87e session |
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Rapport III (Partie 1B) |
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Etude d'ensemble sur les travailleurs migrants |
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Egalité de chances et de traitement
365. Les travailleurs migrants doivent faire face à de multiples formes de discrimination en matière d'emploi et de profession. Ils accomplissent souvent les travaux que les travailleurs nationaux répugnent à faire, ce qui explique qu'ils occupent avant tout des emplois manuels non qualifiés, socialement peu valorisants et se voient généralement confier des travaux pénibles ou dangereux(1) . De nombreuses études, et notamment celle menée récemment par le BIT dans plusieurs pays(2) , l'ont clairement démontré: la discrimination dont souffrent les travailleurs migrants commence en fait dès l'embauche, et ces difficultés à trouver un emploi se traduisent souvent par le fait que des personnes hautement qualifiées accomplissent des tâches assez subalternes.
366. Une fois qu'ils ont trouvé du travail, les travailleurs migrants se heurtent souvent à d'autres formes de discrimination. Sachant que les travailleurs migrants se trouvent concentrés au bas de l'échelle professionnelle, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils gagnent nettement moins en moyenne que les travailleurs nationaux. Toutefois, il arrive fréquemment qu'ils gagnent également moins que les nationaux qui accomplissent le même travail qu'eux. Ayant aussi moins de chance que les nationaux de recevoir une formation supplémentaire, leurs chances d'avancement et de promotion sont diminuées d'autant. Enfin, si les travailleurs migrants ont du mal à trouver du travail, ils ont aussi du mal à ne pas le perdre. Ils font souvent office de stock régulateur de main-d'œuvre: embauchés en période de pénurie et remerciés quand la situation de l'emploi se détériore. Cette situation n'est en rien l'apanage des pays riches et se retrouve également dans les pays en développement les plus dynamiques(3) .
367. La commission souhaite attirer l'attention sur le fait qu'en matière d'emploi les travailleuses migrantes sont victimes de discrimination à deux titres: premièrement, parce qu'elles sont étrangères et sont à ce titre confrontées aux mêmes discriminations que leurs homologues masculins; et deuxièmement, parce qu'elles sont femmes et, en tant que telles, bien souvent victimes de conceptions traditionnelles, fortement enracinées, relatives à la place des femmes dans la société en général et dans la vie professionnelle en particulier, qui prévalent dans leur pays d'origine ou dans le pays d'emploi. Ces attitudes sociales peuvent avoir des répercussions, par exemple, sur le droit de ces travailleuses de quitter leur pays d'origine sans l'autorisation de leur conjoint, de se lancer dans certaines activités professionnelles, de recevoir un salaire égal pour un travail de valeur égale, d'accéder à une éducation ou à des programmes de formation, etc. A cet égard, on ne peut manquer de relever que la grande majorité des travailleuses migrantes est concentrée dans des professions ou secteurs d'activité «typiquement féminins», qui non seulement tendent à être moins bien rémunérés que les emplois occupés par des hommes, mais également qui figurent parmi les moins bien protégés par la législation du travail(4) . C'est pourquoi, bien que la politique d'égalité de chances et de traitement énoncée par la convention no 143 mette principalement l'accent sur la discrimination fondée sur la nationalité, la commission souhaite attirer l'attention sur le fait qu'aux termes de l'article 6 de la convention no 97 la politique d'égalité de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants, que tout Etat Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à appliquer, doit se faire «sans discrimination de nationalité, de race, de religion ni de sexe». La commission a donc relevé avec intérêt les informations fournies par la Finlande sur cet aspect de sa politique d'égalité en faveur des travailleurs migrants(5) .
368. Pour l'OIT, la mise en œuvre d'une politique d'égalité
de traitement entre les travailleurs nationaux et les travailleurs migrants,
et plus encore d'égalité de chances, représente une mesure
de protection, en ce qu'elle vise à assurer le respect de la dignité
de cette catégorie de travailleurs particulièrement vulnérable
aux abus de toute sorte. Elle constitue également une arme dissuasive,
dans la mesure où elle permet de relever ou de maintenir le coût
de la main-d'œuvre migrante à un niveau égal à celui
de la main-d'œuvre nationale, comme l'a bien souligné le gouvernement
de la Pologne qui, dans son rapport, estime que la ratification des
conventions nos
97 et 143
et donc la reconnaissance du principe de l'égalité de traitement
entre travailleurs nationaux et étrangers aura pour effet, entre autres,
de diminuer l'intérêt de certains employeurs polonais pour la main-d'œuvre
étrangère et donc de prévenir le phénomène
du «dumping» social(6) . Dans
le même ordre d'idée, c'est avec intérêt que la commission
a noté que le Tribunal fédéral de la Suisse a
reconnu que l'application du principe de l'égalité de traitement
entre travailleurs nationaux et étrangers, en préservant la paix
sociale, présente un intérêt public suffisant pour justifier
une certaine restriction à la liberté du commerce et de l'industrie
garantie par la Constitution ou que l'article 69 de la Constitution du
Panama interdit l'engagement de travailleurs étrangers qui aurait
pour conséquence un abaissement des conditions de travail ou de vie des
travailleurs nationaux. La lutte contre la discrimination dans l'emploi se fonde
certes sur des critères moraux et sociaux mais également économiques,
comme l'illustre l'extrait ci-après du manuel élaboré par
le BIT en conclusion du projet «Combattre la discrimination à l'égard
des travailleurs émigrés et des minorités ethniques dans
le monde du travail».
Encadré 5.1 Comme l'a montré la première phase du projet de l'OIT, les discriminations sur le marché du travail existent bien, et elles touchent particulièrement les migrants et les membres des minorités ethniques. Mais pourquoi les responsables politiques, le législateur, les employeurs, les consommateurs, les ONG, les syndicats et les prestataires de services devraient-ils se préoccuper suffisamment de cette situation pour s'efforcer de la changer? Plusieurs raisons militent en ce sens, que l'on exposera ci-dessous [...] Raisons économiques
On trouvera ci-dessous un certain nombre d'arguments économiques à l'encontre de la discrimination et en faveur de l'égalité de traitement:
L'ensemble des arguments économiques est convaincant et ne devrait laisser indifférent aucun employeur 5 . Pourtant, par ignorance ou manque de jugement, de nombreux employeurs ne sont pas conscients des coûts de la discrimination et ne modifient pas leur comportement, ce qui leur nuit et nuit à autrui. 1 Pour des exemples précis sur la manière dont les entreprises britanniques bénéficient de la non-discrimination, voir Confédération de l'industrie britannique (1991): Discriminate on ability: Practical steps to add value to your workforce , Londres. Pour des exemples d'autres pays européens, voir Stewart et Lindburg (1997): Gaining from diversity: business participation and benefits in Europe's ethnic and cultural change, a Report on perspectives and issues as a contribution to the European Year Against Racism (Bruxelles). 2 Voir Wrench (1997): European Compendium of good practice for the prevention of racism at the workplace (Dublin, Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail), p. vi et p. 36. Pour des statistiques sur le coût pour les employeurs britanniques du harcèlement racial et de la discrimination sur le lieu de travail, voir le rapport de la Commission pour l'égalité raciale (1995), pp. 11-13. 3 Cette stratégie, connue sous le nom de «micromarketing», est exposée par Anholt dans les termes suivants: «les spécialistes de la commercialisation [américains et australiens] ont découvert depuis longtemps que les gens donnent la préférence à ceux qui parlent leur langue - et, d'une manière plus complexe et plus subtile, qui expriment leur culture - par rapport à ceux qui ne peuvent ou ne veulent le faire». Voir Anholt (1997), «Tapping into microculture», dans The Times , 29 oct. 1997, Londres. 4 Pour des exemples précis d'entreprises, voir le rapport de la Commission pour l'égalité raciale (1995). 5 Pour une vue d'ensemble des arguments économiques qui s'opposent à la discrimination (en l'occurrence celle fondée sur le sexe) du point de vue des employeurs, voir D'un employeur à un autre ... Parlons de l'EGALITÉ), Genève, 1997. Sources: Manual on achieving equality for migrant and ethnic minority workers (draft); OIT, Genève, 1998, pp.10-13. |
Section I
. Portée des principes posés par les instruments
de 1949 et 1975
369. L'objectif principal des quatre instruments qui font l'objet de la présente étude est l'élimination des traitements discriminatoires auxquels sont exposés les travailleurs migrants dans leur emploi mais aussi dans leurs conditions de vie. Toutefois, l'approche suivie par ces différents instruments est différente: alors que la convention no 97 et la recommandation no 86 visent à proscrire les inégalités de traitement qui résultent principalement de l'action des pouvoirs publics, la partie II de la convention no 143 et la recommandation no 151 visent, en outre, à promouvoir l'égalité de chances et à éliminer les discriminations dans la pratique. Enfin, il convient de souligner qu'aux termes de l'article 6 de la convention no 97 et de l'article 10 de la convention no 143 les dispositions des quatre instruments en matière d'égalité de traitement ne s'appliquent qu'aux travailleurs migrants (ainsi qu'aux membres de leur famille) qui se trouvent légalement sur le territoire du pays d'immigration.
370. Le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention no 97 a la teneur suivante:
1.Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à appliquer, sans discrimination de nationalité, de race, de religion ni de sexe, aux immigrants qui se trouvent légalement dans les limites de son territoire, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu'il applique à ses propres ressortissants en ce qui concerne les matières suivantes:
a) dans la mesure où ces questions sont réglementées par la législation ou dépendent des autorités administratives:
i) la rémunération, y compris les allocations familiales lorsque ces allocations font partie de la rémunération, la durée du travail, les heures supplémentaires, les congés payés, les restrictions au travail à domicile, l'âge d'admission à l'emploi, l'apprentissage et la formation professionnelle, le travail des femmes et des adolescents;
ii) l'affiliation aux organisations syndicales et la jouissance des avantages offerts par les conventions collectives;
iii) le logement;
b) la sécurité sociale (à savoir les dispositions légales relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, à la maternité, à la maladie, à la vieillesse et au décès, au chômage et aux charges de famille, ainsi qu'à tout autre risque qui, conformément à la législation nationale, est couvert par un système de sécurité sociale), sous réserve:
i) des arrangements appropriés visant le maintien des droits acquis et des droits en cours d'acquisition;
ii) des dispositions particulières prescrites par la législation nationale du pays d'immigration et visant les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics, ainsi que les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l'attribution d'une pension normale;
c) les impôts, taxes et contributions afférents au travail, perçus au titre du travailleur;
d) les actions en justice concernant les questions mentionnées dans la présente convention.
371. Cette disposition interdit les inégalités de traitement qui pourraient résulter de la législation et de la pratique des autorités administratives dans un certain nombre de domaines. En revanche, elle n'oblige pas les Etats à prendre des mesures législatives ou autres en vue de corriger les inégalités de fait. Les Etats ont cependant l'obligation générale, lorsque les matières visées à l'alinéa a) notamment sont réglementées par la législation nationale, de s'assurer, en particulier par l'intermédiaire des services d'inspection du travail ou d'autres autorités de surveillance, que celle-ci est appliquée. La formule selon laquelle l'Etat doit accorder «un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu'il applique à ses propres ressortissants» autorise l'application d'un traitement qui, bien que n'étant pas absolument identique, serait équivalent dans ses effets à celui dont bénéficient les nationaux(7) .
372. Le principe de l'égalité de traitement prévu par la convention no 97 doit être appliqué dans un certain nombre de matières qui seront examinées plus en détail dans la section II du présent chapitre. Il faut toutefois préciser, à ce stade, que la convention no 97 ne traite pas de l'accès à l'emploi et aux différentes professions. Cette question fait par contre l'objet des dispositions du paragraphe 16 de la recommandation no 86.
Etats fédératifs
373. Dans les Etats fédératifs, l'application de l'article 6 de la convention no 97 pourrait soulever certaines questions d'ordre constitutionnel. En vertu du paragraphe 2 de l'article 6, les dispositions du paragraphe 1 de cet article doivent être appliquées dans la mesure «où les questions auxquelles elles ont trait sont réglementées par la législation fédérale ou dépendent des autorités administratives fédérales». Ce paragraphe 2 a donc été adopté pour permettre à ces Etats de ratifier la convention, même si en raison de la répartition des pouvoirs et des responsabilités entre les autorités fédérales et les autorités des entités constituantes (Etats, provinces, cantons, etc.) ils ne peuvent assurer pleinement les obligations découlant de l'application du principe de l'égalité de traitement. En ce qui concerne les questions qui sont réglementées par la législation des entités constituantes ou qui dépendent de leurs autorités administratives, chaque Etat devra déterminer dans quelle mesure et dans quelles conditions les dispositions du premier paragraphe de l'article 6 leur seront appliquées. A cet égard, l'Australie a indiqué que sa pratique consistant à ne ratifier une convention que lorsqu'elle a obtenu l'accord formel de tous les gouvernements des territoires et des Etats constituants permet d'éviter que l'application de cet instrument ne pose problème ultérieurement. Des rapports examinés, il ressort que la définition de la politique d'immigration relève en général du niveau fédéral, tandis que la mise en œuvre de la politique de non-discrimination en matière d'emploi et de profession relève de la compétence des autorités des entités constituantes(8) .
374. Pour assurer l'égalité de chances et de traitement dans les faits, il est essentiel que la législation et la pratique administrative ne permettent aucune différence de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs migrants en situation régulière. Toutefois, cela n'est pas suffisant dans la mesure où les migrants, plus que d'autres groupes, sont souvent victimes de préjugés et d'attitudes discriminatoires dans le domaine du travail et des conditions de vie, notamment en période de récession économique et de chômage élevé. En outre, leur manque d'information et de connaissances, souvent aggravé par des difficultés d'ordre linguistique, fait qu'ils ne se prévalent pas toujours des droits qui leur sont reconnus. C'est pourquoi la partie II de la convention no 143 et la recommandation no 151 ne demandent pas seulement l'élimination des mesures légales ou administratives discriminatoires, mais également une action positive des pouvoirs publics en vue de promouvoir dans les faits l'égalité de chances. Tout en tenant compte des problèmes particuliers des migrations aux fins d'emploi, les instruments de 1975 s'inspirent, dans leurs grandes lignes, de la convention et de la recommandation (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958(9) . Ces instruments ont récemment fait l'objet d'une étude spéciale(10) , dont les constatations relatives à l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession doivent être tenues à l'esprit dans le cadre de la présente étude.
375. Aux termes de l'article 10 de la convention no 143, les Etats ont l'obligation de «formuler et [d']appliquer une politique nationale visant à promouvoir et à garantir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, de sécurité sociale, de droits syndicaux et culturels et de libertés individuelles et collectives pour les personnes qui, en tant que travailleurs migrants ou en tant que membres de leur famille, se trouvent légalement sur son territoire».
376. Si la convention indique clairement la portée et le contenu de la politique à suivre, elle laisse à chaque Etat le choix des méthodes à suivre pour formuler et appliquer cette politique. Ces méthodes doivent seulement être «adaptées aux circonstances et aux usages nationaux». Selon les cas, la politique d'égalité de chances et de traitement pourra résulter de normes constitutionnelles(11) ou légales(12) , d'un ensemble de mesures d'ordre administratif ou légal(13) ou autres(14) . C'est pourquoi le fait qu'il n'existe pas de texte général formulant expressément une politique d'égalité de traitement ne constitue pas un obstacle à l'acceptation des obligations découlant de la partie II de la convention no 143 comme semblent le penser certains gouvernements(15) . Dans certains pays, comme la Finlande par exemple, les dispositions constitutionnelles consacrent le principe général de l'égalité entre nationaux et étrangers sous certaines réserves (essentiellement l'exercice des droits politiques). Toutefois, dans la mesure où ces dispositions réglementent essentiellement les rapports entre l'Etat et les particuliers et non pas les relations entre personnes privées (notamment entre employeurs et travailleurs), il semble que des mesures complémentaires soient nécessaires.
