GB.273/WP/SDL/1(Rev.1) |
||
Groupe de travail sur la dimension sociale |
WP/SDL |
PREMIÈRE QUESTION À L'ORDRE DU JOUR |
Tour d'horizon des faits nouveaux dans le monde
et des activités du Bureau concernant
les codes de conduite, le «label» social
et d'autres initiatives émanant du secteur privé
en rapport avec des questions sociales
Table des matières
V. Initiatives des investisseurs
VII. Les initiatives privées et l'OIT. Questions en vue de la discussion
a) Les demandes spécifiques adressées au Bureau
b) Le besoin général d'une référence externe
3. Quelles attitudes et possibilités d'action et quelle suite éventuelle à la discussion?
a) Une attitude minimaliste?
b) Un rôle de prestation de services d'accompagnement ou de soutien?
c) Une attitude proactive d'intervention?
1. A la 270e session du Conseil d'administration (novembre 1997), le Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international a demandé au Bureau de faire un large tour d'horizon des faits nouveaux dans le monde et des activités du Bureau concernant les codes de conduite, le label social et d'autres initiatives émanant du secteur privé en rapport avec des questions sociales. Il a estimé opportun que soient analysés à cette fin l'origine des diverses initiatives, leur portée, leurs caractéristiques et leurs avantages et inconvénients. Lors des 270e et 271e sessions, diverses vues, certaines positives, d'autres négatives, ont été émises au sujet des effets et des utilisations des codes de conduite et du label social. Il a toutefois été décidé qu'il convenait d'examiner plus à fond le phénomène afin de mieux le comprendre et de déterminer le degré de participation éventuelle de l'OIT.
2. Les initiatives en question ont pour caractéristique commune d'émaner du secteur privé, et non de l'Etat. La mondialisation de l'activité économique privée s'accompagne de l'essor de réseaux d'entreprises transfrontières qui se développent selon les modalités les plus diverses - relations contractuelles, prises de participations, coentreprises. Du fait de cette évolution, l'activité économique échappe au contrôle de l'Etat-nation et la portée des règlements n'est plus adaptée aux structures économiques réelles(1) . Cela limite d'autant l'action à la fois des Etats souverains et d'acteurs privés dont les intérêts sont cruciaux - travailleurs, organisations patronales locales, etc. Par ailleurs, les entreprises, désormais confrontées à une concurrence mondiale ou régionale, ont connu des restructurations spectaculaires qui ont certes eu des effets positifs mais ont aussi abouti à des redimensionnements, à des compressions d'effectifs et à d'autres phénomènes sociaux négatifs. Beaucoup de commentateurs estiment que ces changements qui sont à l'origine des initiatives sociales sont durables.
3. Dans une économie désormais mondialisée, l'émergence d'un rôle social pour l'entreprise correspond à un déplacement notable du pouvoir, de l'Etat- providence vers l'entreprise privatisée et multinationale, et reflète le déclin de l'influence de l'Etat et des organisations locales de travailleurs sur un marché en constante évolution. Dans ce contexte, et du fait des progrès du pluralisme et de l'essor de médias indépendants, la population exige de plus en plus des entreprises qu'elles rendent compte de l'impact social et environnemental de leurs activités. En général, ces demandes s'expriment grâce aux efforts d'organisations non gouvernementales (ONG) et aux alliances stratégiques qui se nouent entre les organisations locales de travailleurs et les secrétariats professionnels internationaux (SPI). De plus en plus, il est demandé aux entreprises de rendre des comptes qui ne sont plus seulement financiers: elles sont désormais censées être comptables de leurs performances économiques, sociales et environnementales selon le principe d'une comptabilité tridimensionnelle(2) . Les entreprises, à commencer par les multinationales, réagissent à ces pressions soit individuellement, soit dans le cadre de leurs associations professionnelles et, dans une certaine mesure, des organisations d'employeurs, notamment sur le plan national. Des partenariats entre entreprises, travailleurs et/ou ONG, parfois facilités par l'Etat et par des organisations intergouvernementales, négocient des améliorations sociales et conçoivent des mécanismes pour le contrôle extérieur des progrès réalisés. Les résultats sont particulièrement importants pour les entreprises des pays en développement, notamment les PME, qui doivent trouver des moyens efficaces et peu coûteux de procéder aux changements de technologies et d'organisation nécessaires pour accéder aux marchés étrangers ou aux grands acheteurs internationaux qui imposent certaines normes sociales(3) .
4. Face à la prolifération des initiatives volontaires, l'OIT est de plus en plus sollicitée, certains l'invitant à agir, d'autres à s'abstenir d'agir. Régulièrement, et de plus en plus, le Bureau est saisi de demandes des entreprises et de leurs partenaires qui envisagent des initiatives privées touchant la sphère sociale. Certaines entreprises demandent des informations, d'autres invitent le BIT à examiner d'un œil critique des projets de codes de conduite, d'autres encore souhaitent avoir des avis sur les méthodes d'inspection sociale susceptibles d'être utilisées par les entreprises elles-mêmes ou par des auditeurs spécialisés. Lors d'une audition au Parlement européen le 2 septembre 1998, un représentant d'un secrétariat professionnel international a demandé à l'OIT, au nom des travailleurs, d'établir des procédures pour l'accréditation des auditeurs chargés de certifier la performance des entreprises, de tenir un registre des auditeurs ainsi accrédités et de mettre au point des programmes de formation, en mobilisant à cette fin des fonds extérieurs. A cette même audition, un représentant des entreprises a indiqué que c'est à celles-ci de veiller à ce que des initiatives, telles que les codes de conduite volontaires, soient effectivement appliquées, mais que l'intervention d'auditeurs indépendants et la mise en place par l'OIT de programmes de formation pourraient contribuer à plus de transparence. L'Organisation internationale des employeurs a de son côté commencé à examiner si elle doit aider les entreprises dans ce domaine et de quelle manière(4) .
5. Dans son rapport à la session de 1994 de la Conférence internationale du Travail, le Directeur général indiquait que ces évolutions obligeaient l'OIT à réexaminer son approche vis-à-vis de ses mandants(5) . Traditionnellement, cette approche a été essentiellement axée sur les engagements et les actions des Etats Membres. Toutefois, même si la Constitution de l'OIT et ses conventions et recommandations ne s'appliquent directement qu'aux Etats Membres, les principes que consacrent les normes internationales du travail reflètent des objectifs sociaux qui ne peuvent être définis et atteints qu'avec le concours actif des partenaires sociaux. Le caractère de plus en plus supranational de l'activité économique rend cette coopération plus que jamais nécessaire. Une vingtaine d'années après son adoption, et malgré les efforts accomplis sans relâche au sein du système des Nations Unies et dans d'autres instances, la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale représente le seul consensus international auquel sont parvenus les gouvernements et les parties non gouvernementales intéressées au sujet des politiques et mesures sociales devant être adoptées, sur une base volontaire, par les acteurs de la sphère privée. Cette déclaration est destinée à guider les engagements volontaires des entreprises multinationales et des organisations de travailleurs et d'employeurs des pays d'origine et des pays hôtes ainsi que des gouvernements(6) .
2. Champ de l'étude et méthodologie
6. La première partie du présent document traite des tendances et faits saillants des initiatives volontaires du secteur privé qui touchent à la dimension sociale des activités des entreprises(7) . Par «initiatives du secteur privé», il faut entendre les actions qui visent à étayer ou compléter les comportements exigés par la loi. Par «dimension sociale», on entend en principe l'ensemble des conditions de travail et des droits des travailleurs qui relèvent du mandat de l'OIT. Toutefois, le présent document porte essentiellement sur les points suivants: principes et droits fondamentaux des travailleurs(8) , salaires, temps de travail, santé et sécurité au travail, sécurité de l'emploi, formation professionnelle. Il passe en revue les codes de conduite (section III), les programmes de label social (section IV) et les initiatives des investisseurs (section V). L'examen de chacune de ces initiatives commence par des définitions. La section VI traite des activités et publications du Bureau qui ont un rapport avec la responsabilité sociale des entreprises et notamment avec les initiatives privées à l'étude. La section VII, en conclusion, indique les questions qui pourraient faire l'objet de la discussion. Il convient de préciser que la mention de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel service, programme ou produit n'implique de la part de l'Organisation aucune appréciation favorable ou défavorable.
7. Pour effectuer ce tour d'horizon, le Bureau a passé en revue les documents publiés par les entreprises et les autres protagonistes des initiatives du secteur privé ainsi que les études, enquêtes et commentaires sur ces initiatives émanant de toutes sortes de sources: organisations d'employeurs et de travailleurs, entreprises, gouvernements, organisations intergouvernementales, organisations non gouvernementales, universités, centres de recherche. Les fonctionnaires des programmes et services du Bureau qui ont à s'occuper de ces questions ont été interrogés de même que des représentants d'organisations de travailleurs et d'employeurs. La compilation et l'analyse des données et des documents ont été facilitées par une coordination avec les bureaux extérieurs et avec les programmes de recherche en cours, en particulier le programme de recherche sur les codes des entreprises multinationales(9) . Des contacts ont aussi été pris à propos des programmes de recherche de diverses institutions: Chambre de commerce internationale, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Commission européenne, Parlement européen, institutions du système des Nations Unies, notamment CNUCED et PNUE, administrations nationales, instituts de recherche privés.
8. On s'est attaché durant les recherches à établir une base de données équilibrée en ce qui concerne la représentativité des activités et intérêts par région, secteur et taille des entreprises, compte tenu aussi des perspectives différentes des gouvernements, des travailleurs et des employeurs. Toutefois, les informations disponibles, notamment sur Internet, émanent en majorité de sources nord-américaines et européennes même si des données intéressantes proviennent aussi d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique. Les lacunes inévitables de l'information, auxquelles on pourrait remédier par des recherches sur le terrain et/ou par des études, sont indiquées lorsqu'il y a lieu et ont été prises en compte dans la mesure du possible pour la description des tendances actuelles et l'établissement des questions à examiner.
9. La préparation du présent document a montré que les initiatives sociales prises volontairement par les entreprises constituent un domaine qu'il reste à défricher. Il subsiste de grandes disparités en ce qui concerne les définitions et la terminologie, la normalisation des données, les unités et critères d'analyse, les méthodes de recherche et d'évaluation. Beaucoup de travail reste donc à faire pour mettre au point et appliquer des critères et méthodes normalisés de recherche et d'analyse dans ce domaine. Le travail de réflexion pourrait être facilité par des études de cas et par la collecte et l'analyse de données, statistiques et autres, plus fiables et comparables.
3. Sources des initiatives privées
10. Les initiatives du secteur privé tirent en général leur origine de la notion de responsabilité sociale de l'entreprise, apparue sous diverses formes ces dernières décennies. La Déclaration de Delhi, élaborée en 1965 lors d'un séminaire international consacré à la responsabilité sociale des entreprises, présente un prototype de ce qui est devenu la «théorie des parties prenantes». Aux Etats-Unis, les théoriciens ont insisté sur la nécessité pour les entreprises de considérer la collectivité comme une partie prenante, comme une partie intéressée par leur mode de gouvernance. Au Japon, les entreprises ont pris conscience des liens entre leurs activités, les valeurs nationales, la vie de la collectivité et l'environnement.
11. La volonté d'ajouter de la valeur à l'entreprise est l'un des principaux facteurs à l'origine des initiatives volontaires. La nécessité de préserver ou d'affermir une bonne image dans l'opinion publique, y compris l'image de telle ou telle marque, a encouragé ce genre d'initiatives dans les secteurs qui sous-traitent la production de biens de consommation sur le marché international ainsi que dans ceux dont les activités sont caractérisées par un fort coefficient de main-d'œuvre, à tous les stades, de la production à la vente au détail. Les producteurs de biens d'équipement et de biens intermédiaires, qui ne répondent pas directement à la demande de consommation, peuvent être poussés par les intermédiaires à satisfaire les aspirations des consommateurs. En outre, la prise de conscience qu'un bon comportement peut avoir des retombées financières positives, et non pas négatives, est venue renforcer les raisons morales des entreprises de se conduire en «entreprises citoyennes».
12. Les initiatives volontaires peuvent servir les intérêts des entreprises en démontrant que celles-ci s'efforcent d'améliorer les conditions de travail, ce qui les aide à se défendre contre les boycotts ou les risques de boycott de la part des consommateurs ainsi que contre les accusations de pratiques inacceptables ou illégales. Ces initiatives peuvent aussi conduire l'Etat à renoncer à l'adoption de nouvelles réglementations en démontrant que l'industrie respecte déjà au mieux les intérêts de la population. De fait, dans certains cas, il peut arriver que l'Etat encourage les initiatives des entreprises en considérant que cela le dispense de réglementer. Les pays en développement peuvent voir dans ces initiatives un moyen d'optimiser l'utilisation de ressources publiques limitées. Les pays exportateurs peuvent considérer que ces initiatives ont l'avantage d'améliorer les conditions de travail et aussi l'image de la nation, ce qui est un atout, notamment commercial, tandis que le débat se poursuit sur la question de savoir si des raisons, telles que le protectionnisme, peuvent pousser certains pays importateurs à encourager les initiatives volontaires. Des questions se posent également en ce qui concerne l'impact de ces initiatives sur les normes internationales du travail, questions qui sont examinées dans d'autres sections.
13. Cette section vise à faire mieux comprendre les initiatives du secteur privé en décrivant le contexte général dans lequel elles s'inscrivent, y compris l'identité, l'interaction et les stratégies des principaux acteurs et partenariats. Les sections III à V traitent des instruments utilisés par ces acteurs (codes de conduite, label social, initiatives des actionnaires).
1. Acteurs et partenariats privés
14. Toutes sortes d'acteurs participent aux initiatives du secteur privé aux niveaux mondial, régional, national et local. Les acteurs traditionnels sont les entreprises et les parties prenantes les plus directement concernées(10) , à savoir leur personnel (et les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs), les investisseurs, les consommateurs et les partenaires auxquels l'entreprise est liée par contrat ou par une participation au capital. Les associations d'entreprises, les ONG et d'autres groupes privés se montrent depuis peu de plus en plus présents, concluant éventuellement des alliances avec les acteurs traditionnels. Dans certains cas, l'Etat ou des organisations intergouvernementales se joignent au mouvement. Les partenaires de ces nouvelles alliances peuvent avoir des intérêts très voisins ou peuvent se mettre d'accord ponctuellement sur une plate-forme commune en vue d'atteindre un objectif déterminé.
15. Les initiatives pilotées par des entreprises ou des associations d'entreprises sont apparemment celles qui prolifèrent le plus vite; elles varient beaucoup, qu'il s'agisse du nombre de participants, des activités ou des priorités. Des initiatives sont prises par des entreprises individuelles, des associations d'entreprises, des associations sectorielles et des organisations d'employeurs. De grandes entreprises solidement établies lancent leurs propres programmes sociaux. Les PME forment en général des coalitions sectorielles, nationales, intersectorielles ou internationales. Des associations à vocation purement sociale voient le jour et certaines associations d'entreprises fournissent à leurs membres, en plus de leurs services traditionnels axés sur les résultats financiers, des orientations pour les questions sociales.
16. Les organisations de travailleurs intègrent de plus en plus les initiatives sociales des entreprises dans leurs méthodes de représentation dans un contexte économique marqué par la mondialisation et la régionalisation. Leur but est de renforcer ou de compléter, et non de remplacer, les résultats des consultations et des négociations collectives. Les organisations de travailleurs appliquent cette approche stratégique à l'intérieur des entreprises ainsi qu'aux niveaux sectoriel, intersectoriel et multisectoriel. Des campagnes menées par les travailleurs ou lancées par les médias ont pris les initiatives du secteur privé comme objectif pour s'attaquer à des problèmes spécifiques. Des syndicats, locaux ou internationaux, ont intégré les instruments des initiatives sociales des entreprises dans leurs politiques et stratégies et dans leurs programmes d'éducation ouvrière et de mobilisation sociale. La participation des secrétariats professionnels internationaux s'est développée dans le cadre de «négociations de solidarité», s'étendant à toute la filière des produits, avec les entreprises multinationales, aux niveaux sectoriel et intersectoriel, avec des degrés variables de participation des syndicats locaux aux négociations et à la mise en œuvre (voir section III). Les organisations de travailleurs cherchent de plus en plus à s'allier avec les investisseurs, les ONG et l'Etat parce qu'elles ont conscience que l'appui des consommateurs, des investisseurs et d'autres parties intéressées est un atout précieux dans leurs négociations avec les multinationales ainsi qu'avec les PME opérant sur le marché mondial.
17. Les organisations non gouvernementales et les coalitions qu'elles forment recourent aussi bien à la collaboration qu'à des méthodes plus combatives pour encourager les initiatives privées de nature sociale. Au titre de la collaboration, elles décernent des prix aux entreprises jugées les plus méritantes ou leur font de la publicité, acceptent le dialogue, contribuent à la mise au point de codes, de labels, etc. L'une des plus anciennes coalitions d'ONG, lancée avec succès dans les années quatre-vingt, a obligé les établissements Del Monte, aux Philippines, à négocier des accords de surveillance avec la chaîne suisse de magasins d'alimentation Migros et ses mandants, avec des associations de consommateurs et avec d'autres ONG de Suisse. Certaines ONG offrent des services directs à ceux qui sont victimes des pratiques sociales des entreprises, notamment dans les pays en développement.
18. Les ONG peuvent aussi recourir à des pressions, par exemple des campagnes dénonçant certaines pratiques sociales, des boycotts ou des menaces de boycott. Ces méthodes, on le sait, font depuis longtemps l'objet de controverses. Certains font valoir que ces boycotts nuisent aux travailleurs qu'ils prétendent protéger tandis que d'autres estiment que, parfois, une publicité négative complète utilement les efforts de coopération. Les ONG engagent aussi parfois des poursuites contre des entreprises, tactique qui permet d'attirer l'attention sur certaines pratiques sociales mais n'aboutit pas obligatoirement à une amélioration ou à une réparation(11) . En 1998, le collectif «Vêtements propres» ou «L'éthique sur l'étiquette», réseau en pleine expansion de coalitions d'ONG européennes qui visent à améliorer les conditions de travail dans l'industrie de la confection et des vêtements de sport, a orchestré à grand renfort de publicité toute une série de procès contre des multinationales devant un «tribunal du peuple» composé de particuliers qui ont prononcé des condamnations contre toutes les entreprises citées après avoir examiné des dossiers très détaillés et entendu différents témoignages.
19. Consultants, auditeurs et établissements d'enseignement cherchent apparemment à profiter de l'importance aujourd'hui accordée à la responsabilité sociale des entreprises. Très peu possèdent de l'expérience ou des compétences en matière de normes du travail ou de relations professionnelles. Parmi ces entreprises à but lucratif, on trouve des associations qui s'intéressent spécifiquement à la responsabilité sociale des entreprises, des cabinets d'experts-comptables qui cherchent à étendre leurs activités, des organismes spécialisés dans la comptabilité sociale, des entreprises d'inspection et de contrôle qui s'occupent à la fois des normes techniques et des normes sociales, et des universités. Ces organismes offrent notamment les services suivants: informations spécialisées, y compris enquêtes sur les pratiques des entreprises et guides des meilleures pratiques; éducation et formation des salariés aux pratiques socialement responsables et au contrôle interne de ces pratiques; services extérieurs d'inspection et de comptabilité sociale; accréditation des spécialistes de la comptabilité sociale et des inspecteurs. Ces services sont fournis sur des bases bien définies, vu l'absence de normalisation des critères et méthodes de comptabilité, d'inspection et d'accréditation. Dans le secteur de l'éducation, une université offre, par exemple, un programme de maîtrise portant sur la responsabilité du monde des affaires; d'autres ont des centres de recherche sur la comptabilité sociale; beaucoup offrent la possibilité de participer à des conférences et à des universités d'été sur la théorie et la pratique de la responsabilité sociale des entreprises.
2. Partenariats entre secteur privé et secteur public
20. Les facteurs et les incitations qui sont à l'origine de la responsabilisation sociale de l'entreprise (voir section I.3) se reflètent dans la relation entre les initiatives du secteur privé et le rôle du secteur public qui définit la politique sociale et répond aux besoins sociaux. L'action des partenariats qui se sont créés entre ces deux secteurs se distingue des initiatives purement publiques, lesquelles n'entrent pas dans le cadre de la présente étude(12) .
21. Des partenariats volontaires entre les entreprises et l'Etat existent depuis quelques décennies, notamment dans le monde développé. Leurs efforts consistent par exemple à mettre au point des codes destinés à améliorer la sécurité et la protection de la santé. L'Etat fournit, le cas échéant, aux entreprises des ressources telles que des guides pour l'élaboration de codes; il peut aussi parrainer des conférences ou des programmes de prix ou de classification des entreprises. Dans certains cas, des coalitions regroupant entreprises, travailleurs et/ou ONG bénéficient de financements publics. Les gouvernements des pays importateurs appuient parfois les efforts faits dans les pays exportateurs. Dans certains pays en développement ou en transition, les entreprises et l'Etat collaborent dans le domaine de l'inspection et d'autres manières qui permettent d'optimiser l'utilisation de ressources publiques limitées.
22. Les initiatives volontaires prises par les entreprises en collaboration avec les organisations intergouvernementales semblent être de plus en plus nombreuses et avoir une portée de plus en plus vaste; elles s'appuient sur des instruments traditionnels ainsi que sur de nouvelles méthodes de collaboration. Il peut s'agir de programmes pratiques ou de directives concernant la politique sociale de l'entreprise ou les normes techniques qu'elle devrait adopter pour améliorer les conditions de travail, la santé et la sécurité. Deux séries de directives concernant la politique sociale de l'entreprise existent au niveau intergouvernemental: la Déclaration de principes tripartite de l'OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale (la «Déclaration tripartite») et les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. Adoptée en 1977, la Déclaration tripartite s'adresse aux gouvernements, aux multinationales, aux employeurs et aux travailleurs. Elle contient en annexe une liste des conventions et recommandations de l'OIT particulièrement pertinentes. Des études périodiques et une procédure de demande d'interprétation permettent de suivre son application. Ce système offre un cadre international pour le développement d'initiatives sociales volontaires, par exemple sous forme de codes de conduite. Les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales ne s'appliquent qu'aux entreprises qui opèrent à l'intérieur de la zone de l'OCDE. Il existe une procédure d'éclaircissement par laquelle l'OCDE cherche à interpréter les Principes directeurs à la manière des interprétations de la Déclaration tripartite. Il est difficile de dire à quoi aboutiront les propositions relatives à d'autres directives sociales, notamment le projet de code de conduite de la CNUCED sur les sociétés transnationales, les clauses sociales envisagées dans le projet d'accord multilatéral de l'OCDE sur l'investissement ou encore le projet du groupe de travail de l'OMC sur le commerce et l'investissement.
23. Les entreprises privées prennent aussi des initiatives volontaires en collaboration avec des organisations intergouvernementales sur des questions qui impliquent des normes techniques ayant un effet sur les conditions de travail(13) . En ce qui concerne l'OMC, les organismes de normalisation gouvernementaux et non gouvernementaux peuvent accepter les engagements relatifs au commerce international figurant dans le Code de pratique annexé à l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC)(14) . D'autres organisations intergouvernementales ont produit des normes techniques qui sont appliquées par l'industrie soit librement, soit sous le contrôle des Etats Membres(15) . On notera particulièrement le cadre d'évaluation de la performance sociale mis au point par l'ONUDI, qui concerne l'industrie du textile, du vêtement, de la chaussure et du cuir dans plusieurs pays en développement(16) .
3. Activités internationales de normalisation
et initiatives du secteur privé
24. Certains engagements volontaires des entreprises s'appuient sur les activités d'organismes internationaux de normalisation, notamment l'Organisation internationale de normalisation (ISO)(17) . L'ISO, fédération mondiale non gouvernementale regroupant les organismes nationaux de normalisation de près de 120 pays, a mis au point plus de 11 000 normes internationales, pour la plupart techniques, en vue de faciliter des échanges internationaux de biens et de services. Ces dernières années, elle a aussi mis au point deux séries de normes applicables à toutes sortes d'industries et de services: la série ISO 9000 qui porte sur les systèmes d'assurance de qualité, en 1989, et, en 1996, la série ISO 14000 qui porte sur les systèmes de management environnemental(18) . Les entreprises peuvent obtenir la certification par une tierce partie de la conformité de leurs activités avec ces deux séries de normes. Toutefois, certaines entreprises du monde en développement indiquent qu'elles ont du mal à accéder aux services reconnus de certification. Ce sont les comités nationaux de l'ISO ou des organismes indépendants de certification (tierce partie) accrédités par les organismes nationaux de normalisation - et non l'ISO elle-même - qui se chargent de l'inspection et qui délivrent des certificats de conformité avec telle ou telle norme. Même si elle ne délivre pas elle-même de certificats et n'exerce pas de supervision, l'ISO exerce une influence sur l'application de ses normes en publiant des documents d'orientation et en organisant des activités de formation. Les directives qu'elle publie traitent des procédures de sélection et d'accréditation des organismes de certification, des critères de certification et des méthodes que peuvent utiliser les entreprises pour faire savoir que leurs activités sont conformes aux normes de l'ISO.
