments, les sanctions à l'encontre des migrants en situation irrégulière sont très répandues aussi bien dans les pays d'origine que dans les pays d'accueil(79) .
339. Certains pays d'émigration ont adopté des réglementations prévoyant des sanctions aussi bien à l'encontre de leurs nationaux qui émigrent dans des conditions irrégulières qu'à l'encontre des personnes qui les aident ou qui provoquent leur départ(80) . En ce qui concerne les pays d'immigration, les travailleurs migrants peuvent faire l'objet de dispositions qui sanctionnent leur entrée ou leur séjour irrégulier sur le territoire de l'Etat d'emploi ou de dispositions plus spécifiques visant le caractère irrégulier de la relation d'emploi. Outre les peines d'amende ou de prison qui peuvent être prononcées à l'égard du migrant en situation irrégulière(81) , de nombreuses dispositions prévoient en outre l'application de mesures d'expulsion(82) assorties ou non d'une interdiction temporaire ou permanente de séjour sur le territoire du pays d'emploi, comme c'est le cas, par exemple, au Royaume-Uni (Bermudes) ou en Suisse.
340. La commission a relevé que deux pays, la Malaisie et Singapour, ont recours aux châtiments corporels (flagellation) pour sanctionner les cas d'immigration clandestine. A cet égard, elle tient à rappeler que l'article 1 de la convention no 143 stipule que «tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants». La commission se réfère également, à cet égard, aux commentaires du Comité des droits de l'homme(83) et du Rapporteur spécial chargé d'examiner les questions se rapportant à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies(84) , selon lesquels «l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels ou inhumains ou dégradants édictée à l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques englobe les châtiments corporels» et que «le châtiment corporel est en contradiction avec l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, telle qu'elle est énoncée, notamment, dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants»(85) . Pour sa part, la commission considère que les sanctions prévues par la Malaisie et Singapour ne sont pas seulement contraires aux instruments mentionnés mais aussi aux principes généraux du droit.
b) Mesures visant les organisateurs de mouvements clandestins
et les personnes qui prêtent sciemment assistance,
à des fins lucratives ou non, à de telles migrations
341. Chaque pays étant potentiellement un pays d'émigration et un pays d'immigration, la lutte contre les trafiquants de main-d'œuvre est généralement envisagée par chaque pays sous l'angle de la lutte contre l'émigration illicite de ses ressortissants et sous l'angle de la lutte contre l'immigration illégale de travailleurs étrangers sur son territoire. Toutefois, les sanctions appliquées aux organisateurs de migrations clandestines et aux personnes qui prêtent sciemment assistance à de telles migrations n'établissent pas de distinction selon que les trafiquants œuvrent à «l'exportation» ou à «l'importation» de main-d'œuvre. En effet, la loi prévoit un mécanisme officiel d'émigration ou de contrôle du recrutement des émigrants afin de s'assurer que les intéressés possèdent les documents nécessaires pour entrer légalement dans le pays de destination et y prendre régulièrement un emploi et c'est une infraction d'amener, d'aider ou d'inciter une personne à émigrer aux fins d'emploi d'une manière non conforme à la législation (les infractions de cette nature sont, dans la plupart des pays, passibles d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement); soit la législation prévoit un mécanisme officiel de recrutement et d'introduction des travailleurs migrants ou un système d'autorisation, et le fait d'introduire dans le pays des travailleurs migrants d'une manière non conforme aux procédures prévues par la loi constitue un délit passible d'une peine d'amende et/ou d'emprisonnement. En principe, ces sanctions s'appliquent également aux personnes qui transportent des migrants clandestins mais aussi à l'encontre de ceux qui transportent ou tentent de transporter un étranger en situation irrégulière à l'intérieur du pays, c'est-à-dire sans franchissement des frontières. A cet égard, la commission a constaté une responsabilisation accrue ainsi qu'une aggravation des sanctions encourues par les moyens de transports internationaux quant au respect des dispositions nationales relatives aux migrations. Rares sont les pays, comme par exemple Chypre ou le Royaume-Uni (Sainte-Hélène), qui estiment que de telles mesures ne sont pas nécessaires, ou dont la législation ne contient pas de dispositions légales sanctionnant ceux qui organisent l'immigration illégale de main-d'œuvre, comme par exemple le Cap-Vert, le Nicaragua ou la République arabe syrienne.
342. Les sanctions administratives prévues dans les cas d'organisation de migrations illégales ou d'assistance comprennent des amendes administratives, le retrait ou la suspension de l'autorisation d'agir en qualité d'agent d'émigration, la fermeture temporaire ou définitive des bureaux ou de l'entreprise des contrevenants, l'interdiction de résider dans le pays, la suspension du permis de conduire du contrevenant, le retrait temporaire ou définitif de l'autorisation de se livrer à des opérations de transport international, la confiscation du véhicule ou de tout autre élément utilisé pour commettre l'infraction ou sa mise sous séquestre jusqu'à ce que l'immigrant en situation irrégulière soit conduit hors du pays, l'inscription des trafiquants et des employeurs sur des listes noires, etc.
4. Consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs
343. S'agissant de l'élimination des migrations dans des conditions abusives, la convention exige que les organisations d'employeurs et de travailleurs soient consultées à trois égards: a) en ce qui concerne les mesures visant à détecter s'il existe des migrations aux fins d'emploi dans lesquelles les migrants sont soumis au cours de leur voyage, à leur arrivée ou durant leur séjour et leur emploi à des conditions contrevenant aux instruments ou accords internationaux, multilatéraux ou bilatéraux, pertinents ou à la législation nationale (art. 2, paragr. 2); b) en ce qui concerne les mesures nécessaires pour établir à ce sujet des contacts et des échanges systématiques d'informations avec les autres Etats Membres (art. 4); et enfin c) à propos de la législation et des autres mesures prévues par la présente convention en vue de prévenir ou d'éliminer les abus que la convention cherche à combattre (art. 7). La convention prévoit en outre que les organisations représentatives doivent avoir la possibilité de fournir leurs propres informations sur ces questions et qu'elles aient la possibilité de prendre des initiatives à cet effet.
344. Comme on le voit, le rôle attribué par la convention aux organisations d'employeurs et de travailleurs dans la lutte contre les migrations dans des conditions abusives n'est pas négligeable. C'est pourquoi la commission ne peut que regretter le très petit nombre de commentaires(86) des organisations d'employeurs et de travailleurs auxquelles les rapports des gouvernements ont été envoyés, notamment sur ce point précis(87) . Seul le Conseil des syndicats de Nouvelle-Zélande (NZCTU) a formulé des observations sur ce point et a regretté l'absence de mécanismes formels de consultation des partenaires sociaux lorsqu'il s'agit d'adopter des lois et règlements visant à prévenir l'exploitation des travailleurs migrants(88) . Dans la majorité des cas, lorsque les gouvernements ont mentionné cet aspect de la convention, ils ne l'ont fait qu'en termes généraux, indiquant par exemple que les organisations d'employeurs et de travailleurs sont consultées sur les questions relatives aux travailleurs migrants ou sur l'octroi de permis de travail. Ces consultations peuvent s'effectuer au sein de commissions chargées des questions générales de la main-d'œuvre(89) , ou plus spécialement des affaires concernant les immigrants(90) . Dans certains pays, tel le Luxembourg par exemple, des représentants des travailleurs migrants font partie de ces commissions. L'Australie a indiqué que l'absence de mécanismes de consultation des partenaires sociaux en matière d'immigration illégale (compte tenu de l'inexistence de mouvements de migration clandestins) constituait l'un des obstacles à la ratification de la première partie de la convention.
345. La commission saisit cette occasion pour attirer à nouveau l'attention sur l'importance du rôle des organisations d'employeurs et de travailleurs dans les mécanismes de contrôle de l'OIT et pour insister sur le fait que ces commentaires constituent une source particulièrement utile d'informations sur la manière dont les Etats appliquent - en droit et en pratique - les normes de l'OIT. Ils lui ont souvent permis d'acquérir une meilleure connaissance et une plus grande compréhension des difficultés d'application pratique des instruments de l'OIT rencontrées dans les pays.