377. L'égalité de chances et de traitement n'a pas à être réalisée dès la ratification de la convention. Elle constitue l'objectif vers lequel doit tendre la politique nationale, qui peut être mise en œuvre progressivement par un programme coordonné de mesures positives. Celles-ci sont décrites d'une manière détaillée à l'article 12 de la convention ainsi que dans certaines dispositions de la recommandation no 151 qui seront examinées dans la section II du présent chapitre et dans le chapitre 6.
Travailleurs saisonniers
378. En ce qui concerne les travailleurs saisonniers, l'application de la politique de promotion de l'égalité à leur égard a été discutée à plusieurs reprises au cours des travaux préparatoires à l'adoption de la convention no 143 et a fait l'objet des commentaires suivants de la part du Bureau international du Travail: «En l'état actuel du texte, il est clair que les travailleurs migrants saisonniers ne sont pas exclus (comme ils ne sont pas exclus non plus de la convention no 97) et devraient donc bénéficier de l'égalité de chances et de traitement. Toutefois, la mesure dans laquelle ils pourraient bénéficier en fait de la 'politique nationale' demandée par la convention dépendra vraisemblablement de la durée de leur séjour dans le pays d'emploi(16) .» Il paraît évident que si les travailleurs saisonniers, comme les autres travailleurs migrants, doivent bénéficier de l'égalité de traitement dans les questions ayant un effet immédiat telles que la rémunération, la durée du travail, etc., les possibilités de les faire bénéficier de mesures exigeant certains délais comme la formation professionnelle sont dans la pratique beaucoup plus limitées, compte tenu des dérogations temporaires au libre choix de l'emploi autorisées par la convention no 143, à son article 14 a).
Méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux
379. La convention no 143, à son article 10, demande aux Etats de formuler et appliquer une politique nationale d'égalité visant à promouvoir et à garantir l'égalité de chances et de traitement «par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux». La convention n'oblige pas les Etats à intervenir dans les matières qui, dans certains pays, relèvent de la négociation collective ou de l'autonomie des partenaires sociaux comme semblent l'avoir interprété certains gouvernements(17) . Comme la commission l'a rappelé dans ses études d'ensemble sur la convention no 111 (laquelle prévoit une obligation rédigée dans des termes similaires), en pareil cas, l'Etat peut s'efforcer d'obtenir les résultats recherchés, si besoin est, par voie d'incitation, d'efforts de persuasion, de négociation, plutôt que de recourir à des mesures d'autorité ou à la législation. L'adaptation des méthodes aux «circonstances et usages nationaux» est également prévue d'une manière expresse à l'article 12 de la convention no 143, qui précise les mesures à prendre dans le cadre de la politique nationale. Dans ces conditions, l'alinéa b) de l'article 12, qui se réfère plus précisément à la promulgation de lois propres à assurer l'acceptation et l'application de cette politique, ne saurait être interprété comme imposant une obligation générale de légiférer dans tous les domaines couverts par la partie II de la convention. Cette conclusion n'est pas infirmée par l'alinéa g) de l'article 12, selon lequel les Etats doivent garantir l'égalité de traitement en matière de conditions de travail entre tous les travailleurs migrants exerçant la même activité: d'une part, cette disposition s'inscrivant dans le cadre général de l'article 12, les mesures qu'elle prescrit doivent être prises d'une manière conforme «aux circonstances et aux usages nationaux», d'autre part, l'examen des travaux préparatoires(18) montre que cette disposition a été adoptée «pour éviter des discriminations entre travailleurs migrants selon leur nationalité et leurs régimes particuliers d'emploi». A cet égard, il sera certainement utile d'examiner les conséquences - au niveau de l'égalité de traitement entre travailleurs migrants - de la multiplication des unions régionales. A cet égard, il sera certainement utile d'examiner les conséquences - au niveau de l'égalité de traitement entre travailleurs migrants - de la multiplication des unions régionales. En effet, si l'un des objectifs de ces unions régionales est l'égalité de traitement entre ressortissants des pays membres, dans la pratique cette égalité se fait au détriment des ressortissants des pays tiers. C'est une des questions qui devraient être abordées par la Conférence internationale du Travail dans le cadre d'une discussion sur les migrations aux fins d'emploi.
380. Contrairement à l'article 6 de la convention no 97, la partie II de la convention no 143 ne contient pas de dispositions particulières concernant les Etats fédératifs. Toutefois, étant donné la rédaction très souple des articles 10 et 12, ces Etats devraient pouvoir accepter les obligations de la convention sans que cela ne porte atteinte à la répartition des pouvoirs et des responsabilités entre les autorités de l'Etat fédéral et celles des entités constituantes.
Section II. Questions couvertes par les instruments
381. L'article 6 de la convention no 97 implique l'élimination des dispositions légales et des pratiques discriminatoires dans les domaines visés par cet instrument. Une obligation de nature similaire est expressément prévue par l'article 12 d) de la convention no 143 aux termes duquel les Etats doivent «abroger toutes dispositions législatives et modifier toutes dispositions ou pratiques administratives qui sont incompatibles avec ladite politique». Comme on l'a vu au paragraphe 372, l'article 6 de la convention no 97, à son paragraphe 1, alinéa a), vise l'essentiel des conditions de travail mais pas l'accès à l'emploi. Par contre, la politique d'égalité prévue par l'article 10 de la convention no 143 porte, entre autres, sur l'accès à l'emploi et la profession. Ces termes sont similaires à ceux utilisés par la convention no 111, qui précise à son article 1, paragraphe 3, que les mots «emploi» et «profession» recouvrent l'accès à la formation professionnelle, à l'emploi et aux différentes professions ainsi que les conditions d'emploi. Il semble donc logique de leur attribuer ici le même sens, d'autant plus que les dispositions de la recommandation no 111, qui explicitent le contenu de ces diverses matières (paragr. 2 b), i) à vi)), sont reprises dans des termes similaires par la recommandation no 151, à son paragraphe 2 a) à f).
A. Elimination
des mesures législatives
ou administratives discriminatoires
382. Il convient de rappeler ici que l'égalité de chances et de traitement consacrée par l'article 10 de la convention no 143 ne s'applique qu'au travailleur migrant et aux membres de sa famille qui se trouvent légalement sur le territoire. Ce n'est qu'une fois qu'il aura été admis aux fins d'emploi dans un pays d'immigration que le travailleur bénéficiera de la protection prévue par cette partie de la convention. L'article 10 ne porte donc pas atteinte au droit des Etats d'admettre ou de refuser un étranger sur leur territoire. Il n'a pas non plus pour objectif de réglementer la délivrance ou le renouvellement des autorisations de séjour ou de travail. Les dispositions de la partie II se situent résolument après que le travailleur migrant ait été régulièrement admis sur le territoire du pays d'accueil. Ce n'est que lorsque les autorisations de séjour et permis de travail comportent des restrictions ou des conditions contraires au principe d'égalité de chances et de traitement prévu à l'article 10 de la convention no 143 que les Etats pourront être appelés à modifier leur législation ou leur pratique conformément à l'article 12 d).
383. La convention autorise, à son article 14, certaines restrictions au principe d'égalité de traitement en matière d'accès à l'emploi. Les unes, de portée générale, autorisent les Etats à restreindre temporairement le libre choix de l'emploi pendant une période prescrite ne devant pas dépasser deux ans (article 14 a)). Les autres, de nature spécifique, permettent de restreindre d'une manière permanente l'accès à des catégories limitées d'emplois et de fonctions dans l'intérêt de l'Etat (article 14 c)).
a) Restrictions de portée générale
384. L'article 14 a) de la convention no 143 prévoit que tout Membre peut:
subordonner le libre choix de l'emploi, tout en assurant le droit à la mobilité géographique, à la condition que le travailleur migrant ait résidé légalement dans le pays aux fins d'emploi pendant une période prescrite ne devant pas dépasser deux années ou, si la législation exige un contrat d'une durée déterminée inférieure à deux années, que le premier contrat de travail soit venu à échéance.
385. A cet égard, il convient de rappeler que la recommandation no 86 qui préconisait déjà à son paragraphe 16 l'égalité de traitement en matière d'accès à l'emploi indiquait que des restrictions temporaires pouvaient être observées pendant une durée de cinq ans.
386. L'article 14 a) de la convention no 143 établit une distinction entre les restrictions au libre choix de l'emploi qui peuvent être autorisées pendant une certaine période et le droit à la mobilité géographique qui doit être assuré quelle que soit la durée du séjour ou de l'emploi.
i) Restrictions au libre choix de l'emploi
387. A l'exception des quelques pays où les immigrants sont admis dès leur arrivée à titre permanent, la plupart des législations nationales comportent des restrictions susceptibles d'affecter le libre choix de l'emploi. Ces dispositions peuvent limiter directement l'accès à l'emploi des travailleurs migrants en réglementant leurs possibilités de changer d'emploi ou en établissant des priorités d'emploi en faveur des travailleurs nationaux. D'autres limitations ont un effet indirect sur l'emploi des travailleurs migrants, telles les dispositions légales impliquant l'obligation pour les employeurs d'obtenir une autorisation d'occuper des travailleurs étrangers ou fixant la proportion de travailleurs nationaux qui doivent être obligatoirement employés dans l'entreprise.
Restrictions directes
388. En ce qui concerne les restrictions directes aux possibilités de changement d'emploi, les pratiques des divers pays sont plus ou moins restrictives selon les cas. Dans de nombreux pays, des permis de travail sont délivrés aux étrangers, dans une première période tout au moins, pour un poste déterminé dans une entreprise ou pour un employeur déterminé(19) , voire pour une zone géographique déterminée comme, par exemple, en Bulgarie pour les travailleurs migrants temporaires. Tel semble être également le cas des pays qui distinguent entre les immigrants admis à titre permanent et les travailleurs migrants temporaires, en ce qui concerne cette dernière catégorie. Dans certains cas, l'autorisation peut être accordée pour une profession ou une branche d'activité déterminée sans être limitée à un employeur soit dès la première période d'emploi(20) , soit lorsque certaines conditions de résidence et d'emploi sont remplies.
389. Lorsque l'autorisation n'est délivrée que pour un poste ou un employeur déterminé, le travailleur ne pourra changer de poste ou d'employeur que dans certaines conditions. Il en est de même en ce qui concerne les modifications de catégories professionnelles autorisées. Dans la plupart des pays, l'autorisation de changer d'employeur est en principe exclue pendant la première année, et les travailleurs qui sont au bénéfice d'un permis de travail délivré pour une profession déterminée devront, dans la règle, demeurer dans la profession autorisée par le permis. En outre, dans la plupart des cas, l'autorisation de changer d'employeur ou d'occupation ne sera accordée qu'après examen de la situation du marché de l'emploi(21) .
Restrictions indirectes
390. Dans plusieurs pays(22) , l'employeur ne peut occuper un travailleur étranger que pour autant qu'il en ait obtenu l'autorisation ou que le contrat de travail qu'il se propose d'offrir au travailleur étranger ait été visé par les autorités compétentes. Cette autorisation ou ce visa, destinés à l'employeur, doivent donc être distingués du permis de travail destiné au travailleur. Certaines législations(23) exigent du reste à la fois l'autorisation d'occupation et le permis de travail. Bien que l'autorisation d'occupation soit à la charge de l'employeur, elle n'en a pas moins des effets restrictifs quant à la mobilité professionnelle des travailleurs étrangers, puisque ceux-ci ne pourront être engagés chez les employeurs auxquels les autorisations d'occupation sont refusées. Suivant les cas, l'autorisation d'occupation ne sera accordée que si la situation du marché de l'emploi l'autorise(24) ou si le quota de travailleurs étrangers fixé pour chaque entreprise(25) ou au niveau national(26) n'est pas dépassé, ou, comme aux Etats-Unis, si cela ne va pas affecter négativement les salaires et conditions de travail des travailleurs nationaux employés dans des activités similaires. La commission estime que de telles dispositions contreviennent de manière certaine au principe de l'égalité de traitement entre travailleurs étrangers et nationaux(27) .
391. Les restrictions à l'emploi qui frappent les étrangers, que ce soit dans le cadre des permis de travail ou des autorisations d'occupation, sont en règle générale imposées pendant une phase préliminaire et sont progressivement levées lorsque le travailleur, après une période de résidence ou d'occupation prescrite, acquiert le statut de résident permanent ou est mis au bénéfice d'un permis de travail sans restriction. La durée pendant laquelle de telles restrictions à l'emploi s'appliquent varie considérablement selon les pays(28) , alors que la période maximale autorisée par l'article 14 a) de la convention no 143 est de deux ans(29) . Toutefois, dans la pratique, cette durée peut être réduite pour les ressortissants de pays avec lesquels des accords bilatéraux ou multilatéraux de main-d'œuvre ont été passés ou supprimés pour les travailleurs appartenant à des pays d'une même zone de libre circulation de la main-d'œuvre, comme pour les ressortissants des 15 pays membres de l'Union européenne, ou s'il existe des accords bilatéraux entre pays, telle la convention d'établissement et de circulation des personnes entre la République de Haute-Volta et la République du Mali du 3 septembre 1969. Si, en règle générale, les limitations aux possibilités de changer d'emploi sont progressivement levées à l'expiration d'une période prescrite par la législation nationale, tel n'est pas toujours le cas. Pour certains pays, dont la politique d'immigration soit établit une distinction entre les immigrants admis à titre permanent et les travailleurs migrants temporaires, comme aux Etats-Unis(30) , par exemple, soit ne reconnaît que l'immigration temporaire(31) , l'autorisation délivrée à ces derniers n'est accordée que pour une période et un emploi déterminés. En conséquence, ces travailleurs ne peuvent changer d'emploi sans obtenir une nouvelle autorisation, et cela quelle que soit la durée du séjour effectué dans le pays(32) .
392. Les possibilités de dérogation prévues par l'article 14 a) de la convention no 143 sont également applicables aux membres de la famille des travailleurs migrants, bien que cette disposition ne les mentionne pas expressément. Dans la mesure où les membres de la famille n'ont pas acquis le statut de résident permanent ou un permis de travail sans limitation, ils ne peuvent en général prendre un emploi sans autorisation. La délivrance de cette autorisation sera en principe fonction de la situation du marché de l'emploi et pourra être soumise à une condition de résidence, comme en Autriche, au Danemark, au Royaume-Uni ou en Suisse par exemple. Il semble néanmoins que, dans de nombreux pays, les restrictions à l'emploi cessent d'être appliquées aux membres de la famille des travailleurs migrants en même temps qu'elles sont levées pour ces derniers.
393. Les limitations à l'accès à l'emploi qui frappent les travailleurs étrangers peuvent également résulter des priorités d'emploi établies en faveur des travailleurs nationaux dans beaucoup de pays. Dans nombre d'entre eux, la législation fait obligation aux employeurs, de façon plus(33) ou moins(34) explicite, d'accorder la préférence aux nationaux ou exige des services de l'emploi qu'ils mettent en œuvre les priorités établies en faveur des nationaux(35) . En règle générale, la priorité s'exercera en premier lieu en faveur des nationaux, puis en faveur de certaines catégories privilégiées d'étrangers, tels que les conjoints étrangers ou les travailleurs appartenant à une même communauté régionale ou sous-régionale(36) . Dans les deux cas, cette situation paraît contraire au principe de l'égalité de traitement en matière d'accès à l'emploi lorsqu'elle se prolonge au-delà de la période admise par l'article 14 a) susmentionné, à savoir deux ans. Il semble, toutefois, que, dans la grande majorité des pays, cette préférence nationale ne s'exerce que par rapport aux étrangers qui ne résident pas dans le pays(37) .