25. Les normes de l'ISO ne traitent pas directement du comportement social des entreprises mais, à certains égards, elles représentent un modèle pour l'élaboration des codes et labels sociaux. Des acteurs autres que les gouvernements participent à l'élaboration des normes de l'ISO, à la réalisation ou au financement d'évaluations de l'application de ces normes et à la fourniture d'une assistance technique, notamment aux organismes de normalisation des pays en développement. Les travaux récents d'élaboration de normes internationales concernant les écolabels, notamment entrepris pour répondre aux recommandations formulées en 1992 par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, sont décrits plus loin dans la section IV(19) . En 1997, l'ISO a décidé de renoncer à l'élaboration d'une norme sur les systèmes de management de la santé et de la sécurité au travail, domaine dont s'occupe l'OIT (voir plus loin section VI)(20) . Toutefois, certaines entités non gouvernementales ont essayé de s'inspirer du modèle ISO pour les normes sociales de l'entreprise. Ainsi, le CEP (Council for economic priorities), institut de recherche ayant son siège aux Etats-Unis, a lancé une norme générique, assortie d'une procédure de certification par tierce partie, connue sous le sigle SA 8000 (Responsabilité sociale 8000). Cette norme se fonde en partie sur les conventions et recommandations de l'OIT et s'inspire du modèle ISO(21) . En outre, une ONG suisse - Pain pour le prochain - a suggéré une série de normes ISO 21000 sur le management social, proposition qui n'a pas été approuvée par l'ISO(22) .
26. Dans le présent document, par «code de conduite» on entend un document écrit exposant la politique ou les principes que les entreprises s'engagent à suivre(23) . Par leur nature même, les codes volontaires contiennent des engagements que les entreprises prennent, notamment pour répondre aux attentes du marché, sans que la législation ou la réglementation ne les y oblige. Toutefois, comme il s'agit de déclarations publiques, on considère d'ordinaire que ces codes ont des implications juridiques compte tenu des lois qui réglementent les déclarations des entreprises, la publicité et la concurrence (en cas d'action conjointe de plusieurs entreprises).
27. Selon l'Organisation internationale des employeurs (OIE), 80 pour cent des codes de conduite sont des règles d'éthique à caractère général qui ne s'assortissent pas de méthodes d'application. Le présent document ne considère que les codes de conduite qui traitent de questions en rapport avec le travail: travail forcé ou travail des enfants, discrimination en matière d'emploi, liberté syndicale et négociation collective, niveau des salaires, santé et sécurité des travailleurs, etc. La présente section passe en revue les principales tendances que l'on peut observer en ce qui concerne le développement, le contenu et la mise en application de ces codes. Beaucoup des codes examinés dans cette section ont été adoptés par une entreprise en vue d'une application internationale; de fait, certains définissent des critères sociaux de sélection des partenaires commerciaux de l'entreprise. En pareil cas, le code d'un détaillant ou d'un acheteur international, par exemple, s'appliquera aux travailleurs situés en amont, lesquels ne sont pas nécessairement employés directement par l'entreprise ayant adopté le code.
1. Développement des codes comportant des dispositions sociales
28. Les codes de conduite qui visent la dimension sociale des activités des entreprises sont devenus un élément clé du débat sur l'amélioration de la condition des travailleurs dans le monde entier. Les codes de conduite modernes remontent au début du XXe siècle, avec les codes types concernant la publicité et la commercialisation élaborés par la Chambre de commerce internationale à la fin des années trente. Durant les années soixante et soixante-dix, alors que les dispositions sociales des codes de conduite des entreprises étaient principalement axées sur les pratiques de gestion interne(24) , les premiers grands codes lancés à l'initiative de tierces parties et ouverts à l'adhésion des entreprises ont vu le jour aux Etats-Unis(25) .
29. A la fin des années quatre-vingt et durant les années quatre-vingt-dix, l'utilisation des codes de conduite a pris beaucoup d'essor et plusieurs tendances nouvelles sont apparues.Tout d'abord, on a vu s'étendre l'application des codes, notamment des multinationales, qui, traditionnellement, ne concernait que la maison mère ou, tout au plus, les filiales à l'étranger. L'opinion publique demande de plus en plus des comptes aux entreprises, y compris pour les pratiques sociales de leurs partenaires commerciaux, qu'il s'agisse d'entreprises de production ou de services, d'où le développement de codes qui ne s'appliquent plus seulement à la maison mère mais aussi aux coentreprises, aux entreprises travaillant sous licence et à tous les autres partenaires intervenant dans la chaîne des produits et services résultant d'investissements directs à l'étranger. Parallèlement, on constate qu'un nombre croissant d'acteurs participent aux initiatives prises par les entreprises en matière de codes, notamment les organisations de travailleurs, les associations professionnelles, les ONG et d'autres groupes privés(26) .
30. Autre phénomène marquant: le rôle déterminant que ces codes jouent désormais dans le processus interne de décision des entreprises. Comme le note un commentateur: «Auparavant, les codes relevaient des départements s'occupant des affaires de la société et des relations avec les actionnaires et n'étaient guère distribués aux fournisseurs. L'an dernier, ces questions ont pris tellement d'importance pour les entreprises des Etats-Unis qu'elles font intervenir des directeurs de haut niveau ayant des responsabilités fonctionnelles directes pour les relations avec les fournisseurs et les sous-traitants... Les discussions concernant les codes de conduite applicables ont lieu désormais tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du conseil d'administration...»(27) . C'est en partie l'intérêt manifesté par les médias, en déclenchant des réactions de la part des actionnaires, des consommateurs et d'autres parties prenantes, qui a conduit les entreprises à adopter cette attitude.
31. On ne possède pas d'informations précises sur la mesure dans laquelle les entreprises ont adopté des codes de conduite ayant une dimension sociale pour leurs activités au niveau national ou à l'étranger(28) . On dispose surtout d'informations sur les nombreuses grandes entreprises et les différents types d'associations professionnelles qui ont adopté des codes d'application internationale. Les informations sur les codes d'application nationale ne concernent en général que les entreprises des pays développés. La plupart des études auxquelles ont donné lieu les codes se limitent à certaines entreprises des pays développés, à des aspects déterminés de la dimension sociale ou aux deux à la fois(29) . Il existe des études de cas par secteur ou par question; le BIT y a largement contribué et poursuit ses travaux dans ce domaine(30) .
32. On sait qu'il existe des codes de conduite contenant des dispositions sociales dans chacun ou presque des 22 secteurs dont s'occupe l'OIT. Toutefois, l'importance de ces codes varie beaucoup d'un secteur à l'autre. Les secteurs des produits de consommation sont les plus avancés: textile, habillement, cuir et chaussure, commerce (détaillants et distributeurs vendant des produits portant leur propre marque), alimentation et boissons, industrie chimique, industrie du jouet. L'industrie chimique et la foresterie sont particulièrement bien représentées; elles se préoccupent avant tout des problèmes d'environnement, de sécurité et de santé. Parmi les secteurs émergents, il faut citer l'hôtellerie, les services financiers, les télécommunications, les industries de pointe, l'agriculture ainsi que l'industrie du pétrole et du gaz.
33. Il existe deux grandes catégories de codes: les codes opérationnels et les codes types. Les codes opérationnels indiquent la conduite que s'engagent à adopter les entreprises et, éventuellement, leurs partenaires, le cas échéant à l'initiative de tierces parties (en général, associations ou groupements d'entreprises, syndicats et/ou ONG) et parfois sous leur contrôle. Les codes types, publiés par des associations d'entreprises, des syndicats, des ONG et l'Etat, séparément ou ensemble, servent aux entreprises à mettre au point leurs propres codes. Ils ne s'appliquent donc pas tels quels dans les entreprises, mais peuvent se refléter, en tout ou en partie, dans les codes adoptés par celles-ci.
34. Les premiers codes à retenir l'attention ont notamment été les codes opérationnels adoptés par de grands détaillants et fabricants opérant sur le marché international. Un certain nombre d'associations professionnelles représentant des entreprises travaillant pour l'exportation ou des détaillants importateurs ont aussi publié des codes de conduite. Ces codes sont souvent destinés à être utilisés par des PME dont les ressources ne sont pas suffisantes pour qu'elles puissent élaborer leurs propres codes. Un petit nombre, mais un nombre croissant, de codes sont le fruit de la collaboration des entreprises avec les organisations de travailleurs, les ONG et/ou l'Etat.
35. Dans un environnement de plus en plus mondialisé, la structure et le fonctionnement des filières de produits jouent un rôle déterminant dans l'élaboration et l'application des codes(31) . Certains s'appliquent à toutes les entreprises de la filière (par exemple, plantations de thé et conditionnement) parce qu'elles ont un seul et même propriétaire. D'autres s'appliquent dans le cadre de relations contractuelles qui peuvent être à long terme ou au contraire très ponctuelles, l'entreprise changeant fréquemment de fournisseur au gré des circonstances. Plus la relation entre le détaillant et le fournisseur est étroite et durable et plus l'application du code est facile. Plus la filière de production est longue, plus les ramifications entre les donneurs d'ordre, les sous-traitants et les intermédiaires sont complexes, et plus la situation est compliquée. Les fabricants qui possèdent des sites de production à l'étranger ou qui ont des relations durables avec des sous-traitants concluent des arrangements permanents pour l'application des codes, tandis que les détaillants qui sont éloignés des fournisseurs doivent négocier pour obtenir l'application de leurs normes. Les détaillants qui sous-traitent la fabrication de marchandises portant leur marque sans passer par des intermédiaires ont une influence directe sur leurs sous-traitants. Les organisations de travailleurs ont adopté des stratégies de négociation des codes qui reposent sur la solidarité des syndicats de la filière considérée (production, conditionnement, distribution, commerce de détail)(32) . L'efficacité de ce modèle dépend en partie des caractéristiques de la filière - plus celle-ci est bien structurée et plus une initiative a de chances d'être adoptée et appliquée. Un problème important, au sujet duquel on manque encore de données, concerne le coût associé au contrôle de l'application des codes, notamment dans le cas des producteurs qui doivent satisfaire des exigences qui varient selon les acheteurs ou détaillants. Certes, dans bien des cas, ce coût est répercuté sur la marge des détaillants; toutefois, s'il est important, il risque de fausser la concurrence entre entreprises, tout dépendant du premier point de la filière où il est absorbé.
36. Des codes opérationnels sont élaborés par des entreprises, par leurs associations, par des organisations de travailleurs ou par des ONG, séparément ou, parfois, conjointement. Les informations disponibles donnent à penser que les plus grandes multinationales du monde, notamment les multinationales ayant leur siège aux Etats-Unis et opérant dans le secteur du textile, de l'habillement et de la chaussure (par exemple, fabricants, détaillants, y compris grands magasins, grandes surfaces, boutiques spécialisées et maisons de vente par correspondance) ont conduit le mouvement en adoptant des codes qui les guident dans le choix de leurs fournisseurs. Les multinationales japonaises et coréennes de taille comparable, pour lesquelles on dispose de peu d'informations détaillées, semblent appliquer des principes très généraux en ce qui concerne par exemple le respect de l'entreprise pour son personnel.
37. Les codes des associations d'entreprises peuvent émaner d'associations professionnelles diverses ou d'organisations d'employeurs. A la différence des codes applicables à une seule entreprise, ces codes sont le résultat d'un consensus négocié entre les membres. Les informations disponibles donnent à penser que, à quelques exceptions près, les associations professionnelles faîtières, tout en étant de plus en plus conscientes de la responsabilité sociale des entreprises et plus actives dans ce domaine, n'adoptent généralement pas de codes pour traiter les problèmes sociaux, ce qui est peut-être dû à l'absence de consensus entre les membres de ces associations, qui viennent de secteurs très différents. Les associations professionnelles sectorielles ou multisectorielles se montrent beaucoup plus actives mais leurs codes contiennent rarement des références aux normes internationales du travail. Au niveau mondial, des associations des secteurs du jouet (par exemple, Conseil international de l'industrie du jouet), du thé (par exemple, Tea Sourcing Partnership), des articles de sport (par exemple, Athletic Footwear Association et World Federation of the Sporting Goods Industry) ou encore de la chimie (gestion responsable) ont adopté des codes comportant des dispositions sociales. Certaines de ces associations ont été critiquées pour ne pas avoir prévu de méthodes suffisantes d'application et pour ne pas avoir mis en place des incitations propres à encourager les détaillants à investir et à coopérer avec les fournisseurs. Les initiatives régionales prises en Europe par les associations professionnelles sont caractérisées par une collaboration avec les organisations de travailleurs. Cette caractéristique est sans doute due en partie à l'effet des réglementations en vigueur qui ont fait naître une culture de la consultation entre les travailleurs et les employeurs, d'où la possibilité d'élargir le sujet des discussions et d'arriver finalement à un accord sur des codes portant sur de nouvelles questions(33) . Au niveau national, les associations professionnelles, notamment celles qui regroupent des PME, semblent adopter des codes en partie pour affermir l'image des entreprises dans l'opinion publique, éviter des coûts inutiles et prévenir une concurrence néfaste. Cette tendance s'observe aux deux bouts de la filière des produits, dans les pays en développement comme dans les pays développés.
38. Les organisations d'employeurs semblent être particulièrement actives aux niveaux national et local en Amérique latine, où certaines ont parrainé des systèmes apparentés aux codes auxquels les différentes entreprises peuvent participer sur une base volontaire. Une organisation patronale brésilienne a aidé au financement de la fondation Abrinq qui, par la mise en place d'un système de certification, a beaucoup contribué à la lutte contre le travail des enfants (voir section IV). De même, en Colombie et au Guatemala, des organisations d'employeurs ont, en matière de travail des enfants, adopté une politique assortie d'un système de suivi de l'application des codes dans les entreprises.
39. Apparemment, les organisations de travailleurs coopèrent de plus en plus avec les entreprises et leurs associations à l'élaboration et à l'application de codes de conduite conjoints comportant des dispositions sociales. En général, les codes élaborés avec la participation des travailleurs intègrent les normes internationales du travail de façon plus cohérente que les autres catégories de codes examinées. La plupart s'assortissent en outre d'un type ou d'un autre de système de contrôle et de certification par des tierces parties; l'adhésion y est souvent volontaire. Comme on l'a vu plus haut, les codes élaborés conjointement par les travailleurs et les entreprises sont ceux dont l'application s'est le plus développée à l'intérieur de l'Union européenne. Un exemple notable de coopération entre une organisation de travailleurs et une multinationale, en l'occurrence le groupe Danone, est examiné plus loin. Hors d'Europe, les accords entre organisations de travailleurs et associations d'entreprises aboutissent à des résultats très disparates: certains codes ne portent que sur une seule question (d'ordinaire le travail des enfants) tandis que d'autres énoncent tout un ensemble de normes fondamentales du travail.
40. Les informations disponibles suggèrent que des codes conjoints ont été négociés par les organisations de travailleurs dans le cadre de consultations entre les secrétariats professionnels internationaux (probablement en liaison avec les syndicats locaux) et la direction du siège de multinationales. On ne possède pas d'informations sur les effets éventuels de ces accords sur les conventions collectives locales. En tout état de cause, il semblerait que la coordination entre les secrétariats professionnels internationaux et les travailleurs locaux pourrait conduire à une plus grande participation de ceux qui sont directement intéressés par les codes de conduite que ce n'est le cas quand les codes sont mis au point seulement par les entreprises et/ou les ONG, sans participation des travailleurs(34) . Les accords internationaux concernant les codes sont vraisemblablement assujettis aux obligations générales du droit des contrats, mais il n'est pas certain que, à la différence des conventions collectives, le respect de ces obligations soit assuré par les systèmes juridiques nationaux dans les différents pays où opèrent les multinationales. Une approche novatrice a consisté à demander à l'entreprise d'intégrer l'accord relatif au code dans les conventions collectives déjà conclues au niveau local. Cette approche est apparue en Europe à l'occasion de l'accord EURATEX/CSE-THC et reflète en partie la législation et la pratique nationales qui gouvernent les négociations collectives. La stratégie consistant à intégrer au niveau national les accords relatifs aux codes dans les conventions collectives a des avantages juridiques et permet aussi d'utiliser les systèmes existants d'application, et c'est un moyen d'uniformiser les normes applicables aux activités des entreprises dans différents pays et dans différentes situations.
41. De plus en plus, on voit apparaître des codes hybrides impliquant les entreprises, les organisations de travailleurs et les ONG. Ces codes, dont l'initiative revient souvent aux ONG, prennent apparemment de plus en plus d'importance tandis que ceux qui sont proposés exclusivement par des ONG semblent en perte de vitesse. La plupart de ces codes opèrent selon le principe des codes ouverts à l'adhésion volontaire, parfois à la suite d'un dialogue avec les ONG ou de campagnes menées par ces dernières. Au vu de l'expérience, il semble que la participation des ONG aux codes de conduite comportant des dispositions sociales a modifié l'équilibre traditionnel entre travailleurs et employeurs à la table de négociation. Les négociations tendent à être plus fragmentées; ce sont les aspirations du public qui déterminent en partie quels secteurs, quelles questions et quelles garanties seront au centre des négociations. Les négociations relatives aux nouvelles demandes de la société civile sont souvent caractérisées par un minimum de procédures, par peu de transparence et elles n'ont pas la légitimité qui s'attache à d'autres types de négociations. La direction des entreprises et les ONG considèrent de plus en plus que les organisations de travailleurs peuvent apporter une contribution importante aux initiatives. Dans plusieurs initiatives de haut niveau, les organisations de travailleurs sont nettement moins bien représentées que les entreprises ou les ONG(35) mais cette tendance semble s'inverser. Par exemple, dans une initiative récemment lancée au Royaume-Uni pour promouvoir l'éthique des échanges - Ethical Trading Initiative -, les entreprises, les organisations de travailleurs et les ONG sont représentées sur un pied d'égalité. Parmi les entreprises, les PME ne semblent guère participer à la formulation et à la surveillance des codes hybrides(36) .
42. Le contenu et l'application des codes hybrides dépendent en grande partie de l'identité des différents partenaires et du rôle plus ou moins grand qu'ils jouent. Cela détermine dans une large mesure l'influence initiale de ces codes et leur portée: lorsque les grandes entreprises prédominent, l'influence peut être très grande mais elle peut aussi être en partie diluée du fait des intérêts divergents des membres(37) . Plusieurs initiatives dans lesquelles on observe un meilleur équilibre entre les partenaires ont du mal à parvenir à un consensus sur des questions difficiles. Au Royaume-Uni, l'Ethical Trading Initiative a rencontré des problèmes sur des points tels que la liberté syndicale ou le travail des enfants, mais a néanmoins approuvé récemment un «code de base» que ses membres sont censés adopter ou incorporer dans leurs propres codes; il y est fait référence aux normes pertinentes de l'OIT. Aux Etats-Unis, l'Apparel Industry Partnership s'est heurté à des difficultés au sujet du salaire minimum vital et a aujourd'hui du mal à se mettre d'accord sur un système de contrôle et de vérification indépendant.
43. Les partenaires des codes hybrides, qui sont sensibles à l'opinion publique et à l'opinion des médias, s'occupent en général surtout des problèmes sociaux existant dans certains secteurs et certains pays. Les secteurs visés sont notamment le textile, l'habillement et la chaussure (Ethique sur l'étiquette, Apparel Industry Code), la foresterie (Forest Stewardship Council, voir section IV), l'alimentation et l'agriculture (Commerce équitable, projet de Charte bananière). Plusieurs codes hybrides s'appliquent aux pratiques des multinationales dans des pays déterminés (principes MacBride pour l'Irlande; principes Sullivan pour l'Afrique du Sud; principes concernant les maquiladoras pour le Mexique). Quelques-uns des systèmes récemment apparus ont un caractère multisectoriel. Le système SA8000 vise à une certification générique des entreprises (voir section II.3). L'Ethical Trading Initiative est axée sur l'application des dispositions du code.
44. Les gouvernements et les organisations intergouvernementales appuient certains codes hybrides; ils jouent un rôle de catalyseur, entérinent les initiatives et s'attachent à les faciliter; ils fournissent même parfois des fonds. L'Ethical Trading Initiative est financée avant tout par le gouvernement britannique qui est représenté par un observateur aux réunions du conseil. L'Apparel Industry Partnership est une initiative qui a été encouragée par le gouvernement des Etats-Unis. Le code préparé par la Fédération internationale de football association (FIFA), avec l'assistance des secrétariats professionnels internationaux, a abouti à la décision d'entreprendre des projets visant à éliminer le travail des enfants dans certaines industries de l'Asie du Sud. Ces projets reposent sur la collaboration de l'OIT (IPEC) et de l'UNICEF avec l'industrie, les travailleurs, les gouvernements et les ONG (voir section VI). Au Brésil, l'UNICEF a favorisé le développement de la fondation Abrinq qui met en œuvre un programme de label social pour lutter contre le travail des enfants (voir section IV), et le gouvernement d'un Etat du Brésil travaille avec les entreprises et avec l'UNICEF pour soustraire les enfants au travail et favoriser leur scolarisation en milieu rural.
45. Associations professionnelles, syndicats, ONG et coalitions hybrides continuent de publier des codes types qui servent de modèles aux entreprises qui souhaitent élaborer leur propre code, ou simplement d'exemple en général. Certains de ces codes types s'inscrivent dans une stratégie qui vise à promouvoir l'utilisation d'une terminologie et de critères uniformes d'évaluation et de comparaison des codes de conduite adoptés unilatéralement. Il est difficile à ce jour de tirer des conclusions quant à leurs divers effets. Les codes types élaborés par des associations professionnelles sont plutôt axés sur l'éthique, avec parfois des références générales à des pratiques de travail(38) . Les codes types mis au point par des organisations de travailleurs visent quant à eux à aider les syndicats à négocier l'adoption de codes dans des secteurs particuliers(39) et à servir de référence générale pour toute l'industrie(40) . A quelques rares exceptions connues, les codes types des ONG tendent à avoir valeur de «repères», en proposant un ensemble de principes, de normes minima ou de directives à suivre pour l'adoption d'un code de conduite(41) . Dans le secteur public, le gouvernement des Etats-Unis a publié des principes types(42) à l'intention des entreprises nationales qui opèrent à l'étranger(43) .
46. La présente section traite du contenu social des codes en mettant l'accent sur le choix des pratiques visées, les sources dont ils s'inspirent pour déterminer les critères à suivre et la teneur des pratiques recommandées. Comme nous le verrons ci-après, les questions traitées, les sources de référence utilisées et les critères fixés varient d'un code à l'autre. Nous examinerons trois questions: droits fondamentaux des travailleurs (liberté syndicale, négociation collective, non- discrimination, travail forcé, travail des enfants), niveau des salaires, sécurité et santé au travail.
47. Evaluer le contenu social des codes de conduite n'a, au stade actuel des recherches, rien de facile, d'où la fiabilité très relative des conclusions dégagées de l'analyse préliminaire de quelque 215 d'entre eux(44) . Le taux de réponse aux enquêtes adressées aux entreprises a dans l'ensemble été assez faible, ce qui ne permet pas de dire avec certitude dans quelle mesure les entreprises appliquent les dispositions sociales des codes. Il semble, d'après les informations limitées tirées des enquêtes, que parmi les sociétés qui ont répondu, la majorité de celles qui ont adopté des codes de conduite ou des directives concernant le choix des fournisseurs s'intéressent aussi aux conditions de travail(45) . C'est le langage propre à chaque code ainsi que les procédures internes et l'environnement externe de l'entreprise qui permettent de comprendre le choix des questions traitées et des sources de références utilisées pour déterminer les pratiques à suivre.
48. Choix des questions. Les thèmes traités dans les codes de conduite reflètent souvent, mais pas nécessairement, des problèmes médiatisés propres aux différents secteurs de l'industrie et des services. Comme nous le verrons ci-après, dans le secteur du textile, de l'habillement et de la chaussure, par exemple, beaucoup de codes portent sur le travail des enfants et sur le travail forcé. Les trois quarts des codes examinés abordent les questions de sécurité et de santé, mais les entreprises des secteurs de la chimie, des transports, du textile, de l'habillement et de la chaussure, des mines, du commerce, des postes et de la fabrication de jouets leur consacrent une attention particulière. Les deux tiers environ des codes examinés, représentatifs de la plupart des secteurs couverts, traitent de la discrimination dans l'emploi. En revanche, ceux qui mentionnent la liberté syndicale et la négociation collective sont relativement peu nombreux. On arrive à des conclusions analogues lorsqu'on examine les références aux normes internationales du travail(46) .