Section III. Emploi illégal
A. Déf initions
346. Bien qu'elle ne soit pas définie, on peut considérer que l'expression «emploi illégal» désigne tout emploi qui n'est pas conforme à la législation et à la réglementation nationales. L'examen des législations confirme d'ailleurs cette interprétation(91) . En tout état de cause, il appartient à chaque Etat de définir la portée précise de l'expression «emploi illégal» comme l'indique le libellé de l'article 6, paragraphe l.
347. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de la convention no 143, tout Etat pour lequel cet instrument est en vigueur doit s'efforcer de déterminer «s'il existe des migrants illégalement employés sur son territoire et s'il existe [...] à destination de son territoire [...] des migrations aux fins d'emploi dans lesquelles les migrants sont soumis [...] durant leur séjour et leur emploi à des conditions contrevenant aux instruments ou accords internationaux, multilatéraux ou bilatéraux pertinents ou à la législation nationale». L'article 3 demande à ces mêmes Etats d'adopter toutes les mesures nécessaires et appropriées pour supprimer l'emploi illégal de migrants ainsi qu'à l'encontre de ceux qui emploient des travailleurs ayant immigré dans des conditions illégales. Selon l'article 6, paragraphe 1, «des dispositions doivent être prises aux termes de la législation nationale pour une détection efficace de l'emploi illégal de travailleurs migrants et pour la définition et l'application de sanctions administratives, civiles et pénales allant jusqu'à l'emprisonnement, en ce qui concerne l'emploi illégal de travailleurs migrants». Il ressort donc du libellé des dispositions précitées que l'article 6 de la convention s'applique à toutes les formes d'emploi illégal, et pas uniquement aux formes abusives d'emploi illégal alors que, pour ce qui est de l'organisation de migrations clandestines et l'assistance apportée à de telles migrations, le même article n'exige des sanctions que lorsque les travailleurs clandestins sont soumis à des conditions abusives(92) .
B. Détection et élimination de l'emploi illégal
1. Mesures d'ordre général
348. Comme pour les migrations clandestines ou illégales, la convention prévoit que tout Etat Membre pour lequel la convention no 143 est en vigueur doit prendre des mesures pour détecter les travailleurs migrants employés illégalement sur son territoire. L'article 2 de la convention ne traite pas seulement des cas d'emploi illégal, mais aussi de la détection et de la suppression de cas où des migrants occupés légalement sont - dans la pratique - soumis à des conditions de travail abusives, c'est-à-dire qui ne correspondent pas aux exigences de la législation nationale ou d'un accord international, par exemple l'accord bilatéral en vertu duquel ils ont été recrutés. Si les travailleurs migrants en situation irrégulière sont particulièrement susceptibles d'être exploités par des employeurs peu scrupuleux, cela est également vrai dans une certaine mesure des migrants employés légalement: d'une part, ils sont moins en mesure que les nationaux de défendre leurs propres intérêts dans un pays étranger et, d'autre part, dans beaucoup de pays(93) , ils ne peuvent changer d'emploi sans autorisation et de ce fait peuvent hésiter à chercher à faire corriger les abus de crainte de perdre leur emploi et de se voir refuser l'autorisation d'en prendre un autre. Il est donc particulièrement important que les Etats d'accueil veillent à assurer que les conditions d'emploi de travailleurs migrants correspondent tant en droit qu'en pratique à celles prévues par la législation ou par les accords bilatéraux ou multilatéraux, notamment en ce qui concerne les catégories de migrants les plus vulnérables (à savoir les domestiques et les temporaires), non seulement lorsqu'ils visent les contrats de travail pour vérifier leur conformité par rapport à leur législation mais aussi en en contrôlant la mise en œuvre concrète. A cet égard, les Etats d'origine des travailleurs migrants ont également un rôle à jouer en la matière (voir paragr. 126-129).
349. Plusieurs pays mentionnent comme garantie contre l'emploi d'immigrants employés illégalement le régime des autorisations de travail prévoyant soit que le travailleur soit titulaire d'un permis de travail qui, dans certains cas, doit être délivré avant son entrée dans le pays, soit que l'employeur obtienne l'autorisation de prendre à son service des travailleurs étrangers. Les mesures complémentaires prescrites dans ce domaine subordonnent la délivrance de l'autorisation de travail à la condition que le travailleur ait pénétré légalement dans le pays ou que le contact entre le futur employeur et le travailleur n'ait pas été obtenu selon un mode de recrutement illégal ou encore, dans le cas où un accord de recrutement a été conclu avec le pays d'origine du travailleur, que celui-ci ait été recruté conformément aux dispositions dudit accord.
a) Obligations pesant sur l'employeur
350. Parmi les mesures destinées à permettre la détection des travailleurs migrants illégalement employés, on peut citer les dispositions faisant obligation à l'employeur de fournir à l'autorité compétente les renseignements relatifs à tous les travailleurs étrangers occupés par lui: a) dans certains pays, tels que par exemple le Mozambique, l'employeur doit fournir systématiquement des renseignements sur le nombre et le nom des travailleurs étrangers occupés par lui, au bureau de l'emploi, à l'inspection du travail ou à tout autre service officiel chargé de veiller à la protection des travailleurs, et/ou signaler au bureau de l'emploi la cessation de l'emploi d'un travailleur migrant; b) dans d'autres pays, tels que par exemple Bahreïn, la Thaïlande, la Tunisie, les employeurs pour lesquels des permis de travail ont été délivrés doivent fournir, sur la demande d'un fonctionnaire du service de l'immigration, des renseignements sur tous les travailleurs à leur service et informer ledit service lorsqu'ils cessent d'employer un travailleur (y compris migrant) autorisé à travailler pour eux; c) dans d'autres pays enfin, comme la Tunisie par exemple, les employeurs doivent tenir un registre indiquant le nom des travailleurs étrangers qu'ils occupent et présenter ce document au service d'inspection, quand celui-ci le leur demande. La commission note qu'aux Etats-Unis(94) , depuis novembre 1986, l'employeur doit vérifier l'authenticité du permis de travail présenté par tout travailleur étranger recruté par lui et conserver les preuves de ces démarches en ce sens, pour pouvoir les présenter - en cas de besoin - aux représentants du Service de l'immigration et de la naturalisation et du ministère du Travail.
b) Obligations pesant sur les administrations
ou services publics
351. Les administrations ont également un rôle à jouer en matière de détection de l'emploi illégal: dans la majorité des cas, les services de l'inspection du travail et de l'administration du travail ou des organes spécifiques (tels que le Bureau de l'emploi à l'étranger de Sri Lanka ou le Gouverneur provincial en République de Corée) ont pour rôle de s'assurer qu'aucun migrant n'est employé illégalement, par le biais de visites d'inspections périodiques et inopinées - notamment dans les établissements et secteurs qui ont la réputation d'engager ou d'accueillir des travailleurs en situation illégale (hôtellerie, restauration, construction, industrie alimentaire, etc.)(95) . L'inspection du travail peut également être appelée à aider les bureaux de l'emploi à vérifier que l'emploi des travailleurs migrants est conforme à la loi. Les caisses d'assurance sociale sont parfois mises à contribution dans le cadre des vérifications auxquelles elles procèdent périodiquement et qui constituent une occasion supplémentaire de détecter l'emploi illégal de travailleurs migrants(96) . Le rôle de la police dans la détection de travailleurs migrants illégalement employés (mais aussi de mouvements migratoires clandestins) a également été évoqué(97) . Comme le soulignent les Etats-Unis(98) , la détection de l'emploi illégal peut également être assurée par le biais de plaintes déposées contre les employeurs ou les agences privées de recrutement. Enfin, la commission souhaite rappeler que, outre leur mandat respectif, les agents des administrations ou services publics considérés ont également le devoir de respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants.
c) Obligations pesant sur les travailleurs migrants
352. Les travailleurs migrants sont également mis à contribution dans la mesure où, une fois admis temporairement dans un pays aux fins d'emploi, ils doivent généralement être en possession de documents qui permettent de contrôler à tout moment la régularité de leur séjour(99) . A cet égard, certains pays, comme l'Australie par exemple, ont fait part à la commission des problèmes auxquels ils sont confrontés en matière de détection des cas d'emploi illégal en l'absence de tout système de documentation capable d'indiquer facilement qu'une personne n'a pas le droit de prendre un emploi.