394. L'égalité en matière d'accès à l'emploi suppose le droit pour les étrangers d'avoir accès aux services de placement dans les mêmes conditions que les nationaux(38) . Dans la plupart des pays examinés, seuls les nationaux peuvent être inscrits auprès des services de placement ou alors les étrangers résidant de façon permanente sur leur territoire(39) . La commission a toutefois relevé qu'en Autriche un travailleur étranger au chômage encourt le risque d'être expulsé pour insuffisance de moyens de subsistance, et cela même s'il possède un permis valide de résidence permanente. La Suisse a également indiqué que le droit de résidence permanente peut être remis en cause en cas d'indigence, car en droit suisse l'indigence est un motif légal d'expulsion. Toutefois, la décision d'expulsion doit respecter le principe de proportionnalité, c'est-à-dire qu'elle ne sera prise que si le retour dans le pays d'origine est possible et peut être raisonnablement exigé. L'égalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs étrangers en matière de placement est d'ailleurs l'un des obstacles fréquemment mentionnés par les gouvernements.
395. Dans nombre de pays, la législation établit une liste d'emplois interdits aux travailleurs étrangers(40) . Une telle interdiction, lorsqu'elle est permanente, est contraire au principe d'égalité de traitement à moins qu'elle ne vise des catégories limitées d'emplois ou de fonctions publiques qu'il est nécessaire, dans l'intérêt de l'Etat, de réserver aux nationaux.
396. On l'a vu plus haut(41) , certaines dispositions fixent le pourcentage maximum de travailleurs étrangers qui pourra être occupé dans une entreprise. Dans certains cas, la masse salariale versée aux étrangers fait également l'objet d'un quota. Selon la répartition de la main-d'œuvre étrangère sur le marché de l'emploi, ce genre de dispositions peut comporter le risque, pour certaines catégories professionnelles de travailleurs étrangers tout au moins, de restreindre leurs possibilités d'accès à l'emploi.
ii) Mobilité géographique
397. L'article 14 a) de la convention no 143 prévoit expressément que les législations nationales ne sauraient limiter la mobilité géographique des travailleurs migrants légalement admis sur le territoire, qui doit leur être reconnue dans les mêmes conditions que les nationaux dès le début de leur séjour. La plupart des pays indiquent que, si les travailleurs migrants bénéficient en principe du droit à la mobilité géographique, l'existence de ce droit est subordonnée à la condition qu'une autorisation d'occupation soit délivrée pour l'emploi envisagé. Cette situation n'est pas incompatible avec l'article 14 a) de la convention no 143. En adoptant cette disposition, la Conférence entendait interdire les dispositions législatives ou les pratiques administratives restreignant la liberté de mouvement des travailleurs étrangers légalement admis sur le territoire, telles celles consistant à ne les autoriser à séjourner que dans une région déterminée ou à leur interdire l'accès de certaines zones. Par contre, il semble que l'article 14 a) ne s'oppose pas, dans une phase préliminaire tout au moins, à l'existence de certaines restrictions à l'accès à l'emploi susceptibles d'avoir une incidence indirecte sur la mobilité géographique, telles les autorisations de travail délivrées pour un poste ou un employeur déterminé ou celles dont la validité s'étend à une région déterminée.
398. Dans les Etats fédératifs, le principe de la mobilité géographique est susceptible de soulever certaines difficultés lorsque, en vertu du système constitutionnel, les Etats constituants sont libres d'admettre ou de refuser un étranger sur leur territoire. Il se peut en effet que des travailleurs étrangers légalement admis sur les territoires d'un Etat de la fédération ne puissent être autorisés à transférer leur résidence dans celui d'un autre Etat. Etant donné les termes souples de l'article 12 de la convention no 143, la solution à ces problèmes pourra être recherchée par des «méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux», sans qu'il soit porté atteinte à la répartition des pouvoirs entre l'Etat fédéral et ses entités constituantes. En Autriche et en Suisse par exemple, le permis de séjour ou de travail délivré par les autorités est en principe restreint à un Land ou canton déterminé; toutefois, après cinq ans ou dix ans respectivement, le travailleur migrant a la possibilité de chercher du travail dans tout le pays.
b) Limitations dans l'intérêt de l'Etat
399. Selon l'article 14 c) de la convention no 143, les Etats peuvent «restreindre l'accès à des catégories limitées d'emplois et de fonctions lorsque cela est nécessaire dans l'intérêt de l'Etat». A la différence de l'alinéa a) de l'article 14 qui autorise pendant une période déterminée des limitations de portée générale à l'accès à l'emploi, cette disposition permet d'exclure de manière permanente les travailleurs étrangers de certaines catégories d'emplois et de fonctions.
400. Dans la majorité des pays, les emplois de la fonction publique sont réservés aux nationaux, sauf exception. Ainsi, en Angola, par exemple, les étrangers peuvent travailler dans la fonction publique, mais seulement dans les domaines scientifiques et de l'enseignement et, au Cap-Vert, dans les domaines techniques. Dans certains pays, toutefois, les restrictions à l'emploi frappant les étrangers sont limitées à certains postes déterminés de l'administration nationale ou à certains postes relevant de la défense et de la sécurité nationales(42) . En règle générale, toutefois, il semble que les travailleurs étrangers ne peuvent avoir accès à la fonction publique ou du moins aux postes permanents. Dans certains cas, cette exclusion s'étend également aux entreprises du secteur public.
401. La notion de «fonction publique» est susceptible de recouvrir une gamme étendue d'activités qui peut d'ailleurs varier considérablement selon les pays. Cela est également vrai des entreprises publiques. Dans ces conditions, il pourrait être utile pour les gouvernements de réexaminer leur législation et leur pratique à la lumière des critères mentionnés à l'article 14 c) de la convention. Cette disposition permet de restreindre l'accès à l'emploi des étrangers lorsque deux conditions sont réunies: a) d'une part, les dérogations ne doivent porter que sur «des catégories limitées d'emplois ou de fonctions»; et b) d'autre part, elles doivent être nécessaires «dans l'intérêt de l'Etat». La convention envisage donc des situations où la protection de l'intérêt de l'Etat justifie que certains emplois ou fonctions soient réservés, en raison de leur nature, aux propres citoyens de l'Etat.
c) Reconnaissance des qualifications
professionnelles acquises à l'étranger
402. Les difficultés que peuvent rencontrer les travailleurs étrangers à faire reconnaître les qualifications professionnelles qu'ils ont acquises à l'étranger peuvent, en fait, conduire à leur refuser l'accès à certains emplois ainsi qu'à la promotion professionnelle. C'est pourquoi il importe que les Etats fassent usage, dans toute la mesure possible, de la faculté prévue par l'article 14 b) de la convention no 143, selon laquelle ils peuvent «après consultation appropriée des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs, réglementer les conditions de reconnaissance des qualifications professionnelles, y compris les certificats et les diplômes, acquises à l'étranger». Ce point est développé plus en détail aux paragraphes 531-536 ci-après.
403. En ce qui concerne le contenu des conditions de travail, il est décrit à l'article 6, paragraphe 1, alinéa a), de la convention no 97 et au paragraphe 2 de la recommandation no 151. Il s'agit essentiellement de la rémunération, de la durée du travail, des congés payés, de l'âge d'admission à l'emploi, de l'apprentissage et de la formation professionnelle, de l'orientation professionnelle et du placement, de la promotion, de la sécurité de l'emploi, etc. Les dispositions légales ou administratives comportant des distinctions fondées sur la nationalité sont peu nombreuses en matière de conditions de travail. En fait, dans la majorité des cas, celles-ci sont régies par le Code du travail ou autres législations sur le travail, lesquels s'appliquent en principe indistinctement aux travailleurs nationaux et étrangers, en vertu des dispositions générales relatives à leur champ d'application. Il semble que ce soit surtout au niveau de la sécurité de l'emploi et de la formation professionnelle que les discriminations administratives à l'égard des travailleurs migrants sont le plus susceptibles de se produire.
a) Sécurité de l'emploi
404. L'égalité de traitement en matière de sécurité de l'emploi, de reclassement, de travaux de secours et de réadaptation est prévue à l'article 8, paragraphe 2, de la partie I de la convention no 143 et également au paragraphe 12 d) de la recommandation no 151. En ce qui concerne la sécurité de l'emploi, il importe que les garanties prévues par la loi en la matière, par exemple en cas de licenciement abusif ou injustifié ou de réduction du personnel, s'appliquent aux travailleurs étrangers comme aux nationaux. Les difficultés auxquelles donne lieu l'inclusion dans la partie I (Migrations dans des conditions abusives) de la convention no 143 d'une disposition concernant l'égalité de traitement seront examinées aux paragraphes 591-597. Là où cette protection est liée par la législation à un certain genre de contrat, tels les contrats à durée indéterminée, les travailleurs étrangers devraient en bénéficier dans les mêmes conditions que les nationaux, sous réserve des dérogations temporaires prévues à l'article 14 a) de la convention no 143. Selon les informations disponibles, rares sont les législations qui, comme en Autriche par exemple, font expressément des distinctions en ce domaine et qui prévoient qu'en cas de réduction de personnel les étrangers ou du moins ceux qui sont soumis à des restrictions d'emploi doivent être touchés en premier lieu. En ce qui concerne l'égalité de traitement en matière de reclassement, de travaux de secours ou de réadaptation, tout dépendra également de la situation du travailleur migrant: ou il est résident permanent et jouira des mêmes avantages que les nationaux après un certain délai, ou il est temporaire et il ne lui sera pas possible de remplir les conditions de résidence exigées et, partant, il n'aura que peu de chances d'avoir accès à ces prestations(43) .
b) Formation professionnelle
405. La recommandation no 151 indique, à son paragraphe 2, que l'égalité effective de chances et de traitement dont doivent bénéficier les travailleurs migrants et les membres de leur famille devra porter sur l'accès aux services d'orientation professionnelle et de placement (alinéa a)), l'accès à la formation professionnelle et à l'emploi de leur choix (alinéa b)), la promotion selon leurs qualités personnelles, leur expérience, leurs aptitudes et leur application au travail (alinéa c)). Certains gouvernements se sont référés à des pratiques susceptibles de limiter l'accès à la formation professionnelle aux étrangers: en Norvège, l'accès à la formation professionnelle est soumis, en ce qui concerne les étrangers, à une condition de résidence; au Canada (province de la Nouvelle-Ecosse), les travailleurs migrants doivent payer des frais de scolarité, de formation ou d'apprentissage alors que les Canadiens résidant dans la province bénéficient soit de la gratuité soit de tarifs réduits. Ces deux cas posent à nouveau le problème de l'application de certaines dispositions aux travailleurs migrants temporaires, c'est-à-dire recrutés pour une activité économique ou un emploi limités dans le temps, qui ne peuvent par définition remplir les critères de résidence fixés par la législation pour pouvoir bénéficier de certains droits. Enfin, dans la mesure où certains emplois ne sont pas accessibles aux étrangers soit temporairement, soit de façon permanente (article 14 a) et c) de la convention no 143), l'intérêt d'une formation professionnelle pour ces emplois peut être contesté.
B. Elimination
des discriminations dans la pratique
et promotion de l'égalité de chances
1. Protection légale contre les actes de discrimination
406. L'article 12 b) de la convention no 143, qui dispose que les Etats doivent «par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux: ... promulguer les lois ... propres à assurer [l'] acceptation et [l'] application» de la politique d'égalité de chances et de traitement, reprend les termes d'une disposition correspondante de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958. La convention et la recommandation no 111 ne visent pas la discrimination fondée sur la nationalité, mais elles traitent de motifs pour lesquels une discrimination peut s'exercer, dans la pratique, à l'encontre des travailleurs migrants et de leur famille. Outre leur nationalité étrangère, les travailleurs migrants risquent en effet de se heurter également à des préjugés en raison de leur race, de leur couleur, de leur religion, de leur ascendance nationale ou de leur origine sociale(44) . Plusieurs des dispositions législatives et des procédures d'application considérées dans les études d'ensemble relatives aux instruments de 1958 peuvent donc constituer des armes dans la lutte contre la discrimination dont sont victimes les travailleurs migrants. En conséquence, on se reportera utilement aux paragraphes 161 à 168 de la dernière étude spéciale sur l'égalité dans l'emploi et la profession (1996) desquels il ressort que, parmi les sept critères de discrimination formellement prohibés par la convention no 111, la race, la couleur et l'ascendance nationale sont aujourd'hui parmi les critères les plus fréquents de discrimination en matière d'emploi ou de profession, outre le sexe.
a) Législations interdisant la discrimination
407. Peu de dispositions législatives ou réglementaires consacrant le principe de l'égalité de chances et de traitement entre travailleurs migrants et ressortissants du pays d'emploi ont été relevées dans les législations examinées par la commission. Toutefois, la plupart des pays ont adopté des lois antidiscriminatoires qui, si elles visent principalement la discrimination raciale, s'appliquent également à la discrimination exercée en raison de la couleur, de la race ou de l'origine ethnique ou nationale et qui, par conséquent, comme on l'a vu au paragraphe précédent, peuvent intéresser la situation de certains immigrants éventuellement soumis à une discrimination pour ces raisons et non à cause de leur nationalité(45) . Dans certains cas, des dispositions interdisant expressément toute discrimination fondée sur des motifs de nationalité figurent dans des textes généraux, tels que la Constitution(46) ou le Code du travail(47) ou spécifiques(48) . Cette interdiction peut concerner les conditions d'emploi en général ou la rémunération.
Dispositions garantissant l'égalité de traitement
408. Un autre moyen de protéger légalement
les travailleurs migrants contre un traitement discriminatoire, adopté
dans certains pays, est de faire figurer dans la législation régissant
l'emploi des étrangers des dispositions qui garantissent l'égalité
de traitement avec les nationaux en matière de conditions d'emploi ou
qui prévoient que les permis autorisant les employeurs à occuper
des travailleurs étrangers seront assortis de la condition que les travailleurs
concernés bénéficient de la même rémunération
et des mêmes conditions d'emploi que les nationaux, comme au Bélarus
ou en Chine par exemple(49) .
La commission a relevé l'existence de garanties similaires dans des conventions
collectives conclues entre les organisations centrales d'employeurs et de travailleurs.
Ainsi, en Belgique, la convention collective du travail no 38ter
conclue le 17 juillet 1998 entre les organisations de travailleurs et d'employeurs
interdit la discrimination lors des procédures de recrutement et d'engagement(50) ,
de même que les conventions collectives de travail particulières
conclues avec les entreprises de travail intérimaire et les entreprises
de nettoyage. Enfin, face au constat que la prohibition de la discrimination
ne suffit pas à faire disparaître la discrimination dans les faits,
même si les mécanismes normatifs sont appliqués correctement,
certains pays(51) ont mis en œuvre des
programmes d'action positive ou des mesures correctives (voir encadré
5.2) qui se présentent comme des programmes en faveur de certaines catégories
de travailleurs spécialement défavorisés(52) .