49. On manque encore de données pour déterminer le véritable effet des codes sur les pratiques de travail. Il semble néanmoins que le caractère sélectif de la plupart débouche sur une application sélective des droits fondamentaux des travailleurs, tant dans les entreprises que dans les différents pays. Compte tenu de l'interdépendance des normes fondamentales du travail, il paraît difficile, en les envisageant séparément, de promouvoir le progrès dans un seul domaine sans se préoccuper des autres. Pour donner un exemple, comment abolir effectivement le travail des enfants s'il n'existe pas de liberté d'association et de négociation collective pour favoriser l'équilibre des relations professionnelles? De la même manière, le respect de la durée réglementaire du travail et les prestations sociales contribuent à la sécurité et à la santé sur le lieu de travail.
50. Sources de référence utilisées pour définir les critères à appliquer. Les méthodes employées pour fixer les critères de bonnes pratiques sont très diverses, et parfois divergentes. Il ressort de l'analyse des codes que leurs auteurs ont soit donné leurs propres définitions des objectifs à atteindre, soit se sont référés à une ou à plusieurs des sources suivantes: droit national, normes internationales du travail, pratiques de l'industrie. L'autodéfinition est le moyen le plus utilisé, notamment en ce qui concerne les codes formulés par des entreprises. Comme on le verra ci-après, sur une question donnée, les définitions divergent plus ou moins des normes internationales du travail. C'est dans les domaines du niveau des salaires, de la sécurité et de la santé et de certains droits fondamentaux qu'on trouve le plus de normes autodéfinies. Les codes qui reprennent certaines dispositions seulement d'instruments de l'OIT souvent en modifient la signification ou ne prévoient pas le même niveau de protection(47) .
51. Après l'autodéfinition, la source de référence la plus utilisée est la législation nationale. Dans le secteur du commerce, les codes contiennent souvent des dispositions générales garantissant le respect de la législation nationale. Beaucoup de codes émanant d'associations professionnelles s'y réfèrent. Un petit nombre la mentionnent à titre de norme minimale seulement. C'est à propos du niveau des salaires - domaine dans lequel il n'existe pas de norme internationale -, que les codes examinés reprennent le plus souvent la législation nationale. Quant aux normes de l'industrie, qu'il s'agisse de s'y conformer ou de les dépasser, elles sont moins utilisées que la législation nationale et les normes internationales. Le fait que les codes servent d'outil de promotion pour les entreprises peut contribuer à expliquer ce phénomène.
52. Pas plus d'un tiers des codes examinés font référence à des normes internationales du travail, en termes généraux ou en citant les principes d'une convention ou d'une recommandation spécifique de l'OIT(48) . On trouve proportionnellement plus de mentions de normes de l'OIT dans les codes conjoints entreprise/travailleurs et les codes hybrides que dans les codes établis par des associations professionnelles, des organisations d'employeurs ou des entreprises individuelles. Les références à des normes fondamentales multiples sont plus fréquentes dans les codes entreprise/travailleurs et dans les codes types que dans les codes élaborés par une entreprise seule(49) . Beaucoup de codes d'entreprises considérées comme des pionnières en matière de responsabilité sociale ne comportent aucune référence à des normes internationales du travail ou à des instruments de l'OIT(50) . La Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale est mentionnée une fois seulement dans un code hybride du secteur des postes et télécommunications. La Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail n'est pour l'instant citée que dans un seul code, celui de l'Ethical Trading Initiative.
53. Non-discrimination.La question de la non-discrimination dans l'emploi figure dans les deux tiers environ des codes examinés, ce qui la place, après la santé et la sécurité, au deuxième rang des questions de travail les plus fréquemment traitées, tous secteurs confondus. Dans la majorité des cas, les codes donnent leur propre définition. Très peu renvoient à la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, et six mentionnent une loi nationale sur la discrimination(51) . Beaucoup de codes se contentent d'allusions générales au respect et à la dignité des travailleurs(52) ou au contraire visent explicitement l'élimination de la discrimination(53) . D'autres énumèrent les motifs de discrimination(54) , mais rares sont les codes qui reprennent tous ceux cités dans la convention no 111(55) . Certains codes qui mentionnent la non-discrimination vont jusqu'à promouvoir l'égalité des chances en matière d'avancement(56) . Les très rares codes qui mentionnent l'égalité de salaire pour un travail de valeur égale se réfèrent tous directement à la convention (no 100) sur l'égalité de rémunération entre la main-d'œuvre masculine et la main-d'œuvre féminine pour un travail de valeur égale, 1951(57) .
54. Travail des enfants.Environ 45 pour cent des codes examinés mettent en avant la question du travail des enfants. Les secteurs les plus concernés sont les suivants: produits alimentaires et boissons, textiles, habillement et chaussures, jouet, commerce et, dans une moindre mesure, foresterie, production de métaux de base et construction. Dans la majorité des cas, chaque code définit ses propres critères d'interdiction, de façon assez imprécise(58) . L'âge d'admission à l'emploi est généralement fixé à 14 ou 15 ans(59) . La législation nationale est mentionnée relativement plus souvent (environ un tiers des codes) à propos du travail des enfants qu'à propos d'autres questions. Certaines entreprises fixent leur propre norme ou, si elle est plus favorable, se réfèrent à la législation nationale(60) . D'autres s'en remettent à la législation nationale quand il y a conflit avec leur propre critère ou avec celui prévu par une norme internationale(61) . D'autres encore fixent une limite d'âge si aucune loi nationale ne le fait. L'âge minimum n'est défini par référence à la convention no 138 de l'OIT que par moins de 10 pour cent des codes, qui se partagent à peu près également en codes établis par l'entreprise seule, codes entreprise/travailleurs et codes hybrides.
55. Travail forcé.Environ un quart des codes interdisent le travail forcé, les secteurs les plus concernés étant ceux du textile, de l'habillement et de la chaussure, du commerce et du jouet. Quatre sur cinq de ces codes ne donnent pas de définition du «travail forcé»(62) et l'interdiction ne porte, dans la plupart des cas, que sur la production de biens; les services ne sont mentionnés qu'exceptionnellement(63) . Beaucoup de codes mentionnent la main-d'œuvre pénitentiaire(64) et certains les mauvais traitements, corporels ou autres(65) . Aucun ne se réfère à des lois nationales. La plupart de ceux qui mentionnent des normes de l'OIT citent la convention no 29 ou la convention no 105; un code fait une allusion générale aux directives pertinentes de l'OIT(66) .
56. Liberté syndicale et négociation collective.Environ 15 pour cent des codes examinés font référence à la liberté syndicale ou à la négociation collective. Ce faible pourcentage est surprenant compte tenu de l'unanimité que, sur les points essentiels, ce thème suscite au BIT, tant auprès des employeurs que des travailleurs. Les codes qui le mentionnent le plus fréquemment sont ceux qui s'appliquent aux secteurs du textile, de l'habillement et de la chaussure et du commerce et, dans une moindre mesure, des produits alimentaires et des boissons, de la foresterie, des services de distribution, de l'industrie chimique, de la production de métaux de base, de l'agriculture, des mines et de l'hôtellerie. Un peu moins de la moitié des codes qui mentionnent la liberté syndicale et la négociation collective - il s'agit principalement de codes formulés par l'entreprise seule - fixent leurs propres objectifs de façon très diverse. Certains codes énoncent le principe de la liberté syndicale et de la négociation collective(67) , d'autres font une allusion générale au respect entre le personnel et la direction(68) , d'autres encore prônent l'élimination des activités syndicales(69) , et certains combinent plusieurs approches(70) . La moitié environ des codes qui mentionnent la question se réfère à des conventions pertinentes de l'OIT, à savoir principalement les conventions nos 87 et 98 et, dans de rares cas, à la convention no 135. A l'exception de l'entreprise KappAhl, ces mentions ne figurent que dans les codes établis avec la participation d'organisations de travailleurs ou d'ONG(71) . Près de la moitié des dispositions pertinentes des codes se réfèrent à la législation nationale, qui est parfois invoquée pour rappeler les limites dans lesquelles doivent s'incrire le droit d'association et de négociation collective(72) . Un code hybride, SA8000, prône le respect de toutes les lois applicables, nationales ou internationales, sauf dans les cas où la législation nationale limite le droit d'association et de négociation collective(73) .
57. Niveau des salaires. Environ 40 pour cent des codes contiennent des engagements concernant la rémunération qui se réfèrent, selon le cas, à la législation nationale, aux normes de l'industrie, ou à une formule sui generis. Quel que soit le cas, les secteurs les plus concernés sont ceux du textile, de l'habillement et de la chaussure ainsi que du commerce. Viennent ensuite l'industrie chimique, les services financiers et l'industrie des produits alimentaires et des boissons. On trouve plus de références à la législation nationale que de normes autodéfinies. Les codes qui mentionnent la législation nationale prônent aussi, dans beaucoup de cas, l'application d'une norme de l'industrie voire, plus exceptionnellement, d'une norme plus favorable(74) . Lorsque les normes sont autodéfinies, le principe d'équité est souvent invoqué(75) . Certaines dispositions se réfèrent à un salaire suffisant pour satisfaire les «besoins essentiels» (76) ; certaines indiquent qu'il faut tenir compte des pratiques et conditions locales, tandis que d'autres prévoient un «salaire de subsistance» en valeur absolue(77) . Certains codes renoncent, selon le cas, à une définition propre en faveur de la législation nationale, ou l'inverse. Bien qu'ils ne s'en réclament pas explicitement, les codes qui prévoient des salaires permettant de satisfaire les besoins essentiels sont conformes à la Déclaration de principes tripartite de l'OIT, qui engage les entreprises multinationales opérant dans des pays en développement à octroyer des salaires, prestations et conditions de travail «au moins suffisants pour satisfaire les besoins essentiels des travailleurs et de leurs familles»(78) . Certains codes visent à assurer le paiement complet et immédiat des salaires, ce qui, d'après la jurisprudence de l'OIT, contribuerait à prévenir des situations susceptibles de favoriser le travail forcé(79) .
58. Santé et sécurité. A peu près les trois quarts des codes contiennent des dispositions sur la sécurité et la santé au travail, question la plus souvent mentionnée, notamment par les secteurs suivants: industrie chimique, textile, habillement et chaussure, transports, mines, commerce, services postaux, fabrication de jouets. Près de 70 pour cent de ces codes proposent des critères ou normes autodéfinis, tenant compte ou non de la législation nationale. Certains donnent une description générale de l'objectif visé(80) , fixent les conditions précises à réunir pour l'atteindre(81) ou des modalités de gestion(82) . Moins d'un tiers mentionnent la législation nationale; certains codes se réfèrent à la fois à la législation nationale et à des normes autodéfinies(83) ; d'autres élaborent leurs propres normes lorsqu'il n'existe pas de loi nationale pertinente(84) . Les très rares références aux normes internationales du travail pertinentes n'apparaissent que dans des codes hybrides comme SA8000(85) .
59. Considérations générales. Le choix des questions traitées et les sources de référence utilisées dans les codes, tels qu'ils ressortent de l'examen ci-dessus, montrent que les pratiques de travail occupent une place importante dans les négociations ad hoc entre les parties concernées par l'élaboration de ces codes. Le contenu des codes hybrides et les différences de priorité d'un secteur à l'autre témoignent de l'inégalité d'accès à l'information entre les parties, et reflètent les compromis auxquels elles sont parvenues. Ainsi, la campagne Ethique sur l'étiquette a dû s'engager à appliquer une charte plus modeste, dite Charte de commerce équitable des vêtements, adoptée par des partenaires sociaux aux Pays-Bas, alors qu'elle cherchait à promouvoir un code plus récent et de portée plus vaste, le Code du travail de l'industrie de l'habillement. Lorsqu'il n'y a pas de fondement solide, il peut arriver que l'accord se limite à quelques normes seulement, voire à certains aspects seulement d'une norme internationale du travail particulière, mettant en péril le processus traditionnel de négociation collective. Il peut s'avérer difficile, voire impossible, aux petits producteurs et à d'autres partenaires de l'entreprise de satisfaire les exigences des artisans du code, qui sont souvent d'importants partenaires commerciaux. Respecter les dispositions d'un code peut coûter cher, et une entreprise qui n'arriverait pas à s'y conformer risque de perdre sa crédibilité. Cela peut fausser les règles de la concurrence et nuire à la productivité. Il est à craindre que, confrontés à des exigences contradictoires et dépourvus de moyens d'évaluer ou de comparer les engagements pris par les entreprises, consommateurs et investisseurs se désintéressent de la question au détriment des économies d'échelle et de la croissance.
60. Il n'est pas rare qu'un code lancé à grand renfort de publicité dans un pays importateur soit inconnu, ou introuvable, notamment en langue locale, sur le lieu de production; il peut arriver aussi que le code soit disponible, mais que les travailleurs soient dans l'incapacité de le lire ou s'exposent, en dénonçant des cas de non-respect de ses dispositions(86) , à une procédure disciplinaire, voire au licenciement. Il ressort d'une étude menée aux Etats-Unis que peu de travailleurs sont conscients de l'existence de codes, et que rares sont les fournisseurs étrangers qui organisent des cours de formation à ces codes, à moins qu'il ne s'agisse de gros fournisseurs de la société qui a adopté le code(87) . Ces constatations, ainsi que la pratique de l'écocomptabilité, expliquent en partie pourquoi l'application des codes de conduite est un domaine si activement exploré depuis les années quatre-vingt-dix(88) . La terminologie et les procédures utilisées varient beaucoup en fonction du type de codes, de l'identité des acteurs et de la nature des branches concernées(89) . L'expérience montre que le manque de principes et de procédures standard nuit à la bonne mise en œuvre des codes et à la collecte de données comparables qui aident à mesurer le progrès de l'entreprise, dans un secteur donné ou tous secteurs confondus. Ce manque d'uniformisation contribue aussi à susciter une certaine méfiance des tierces parties vis-à-vis des méthodes de contrôle interne et de leurs résultats, en raison des divergences d'appréciation pouvant résulter de la relativité culturelle des pratiques des multinationales.
61. Les principes et procédures d'application des codes sociaux se sont multipliés aussi rapidement que les codes eux-mêmes. Ils figurent en annexe dans les codes et dans des documents d'orientation publiés conjointement(90) . Il peut s'agir aussi de principes généraux proposés par des coalitions qui ont adopté des codes ou qui s'adressent aux utilisateurs de codes en général(91) . Une expérience pilote visant spécifiquement des entreprises de pays en développement a été menée récemment(92) . Ces initiatives mettent généralement l'accent sur la participation de toutes les parties intéressées, sur la comparabilité des données à inclure dans les rapports, sur l'évaluation et la révision périodiques des méthodes, sur la transparence - y compris la publication des rapports -, et la nécessité de vérifier et de valider les procédés utilisés au moyen d'audits externes.
62. Les directives pour l'application des codes semblent s'inspirer généralement des «meilleures pratiques» répertoriées dans l'industrie mais non spécifiées, ou de définitions établies ou négociées par les artisans des codes. Exceptionnellement, il est fait directement référence à des normes de l'OIT qui, lorsqu'elles sont utilisées, exercent une grande influence. Le code le plus récent de la campagne Ethique sur l'étiquette, par exemple, renvoie à des normes internationales du travail et à la jurisprudence de l'OIT pour l'interprétation de ses dispositions ou l'évaluation de la conformité d'une pratique. D'autres codes se réfèrent à la compétence de l'OIT pour ce qui est des normes du travail et des méthodes d'inspection du travail et, dans le cas de SA8000, recommandent aux utilisateurs de s'adresser aux bureaux extérieurs compétents de l'OIT pour information et assistance. En matière d'application des codes les références à la législation nationale sont rares(93) .
63. La mise en œuvre pratique des codes suppose avant tout des systèmes de gestion interne. Les moyens d'assurer le respect et l'application des dispositions sont généralement indiqués, mais «très rares sont les codes qui mettent l'accent sur la supervision interne et l'intégrité personnelle»(94) . Il semble que les sociétés dotées de systèmes d'assurance de la qualité qui fonctionnent bien (y compris la conformité à la série ISO 9000) ont en général aussi des mécanismes efficaces d'application des dispositions sociales des codes. D'autres systèmes types pertinents peuvent être utilisés: comptabilité financière, écocomptabilité, management de la sécurité, de la santé et de l'environnement(95) ; systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail recommandés par l'OIT(96) ; normes de management environnemental de la série ISO 14000. Ces systèmes ont plusieurs points communs: établissement d'une politique de l'entreprise claire et détaillée; allocation de ressources humaines pour la diffusion effective de cette politique (y compris traduction); conception et application de mécanismes de contrôle, d'établissement de rapports et adoption de mesures correctives, prévoyant notamment des programmes de formation. L'expérience semble montrer que les systèmes d'application des codes sont souvent insuffisamment dotés en ressources humaines, que les travailleurs n'y participent guère et qu'ils manquent de transparence. On note une tendance, parmi les multinationales, à se doter d'une unité qui centralise la gestion de tout ce qui a trait à la responsabilité et à l'image sociales de l'entreprise.
64. Les systèmes internes de comptabilité sociale vont de la simple déclaration de conformité au code faite par la direction, les fournisseurs ou les filiales, à la mise en œuvre de procédures actives de contrôle, d'évaluation et d'établissement de rapports. L'autocertification peut prendre plusieurs formes: attestation écrite des sous-traitants, fournisseurs ou intermédiaires, certification des documents d'expédition, vérification que certaines mesures ont été prises, obligation de fournir des pièces justificatives de conformité (avec réservation du droit de mener des inspections sur le terrain), simple disposition contractuelle. Dans les relations contractuelles, certaines entreprises obligent les acheteurs, ou autres intermédiaires de la filière, à certifier la conformité des produits des fournisseurs; ce mécanisme, qui met une certaine distance entre l'entreprise qui applique le code et ses fournisseurs, semble moins efficace. Un contrôle actif peut être réalisé par le personnel de l'entreprise ou par des consultants ou, de l'extérieur, par des tierces parties ou des inspecteurs professionnels. Les entreprises privilégient en général les contrôles internes, par souci de confidentialité. Toutefois, d'après une étude, plus l'entreprise est verticalement intégrée (autrement dit plus elle possède ou contrôle d'étapes du processus de production), plus le contrôle sera facilité par une présence dans le pays ou la région qui lui permettra de procéder à de fréquentes inspections(97) . Lorsque l'intégration de la filière ou des activités de la société est moins poussée, le contrôle est plus difficile. La publication des résultats peut dans une certaine mesure atténuer la suspicion qui entoure le contrôle interne.
65. Le contrôle ou l'inspection par tierce partie peut prendre diverses formes: soit c'est l'entreprise qui fournit les informations et décide des méthodes d'inspection, soit le contrôle n'est pas soumis à ces contraintes et il est alors considéré comme indépendant. Le degré d'indépendance dépend des circonstances ainsi que des acteurs. Une association professionnelle, voire une organisation d'employeurs, peut être la tierce partie. Une autre formule gagne du terrain, celle qui consiste à faire appel à un cabinet d'audit qui fait de l'évaluation sociale en complément d'autres services fournis à l'entreprise. Certains faits semblent indiquer que les cabinets traditionnels d'experts-comptables risquent d'être moins indépendants, parce que, outre qu'ils ne sont pas habitués à détecter les infractions sur le lieu de travail, ils fournissent déjà d'autres services à l'entreprise. Autre possibilité: les entreprises, multinationales ou autres, concluent des accords avec des coalitions dirigées par des ONG pour qu'elles se chargent du contrôle et produisent des rapports; les modalités de financement de ces initiatives ne sont pas claires, et il faut noter que beaucoup de ces accords sont conclus en l'absence de tout syndicat. Dans un autre cas de figure, trop récent pour être apprécié, syndicats et entreprises créent conjointement des structures de contrôle et même de certification(98) . Un organisme d'accréditation peut aussi être parrainé par une association professionnelle ou une organisation d'employeurs à l'intention des entreprises membres, qui peuvent ainsi l'utiliser à moindre coût et bénéficier éventuellement d'une plus grande visibilité. Les systèmes de contrôle par des ONG ou des organisations de travailleurs proposent des services d'accréditation pour les opérations de certification en échange du paiement d'une redevance; l'opération est moins coûteuse pour l'entreprise, mais sa participation reste beaucoup plus limitée.
66. Les deux formes de contrôle - interne et externe - sont complémentaires. Le contrôle interne est nécessaire dans la mesure où il enracine le code dans la culture de l'entreprise; le contrôle externe ou inspection permet de tester la validité de cette culture. Les deux soulèvent la question de l'uniformisation des critères et procédures à utiliser pour évaluer la situation sur le lieu de travail au regard des normes fixées par le code. Les parrains des codes ont publié toutes sortes de listes de contrôle, de questionnaires et de matrices qui permettent des évaluations quantitatives et qualitatives les plus diverses: aération, harcèlement sexuel, âge des travailleurs, liberté syndicale, etc.(99) . Le manque assez fréquent de garanties entourant les procédures de collecte de l'information dans les contrôles internes et externes ne contribue pas à la crédibilité d'indicateurs de mesure déjà souvent sujets à caution.
67. La teneur des dispositions sociales des codes exerce une influence sur les critères, voire les procédures, qui sont utilisés pour le contrôle interne et l'inspection. Conscientes de cet aspect des choses, certaines sociétés d'inspection indépendantes ont contacté le BIT pour qu'il les aide à établir des critères d'inspection de base en utilisant les normes internationales du travail, et qu'il leur donne des avis en la matière. Il est probable que le Bureau recevra d'autres demandes de ce type, car les pionniers de la comptabilité et de l'inspection sociales font pression pour que l'on remédie «à la fragmentation des normes et des moyens de mesure utilisés dans ce domaine afin que les sociétés soient capables de gérer et de faire rapport aux parties prenantes»(100) . Plusieurs observateurs prédisent même que cela deviendra une pratique établie.
68. Le «label social»(101) est un moyen de communiquer des informations sur les conditions sociales qui entourent la fabrication d'un produit ou la prestation d'un service(102) . Le label social peut figurer sur le produit ou l'emballage ou être mis en évidence dans le magasin ou la vitrine du détaillant. Certains labels sont assignés à l'entreprise, généralement un producteur ou un fabricant. Ils s'adressent aux consommateurs et aux partenaires commerciaux potentiels. On considère que les programmes de label social ne procèdent pas d'une démarche réglementaire mais qu'ils répondent plutôt à un phénomène de marché, et notamment aux exigences de partenaires commerciaux.
69. La présente section passe en revue des formes récentes de labels sociaux visant des pratiques de travail spécifiques, et examine notamment leur statut et leur mode de fonctionnement, leur impact potentiel et leur rapport avec des questions qui relèvent du mandat de l'OIT(103) . On y trouve une description des tendances générales qui se dégagent des programmes examinés(104) . La mention dans cette section de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel programme, produit ou service, n'implique de la part du BIT aucune appréciaion favorable ou défavorable.
1. Structure et fonctionnement
70. La société civile, notamment par l'organisation de campagnes et l'expression de l'opinion publique, crée une demande explicite de labels sociaux et pousse à l'établissement de programmes d'étiquetage social. Des labels indépendants sont mis au point et administrés par des ONG, des organisations de travailleurs (labels syndicaux), des associations professionnelles ou industrielles, ou encore des collectifs hybrides regroupant un ou plusieurs de ces acteurs. Des entreprises opérant dans les secteurs de la production, de l'exportation et de la vente au détail(105) , ont aussi créé des labels sociaux indépendants, seules ou en association avec les pouvoirs publics. Les programmes gérés par des ONG ou des partenariats hybrides sont en général chapeautés par des organisations de pays développés, en particulier au stade initial; ceux qui sont gérés par des associations d'entreprises ou conjointement par des partenaires publics et privés comprennent des coalitions formées dans des pays en développement, comme par exemple Abrinq au Brésil et Kaleen en Inde.