353. Bien que cet aspect de la convention n'ait pas été abordé dans les rapports, il convient de rappeler que l'article 2, paragraphe 1, est libellé de manière à englober, outre les conditions d'emploi, les autres conditions de vie du travailleur migrant lors de son séjour dans le pays d'emploi. En d'autres termes, il s'agit pour les pays d'emploi, de détecter les conditions de séjour et d'emploi abusives dont sont victimes les travailleurs migrants (par exemple, en matière de logement) et de prendre des mesures pour les prévenir et les supprimer.
354. L'article 6, paragraphe 1, exige que des sanctions soient définies et appliquées en ce qui concerne l'emploi illégal de travailleurs migrants. Il convient de se reporter aux sanctions requises par la convention en cas d'organisation de migrations clandestines ou illicites aux fins d'emploi et en cas d'assistance sciemment apportée, à des fins lucratives ou non, à de telles migrations (paragr. 335-342 ci-dessus).
355. L'article 6, paragraphe 2, dispose que «lorsqu'un employeur fait l'objet de poursuites en application des dispositions prises en vertu du présent article, il doit avoir le droit d'apporter la preuve de sa bonne foi». Cet article ne doit pas être interprété comme renversant la charge de la preuve en cas de poursuite pour emploi illégal ou imposant à l'employeur, comme semble le croire l'Australie, l'obligation de vérifier la validité du statut de résident de tout travailleur étranger qu'il souhaite engager. Tout d'abord, parce qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1, il appartient à la législation nationale de définir le délit d'emploi illégal de travailleurs migrants conformément au régime juridique en vigueur; d'autre part, parce que, dans la plupart des pays, les règles générales en matière de droit pénal exigent que l'accusation établisse l'intention coupable, même si cela n'est pas expressément précisé; et enfin, parce que, selon les dispositions légales examinées par la commission, il apparaît clairement qu'il faut que l'employeur ait agit «sciemment» ou «par négligence». C'est ainsi qu'en Australie l'article 233 de la loi sur les migrations stipule que «personne ne doit, sciemment ou par inadvertance, héberger un étranger en situation irrégulière», et la pénalité prévue est de deux années d'emprisonnement; en Suisse, l'employeur fautif doit avoir agi «intentionnellement». Le juge pourra prononcer une amende plus élevée s'il est prouvé que l'employeur a agi par «cupidité»(100) . Ce n'est donc que si l'accusation n'a pas à prouver que l'employeur a agi sciemment ou intentionnellement que le paragraphe 2 de l'article 6 serait susceptible d'application.
356. D'une manière générale, les sanctions qui peuvent être prises contre les employeurs en cas d'emploi illégal vont jusqu'à l'emprisonnement(101) . Dans nombre de pays, la législation prévoit que le contrevenant sera puni d'une amende et d'un emprisonnement, ou de l'une de ces deux peines seulement, dans un premier temps, et en cas de récidive, que l'amende sera augmentée (généralement doublée) et cumulée d'une peine d'emprisonnement(102) . D'autres pays, telle l'Allemagne par exemple, modulent les peines prévues en fonction de la gravité du délit commis. La législation suisse ne sanctionne pas le «recrutement» d'étrangers non autorisés à travailler mais leur «occupation». La commission saisit cette occasion pour rappeler que, selon la convention, il appartient à chaque Etat de définir les sanctions qu'il juge adéquates pour lutter contre l'emploi illégal de travailleurs migrants. Par conséquent, dans la mesure où des dispositions assurent que l'emploi illégal n'est pas possible et qu'il fait l'objet des sanctions prévues par la convention, elles sont conformes aux objectifs poursuivis par la convention. Pour les pays dont la législation ne sanctionnerait pas l'emploi d'un travailleur migrant qui n'a pas l'autorisation de travailler nécessaire, comme au Cap-Vert par exemple, il est toujours possible de poursuivre l'employeur pour s'être rendu complice d'une infraction contre la législation sur l'immigration, ou pour avoir hébergé un immigrant en situation illégale ou une personne ayant commis une infraction, sauf exception(103) .
357. On l'a vu aux paragraphes 335-342, les sanctions administratives prennent deux formes principales: en premier lieu, les employeurs qui enfreignent les dispositions réglementant l'emploi de travailleurs étrangers ou qui ne se conforment pas à la législation générale sur le travail peuvent se voir refuser de nouvelles autorisations d'employer des travailleurs étrangers, comme en Autriche par exemple; en second lieu, des pénalités financières peuvent être imposées par voie administrative, sous la forme d'une amende cumulée avec l'obligation de payer les frais de rapatriement du travailleur et de sa famille, comme en Belgique, ou sous la forme d'une contribution obligatoire au bénéfice des fonds qui financent le contrôle de l'immigration des travailleurs étrangers(104) .
358. Très peu de gouvernements ont fait état des sanctions civiles prises à l'encontre des employeurs ne respectant pas la législation. Toutefois, la commission a relevé que certaines des législations examinées permettent au travailleur migrant employé illégalement de réclamer à l'employeur des dommages et intérêts ainsi que les frais de rapatriement, pour autant que la situation ne puisse lui être imputée(105) , et qu'en Belgique le ministre peut engager une action en cessation d'activité devant le tribunal du commerce à l'encontre des employeurs fautifs.
359. Dans leurs rapports, les gouvernements se sont en général limités à indiquer les dispositions légales définissant les sanctions en cas d'emploi illégal de travailleurs migrants. Ils n'ont pas fourni d'informations concrètes sur la manière dont ces sanctions sont appliquées dans la pratique, ni sur la mesure dans laquelle des poursuites judiciaires ont été engagées contre les employeurs de travailleurs migrants clandestins. Enfin, il est intéressant de noter que, contrairement à l'Europe, beaucoup de pays d'accueil asiatiques, tout comme les Etats-Unis d'ailleurs, tendent à utiliser les sanctions contre les employeurs comme un moyen de contrôle des migrations clandestines plutôt que du contrôle du respect des normes du travail(106) .
360. L'examen des rapports communiqués à la commission montre que les Etats Membres de l'OIT sont dans l'ensemble très actifs en matière de lutte contre les migrations clandestines - qu'elles soient effectuées dans des conditions abusives ou pas - et contre l'emploi illégal. Toutefois, il semble que les abus dont sont victimes les travailleurs migrants soient toujours aussi nombreux(107) et que la multiplication des lois et pratiques répressives à laquelle on assiste depuis quelques années ne suffise pas à maîtriser efficacement les flux migratoires - à moins de mettre en place un système policier de surveillance disproportionné et ruineux dont l'efficacité ne sera garantie qu'à l'encontre des libertés publiques.
361. Si la lutte contre les migrations clandestines, et a fortiori la protection de ses nationaux par les pays d'émigration et d'immigration, est légitime, il importe dans le même temps de veiller au respect des droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants afin d'éviter que les travailleurs migrants, notamment ceux qui sont en situation irrégulière, se trouvent dans une situation propice aux abus de toutes sortes. La protection des travailleurs migrants et la lutte contre l'émigration clandestine et l'emploi illégal dans le respect des droits de l'homme ne sont pas toujours évidentes dans la pratique.
Situations abusives et illégales
362. L'un des problèmes rencontrés par la commission au cours de la présente étude porte sur la définition de certaines des expressions utilisées dans la convention no 143. Il apparaît, à la lecture du chapitre 4, que la signification précise de l'expression «conditions abusives» (utilisée dans le titre de la partie I ainsi que dans les articles 2 et 3 lus conjointement) n'est pas claire et que cette difficulté pourrait utilement figurer comme l'un des points à discuter par le Conseil d'administration et la Conférence internationale du Travail. Si l'on fait une lecture littérale de la convention, il semble que toute migration «contrevenant aux instruments ou accords internationaux, multilatéraux ou bilatéraux pertinents ou à la législation nationale» puisse être qualifiée d'abusive. Or il existe très clairement des situations abusives qui méritent d'être réglementées, et ce que la situation du travailleur migrant soit en conformité ou non avec la législation nationale ou le droit international. En outre, la convention no 143 est quelque peu ambiguë sur le sens exact que recouvre l'expression «emploi illégal de migrants» utilisée aux articles 3 a) et 6. Cette expression se réfère-t-elle à la nature de l'emploi occupé par le travailleur migrant ou bien fait-elle simplement référence aux conditions de travail dans lesquelles celui-ci est amené à travailler ou aux deux situations à la fois?