Encadré
5.2 Le récent Manuel sur l'égalité de traitement pour les travailleurs migrants et les minorités ethniques (projet), résultat final du projet de l'OIT intitulé «Combattre la discrimination à l'égard des travailleurs immigrés et des minorités ethniques dans le monde du travail», analyse en profondeur les différents types de mesures d'action positive qui visent non seulement à interdire la discrimination, mais à favoriser le progrès des membres des groupes visés et à convaincre les employeurs et les autres intervenants sur le marché du travail («labour market gatekeepers»)1 à adopter et mettre en œuvre des programmes ayant pour but d'assurer l'égalité des chances à l'ensemble des membres de la société en éliminant les handicaps existants. Il s'agit de: Mesures visant à inciter les membres des minorités
ethniques Mesures visant à améliorer les qualifications
des candidats Mesures visant à supprimer les obstacles artificiels
Mesures d'adaptation du travail On peut se procurer ce manuel fort utile auprès du Bureau international du Travail à Genève. 1 Il s'agit des personnes qui participent aux décisions d'embauche et de licenciement et dont l'une des caractéristiques communes est que leurs décisions ont des conséquences d'importance pour les perspectives d'emploi et la carrière des travailleurs: directeurs du personnel, responsables syndicaux, membres du personnel des services de placement publics et privés, etc. Source: Manuel sur l'égalité de traitement pour les travailleurs migrants et les minorités ethniques, op. cit., chap. 7, section 2. |
409. Une autre forme d'action législative visant à combattre la discrimination consiste à adopter des sanctions prévoyant l'emprisonnement et/ou l'amende à l'encontre de toute personne qui refuse d'embaucher ou qui aura licencié un travailleur en raison de sa couleur, de son origine, de son appartenance ou non-appartenance à une nation, une race ou une religion déterminée. La charge de la preuve peut néanmoins représenter un obstacle insurmontable sur la voie de l'obtention d'un résultat juste et équitable en cas de plainte pour discrimination(53) , notamment lorsqu'il s'agit de discrimination indirecte(54) , ce qui est bien souvent le cas puisque ce genre de discrimination est illégale dans la plupart des pays. Cette difficulté a été corroborée par l'Ombudsman contre la discrimination en Suède dans son rapport d'activité(55) . Au vu des législations examinées, la commission a pu constater que la charge de la preuve en matière de discrimination dans l'emploi continue de relever de la partie plaignante dans la majorité des pays. Alors que, comme elle l'avait relevé en 1996 dans son étude spéciale, certains pays(56) ont opté pour un allégement de la charge de la preuve en matière de discrimination fondée sur le sexe, la commission n'a pas relevé pareil développement pour ce qui concerne la discrimination en général, et la discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance nationale ou l'origine ethnique en particulier. Elle a noté cependant que, sans renverser la charge de la preuve, certaines législations disposent, comme l'article 2697 du Code civil de l'Italie, que les victimes de discrimination peuvent apporter au juge des données statistiques à l'appui de leur allégation de discrimination; ou que les tribunaux des Pays-Bas ou du Royaume-Uni acceptent que, face à un faisceau de preuves, le juge puisse demander à la partie défenderesse de justifier la différence de traitement en avançant des motifs légalement acceptables(57) . La commission ne peut qu'encourager les gouvernements dans cette voie(58) , dans la mesure où ces dispositions sont susceptibles d'aider les travailleurs migrants à mieux se défendre lorsqu'ils sont l'objet de discrimination en matière d'emploi.
b) Mécanismes d'application
410. L'application des dispositions de la législation du travail et de la législation pénale visant à assurer l'égalité relèvera normalement des autorités chargées d'assurer le respect de celles-ci, en particulier de l'inspection du travail, des organismes compétents en matière de relations professionnelles et des tribunaux et du service chargé de viser les contrats offerts par des employeurs à des travailleurs étrangers comme à Chypre par exemple. Pour assurer l'application effective de dispositions de ce genre à l'initiative d'un travailleur migrant qui s'estime lésé, il peut être nécessaire de lui fournir des conseils et une assistance afin de lui permettre de porter sa plainte à l'attention de l'organisme compétent. Cette question sera traitée plus loin au paragraphe 447.
411. Les accords bilatéraux relatifs aux migrations aux fins d'emploi contiennent d'ordinaire des dispositions visant à assurer leur application. Ils prévoient en particulier que les autorités consulaires du pays d'origine des travailleurs migrants peuvent présenter aux autorités des pays d'emploi toutes plaintes et revendications relatives à l'application de leurs dispositions, et qu'une commission paritaire composée de délégués des Etats parties à l'accord pourra être chargée d'examiner les problèmes qui se posent et de leur chercher des solutions. Des mécanismes de ce genre constituent un canal par lequel les travailleurs migrants peuvent obtenir l'aide des autorités de leur pays d'origine en vue d'une enquête sur leur cas, lorsque les dispositions d'accords bilatéraux prévoyant l'égalité de traitement ne sont pas respectées.
412. Tout comme dans son étude spéciale de 1996 sur l'égalité dans l'emploi et la profession(59) , la commission a relevé dans les informations fournies par les gouvernements l'existence de mécanismes spécifiques institués afin d'assurer le respect de la législation générale concernant la lutte contre la discrimination: a) mise en place d'organes institutionnels qui soit s'occupent de la réalisation de l'égalité dans un domaine spécifique(60) , soit ont une compétence plus générale(61) . Ces organes ont un rôle à la fois consultatif et promotionnel(62) ou quasi juridictionnel(63) leur permettant d'examiner les plaintes déposées par les victimes de discrimination; b) médiateur/conciliateur(64) ; et c) codes de bonne conduite(65) .
413. Comme le montrent ces exemples, la législation ne suffit pas, en elle-même, à proscrire la discrimination(66) . Elle doit être complétée par des mécanismes et des mesures pratiques efficaces, en particulier parce que les travailleurs migrants par ignorance ou par peur des représailles, en raison même des faits qui les rendent vulnérables à une discrimination, ne seront peut-être pas en mesure de prendre l'initiative de la faire appliquer. C'est pourquoi les procédures du type décrit plus haut, dans le cadre desquelles des personnes ou des organismes indépendants peuvent prendre l'initiative d'enquêter sur les violations de la loi et faire respecter celle-ci, complètent de façon particulièrement utile les procédures normales dans le cadre desquelles l'initiative appartient à la personne lésée elle-même.
414. Enfin, aucune législation ne peut être considérée comme efficace si les victimes répugnent à faire appel à la protection offerte par la loi par crainte de possibles représailles de la part du contrevenant. Cela est d'autant plus vrai qu'en matière de discrimination relative à l'emploi et à la profession il existe une relation spéciale de dépendance entre le travailleur et l'employeur. Peu de travailleurs migrants, par exemple, oseront engager une procédure pour discrimination fondée sur la race contre leurs employeurs pour n'avoir pas été retenus lors d'une promotion, une telle action risquant fort de détériorer les relations avec leurs employeurs. C'est pourquoi il est important d'inclure, dans les législations antidiscriminatoires, des dispositions spécifiques destinées à protéger les victimes de discrimination et les personnes appelées à témoigner d'éventuelles représailles de la part des employeurs quels qu'ils soient(67) . La commission estime également que la création d'un organisme compétent spécifique aux travailleurs migrants comme aux Etats-Unis, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, devant lequel ils ont la possibilité de faire valoir leurs droits en cas de contestation, devrait être encouragée. Selon la commission, en effet, les organismes spécialisés pourraient avoir l'expertise nécessaire dans les matières touchant aux migrations, que des organismes traitant des recours en général pourraient ne pas posséder.
2. Mesures visant à
promouvoir l'égalité
de chances et de traitement
415. La commission a maintes fois rappelé que l'absence de législation discriminatoire, ou même l'existence d'une législation qui interdit la discrimination et qui prévoit des réparations en cas de violation, ne suffit pas à assurer l'égalité de chances et de traitement dans la pratique. Une politique active visant à garantir l'acceptation et l'application du principe de non-discrimination par la société en général et à aider les travailleurs migrants et leur famille à utiliser les avantages qui leur sont offerts est un élément essentiel de la politique prévue par les instruments de 1975.
416. L'article 12 de la convention no 143 énonce trois types de mesures qui doivent être prises, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, pour favoriser l'application effective de la politique d'égalité de chances et de traitement. Il y est question de la contribution que doivent apporter les organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi que d'autres organismes appropriés, des mesures visant à informer et à éduquer le public et des programmes d'éducation et autres mesures tendant à aider les travailleurs migrants et leur famille à exercer leurs droits et à bénéficier des avantages accordés aux nationaux. Ces trois types de mesures seront examinés dans les paragraphes qui suivent.
a) Coopération avec les organisations d'employeurs
et de travailleurs et d'autres organismes
417. Aux termes de l'article 12 a) de la convention no 143, les Etats doivent s'efforcer d'obtenir la collaboration des organisations d'employeurs et de travailleurs et d'autres organismes appropriés pour favoriser l'acceptation et l'application de la politique nationale concernant les travailleurs migrants.
418. Un moyen important d'obtenir une telle coopération consiste à associer ces organisations à l'élaboration de la politique nationale concernant les immigrants et aux mesures visant à la mettre en œuvre. Dans divers pays, les organisations d'employeurs et de travailleurs sont représentées au sein d'un organisme national doté d'une compétence générale (conseils économiques et sociaux, conseils consultatifs du travail; etc.) ou/et au sein d'organismes spécialisés en ce qui concerne les travailleurs migrants(68) , que le gouvernement consulte, par exemple, au sujet des politiques et des pratiques en matière d'immigration, des questions relatives à l'emploi des travailleurs étrangers et des mesures tendant à aider les travailleurs migrants et leur famille à s'adapter à la société du pays d'emploi. La commission a noté avec intérêt l'existence, en Belgique, d'accords passés entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux pour lutter concrètement contre la discrimination dont sont l'objet les travailleurs migrants(69) .
419. Outre leur collaboration avec les pouvoirs publics, les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent jouer, de leur propre chef, un rôle important en faveur de la promotion de l'égalité de chances et de traitement pour les travailleurs migrants.
420. Les renseignements obtenus dès la tenue des travaux préparatoires à l'adoption de la convention no 143(70) ont montré que les syndicats peuvent parfois fournir une aide directe aux travailleurs migrants, par exemple en constituant des bureaux spécialisés auxquels ceux-ci peuvent s'adresser pour obtenir des conseils sur les questions d'emploi, en instituant des commissions permanentes chargées d'examiner les problèmes professionnels et sociaux, notamment dans le domaine du logement et des écoles, ou en publiant des brochures et des périodiques dans les langues principales des immigrants où ceux-ci pourront trouver des renseignements pratiques sur les formalités administratives, les conditions de travail et de vie, etc. De fait, le rôle que les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent jouer dans la fourniture de services sociaux pour les immigrants est reconnu au paragraphe 25 (2) de la recommandation no 151. En dépit de l'ampleur nouvelle des migrations pour l'emploi, depuis l'adoption de la convention no 143 et de la recommandation no 151 (1975), la commission n'a relevé que très peu d'informations sur cette question dans les rapports des gouvernements et dans les commentaires reçus des organisations d'employeurs et de travailleurs. Elle a, par ailleurs, noté la préoccupation exprimée par la Confédération mondiale du travail concernant la répression dont sont parfois victimes les syndicalistes ou les représentants d'organisations non gouvernementales œuvrant à la protection des travailleurs migrants.
421. Un autre moyen d'action ouvert aux organisations représentatives consiste à faire figurer des dispositions appropriées dans les conventions collectives comme en Côte d'Ivoire(71) . Ainsi, certaines conventions collectives contiennent des dispositions spéciales qui visent à répondre aux besoins particuliers des travailleurs migrants (temps libre pour suivre des cours de langue, possibilité d'observer les fêtes religieuses, etc.). Il arrive aussi que ces conventions soient publiées dans les langues principales des travailleurs migrants qu'elles concernent.
422. Les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent aussi apporter une contribution à la politique nationale relative aux travailleurs migrants en informant et en éduquant leurs membres de façon à obtenir leur accord et leur appui en vue de la mise en œuvre de cette politique: en effet, l'attitude des employeurs et des collègues sur les lieux de travail déterminera en grande partie la mesure dans laquelle les travailleurs migrants jouiront en fait de chances égales et d'un traitement égal. Il semblerait indiqué que les organisations professionnelles servent de canal pour fournir des informations aux collègues de travail, aux contremaîtres et aux cadres sur la situation et les problèmes rencontrés par les travailleurs migrants, tâche que le paragraphe 24 e) de la recommandation no 151 assigne aux services sociaux pour les migrants. Si les partenaires sociaux sont directement associés à l'élaboration de la politique nationale d'immigration d'un pays, ils n'en seront que mieux à même d'apporter un appui de ce genre à cette politique. Les rapports des gouvernements ne font pas état de mesures de ce genre prises par les organisations nationales. Cependant, dans leurs commentaires annexés aux rapports de leurs gouvernements, la Confédération des employeurs de Suède(72) et la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique(73) ont détaillé quelques-unes de leurs activités en la matière. Le peu de renseignements dont on dispose sur ce point laisse supposer que les organisations d'employeurs et de travailleurs pourraient être encouragées à jouer un rôle plus actif dans la création d'attitudes positives chez leurs membres.
b) Information et éducation du public
423. Si l'on veut que les travailleurs migrants et leur famille réussissent à s'adapter à la vie dans le pays d'immigration et qu'ils jouissent effectivement de l'égalité de chances et de traitement non seulement en matière d'emploi et de profession, mais aussi dans les autres domaines énumérés à l'article 10 de la convention no 143, il est nécessaire de faire en sorte que la politique nationale visant à promouvoir et garantir l'égalité de chances et de traitement entre travailleurs nationaux et étrangers se trouvant légalement sur le territoire soit acceptée et appliquée non seulement par les employeurs et les travailleurs, mais encore par l'ensemble de la société civile. Le but des actions d'éducation et d'information est a) l'amélioration de la connaissance des phénomènes de discrimination en vue de modifier les attitudes et les comportements; et b) la prise en considération du droit pour tout travailleur migrant en situation régulière à l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi. C'est à cette fin que l'article 12 b) de la convention no 143 parle d'encourager «des programmes d'éducation propres à assurer cette acceptation et cette application» et que le paragraphe 4 de la recommandation no 151 précise que des mesures appropriées devraient être prises pour faire comprendre au public et lui faire admettre les principes de l'égalité de chances et de traitement.
424. Ces dispositions des instruments de 1975 reprennent les dispositions correspondantes de la convention et de la recommandation no 111. Comme il s'agit là de motifs(74) qui peuvent entrer en ligne de compte dans l'attitude du public envers certaines catégories de migrants, les mesures prises pour combattre les préjugés liés à des raisons de cet ordre peuvent aussi servir à combattre les préjugés dont sont victimes les immigrants. En conséquence, la commission renvoie à sa dernière étude d'ensemble de 1988 et à son étude spéciale de 1996 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession, dans lesquelles elle a examiné les mesures visant à éduquer et à informer le public en vue d'assurer l'acceptation et l'application des politiques nationales tendant à promouvoir l'égalité de chances et de traitement(75) . On peut citer, comme action plus récente, l'initiative prise par l'Union européenne de déclarer l'année 1997 «Année européenne contre le racisme» dont l'objectif était, entre autres, de souligner la menace que constituent le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme pour le respect des droits fondamentaux et pour la cohésion économique et sociale de la communauté et de faire connaître les avantages des politiques d'intégration menées au niveau national, en particulier dans les domaines de l'emploi, de l'éducation, de la formation et du logement. Pour réaliser les objectifs visés par cette initiative, l'Union européenne a invité les quinze Etats membres à prendre des mesures concrètes aussi bien au niveau national que communautaire, notamment dans les domaines de l'information et de la sensibilisation du grand public, afin de lutter contre les préjugés dont sont victimes, entre autres, les étrangers. L'année européenne a donné lieu également à la création d'un Observatoire européen contre le racisme et la xénophobie le 2 juin 1997. La commission a également pris note avec intérêt du fait que le Japon organise, tous les ans au mois de juin, une campagne mensuelle de sensibilisation aux questions touchant les travailleurs étrangers.