71. Il existe des liens complexes entre les labels sociaux, les codes de conduite, les noms de sociétés, les contrats de licence, et d'autres initiatives volontaires privées. Il arrive que des petites ou moyennes entreprises ou des entreprises qui opèrent dans des secteurs où la fidélité à la marque ne joue pas un grand rôle partagent - en contrepartie d'une plus grande visibilité - le coût d'un label social indépendant commun, généralement administré par une association d'entreprises ou un partenariat hybride sur la base d'un code de conduite convenu. Le label peut être une étiquette apposée au produit, comme par exemple RUGMARK, ou un nom commercial utilisé par les sociétés certifiées, comme Responsible Care (voir section III). Il peut arriver que le nom d'une entreprise réputée pour son code de conduite acquière avec le temps le statut de label de marque (c'est le cas de Gap)(106) . Dans certains cas, des détaillants ou des fabricants titulaires d'un label propre concèdent une licence d'exploitation de leur logo ou de leur nom commercial à des sous-traitants qui satisfont à des critères préétablis, figurant souvent dans le code de conduite du détaillant ou du fabricant. Le logo ou le nom commercial sert alors de déclaration de conformité pour les acheteurs et les vendeurs qui interviennent dans la filière de production ainsi que pour l'opinion publique et les consommateurs. A titre d'exemple, on peut citer les licences concernant les produits portant la marque des Universités Duke et Notre Dame aux Etats-Unis(107) , les ballons de football FIFA utilisés pour la Coupe du monde et les équipements de sport acquis pour les jeux olympiques de Sydney. Certains programmes qui commencent par l'adoption d'un code d'adhésion volontaire (voir section III) débouchent sur un label de certification, comme c'est le cas de la campagne Ethique sur l'étiquette.
72. Les labels sociaux influent sur les pratiques de travail de façon sélective. Issus à l'origine des préoccupations des consommateurs, relayés par les campagnes menées dans les médias et par la société civile, beaucoup de programmes visent les consommateurs des pays développés et les producteurs des pays en développement. Ils s'implantent en premier lieu sur les marchés d'exportation, notamment dans le commerce de détail(108) qui vend des produits spécialisés à des consommateurs aisés, ce qui leur donne beaucoup de retentissement . L'aptitude d'un produit à porter un label social dépend de la sensibilité aux prix du secteur, du degré de reconnaissance de la marque et de sensibilisation sociale des consommateurs dans la filière de distribution concernée. Certains labels ne s'appliquent qu'à des produits très spécifiques - tapis noués à la main, ballons de football, fleurs coupées -, d'autres plus généraux intéressent une gamme de produits divers (habillement, produits agricoles). Les produits «visibles», c'est-à-dire achetés et consommés en public ou porteurs d'identité sociale (vêtements, chaussures, produits alimentaires, produits de luxe) et certains procédés de production discontinus (thé) sont plus susceptibles de faire un jour l'objet d'un label(109) .
73. Il semble que les coûts des programmes de label social ne se maintiennent pas au fil du temps et qu'ils soient surtout liés aux dépenses de lancement et d'administration: fabrication du label, établissement d'un organisme de vérification, sensibilisation des consommateurs, campagnes de promotion. Une fois le programme en route, un petit pourcentage des profits peut être réinvesti dans des améliorations locales des lieux de travail, la région de production ou, le cas échéant, dans des activités éducatives en vue de la réinsertion d'enfants qui ont été soustraits au monde du travail. Beaucoup de programmes sont en partie financés par les droits de licence forfaitaires acquittés par les producteurs ou les distributeurs qui utilisent le label, et par les taxes à l'exportation calculées en proportion de la valeur des produits labellisés exportés ou du montant des recettes d'exportation. Des taxes sont parfois imposées aussi aux importateurs; le coût peut alors être répercuté sur le consommateur ou, lorsqu'il s'agit de programmes administrés par des entreprises individuelles comme Rebook, absorbé d'une manière ou d'une autre. Certains programmes, comme Fairtrade labelling, prévoient une majoration du prix de vente des produits, ce qui revient à répercuter une partie du coût du label sur le consommateur. Une autre source de financement provient des dons, contributions en nature - assistance, contrôle - et autres ressources fournies par les gouvernements de pays importateurs ou exportateurs, ainsi que par des ONG, des organisations intergouvernementales, voire des organisations de travailleurs et d'employeurs. Pour plus de renseignements, voir annexe (Structure et fonctionnement, colonne Sources de financement).
74. Comme les codes de conduite, les labels sociaux peuvent viser une pratique spécifique (le travail des enfants, la liberté syndicale) ou des pratiques multiples relevant d'un ensemble de normes du travail ou d'autres normes comprenant aussi les conditions de travail(110) , ou d'autres aspects, tels que l'équité dans le commerce ou la conservation des forêts. Les pratiques les plus souvent visées par les programmes examinés sont le travail des enfants (voir annexe) et le niveau des salaires. Certaines questions qui reviennent très souvent dans les codes de conduite (voir section III), tels que la sécurité et la santé, la non-discrimination, sont moins fréquentes dans les programmes de label social (voir annexe). Comme pour les codes, un tiers environ des programmes d'étiquetage font référence à des normes internationales du travail.
75. Certains programmes qui, à l'origine, n'avaient pas de dimension sociale ont rajouté des questions en rapport avec le travail sous l'influence d'organisations de travailleurs. C'est le cas des programmes de label de commerce équitable qui se sont assuré la collaboration, dans une mesure certes limitée, d'organisations de travailleurs, à partir du moment où ils ont étendu leur champ d'action, par exemple, en ce qui concerne la production, des petits exploitants aux grandes plantations et, en ce qui concerne la distribution, du commerce alternatif au commerce de détail normal(111) . De la même manière, le FSC (Forest Stewardship Council), qui ne s'intéressait à l'origine qu'aux aspects techniques de l'aménagement des forêts, énonce maintenant des principes relatifs à la liberté syndicale et à la sécurité et à la santé; au niveau national, ses adhérents adoptent, en collaboration avec les syndicats, des critères plus spécifiques adaptés aux conditions de travail locales. En revanche, c'est dès le départ que les syndicats ont été associés au programme mis au point par l'Association allemande de grossistes et importateurs de fleurs BGI pour garantir que les fleurs portant son label sont produites dans le respect des normes sociales et de l'environnement. Les organisations de travailleurs qui participent à la mise en œuvre des programmes ont parfois la possibilité de fournir des informations aux contrôleurs (Abrinq), de faire des commentaires sur les rapports des agences de certification (FSC) ou d'intervenir en tant qu'observateurs (registre de FLO pour le thé).
76. Le manque d'uniformisation des principes et critères de collecte des données et de comparaison des programmes ne facilite pas l'étude et la compréhension des effets des labels sociaux. Il y a peu d'études d'ensemble de la question et celles qui existent ont une méthodologie et une portée limitées, ce qui s'explique en partie par le fait que les labels sociaux n'existent que depuis quelques années(112) . En revanche, beaucoup d'organisations tant privées que publiques ont étudié les effets de l'éco-étiquetage, qui existe depuis plus de vingt ans(113) . Malgré un bon départ, la recherche sur les écolabels a été critiquée pour son côté «anecdotique»(114) . On examinera ci-après certains programmes d'écolabels qui pourraient être utiles pour l'analyse des programmes de label social.
77. Il semble que les programmes d'étiquetage social ont des effets directs et indirects, certains positifs d'autres négatifs(115) . Du côté des avantages, ils peuvent susciter une amélioration des conditions de travail et la mobilisation de fonds pour des programmes d'éducation et de réadaptation en faveur d'enfants exploités qui ont été soustraits au travail. Ils peuvent aussi faire naître un consensus entre groupements professionnels, ONG, organisations internationales et gouvernements quant aux mesures à prendre. Ils peuvent favoriser un respect plus assidu de la législation du travail ou sa mise en application et inciter les entreprises à adopter des codes de conduite pour prévenir l'utilisation du label. Mais les programmes d'étiquetage social peuvent aussi avoir des inconvénients, et notamment mettre les entreprises dans une situation financière délicate qui risque de se solder par des suppressions d'emplois. La majoration des prix des produits labellisés peut compromettre leur pénétration sur le marché. On a dit que les labels de non-utilisation de main-d'œuvre enfantine avaient contraint des enfants à se tourner vers des activités plus dangereuses auxquelles il était encore plus difficile de les soustraire. Les labels peuvent enfin entraîner des complications d'ordre juridique si, par exemple, ils ne sont pas conformes aux lois nationales sur la concurrence ou la publicité ou au droit commercial international.
78. Le débat sur la façon de déterminer les effets du label social vient juste de s'ouvrir. Il porte notamment sur les éléments suivants: part de marché du label, degré de sensibilisation des consommateurs, pourcentage de sociétés participantes, nombre de bénéficiaires, effet sur l'évolution du revenu des bénéficiaires et les dépenses des consommateurs(116) . Des analystes cherchent à capter des indices en examinant l'évolution du marché grand public non participant et des politiques des gouvernements intéressés. Certains ont avancé que, lorsque la part de marché d'un produit labellisé atteint au moins 10 pour cent, les gros producteurs et détaillants commencent à tenir compte de la réaction des groupes de consommateurs, ce qui peut se traduire par l'adoption d'un code de conduite. Certains théoriciens ont émis l'hypothèse, jusqu'ici non corroborée par des données empiriques, que les écolabels pouvaient avoir un effet paradoxal, à savoir qu'ils pouvaient stimuler la demande des produits non labellisés, devenus plus compétitifs(117) . Leurs détracteurs arrivent à des conclusions opposées: les économies d'échelle résultant de l'accroissement des ventes de produits labellisés feraient baisser leurs prix, ce qui entraînerait vraisemblablement une diminution des ventes de produits non labellisés, une réduction des économies d'échelle et donc le renchérissement de ces produits(118) , sans compter l'effet de sensibilisation de l'opinion, pouvant aussi contribuer à accroître la demande des produits labellisés.
79. Il apparaît à l'évidence qu'en l'absence d'un cadre international cohérent, le marché à lui tout seul n'a pas su créer des normes uniformes généralement acceptées qui puissent contribuer à promouvoir les bénéfices et à limiter les risques liés à l'adoption d'un label. L'Organisation internationale de normalisation élabore des normes relatives aux critères et symboles d'éco-étiquetage et aux méthodes de vérification (voir section II.2)(119) . Cet effort, encouragé par la CNUCED dans le cadre d'Agenda 21, vise la formulation de directives pour l'uniformisation des critères relatifs au travail, des systèmes d'établissement et de vérification des labels. Les partisans de cette normalisation avancent qu'elle permettrait d'éviter que la prolifération de critères souvent divergents, la signification douteuse de certains labels, le manque de crédibilité entachant des affirmations de conformité impossibles à vérifier et les risques d'infraction à la législation nationale ou internationale ne créent la confusion dans l'esprit des consommateurs.
80. Les programmes de label social présentent certains des mêmes avantages et inconvénients que les codes de conduite. Pour ce qui est de leurs avantages, il semble qu'ils élèvent le niveau de conscience sociale des entreprises et des consommateurs et qu'ils sont une incitation financière, issue du marché (et non de la réglementation) à améliorer les conditions de travail. Cependant, ainsi que nous l'avons vu, ces avantages s'appliquent de façon sélective, aux seuls aspects des conditions de travail prévus dans les programmes et à des secteurs spécifiques. Pour ce qui est de leurs inconvénients, les programmes de label manquent de transparence et de mécanismes de vérification indépendante des prétentions qu'ils affichent(120) . Ils favorisent les interventions «extérieures» dans l'élaboration des normes nationales et ont un effet discriminatoire à l'égard des producteurs des pays en développement auxquels l'obligation de certification de conformité impose de lourdes contraintes, notamment financières.
81. Comme d'autres initiatives privées, les programmes d'étiquetage social peuvent s'avérer plus efficaces et plus équitables lorsque, combinés à d'autres programmes, ils constituent une véritable politique sociale, à la fois transparente et fiable. A cet égard, la réglementation du commerce international, et en particulier le Code de pratique annexé à l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) de l'Organisation mondiale du commerce(121) , offre des directives sur la façon d'élaborer, d'adopter ou d'appliquer des normes volontaires de manière à prévenir les obstacles techniques non nécessaires au commerce. Ce code, examiné à la section II.2, encourage la transparence et la collaboration entre les membres pour l'élaboration de normes aux niveaux local, central et régional et, à long terme, la reconnaissance mutuelle et l'harmonisation la plus large possible des règlements publics et privés, par référence aux normes internationales. Des normes de l'OIT telles que celles sur les conditions et le milieu de travail, la sécurité et la santé au travail, l'égalité de traitement entre hommes et femmes, la non-discrimination, les droits des peuples tribaux et indigènes et l'emploi apparaissent pertinentes pour l'interprétation de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce et de ses annexes(122) .
V. Initiatives des investisseurs
82. Les initiatives des investisseurs relatives aux pratiques de travail dans l'entreprise s'inscrivent dans le cadre de "l'investissement éthique", mouvement qui a progressé récemment dans certains pays développés. Cette expression, qui ne fait l'objet d'aucune définition officielle, désigne généralement les décisions en matière d'investissement qui visent à encourager la transformation sociale tout en maintenant le rendement économique. Il apparaît toutefois que la notion de transformation sociale varie considérablement et qu'elle se fonde sur des critères éminemment subjectifs.
83. La présente section examine deux conceptions de l'investissement éthique: la sélection opérée par les fonds de placement, et les initiatives d'actionnaires. La première consiste à inclure des titres d'entreprises cotées en bourse dans les portefeuilles de placement (opération d'investissement) en se fondant sur la performance sociale de l'entreprise dans certains domaines, notamment les relations de travail, ou au contraire à exclure des titres (opération de désinvestissement)(123) . La seconde consiste à exercer des droits fondés sur la propriété d'actions pour influer sur la politique de l'entreprise, soit de façon officielle, en soumettant et en votant des résolutions d'actionnaires(124) et en posant des questions lors des assemblées annuelles, soit de façon plus officieuse, en s'efforçant de s'entendre avec la direction par le dialogue et la négociation. On a constaté récemment une progression de l'«esprit de compromis», liée au désir d'éviter une publicité gênante et le coût élevé que représente pour l'entreprise le temps passé par sa direction à traiter les résolutions(125) . Les deux approches diffèrent quant à leur point d'application dans le temps et à leur objet. La première est mise en œuvre au moment de l'achat ou de la vente des titres de l'entreprise et peut comporter le retrait d'argent d'une entreprise jugée socialement irresponsable. La deuxième, au contraire, est mise en œuvre après l'achat et vise à influer sur les grandes décisions de l'entreprise en établissant un lien avec elle plutôt qu'en cherchant à la boycotter.
1. Sélection opérée par les fonds de placement
84. Il ressort des éléments dont on dispose que l'investissement éthique progresse, mais que son influence sur les pratiques de travail reste incertaine. Nés aux Etats-Unis(126) , les fonds de ce type sont apparus au Royaume-Uni et en France au début des années quatre-vingt(127) , puis se sont répandus vers la fin de la décennie en Allemagne, en Australie, en Autriche, au Japon, en Suisse et dans les autres pays développés à économie de marché(128) . L'investissement éthique continue à croître aux Etats-Unis, entraîné par les fonds communs de placements électifs(129) , et une grande partie des informations tirées des recherches disponibles proviennent des expériences réalisées dans ce pays. Les investisseurs qui recourent à la sélection sociale sont généralement les fonds de pension publics et privés, les collèges et universités, les groupes confessionnels et les fonds d'investissement social, parmi lesquels des fonds communs de placements. Dans certains pays, la législation relative aux obligations fiduciaires des investisseurs institutionnels, particulièrement les fonds de pension, contraint ces investisseurs à ne prendre en considération dans le choix de leurs investissements que les performances financières(130) . Malgré la controverse qui demeure quant à la rentabilité financière de l'investissement éthique, celui-ci a la faveur d'un nombre croissant d'analystes(131) .
85. Les critères liés au travail sur lesquels repose la sélection sociale sont peu précis et ne font apparaître aucune normalisation. Un quart environ des fonds communs de placements américains à sélection sociale se fondent sur des critères relatifs au travail comme le refus de l'exploitation de la main-d'œuvre, la défense des femmes et des personnes de couleur au travail et les revendications des syndicats(132) . Il y a des critères d'exclusion comme des critères d'inclusion. Les investisseurs fondent souvent leurs décisions sur les informations provenant des instituts de recherche(133) et sur celles fournies par les entreprises elles-mêmes, généralement en réponse à des «questionnaires de sélection». Lorsqu'ils décident de la sévérité avec laquelle ils appliqueront les critères, les gestionnaires des fonds choisissent habituellement un compromis entre une application stricte qui exclurait toutes les entreprises qui ne satisfont pas à ces critères et les critères d'investissement traditionnels.
86. L'insuffisance des données, combinée à l'absence de normalisation des critères, fait qu'il est impossible de mesurer l'impact de la sélection opérée par les fonds sur les pratiques de travail. Il apparaît cependant clairement que les critères diffèrent selon les fonds, ce qui obscurcit le message envoyé aux entreprises, à telle enseigne que le désinvestissement revient simplement parfois à un retrait d'argent silencieux(134) . Par ailleurs, comme certains défenseurs de ces initiatives le reconnaissent, il peut être nécessaire de combiner plusieurs instruments pour garantir l'efficacité des fonds sélectifs. La plupart d'entre eux ne possèdent pas suffisamment d'actions d'une même entreprise pour porter des coups à celle-ci en faisant baisser leur cours, mais elles peuvent néanmoins exercer une influence, qui s'ajoute aux campagnes et autres actions sociales. Par exemple, l'impact des désinvestissements opérés à l'égard de l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid dans les années quatre-vingt a été renforcé par le fait qu'ils s'appuyaient sur des principes du travail largement reconnus (principes Sullivan) et qu'ils s'incrivaient dans le cadre d'une campagne de grande ampleur.
87. De même que les fonds à sélection sociale, les initiatives d'actionnaires axées sur les pratiques de travail sont de plus en plus nombreuses. La même insuffisance de données et la même absence de normalisation ou de spécification des critères rendent difficile une évaluation de leur importance exacte, au-delà des informations fragmentaires. Depuis les années soixante-dix, les actionnaires, surtout dans les entreprises américaines, prennent régulièrement position sur les questions liées au travail par le biais d'interventions officielles - résolutions d'actionnaires et questions posées aux assemblées générales - et par celui de communications officieuses avec la direction, les autres actionnaires, la presse et le public, sous la forme notamment de «contre-rapports annuels» et d'activités perturbatrices. Les interventions officielles des actionnaires ont atteint un niveau record en 1996 aux Etats-Unis, mais sont apparues aussi au Japon - où l'immense majorité des propositions portent sur les questions environnementales, et quelques-unes d'entre elles seulement sur les questions de travail - et en Allemagne, suivis de loin par les autres pays d'Europe et le Canada(135) .
88. La répartition géographique reflète divers facteurs culturels et économiques, parmi lesquels la participation de la société civile à l'actionnariat, le niveau de développement des sociétés à capitaux publics et les restrictions juridiques à l'activité des actionnaires. Aux Etats-Unis, les sociétés dont le capital est ouvert au public appartiennent à des types d'actionnaires très divers, parmi lesquels des institutions religieuses, tandis qu'au Canada(136) et en Europe, au contraire, les actionnaires majoritaires comme les gouvernements et les banques peuvent avoir des intérêts concurrents de ceux qui sont les leurs en tant que prêteurs et que gestionnaires de fonds de pension(137) . Au Japon et en Allemagne, le système des participations croisées, dans lequel les grandes entreprises possèdent mutuellement leurs actions pour garantir les dirigeants contre des attaques extérieures, met en cause les intérêts des actionnaires(138) . Comme pour les investissements sélectifs, les lois interdisant les interventions d'actionnaires fondées sur des motifs non strictement financiers entravent l'activité des actionnaires au Canada.
89. Les entreprises faisant l'objet de propositions d'actionnaires relatives aux questions de travail correspondent à bien des égards à celles qui s'engagent dans des initiatives privées (voir ci-dessus les sections II et III). Notamment, elles sous-traitent fréquemment leur production à l'étranger. Aux Etats-Unis, il apparaît que les deux secteurs industriels les plus actifs sont celui de la production de pétrole et de gaz et celui du vêtement, du cuir et de la chaussure, y compris la fabrication des jouets(139) ; dans les services, le secteur du commerce apparaît dominant. En Allemagne, c'est l'industrie chimique qui est le secteur dominant, et particulièrement les entreprises qui effectuent des investissements étrangers directs(140) .
90. Les coalitions formées entre différents types d'investisseurs institutionnels apparaissent de manière croissante comme le mode de partenariat le plus efficace. Les résolutions relatives au travail sont généralement présentées par ce type d'investisseurs - compagnies d'assurances, fonds de pension, fonds confessionnels, fonds syndicaux, fonds des autorités locales et fonds administrés par des gestionnaires pour le compte d'autrui. Les fonds de pension de la fonction publique et ceux des institutions religieuses sont particulièrement actifs, encore que les éléments dont on dispose ne permettent pas de connaître la part de ces résolutions qui porte sur les questions de travail. Il apparaît notamment que, dans l'ensemble, les actionnaires liés aux salariés, comme les syndicats et les fonds de pension syndicaux, ne présentent qu'occasionnellement des propositions d'actionnaires relatives au travail, alors qu'ils appuient ces résolutions quand elles sont soumises par d'autres groupes(141) . Il apparaît que l'action des actionnaires subit diverses influences: couverture assurée par les médias, boycottage de leur entreprise, appui de l'administration aux initiatives privées et rapports des organisations de recherche, des universités et des ONG. Des projets de résolution(142) ont fait référence aux constatations de l'OIT relatives à des violations des normes du travail internationalement acceptées.
91. Si les résolutions d'actionnaires portent sur une large gamme de questions, un assez petit nombre d'entre elles abordent directement les questions internationales du travail(143) . L'impact de ces résolutions apparaît surtout lorsqu'elles débouchent sur un plan d'action concerté avec la direction qui entraîne leur retrait(144) . Cependant, même un modeste appui lors du vote d'une résolution facilite les discussions entre les auteurs de cette résolution et la direction, puisqu'il montre qu'un nombre non négligeable d'actionnaires en appuient l'esprit. Il peut se passer des années avant qu'on n'enregistre des progrès mesurables, car les auteurs des résolutions soumettent souvent leurs textes plusieurs fois s'ils sont en mesure d'obtenir la part des voix exigée par la loi.
92. Dans les projets de résolution, les actionnaires demandent habituellement à la direction de l'entreprise de prendre des mesures volontaires en matière de travail. Il arrive parfois qu'ils demandent à cette entreprise d'élaborer un code de conduite, d'adopter un code élaboré par des tiers, comme celui des Principes Sullivan, et même de modifier les statuts de la société pour y inclure l'observation des normes internationales du travail. Il arrive également que les actionnaires demandent à l'entreprise d'intensifier les activités menées en vertu d'un code de conduite ou de contrôler, rapports à l'appui, le respect par les sous-traitants de ce code; il arrive même qu'ils acceptent de participer activement à cette tâche de contrôle. Parfois aussi, les actionnaires demandent à l'entreprise d'exposer sa politique officielle pour répondre à diverses préoccupations relatives au travail. Les entreprises qui disposent d'un code de conduite appliquent simplement ce code et expliquent parfois leur politique en ce domaine lorsqu'on le leur demande. D'autres se livrent à une interprétation de la politique de l'entreprise. Il arrive fréquemment que les actionnaires demandent à l'entreprise d'élaborer un rapport sur ses propres pratiques de travail à l'étranger ou sur les normes appliquées par ses fournisseurs. Les résolutions récemment adoptées en ce sens ont tendance à donner des directives si détaillées à la direction que leur but véritable semble être non seulement de recueillir des informations sur les pratiques de l'entreprise, mais aussi d'exercer une influence sur celle-ci pour lui faire adopter des solutions à des problèmes déjà perçus. On constate notamment que, pour contourner la règle juridique excluant les propositions d'actionnaires relatives aux «affaires courantes» de l'entreprise, les actionnaires américains élaborent des propositions visant à lier la rémunération des dirigeants à la performance sociale de l'entreprise.
93. Il est difficile de mesurer la place des objectifs relatifs au travail dans les propositions d'actionnaires en raison du caractère variable de l'environnement externe et interne des entreprises intéressées et de l'absence de normalisation des buts et des méthodes de vérification tendant à mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de ces buts. Dans ces conditions, les entreprises se heurtent à des paramètres imprévisibles dans la conception et la mise en œuvre des initiatives privées visant à aborder les questions liées aux pratiques de travail, ainsi qu'à faire rapport aux actionnaires intéressés et à négocier avec eux. De même, les actionnaires ne disposent pas d'outils précis pour évaluer les progrès réalisés par l'entreprise au sujet des questions abordées. Par ailleurs, la plupart de ces initiatives n'émanent pas des travailleurs qu'elles pourraient affecter, sauf dans les rares cas, où les organisations de travailleurs agissent en tant qu'actionnaires intéressés pour le compte de l'entreprise même qui les emploie.