363. Si la convention no 143 exige en son article 3 a) que tout Membre prenne «toutes les mesures nécessaires et appropriées [...] pour supprimer les migrations clandestines et l'emploi illégal», la commission s'est rendu compte, au cours de ses travaux, de l'importance du fait que ces mesures fassent appel à des méthodes équilibrées. Cette question n'est pas couverte par les instruments examinés dans la présente étude. Elle saisit donc cette occasion pour rappeler l'exigence figurant à l'article 1 de la convention no 143, à savoir que «Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants», c'est-à-dire quelle que soit leur situation légale dans le pays d'immigration. Cette exigence pourrait constituer un cadre pour les efforts des autorités nationales et former une base pour la discussion de cette question à la Conférence.
364. Enfin, l'on peut se demander si la réglementation des conditions de séjour et de circulation des personnes au niveau international ne serait pas plus efficace si elle était le fruit d'une coopération effective entre les gouvernements concernés, c'est-à-dire si, parallèlement à la lutte contre les migrations clandestines et l'emploi illégal, on agissait sur les causes de cette pression migratoire par le biais d'une véritable(108) politique de codéveloppement durable.
1. Ghosh Bimal, «Huddled Masses and Uncertain Shores, insights into irregular migration», IOM & Martinus Nijhoff Publishers, 1998, p. 18.
2. «En tout, ce trafic rapporte à ses protagonistes, organisés en véritables mafias, des revenus annuels de l'ordre de 7 milliards de dollars», selon une étude d'André Linard pour la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), intitulée «Migrations et mondialisation: les nouveaux esclaves», juillet 1998.
3. L'expression «undocumented» migrants (migrants sans papiers), très utilisée en anglais, est à bien des égards inappropriée. En effet, la plupart des migrants en situation irrégulière sont en général en mesure de produire des papiers. Le problème est que «les documents produits à l'arrivée, dans nombre de pays sont de faux documents - documents contrefaits, altérés, passeports falsifiés ou volés dans les ambassades et consulats à travers le monde ou même documents authentiques utilisés de façon inappropriée. Ces dernières années, une véritable industrie de production de documents falsifiés (par exemple, passeports, visas, pièces d'identité) s'est développée pour répondre aux besoins des trafiquants de main-d'œuvre. Ces faux documents sont souvent recyclés afin d'être réutilisés indéfiniment [...]. Si la technologie existe, dans beaucoup de pays, pour lutter contre les documents de voyage falsifiés, telle que par exemple la vérification de l'identité d'un individu grâce à ses empreintes digitales, un certain nombre de pays ont exprimé des réserves quant aux répercussions de cette technologie sur la vie privée ou même sur les possibles violations des droits civils que de telles procédures peuvent impliquer», in «International Migration Policies», Department of Economic and Social Affairs, Population division, United Nations (ST/ESA/SER.A/161), New York, 1998.
4. Il n'existe pas de définition communément acceptée de la notion de trafic de main-d'œuvre. Toutefois, lors de son séminaire intitulé «Réponse internationale au trafic de main-d'œuvre et protection des droits des migrants» (onzième séminaire de l'OIM sur les migrations, Genève, 26-28 oct. 1994), l'OIM a proposé une définition de ce type de migration illégale. Selon cette définition, la notion de trafic de main-d'œuvre comprend quatre éléments principaux: premièrement, un trafiquant ou un intermédiaire qui s'engage à aider le candidat migrant à franchir une ou plusieurs frontières; deuxièmement, un paiement effectué par le candidat (ou en son nom) au trafiquant pour service rendu; troisièmement, le déplacement prévu est en lui-même illégal et s'accompagne donc de la réalisation d'autres actes illégaux; et quatrièmement, le consentement - au moins formel - du candidat migrant à la transaction, dans la mesure où il souhaite effectivement quitter son pays d'origine.
5. La Confédération mondiale du travail rapporte, par exemple, qu'elle a constaté une augmentation phénoménale du trafic de jeunes enfants (notamment des filles) en Afrique de l'Ouest. Ces jeunes travailleurs viennent généralement de pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Nigéria et le Togo et sont acheminés vers les pays de la sous-région comme la Côte d'Ivoire, le Congo Brazzaville, le Cameroun, le Gabon et le Sénégal. Ce trafic d'êtres humains n'est cependant pas limité à l'Afrique puisqu'on le retrouve en Asie, en Amérique latine et en Europe.
6. Surtout dans les secteurs caractérisés par une forte densité de main-d'œuvre, tels le bâtiment-travaux publics, la confection, l'hôtellerie-restauration, les services domestiques, l'agriculture, etc.
7. Alors qu'en droit international la distinction entre migrant et réfugié est claire, dans la pratique les motifs qui poussent un réfugié ou un migrant à quitter son pays se chevauchent - ce qui aura un impact certain sur la façon dont ces deux catégories seront traitées effectivement.
8. Selon l'étude de la CISL précédemment mentionnée, «Phnom Penh est devenue, depuis quelques années, la plaque tournante d'un gigantesque réseau d'émigration vers les Etats-Unis, l'Europe ou le Japon. Les candidats à l'exil, principalement des Chinois, sont prêts à payer jusqu'à 45 000 dollars pour un voyage tortueux vers l'Amérique».
9. L'exploitation du travail des enfants dépassant largement le simple trafic de main-d'œuvre, la présente étude n'abordera pas la question du trafic des enfants, même si elle est intimement liée à celle du trafic et de l'exploitation sexuelle des travailleuses migrantes. A cet égard, voir «The Sex Sector: The economic and social bases of prostitution in Southeast Asia», Lin Lean Lim (éd.).
10. Voir note de bas de page no 22 dans l'introduction.
11. Les principaux pays d'émigration dans ce domaine sont l'Indonésie, les Philippines, Sri Lanka et la Thaïlande et les terres d'accueil de cette main-d'œuvre sont les Etats du Golfe (en particulier l'Arabie saoudite et le Koweït), Brunei, Hong-kong, Japon, Malaisie, Taiwan (Chine) et Singapour. Pour plus de détails, voir «International Labour Migration of Asian Women: Distinctive characteristics and policy concerns», Lin Lean Lim et Nana Oishi, BIT, fév. 1996.
12. Sur le cas des employés de maison, voir «Making domestic work visible: The case for specific regulation», Adelle Blackett, Programme du Service du droit du travail et des relations professionnelles (document no 2), BIT, Genève, 1998.
13. Des études menées par l'OIM sur la question ont montré que le profil des migrantes en provenance des pays de l'Europe de l'Est, dont le trafic est en nette progression, est sensiblement différent de celui des migrantes originaires des pays en développement. Elles sont en général plus jeunes (entre 15 et 25 ans), célibataires et ont un niveau d'instruction sensiblement plus élevé.
14. Selon une communication d'avril 1998 de la Commission européenne sur le travail non déclaré, la taille de l'économie souterraine se situerait entre 7 et 16 pour cent du produit intérieur brut (PIB) de l'Union européenne, soit entre 7 et 19 pour cent du total des emplois déclarés. Autrement dit, «l'économie noire» procurerait l'équivalent de 10 à 28 millions d'emplois à temps plein, ce qui donne une idée des pertes énormes infligées aux finances publiques des Etats. La commission tient toutefois à rappeler que, si les immigrés clandestins représentent un pourcentage important des travailleurs non déclarés, ils ne sont pas les seuls à travailler au «noir».
15. L'Allemagne a informé la commission qu'en 1996 les services de l'Office fédéral du travail ont engagé un total de 85 742 procédures pour infraction en raison du soupçon de recours illégal à des salariés étrangers, que ces services ont infligé 24 836 amendes et que des avertissements taxés et amendes, totalisant 36,8 millions de deutch marks, ont été infligés aux contrevenants. Parmi les procédures d'infractions engagées, 8 130 ont été transmises aux procureurs en raison du soupçon de délit. L'Italie a fait savoir qu'elle avait expulsé 9 005 étrangers en situation irrégulière en 1997, ce qui représente une augmentation de 3,34 pour cent par rapport à 1996, et prononcé 50 020 arrêtés d'expulsion.