425. D'autres mesures du type de celles qui sont décrites dans l'étude de 1988 ont été mentionnées dans les rapports: organisation de conférences, sémi-naires, ateliers, débats sur la discrimination dont sont victimes les étrangers(76) ; mise en place de programmes de recherches sur des questions qui affectent les progrès de l'égalité de chances et de traitement(77) ; utilisation des moyens de communication de masse: émissions radio, programmes télé, publication d'articles, de brochures, de bulletins, de périodiques, d'encarts publicitaires, de campagnes d'information ou de sensibilisation(78) ; publication de guides pratiques, manuels(79) , etc.
426. L'information et l'éducation du public doivent porter non seulement sur les politiques de non-discrimination en général, mais aussi faire en sorte que la population nationale accepte les travailleurs migrants et leur famille en tant que membres à part entière de la société.
c) Programmes d'éducation et autres mesures
à l'intention des migrants
427. Un moyen important de favoriser une égalité effective de chances et de traitement pour les migrants est de leur donner les moyens d'exercer leurs droits et de tirer parti des possibilités qui leur sont offertes dans le pays d'immigration. Il importe donc, ainsi qu'il est précisé à l'article 12 c) et e) de la convention no 143, qu'ils soient pleinement informés de leurs droits et obligations, qu'une assistance effective leur soit apportée afin qu'ils puissent exercer leurs droits, et que la politique sociale leur permette de bénéficier des avantages accordés aux nationaux tout en tenant compte des besoins particuliers qu'ils peuvent avoir au cours de leur période d'adaptation à la société du pays d'accueil.
428. L'aide aux migrants au moment de leur arrivée et au cours de la période initiale d'adaptation a déjà été examinée aux paragraphes 131-288, à propos de l'accueil des immigrants. Il a été question, en particulier, des services qui ont pour mission de leur donner des informations détaillées sur les conditions de vie et de travail dans le pays d'immigration, de leur fournir une aide et des conseils initiaux lors de leur installation afin qu'ils puissent avoir accès aux services qui sont ouverts aux résidents en général, et d'assurer des services d'interprétation et de traduction.
429. Les mesures de ce genre sont un premier pas essentiel. Cependant, si l'on veut que les immigrants soient à même de bénéficier des avantages accordés aux nationaux comme le prévoit l'alinéa e) du même article 12, des mesures sont nécessaires pour leur venir en aide à plus long terme. Certaines de ces mesures, relatives à la promotion de l'égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants, jouent également un rôle dans l'intégration des travailleurs migrants et de leur famille à la société du pays d'emploi et vice versa(80) . La commission, ayant déjà évoqué certaines de ces autres mesures dans différentes parties de la présente étude ou souhaitant les développer au chapitre suivant, se contentera de rappeler que les mesures suivantes font partie d'une politique de promotion de l'égalité de chances et de traitement, mais aussi de toute politique sociale en faveur des travailleurs migrants: enseignement linguistique, cours de perfectionnement et réadaptation, accès au service national de l'emploi, accès aux tribunaux et accès aux services sociaux.
430. Tant la convention no 97, à son article 6, paragraphe 1 b), que la convention no 143, à son article 10, prévoient que l'égalité de traitement doit porter sur la sécurité sociale.
431. L'article 6, paragraphe 1 b), de la convention no 97 indique que par sécurité sociale il faut entendre les «dispositions légales relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, à la maternité, à la maladie, à la vieillesse et au décès, au chômage et aux charges de famille, ainsi qu'à tout autre risque qui, conformément à la législation nationale, est couvert par un système de sécurité sociale». Cette disposition prévoit, toutefois, certains aménagements au principe de l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale en ce qui concerne, d'une part, «le maintien des droits acquis et des droits en cours d'acquisition» (article 6, paragraphe 1 b) i)) et, d'autre part, «les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics, ainsi que les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l'attribution d'une pension normale» (article 6, paragraphe 1 b) ii)). Ces aménagements au principe de l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale ne sauraient toutefois être interprétés comme fournissant une base juridique permettant l'exclusion automatique d'une catégorie de travailleurs migrants du bénéfice des prestations de sécurité sociale. A cet effet, on notera qu'en 1992 le gouvernement de l'Australie avait demandé au Bureau un avis officieux(81) sur la question de savoir s'il était conforme aux articles 6 et 11 de la convention no 97 d'exclure les travailleurs migrants temporaires du bénéfice des prestations de la sécurité sociale s'ils ne peuvent satisfaire les conditions de résidence fixées par la législation. Sur la base des travaux préparatoires à l'adoption de ladite convention, le BIT a rappelé: a) premièrement, que la convention couvre tous les travailleurs migrants, aussi bien ceux qui jouissent du statut de résident permanent que ceux qui sont temporaires; et b) deuxièmement, que l'article 6, paragraphe 1, de la convention no 97 stipule que les Etats Membres s'engagent à appliquer aux immigrants qui se trouvent légalement dans les limites de son territoire un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu'il applique à ses propres ressortissants dans certaines matières, y compris la sécurité sociale. Le BIT en a donc conclu que l'imposition de conditions de résidence ne pose pas de difficultés, dans la mesure où cette condition est opposable à tous, y compris aux ressortissants australiens. Toutefois, d'un autre côté, le Bureau a rappelé que l'article 6, paragraphe 1 b) ii), de la convention no 97 permet des aménagements au principe de l'égalité de traitement dans deux situations: premièrement, en ce qui concerne les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics et, deuxièmement, en ce qui concerne les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l'attribution d'une pension normale. Dès lors, il semble qu'il ne serait pas contraire à la convention que les travailleurs migrants temporaires soient exclus du bénéfice des prestations de sécurité sociale relevant de ces deux catégories. Enfin, il convient de relever que, contrairement à la version anglaise, les textes français et espagnol de l'article 6, paragraphe 1 b) i), de la convention no 97 ne mentionnent pas «l'invalidité» parmi les risques couverts. Cette omission ne porte toutefois pas à conséquence dans la mesure où la terminologie générale utilisée par cette disposition inclut également «tout autre risque qui [...] est couvert par un régime de sécurité sociale».
432. Les travaux préparatoires à l'adoption de la convention indiquent clairement que l'insertion de la sécurité sociale parmi les domaines sur lesquels doit porter la politique d'égalité de chances et de traitement, prévue à l'article 10 de la convention no 143, ne fait que rappeler un principe général déjà formulé par d'autres instruments(82) . L'intention de la Conférence n'était donc pas de débattre des aspects techniques de la question et encore moins de remettre en cause les principes déjà fixés en la matière par d'autres instruments. Il en résulte que l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale prévue par l'article 10 susmentionné doit être considérée à la lumière des dispositions de l'article 6, paragraphe 1 b), de la convention no 97, que la convention no 143 a pour but de compléter. Il convient également de tenir compte des dispositions de la convention (no 118) sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962, bien que cette dernière comporte une différence fondamentale avec les conventions nos 97 et 143. Etant fondée sur le principe de la réciprocité, la convention no 118 ne prévoit l'égalité de traitement que pour les ressortissants des pays ayant ratifié la convention, alors que les dispositions de l'article 6 de la convention no 97 et de la partie II de la convention no 143 s'appliquent aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, qu'ils soient ou non ressortissants de pays ayant ratifié la convention en question.
Prestations contributives
433. On notera que l'article 10 de la convention no 143 prévoit le principe de l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale d'une manière générale et n'exclut donc pas les prestations non contributives(83) . Toutefois, compte tenu de l'intention manifestée par la Conférence, selon laquelle l'inclusion de la sécurité sociale dans l'article 10 de la convention no 143 ne devait pas contredire les dispositions des autres conventions traitant de cette question, l'on pourrait admettre en ce qui concerne les prestations non contributives des dispositions particulières semblables par exemple à celles autorisées à l'article 6, paragraphe 1 b) ii), de la convention no 97, ainsi qu'à l'article 4, paragraphe 2, de la convention no 118.
Paiement des prestations à l'étranger
434. La partie II de la convention no 143 ainsi que l'article 6 de la convention no 97 ne sont applicables qu'aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille qui se trouvent légalement sur le territoire du pays d'emploi. Ces dispositions n'ont donc pas pour objectif de traiter du service des prestations aux bénéficiaires résidant à l'étranger, bien que certains pays en admettent le principe, pour autant qu'ils aient conclu des conventions de réciprocité en la matière(84) . Cette question fait néanmoins l'objet du paragraphe 34, sous-paragraphes 1 b) et c), de la recommandation no 151, du moins en ce qu'il rappelle que le travailleur migrant qui quitte le pays d'emploi a droit au versement des prestations qui lui seraient dues en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles, au paiement d'une indemnité compensatrice pour les congés annuels acquis mais pas utilisés et du remboursement des cotisations de sécurité sociale qui n'ont pas créé de droits à prestations - sans qu'il soit tenu compte de la légalité ou non de son séjour.
435. L'application du principe de l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale soulève des problèmes techniques complexes qui ont déjà fait l'objet d'une étude d'ensemble de la commission d'experts en 1977(85) . Pour l'essentiel, les conclusions de cette étude demeurent valables. On notera toutefois que certains pays(86) ont indiqué que l'égalité de chances et de traitement en matière de sécurité sociale entre les travailleurs nationaux et étrangers n'était pas garantie. On trouvera des exemples concrets de l'application du principe d'égalité de chances et de traitement en matière de sécurité sociale entre travailleurs nationaux et étrangers, dans certains des commentaires adressés par la commission aux Etats Membres ayant ratifié l'une et/ou l'autre de ces conventions(87) .
436. L'article 6, paragraphe 1 a) ii), de la convention no 97 stipule que l'égalité de traitement doit être appliquée en ce qui concerne l'affiliation aux organisations syndicales et la jouissance des avantages offerts par les conventions collectives. Quant à l'article 10 de la convention no 143, il prévoit que la politique d'égalité de chances et de traitement doit porter sur les «droits syndicaux». Le contenu de ces droits est décrit plus spécialement par le paragraphe 2 g) de la recommandation no 151, qui vise l'appartenance aux organisations syndicales, l'exercice des droits syndicaux et l'éligibilité aux responsabilités syndicales et aux organes de relations professionnelles, y compris les organes de représentation des travailleurs dans les entreprises.
437. En matière de droits syndicaux, les législations et pratiques nationales reconnaissent en général aux travailleurs étrangers le droit de s'affilier aux organisations syndicales dans les mêmes conditions que les travailleurs nationaux. Toutefois, plusieurs législations comportent des restrictions, plus ou moins importantes, liées à la nationalité en matière de droit d'organisation: ainsi, certains Etats font de la citoyenneté une condition pour la constitution des syndicats(88) ou fixent la proportion des membres qui doivent être nationaux(89) ; dans d'autres Etats (ou parfois dans ces mêmes Etats), l'affiliation syndicale des étrangers est soumise à des conditions de résidence(90) ou de réciprocité(91) , ou ces deux conditions à la fois. La commission considère que des restrictions de cet ordre peuvent notamment empêcher les travailleurs migrants de jouer un rôle actif dans la défense de leurs intérêts, en particulier dans des secteurs où ils représentent la force de travail la plus importante.
438. En outre, la commission rappelle qu'aux termes de l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, «les travailleurs et les employeurs, sans distinction d'aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des syndicats de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières». Le paragraphe 63 de l'étude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective indique que ce droit «implique que tous ceux qui séjournent légalement sur le territoire d'un Etat bénéficient des droits syndicaux prévus par la convention, sans aucune différence fondée sur la nationalité».
Nationalité
439. De nombreuses législations disposent qu'il faut être ressortissant du pays pour être élu à des fonctions syndicales(92) . Comme la commission l'a souligné dans son étude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective(93) : «Des dispositions trop strictes sur la nationalité pouvant priver certains travailleurs du droit d'élire librement leurs représentants, par exemple les travailleurs migrants dans les secteurs où ils représentent une part appréciable des effectifs, la commission estime que la législation nationale devrait permettre aux travailleurs étrangers d'accéder aux fonctions de dirigeants syndicaux, tout au moins après une période raisonnable de résidence dans le pays d'accueil.» A cet égard, elle renvoie aux nombreux commentaires qu'elle a formulés sur cette question, aussi bien au titre de la convention no 143 qu'au titre de la convention no 87(94) . Dans certains pays, cette exigence de nationalité ne concerne qu'une proportion de responsables syndicaux(95) ou est assouplie lorsqu'il existe une réciprocité entre pays.
Résidence
440. En ce qui concerne les pays où l'éligibilité est soumise à des conditions de résidence(96) ou à des conditions d'emploi et de résidence(97) , ou encore à des conditions de résidence et de réciprocité(98) , la commission rappelle que le principe consacré à l'article 10 de la convention no 143 reste celui de l'égalité de traitement sans condition. Dans nombre des observations qu'elle formule à propos de l'application de la convention no 87, la commission invite les gouvernements à permettre aux travailleurs étrangers d'accéder aux fonctions de dirigeants syndicaux, tout au moins après une période raisonnable de résidence dans le pays d'accueil. En ce qui concerne la convention no 143, la commission estime que la législation de tout Etat Membre ayant ratifié ledit instrument devrait permettre aux travailleurs étrangers d'être élus à des fonctions syndicales, au moins après une période raisonnable de résidence - l'objectif restant cependant la suppression de toute condition de résidence.
C. Exercice des droits syndicaux
441. La question de l'exercice des droits syndicaux est plus difficile à apprécier. L'examen des informations fournies par les gouvernements a révélé l'existence de restrictions légales, fondées sur la nationalité, à l'exercice des droits syndicaux des travailleurs étrangers en tant que dirigeants syndicaux ou en tant que membres d'une organisation. En ce qui concerne plus particulièrement les conflits de travail, il faut garder à l'esprit les pouvoirs discrétionnaires souvent étendus dont disposent les autorités administratives pour décider de l'expulsion des étrangers. Selon la manière dont ces pouvoirs seront exercés, cela pourra constituer un frein réel à l'exercice des droits syndicaux pour les travailleurs étrangers. A titre d'exemple, la commission a constaté qu'en Argentine, selon l'article 95 b) de la loi no 22.439/81 sur les migrations et l'encouragement de l'immigration(99) , le ministère de l'Intérieur peut expulser tout étranger, quelle que soit sa situation de résidence, s'il mène des activités qui affectent la paix sociale, la sécurité nationale ou l'ordre public. Cette disposition est atténuée par l'article 96 qui dispose que le ministère de l'Intérieur pourra dispenser de l'application de l'article 95 ceux qui sont mariés à un(e) Argentin(e), ou de père ou mère argentin, ou ayant des enfants argentins et ceux qui ont plus de dix ans de résidence. On peut toutefois se demander si le large champ d'application de cet article («activités qui affectent la paix sociale, la sécurité nationale ou l'ordre public») ne fait pas peser des menaces sérieuses à l'exercice des droits syndicaux, d'autant que les sanctions éventuelles sont imposées par voie administrative et que le seul recours possible semble être de saisir le ministre et non les autorités judiciaires.
442. C'est lors de la seconde discussion du projet d'instrument par la Conférence que l'inclusion des droits culturels dans l'article 10 de la convention no 143 a été décidée. Cette référence semble avoir été introduite pour consacrer le droit des travailleurs migrants à participer à la vie culturelle du pays d'accueil ainsi qu'à conserver et à développer leur propre patrimoine culturel dans les mêmes conditions que les nationaux. L'inclusion des droits culturels à l'article 10 de la convention no 143 ne peut être considérée que comme le rappel d'un principe général et ne saurait avoir pour objet de réglementer toutes les questions découlant de son application.