94. La présente session récapitule brièvement les activités du Bureau qui ont un rapport avec les initiatives privées examinées. Cette récapitulation vise à dresser un bilan à jour des activités menées par le Bureau et non pas à en faire une évaluation. Dans un esprit de coopération qui mérite d'être souligné, chaque département a examiné les développements relatifs à ses activités pour vérifier qu'ils étaient exacts et complets. Cette récapitulation pourra se révéler extrêmement utile du fait que les activités du Bureau relatives aux codes de conduite, aux programmes portant sur le label social et aux autres initiatives privées en ce domaine ne sont pas regroupées dans un lieu ou une publication unique du Bureau, qu'il s'agisse du programme et budget ou du site Internet.
95. Seules les activités du Bureau se rapportant le plus directement au thème du présent document sont incluses dans les listes par département figurant ci-dessous. Ces listes englobent les activités qui ont un rapport direct avec les codes de conduite et les actions relatives au label social en matière de pratiques de travail ou qui comprennent une assistance aux entreprises (sous la forme de directives ou de programmes de formation) visant à l'adoption d'initiatives volontaires dans ce domaine, dans celui du contrôle et dans celui des inspections menées par des tiers (autres que les gouvernements). Au-delà du sujet immédiat du présent document, il y a lieu de signaler les activités axées sur des questions comme les initiatives sociales prises par les entreprises en dehors du lieu de travail(145) , la participation tripartite et le dialogue social menés dans le cadre de la formation organisée par des entreprises privatisées (EMPFORM), l'amélioration des relations entre l'investissement et l'emploi dans les ZFE (RELPROF), la représentation et l'information des travailleurs dans les entreprises multinationales (RELPROF) et l'interaction entre l'intégration régionale et les relations de travail (RELPROF). Par ailleurs, les listes ci-dessous portent sur les initiatives du secteur privé et n'englobent pas les activités du Bureau relatives aux initiatives menées par des entreprises dans lesquelles le secteur gouvernemental joue un rôle moteur, de pair avec des partenaires non gouvernementaux. Ces activités comprennent, par exemple, la coordination assurée par le Bureau du Programme d'action conjoint de l'ONU et du secteur privé(146) et les partenariats industrie/gouvernement relatifs aux codes de conduite ou à la formation des inspecteurs du travail gouvernementaux (SECTOR)(147) et au travail des enfants (TRAVAIL)(148) .
1. Département du développement des entreprises et des coopératives (ENTREPRISE)
Activités relatives à la question
96. Les programmes du Département du développement des entreprises et des coopératives sont guidés notamment par la nécessité d'améliorer la qualité de la gestion des ressources humaines et des relations professionnelles dans l'entreprise, sur la base d'un consensus tripartite, ainsi que les méthodes de gestion conduisant à l'adoption de normes sociales et humaines conformes aux valeurs de l'OIT. Les activités du département en ce domaine comprennent le lancement du Forum des entreprises de l'OIT destiné aux dirigeants d'entreprises, universitaires, représentants des employeurs et des travailleurs, hauts responsables gouvernementaux et autres. Le premier forum, qui a rassemblé, en novembre 1996, six cent participants de 98 pays, a examiné la question de la promotion du progrès social et de la compétitivité de l'entreprise dans une économie mondiale. Le deuxième forum, qui se tiendra en novembre 1999, portera sur la compétitivité de l'entreprise, la citoyenneté d'entreprise et les défis de l'emploi au vingt-et-unième siècle. Les préparatifs de ce deuxième forum comprennent notamment des échanges de vue avec les acteurs de l'entreprise au sujet de la citoyenneté d'entreprise et des initiatives sociales, ainsi que des discussions avec des représentants des employeurs et des travailleurs. On prévoit aussi l'organisation d'ateliers avec des dirigeants d'entreprises et des universitaires, en coopération avec l'Institut international d'études sociales (voir ci-dessous à INST). Parmi les autres activités illustrant l'action du département, il y a lieu de citer le Programme international de la petite entreprise (ISEP), qui vise à créer des emplois de haute qualité dans les petites entreprises en mettant l'accent, par exemple, sur les initiatives volontaires menées par les PME, en application de la recommandation de 1998 concernant les conditions générales pour stimuler la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises(149) .
Publications et activités passées
2. Bureau des activités pour les employeurs (ACT/EMP)
Activités relatives à la question
97. La Réunion des employeurs sur la citoyenneté d'entreprise et les initiatives sociales (New York, 1-2 octobre 1998) a débattu de cette question en ce qui concerne en particulier les codes de conduite et le label social afin d'en évaluer les conséquences pour les organisations d'employeurs. Le Bureau des activités pour les employeurs était l'un des organisateurs de la réunion, avec le Conseil des Etats-Unis pour les entreprises internationales et l'Organisation internationale des employeurs. Les programmes techniques et consultatifs menés par ACT/EMP en faveur des employeurs et de leurs organisations portent entre autres sur l'intégration de l'action menée au sujet du travail des enfants dans les activités de ces organisations par le biais du Programme intégré d'établissement de partenariats et de moyens de lutte contre le travail des enfants. Les activités d'ACT/EMP menées avec les organisations d'employeurs comprennent des programmes concernant l'amélioration des relations salariat-patronat, la gestion des ressources humaines et les politiques et pratiques relatives à la sécurité et à la santé au travail.
Publications
3. Bureau des activités pour les travailleurs (ACTRAV)
Activités relatives à la question
98. Un programme général du Bureau des activités pour les travailleurs vise à permettre aux organisations de travailleurs, aux niveaux local, national et international, de réagir plus efficacement, entre autres choses, à la mise en œuvre des codes de conduite des grandes entreprises et de leurs fournisseurs. Ce programme comprend des services consultatifs, des recherches et des activités de formation. Un projet faisant partie de ce programme (élaboration de stratégies syndicales nationales et internationales en vue de lutter contre le travail des enfants) vise à aider les secrétariats professionnels internationaux à mettre au point des codes de conduite avec les grandes entreprises grâce à une collaboration entre les syndicats tout au long de la chaîne de fabrication.
Publications
4. Services des entreprises multinationales (MULTI)
99. Pour ce qui nous concerne ici, les activités du Bureau des entreprises multinationales et de la politique sociale portent, entre autres choses, sur la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale. Des études quadriennales sont menées à grande échelle pour suivre l'application de la Déclaration par les gouvernements, les employeurs, les travailleurs et les EMN. Un résumé des réponses reçues, accompagné d'une analyse de ses réponses, est soumis au Conseil d'administration pour discussion. Par ailleurs, le Bureau supervise les demandes d'interprétation de la Déclaration, qui peuvent être soumises en cas de désaccord sur son application et sont régies par la procédure pour l'examen des différends relatifs à l'application de la Déclaration tripartite(150) . En outre, il mène un programme de recherche sur les codes de conduite des entreprises multinationales en vue de comparer la teneur de ces codes avec les dispositions des conventions fondamentales visées dans la Déclaration tripartite (voir ci-dessous les publications en préparation). Enfin, le Bureau mène des activités consultatives à but promotionnel et technique, parmi lesquelles la diffusion de documents d'intention auprès des partenaires tripartites, qui se fait sous la forme de mémorandums d'accord social (pour un exemple de ce type d'accord, voir le document GB.271/MNE/1).
Publications
En préparation
5. Département des conditions et du milieu de travail (TRAVAIL)
100. Les activités du Département des conditions et du milieu de travail portent sur la recherche fondamentale, la collecte de données et la diffusion d'informations sur les initiatives des entreprises relatives aux conditions de travail, au travail des enfants et à la sécurité et à la santé professionnelles.
Activités relatives auxconditions de travail
101. Le Programme d'action sur les initiatives sociales des entreprises, mis en œuvre en coopération avec ENTREPRISE, vise à sensibiliser les partenaires sociaux et les parties intéressées aux questions relatives aux ressources humaines et aux pratiques et stratégies de l'entreprise propres à améliorer les conditions de travail, la compétitivité, la productivité et la sécurité de l'emploi. Les résultats envisagés comprennent une analyse comparative, une présentation multimédia et une base de données consultable sur Internet. Par ailleurs, on mène sur une base tripartite et en coopération avec les bureaux extérieurs de l'OIT un programme de formation sur les pratiques de gestion concernant les conditions de travail intitulé Programme sur les améliorations du travail dans les petites entreprises (ATPE).
Activités relatives au travail des enfants
102. Les activités relatives au travail des enfants portent à la fois sur des recherches à orientation générale et sur des programmes opérationnels. Vers le milieu de 1997, TRAVAIL a publié une étude préliminaire intitulée Labelling Child Labour Products. Cette étude comprend un examen général du label social, une analyse plus détaillée des questions relatives à ce label en tant que moyen de lutter contre le travail des enfants et une étude plus particulière des problèmes qui se posent et de la nécessité d'examiner la question plus à fond. Les recherches menées par TRAVAIL durant la période biennale en cours assureront le suivi de cette étude en examinant la question de savoir si l'étiquetage a un impact sur le travail des enfants et la manière dont les programmes qui s'y rattachent doivent être menés pour être efficaces.
103. Par le biais du Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC), le Bureau conçoit et met en œuvre des programmes opérationnels visant à éliminer progressivement le travail des enfants en renforçant les moyens dont disposent les pays pour s'attaquer aux problèmes et en suscitant un mouvement de protestation mondiale. L'IPEC agit de concert avec les gouvernements, les organisations d'employeurs et de travailleurs, les ONG et les autres parties intéressées en vue d'élaborer et de mettre en œuvre des mesures visant à prévenir le travail des enfants, à soustraire les enfants aux tâches dangereuses et à leur fournir des solutions de rechange et des possibilités de réinsertion. Les projets de l'IPEC qui présentent ici un intérêt particulier sont les suivants:
104. Dans le cadre d'autres initiatives, le département, agissant de pair avec le Bureau de statistique, a élaboré des instruments statistiques visant à chiffrer, inspecter et contrôler le travail des enfants au niveau des pays, des secteurs et des industries, dans le cadre du Programme d'information statistique et de suivi sur le travail des enfants (SIMPOC). Par ailleurs, l'IPEC supervise l'Accord de coopération conclu en janvier 1998 entre le Comité international olympique (CIO) et l'Organisation internationale du Travail, par lequel les parties se sont engagées à coopérer «à la promotion de la justice sociale et de la dignité humaine», en prêtant une attention particulière à l'élimination de la pauvreté et du travail des enfants. Des propositions relatives à l'application concrète de cet accord sont en cours de discussion au sein d'un groupe de travail conjoint.
Activités relatives à la sécurité et à la santé
105. Dans ses programmes relatifs à la sécurité et à la santé, le département gère un programme d'action sur la culture de la sécurité qui vise à analyser les pratiques en vigueur et à élaborer et tester une norme technique sur les systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail (directives relatives à la santé et à la sécurité au travail) ainsi qu'un guide pratique sur la culture de la sécurité. Les normes de gestion se fondent sur les normes internationales du travail applicables comme la convention (no 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, et la convention (no 161) sur les services de santé au travail, 1985. Par ailleurs, le département lance actuellement le projet de Programme mondial sur la sécurité et la santé au travail et l'environnement afin de favoriser l'amélioration de la fourniture des services, des outils et programmes de gestion, des services de suivi et d'information en vue de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi que de la protection des travailleurs et de leurs familles. Les actions menées au niveau national visent les organisations d'employeurs et de travailleurs, les PME et les administrations gouvernementales.
En préparation
6. Département des activités sectorielles (SECTOR)
Activités relatives à la question
106. Différentes grandes réunions tripartites du Département des activités sectorielles ont traité des initiatives volontaires, particulièrement dans le cadre des partenariats industrie/gouvernement (voir plus haut note 3). La Réunion tripartite sur les industries chimiques, qui se tiendra en février 1999, examinera un document de synthèse élaboré par le Bureau sur les initiatives volontaires dans ce secteur, particulièrement en matière de formation et d'éducation dans le domaine de la santé, de la sécurité et de l'environnement. Ces activités s'inscrivent dans le cadre de la résolution no 69 concernant les activités futures de l'OIT dans les industries chimiques, adoptée par la Commission des industries chimiques le 18 mai 1995.
Publications
7. Institut international d'études sociales (INST)
Activités relatives à la question
107. Parallèlement au programme sur le monde de l'entreprise et la société (voir plus haut note 145), l'Institut international d'études sociales gère un programme sur le travail et la société qui met l'accent sur la main-d'œuvre syndiquée au XIXe siècle. Ce programme suit une double approche, d'une part, celle de consultations et d'échange de vues entre praticiens et théoriciens du syndicalisme, de l'autre, celle d'études de cas visant à analyser les défis auxquels sont confrontés les syndicats, à évaluer leurs réponses diverses et à recenser les mesures et activités qui se sont révélées particulièrement efficaces dans différentes régions du monde, et notamment les initiatives volontaires du secteur privé. On abordera notamment les questions suivantes: syndicalisation chez les mandants anciens et nouveaux; action régionale et mondiale des syndicats; action collective et alliances sociales; nouveau programme d'action des syndicats portant sur les activités relatives aux droits de l'homme et au partenariat dans les programmes de développement. Des études de cas sont menées dans les pays suivants: Brésil, Chili, Etats-Unis, Canada, Allemagne, Suède, Espagne, Lituanie, Japon, République de Corée, Inde, Israël, Ghana, Zimbabwe, Niger et Tunisie.
Rencontres, ateliers et conférences publiques
Publications
En préparation
8. Bureau des relations interorganisations (REL/INT)
108. Le Directeur général adjoint pour les relations avec les organisations du système des Nations Unies et les organisations de Bretton Woods a participé, en intervenant au sujet des codes de conduite et du label social, à différentes réunions organisées par des associations privées, dont la réunion annuelle de 1998 de la Société américaine de droit international et une conférence organisée par une université sur le label social. Elle a également participé, avec le Sous-directeur général chargé de la promotion et de la coordination des activités destinées aux entreprises, à l'Atelier de 1998 sur la responsabilité sociale des entreprises, organisé par le World Business Council for Sustainable Development.
9. Bureau du Conseiller juridique (JUR)
109. Le bureau du Conseiller juridique a été chargé d'élaborer le présent document pour le Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international et de contribuer à l'élaboration d'une réponse type aux entreprises et autres organismes qui demandent des informations ou une aide au sujet des initiatives volontaires privées. Par ailleurs, le bureau du Conseiller juridique a témoigné pour l'Organisation lors d'une séance d'audition du Parlement européen sur les initiatives privées en matière de codes de conduite qui s'est tenue le 2 septembre 1998. Dans ce témoignage, le représentant du bureau du Conseiller juridique a souligné que la question des codes de conduite faisait actuellement l'objet de discussions au sein de l'OIT et que, si des réponses précises ne pouvaient évidemment pas être données tant qu'un consensus général ne s'était pas dégagé au sein de l'Organisation, l'expérience générale de l'OIT et sa perspective tripartite unique devaient être prises en compte dans tout examen de la question. Le témoignage des représentants des travailleurs et des employeurs est examiné à la section I ci-dessus.
VII. Les initiatives privées et l'OIT.
Questions en vue de la discussion
110. Les chapitres qui précèdent ont permis de se rendre compte que les initiatives privées visant à promouvoir certains principes ou objectifs sociaux sont devenues une réalité universelle et protéiforme et qu'elles représentent un élément important du débat international sur la dimension sociale du développement économique. Il était donc particulièrement opportun qu'à la suite du débat engagé à la Conférence en 1997 par le rapport du Directeur général le groupe de travail décide de lui consacrer un examen plus approfondi.
111. Même si, pour des raisons qui ont été évoquées dans les chapitres précédents, on peut s'interroger sur la viabilité ou la durée de survie de certaines de ces initiatives, il est permis de penser que, quelle que puisse être par ailleurs l'attitude de l'OIT, le phénomène se développera. Sous la pression du public et des consommateurs, relayée et entretenue par un nombre toujours croissant d'ONG ainsi que par le développement d'un réseau mondial favorisant la circulation de l'information, les entreprises seront sans doute de plus en plus nombreuses et plus promptes à réagir en adoptant des engagements de différentes natures ou à différents niveaux pour parer aux risques ou profiter des avantages que peut leur valoir leur image sociale ou environnementale sur le plan commercial. Il reste à savoir - et la question est importante - si ces engagements ont un impact durable sur le lieu de travail, et de quelle manière.
112. L'enquête qui précède montre que ces initiatives comportent un certain nombre de limites inhérentes à leur origine et à leur nature même, en particulier:
113. Pour revenir à la question posée par la présidente du groupe de travail au mois de mars, sans toutefois prétendre, à ce stade, apporter des réponses définitives, il paraît utile, dans ce dernier chapitre, d'examiner en quoi ce phénomène, dans sa diversité, ses côtés positifs et ses difficultés actuelles, peut intéresser l'action de l'OIT et la réalisation de ses objectifs. Cet «intérêt» semble pouvoir être précisé à partir de trois questions complémentaires:
1. Quelles attentes à l'égard de l'OIT et de son rôle éventuel?
114. Si l'on en juge aux références faites à l'OIT et à ses normes dans les codes et labels, l'intérêt ou les attentes qu'elle suscite en ce domaine sont plutôt marginaux. Cette impression ne doit cependant pas conduire à tirer des conclusions trop hâtives: i) d'une part, parce que de nombreuses démarches directes semblent confirmer un intérêt réel pour diverses formes d'assistance ou d'intervention; ii) d'autre part, parce que, de manière plus générale, la prolifération des initiatives semble susciter un besoin croissant de référence et de légitimité externes auquel l'OIT a peut-être le moyen de répondre.
a) Les demandes spécifiques adressées au Bureau
115. Il est difficile de recenser l'ensemble des demandes qui ont été reçues et traitées par les différents services du Bureau. Un bon nombre ont cependant fait l'objet de consultations entre plusieurs services concernés. On a vu dans le premier chapitre que leur origine et leur objet peuvent varier de manière significative. Tantôt, elles émanent d'entreprises individuelles désireuses d'obtenir des informations au sujet des normes de l'OIT dans les domaines qui les intéressent. Tantôt, il s'agit d'obtenir une consultation au sujet d'un projet de code en cours d'élaboration dans l'entreprise considérée ou un avis au sujet des systèmes d'accréditation/vérification. Dans d'autres cas, les demandes émanent d'associations d'entreprises ou d'organisations d'employeurs qui souhaitent obtenir une assistance technique en matière de conception de programmes pour l'inspection des sites de travail ainsi que pour la formation d'éventuels inspecteurs. D'autres, enfin, émanent de syndicats qui sollicitent l'assistance de l'OIT pour renforcer leur capacité de communication et de négociation au niveau global. On peut aussi faire référence, à ce sujet, aux suggestions formulées à l'occasion de la récente séance d'audition du Parlement européen (voir plus haut, paragr. 4) par un représentant employeur s'exprimant au nom de l'UNICE ainsi que par un représentant des travailleurs.
116. Jusqu'ici, le Bureau s'est contenté de réponses qui se limitaient essentiellement à donner des renseignements au sujet de ses normes ainsi que de la Déclaration tripartite sur les entreprises multinationales et à attirer l'attention sur le fait que le phénomène est à l'étude dans l'Organisation et pourrait, le moment venu, faire l'objet de réponses plus élaborées. Il est cependant difficile de continuer à donner ce genre de réponse, en particulier dans la mesure où cela suscite de nouvelles demandes. La question se pose donc de savoir si le Bureau devrait prendre position sur le fond et de quelle manière. La réponse à cette question dépend bien entendu des éléments qui sont examinés ci-après.
b) Le besoin général d'une référence externe
117. On a pu relever dans la section III que la prolifération d'initiatives différentes quant à leur objet spécifique et quant à leur méthode de mise en œuvre peut, d'une part, poser des problèmes de compatibilité entre ces initiatives (notamment dans le cas de fournisseurs ou de sous-traitants qui doivent simultanément répondre aux exigences différentes de codes différents) et, d'autre part, jeter le doute sur leur crédibilité dans l'esprit du public et des consommateurs en ce qui concerne la portée véritable de l'engagement pris quant à son objet (que signifie, par exemple, l'exclusion du travail des enfants?) et quant à sa mise en œuvre.
118. Etant donné cette situation, quelles sont les évolutions possibles? La première serait que la confusion et le scepticisme engendrés par des normes et systèmes de supervision aussi divers entraînent un certain dépérissement du phénomène; ce n'est sans doute pas la plus vraisemblable, étant donné la diversité des intérêts qu'il met en jeu ou qu'il a suscités. La deuxième serait que le besoin de standardisation ou d'harmonisation soit pris en charge par le marché lui-même; cette perspective paraît plus ou moins plausible selon que l'on considère, d'une part, les systèmes de vérification ou, d'autre part, le contenu des codes. En ce qui concerne les systèmes de vérification, il existe un grand nombre de bureaux d'audit ou de conseils qui ne demandent pas mieux que d'offrir leurs services sur ce marché en expansion, et la perspective d'une prise en charge par le marché semblerait à première vue assez plausible. Une telle possibilité soulève cependant, on l'a vu, certaines questions en ce qui concerne, d'une part, l'inexpérience ou le manque de compétence spécifique de ces officines en matière sociale et, d'autre part, le coût qui risque de les réserver aux entreprises des pays développés et de désavantager les entreprises locales des pays en développement, comme en témoignent les limites inhérentes aux systèmes actuels de certification de la conformité aux normes des séries ISO 9000 et ISO 14000 (voir section II.2). Il est sans doute compréhensible, dans ces circonstances, que certains se tournent tout naturellement vers l'OIT pour obtenir ce genre de services, en pensant qu'elle offre, outre une compétence presque axiomatique (compte tenu, en particulier, du rôle qu'elle a joué auprès des gouvernements pour le développement de l'administration du travail), la garantie d'une optique objective et non lucrative.
119. La perspective d'une standardisation privée du contenu des principes paraît encore plus aléatoire. En l'occurrence, la standardisation revient à définir le sens exact du concept ou des objectifs tels que celui de l'élimination du travail des enfants ou la liberté syndicale au lieu de laisser à chacun la liberté de choisir la définition qui lui convient. Comme relevé dans la section II.3, l'expérience de l'ISO, notamment dans le cas des normes de la série ISO 14000 sur le management environnemental, révèle selon un certain nombre de commentateurs les limites des activités volontaires de normalisation dans des domaines autres que strictement techniques. Selon ces commentateurs, les méthodes de travail de l'ISO, qui reposent sur le consensus, et la prédominance dans ses comités techniques des multinationales et des organismes publics des pays industrialisés aboutiraient à des normes qui portent plus sur la procédure que sur le fond et qui correspondent au plus petit dénominateur commun, au lieu de fixer des objectifs plus contraignants.
120. Il n'est donc pas surprenant de constater que, sur ce plan aussi, la recherche d'une référence ou d'une légitimité, quant au contenu des principes, conduit tout naturellement certaines des plus ambitieuses de ces initiatives à se tourner vers l'OIT et ses normes(151) . Cette tendance comporte cependant le risque que les emprunts soient effectués de manière plus ou moins unilatérale, sinon sélective, et, peut-être plus encore, celui d'une véritable «captation de légitimité» à travers des références qui, selon le contexte, peuvent créer dans l'esprit du public ou du consommateur l'impression que l'OIT est associée à l'initiative.
121. Il apparaît en tout cas que, bon gré mal gré, l'OIT peut difficilement faire comme si un phénomène qui l'invoque ou la sollicite n'existait pas. Il lui est bien sûr parfaitement loisible de ne pas réagir. Il semble important cependant qu'une telle attitude soit le fruit d'une décision réfléchie et non d'une carence. Et cela suppose que l'OIT apprécie par rapport à ses propres objectifs l'impact possible du phénomène et de son développement avec ou sans intervention de sa part.
2. Quelle incidence possible pour la réalisation des objectifs de l'OIT?
122. Il devrait être clair que la demande ou les expectatives qui peuvent exister à l'égard de diverses formes d'action de l'OIT, à supposer qu'elles se confirment, ne sauraient à elles seules justifier que l'Organisation y apporte nécessairement une réponse positive, même si cela peut représenter pour elle une source non négligeable de revenus et d'influence. Le rôle que l'OIT pourra éventuellement être appelée à jouer doit découler essentiellement de l'appréciation qu'elle peut porter sur l'impact du phénomène sur ses valeurs et sur la réalisation de ses objectifs. Deux niveaux peuvent être distingués à cet égard: celui de l'objet de ces initiatives, c'est-à-dire de leurs motivations; celui de leurs effets, c'est-à-dire de leur incidence concrète sur la réalisation de ses objectifs.