16. Par exemple: Antigua-et-Barbuda, Australie, Belize, Chypre, îles Falkland (Malvinas), Kenya, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Qatar, Royaume-Uni (Sainte-Hélène), Saint-Marin, Sri Lanka (uniquement pour ce qui concerne l'immigration), Suriname, République arabe syrienne.
17. Par exemple, le Bangladesh et Sri Lanka ont pris des mesures pour interdire l'émigration de leurs ressortissantes en vue d'occuper des emplois d'artistes de spectacles, qualification qui, bien souvent, recouvre des activités de prostitution; la Belgique a indiqué avoir modifié sa réglementation relative aux permis de travail pour artistes de spectacles et particulièrement aux artistes de cabarets dans l'optique de combattre certains abus, notamment la traite des êtres humains; les Philippines ont adopté en 1995 le règlement no 8042/1995 qui stipule que l'Etat déploiera ses ressortissants uniquement dans les pays où les droits des travailleurs migrants philippins sont protégés, ainsi qu'un arrêté ministériel no 32/1996 intitulé «Déploiement sélectif des travailleuses des Philippines», dont le but est de définir des stratégies sur le déploiement des travailleuses à l'étranger qui visent à mieux assurer leur protection et à réduire au maximum les risques liés au travail. Les pays d'accueil sont donc choisis en fonction de leur législation sur les travailleurs étrangers, des mécanismes visant à assurer la protection de ces travailleuses, des accords bilatéraux et multilatéraux et des autres mesures de protection. Cette politique met également l'accent sur les professions qui ne mettent pas les intéressées en situation de vulnérabilité et sur la disparition progressive de celles qui les exposent aux abus et à l'exploitation. Bien que la Suède estime qu'elle est peu touchée par le phénomène du trafic de travailleuses migrantes, son ministre des Affaires étrangères a commandé en décembre 1997 un rapport à la Fondation des forums de femmes sur le trafic de travailleuses migrantes dans les pays de l'Union européenne dont l'objet principal est d'identifier l'ampleur du phénomène ainsi que tous les organes (y compris organisations non gouvernementales) qui œuvrent contre ce trafic et apportent une aide aux victimes, et de faire des recommandations. La Thaïlande a mis sur pied des campagnes de sensibilisation visant à décourager les femmes à aller travailler à l'étranger pour y occuper des emplois de domestiques.
18. La lutte contre la propagande trompeuse ayant été abordée aux paragraphes 214-225, elle ne sera qu'évoquée dans le présent chapitre.
19. Tels que, par exemple, la Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966; le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques 1966; la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, 1990.
20. Par exemple: Royaume-Uni (île de Man, îles Vierges britanniques, Jersey).
21. L'article 8 B du Traité de Maastricht confère aux citoyens de l'Union résidant dans un autre Etat membre que celui dont ils sont ressortissants le droit de participer, dans leur Etat membre de résidence, aux élections du Parlement européen et aux élections municipales en tant qu'électeurs ou candidats.
22. Par exemple: Algérie, Angola, Congo, Egypte, Irlande, Liban, République-Unie de Tanzanie (Zanzibar), Togo.
23. La jurisprudence a interprété la loi sur les normes de travail équitables de 1938 comme s'appliquant également aux travailleurs migrants en situation irrégulière, pour ce qui est du salaire minimum et de la durée maximale du travail. Toutefois, de nombreux types d'emploi sont partiellement ou totalement exclus du champ d'application de cette loi. La commission note que ce sont précisément des types d'emploi majoritairement occupés par les travailleurs migrants: agriculture, pêche, vente au détail, etc.
24. Voir paragr. 260 de l'étude d'ensemble sur les travailleurs migrants de 1980.
25. Par exemple: Cameroun (art. 27.3 du Code du travail), République de Corée (mesures d'ensemble pour la protection de tous les travailleurs étrangers illégaux), Mozambique (art. 20 du décret-loi no 1/76).
26. Par exemple: Belgique (dans ce pays, les lois réparant les risques professionnels sont d'ordre public et il n'est pas possible de se prévaloir de la nullité du contrat conclu avec un travailleur en situation irrégulière pour écarter l'application des mesures réparatrices. Si l'employeur n'a pas conclu d'assurance, c'est le Fonds des accidents du travail qui interviendra et se retournera par la suite contre l'employeur); République de Corée (aux termes de la loi relative à l'assurance en matière d'accident du travail, les travailleurs migrants en situation irrégulière sont assurés en cas d'accident du travail et peuvent également obtenir le paiement des sommes qui leur sont dues au titre d'emplois antérieurs, avec l'aide de l'administration).
27. En France, n'ont accès aux prestations de la sécurité sociale que les étrangers en situation régulière vis-à-vis de leur séjour et de leur travail sur le territoire français.
28. En ce qui concerne les travailleurs migrants en situation irrégulière, le Royaume-Uni indique que faire bénéficier des prestations de sécurité sociale les travailleurs migrants dont la situation irrégulière ne peut être régularisée va à l'encontre de la législation en vigueur qui prévoit la suspension ou le refus de prestations pendant toute détention pour une infraction pénale, notamment pour une violation des lois sur l'immigration.
29. Article 27.4 de la loi no 1975/1991.
30. Voir à cet égard l'article 9 de l'annexe II de la convention no 97; et également les paragraphes 316 et 612-613 ci-après.
31. Par exemple en Australie, l'article 210 de la loi sur les migrations de 1958 dispose que les personnes expulsées doivent acquitter auprès du Commonwealth (c'est-à-dire du gouvernement fédéral) les coûts de leur transfert ou de leur expulsion. Aux termes de l'article 207, ces coûts comprennent les billets de transport et les autres coûts acquittés par le Commonwealth pour transporter l'étranger et son gardien d'Australie vers le pays à destination duquel l'intéressé est transféré ou expulsé.
32. Par exemple, ses demandes directes adressées au Burkina Faso (1993, 1995bis), Cameroun (1995bis, 1996), Portugal (1991, 1993, 1995bis), Slovénie (1997).
33. Le gouvernement avait déclaré dans son rapport que le coût de la procédure entraînant l'arrêté d'expulsion ne doit pas être supporté par le travailleur migrant ou sa famille, sauf dans les cas où ce coût tient au fait que l'étranger ne quitte pas le pays volontairement. Dans ce cas, les autorités d'immigration doivent disposer d'éléments indiquant clairement que l'intéressé cherche à se soustraire illégalement à l'application de la décision d'expulsion.
34. Par exemple: Afrique du Sud, Argentine, Belgique, République de Corée, Costa Rica, Espagne, Etats-Unis, France, Grèce, Italie, Malaisie, Mexique, Pays-Bas, Portugal, Venezuela.
35. Il s'agit parfois de travailleurs en situation irrégulière qui se trouvent sur leur territoire depuis de très nombreuses années et qui y ont fondé une famille parfaitement intégrée à la société du pays d'emploi.
36. Loi no 7919/1995 d'intégration sociale des étrangers.
37. Voir aussi les paragraphes 310-311 et 612-613.
38. Les travaux préparatoires à l'adoption de la convention no 143 montrent que les participants avaient bien l'intention de se référer essentiellement aux instruments internationaux ratifiés. La commission a toutefois estimé dans son étude d'ensemble de 1980 (paragr. 188) sur la question que peuvent également être pris en considération les autres instruments internationaux dont les Etats consentent à observer les dispositions même s'ils ne les ont pas ratifiés.
39. Parallèlement à cette aggravation des sanctions à l'encontre des compagnies de transport, un certain nombre de pays (Allemagne, Canada, Pays-Bas) ont élaboré des programmes de formation destinés au personnel des compagnies aériennes et aux fonctionnaires de l'immigration ou ont créé des postes de fonctionnaires de liaison dans les pays d'origine de leur main-d'œuvre immigrée, in «International Migration Policies», op. cit., p. 215.