443. En ce qui concerne la mesure dans laquelle les droits culturels comprennent également le droit à l'éducation, la commission a estimé lors de sa première étude d'ensemble sur les travailleurs migrants que la question de l'éducation ne relève pas en principe de la compétence de l'OIT. Ce n'est que dans la mesure où l'accomplissement de certaines études constitue une condition préalable à l'accès à certaines occupations ou professions ou à l'accès à une formation professionnelle déterminée que les problèmes relatifs à l'éducation sont pris en considération par l'OIT.
V. Libertés individuelles et collectives
444. L'inclusion des libertés individuelles et collectives dans l'article 10 de la convention a fait l'objet de longues discussions au sein de la Commission de la Conférence, certaines réserves ayant été formulées en ce qui concerne les droits politiques. Les travaux préparatoires indiquent clairement(100) ce qu'il faut entendre par les termes «libertés individuelles et collectives». En fait, il s'agit de libertés telles que la liberté de réunion, la liberté d'information, d'opinion et d'expression, dont dépend le plein exercice des droits syndicaux, comme l'a souligné la Conférence dans sa résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leur relation avec les libertés civiles. Cette expression ne couvre pas les droits politiques, même si de tels droits sont reconnus aux travailleurs migrants, dans une certaine mesure, dans certains pays(101) .
VI. Conditions générales de vie
445. Tant la convention no 97, à son article 6, paragraphe 1 a) iii), que la recommandation no 151, à son paragraphe 2 i), prévoient que l'égalité de traitement doit porter sur le logement(102) . Dans la pratique, la commission a noté que la question du logement des travailleurs migrants relève souvent de la responsabilité des employeurs, tel est le cas en Arabie saoudite où les employeurs sont tenus par la loi sur l'emploi et les travailleurs de fournir aux travailleurs étrangers qu'ils ont recrutés un logement décent, ou à Singapour où le gouvernement a introduit des mécanismes destinés à inciter les employeurs à améliorer les logements offerts à leurs travailleurs(103) ; elle peut relever de la responsabilité de l'Etat(104) ou du migrant lui-même(105) . Dans certains pays, tels le Canada (province de l'Ontario) ou la Suisse par exemple, pour accéder au logement social, le travailleur migrant devra remplir des conditions de résidence.
446. L'égalité de traitement en matière de logement, prévue par la convention no 97, vise l'occupation d'un logement auquel les travailleurs migrants doivent avoir accès dans les mêmes conditions que les nationaux. Lorsque la Conférence a adopté l'article 6, paragraphe 1 a) iii), de la convention no 97, elle était également préoccupée par les conditions d'hygiène des logements. Une clause spéciale à cet effet n'a toutefois pas été insérée dans cette disposition étant donné qu'elle aurait pu être interprétée comme favorisant les étrangers par rapport aux nationaux. L'article 6, paragraphe 1 a) iii), ne saurait par contre viser l'accès à la propriété d'un logement ni, par voie de conséquence, les diverses aides publiques qui peuvent être accordées pour favoriser l'accession à la propriété. Dans ces conditions, les dispositions des législations nationales réservant aux nationaux le bénéfice de diverses subventions et aides publiques pour l'acquisition d'un logement en propriété, de même que les réglementations nationales qui limitent ou restreignent le droit des étrangers en matière de propriété immobilière ne relèvent pas de l'article 6, paragraphe 1 a) iii), de la convention no 97. La commission a cependant noté que, dans certains pays(106) , les travailleurs étrangers sont en droit de bénéficier de ces aides. Il semble qu'il en soit de même du paragraphe 2 i) de la recommandation no 151, dont les dispositions complètent les instruments de 1949.
447. Il est important pour que les travailleurs migrants puissent effectivement exercer leurs droits à l'égalité de traitement qu'ils puissent avoir accès aux tribunaux dans les mêmes conditions que les nationaux. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1 d), de la convention no 97, l'égalité de traitement doit porter sur «les actions en justice», concernant les questions mentionnées dans la présente convention. Cette clause est rédigée d'une manière suffisamment générale pour couvrir non seulement les actions devant les tribunaux ordinaires, mais également les procédures auprès d'une instance spéciale compétente en matière de travail. En outre, elle vise également les règles de procédure générale, telles que l'assistance judiciaire, le dépôt d'une caution pour garantir le paiement des frais de justice, pour autant que les litiges portent sur des questions pertinentes à la convention. L'article 10 de la convention no 143 ne contient pas de dispositions spécifiques en la matière, toutefois l'accès à la justice est un droit fondamental de l'homme (en l'absence duquel tous les autres droits ne peuvent être assurés) et, comme tel, il doit être garanti à tous, y compris aux travailleurs migrants(107) . Il semble que ce droit est généralement reconnu au travailleur migrant mais, faute d'information concrète, la commission ne peut se prononcer sur l'application pratique de cette disposition essentielle(108) . Enfin, la commission a noté que dans certains pays, tels la France, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, la législation permet aux syndicats ou à d'autres organisations de se substituer au travailleur étranger pour défendre ses intérêts, y compris lorsque celui-ci est employé illégalement.
1. Impôts, taxes, contributions afférents au travail
448. L'égalité de traitement en matière de rémunération risque d'être compromise si l'emploi du travailleur migrant est soumis à une imposition fiscale spéciale. C'est pourquoi l'article 6, paragraphe 1 c), de la convention no 97 vise également les «impôts, taxes et contributions afférents au travail, perçus au titre du travailleur». L'Australie a demandé à la commission si le fait que les contributions afférentes au travail sont taxées de façon différente selon que l'intéressé réside ou non sur son territoire contrevient à cette disposition de la convention. Le Canada (province de Québec) établit également une distinction entre les non-résidents(109) qui ne paient des impôts que sur les revenus de sources québécoises et les résidents réputés assujettis à l'impôt québécois, quelle que soit leur provenance (québécoise ou étrangère). La commission est d'avis que les dispositions de la législation australienne et québécoise ne contreviennent pas à l'article 6, paragraphe 1 c), de la convention no 97, dans la mesure où la différence de traitement n'est pas fondée sur la nationalité mais sur la résidence.
449. D'une manière plus générale, le paragraphe 2 de la recommandation no 151 prévoit que les travailleurs migrants et les membres de leur famille devraient bénéficier de l'égalité effective de chances et de traitement en matière de «conditions de vie», y compris le logement et le bénéfice des services sociaux et des institutions d'éducation et de santé (alinéa i)), et vise également «le droit d'être membre à part entière de coopératives de toutes sortes» (alinéa h)).
450. Il semble se dégager de la lecture des rapports que l'application du principe de l'égalité de traitement entre travailleurs nationaux et étrangers pose moins de problèmes en matière de conditions de travail que son application en matière d'accès à l'emploi et à la profession, de sécurité sociale et de droits syndicaux, et que la reconnaissance de la nécessité de mettre en œuvre une politique active en vue de promouvoir et de garantir une véritable égalité de chances en faveur des travailleurs migrants, comme demandé à l'article 10 de la convention no 143.
451. L'examen des rapports des gouvernements montre que ce n'est pas tant le principe de l'égalité de traitement entre travailleurs nationaux et travailleurs migrants en situation régulière qui pose problème que son application à tous les travailleurs migrants, sans aucune distinction basée sur la durée de leur séjour. Comme on le verra dans la conclusion, nombre de pays - notamment ceux qui ignorent les régimes d'immigration permanente - ont évoqué comme obstacle à la ratification le fait qu'un Etat qui a ratifié la partie II de la convention no 143 doit mettre en œuvre une politique d'égalité de traitement et de chances en faveur de tout travailleur migrant en situation régulière, y compris les travailleurs migrants temporaires, c'est-à-dire non établis définitivement sur son territoire et tenus de quitter son territoire lorsque leur emploi ou leur tâche prend fin. D'une manière générale, on notera que nombre de droits accordés aux travailleurs migrants ne leur sont reconnus qu'après une période de résidence donnée - période de résidence que les travailleurs migrants exerçant une activité de durée limitée ne peuvent en principe remplir.
452. Enfin, la commission ne peut que regretter le fait que la grande majorité des rapports n'a pas fourni des informations sur l'application concrète des dispositions des conventions nos 97 et 143 sur l'égalité de traitement et de chances et s'est contentée de renvoyer la commission aux dispositions légales y relatives. Comme elle l'a maintes fois déclaré, si l'adoption de textes consacrant l'égalité de traitement et l'abrogation de toute disposition incompatible avec cette politique est primordiale, elle demeure toutefois insuffisante pour garantir dans les faits l'égalité de chances et de traitement.
1. C'est probablement dans les pays du Golfe que l'on observe le plus grand contraste entre la main-d'œuvre locale et la population immigrée. Au Koweït, par exemple, la plupart des autochtones travaillent pour l'Etat. De ce fait, les entreprises privées ont le plus grand mal à engager des Koweïtiens, et les travaux les plus pénibles sont laissés aux étrangers. Depuis la guerre du Golfe, l'origine nationale des immigrés a changé, mais le pays demeure toujours autant tributaire de cette main-d'œuvre, Stalker, P., op. cit., p. 107.
2. Projet de l'OIT intitulé «Combattre la discrimination à l'égard des travailleurs émigrés et des minorités ethniques dans le monde du travail», 1990-1998. Pour prouver la réalité de la discrimination rencontrée par les travailleurs migrants à la recherche d'un emploi, la méthodologie élaborée par le professeur Frank Bovenkerk (Testing discrimination in natural experiments: a manual for international comparative research on discrimination on the grounds of «race» and ethnic origin, BIT, Genève, 1992) dans le cadre de ce projet consistait, entre autres, à mener des «tests pratiques», dans lesquels des candidats migrants ou appartenant à des minorités ethniques et des candidats nationaux également qualifiés se présentaient à des postes vacants et à examiner la façon dont se déroulait la procédure de recrutement. Il ressort du projet que la discrimination dans l'accès à l'emploi est un phénomène d'importance considérable dans tous les pays faisant l'objet des recherches (Allemagne, Belgique, Espagne, Etats-Unis et Pays-Bas). Au moins un cas sur trois fait apparaître une discrimination à l'encontre des migrants. Pour plus de détails sur ce projet, voir aussi l'encadré 1.1, p. 26.
3. Pour plus de détails, se reporter au livre de Stalker, P., op. cit., p. 108.
4. Ainsi, les domestiques et ouvrières agricoles, qui constituent une proportion importante des travailleuses migrantes dans le monde, sont très souvent exclues du champ d'application des codes du travail.
5. La commission a relevé avec intérêt, parmi les nombreuses brochures publiées par le ministère du Travail à l'intention des travailleurs migrants, celle intitulée «Une immigrante en Finlande», destinée à informer les migrantes de la politique d'égalité entre les hommes et les femmes en vigueur dans ce pays mais aussi de leurs droits en matière de permis de résidence, citoyenneté, logement, services publics, travail, éducation, mariage, difficultés familiales, aide légale, etc.
6. «Il apparaît que les discriminations à l'encontre des travailleurs migrants ordinaires [c'est-à-dire peu ou pas qualifiés] ou, pire encore, le fait de faire travailler des étrangers dans des conditions illégales sont considérés comme une solution avantageuse par certains employeurs, et une certaine partie de la société à certains moments. Pourtant, ce genre de pratique est contraire aux principes fondamentaux relatifs à l'équité et aux droits de l'homme dans le domaine économique et social et il risque d'avoir un effet de boomerang sur les travailleurs nationaux, dont la rémunération et les conditions de travail seront affectées tôt ou tard par les travailleurs migrants employés illégalement.» Böhning, W.R., op. cit., p. 57.
7. Voir à cet égard les travaux préparatoires de la convention no 66 dont l'article 6 contient une formule identique et, en particulier, CIT, 25e session, Genève, 1939, rapport III, p. 132.
8. Par exemple, en Australie, la politique en matière de migration relève uniquement de l'Etat fédéral (juridiction du Commonwealth), tandis que la lutte contre la discrimination en matière d'emploi est une responsabilité que se partagent le gouvernement fédéral et les gouvernements des Etats et territoires constituants; l'Autriche a signalé que la mise en œuvre du principe d'égalité entre travailleurs nationaux et étrangers relève des Länder, et que, dans certaines de ces entités cons- tituantes (Carinthie, Basse-Autriche, Vorarlberg, Vienne, Salzbourg), l'égalité n'est garantie que s'il existe une convention de réciprocité en la matière entre l'Autriche et le pays d'origine du tra- vailleur; la Belgique a indiqué que le pouvoir normatif en matière de réglementation de l'occupation des travailleurs étrangers relève de la compétence de l'Etat fédéral, tandis que l'application de ces normes relève de la compétence des régions. Les régions sont également compétentes pour la réadap- tation professionnelle et le perfectionnement, le placement, les programmes de remise au travail des chômeurs indemnisés. La région flamande a indiqué qu'elle était compétente en matière de forma- tion, activités culturelles, niveau de l'emploi, placement privé et public, tandis que la région germa- nophone a insisté sur ses compétences en matière d'accueil et d'intégration des immigrés; le Canada (province de Québec) a indiqué que le gouvernement canadien accorde aux travailleurs migrants le permis de séjour au Québec, leur fournit un numéro d'assurance sociale, mais c'est la province de Québec qui leur octroie le permis de travail; les Etats-Unis ont indiqué que la législation relative aux étrangers relève du domaine fédéral et donc du Congrès. Les Etats constituants ne peuvent adopter une législation en la matière contrevenant aux dispositions fédérales ou aux accords internationaux signés par les Etats-Unis; l'Italie a indiqué que les régions, provinces, communes et autres entités locales doivent adopter les mesures nécessaires à la poursuite de l'objectif fixé par l'Etat central, c'est-à-dire œuvrer à la suppression des obstacles qui limitent dans la pratique les droits des migrants en matière de droits fondamentaux, de logement, d'intégration sociale; le Mexique a signalé que la politique de migration est une compétence fédérale et que la politique relative au travail relève pour moitié de la compétence fédérale et pour moitié des entités constituantes de l'Etat mexicain; la Suisse a fait savoir que l'intégration sociale des étrangers relève de la compétence des cantons.
9. Le paragraphe 8 de la recommandation no 111 demande qu'il soit tenu compte pour les travailleurs immigrants de nationalité étrangère ainsi que pour les membres de leur famille, des dispositions spéciales de la convention no 97 et de la recommandation qui l'accompagne visant, d'une part, l'égalité de chances et de traitement et, d'autre part, la suppression des restrictions à l'emploi. La convention no 143 et la recommandation no 151 ayant été adoptées par la suite reprennent, en grande partie, les définitions et termes de la convention no 111.
10. Etude spéciale sur l'égalité dans l'emploi et la profession de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT, 1996.
11. Par exemple: Allemagne, Bulgarie, Chypre, Lituanie, Malte, îles Falkland (Malvinas), Slovénie.
12. Par exemple, par le biais de la législation du travail: Allemagne, Angola, Antigua-et-Barbuda, Arabie saoudite, Australie, Bélarus, Bénin, Cameroun, Canada (y compris dans la législation du travail de ses provinces et territoires), République centrafricaine, Congo, République de Corée, Côte d'Ivoire, Finlande, Hongrie, Indonésie, Japon, Jordanie, Mali, Nouvelle-Zélande, Philippines, Togo, Tunisie; ou de la législation pénale: Finlande.