123. L'OIT devrait se réjouir d'un phénomène qui, on l'a déjà relevé, semble de prime abord procéder de préoccupations sociales semblables aux siennes et exprimer l'imprégnation progressive du public et des entreprises par des valeurs qui sont celles de sa Constitution, même si ces préoccupations ne se traduisent pas par une adhésion aux termes de ses instruments.
124. Une question peut cependant se poser étant donné que le développement de ces initiatives est, pour une part au moins, un phénomène de marché et que, sur ce marché, les motivations peuvent être diverses sinon contradictoires. Elles peuvent aussi bien relever d'une authentique «éthique du marché» (qui devrait logiquement se traduire par une certaine convergence avec les objectifs et les activités de l'OIT) que du «marché de l'éthique», avec, d'un côté, une demande qui émane ou est censée émaner du public ou des consommateurs et, de l'autre, une offre qui vient des entreprises agissant soit de manière spontanée, soit en réponse aux sollicitations du marché, telles qu'elles leur parviennent à travers les pressions des ONG ou autres associations. Il faut bien se rendre compte que la logique de cette deuxième tendance est, à la limite, de se passer de l'OIT. Selon cette logique, il suffirait en effet de renseigner le consommateur sur les conditions de production des biens et services qu'il achète pour qu'il exerce sa souveraineté en fonction de préférences entre lesquelles il ne saurait être question d'établir une quelconque hiérarchie. Il n'y aurait donc nullement besoin de mesures prescriptives nationales ou internationales: il suffirait de garantir la transparence des choix par une standardisation appropriée dont on pourrait, selon le même raisonnement, penser qu'elle pourrait être assurée par les mécanismes de concertation privée, même si cette perspective peut soulever les questions que l'on a eu l'occasion d'évoquer.
125. Il semble dès lors préférable, pour juger de l'intérêt de ces initiatives pour l'OIT, de ne pas trop s'en remettre à leurs motivations proclamées ou supposées pour s'intéresser, de manière plus pragmatique, à leurs effets concrets sur la réalisation des objectifs de l'OIT.
126. La question de l'impact des initiatives privées sur la réalisation des objectifs de l'OIT, tels qu'ils se trouvent développés et explicités à travers ses normes, peut à première vue sembler peu pertinente. Pour les entreprises, les codes de conduite s'inscrivent dans une perspective de saine gestion et non dans une perspective normative. Réciproquement, les instruments normatifs de l'OIT ne s'adressent pas en tant que tels aux entreprises. Certaines de leurs dispositions peuvent être pertinentes pour les entreprises, mais la plupart sont relatives à l'adoption de certains objectifs, programmes ou politiques d'ensemble qui n'ont de sens que pour les gouvernements.
127. Dans la réalité, les choses sont cependant plus complexes. D'une part, en effet, les deux domaines ne sont pas séparés par une cloison étanche. Ainsi, le Conseil d'administration du BIT a lui-même adopté en 1977 un texte - la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale - qui, au-delà des mandants traditionnels de l'OIT, s'adresse aux entreprises multinationales et signale à leur attention un certain nombre d'instruments qu'elle leur présente comme globalement pertinents (sans toutefois distinguer les dispositions spécifiques susceptibles de les concerner plus directement) pour les guider dans leurs pratiques sociales. Par ailleurs, comme il est indiqué à la section I, ce sont certes les gouvernements qui ratifient les conventions mais les entreprises sollicitent de plus en plus des orientations quant à la manière d'appliquer ces normes sur le lieu de travail.
128. Il apparaît d'autre part que, dans certaines circonstances, les initiatives privées et les normes internationales du travail peuvent opérer de manière à la fois parallèle et concurrente vis-à-vis des gouvernements et des entreprises. A titre d'exemple, il est parfaitement concevable qu'une entreprise d'un pays qui a ratifié une convention applique, en se conformant scrupuleusement aux dispositions de la loi nationale incorporant les dispositions de ladite convention, des conditions supérieures à celles qui sont prévues par un code de conduite ou un label. Cela ne suffira cependant pas pour qu'elle puisse obtenir les avantages qui s'attachent à ce code ou à ce label, c'est-à-dire l'accès au marché des pays développés sur un pied d'égalité, dans la mesure où elle n'est pas liée au réseau de sous-traitance ou de filiales couvert par lesdits codes ou labels. C'est pourquoi, selon l'ONUDI(152) , il est plus avantageux pour les entreprises exportatrices de suivre les codes d'éthique que les normes internationales en matière sociale et d'environnement, y compris celles de l'OIT. On peut en même temps se demander si une telle position ne risque pas de décourager les gouvernements eux-mêmes de ratifier ou mettre en œuvre les conventions de l'OIT.
129. Il semble difficile cependant de contester que, dans le cas d'un pays qui n'a pas ratifié les conventions correspondantes de l'OIT, les initiatives privées apportent a priori un avantage indiscutable sur le plan du progrès social. A défaut d'offrir à l'ensemble des travailleurs la protection qui résulte de la ratification des conventions pertinentes, les initiatives permettent au moins aux travailleurs des secteurs concernés par les codes ou les labels de bénéficier de conditions plus proches de celles que prévoient ces normes et peut-être de cette manière de tirer progressivement vers le haut les conditions de travail du pays. A nouveau, cet avantage ne va pas sans susciter aussi un certain nombre de questions:
130. Une meilleure complémentarité est-elle possible? Toutes les questions qui précèdent ne signifient pas que ces initiatives ne peuvent pas apporter une contribution positive à la réalisation des objectifs de l'OIT. Elles suggèrent simplement que la convergence entre ces initiatives et la réalisation des objectifs de l'OIT n'est pas automatique. La question se pose alors de savoir si une meilleure complémentarité ne pourrait pas être envisagée. On pourrait notamment se demander si les inconvénients signalés, qui résultent de la greffe de priorités définies de l'extérieur et sur une base sélective sur un processus de progrès social essentiellement endogène et global, ne pourraient pas être réduits ou effacés par l'application de quelques principes simples que l'on trouve déjà dans d'autres textes de l'OIT, en particulier:
131. La réponse à cette question dépend du bilan que le groupe de travail établira et du type d'attitude qu'il souhaitera adopter en conséquence.
3. Quelles attitudes et possibilités d'action et quelle suite éventuelle à la discussion?
132. A la lumière des considérations qui précèdent et des demandes ou suggestions qui ont été formulées, diverses attitudes sont concevables. Elles peuvent couvrir tout un éventail, allant d'une attitude relativement minimaliste à une attitude plus active, sinon interventionniste, en passant par une simple attitude de prestation de services d'accompagnement. Il paraît utile pour la discussion d'illustrer ces différentes attitudes tout en soulignant qu'il ne s'agit en aucune façon de proposer des décisions mais de permettre un débat aussi concret que possible.
133. C'est l'attitude que le Bureau a jusqu'à présent adoptée en réponse aux demandes et démarches dont il fait l'objet. Face à ces demandes, le Bureau a été guidé par les principes bien établis qui président à toutes ses activités, à savoir:
134. Il semblerait possible, sans s'écarter fondamentalement de cette attitude minimaliste, d'envisager un certain nombre d'activités qui relèvent purement et simplement des responsabilités du Bureau en matière d'information et d'analyse. En particulier, le Bureau pourrait mettre en place un centre de documentation, accessible sur Internet, qui serait chargé de suivre, de faire connaître et d'analyser les initiatives volontaires visant les pratiques des entreprises en matière de travail. Il pourrait aussi exploiter ses compétences sectorielles pour réunir et analyser des informations concernant les faits nouveaux dans différents secteurs et leurs implications pour ses activités. Les réunions sectorielles proposées à cette fin faciliteraient les recherches ultérieures et donneraient aux mandants des secteurs considérés l'occasion de débattre d'initiatives dans lesquelles beaucoup d'entre eux sont sous-représentés à cause du manque de transparence qui caractérise leur élaboration et leur application(153) .
135. Le programme de recherche pourrait prévoir des études pilotes intéressant un éventail d'entreprises, qui permettraient d'analyser l'impact éventuel des codes de conduite sur les pratiques en matière de travail et les approches adoptées pour gérer les initiatives volontaires. L'attention pourrait plus particulièrement porter sur les méthodes d'évaluation et sur la manière dont les entreprises, notamment des pays en développement, font face aux problèmes qui se posent à elles sur le plan technique et en matière de gestion lorsque leurs partenaires commerciaux exigent qu'elles appliquent tel ou tel code de conduite.
b) Un rôle de prestation de services d'accompagnement ou de soutien?
136. Dans la mesure où le bilan des initiatives privées apparaît comme positif du point de vue de la réalisation des objectifs de l'OIT, le Bureau pourrait offrir des informations et conseils dans deux directions:
137. Dans cette optique générale, le Bureau pourrait envisager l'une ou plusieurs des activités ou publications suivantes, dont certaines supposeraient toutefois qu'il ait déjà conduit un certain nombre des travaux de recherche appliquée précédemment évoqués:
c) Une attitude proactive d'intervention?
138. Une telle attitude viserait à utiliser et orienter de manière plus délibérée les intérêts ou aspirations qui se manifestent à travers ces initiatives aux fins des objectifs de l'OIT, y compris le cas échéant en s'efforçant de corriger certains de leurs inconvénients. Cette attitude peut, il faut le souligner, résulter aussi bien d'une appréciation positive que d'une appréciation qui le serait moins de l'impact global du phénomène sur la réalisation des objectifs de l'OIT. En laissant pour le moment de côté la possibilité que l'OIT puisse encourager les entreprises qui souhaitent manifester leur attachement à certains principes ou droits sociaux à le faire concrètement en contribuant aux programmes de l'OIT qui devront être mis en place pour fournir une assistance aux mandants pour la meilleure application des principes et droits fondamentaux au travail dans le cadre du suivi de la mise en œuvre de la Déclaration de juin 1998, cette attitude active pourrait se traduire d'au moins deux manières qui pourraient être complémentaires:
Comme on le sait, ce texte s'adresse non seulement aux mandants traditionnels de l'OIT (gouvernements, organisations d'employeurs et de travailleurs) mais aussi, de manière directe et spécifique, aux entreprises multinationales et locales pour les inviter à prendre en considération un certain nombre de principes sur une base volontaire. Bien entendu, il ne s'agirait pas de réviser ce texte mais simplement de s'en inspirer et peut-être de le compléter pour inviter les entreprises qui souhaitent établir des codes de conduite ou des labels en matière sociale à s'inspirer de certains principes uniformes quant au contenu des codes (en tenant compte par exemple des principes énoncés ci-dessus à la fin du point VII.2) et quant aux méthodes efficaces de mise en œuvre et d'évaluation du progrès.
* * *
139. Il convient de souligner à nouveau, pour conclure, que la distinction entre ces différentes attitudes a essentiellement une valeur didactique. Il n'y a pas de ligne tranchée entre les différents choix et il n'est pas non plus question de suggérer que le choix d'une attitude puisse être fait une fois pour toutes. Ce choix peut parfaitement être évolutif. Etant donné la diversité des intérêts en jeu et le fait que le principal avantage comparatif de l'OIT dans ce débat est d'offrir, à travers ses différents organes, un forum où la plupart, sinon toutes les parties concernées peuvent avoir voix au chapitre, il semblerait tout à fait naturel que la discussion puisse s'y poursuivre afin de dégager, éventuellement, les éléments d'un consensus quant aux formes d'action ou de contribution qu'elle pourrait le plus utilement adopter face à ce phénomène. Pour l'immédiat, les questions ou idées qui ont été avancées ci-dessus ne sont pas destinées à servir de base à des décisions mais seulement à un premier échange de vues. Selon les orientations qui pourraient se dégager de cet échange, le Directeur général pourrait être invité à présenter au Conseil, lors d'une prochaine session, des propositions plus spécifiques.
Genève, le 19 octobre 1998.
1. J. Murray: «Les codes de conduite des entreprises et les normes du travail» dans l'ouvrage publié sous la direction de R. Kyloh: Maîtriser le défi de la mondialisation: vers un projet syndical, document de travail du Bureau des activités pour les travailleurs (BIT, 1998).
2. Le modèle «triple bottom line» proposé pour cette comptabilité a été contesté parce qu'il peut conduire à établir des équivalences comptables entre des valeurs de nature très différente. Voir par exemple Nick Mayhew: «Trouble with the triple bottom line», Financial Times, 10 août 1998.
3. Au sujet des difficultés que rencontrent sur ce plan les entreprises des pays en développement, voir Effets de restriction des échanges des normes, règlements techniques et procédures d'évaluation de la conformité, note d'information du secrétariat de l'OMC, 28 avril 1997; voir aussi R. Kumar, N. Gessese et Y. Konishi: Responding to global standards: A framework for assessing social and environmental performance of industries: Case study of the textile industry in India, Indonesia and Zimbabwe (ONUDI, 1998).
4. Voir, par exemple, A. Wild: A review of corporate citizenship and social initiatives: «Social citizenship - What's going on ... and why?», document présenté à une réunion des employeurs sur l'entreprise citoyenne et les initiatives sociales, 1er-2 octobre 1998, New York.
5. Des valeurs à défendre, des changements à entreprendre. La justice sociale dans une économie qui se mondialise: un projet pour l'OIT, rapport du Directeur général, Conférence internationale du Travail, 81e session, 1994.
6. Voir section II.2.
7. Le rôle de l'entreprise dans le règlement des problèmes sociaux ou communautaires qui ne se rencontrent pas ou ne se reflètent pas sur le lieu de travail n'entre pas dans le cadre de l'étude.
8. Comme l'indique la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 86e session, les principes concernant les droits fondamentaux des travailleurs sont la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l'abolition effective du travail des enfants et l'élimination de la discrimination en matière d'emploi et de profession (paragr. 2).
9. Voir document GB.270/WP/SDL/1/3, paragr. 20. Voir aussi plus loin section VI.
10. Dans le présent document, on entend par «parties prenantes» les personnes et groupes qui peuvent exercer une influence sur, ou être influencés par, les actions, décisions, politiques, pratiques ou objectifs d'une entreprise. Voir A.B. Caroll: Business and society: Ethics and stakeholder management (Cincinnati, Ohio, South Western College Publishing, 1996). Certains théoriciens classent les parties prenantes en parties prenantes «primaires» (travailleurs, investisseurs, clients, fournisseurs/partenaires commerciaux) et «secondaires» (ensemble des autres parties prenantes), ou encore en parties prenantes «essentielles» (indispensables à la survie de l'entreprise), «stratégiques» (vitales pour l'organisation) et «accessoires» (ensemble des autres). Idem, pp. 72-82. Les activités des quatre catégories de parties prenantes primaires sont examinées dans le présent document: 1) travailleurs (et leurs organisations représentatives); 2) propriétaires ou investisseurs/actionnaires (et leurs organisations représentatives); 3) clients ou consommateurs; 4) fournisseurs et autres partenaires commerciaux liés à l'entreprise par une relation contractuelle ou une participation au capital. Les autres parties prenantes dont les activités intéressent les initiatives privées sont les organisations non gouvernementales, les groupes politiques et sociaux, les collectivités, les gouvernements et les organisations intergouvernementales. Pour une description de la «théorie des parties prenantes», voir L. Preston: Redefining the corporation: Stakeholder theory in international perspective (College Park, Maryland, Université du Maryland, 1996).
11. UNOCAL, compagnie pétrolière ayant son siège aux Etats-Unis, est accusée d'avoir eu recours au travail forcé pour la construction d'un oléoduc au Myanmar et est pour cette raison traduite devant les tribunaux aux Etats-Unis. La société Adidas, qui fabrique des articles de sport, a été poursuivie devant les tribunaux de Hong-kong par des dissidents chinois qui affirment avoir fabriqué des ballons de football Adidas à l'époque où ils étaient emprisonnés dans un camp de travail en Chine. Voir «Adidas said to use slave labor», Washington Post, 19 août 1998. NIKE, multinationale ayant son siège aux Etats-Unis, est poursuivie par des citoyens de l'Etat de Californie qui l'accusent de négligence, de fraude et de tromperie ainsi que de pratiques commerciales déloyales pour ne pas avoir appliqué correctement le code de conduite qu'elle avait adopté.
12. Parmi les initiatives publiques qui n'entrent pas dans le cadre de la présente étude, on peut notamment citer les décisions de l'OCDE, du G7, du G8, du G15 et d'autres groupes multilatéraux, les chartes sociales élaborées dans le contexte de l'intégration économique régionale (par exemple, MERCOSUR et SADC), les lois garantissant un traitement et des termes de l'échange préférentiels (par exemple, ALENA, Union européenne et Etats-Unis dans le cadre des systèmes généralisés de préférences), les restrictions à l'importation (par exemple, loi tarifaire de 1930 aux Etats-Unis telle qu'amendée notamment par la loi 105-61 du 10 octobre 1997 (interdiction d'importer des produits fabriqués par des enfants)), les critères de sélection des adjudicataires et les lois préférentielles, les sanctions unilatérales ou multilatérales.
13. Au cours des dernières décennies, le BIT a publié plus de 20 recueils de directives pratiques concernant la sécurité et la santé au travail. Ces recueils, qui offrent des orientations aux organisations d'employeurs et de travailleurs ainsi qu'aux gouvernements, résultent d'un processus tripartite de négociation et sont publiés après approbation par le Conseil d'administration. Ils traitent de plusieurs secteurs (mines, agriculture, foresterie, bâtiment et travaux publics, construction et réparation navales, industrie du fer et de l'acier, prévention des accidents industriels ou maritimes majeurs) et de divers risques (rayonnements ionisants, bruit et vibrations, exposition à des substances nocives en suspension dans l'air, utilisation des produits chimiques au travail).
14. Engagements d'assurer aux produits provenant de tout Etat membre de l'OMC un traitement non moins favorable que celui accordé aux produits similaires d'origine nationale, d'éviter la mise en place d'obstacles non nécessaires au commerce international dans le cadre de l'activité normative volontaire et d'utiliser les normes internationales pertinentes quand il en existe. Voir Code de pratique pour l'élaboration, l'adoption et l'application des normes, paragr. D-F, annexe 3 à l'Accord sur les obstacles techniques au commerce. L'Accord sur les obstacles techniques au commerce lie tous les Etats membres de l'OMC en tant que partie intégrante de l'Accord instituant l'Organisation mondiale du commerce. Voir aussi document G/TBT/CS/2/Rev.4 de l'OMC, en date du 11 février 1998 (qui donne la liste de 92 organismes à activité normative de 69 Etats membres qui acceptent le Code de pratique depuis le 1er janvier 1995).
15. Par exemple, Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable (1995), Code international de l'OMS pour la commercialisation des substituts du lait maternel, Code international de conduite de la FAO pour la distribution et l'utilisation des pesticides. Toutefois, selon un rapport récent de l'ONUDI, «Dans le cas des entreprises à vocation exportatrice, la volonté des grands acheteurs internationaux, telle qu'elle se reflète dans leurs codes d'éthique, a plus d'effet sur la performance sociale et environnementale que les directives d'organisations internationales telles que l'Organisation internationale du Travail, la Banque mondiale ou l'Organisation mondiale de la santé.» Responding to global standards, op. cit., p. 5.
16. Afin de promouvoir une méthode «pratique et réaliste» pouvant être utilisée dans le monde en développement, l'ONUDI a repris les principes énoncés dans les instruments de l'OIT, en y ajoutant des critères supplémentaires, pour créer un ensemble d'indicateurs de la performance sociale qui doit servir à évaluer les législations nationales et les pratiques des entreprises, et à les comparer à une situation dite «idéale». Voir Responding to global standards, op. cit., pp. 45-46, et annexe 3, pp. 45-57.
17. Chaque comité membre de l'ISO représente l'organisme national de normalisation le plus représentatif du pays considéré. Il assure la liaison entre les parties intéressées dans son pays et les très nombreux comités techniques, sous-comités et groupes de travail de l'ISO qui élaborent et adoptent les normes. Voir Internet http://www.iso.ch. Environ 70 pour cent des comités membres sont des organismes gouvernementaux ou publics; certains sont des organismes privés souvent assujettis à un certain contrôle public. Voir ISO: ISO memento (Genève, 1991). Selon certains, le travail de l'ISO est dominé par les multinationales et les comités membres des pays développés. Voir, par exemple, Naomi Roht-Arriaza: «Shifting the point of regulation: The International Organization for Standardization and global lawmaking on trade and the environment», 22 Ecology Law Quarterly, 479 (1995). On estime à 600 le nombre des organismes régionaux, nationaux et locaux de normalisation opérant dans les différents domaines techniques.
18. La série ISO 9000 contient des directives que les entreprises se doivent d'appliquer non seulement pour leurs activités propres, mais aussi dans leurs contrats avec les fournisseurs et sous-traitants. La série ISO 14000 traite de l'environnement mais, vu que l'ISO travaille par consensus, ne fixe aucun objectif précis en ce qui concerne par exemple les émissions. Certains commentateurs estiment que cette série fait ressortir les limites du processus volontaire de normalisation: la nécessité d'un consensus entraîne l'adoption du plus petit dénominateur commun au lieu des objectifs plus contraignants fixés dans les réglementations. Voir, sur un plan général, Ross E. Cheit: Setting safety standards: Regulation in the public and private sectors (1990).
19. Voir Action 21, chapitre 4 B) c), 14 juin 1992, réimprimé comme suit: Nations Unies: Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (1993). Le programme Action 21, qui n'a pas d'effets juridiquement contraignants, a été signé par 156 pays.
20. Cette décision a notamment été prise par crainte qu'une nouvelle norme de ce type, venant immédiatement après les séries ISO 9000 et ISO 14000, n'aboutisse à un véritable «cirque de la certification». Voir ISO 9000 Info, 5/1998.
21. A la différence du système ISO qui fait intervenir de multiples organismes nationaux d'accréditation, il existe, dans le cas de la norme SA 8000, un seul organe d'accréditation, mis sur pied par le CEP, qui coopère avec des organismes privés d'inspection. Voir: «SA 8000: une norme de système de management pour la «responsabilité sociale», ISO 9000 Info, 5/1998». Les organismes accrédités ne sont pas nécessairement certifiés conformes à la norme SA 8000. Pour plus d'informations sur cette norme, voir plus loin section III.
22. Monika Egger: «ISO 21000» - Private Normen für die soziale Verantwortung der Unternehmen? Ein Diskussionsbeitrag (Berne, Brot für alle Schweiz, 1996).
23. OIE: Manuel des employeurs sur le travail des enfants (Genève, 1998), p. 50. Il existe parfois des guides, des manuels ou encore des listes de contrôle destinés à faciliter l'application de ces codes. Toutefois, souvent, il n'existe aucune instruction quant à la manière d'appliquer ou de faire respecter les dispositions de ces codes qui peuvent avoir un caractère très général. Les manuels ou guides qui ne se rapportent pas à l'application de ces codes n'entrent pas dans le cadre de la présente étude.
24. Voir, par exemple: Statement of the United States Council for International Business: Codes of conduct: Old solutions to old problems (1997).
25. Ces «codes d'adhésion» (voir paragr. suivants) prévoient le contrôle par des tierces parties des engagements pris par les entreprises. Les Principes de Sullivan (1977) et de MacBride (1984) visaient à influer sur le comportement des entreprises américaines opérant respectivement en Afrique du Sud et en Irlande du Nord.
26. Voir aperçu général dans la section II.
27. H. White: «Global outsourcing and corporate accountability», Accountability Quarterly, été 1997, ‹http://www.verite.org› (24.6.98).
28. La CNUCED fixe à 44 000 le nombre d'entreprises mères opérant aujourd'hui dans le monde. Voir World investment report 1997, p. 15.
29. Voir par exemple C. Ferguson: A review of UK company codes of conduct (Département du développement international, août 1998) (étude de 18 codes d'entreprises britanniques et de trois codes types); Council for Economic Priorities: International sourcing report (étude de 360 entreprises concernant les droits des travailleurs dans les codes) (1998); C. Forcese: Commerce et conscience?: droits humains et codes de conduite des entreprises (1997) (étude de 98 entreprises canadiennes); Chambre de commerce internationale: Code survey (1998); Département du travail des Etats-Unis. The apparel industry and codes of conduct: A solution to the international child labor problem? (1996); Investor Responsibility Research Center: The sweatshop quandary: Corporate responsibility on the global frontier (1998) (travail des enfants et travail forcé).