40. Sri Lanka.
41. Par exemple: Antigua-et-Barbuda, République-Unie de Tanzanie (Zanzibar), Zambie.
42. Par exemple: Chypre, Dominique, Israël, Kenya, République-Unie de Tanzanie (Zanzibar).
43. Par exemple: Italie, Uruguay.
44. Par exemple: Nouvelle-Zélande.
45. Par exemple: France.
46. Par exemple: Ghana, République tchèque.
47. Par exemple: Argentine, Grèce, Koweït, Malaisie, Paraguay, Venezuela.
48. Par exemple: en Suisse, le Registre central des étrangers est informatisé et permet à différentes autorités, notamment la police, de vérifier rapidement la légalité du séjour de tout étranger contrôlé; en République tchèque, le gouvernement est en train de mettre en place un système de centralisation de l'enregistrement de tous les étrangers résidant sur son territoire, système qui comportera également une liste de tous les accords bilatéraux conclus par ce pays avec les gouvernements de pays dont les ressortissants sont intéressés à venir travailler en République tchèque; les pays de l'Union européenne, parties aux accords de Schengen, ont adopté un système d'information (système d'information Schengen ou SIS) aux termes duquel l'inscription d'un étranger dans ce fichier informatique par n'importe lequel des Etats signataires a pour effet d'empêcher qu'un visa lui soit délivré pour entrer dans les autres pays membres.
49. Par exemple: Australie (l'une des fonctions récurrentes du Département de l'immigration et des questions multiculturelles est la détection des immigrés illégaux); France (création, en 1997, d'une Commission nationale et des commissions départementales de lutte contre le travail illégal; en 1996, d'un Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre; en 1994, une Direction centrale du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins, au sein de la Direction générale de la police nationale; etc.); Grèce (en vertu de l'article 5 de la loi no 1975/1991, le gouvernement a créé des équipes spéciales de police pour combattre l'immigration clandestine le long des frontières continentales); Philippines (création en 1995 de la Commission nationale des immigrants clandestins); Pologne (création en 1997 de l'Equipe interministérielle chargée des questions de migrations, dont l'une des tâches est de formuler des recommandations sur les mesures à prendre pour lutter contre les phénomènes négatifs liés aux migrations, notamment l'immigration illégale); Qatar (création au sein du ministère du Travail d'un département spécialement chargé de contrôler les activités des agences privées de recrutement).
50. Cette obligation est généralement levée dans les ensembles régionaux: ainsi, par exemple, les ressortissants de l'Union européenne sont dispensés de l'obligation de visa au sein des pays de l'Union pour les séjours de courte durée. Il en va de même pour les ressortissants de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone, Togo ).
51. Dans certains cas, les pays ont eu recours au système des visas pour répondre de façon flexible aux évolutions des flux migratoires illégaux. Par exemple, après avoir suspendu l'obligation de visa pour les ressortissants du Chili en 1993, le Canada a dû annoncer, l'année suivante, qu'il rétablissait l'obligation de visa pour les Chiliens, notamment à cause du nombre élevé de demandes d'asile présentées par de faux requérants chiliens; à la mi-1996, les Etats-Unis ont aboli l'obligation de visa pour les ressortissants de l'Argentine car la plupart des visiteurs argentins aux Etats-Unis n'avaient pas dépassé la date de validité de leur visa, in «International Migration Policies», op. cit., p. 214.
52. Tels que, par exemple, l'accord bilatéral entre la Turquie et l'Allemagne, aux termes duquel le recrutement est exclusivement assuré par le Service turc de l'emploi et les placements par le Service allemand de l'emploi; ou encore les accords intergouvernementaux passés entre les pays de la Communauté des Caraïbes ou la CARICOM (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Guyana, Jamaïque, Monsterrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Suriname, Trinité-et-Tobago), d'une part, et le Canada et les Etats-Unis, d'autre part, dans le cadre du Programme de travail agricole et du Programme des travailleurs de l'hôtellerie des Etats-Unis et du Programme en faveur des travailleurs agricoles saisonniers des Caraïbes employés au Canada, aux termes desquels chaque année des ressortissants de la Communauté des Caraïbes vont travailler temporairement au Canada et aux Etats-Unis; ou l'Accord sur l'emploi des travailleurs croates en Allemagne, signé le 11 juillet 1992, entre le Bureau de la main-d'œuvre de l'Allemagne et le Bureau de l'emploi croate, aux termes duquel chaque année des ressortissants croates, majoritairement des femmes (72,69 pour cent), vont travailler en Allemagne pendant trois mois.
53. «Si les agences de recrutement, les bureaux de placement à l'étranger, les fournisseurs de main-d'œuvre et une multitude d'autres officines légales et clandestines n'existaient pas, le flux migratoire de la main-d'œuvre asiatique n'aurait pas atteint un tel niveau», Lin Lean Lim et Nana Oishi, op. cit., p. 4.
54. En Croatie, seul le Bureau de l'emploi croate est compétent pour recruter des travailleurs étrangers; en Lituanie, c'est la Bourse nationale de la main-d'œuvre; tandis qu'au Luxembourg c'est l'administration de l'emploi.
55. Par exemple: Antigua-et-Barbuda, Cap-Vert, République centrafricaine, îles Falkland (Malvinas), Royaume-Uni (îles Vierges britanniques), République arabe syrienne.
56. A cet égard, la commission renvoie aux paragraphes 171-187 du chapitre précédent et également aux Principes directeurs sur les mesures spéciales de protection des travailleurs migrants recrutés par des agents privés (voir document GB.270/5).
57. Par exemple, les Philippines ont ainsi décidé d'interdire toute émigration de leurs ressortissants vers l'Arabie saoudite en 1982 et vers Singapour en 1987 pour y occuper des emplois de travailleurs domestiques mais ont dû y renoncer face aux réactions de ces deux pays. En 1988, les Philippines ont alors décidé d'interdire toute émigration de travailleurs domestiques vers quelque pays que ce soit, en attendant les résultats d'une étude approfondie sur les conditions de travail en vigueur dans les principaux pays d'accueil d'Asie et du Moyen-Orient, cela dans l'espoir de conclure par la suite des accords bilatéraux avec tous ces pays. Cette interdiction générale a été abandonnée par les Philippines sans que le gouvernement ait pu conclure d'accords bilatéraux avec tous les pays concernés; Sri Lanka a interdit l'émigration de ses ressortissantes vers le Liban, jusqu'à la conclusion d'un accord entre les deux pays portant sur le salaire minimum, le transfert des gains et des économies des travailleurs migrants, la gratuité des repas, la liberté de circulation, etc. Pour plus de détails, voir Gulati, L.: «Women Migrant Workers in Asia: A review», Programme régional asiatique sur les migrations du travail internationales, BIT-PNUD (New Delhi, Inde, 1993).
58. Par exemple, jusqu'en 1991, le Bangladesh exigeait que les travailleuses domestiques allant travailler à l'étranger soient accompagnées de leurs conjoints; le Ghana a posé pour principe qu'aucune personne de moins de 18 ans ne pourra être recrutée pour travailler à l'étranger; l'Indonésie a décidé que ses ressortissantes devraient être âgées d'au moins 22 ans pour pouvoir quitter le territoire national en vue d'occuper un emploi de travailleuse domestique; l'âge requis par le Pakistan pour ce type d'emploi est de 35 ans.
59. Par exemple, République de Corée (art. 3.8 et 3.9 de la loi sur l'émigration telle qu'amendée au 14 décembre 1991).
60. Par exemple, Trinité-et-Tobago (art. 8.1 c) et e) de la loi no 41/1969).
61. Par exemple, la commission d'experts ayant relevé dans une demande directe de 1995 (reprise en 1997) les larges pouvoirs discrétionnaires du ministre en matière d'autorisation à émigrer - en vertu de l'article 4, alinéas 2 et 3, de la loi no 39/1993 sur le recrutement des travailleurs -, la commission a suggéré au gouvernement de Maurice d'envisager l'abrogation de cet article lors d'une prochaine révision de ladite loi.
62. Par exemple: Albanie, Bélarus, République centrafricaine, République de Corée, Inde, Jamaïque, Pakistan, Sri Lanka, Viet Nam.
63. Par exemple: Afrique du Sud, Allemagne, Angola, Antigua-et-Barbuda, Arabie saoudite, Autriche, Barbade, Bahreïn, Bénin, Bulgarie, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Congo, Côte d'Ivoire, Croatie, Egypte, Ghana, Grèce, Italie, Jamaïque, Jordanie, Kirghizistan, Liban, Mali, Maroc, Maurice, Mozambique, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Roumanie, Suriname, Thaïlande, Tunisie, Togo, Viet Nam, Zimbabwe.