13. Par exemple: Mozambique (décret no 1/76 du 6 janvier 1976).
14. Par exemple, les conventions collectives (Autriche, Belgique, Côte d'Ivoire); les accords bilatéraux (toutes les conventions bilatérales sur la sécurité sociale conclues par le Luxembourg contiennent une disposition sur l'égalité de traitement); les accords multilatéraux (en 1993, le Canada, les Etats-Unis et le Mexique ont signé l'Accord nord-américain de coopération dans le domaine du travail (ANACT) en complément de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). L'application de l'ANACT au Canada impliquait non seulement une décision fédérale, mais aussi la participation des provinces canadiennes. Le 10 février 1997, le ministre du Travail de la province de Québec a signé un accord avec le gouvernement fédéral pour assurer la mise en œuvre de l'ANACT dans les provinces consentantes. Les signataires de l'ANACT se sont engagés à respecter 11 principes relatifs aux droits des travailleurs et à en promouvoir l'application concrète sur leur territoire. Le principe no 7 concerne l'élimination de la discrimination dans l'emploi fondée sur des motifs tels que la race, la religion, l'âge, le sexe, etc.; et le principe no 11 la protection des travailleurs migrants); les jugements de tribunaux (Tribunal fédéral suisse); les sentences arbitrales (Australie).
15. Par exemple: Barbade, Luxembourg (si l'on exclut le règlement de la communauté européenne no 1612/68 relatif à la liberté de circulation des travailleurs), Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni (île de Man, îles Vierges britanniques, Jersey).
16. CIT, 60e session (juin 1975), Genève, rapport V (2), p. 20.
17. Par exemple: Allemagne, Australie, Slovaquie.
18. CIT, 60e session, Genève (juin 1975), pp. 684-685, paragr. 74.
19. Par exemple: Antigua-et-Barbuda, Barbade, Belgique, Chypre, Egypte, Jamaïque, Maurice, Oman, République tchèque.
20. Par exemple: Albanie, Japon (il existe 27 catégories d'activités qu'un travailleur étranger peut effectuer, et à chacune d'entre elles est attachée une période de résidence déterminée. Pour changer de catégorie, le travailleur étranger doit obtenir une autorisation).
21. Par exemple: Autriche, Belgique, Chypre, Egypte.
22. Par exemple: Autriche, Bahreïn, Brésil, Congo.
23. Par exemple: Antigua-et-Barbuda, Autriche, Côte d'Ivoire, Yémen.
24. Par exemple: Brésil, Burkina Faso.
25. Par exemple: Angola (au moins 70 pour cent des salariés d'une entreprise doivent être Angolais), Chili (85 pour cent des salariés), Colombie (90 pour cent des travailleurs ordinaires et 80 pour cent des travailleurs spécialisés), Nicaragua (90 pour cent des salariés), Panama (90 pour cent de nationaux, y compris des étrangers ayant au moins dix ans de résidence; pour ce qui est des techniciens, le pourcentage ne peut excéder 15 pour cent), Pérou (20 pour cent d'étrangers et 20 pour cent de la masse salariale), Venezuela (10 pour cent d'étrangers et 20 pour cent de la masse salariale).
26. Par exemple: Bélarus, Estonie (moins de 0,05 pour cent), Mozambique, Singapour.
27. Pour plus de détails sur ce point, voir par exemple l'observation adressée par la commission au Venezuela à cet égard en février 1995.
28. Par exemple: Australie (2 ans, mais ne concerne que les résidents permanents), Autriche (varie entre 5, 8 et 10 ans), Belgique (varie entre 2, 3 et 4 ans), Croatie (3 ans), Espagne (3 ans), Finlande (2 ans), Luxembourg (entre 4 et 5 ans), Papouasie-Nouvelle-Guinée (2 ans), Pays-Bas (3 ans), Royaume-Uni (4 ans), Suède (3 ans), Suisse (entre 5 et 10 ans).
29. L'Allemagne a indiqué que cette période de deux ans est impraticable pour elle, compte tenu du nombre élevé de chômeurs qu'elle connaît actuellement (plus de 4 millions).
30. Aux Etats-Unis, la loi reconnaît trois grandes catégories de migrants: a) les immigrants ou résidents permanents (détenteurs de la carte verte); b) les non-immigrants ou personnes légalement admises sur le sol américain dans un but précis; et c) les étrangers illégaux ou personnes ayant pénétré dans le pays illégalement ou y étant demeurées après l'expiration. Les droits des travailleurs migrants, comme de tous les autres étrangers, diffèrent selon leurs catégories respectives.
31. Par exemple: Afrique du Sud, Arabie saoudite, Koweït, Liban, Maurice, Royaume-Uni (Bermudes).
32. A cet égard, la commission renvoie au paragraphe 4.1 des principes directeurs sur les mesures spéciales de protection des travailleurs migrants exerçant une activité de durée limitée, adoptés par la Réunion tripartite d'experts sur les activités futures de l'OIT dans le domaine des migrations (Genève, 21-25 avril 1997), où il est dit que «L'assujettissement des travailleurs migrants à durée déterminée à un employeur, à un travail ou à un secteur déterminés est normal mais, sur le plan des droits de l'homme, ne peut pas être prolongé indéfiniment. Sur le plan économique également, la pratique de lier des travailleurs à certains secteurs devrait être limitée strictement dans le temps parce qu'elle revient à faire bénéficier les employeurs, les emplois ou les secteurs qui ont accès aux travailleurs étrangers à une certaine protection, aux dépens des autres employeurs, emplois ou secteurs nationaux ou étrangers.»
33. Par exemple, en Egypte, l'étranger ne peut occuper un emploi précédemment occupé par un Egyptien; en Indonésie, pour tout travailleur étranger recruté, l'employeur doit embaucher un travailleur national; au Pérou, l'article 1 du décret législatif no 689 du 4 novembre 1991 stipule que les employeurs, quelle que soit leur activité ou leur nationalité, doivent engager de préférence des travailleurs nationaux; au Royaume-Uni (Bermudes), l'employeur doit faire paraître son annonce au moins trois fois dans les journaux locaux avant de solliciter l'autorisation de faire venir un travailleur de l'extérieur et, tous les trois ans, ce même emploi doit être remis sur le marché local.
34. Par exemple, à Singapour, les employeurs doivent acquitter une taxe de 300 dollars si le nombre de travailleurs étrangers dépasse 35 pour cent et une taxe de 450 dollars si le seuil de 45 pour cent est atteint; Taiwan (Chine) pratique également cette politique. Sur la question des impôts spéciaux frappant les employeurs faisant appel à des travailleurs étrangers, la commission reprend à son compte les conclusions de la Réunion tripartite sur les questions sociales et de travail relatives aux travailleurs migrants dans la construction (Genève, 4-8 mars 1996), qui ont traité de la question et ont adopté une politique s'opposant à des taxes de ce type excédant le montant réel des frais administratifs, au motif qu'un «tel impôt peut inciter certains à établir des relations d'emploi illégales ou à les répercuter sur les travailleurs migrants sous la forme de déductions ou de diminutions salariales». Paragraphe 10 de la Note sur les travaux de la réunion, document GB.267/STM/3/1.
35. Par exemple, priorités établies dans le cadre de la bahreïnisation, gabonisation, congolisation, ivoirisation, etc., des emplois
36. Par exemple, Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, Union douanière des Etats d'Afrique australe, Communauté andine, Espace économique européen ou Union européenne.
37. La commission a relevé qu'aux termes de la loi de mise en œuvre de l'Accord authentique Canada-Terre-Neuve la province de Terre-Neuve est autorisée à pratiquer une préférence, en matière d'emploi dans le secteur de l'exploitation pétrolière en haute mer, entre résidents et non-résidents de cette province et de la région du Labrador. Cette préférence étant basée sur la résidence et non sur la nationalité, cela implique qu'elle touche également les Canadiens ressortissants d'une autre province et qu'a contrario un étranger résidant au Labrador ou à Terre-Neuve depuis un certain temps pourra bénéficier de cette préférence contrairement à un Canadien qui ne réside pas dans l'un ou l'autre.
38. Par exemple: Allemagne (l'article 3 de la loi fondamentale sur l'égalité de traitement est incorporé dans les principes régissant le placement des demandeurs d'emploi), Belgique (les services de placement de la région flamande ont adopté une Charte du demandeur d'emploi, dont l'un des principes de fonctionnement est l'égalité de traitement entre demandeurs d'emploi. Quant aux bureaux privés de placement de la région, ils doivent souscrire à un Code de conduite qui garantit, entre autres, un traitement non discriminatoire).
39. Par exemple: Finlande, Nouvelle-Zélande, République tchèque.
40. Par exemple, en Angola, les étrangers ne peuvent exercer de fonctions de cadres dirigeants, sauf dans les domaines de la santé et de l'éducation; au Royaume-Uni (Bermudes), le gouvernement a indiqué qu'il existait deux types de listes: la première intitulée «catégorie restreinte», au titre de laquelle les travailleurs migrants peuvent être autorisés à exercer un emploi, sous réserve des restrictions imposées par le ministère à cette catégorie (artisan du bâtiment, caissier de banque, barman, musicien, artiste, pêcheur, vendeur spécialisé, vendeur de services touristiques, agent de voyages, consultant); et la deuxième intitulée «catégorie fermée», aux métiers de laquelle (agent de vente, agent de services non touristiques, vendeur, réceptionniste de bureau, hôtesse d'accueil, manœuvre, peintre, contremaître, technicien en installation de papiers peints, installateur de tapis, chauffeur de taxi) les travailleurs migrants n'ayant pas de liens étroits avec les Bermudes ne peuvent appartenir.
41. Paragraphe 390.
42. Par exemple, un ressortissant de l'Union européenne a le droit de postuler à toutes les offres d'emploi dans tous les pays de l'Union. Toutefois, certains postes de la fonction publique touchant à l'exercice de la puissance publique ou dont l'objet est la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat (forces armées, police, justice, administration fiscale, diplomatie, etc.) peuvent être réservés à des nationaux; la convention d'établissement et de circulation des personnes entre la République de Haute-Volta et le Mali prévoit les conditions dans lesquelles les ressortissants de l'un des pays respectifs sont assimilés aux nationaux pour ce qui concerne les emplois publics.
43. Par exemple: Allemagne, Australie, Autriche, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, République tchèque.
44. A cet égard, la commission renvoie au paragraphe 297 de son étude spéciale de 1996 sur lesdits instruments, où elle suggère que la nationalité, entre autres, soit l'un des critères de discrimination prohibés figurant dans le Protocole additionnel à la convention no 111 qu'elle suggère d'adopter. Pour plus de détails, voir paragr. 32 de la présente étude.
45. On citera à cet égard l'exemple du titre VII de la loi sur les droits civils (1964) des Etats-Unis qui protège tous les individus contre toute discrimination en matière d'emploi fondée sur l'origine nationale, la race, la couleur, la religion et le sexe. Aux termes de cette loi peuvent être considérés comme une preuve de discrimination (dans la mesure, bien évidemment, où l'employeur n'a pu prouver que ces exigences sont nécessaires au bon accomplissement de l'emploi concerné): une règle exigeant que les salariés ne parlent que l'anglais pendant la durée entière du travail; le refus d'embaucher un candidat ou de promouvoir un salarié à cause de son accent ou de sa façon de parler; exiger que le salarié ou le candidat à un emploi parle l'anglais couramment; exiger la nationalité américaine de tout candidat à un emploi (lorsque la loi n'exige pas cette condition) ou privilégier les salariés américains en matière de promotion, etc. On notera également qu'aux termes de cette même loi les employeurs doivent garantir à leurs employés un environnement de travail libre de tout harcèlement fondé sur l'origine nationale et qu'ils peuvent être jugés responsables du harcèlement pratiqué par leurs représentants ou par le personnel d'encadrement qu'ils aient autorisé ou formellement interdit de tels comportements.
46. Par exemple: Bulgarie (art. 6), Fédération de Russie (art. 19).
47. Par exemple, art. 13 du Code du travail (1997) de la Pologne.
48. Par exemple: Australie (loi sur la discrimination raciale, 1975; loi sur la haine raciale, 1995; et les législations antidiscrimination adoptées par les territoires et Etats constituants, telle la loi de la Nouvelle-Galles du Sud, 1977, Canada (loi de l'Alberta sur les droits de l'homme, la citoyenneté et le multiculturalisme), Nouvelle-Zélande (loi sur les relations raciales, 1972), Pays-Bas (loi sur l'égalité de traitement, 1994), Royaume-Uni (loi sur les relations raciales, 1976), Suède (loi sur la discrimination ethnique, 1994).
49. Bélarus: article 11 du projet de loi sur les migrations étrangères aux fins d'emploi, adopté le 20 mai 1998 par la Chambre des représentants et approuvé par le Conseil de la République; Chine: règlement administratif des agences d'emploi à l'étranger et projet de règlement administratif sur la protection des droits et intérêts des travailleurs sous contrat envoyés à l'étranger et des personnes qui émigrent à l'étranger en vue d'y occuper un emploi.
50. Aux termes de l'article 2bis de la convention collective du travail no 38ter: «L'employeur qui recrute ne peut traiter les candidats de manière discriminatoire. Pendant la procédure, l'employeur doit traiter tous les candidats de manière égale. Il ne peut faire de distinction sur la base d'éléments personnels lorsque ceux-ci ne présentent aucun rapport avec la fonction ou la nature de l'entreprise, sauf si les dispositions légales l'y autorisent ou l'y contraignent. Ainsi, l'employeur ne peut en principe faire de distinction sur la base de l'âge, du sexe, de l'état civil, du passé médical, de la race, de la couleur, de l'ascendance ou de l'origine nationale ou ethnique, des convictions politiques ou philosophiques, de l'affiliation à une organisation syndicale ou à une autre organisation». Avec l'adoption de cette convention collective du travail, la disposition relative à l'interdiction de discrimination devient normative et juridiquement coercitive. Selon la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique, il est prévu de la rendre obligatoire par arrêté royal, à la demande de l'ensemble des partenaires sociaux.
51. Par exemple: Australie, Belgique (région flamande), Canada, Etats-Unis, Nouvelle- Zélande, Pays-Bas.
52. Pour plus de détails sur ce point, se reporter aux livres du professeur Julio Faundez: «Affirmative Action, international perspectives», BIT, 1994; de Jane Hodges-Aeberhard et Carl Raskin (eds.): «Affirmative Action in the employment of ethnic minorities and persons with disabilities», BIT, 1997; et au chapitre III (section 7) du Manuel sur l'égalité de traitement pour les travailleurs migrants et les minorités ethniques (projet), op. cit.
53. Sur cette question, voir le paragraphe 224 de l'étude d'ensemble de 1988 sur l'égalité dans l'emploi et la profession.
54. Comme la commission l'a indiqué au paragraphe 26 de son étude spéciale sur l'égalité dans l'emploi et la profession de 1996, les discriminations indirectes «se réfèrent à des situations, des réglementations ou des pratiques apparemment neutres mais qui en réalité aboutissent à des inégalités à l'encontre de personnes présentant certaines caractéristiques déterminées. Elles apparaissent dans une situation où sont appliqués à toute personne les mêmes conditions, traitement ou critère, mais qui aboutit, de manière disproportionnée, à des conséquences défavorables pour certaines personnes, du fait de caractéristiques telles que la race, la couleur, le sexe ou la religion, sans lien étroit avec les exigences inhérentes à l'emploi concerné.»
55. Dans son rapport d'activité couvrant la période du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997, l'Ombudsman contre la discrimination déclare qu'il est très difficile de prouver la discrimination fondée sur l'origine ethnique du travailleur ou du candidat à un emploi et estime que les conditions requises pour le transfert de la charge de la preuve à l'employeur devraient être beaucoup plus limitées qu'elles ne le sont à présent.