30. Pour les travaux du BIT, voir section VI. Voir aussi World investment report: Transnational corporations, employment and the workplace (CNUCED, 1994) et Open trading: Options for effective monitoring of corporate codes of conduct (New Economics Foundation et Institut catholique des relations internationales, 1997). Un projet en cours à l'OCDE, à la demande du Comité des échanges, vise à inventorier les codes utilisés par les entreprises ayant leur siège dans la zone de l'OCDE en étudiant notamment des questions telles que les pratiques équitables en matière d'emploi, les pratiques commerciales loyales et le respect des droits de l'homme. De même, la Commission européenne a fait réaliser une étude qui devrait bientôt paraître, et une initiative privée de M. Howitt (Parlement européen) porte sur les conséquences résultant de l'examen des tendances.
31. Voir par exemple G. van Liemt: The social policy implications of codes of conduct, with particular reference to the relations between companies adopting such codes and their suppliers and subcontractors, document présenté à la conférence Global Production and Local Jobs: New Perspectives on Enterprise Networks, Employment and Local Development Policy (Genève, 9-10 mars 1998), et débat organisé à cette conférence sous la direction de A. Abate.
32. Par exemple, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation, de l'agriculture, de l'hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) s'est attachée à mobiliser ses adhérents dans les secteurs de la production et de la distribution du thé afin qu'ils poussent les entreprises à prendre des initiatives. Des coalitions multisectorielles s'appuyant sur des codes de conduite participent à la lutte contre le travail des enfants (par exemple, coalition des travailleurs de l'industrie des instruments chirurgicaux du Pakistan et des travailleurs du secteur de la santé publique de divers pays développés).
33. Voir, par exemple, directive no 94/45/CE du Conseil de l'UE, du 22 septembre 1994 (Journal officiel des Communautés européennes, 30/09/94, no L.254), telle qu'amendée par la directive no 97/74 du Conseil de l'UE, du 15 décembre 1997 (Journal officiel des Communautés européennes, 16/01/98, no L.10), appliquant la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, qui oblige les multinationales opérant en Europe à créer un comité d'entreprise européen ou une procédure d'information et de consultation des travailleurs sur certains aspects des activités des entreprises.
34. Les secrétariats professionnels internationaux qui ont participé à l'élaboration de codes indiquent qu'ils consacrent des ressources financières et humaines considérables à la communication avec les travailleurs au niveau local. Cela pourrait indiquer que, à la différence du cas où les codes sont élaborés sans participation des syndicats, l'élaboration de codes par négociation entre les secrétariats professionnels internationaux et les multinationales a en général eu pour effet de sensibiliser les travailleurs locaux aux négociations et au contenu des codes qui concernent leur industrie ou leur lieu de travail.
35. C'est le cas par exemple de l'United States Apparel Industry Partnership (composé principalement de multinationales du secteur du textile, de l'habillement et de la chaussure ayant leur siège aux Etats-Unis et d'ONG ayant elles aussi leur siège aux Etats-Unis). Voir aussi paragraphes concernant la norme SA8000.
36. L'organe qui gère l'initiative SA8000 du Council on Economic Priorities ne comprend qu'une seule petite entreprise, Eileen Fisher, sur un total de 16 entreprises. Dans certaines initiatives, les PME sont représentées par des associations (par exemple, Ethique sur étiquette, Charte bananière).
37. Le Projet égalité, initiative lancée il y a déjà un certain temps aux Etats-Unis pour promouvoir l'égalité de chances et de traitement dans l'emploi, est notamment parrainé par des organisations religieuses et des entreprises et exerce une influence en publiant tous les ans un guide de l'acheteur qui recense plus de 1 500 employeurs accrédités.
38. C'est le cas par exemple de la charte de la Chambre de commerce internationale pour un développement durable (Business charter for sustainable development) et des Principles for Business (Table ronde de Caux), élaborés en 1994 par le Minnesota Centre for Corporate Responsibility, qui a son siège aux Etats-Unis.
39. Code international de conduite pour la production de fleurs coupées, adopté en août 1998 par l'UITA, des syndicats et des ONG.
40. Le code modèle de la CISL vise à aider des entreprises individuelles ou leurs sous-traitants, ainsi que des associations professionnelles et des organisations d'employeurs à élaborer leurs propres codes. En Corée, Hyundai et Daewoo, en collaboration avec des syndicats et une ONG qui travaille dans ce pays (People's Solidarity for Participatory Democracy), ont formulé une charte visant à contrôler la performance sociale d'entreprises coréennes opérant à l'étranger, pour donner suite à la Déclaration concernant ces entreprises adoptée en 1996 par le Conseil coréen des organisations économiques.
41. Voir par exemple Business for social responsibility: Matrix of company codes of conduct; campagne d'Oxfam pour l'adoption d'un code concernant l'industrie du vêtement: Minimum standards and principles; Interface Centre on Cooperate Responsability: 1995 Principles for global corporate responsibility; Amnesty international: Human rights principles for companies. Tous s'inspirent largement des normes internationales du travail et de la Déclaration de principes tripartite de l'OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale.
42. Le gouvernement britannique participe activement au développement de l'Ethical Trading Initiative. D'autres gouvernements ont élaboré des guides ou des directives: dans son Guide pour le développement des codes volontaires, disponible sur Internet (http://strategis.ic.ge.ca), le gouvernement canadien présente un modèle en huit étapes pour l'élaboration des codes, préparé conjointement par les principales parties intéressées. Le gouvernement australien a publié un Guide to fair trading codes of conduct (1995), et celui de la Nouvelle-Zélande des Guidelines on developing a code of practice (1993).
43. Ces principes sont assez généraux et ne se réfèrent pas aux normes de l'OIT. Ils s'appuient sur un programme public (Best global business practices programme) qui diffuse des informations, organise des conférences et attribue des prix aux entreprises «socialement responsables».
44. Il s'agit de codes rassemblés par le Bureau et provenant de sources secondaires (voir section I: Champ de l'étude et méthodologie). Plus de 80 pour cent des codes appartiennent à des entreprises multinationales établies pour la plupart dans des pays développés et des nouveaux pays industriels. Certains ont été élaborés par des associations professionnelles et des organisations d'employeurs, d'autres par des entreprises ou des associations d'entreprises, conjointement avec des organisations de travailleurs ou des ONG. Les guides ou documents d'orientation accompagnant les codes ne sont pas répertoriés ni analysés.
45. Le Council on Economic Priorities, SCREEN, op. cit., signale que sur les 38 pour cent d'entreprises qui ont répondu, 99 pour cent ont des directives relatives au choix des sous-traitants ou des fournisseurs qui traitent des droits fondamentaux des travailleurs; l'enquête du Département du travail des Etats-Unis, op. cit., indique que 36 des 42 sociétés qui ont répondu ont des politiques concernant le travail des enfants, dont la moitié environ concernent aussi d'autres normes du travail; dans son enquête sur les codes canadiens, C. Forcese, op. cit., signale que 49 pour cent des 43 entreprises ayant répondu ont des codes de conduite internationaux et que 46 pour cent de ces codes contiennent des dispositions relatives au travail.
46. Les références dominantes semblent refléter des problèmes particuliers dans les secteurs suivants: production de métaux de base: conventions nos 100 et 111; produits chimiques: conventions nos 111 et 138; construction: convention no 138; foresterie: convention no 111, certains codes entreprise/travailleurs se référant aux conventions nos 87 et 98, ainsi qu'aux conventions nos 29 et 105; génie mécanique et électrique: convention no 111; production de pétrole et de gaz: convention no 111 et, dans certains codes hybrides, convention no 169; textiles, habillement, cuir et chaussures: conventions nos 111 et 138, certains codes entreprise/travailleurs et codes hybrides renvoyant à toutes les normes fondamentales du travail; équipement pour les transports: convention no 111. Les codes des secteurs des services reflètent les préoccupations suivantes: commerce: convention no 111 principalement; services financiers: convention no 111; services postaux et autres services de communication: convention no 111 essentiellement; services de distribution: un code entreprise/travailleurs se réfère à toutes les conventions fondamentales; hôtellerie, tourisme et restauration: le seul code entreprise/travailleurs disponible mentionne les conventions nos 87 et 98.
47. Par exemple, l'ONUDI a mis au point une norme qui combine des normes de l'OIT et des critères de SA8000. Les indicateurs de performance sociale définis par cette norme pour les conditions de sécurité et de santé au travail, les pratiques non discriminatoires (qui tiennent compte des conventions nos 87 et 98 de l'OIT), le milieu de travail/communication, la durée du travail, les salaires et la formation/éducation/sensibilisation sont plus élevés que les normes de l'OIT et les critères de SA8000. Voir: Responding to global standards, op. cit., p. 37, tableau 2.
48. Une référence mise particulièrement en évidence dans une annexe au code de Ethical Trading Initiative indique que «la structure tripartite de l'OIT ... ainsi que la compétence technique de cette Organisation pour toutes les questions relatives au monde du travail font d'elle la source légitime des normes internationales du travail».
49. A l'exception d'une entreprise du secteur du textile, de l'habillement et de la chaussure: «Tous les travailleurs qui fabriquent des produits manufacturés vendus par KappAhl doivent bénéficier de salaires équitables et de conditions de travail décentes, conformément aux normes internationales du travail consacrées par les conventions de l'OIT nos 29, 87, 98, 100, 105, 111 et 138.» (Code of conduct: Labour relations of KappAhl).
50. C'est notamment le cas de Liz Clairbone et de Levi-Strauss. Le code de Reebok ne contient qu'une référence générale à des normes internationales relatives aux droits de l'homme.
51. Quatre codes mentionnent la convention no 111 de l'OIT: le code de KappAhl et trois codes hybrides (Ethique sur l'étiquette, Fair trade charter for garments, SA8000). Cinq des six codes qui renvoient à une loi nationale sont des sociétés des Etats-Unis; le sixième est un code type. La loi des Etats-Unis la plus souvent mentionnée, la Fair labor standards Act (loi sur les normes de travail équitables), n'a pas force exécutoire en dehors des Etats-Unis, conformément aux décisions de tribunaux de ce pays.
52. «Chacun a le droit d'être traité avec le respect dû à toute personne, indépendemment de son rôle et de ses caractéristiques individuelles.» (WMC Mining Company - Code of conduct).
53. Les Principes de Sullivan, qui prônent «l'abolition de toutes les lois d'apartheid en Afrique du Sud», s'appliquent à un champ qui va bien au-delà du lieu de travail.
54. «Les salariés ne doivent pas faire l'objet de discrimination en raison de caractéristiques ou de croyances personnelles.» (Jones Apparel Groupe - Business partner standards); «la conception de l'égalité varie naturellement d'une culture à l'autre et ce n'est pas l'affaire d'une société de gommer les différences. Toutefois, partout où elle déploie ses activités, SKF s'efforce de promouvoir l'égalité - entre les sexes, les générations, les nationalités, les races et les croyances. Nous considérons l'égalité non seulement comme un principe éthique, mais aussi comme une règle de travail garante d'efficacité. L'égalité favorise l'esprit d'équipe.» (SKF - Our views on ethics and morals).
55. Aux fins de la convention no 111, «le terme 'discrimination' comprend toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession» (art. 1 1) a)).
56. «Nous nous engageons pleinement à poursuivre une politique de non-discrimination dans l'emploi et à défendre la cause de l'égalité de chances en matière d'emploi et d'avancement...» (Reynolds Metals Company - Business conduct guide).
57. Il s'agit notamment des codes de l'entreprise KappAhl et de ceux de la campagne Ethique sur l'étiquette, de SA8000 et du Code international de conduite pour la production de fleurs coupées de l'UITA.
58. «Les enfants ne devraient pas être recrutés illégalement comme travailleurs ... Nous estimons que si des enfants travaillent, cela ne devrait pas être incompatible avec la scolarisation obligatoire.» (Starbucks - Statement of beliefs (Framework for a code of conduct)).
59. Dans une de ses déclarations de principes (Body Shop Declaration of compliance with code of practice), une entreprise fixe la limite d'âge à 14 ans, ou moins pour des travaux légers autorisés par la loi, mais dispose, dans une autre (Body Shop Trading Charter and Statement of human rights principles), que les enfants de plus de 12 ans «peuvent être autorisés à travailler à temps partiel s'ils vont encore à l'école». Les limites d'âge de 14 et 15 ans reflètent les dispositions de la convention no 138; en revanche, il n'est pas forcément tenu compte des conditions et garanties prévues par la convention.
60. «Sara Lee ne fera pas sciemment appel à des fournisseurs qui recrutent des travailleurs d'âge scolaire, tel que fixé par la législation applicable, ou qui n'ont pas atteint l'âge légal d'admission à l'emploi, dans quelque pays que ce soit. Sara Lee en aucun cas n'achètera de biens ni de services à des entreprises employant des travailleurs de moins de 15 ans.» (Sara Lee Corporation - Supplier selection guidelines).
61. «Il ne doit pas être recouru à de la main-d'œuvre enfantine. Seuls des travailleurs de 15 ans et plus, ou ayant dépassé l'âge de la scolarisation obligatoire, s'il est plus élevé, peuvent être recrutés (convention de l'OIT no 138). Il ne peut être dérogé à cette règle que si la législation nationale dispose autrement.» (Accord entre IKEA et la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB)).
62. Les sociétés membres et leurs sous-traitants sont tenus d'appliquer le principe selon lequel «il n'est pas recouru au travail forcé ni à la main-d'œuvre pénitentiaire, les travailleurs sont libres de partir une fois leur journée terminée...» (Conseil international des industries du jouet - Code of Business Practices); les vendeurs de K-Mart «doivent s'assurer qu'aucune marchandise n'est fabriquée, en totalité ou en partie, par de la main-d'œuvre travaillant sous la contrainte ou par des prisonniers» (K-Mart-Corporation Vendor agreement).
63. «La société Sara Lee ne traitera pas avec des fournisseurs de matières premières ou de produits finis ni avec des prestataires de services dont elle sait qu'ils recourent au travail forcé ou à la main-d'œuvre pénitentiaire.» (Sara Lee Corporation - Supplier selection guidelines).
64. «Columbia Sportswear ne conclura pas de contrat avec des fournisseurs ou des sous-traitants qui utilisent toute forme de travail forcé - pénitentiaire ou autre.» (Columbia Sports Wear - Company standards and business practice guidelines).
65. «Nous ne traiterons pas avec des entreprises qui recourent au travail forcé, y compris les prisonniers, ou avec des sociétés dont les sous-traitants font appel à ce type de main-d'œuvre. Nous n'achèterons pas non plus de matières premières à des sociétés qui recourent au travail forcé, y compris des prisonniers. Par ailleurs, nous ne conclurons aucune transaction avec des organisations qui infligent des châtiments corporels ou exercent toute forme de coercition.» (L.L. Bean Inc. - Code of conduct).
66. «Nous éviterons de nous approvisionner auprès de fabricants réputés utiliser la main-d'œuvre (par exemple la main-d'œuvre enfantine) dans des conditions non conformes aux règles et directives de l'OIT.» (Empire Stores Group-Redoute Group - Aims and ethics). Un code cite partiellement la définition du travail forcé qui figure dans la convention no 29 en omettant d'indiquer les types de travaux ne relevant pas du travail forcé énumérés à l'article 2. Voir SA8000.
67. Le code d'une association professionnelle dispose ce qui suit: «Les membres ne traiteront qu'avec des partenaires dont les travailleurs jouissent dans tous les cas ... du droit de liberté syndicale et ne font l'objet d'aucune forme d'exploitation.» (Athletic Footwear Association - Statement of guidelines on practices of business partners).
68. La société vise à «...promouvoir une culture d'entreprise qui favorise la créativité individuelle et l'esprit d'équipe, et qui se fonde sur la confiance mutuelle et le respect entre le personnel et la direction» (Toyota Motor Corporation Guiding Principles (révisé en 1997)).
69. Le code d'une société, dont semble-t-il un exemplaire figure sur chaque bureau, indique que la politique de l'entreprise est de «faire en sorte que les salariés ne ressentent pas le besoin d'être représentés par un syndicat ou autre tierce partie. Si les salariés choisissent - ou sont tenus par la loi - de se faire représenter par un syndicat, Caterpillar s'attachera à construire une saine relation entre la direction et le syndicat.» (Caterpillar - Code of worldwide business conduct and operating principles). Un autre code, moins favorable aux syndicats, dispose que: «La société n'encourage pas le personnel à se faire représenter par des syndicats, sauf si la loi ou la tradition l'exigent. Elle estime que les salariés sont les mieux placés pour parler directement de leurs problèmes à la direction.» (Sara Lee Knit Products - International operating principles).
70. «La direction encourage par des moyens légaux les salariés à continuer de ne pas se faire représenter par un syndicat, mais dans les cas où ils ont choisis de le faire, elle traitera de bonne foi avec le syndicat.» (suit une explication de la façon de se «comporter de bonne foi») (DuPont - Labour relation policies and principles).
71. Il s'agit notamment de codes hybrides entreprise/organisation de travailleurs, de quelques codes types et d'un code émanant d'une entreprise. En 1988, BSN, groupe de l'industrie des produits alimentaires et des boissons qui s'appelle maintenant Danone, a signé avec l'UITA une déclaration commune sur l'exercice du droit syndical, assortie d'une plate-forme d'application. Dans ce document, qui est probablement le premier code négocié conjointement avec des travailleurs, les deux parties annoncent leur intention de promouvoir «l'application du droit syndical défini par les conventions nos 87, 98 et 135 de l'OIT». En 1994, les parties se sont mises d'accord sur les moyens spécifiques de promouvoir les droits syndicaux, notamment par «un effort de formation et d'information économiques et sociales de tous les salariés concernés ainsi que de leurs représentants», les représentants étant définis par référence à l'article 3 de la convention no 135 de l'OIT (Déclaration commune UITA/BSN sur l'exercice du droit syndical, 25 mai 1994).
72. Un code (ALCAN Aluminium Ltd - Code of conduct) indique que la société «respecte le droit de ses salariés de négocier collectivement et de s'organiser légalement» (c'est nous qui soulignons); un autre (Hennes & Mauritz - Code of conduct) dispose que «tous les travailleurs sont libres de s'affilier aux organisations de leur choix et ont le droit de négocier collectivement. Nous n'acceptons aucune mesure disciplinaire prise par la fabrique à l'encontre de travailleurs qui choisissent de constituer une organisation ou de s'y affilier, pacifiquement et légalement.» (c'est nous qui soulignons).
73. Le code SA8000 (voir note 21) a été créé par un institut de recherche à but non lucratif, le Council on economic priorities. Il a été formulé par un groupe de travail composé principalement d'entreprises mais aussi d'ONG et de représentants des travailleurs. Il énonce la double obligation de l'entreprise de «respecter la législation, nationale et autre, applicable» et «les principes consacrés par les instruments suivants: conventions de l'OIT nos 29, 105, 87, 98, 100, 111, 135, 138, 155, 159, 177, ... Déclaration universelle des droits de l'homme, ... Convention relative aux droits de l'enfant. Dans la section consacrée à la liberté syndicale et à la négociation collective, le code dispose que «la société respectera le droit de l'ensemble du personnel de constituer des syndicats, d'adhérer aux syndicats de leur choix et de négocier collectivement; ... dans les cas où la liberté syndicale et la négociation collective sont limitées par la loi, elle s'engage à fournir au personnel des moyens parallèles d'exercer librement son droit d'association et de négociation collective...» (SA8000, sections II et IV, 4).
74. Certains invoquent à la fois la législation nationale et la norme de l'industrie. D'autres s'engagent à offrir des salaires correspondant aux dispositions nationales ou, s'ils sont plus élevés, aux salaires locaux. D'autres encore se réfèrent aux normes de l'industrie quand il n'existe pas de loi nationale sur les salaires.
75. «La rémunération doit être juste et adéquate...» (Johnson and Johnson - Our Credo). «Juste rémunération pour tous, d'un niveau raisonnable compte tenu de l'économie locale.» (Tesco - Towards a better world). «Les entreprises coréennes établies à l'étranger devraient s'efforcer de relever les salaires de leur personnel...» (Fédération des employeurs coréens - Déclaration de principes concernant la gestion des ressources humaines à l'intention des entreprises coréennes opérant à l'étranger).
76. «Le niveau des salaires et des prestations devrait permettre aux travailleurs de satisfaire leurs besoins fondamentaux.» (Starbucks - Statement of beliefs (Framework for a code of conduct)).
77. Les salaires devraient «permettre aux travailleurs et à leur famille de satisfaire leurs besoins fondamentaux dans toute la mesure possible et compte tenu des pratiques et conditions nationales» (Dayton Hudson Corporation - Standards of vendor engagement). Toutefois, «les distributeurs d'eau reconnaissent à leurs salariés le droit de percevoir un salaire juste et équitable, qui leur permettra, ainsi qu'à leur famille, d'avoir un logement et un niveau de vie décents et de contribuer au bien-être économique de la société dans laquelle ils vivent» (Internationale des services publics - Code international de conduite).
78. Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale, paragr. 34.
79. Ces dispositions sont conformes aussi à la convention (no 95) sur la protection du salaire, 1949. Les dispositions des codes engageant au respect de la législation nationale sur les salaires minima pourraient rappeler la convention (no 131) sur la fixation des salaires minima, 1970, et d'autres instruments pertinents adoptés par les pays qui l'ont ratifiée, sous réserve que les garanties prévues pour l'établissement des salaires minima soient respectées.
80. Par exemple, «de bonnes conditions de travail et de sécurité» (Shell Oil - Statement of general principles), «des lieux de travail sains et sans danger», (UNOCAL - Statement of principles: Code of conduct for doing business internationally).
81. «Un code exige des sous-traitants qu'ils prévoient des sorties de secours adéquates et bien visibles ainsi que des exercices d'évacuation du personnel, des équipements et des conditions garantissant la sécurité et la santé, des locaux aérés et bien éclairés, une assistance médicale appropriée en cas d'urgence, des cours d'instruction sanitaire et de formation aux premiers secours à l'intention de salariés spécialement désignés.» (Voir Conseil international des industries du jouet - Code of business practices.)
82. Des sociétés de l'industrie chimique membres de Responsible Care, par exemple, définissent certains aspects opérationnels de la politique de sécurité et de santé dans leurs codes ou dans des notices séparées les accompagnant: «La sécurité ... suppose un effort de tous les instants visant l'amélioration permanente des mesures conçues pour minimiser les risques.» (Degussa - Guiding principles for safety and environmental responsibility).
83. «Chaque établissement soutiendra cette politique en respectant la législation nationale applicable ainsi que la politique et les directives de la société telles qu'elles sont définies dans ses règlements relatifs à l'environnement, à la santé et à la sécurité, ses codes de conduite et ses orientations en matière de santé et de sécurité.» (Bristol-Myers Squibb Company - Standards of business conduct).
84. «La politique de la société est de respecter toutes les dispositions et réglementations légales applicables en matière de santé, de sécurité et d'environnement des pays dans lesquels elle opère. Au cas où il n'existe pas de législation en la matière ou faute de dispositions suffisantes, la société appliquera ses propres normes.» (Courtauld's - United States Code of conduct).
85. Les codes se réfèrent en général à la convention no 155. Le Code international de conduite pour la production de fleurs coupées, adopté par l'UITA, des syndicats et des ONG, mentionne les conventions nos 170 et 110.
86. Voir, par exemple, G. van Liemt, op. cit.
87. Département du Travail des Etats-Unis, Codes of conduct, op. cit. Il semble que les gouvernements hôtes connaissent plus ou moins bien, selon les cas, les codes applicables aux fournisseurs opérant dans leur pays.
88. Pour une analyse historique des pratiques d'évaluation de l'impact social des activités des entreprises, voir S. Zadek, P. Pruzan et R. Evans: Building corporate accountability: Emerging practices in social and ethical accounting, auditing and reporting (Earthscan, 1997).
89. Aux fins du présent document, l'expression «comptabilité sociale» signifie contrôle interne et évaluation de la performance de l'entreprise en fonction de certains critères spécifiques, et compte rendu des résultats; par «audit social» il faut entendre vérification externe de l'application correcte et complète des procédures internes; l'expression «inspection sociale» signifie contrôle externe indépendant et évaluation de la performance de l'entreprise, et compte rendu des résultats. L'«accréditation» consiste à déterminer la compétence des inspecteurs ou contrôleurs et la «certification» à déterminer la mesure dans laquelle une entreprise respecte des normes spécifiques.
90. En 1997, le Conseil international des industries du jouet a révisé son Code of business practices de 1996, auquel il a joint en annexes une méthodologie d'évaluation de l'application, une liste de contrôle détaillée et un plan d'action corrective. Le Council on economic priorities a préparé un document d'orientation (Guidance document for SA8000) disponible sur Internet: <http://www.cepaa.org>.