64. Voir paragr. 290-291.
65. «La République du Yémen a de vastes étendues de mer et de terres. Cette situation géographique facilite l'entrée et le départ de personnes dans le pays et hors du pays, et rend difficile le contrôle de la situation par les autorités gouvernementales.»
66. Aux termes de l'article 1, de la convention no 97, le premier domaine de coopération entre Etat est celui de l'échange réciproque d'informations sur la politique et la législation nationales relatives à l'émigration et à l'immigration, les mouvements des travailleurs migrants et leurs conditions de travail et de vie. Sur ce point, voir paragr. 207-213.
67. «On ne peut s'attaquer efficacement au trafic que grâce à une approche multidisciplinaire et coordonnée faisant intervenir l'ensemble des parties prenantes - ONG et autorités chargées des questions sociales, judiciaires, policières et migratoires - et faisant appel à la coopération nationale et internationale. Les recommandations de la Conférence soulignent la responsabilité des Etats Membres, parce que c'est au niveau national que nombre de questions doivent ou peuvent être traitées au mieux. Cependant, la nature transfrontalière de ces questions nécessite la mise en œuvre d'actions au niveau de l'Union européenne, actions qui doivent être entreprises d'abord au niveau européen ou en complément des activités nationales, ensuite dans le cadre de la coopération communautaire avec les pays tiers qui sont les partenaires de l'Union» (conclusions de la Conférence de Vienne sur le trafic de femmes migrantes, organisée par la Commission européenne en 1996).
68. Ainsi, l'Accord nord-américain de coopération en matière de travail de septembre 1993, entre les gouvernements du Canada, des Etats-Unis et du Mexique, prévoit cette coopération et cet échange d'informations à différents niveaux de responsabilité politique ou administrative; de même que le Protocole additionnel adopté dans le cadre de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest portant code de conduite pour l'application du protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement, signé le 6 juillet 1985, dont le titre V porte sur la coopération sous-régionale afin de réduire et d'éliminer les migrations clandestines.
69. La recommandation concerne les ressortissants de pays tiers, à l'exception: des membres de la famille des citoyens de l'Union; des ressortissants d'Etats membres de l'AELE parties à l'accord sur l'EEE et des membres de leur famille; des ressortissants d'Etats tiers se trouvant dans une situation relevant du droit communautaire; des ressortissants d'Etats tiers dont le statut est couvert par un accord bilatéral ou multilatéral. Les ressortissants de pays tiers qui souhaitent travailler sur le territoire d'un Etat membre doivent être en possession des autorisations de séjour et de travail correspondantes requises par la législation de l'Etat membre concerné. L'emploi illégal de travailleurs migrants, le fait de favoriser, de faciliter ou de promouvoir l'emploi illégal, ainsi que le trafic illégal de main-d'œuvre devraient donner lieu à l'imposition de sanctions pénales et/ou administratives, conformément à la législation de l'Etat membre concerné. Les sanctions doivent être efficaces, dissuasives, adéquates et proportionnées à la gravité des infractions commises. Elles devraient permettre la suppression d'éventuels bénéfices supplémentaires ou d'autres avantages obtenus par les employeurs en raison des infractions constatées. Les Etats membres devraient adopter les mesures nécessaires pour coordonner l'action des services compétents dans la lutte contre l'emploi illégal et l'exploitation des ressortissants de pays tiers. Tant bilatéralement qu'au sein du Conseil, les Etats membres devraient procéder à des échanges d'informations en ce qui concerne la lutte contre l'emploi illégal de ressortissants de pays tiers et les réseaux organisés de trafic de main-d'œuvre.
70. Par exemple, l'Accord sous forme d'échange de lettres entre la France et le Maroc relatif à la circulation des personnes, signé le 10 novembre 1983 (confirmé le 25 février 1993), prévoit que les autorités marocaines prendront les mesures pour informer les candidats au départ et les dispositions propres à éviter que ne se mettent en route, à destination de la France, des ressortissants marocains susceptibles de rechercher un établissement en France dans des conditions irrégulières; ou encore l'Accord d'assistance mutuelle administrative en matière de douane, commerce et immigration entre la République populaire du Bénin, la République du Ghana, la République fédérale du Nigéria et la République de Togo du 10 décembre 1984, dont l'article 14, paragraphe 3, prévoit que les parties contractantes s'engagent à informer leurs citoyens sur la nécessité de se conformer aux modalités d'entrée dans le territoire des pays membres; ou les accords de 1992 et 1993 conclus entre le Maroc et le Portugal sur la réadmission d'étrangers en situation irrégulière.
71. La Suisse a indiqué qu'elle collabore avec d'autres pays pour lutter contre l'immigration clandestine, notamment en participant aux travaux du Groupe de Budapest et des Consultations intergouvernementales sur la politique de l'asile, des réfugiés et des migrations en Europe, en Amérique du Nord et en Australie.
72. Selon l'Association des syndicats d'Estonie, la collaboration entre les autorités de leur pays et celles des pays voisins n'est pas très effective.
73. Voir «Binational Study on Migration between Mexico and the United States», Commission on Immigration Reform/Secretaría de Relaciónes exteriores, Mexico, 1997.
74. Par exemple: le Burkina Faso, qui a signé des accords bilatéraux avec, entre autres, la Côte d'Ivoire (convention du 9 mars 1961 relative aux conditions d'engagement et d'emploi des travailleurs voltaïques - depuis le 4 août 1984, la Haute-Volta a changé de nom pour celui de Burkina Faso - en Côte d'Ivoire) et le Gabon (convention du 13 août 1973 relative à la coopération technique en matière de main-d'œuvre), indique, dans son rapport, que ces deux conventions connaissent de sérieuses difficultés d'application: «aucun suivi n'est effectué par les services compétents des deux pays, les travailleurs continuent d'émigrer vers ces pays et à y travailler sans contrôle. Elles n'ont pas été dénoncées par les parties; néanmoins, le Gabon a unilatéralement décidé de contrôler sa main-d'œuvre étrangère en instituant le paiement obligatoire d'une caution de 500 000 francs CFA à tout Burkinabé en quête de travail et désireux de séjourner au Gabon. L'incapacité constatée de tout travailleur burkinabé à s'acquitter de ce montant lui vaut automatiquement expulsion. C'est ainsi qu'en février 1995 400 Burkinabés furent expulsés du Gabon».
75. Australie: dans son rapport, le gouvernement déclare que «toute disposition relative aux infractions concernant le trafic de main-d'œuvre et aux poursuites internationales adoptées conformément aux articles 5 et 6 doit se conformer aux clauses des accords d'extradition bilatéraux conclus entre l'Australie et divers pays». La Belgique et la Suisse ont indiqué que le lieu d'une infraction est réputé être à la fois celui où le contrevenant agit et celui où le résultat se produit.
76. Tels que, par exemple, l'allongement du délai de prescription pour les infractions relatives à l'introduction clandestine de travailleurs étrangers, le refus des circonstances atténuantes ou de remises de peines ou d'abaisser le montant de l'amende minimum, quelles que soient les circonstances, en cas d'emploi illégal, etc.
77. Conférence internationale du Travail, 60e session (1975), Compte rendu des travaux, p. 691, paragr. 158.
78. Les sanctions visant les personnes qui recrutent ou utilisent des travailleurs migrants en situation irrégulière seront examinées aux paragraphes 354-359 ci-après.
79. Par exemple: Afrique du Sud, Albanie, Allemagne, Angola, Antigua-et-Barbuda, Bahreïn, Barbade, Bahamas, Bulgarie, Cameroun, Chili, Colombie, Chypre, République de Corée, Côte d'Ivoire, République dominicaine, Dominique, Etats-Unis, France, Ghana, Indonésie, Israël, Jamaïque, Japon, Kenya, Liban, Maroc, Maurice, Mozambique, Philippines, Portugal, Roumanie, Singapour, Sri Lanka, Suisse, République arabe syrienne, Thaïlande, Tunisie, Zambie.