56. Par exemple: Allemagne, France, Italie, Suisse.
57. Bien qu'elle ne concerne que la discrimination en matière d'emploi et de profession fondée sur le sexe du travailleur, la commission a noté avec intérêt l'adoption récente par l'Union européenne d'une directive relative à la charge de la preuve dont l'article 4 dispose que «les Etats Membres, conformément à leur système judiciaire, prennent les mesures nécessaires afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement» (directive no 97/80/CE du Conseil du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe).
58. Sur ce point précis, prière de se reporter également à l'étude spéciale de 1996, paragr. 297-302.
59. Paragraphes 225-229.
60. Par exemple: Belgique (Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme), Canada (province de l'Ontario, Tribunal de l'équité en matière d'emploi), Nouvelle-Zélande (conciliateur chargé des relations entre les races), Pays-Bas (Commission pour l'égalité raciale), Royaume-Uni (Commission pour l'égalité raciale), Suède (Ombudsman chargé de l'égalité des chances, Ombudsman contre la discrimination).
61. Par exemple: Australie (loi de 1986 sur la Commission des droits de l'homme et de l'égalité des chances), Canada (Commission des droits de l'homme), Nouvelle-Zélande (Commission des droits de l'homme), Pays-Bas (Commission sur l'égalité de traitement).
62. Par exemple: Allemagne (Ausländerbeauftragte ou délégué du gouvernement fédéral à l'intégration des salariés étrangers et des membres de leur famille), Australie (Commission consultative nationale sur la discrimination dans l'emploi et les professions), Nouvelle-Zélande (ministère des Affaires des îles du Pacifique et Service des affaires ethniques).
63. Par exemple: Australie, Belgique, Canada, Royaume-Uni.
64. Par exemple: Nouvelle-Zélande (conciliateur chargé des relations entre les races), Suède (Ombudsman contre la discrimination).
65. Par exemple, en Belgique, la Commission paritaire pour le travail intérimaire a élaboré un code de bonne conduite pour la prévention de la discrimination raciale dans le cadre de la convention collective de travail du 7 mai 1996. En acceptant ce code de bonne conduite, les entreprises de travail intérimaire s'engagent à ne pas discriminer les travailleurs intérimaires sur la base de la couleur de la peau, la race, la religion, l'origine ethnique ou la nationalité, tant lors de la sélection que lors de la mise à disposition chez un utilisateur. La convention met également l'accent sur l'importance de sensibiliser l'ensemble des partenaires du monde de l'intérim, à savoir les entreprises de travail intérimaire mais aussi les utilisateurs et les travailleurs eux-mêmes.
66. A cet égard, on notera que la Suède a indiqué qu'ayant constaté que depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1994 sur la discrimination ethnique et l'institution de l'Ombudsman contre la discrimination le nombre de plaintes parvenues devant les tribunaux du travail est largement inférieur à ce qui avait été prévu lorsque ladite loi a été introduite, le gouvernement a chargé une commission de réviser la loi précitée et de faire des recommandations. En mai 1998, le gouvernement a alors décidé de présenter un projet de loi fondé sur les recommandations de cette commission qui peut être résumé comme suit: a) la nouvelle loi s'appliquera indistinctement à la discrimination directe ou/et indirecte et également à tous les stades de la procédure de recrutement; b) des obligations nouvelles sont imposées à l'employeur (obligation d'investigation et de mesures correctrices en cas d'allégations relatives à la discrimination, interdiction des représailles en cas de plaintes concernant la discrimination ethnique, obligation de prendre des mesures actives pour favoriser la diversité du travail); et c) proposition tendant à habiliter l'Ombudsman à faire des observations à la Commission antidiscrimination pour contraindre les employeurs à prendre des mesures actives et à confier l'application de la loi à l'Ombudsman et à cette commission. Voir aussi la note de bas de page no 72 ci-après.
67. Par exemple, les Etats-Unis (titre VII de la loi sur les droits civils, 1964), les Pays-Bas (loi sur l'égalité de traitement, 1994) et le Royaume-Uni (loi sur l'égalité raciale, 1976) ont inclus des dispositions de la sorte dans leur législation.
68. Voir aussi paragr. 344.
69. En Belgique (région flamande), les partenaires sociaux ont conclu un accord avec les pouvoirs publics en vue de ramener le taux de chômage des migrants dans cette région au niveau de la moyenne flamande. Cet accord se concrétisera par la mise sur pied de plans d'action positive conclus avec des secteurs, des entreprises et des institutions publiques (tels les services de placement) et la promotion de la formation chez les migrants.
70. CIT, 59e session (juin 1974), rapport VII (1), p. 28.
71. L'article 44 de la convention collective interprofessionnelle du 20 juillet 1977 reprend l'article 31.2 du Code du travail qui stipule que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les salariés quels que soient leur sexe, leur ascendance nationale, leur race, leur religion, leur origine sociale, etc.
72. La Confédération du patronat suédois (SAF) a indiqué jouer un rôle très actif en matière de lutte contre la discrimination en matière d'emploi. Ainsi, elle a participé au groupe de travail de la Commission européenne qui, en 1995, a élaboré la Déclaration commune sur la prévention de la discrimination raciale et de la xénophobie et la promotion de l'égalité de traitement sur le lieu de travail à l'occasion du Sommet pour le dialogue social qui s'est tenu à Florence le 21 octobre 1995. Suite à cette déclaration, les parties ont rédigé un compendium de bonnes pratiques qui analyse les obstacles de toutes sortes, mais vise surtout à mettre en valeur les exemples positifs et les avantages de l'égalité de chances sur le marché du travail. Cette publication présente aussi des idées de changements. En novembre 1997, les partenaires sociaux sont convenus au niveau central de lancer un appel conjoint aux associations d'employeurs et aux organisations syndicales, ainsi qu'aux entreprises et aux salariés pour leur demander d'élargir la diversité ethnique, selon les besoins de chaque entreprise et la situation locale. Pour soutenir les efforts menés au niveau local, les partenaires sociaux ont élaboré un guide à cet effet. Par ailleurs, au cours du printemps de 1998, les partenaires sociaux ont décidé au niveau central de créer un conseil commun chargé de suivre, d'appuyer et d'évaluer les activités menées en vue d'élargir la diversité au travail et de lutter contre la discrimination. En revanche, la SAF a fait savoir qu'elle était opposée au projet de nouvelle loi contre la discrimination ethnique et qu'elle considérait comme un vœu pieu l'idée selon laquelle ce projet permettrait de lutter contre la xénophobie et la discrimination; elle s'oppose en outre à la ratification de la convention no 97 par la Suède. Selon elle, la meilleure façon de changer les mentalités consiste à diffuser les connaissances et à sensibiliser chacun au caractère inéquitable de la discrimination. Ce changement d'attitude ne peut être accompli que par des efforts conjoints du gouvernement et du Parlement, des employeurs et des syndicats, des partis politiques et des organisations d'immigrants.
73. Suite à la parution de l'étude du BIT intitulée «La discrimination à l'accès à l'emploi en raison de l'origine étrangère: le cas de la Belgique» (Cahier des migrations internationales no 23, BIT, Genève, 1998), entreprise dans le cadre du projet «Combattre la discrimination à l'égard des travailleurs immigrés et des minorités ethniques dans le monde du travail» susmentionné (voir note de bas de page no 2 du présent chapitre), la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique (CSC) a milité activement pour l'adoption de la convention collective du travail no 38ter du 17 juillet 1998 qui interdit formellement la discrimination en matière d'embauche et, depuis, a organisé des sessions de formation avec ses militants et publié de nombreuses brochures de sensibilisation.
74. Aux termes de l'article 1, paragraphe 1 a), de la convention no 111, «le terme 'discrimination' s'entend de toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession».
75. Paragraphes 231-236 de l'étude d'ensemble de 1988 et paragr. 287 de l'étude spéciale de 1996.
76. Par exemple: Royaume-Uni (dans le cadre de l'Année européenne contre le racisme en 1997, des ministres ainsi que des représentants des organisations d'employeurs et de travailleurs ont participé à des conférences-débats sur les mesures concrètes à prendre pour une plus grande égalité de traitement sur le lieu de travail); Suède (l'Ombudsman contre la discrimination publie des brochures, telle celle intitulée «La diversité paie», lance des campagnes de sensibilisation, la dernière en date étant «La compétence peut avoir un nom étranger» ou encore met en œuvre des enquêtes sur la discrimination vécue par les travailleurs migrants, etc.).
77. Par exemple, la Norvège a commandé une étude qui s'est déroulée sur trois ans pour examiner les barrières que rencontrent les migrants par rapport au marché du travail. Cette étude a montré que l'on pouvait attribuer le chômage élevé de cette catégorie de la population par rapport au reste de la population active à leurs insuffisances sur le plan des qualifications, leurs handicaps linguistiques et également à la discrimination dont ils faisaient l'objet.
78. Par exemple: Royaume-Uni.
79. Par exemple: Finlande.
80. Par exemple, en Allemagne, le mandat du délégué du gouvernement fédéral à l'intégration des salariés étrangers et des membres de leur famille concerne certes l'intégration de ces populations mais aussi la lutte contre les inégalités de traitement dont elles sont l'objet, notamment dans le domaine de l'emploi.
81. Voir la note de bas de page no 40 du chapitre 3.
82. CIT, 60e session (juin 1975), Genève, Compte rendu des travaux, p. 682, paragr. 53.
83. Le gouvernement de la France a indiqué qu'il entendait bientôt saisir le Parlement d'une proposition visant à étendre le bénéfice des prestations non contributives aux étrangers en situation régulière.
84. Par exemple: Belgique, Croatie, Luxembourg, Suisse.
85. Etude d'ensemble des rapports concernant la convention (no 118) sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962, CIT, 63e session (juin 1977).
86. Par exemple: Australie (période prescrite de résidence), Koweït, Qatar, Royaume-Uni.
87. Par exemple, pour la convention no 97: voir les observations concernant la France (1996), la Malaisie (1998), la Zambie (1995); et, pour la convention no 143, l'observation adressée au Kenya (1995).
88. Par exemple: Algérie, Bélarus, Koweït, Qatar, Slovaquie, République tchèque, Thaïlande.
89. Par exemple: Colombie (deux tiers des membres des instances dirigeantes doivent être de nationalité colombienne), Panama (75 pour cent des membres des instances dirigeantes).
90. Par exemple: Koweït (les travailleurs étrangers doivent avoir résidé pendant cinq ans au Koweït pour pouvoir s'affilier à un syndicat et être en mesure de présenter un certificat de bonne réputation et de bonne conduite), Lituanie (les travailleurs étrangers doivent être résidents permanents).
91. Par exemple: Philippines.
92. Par exemple: Autriche (sauf pour les ressortissants de l'Espace économique européen), Bolivie, Colombie, Djibouti, Equateur, Finlande (sauf pour les ressortissants des pays nordiques et de l'Union européenne), Guatemala, Koweït, Liban, Maroc, Mexique, Panama (la condition de nationalité a été supprimée de la législation mais demeure inscrite dans la Constitution; ainsi, l'article 64 dispose que les «instances dirigeantes de ces associations seront exclusivement constituées de citoyens panaméens)», Roumanie, Togo.
93. Paragraphe 118.
94. Par exemple, au titre de la convention no 143, commentaires adressés au Bénin en 1992 et 1993 (on notera que l'article 82 du nouveau Code du travail du Bénin a assoupli cette condition et que désormais il suffit au travailleur migrant d'être régulièrement établi sur le territoire national et de jouir de ses droits civiques); au titre de la convention no 87, commentaires récents adressés à la Bolivie (1998), Colombie (1998), Equateur (1997), Finlande (1997), Guatemala (1997), Mexique (1997), Panama (1997), Roumanie (1997).
95. Par exemple: Luxembourg (un tiers d'étrangers maximum), Rwanda (l'actuel projet de Code du travail dispose qu'au maximum un tiers des membres du comité de direction et d'administration d'une organisation syndicale sera composé d'étrangers).
96. Par exemple: République centrafricaine (2 ans), Guinée (5 ans), Mauritanie (5 ans), Niger (3 ans), Rwanda (5 ans), Sénégal, Tchad, Venezuela (plus de 10 ans).
97. Par exemple, en Mauritanie, le droit d'accéder à des fonctions syndicales est réservé aux Mauritaniens. Toutefois, le projet de Code du travail prévoit que les étrangers pouvant justifier de l'exercice en Mauritanie de la profession défendue par le syndicat pendant cinq années consécutives peuvent également être éligibles.
98. Par exemple: République centrafricaine, Niger, Sénégal.
99. Le ministère de l'Intérieur pourra prononcer l'expulsion du territoire de la République de tout étranger, quelle que soit sa situation au regard de la résidence, quand: [...] b) il se livre dans le pays ou à l'extérieur à des activités qui menacent la paix sociale, la sécurité nationale ou l'ordre public de la République. Il sera possible de faire appel des décisions du ministère de l'Intérieur devant le pouvoir exécutif, conformément aux conditions et effets prévus par l'article 80.
100. CIT, 60e session (juin 1975), Genève, rapport V (2), p. 17.
101. Par exemple, le Traité sur l'Union européenne donne le droit à tout citoyen de l'union de participer en tant qu'électeur et candidat aux élections municipales et européennes dans le pays d'accueil, aux mêmes conditions que les nationaux.
102. Voir aussi les paragraphes 277-282.
103. Ces mécanismes consistent à réserver des logements publics pour les travailleurs migrants ou à donner l'autorisation aux entreprises de construire des dortoirs pour loger leurs travailleurs étrangers.
104. Par exemple: Antigua-et-Barbuda, Emirats arabes unis.
105. Par exemple: Royaume-Uni (Bermudes).
106. Au sein de l'Union européenne, l'égalité de traitement entre nationaux et ressortissants de pays membres de l'Union en matière de logement s'applique aussi bien à l'occupation d'un logement qu'à l'accession à la propriété. Voir à cet égard l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes no 63/86 du 14 janvier 1988 (Commission contre République italienne), aux termes duquel «La Cour déclare et arrête: 1) La République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 52 et 59 du Traité CEE en réservant aux seuls ressortissants italiens, par diverses dispositions de sa législation, l'accession à la propriété et à la location de logements construits ou restaurés à l'aide de fonds publics, ainsi que l'accession au crédit foncier à taux réduit.»
107. Voir à cet égard les paragraphes 296-301.
108. A ce propos, la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) de Belgique a indiqué que son service juridique intervient régulièrement pour requérir le salaire minimum devant le tribunal du travail et qu'il est très difficile d'intervenir pour les travailleurs migrants temporaires, ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne. Elle a indiqué également qu'elle a signé un protocole de collaboration avec le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, aux termes duquel, lorsque des plaintes sont déposées concernant un comportement raciste sur le marché du travail ou dans une entreprise, elles sont transmises au centre qui détermine, avec la CSC, si ces plaintes doivent faire l'objet de poursuites judiciaires; Suède: l'Ombudsman contre la discrimination a indiqué que, pour la période allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997, il avait reçu 126 plaintes officielles (par écrit), dont 40 pour cent provenaient de candidats à un emploi et 60 pour cent de salariés. Pour des raisons différentes, une seule de ces plaintes a abouti pendant ladite période devant le tribunal du travail et a finalement été rejetée.
109. Parmi les ressortissants étrangers, la loi sur les impôts distingue entre les non-résidents et les résidents réputés. Est considéré comme un non-résident celui qui a séjourné moins de 183 jours au Québec. Est réputé résident celui qui y a séjourné au moins 183 jours.
Mise à jour par VC. Approuvée par NdW. Dernière modification: 26 January 2000.