91. Le gouvernement canadien a publié douze principes pour l'application effective des codes, voir C. Forcese, no 1, op. cit., note 35: Responsabilité sociale de l'entreprise, huit principes de qualité de l'Institut de responsabilité sociale et éthique (Business for social responsibility, eight principles of quality of the Institute for Social and Ethical Accountability).
92. Voir Cadre pour l'évaluation de la performance sociale dans l'industrie, Responding to global standards, op. cit., tableau 2.
93. Dans son code (Vendor and subcontractor code), la British Toy and Hobby Association se déclare contre les inspections sur les sites à l'étranger, jugeant que c'est avant tout une prérogative des pouvoirs publics.
94. M. Lefebvre et J. Singh: «The content and focus of Canadian corporate codes of ethics», Journal of Business Ethics (1992), vol. 11, p. 807 (environ 70 pour cent des codes canadiens étudiés ont cette caractéristique).
95. Par exemple, codes de pratique de l'industrie chimique et programme de Gestion responsable, de Distribution responsable et de Gestion des revêtements.
96. Voir, par exemple, BIT: Successful health and safety management (Série Sécurité et santé, 1997).
97. Département du Travail des Etats-Unis: Codes of conduct, op. cit. L'étude montre que, dans le secteur du vêtement, les détaillants peuvent concentrer les contrôles internes sur les conditions de production de marchandises à label privé ou sur les marques vendues exclusivement dans leurs magasins, lorsque l'image de marque est jugée particulièrement importante.
98. C'est le cas par exemple de l'International Water Industry Council de l'ISP, (Code de conduite pour l'eau de l'ISP), et des Australian Homeworkers Code Councils prévus par le Code de pratique pour les travailleurs à domicile, qui s'applique au secteur domestique du textile, de l'habillement et de la chaussure en Australie.
99. Voir, par exemple, Principes de Sullivan: «Questionnaire relatif à la Déclaration de principes», et Conseil international des industries du jouet, annexes I et II du code (liste de contrôle et méthode d'évaluation de la conformité). Une étude signale que 27 pour cent seulement des sociétés examinées ont une liste standard de questions destinées à l'audit, et 24 pour cent seulement ont des programmes de formation des travailleurs aux principes de l'audit. CEP SCREEN, op. cit.
100. J. Elkington: Profits and principles (Shell Oil, 1998), projet de recherche appliquée associant Shell et Sustainability.
101. Les labels portent des symboles - logo, marque commerciale, et parfois légende - qui visent à différencier le produit ou l'entreprise. Si le label n'a pas de texte, sa signification doit s'exprimer d'une autre manière.
102. Par conditions sociales, il faut entendre l'impact des procédés de production ou de prestation de service sur les parties intéressées, travailleurs, population locale, fournisseurs, sous-traitants.
103. Sont aussi évoqués les labels syndicaux (qui existent sous diverses formes depuis le début du siècle), les labels relatifs à l'expérimentation animale ainsi que les écolabels en virgueur depuis une vingtaine d'années. Pour plus d'informations sur ces derniers, voir A. Appleton: Environmental labelling programmes: International trade law implications (Kluwer, 1998) et E. Staffin: «Trade barrier or trade boon? A critical evaluation of environmental labelling and its role in the «greening» of world trade», dans Columbia Journal of Environmental Law, vol. 21, p. 205 (1996).
104. Aucune documentation n'a pu être obtenue concernant certains aspects intéressants de ces programmes, par exemple la protection des droits d'auteur applicables aux labels aux niveaux national et international et les sanctions en cas de non-respect.
105. Voir By the sweat and toil of children, op. cit., pp. 109-114 (analyse des labels de Dunkin Donuts, K-Mart, Spalding Sports, Worldwide, American Challenge, American Soccer Company, etc.).
106. Une entreprise qui bénéficie d'un «label de marque» ne verra probablement pas l'utilité d'un label social indépendant qu'elle partagerait avec d'autres entreprises. «Notre meilleur label social est notre marque» a déclaré Alan Christie, de Levi-Strauss, à une réunion conjointe Union européenne-Etats-Unis sur les normes du travail organisée à Bruxelles en février 1998. Lorsqu'une société a une bonne image de marque, l'utilisation d'un label peut susciter une baisse de confiance des consommateurs ou demander une modification des pratiques établies. Label indépendant et marque peuvent figurer sur le même produit, comme c'est le cas des produits labellisés commerce équitable qui sont vendus sous le nom de Cafédirect et Max Havelaar.
107. Les codes de conduite applicables aux détenteurs de la licence qui fabriquent des produits portant la marque de ces universités prévoient des mesures de réinsertion des enfants astreints au travail, le contrôle indépendant des fabriques et la publication des résultats des contrôles. Ils précisent qu'il peut être mis fin aux contrats lorsque ces conditions ne sont pas remplies.
108. Il existe des exceptions notables, parmi lesquelles les programmes de la Fondation Abrinq (services domestiques au Brésil), le code de conduite applicable aux travailleurs à domicile du secteur mixte du textile en Australie et des labels syndicaux aux Etats-Unis.
109. S. Zadek et collaborateurs: Social labels: Civil action through the market (New Economics Foundation for the European Commission, à paraître, 1998).
110. STEP, programme établi conjointement par une association professionnelle et cinq ONG suisses, vise presque tout le registre des conditions de travail, y compris le niveau des salaires et la sécurité et la santé. Voir annexe.
111. Les syndicats actifs dans les plantations de thé et de banane ou dans la distribution, le conditionnement ou le commerce de détail considèrent que le label commerce équitable est un moyen d'améliorer la condition des travailleurs du secteur agricole.
112. Voir l'étude de J. Hilowitz: Labelling child labour products: A preliminary study (BIT, Genève, 1997), examinée par le Groupe de travail sur la dimension sociale de la libéralisation du commerce international à sa dernière session, et autres études fondées sur des monographies, des enquêtes et des recherches sur le terrain: D. Haas: Mit Sozialklauseln gegen Kinderarbeit? Das Beispiel der indischen Teppichproduktion (Berliner Studien zur Internationalen Politik, 4/1998); S. Zadek et col.: Social labels: Civil action through the market (New Economics Foundation for the European Commission, à paraître, 1998 - étude de documents, questionnaires, enquêtes); Département du travail des Etats-Unis: By the sweat and toil of children, Vol. IV: Consumer labels and child labor (1997 - enquêtes non-aléatoires, visites de sites dans huit pays, audiences publiques, contacts); Open trading (New Economics Foundation et Catholic Institute for International Relations, 1997); M.A. Dickson: Socially responsible consumer behavior in the apparel marketing system: résultats préliminaires d'une enquête (Université d'Etat de l'Ohio, Department of Consumer and Textile Sciences, 1996); Garment workers study (Université Marymount, Center for Ethical Concerns, 1996).
113. Beaucoup d'organisations intergouvernementales ont mené des études et des programmes sur les effets des écolabels sur le commerce, et ont adopté des directives sur les systèmes d'éco-étiquetage, notamment: la Commission du Codex alimentarius (label de produits alimentaires organiques), le Centre du commerce international (incidence des écolabels sur la production de textiles et de vêtements des pays en développement), l'OCDE, la CNUCED et le PNUE (réunions de groupes d'experts sur l'éco-étiquetage et les normes environnementales et promotions de directives internationales régissant l'éco-étiquetage en vue de prévenir les obstacles non nécessaires au commerce international), ONUDI (programmes de coopération technique visant à aider les pays en développement à élaborer des normes et à procéder aux ajustements leur permettant de satisfaire aux conditions convenues au niveau international; enquêtes sur l'incidence des écolabels sur l'accès au marché des pays en développement; avis sur les possibilités d'harmonisation des normes). Voir Organisation mondiale du commerce, Commission du commerce et de l'environnement: Eco-étiquetage: tour d'horizon des travaux en cours dans diverses instances internationales, Note du secrétariat, document WT/CTE/W/45 (1997).
114. A. Appleton: Environmental labelling programmes, op. cit., voir note 103 ci-dessus.
115. On manque de données suffisantes pour déterminer l'impact des programmes d'étiquetage. L'analyse ci-après s'inspire principalement de cas examinés dans les études citées à la note 112 ci-dessus. Le Bureau international du Travail prépare une étude consacrée aux effets des labels de non-utilisation de main-d'œuvre enfantine sur les enfants concernés. Voir section VI.
116. Zadek et col., op. cit., figure 6, p. 31.
117. A. Mattoo et H. Singh: «Ecolabelling: Policy considerations», KYKLOS, vol. 47 (1994).
118. A. Appleton, op. cit., note 103.
119. Le Comité technique 207 de l'ISO sur le management environnemental distingue trois catégories de label écologique, qui s'adressent à des acteurs et à des besoins différents. L'Organisation élabore actuellement cinq normes. Il s'agit des normes ISO 14020-14024: principes généraux (14020); autodéclarations (14021-14023: définitions et usages des termes, symboles, méthodologies d'essai et de vérification); principes directeurs, pratiques et procédures de certification de programmes de critères multiples (14024, type I). Quatre autres normes sont mises au point par un sous-comité (ISO 14040-14043). Elles établissent les principes et les lignes directrices à respecter pour évaluer «l'impact environnemental tout au long de la durée de vie d'un produit, depuis l'acquisition de la matière première jusqu'à la production, l'utilisation et l'élimination».
120. Ainsi que l'a déclaré le chef d'une grande entreprise contacté au cours de l'enquête: «La plupart de ces déclarations [de non-utilisation de main-d'œuvre enfantine] sont mensongères ... Si seulement quelqu'un, au BIT ou ailleurs, pouvait leur mettre le nez dedans ...».
121. Ce n'est pas notre propos, dans le présent document, de déterminer si les programmes volontaires d'étiquetage social sont des «normes» au sens du Code de pratique. Ce code n'est pas censé s'appliquer aux labels portant sur des procédés et méthodes de production qui n'ont pas d'incidence sur le produit final. (Voir discussion générale au paragr. 23, section II.2).
122. Voir par exemple, article 4 de l'annexe I de l'Accord sur les obstacles techniques au commerce ("Organisme ou système international:: organisme ou système ouvert aux organismes compétents d'au moins tous les membres") et le Répertoire ISO/CEI des organismes internationaux à activités normatives (citant l'OIT et les normes spécifiées). Voir aussi OMC: Effets de restriction des échanges des normes, règlements techniques et procédures d'évaluation de la conformité, doc. G/TBT/W/42, 28 avril 1997, section IV.
123. La notion d'«investissement communautaire», dans laquelle les programmes d'investissement sélectionnent les titres des institutions financières communautaires en vue d'appuyer les initiatives liées au développement communautaire, dépasse le propos du présent document. Voir Social Investment Forum: 1997 Report on Responsible Investing Trends in the United States, 1997, s.I, que l'on peut consulter sur Internet <http://www.socialinvest.org/InvSRItrends.htm>.
124. Les résolutions d'actionnaires, qui ont un caractère officiel et généralement non contraignant, sont des demandes ou des recommandations à la direction qui, en vertu de la réglementation régissant les droits des actionnaires, font l'objet d'un scrutin par procuration et sont votées par l'ensemble des actionnaires, de pair avec les autres questions soumises par la direction.
125. V.A. Zondorak: «A new face in corporate environmental responsibility: The Valdez Principles», Environmental Affairs, vol. 18:423, pp. 457-500, note 109 de la page 477.
126. L'investissement éthique a dans ce pays des racines profondes qui remontent à la fin du XVIIIe siècle, époque où, en raison de leurs convictions religieuses, certains hommes d'affaires décidèrent de ne pas placer leur argent dans les entreprises liées à l'alcool, au jeu et au tabac. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, il est réapparu aux Etats-Unis comme moyen d'exercer une pression économique sur le gouvernement sud-africain en vue de mettre fin à l'apartheid.
127. Voir N. Smith: Ethical investment: A four-stage model et différentes recherches empiriques, pour BUS 3800 à l'université du Middlesex, 1996, <http://www.avnet.co.uk/nicksmith/ethical/investment>, section «The history of ethical investment». Voir également ADME: «Investissement socialement responsable», <http://www.globenet.org/adome/invest.html>.
128. Voir J. Conrads: Geldanlage mit sozialer Verantwortung (Wiesbaden, Gabler Verlag, 1994), préface, citée sur le site Internet <http://www.vpage.de/shop/green-money/buche.html>. Voir également la page «Global Social and Ethical Investing, Consuming and Business» sur le site Internet <http://www.goodmoney.com/dirfrgn_index.htm>.
129. Selon une étude récemment publiée par un organisme à but non lucratif, le Social Investment Forum, les sommes gérées par l'investissement éthique sous une forme ou sous une autre sont estimées à un billion de dollars, dont 529 milliards sont placés dans des portefeuilles faisant l'objet d'une sélection sociale, parmi lesquels des fonds mutuels. Ce chiffre représente une progression de 227 pour cent de ce type de portefeuille pour la période de 1995 à 1997, soit beaucoup plus que le reste du marché. Une part de ce total équivalant à 96 millions de dollars est placée dans des fonds mutuels sélectifs, dont le nombre a presque triplé de 1995 à 1997, passant de 55 à 144 (voir Social Investment Forum: 1997 Report on responsible investing trends in the United States, 1997, s.I. Ce rapport peut être consulté sur le site Internet du Forum: <http://www.socialinvest.org/InvSRItrends.htm>).
130. Voir par exemple Cowan v. Scargill (1985), I Ch. 270 (Cowan) à 287 (Royaume-Uni); M. O'Brien Hylton: «Socially responsible' investing: Doing good versus doing well in an inefficient market», 42, dans American University Law Review (1992), 2, 37-45; A. Leigh: «Caveat investor': The ethical investment of superannuation in Australia», 25, dans Australian Business Law Review (oct. 1997), 341 (Australie).
131. Voir M. O'Brien Hylton, op. cit. Voir aussi N. Dunnan: «Doing well by doing good: Investment funds satisfy goals and social concerns», dans ABA Journal (août 1996), p. 96; J.K. Glassman: «Ethical stocks don't have to be downers», The Washington Post (23 avril 1995), p. H01.
132. Les autres critères de sélection vont du tabac, de l'alcool et du jeu à l'environnement et à la protection des animaux. Voir Social Investment Forum, op. cit., s.II; et Co-op America: Socially responsible mutual fund screens, que l'on peut consulter sur le site Internet de l'Organisation: <http://www.coopamerica.org/mfsc.htm>.
133. Pour les Etats-Unis, on peut citer Kinder, Lydenberg et Domini (KLD), connu surtout pour son Domini 400 Social Index (DSI), indice à sélection sociale et à pondération selon le capital de 400 titres courants suivant le modèle de l'indice boursier S & P 500; il y a lieu de citer également le Social Investment Forum. Au Royaume-Uni, il faut citer le Ethical Investment Research and Information Service (EIRIS) et le United Kingdom Social Investment Forum.
134. Il arrive exceptionnellement que certains grands fonds à sélection sociale s'engagent activement dans leur rôle d'actionnaire, ouvrent un dialogue avec les entreprises dans lesquelles ils investissent au sujet des questions de travail et des questions connexes et appuient les propositions des actionnaires sur ces questions tout en se réservant en dernier recours la possibilité de désinvestir. Ainsi en va-t-il, par exemple, du Calvert Group, Ltd. et de la Franklin Research & Development Corporation. Voir pour la première de ces deux institutions Calvert Group Ltd.: Understanding the shareholder resolution and proxy voting process, <http://www.calvertgroup.com/sr/proxy/proxy.htm>.
135. Le nombre de résolutions présentées par les actionnaires différe selon les pays: plus de 650 aux Etats-Unis; 54 au Japon; 39 en Allemagne; 4 au Royaume-Uni (13 en 1995); 5 en Suède; 3 au Canada; 2 au Danemark; 1 en France, en Suisse, en Irlande et en Norvège (voir IRRC: «Shareholder action advances worldwide: Investors placed a broader range of topics on more non-US ballots in the 1996 global proxy voting season», communiqué de presse, 29 juillet 1996, <http://www.irrc.org/whats-new/shareholder.html>, et «IRRC finds shareholder activism at record levels around the world», communiqué de presse de 1996 de l'IRRC, <http://www.halcyon.com./erics/irrc96.htm>.
136. C. Forcese: Commerce et Conscience: Droits humains et Codes de conduite des entreprises (Québec, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, 1997), p. 65.
137. Voir J. Tagliabue: «Compliments of US investors; New activism shakes Europe's markets», New York Times, 25 avril 1998; J.A. Schneider: «Le droit de l'actionnaire de proposer une résolution au vote de l'Assemblée générale», à paraître dans Aktuelle juristische Praxis AJP/Pratique juridique actuelle PJA, s. A, paragr. 4 et s. D, paragr. 16.
138. Voir J.C. Wilcox: «Can 'relational investing' really work?», repris de The New York Law Journal, 1993,
139. Ces deux secteurs représentent respectivement un cinquième des entreprises visées. Le premier comprend des sociétés comme Texaco, Unocal, Chevron, Mobil, Exxon et ARCO; le second, des entreprises comme Nike, Disney, Philips-Van Heusen, Mattel, etc. (voir ibid.).
140. Par exemple BASF, Bayer, Hoechst, Merck et Schering (voir Dachverband der Kritischen Aktionärinnen und Aktionäre: Kritische Aktionärinnen und Aktionäre bei... <http://ourworld.compuserve.com/homepages/Critical-Shareholders/kasbei.htm>
141. Voir M.A. O'Connor, loc. cit., p. 1347. Exceptionnellement, le Syndicat des travailleurs des métiers et des industries de la couture et du textile (UNITE), agissant conjointement avec des militants des droits du travail, a mené simultanément une campagne publicitaire et une campagne d'actionnaires auprès d'entreprises comme Gap, Disney, Nike, Wal-Mart, Philips-Van Heusen et Guess (voir P. Varley (ouvrage publié sous la direction de):The sweatshop quandary: Corporate responsibility on the global frontier (Washington, DC, IRRC, 1998), p. 18).
142. Résolutions déposées auprès de Mobil (1998) et de Chevron (1997 et 1998) pour demander des directives en ce qui concerne la sélection des pays et la communication de rapports sur les affaires de l'entreprise au Nigéria, dans ICCR: The proxy resolution book (1997), p. 75 (1998), pp. 74-75.
143. Aux Etats-Unis, sur plus de 650 résolutions d'actionnaires répertoriées en 1995 par le Investor Responsibility Research Centre (IRRC), 50 seulement sont liées aux questions internationales du travail (voir Varley, op. cit., liste des résolutions aux pp. 27-29).
144. Un accord tendant à retirer le projet de résolution est conclu dans un tiers environ des cas aux Etats-Unis. Il arrive aussi que la direction de l'entreprise s'appuie sur des motifs juridiques pour ne pas soumettre la proposition au scrutin par procuration ou que cette proposition soit votée. En raison pour une part de la nature du vote par procuration des actionnaires, les résolutions n'obtiennent jamais la majorité des voix. Les propositions portant sur des questions sociales obtiennent rarement plus de 15 pour cent des voix et fréquemment moins de 10 pour cent (voir Varley, op. cit., p. 18. Exceptionnellement, une résolution présentée en 1996 auprès de l'entreprise de fabrication et de vente au détail J.C. Penney, qui visait à obtenir un rapport sur les normes de travail observées par les fournisseurs étrangers a reçu l'appui de la direction et a obtenu 87 pour cent des voix (voir ibid., tableau figurant à la page 28).)
145. Par exemple, les programmes relatifs au monde de l'entreprise et à la société ainsi que la contribution de Jane Nelson intitulée Building competitiveness and communities, Prince of Wales Business Leaders Forum (Genève, 24 sept. 1998) (INST); il y a lieu de mentionner également les ateliers dont il est question dans diverses publications comme le Manuel de Balance Social (BIT et CONFIEP, Pérou, 1997).
146. Le Programme d'action conjoint, qui regroupe des représentants du monde de l'entreprise et des organismes et entités de l'ONU à l'Ecole des cadres des Nations Unies, située au Centre de Turin de l'OIT, mène des programmes d'action pratiques à caractère coopératif dans le cadre d'ENTREPRISE, d'ACT/EMP et d'autres éléments du système des Nations Unies.
147. Parmi les partenariats industrie/gouvernement figurent diverses initiatives importantes de SECTOR, parmi lesquelles une série de recueils de directives pratiques portant sur la santé et la sécurité dans le secteur forestier, élaborés et mis en œuvre sur une base tripartite. Ces projets portent sur le Brésil, le Chili, Fiji, la Finlande, la Lettonie, l'Uruguay et le Zimbabwe; par ailleurs, un document de travail de SECTOR, rédigé par P. Blombäck et intitulé Codes of forest practices: A guide to formulation, implementation and monitoring, est en préparation. Dans le secteur du pétrole et du gaz, une réunion tripartite consacrée aux installations pétrolières en mer a adopté en 1993 des conclusions visant à favoriser l'autoréglementation de la gestion de la sécurité. Voir le Rapport final de la Réunion tripartite sur la sécurité du travail dans les installations pétrolières en mer et questions connexes, Genève, 20-28 avril 1993, paragr. 5, 6, 12, dans le document TMOPI/1993/9. La coopération menée par l'OIT avec les organisations d'employeurs et de travailleurs de l'industrie pétrolière pour promouvoir ses conclusions comprend la participation à des conférences internationales sur la sécurité, la santé et l'environnement dans le secteur de l'exploration et de la production pétrolières et gazières. Dans le secteur du textile, du vêtement et de la chaussure, des ateliers visant à débattre des codes de conduite nationaux (Indonésie, Philippines, Sri Lanka et Thaïlande) ont été organisés pour assurer le suivi des conclusions adoptées par une réunion tripartite en 1996. Voir la Note sur les travaux de la Réunion tripartite sur la mondialisation des industries de la chaussure, des textiles et du vêtement: incidences sur l'emploi et les conditions de travail, Genève, 28 octobre-1er novembre 1996, paragr. 14 du document TMFTC/1996/11.
148. TRAVAIL et son Programme international pour l'abolition du travail des enfants (IPEC) supervisent la fourniture d'une formation spécialisée aux gouvernements pour les aider à élaborer une réglementation relative au travail des enfants et à assurer une inspection dans ce domaine (des projets sont ainsi menés, par exemple, en Indonésie, au Pakistan, aux Philippines, en Thaïlande et en Turquie). Par ailleurs, le département coordonne la Réunion tripartite d'experts sur l'inspection du travail et le travail des enfants, qui se tiendra en 1999; cette réunion appellera l'attention sur le rôle critique des inspecteurs du travail dans la lutte contre le travail des enfants, recensera les pratiques et méthodes optimales et facilitera le partage d'expériences en ce domaine. TRAVAIL s'occupe également des recueils de directives pratiques tripartites relatifs à la sécurité et à la santé professionnelles et des guides et manuels portant sur les méthodes de l'inspection du travail en matière de normes de sécurité et de santé. Voir ci-dessus la section II.2.
149. Recommandation concernant les conditions générales pour stimuler la création d'emplois dans les petites et moyennes entreprises, adoptée par la CIT, 86e session, Genève, 17 juin 1998.
150. Procédure d'examen des différends concernant l'application de la Déclaration de principes tripartite concernant les entreprises multinationales et la politique sociale par l'interprétation de ses dispositions, Bulletin officiel (Genève, BIT), 1986, vol. LXIX, série A, no 3, pp. 220-221, qui remplace la version originale adoptée en 1980 par le Conseil d'administration.
151. Ainsi, la norme dite SA 8000, évoquée dans les sections II.3 et III, se réfère expressément aux normes de l'OIT non sans parfois en altérer la portée (en ce qui concerne la liberté syndicale notamment, voir ci-dessus, section III) en même temps qu'elle semble renvoyer d'une manière qui n'est sans doute pas fortuite au système ISO.
152. Dans le rapport de l'ONUDI cité à la section II.2, on peut lire: «Dans le cas des entreprises exportatrices, la volonté des grands acheteurs internationaux, telle qu'elle se reflète dans leurs codes d'éthique, a davantage d'effet sur la performance sociale et environnementale que les directives d'organisations internationales telles que l'OIT, la Banque mondiale ou l'OMS ... car le respect de ces codes leur permet de mieux exploiter les possibilités commerciales résultant de la demande de biens produits dans des conditions compatibles avec le développement durable.»
153. Voir Programme des activités sectorielles 2000-2001, doc. GB.273/STM/1.
154. Tel était, on s'en souviendra, le sens de la solution évoquée dans le rapport du Directeur général à la Conférence de 1997; elle visait à permettre aux Etats d'établir et de reconnaître mutuellement un système de label sur la base d'une convention de manière à mobiliser dans une perspective cohérente et de stricte réciprocité le soutien du public au service de l'application des conventions.