80. Par exemple: Jamaïque (toute personne qui tentera d'émigrer sans l'autorisation nécessaire pourra être condamnée à une peine de trois mois de prison, au plus, avec ou sans travaux forcés en vertu de la loi de 1925 sur la protection des émigrants); Pakistan (en vertu d'une ordonnance de 1979 sur l'émigration, une personne qui tente d'émigrer irrégulièrement ou qui agit pour aider quelqu'un à émigrer irrégulièrement ou qui provoque le départ de quelqu'un dans ces conditions peut être punie d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans et sept ans en cas de récidive et d'une amende); Sri Lanka (sera punie d'une amende et/ou d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas un an la personne qui ne respectera pas les dispositions de la loi sur le permis de sortie et le passeport (règlement) de 1980 qui exige un permis de sortie).
81. Par exemple: Albanie, Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Chypre, République de Corée, Dominique, Ghana, Indonésie, Israël, Jamaïque, Japon, Kenya, Liban, Maroc, Maurice, Portugal, Suisse, République arabe syrienne, Thaïlande, Tunisie, Zambie.
82. Par exemple: Afrique du Sud (loi sur le contrôle des étrangers, 1991), République de Corée (loi sur le contrôle des entrées et des sorties, 1993), Emirats arabes unis (art. 32 de la loi fédérale no 13/1996), Indonésie (loi no 25/1997), Liban (arrêté no 17561 du 18 septembre 1964), Suisse (loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931, codifiée en 1993).
83. Voir documents de l'Assemblée générale des Nations Unies, 37e session, supplément no 40 (A/37/40), et 47e session, supplément no 40 (A/47/40).
84. Voir document de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, 53e session, E/CN.4/1997/7.
85. Prière de se reporter au document E/CN.4/1997/7 pour de plus amples développements sur cette question, notamment sur la notion de sanctions légitimes figurant à l'article premier de la convention contre la torture, lequel exclut effectivement de son champ d'application les actes qui aboutissent à «la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles».
86. Seulement 27 organisations représentatives ont soumis des commentaires à la commission (14 organisations d'employeurs et 13 organisations de travailleurs) relatifs à l'application des conventions nos 97 et 143 dans leurs pays. La commission a également reçu des observations générales de la Confédération mondiale du travail.
87. Le rôle des organisations syndicales vis-à-vis des migrants en situation irrégulière, particulièrement ceux des pays d'accueil, consiste à leur offrir l'assistance nécessaire pour démêler les problèmes pratiques liés à l'expulsion; faire en sorte que les droits que les travailleurs migrants en situation irrégulière ont acquis lors de leur travail au titre de la rémunération, de la sécurité sociale et d'autres prestations soient respectés; leur faire recevoir une aide juridique, etc. «Protéger ceux qui le sont moins: les droits des travailleurs migrants et le rôle des syndicats», Manuel d'éducation ouvrière no 103, BIT, 1996/2, pp. 14-15.
88. Le gouvernement a répondu en rappelant qu'en Nouvelle-Zélande le processus d'élaboration des lois exige la consultation de toutes les parties concernées.
89. Par exemple: Australie (Conseil consultatif national de la main-d'œuvre), Ghana (Comité consultatif national sur la main-d'œuvre); République arabe syrienne (commissions juridiques et techniques du ministère des Affaires sociales et du Travail et Commission tripartite de consultation et de dialogue); Togo (Conseil national du travail et des lois sociales); Yémen (Conseil du travail).
90. Par exemple: Luxembourg (la Commission nationale de l'emploi et le Conseil national de l'immigration), Norvège (Forum pour une Norvège multiculturelle).
91. Par exemple: Chypre (selon la règle 9.1 de la loi relative à l'immigration et aux étrangers, tout étranger qui travaille sur son territoire sans permis de travail est considéré comme un migrant employé illégalement); Lituanie (l'article 17 de la loi sur le contrat de travail définit l'emploi illégal comme toute activité réalisée par un étranger en violation de la législation du travail).
92. En fait, cette restriction figurait dans les conclusions adoptées par la commission compétente de la Conférence, après la première discussion, qui se référaient à «toute personne qui emploie des travailleurs immigrés dans de telles conditions», mais elle a disparu avec l'adoption, au cours de la deuxième discussion, d'un amendement qui entendait introduire des dispositions spéciales pour la détection de l'emploi illégal des travailleurs migrants. Rien n'indique que les participants avaient l'intention de changer la nature du délit d'emploi illégal.
93. Par exemple: Arabie saoudite, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, République de Corée, Grèce, Indonésie, Jordanie, Koweït, Liban, Lituanie, Malaisie, Maroc, Maurice, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Sri Lanka, République tchèque, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Viet Nam.
94. Loi sur le contrôle et la réforme de l'immigration (amendement à la loi sur l'immigration et la nationalité), 8.U.S.C., paragr. 1342 b).
95. Par exemple: Bahreïn, Bénin, Burkina Faso, Congo, République de Corée, Côte d'Ivoire, Etats-Unis, Ghana, Indonésie, Jamaïque, Liban, Mali, Maroc, Mozambique, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Royaume-Uni (Gibraltar), Sri Lanka, Togo, Tunisie.
96. Par exemple: France, Grèce.
97. Par exemple: Maroc, Saint-Marin.
98. Aux Etats-Unis, toute personne ou entité ayant connaissance d'une violation ou d'une violation potentielle de la loi fédérale peut déposer une plainte, par écrit, décrivant en détail les allégations relatives à une violation potentielle de la loi et la conduite alléguée (8.U.S.C., paragr. 1324 a(e)).
99. Par exemple: France, Maroc, Suisse, Thaïlande.
100. Article 23, alinéa 4, de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers.
101. Par exemple: République de Corée (la loi sur le contrôle des entrées et des sorties punit d'une peine d'emprisonnement allant jusqu'à un an et d'une amende de 5 millions de won l'employeur de migrants clandestins ); Etats-Unis (la loi de 1952 sur l'immigration et la nationalité prévoit que le juge peut ordonner l'arrêt de l'emploi d'un étranger en situation irrégulière et le paiement d'une amende civile de 250 à 10 000 dollars par étranger employé en violation de la loi; l'employeur ou l'entreprise peut en outre faire l'objet d'une condamnation pénale ou du versement d'une amende et, le cas échéant, d'une peine de prison inférieure à six mois); Gabon (la loi no 5/86 du 18 juin 1986 sur l'admission et le séjour des étrangers prévoit une peine d'amende et d'emprisonnement pour l'employeur qui recrute un travailleur étranger en infraction aux dispositions de la loi); Grèce (l'article 33 de la loi no 1975/1991 prévoit trois mois de prison et une amende de 100 000 drachmes au moins).
102. Par exemple: République de Corée, Etats-Unis, Gabon, Indonésie, Luxembourg, Malaisie, Maurice, Norvège, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Suriname, Thaïlande, Tunisie.
103. L'Australie affirme qu'il n'est prévu aucune sanction contre l'employeur qui engage des travailleurs migrants qui ont immigré dans des conditions illégales, sauf s'il le fait en toute connaissance de cause.
104. Par exemple, en Suisse où, en vertu de l'ordonnance limitant le nombre d'étrangers du 6 octobre 1986, l'Office cantonal de l'emploi rejettera totalement ou partiellement les demandes d'embauche de main-d'œuvre étrangère présentées par un employeur qui a enfreint à plusieurs reprises ou gravement les prescriptions du droit des étrangers (art. 55, alinéa 1). En vertu de l'article 55, alinéa 3, les frais d'assistance et de rapatriement des étrangers occupés sans autorisation seront mis à la charge de l'employeur indélicat.
105. Par exemple: Egypte (le tribunal exigera d'office le paiement de dommages et intérêts à la personne lésée, loi no 10/1991), Mali.
106. «International Migration Policies», op. cit., p. 223.
107. Voir, par exemple, à cet égard le document GB.265/ESP/2, paragr. 35-36, sur la persistance des mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants.
108. Pour nombre de pays pauvres, c'est l'argent des émigrés et non celui de l'aide internationale qui constitue la recette la plus importante: avec 0,27 pour cent de leur produit intérieur brut consacré à l'aide publique au développement, les pays développés n'ont jamais été aussi éloignés de l'objectif de 0,7 pour cent fixé dans les enceintes internationales.
Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.